Jean-Hubert BONDO

Ce 4 février-là mourait Gilles Obringer animateur de Rfi.

Je me rappelle encore cette belle voix de Gilles Obringer sur Rfi. Je l’entend résonner dans mes oreilles. Cette voix extraordinaire s’est malheureusement éteinte le 4 février 1995. Aujourd’hui jour pour jour ça fait 20 ans et je peux encore lui rendre un hommage mérité, fut-ce á titre posthume. Comprenez ma nostalgie !

Toujours souriant, Gilles Obringer animait l’émission « Canal tropical » à partir de 19 h 3′ temps universel chaque semaine du lundi au vendredi. C’était une émission de musique métisse internationale qui conciliait pêle-mêle la musique  africaine et celle des Caraïbes.

Il y avait plein d’infos et de divertissements dans cette émission. Infos sur la vie des artistes, sur les nouveaux albums dans le bac, sur les programmes des concerts et des tournées des chanteurs…

Tellement que j’écoutais cette émission, je connaissais déjà par coeur les noms des réalisateurs de Gilles Obringer. Parmi eux il citait souvent Olivier Raoul …

A l’époque à la rédaction il y avait des voix comme celles de Johanne Sutton, Jean Hélène… des voix que malheureusement je n’entend plus aujourd’hui.

Gilles Obringer a énormément contribué à faire connaître au monde la musique de mon pays, celle que l’on appelle la rumba congolaise. Celle que l’on danse le soir dans les Nganda de Kinshasa et de Brazzaville. La génération de musiciens du célèbre groupe Wenge Musica, mais aussi Papa Wemba, Koffi Olomide, King Kester Emeneya et bien d’autres chanteurs congolais doivent beaucoup à Gilles Obringer . C’est lui qui les a sortis de l’anonymat sur le plan international.

Après la mort de Gilles Obringer, l’émission Canal tropical a cédé la place à Couleur tropicale qu’anime aujourd’hui Claudy Siar.


Marche « pacifique » de l’opposition

               Manifestants et police

C’est comme si le mot « pacifique » chez-nous n’a plus le sens que vous connaissez en français.

Quand on dit  » marche pacifique «  en Rdc ça signifie une marche où il y a tout sauf le calme et la paix. Ainsi dans ce sens congolais du terme, la police est pacifique, les manifestants aussi… Personne n’accepte qu’il est violent.

Lors de récentes manifestations contre la modification de la loi électorale à Kinshasa, la police a tiré pacifiquement à balle réelle faisant 12 morts selon le gouvernement, 42 selon l’opposition et les des défenseurs des droits de l’homme. Ils sont morts pacifiquement -les pauvres.

Savez-vous que les sms et l’internet mobile nous sont encore coupés –pacifiquement -jusqu’à présent.

D’autre part, les militants de l’opposition ont marché dans la rue en incendiant pacifiquement des voitures et en pillant les biens de l’Etat et les magasins des ressortissants chinois.

Ne sachant plus sur quel pied danser dans cette affaire, l’Assemblée nationale a finalement supprimé l’alinéa pacifique qui énervait l’article 8 de la loi électorale.

Je posai alors à un policier la question de savoir pourquoi avoir tué tant  de personnes, alors que les manifestations étaient pacifiques. Le policier me remonta d’abord du regard des pieds à la tête et dit: « demandez á l’océan pacifique combien de navires et de nageurs il a déjà avalés pacifiquement ! « 

Le policier disait cela en me montrant sa blessure causée par les pierres lancées par les manifestants. C’est ça pacifique? me lança-t-il en colère.  » Des flics comme moi sont morts aussi dans ces marches que vous appelez pacifiques, » ajouta-t-il avant de me de me chasser de là.

Chez-moi à Mbuji-Mayi, 12 jeunes militants de l’opposition ont été arrêtés pacifiquement par la police, avant d’être relâchés mardi 27 janvier 2015. Ils s’apprêtaient eux aussi à manifester pacifiquement contre la modification de la loi électorale. Seulement voila, en plus du calicot de leur parti UDPS, ils avaient sur eux pacifiquement une arme de guerre, 2 cocktails molotov, une bonne quantité de chanvre et 6 pneus à brûler sur les grandes artères de la ville ! Ces jeunes gens avaient l’air drogués. Le responsable local de l’UDPS a reconnu pacifiquement qu’ils sont bel et bien membres de son parti.

Pacifiquement, les journalistes les ont filmés à l’état major de la police locale. Certains policiers enviaient ce chanvre et ils en ont soutiré subrepticement une partie qu’ils sont allés fumer le jour même. Ni vus ni su. Ça s’est passé pacifiquement.


Le système de santé en Rdc: un casse-tête

                    HOPITAL DE KINSHASA

Mon père me disait qu’il y a environ 4 ou 5 décennies, les hôpitaux congolais avaient bonne réputation en Afrique.

Les gens venaient même d’Afrique du Sud se faire soigner à Kinshasa ou à Lubumbashi.  Mais ce n’est plus le cas: les choses ont changé dans le mauvais sens et c’est désormais les congolais qui vont à l’étranger.

Aujourd’hui si vous êtes gravement malade, evitez de venir chercher la guérison en Rdc.  Mais si néanmoins vous décidez de venir, il faut serrer la ceinture et c’est à vos risques et péril.

Nos propres autorités connaissent bien cela et elles se font soigner elles-mêmes à l’étranger : en Suisse, en Inde et aux États-Unis.

Certes nous avons de bons médecins au Congo, mais notre système de santé est fait pour les courageux comme nous. D’abord nos hôpitaux connaissent des delestages souvent pendant que l’opération chirurgicale est en cours. Le groupe électrogène de secours n’a pas de carburant depuis 3 mois.

Je garde un très mauvais souvenir des hopitaux de chez-nous. Un jour, mon mon père était gravement malade, et venait de se faire admettre à l’hôpital. Le lendemain les infirmiers entraient en grêve illimitée. Ils étaient impayés et leurs primes de risques avaient été détournées. Mon père avait besoin d’une transfusion sanguine, mais les banques de sang étaient vides. Mon père mourut !

Notre système de santé est tel que quand le médecin vous prescrit un produit pharmaceutique, le produit est introuvable en ville, dans la province et dans tout le pays. La pharmacie de l’hopital manque même un sparadrap. Tout ce que vous pouvez trouver facilement ce sont des médicaments de contrefaçon. Les vrais médicaments si jamais vous les trouvez ça vous coûte les yeux de la tête. Conséquence: les meilleurs soins de santé chez-nous c’est l’apanage de plus riches. Tant pis pour les pauvres !

En Europe vous avez des dizaines de spécialistes de telle ou telle maladie. Chez-nous pour trouver un spécialiste il faut parcourir des milliers de kilomètres et  vous ne le trouvez même pas. Vous allez à Kisangani on vous dit que le spécialiste est à Goma; vous arrivez à Goma on vous dit qu’il est à Mbandaka. Et si vous ne faites pas attention, vous mourez en route à la recherche d’un spécialiste de votre maladie.

Non pas que le pays manque de spécialistes: il y a des spécialistes en RDC, mais ils ont tous émigré à l’étranger à la recherche d’un bon salaire et de bonnes conditions de travail.

Représentez-vous un centre de santé , peint la dernière fois il y a 15 ans; les malades y meurent plus qu’ils ne guérissent! Et ils se demandent quel est l’intérêt d’aller à l’l’hôpital. Beaucoup préfèrent aller à l’église se faire imposer les mains par le pasteur; d’autres encore plus nombreux font de l’automédication ou recourent à la médecine traditionnelle.


Le vélo: un véritable cargo à 2 roues dans mon village

      Le vélo en Afrique Photo: Gerald Henzinger

Si en Occident le vélo ne sert qu’au sport et au loisir, chez-nous le vélo est une véritable richesse qui nourrit toute une province.

Dans mon village, le vélo est un bien commercial. Mieux, une entreprise, un investissement rentable . Utilisé seul ou mis en location, le vélo produit toujours de l’argent. Une famille qui dispose d’un vélo est vraiment respectée et son standing de vie est différent.

Tel un bœuf qui tire la charrue, le vélo sert à porter de très lourdes charges que l’on ne peut porter sur la tête. Le vélo est donc le véhicule des pauvres.

Les femmes le montent, les enfants le montent, les vieux le montent. C’est le cheval de chez-nous. Il ne pollue pas l’environnement et ne fait pas d’accident, comme les motos et les véhicules.

Les jeunes filles pédalent doucement et majestueusement pour aller au marché du village et y amener des bidons d’huile de palme, attachés au porte-bagage. Mais les hommes se déplacent en caravane, sur des distances allant jusqu’à 600 km, à pied en poussant des vélos surchargés de marchandises, faisant 2 à 3 semaines de voyage sur la route. Souvent ils sont à la merci des coupeurs des routes.

Et je vous dis qu’il vous faut avoir des biceps pour pousser le vélo de chez nous, car il transporte des tonnes de marchandises ligotées.

La plupart de nos villages sont en brousse ou en forêt. En lieu et place des routes, ils n’ont que des sentiers. Les véhicules n’y accèdent pas. C’est donc le vélo qui relie les villages les uns aux autres, et les villages aux villes.

Quand je dis vélo, ce n’est pas ce que vous avez en Occident – de belles bicyclettes tout juste sorties de l’usine. Chez nous, le vélo le plus jeune a 30 ans d’âge. C’est un tas de ferrailles rouillées dont toutes les parties ont été modifiées pour être adaptées à la surcharge et aux conditions de la route. Le guidon est modifié, le porte-bagage modifié, la selle modifiée.

Si le vélo de chez nous vous blesse avec sa rouille, même un bobo, vous aurez un tétanos inguérissable!

A Mbujimayi, les statistiques indiquent que près de 4 mille vélos approvisionnent chaque jour la ville en produits de première nécessité tels que le maïs, le manioc, les légumes, le bois de chauffe, etc.

Un seul vélo peut transporter 5 à 6 sacs de ces denrées. Par jour, 4 700 sacs de charbon de bois entrent à Mbujimayi grâce aux vélos. En retour, le vélo ramène au village les produits manufacturés : allumettes, bougies, cuillères, sucres, sel… Donc, sans le vélo, nos villages seraient encore plus malheureux.

Le vélo est tellement important chez nous que, dans notre culture, il figure en bonne place dans la facture de la dot à verser pour la plupart des mariages.

Quand vous voulez prendre une fille en mariage au village, son père vous demandera comme dot: de l’argent, 2 pagnes pour la mère de la fille, 2 chèvres, un costume et surtout un vélo pour le père. C’est à cette condition que le mari sera respecté dans sa belle famille. Dans mon village, une fille ne vous aimera pas si vous n’avez pas un vélo.

Ainsi ensemble avec Vélophonie et Mondoblog je dis: francophones, tous à vélo !


La liberté d’expression n’est pas un chèque en blanc donné à Charlie Hebdo.

NIGER MANIFESTATION ANTI CHARLIE Emeute anti Charlie Hebdo au Niger

Charlie Hebdo doit savoir que l’autocensure est une bonne chose lorsqu’elle permet d’épargner la vie de ses propres journalistes.

Chez-moi en Rdc, un journaliste camerounais employé à la Mission de l’Onu pour la Stabilisation du Congo (Monusco) parlant de la liberté d’expression et de la responsabilité du journaliste, nous posait cette question:  » dire une vérité qui met la ville à feu et à sang et qui fait 10 mille morts, et s’abstenir de dire une telle vérité, qu’est-ce qui est préférable ?

A mon avis, la raison voudrait qu’on s’abstienne de déclarer une telle vérité meurtrière.

Je me demande qu’est ce que Charlie Hebdo a gagné en publiant une nouvelle caricature de Mahomet ?

Certes, me direz-vous, pas moins de 7 millions d’exemplaires ont été vendus en très peu de jours. C’est très bien. Mais n’oubliez pas aussi que la nouvelle caricature du prophète a fait 10 morts innocents au Niger; sans compter des eglises, boutiques et même le centre culturel français pillés et incendiés par les musulmans en colère. L’hostilité envers la France et le journal satirique s’est multipliée par cent dans les pays dont le coran est la vraie constitution.

Moi en tant que chrétien et lecteur du journal Charlie Hebdo, je pense qu’après l’attentat du 7 janvier, les survivants de Charlie Hebdo n’avaient aucun intérêt à se créer des problèmes inutiles avec les musulmans.

Déjà je suis consterné d’avoir perdu ce 7 janvier-là les caricaturistes que j’aimais bien. Mais je refuse totalement que -pour rien- les journalistes survivants de Charlie Hebdo donnent encore aux jihadistes l’occasion de nourrir l’ambition de perpétrer de nouveaux massacres contre le journal.

Je pense que la France elle-même  n’a pas besoin de réunir encore 4 millions de personnes pour une nouvelle marche républicaine.

Cette phrase mémorable du pape François devrait faire réfléchir les journalistes de Charlie Hebdo:  » La liberté d’expression n’est pas le droit d’offenser la foi d’autrui ».

Et moi j’ajoute qu’autant la laïcité et la liberté d’expression sont des valeurs républicaines pour nous en occident, autant le respect à la personne du prophète Mohamed est une valeur sacrée primordiale pour les musulmans.

Rappelez-vous que ce Mahomet-là est vénéré par plus d’un milliard d’individus prêts à tout sous le soleil.

Ainsi pour moi, les journalistes de Charlie Hebdo ne devraient pas exposer leurs vies. Et la meilleure protection du journaliste commence par soit-même, c’est-à-dire  par l’autocensure.

Il y a des limites à chaque chose, même à la liberté d’expression. Par exemple, la liberté d’expression n’autorise pas à parler en mal des races des autres. C’est aussi une limite. Aujourd’hui même  le journal danois Jyllands-Posten qui avait publié le premier la caricature de Mahomet a fini par comprendre qu’il ne faut plus récidiver.

D’aucuns diront peut-être que je suis un poltron. Mais je crois qu’ils se trompent. Car si la liberté d’expression devait être totale et entière même en occident, pourquoi les États-Unis cherchent à faire arrêter Édward Snowden? Pourquoi Wikileaks et Julian Assange ont été menacés ?

Si on condamne les islamistes d’avoir fait du terrorisme à Charlie Hebdo, on doit aussi condamner Charlie Hebdo de faire à son tour du terrorisme aux musulmans par le fait de caricaturer leur prophète.


La veuve de Patrice Lumumba : un exemple de fidélité à suivre.

PAULINE LUMUMBA

 Pauline Opango veuve de Lumumba

Ce 17 janvier 2015, nombreux sont ceux qui ont commémoré l’assassinat du 1er héro national de la RDC Patrice Emery Lumumba. On le fait ainsi chaque année. Patrice Lumumba fut le tout premier 1er ministre de mon pays en 1960 avant d’être assassiné en 1961. Son histoire est trop connue en Afrique et ailleurs dans le monde  pour que je m’y attarde encore en ce moment.

Mais ce qui m’intéresse en ce jour d’anniversaire et qui je suis sûr va vous intéresser aussi, c’est que le jour de l’assassinat de Lumumba, sa femme Pauline Opango n’avait que 23 ans. Pourtant, malgré qu’elle était à fleur d’âge, avec tous les désirs et toutes les passions qu’une femme peut avoir, Pauline Opango n’a jamais accepté de se remarier ; elle est restée veuve toute sa vie, jusqu’au 23 décembre 2014 où elle a quitté la terre des vivants à l’âge de 77 ans. Nous l’avons inhumée le 29 décembre à la nécropole « entre ciel et terre » de Kinshasa.

Selon elle-même, elle a choisi de rester veuve toute sa vie, « car il n’y avait pas sous le soleil un homme qu’elle pouvait encore aimer comme Patrice Lumumba ». Pour moi, Maman Pauline (comme nous aimions l’appeler affectueusement) a donné à l’humanité une belle leçon de fidélité conjugale. Elle est restée veuve pendant 53 ans. C’est du jamais vu. Et je suis sûr que les gens de ma génération, en Afrique ou en Occident, sont dépourvus de ce genre de vertu.

Personnellement j’ai vu des hommes et des femmes se remarier juste moins de 3 mois après le décès de leurs conjoints. C’est ce qui prouve que l’amour dont nous parlons tant à nos femmes ou à nos maris n’est qu’un amour verbal. C’est un amour trompe-l’œil. Mais cette veuve de Patrice Lumumba a démontré qu’on peut aimer un seul homme toute sa vie, et lui rester fidèle même après la mort de celui-ci. C’était sa façon d’honorer la mémoire de notre 1er héro national.

Pour moi, Maman Pauline mérite d’être élevée au rang d’héroïne nationale. Qui dit que les héros nationaux ne doivent être que des hommes ?