kellyadediha

Retrouver la source d’une image sur Internet

Pour la campagne #GiveMeMyCredits, il m’a été demandé de proposer des méthodes pour retrouver la source d’une image sur Internet. Après des recherches, il semblerait qu’il existe au moins 3 méthodes pour trouver la source d’une image sur Internet:

1. Rechercher d’autres publications où l’image est utilisée

Plusieurs outils permettent de rechercher faire une recherche sur le web à partir d’une image, plutôt que de mots clés. Google Images et Tiny Eye sont régulièrement cités. Leur utilisation vous permet de retrouver à partir d’une image, d’autres publications sur le web où cette image est utilisée. Vous pouvez ainsi généralement remonter à la source de l’image.

2. Utiliser les données EXIF

Une image numérique est d’abord un fichier. Elle contient donc des informations qui permettent de l’identifier. L’Exchangeable Image File format (EXIF) est utilisé par la majorité des appareils photo numériques pour enregistrer les images, avec des informations contextuelles telles que la marque de l’appareil photo, la date de la photo, la résolution, les coordonnées GPS de la photo, etc. Certains images cependant (éditées, et/ou réenregistrées dans d’autres formats), peuvent ne pas posséder

3. Avoir de la bonne volonté

Il faut aussi et surtout de la bonne volonté pour trouver la source d’une image avant de l’utiliser. Il s’agit cependant d’une marque de reconnaissance et de respect pour le travail des photographes (Et oui, c’est un « vrai » travail qui mérite aussi rémunération!). En cas de doute, il est toujours possible d’utiliser les images disponibles sous licence libre comme illustration.

 


Pourquoi je n’ouvrirai pas de compte à UBA Sénégal

Ce billet aurait pu avoir pour titre « Pourquoi je n’ouvrirai JAMAIS de compte à UBA ». En réalité, j’ai même songé à l’intituler ainsi. Mais je préfère ne pas fermer la porte à d’hypothétiques bonnes suprises futures…

Depuis quelques jours, je songe à ouvrir un compte bancaire au Sénégal, ma nouvelle terre d’accueil où je devrais passer une bonne partie de 2015. Je suis donc allé à l’agence principale de UBA Sénégal pour connaître les conditions d’ouverture de compte et les différents produits proposés par cette Banque. J’en suis ressorti une demi-heure plus tard désillusionné; découragé et convaincu que je n’ y ouvrirai jamais de compte. Je m’en vais ici vous exposer les raisons de cette décision.

Un service clientèle médiocre

« Le client est ROI. » C’est un principe connu en commerce. Mais l’on est souvent poussé de croire que certaines Banques et sociétés commerciales en Afrique de l »Ouest ont jeté ce principe à la trappe. Durant le quart d’héure que j’ai passé avec une conseillère clientèle de UBA hier (après avoir passé un quart d »heure à attendre mon tour), elle a dû passer un tiers du temps au téléphone et un autre tiers à regarder je ne sais quoi sur son écran d’ordinateur pendant que je lui posais des questions auxquelles j’attendais vainement des réponses. Il a fallu que je lui dise « Madame, si vous êtes trop occupée, je peux passer un autre jour » pour qu’elle commence à feindre s’intéresser à mes questions. je vous épargne des détails sur le ton et le body language qui m’ont abasourdi! Soyons clair, si je « confie » mon argent à une Banque, et qu’en plus je dois la payer, le minimum que j’attends en retour c’est que son personnel me prenne au sérieux. Le respect mutuel est important.

Un personnel mal (in)formé

Un autre fait que j’ai constaté, c’est que la conseillère n’avait manifestement pas de réponse à certaines de mes questions. Ce qui explique peut être son attitude anti-professionnelle. A chacune de mes questions elle me renvoyait vers une  plaquette d’information qui manque d’ailleurs cruellement d’information. Si je voulais lire une plaquette commerciale, je n’aurais pas patienté pour pouvoir poser des questions de vive voix à un humain. Cela a résulté en des dialogues de cet acabit:

Moi: Que faut-il fournir pour ouvrir un compte en devise?
Conseillère: Ca va être difficile. Il faut une autorisation du Ministère des finances.
Moi: OK. Comment peut-on obtenir cette autorisation?
Conseillère: Je ne sais pas. Il faut demander au Ministère des finances.
Moi: … OK. Quelles autres options avez vous pour un compte en CFA?
Conseillère: Regardez sur le formulaire. Tout y est (Elle décroche son téléphone)
Moi: Quelle est la différence entre ces 3 options mentionnées sur le fomulaire?
Conseillère: C’est sur le formulaire. Les prix aussi sont différents.
Moi: Puis-je garder le fomulaire?
Conseillère: Non! C’est un document interne à la banque. Vous ne pouvez l’avoir que si vous ouvrez un compte ici.

Au bout d’un quart d’heure de ce qui s’apparentait à une discussion entre un sourd et un muet en langage des signes japonais; j’ai décidé de laisser tomber.

Des conditions d’ouverture de compte prohibitives (carte consulaire)

La dernière raison pour laquelle je n’ouvrirai pas de compte à UBA Sénégal est purement pratique. Il m’a été demandé en plus de mon passeport de fournir une carte consulaire. Je n’ai pas de carte consulaire. Et même si j’en avais une, j’ai le sentiment qu’il s’agit d’un document qui ne regarde en rien une Banque ou un quelconque établissement financier tant que j’ai un passeport et un droit de séjour valides. C’est un peu comme demander mon carnet de vaccination pour que je puisse ouvrir un compte.

Bref; je cherche une Banque

On me dira peut être que je ne dois pas faire de généralités sur une compagnie en raison de l’attitude de juste un employé. Je vous réponds que les employés sont à l’image de la culture de la compagnie.

Vous l’aurez compris je cherche toujours une Banque au Sénégal. Je suis ouvert à toute suggestion.UBA ne fera probablement pas banqueroute pour avoir perdu un potentiel client. Mais qui sait si  je serai peut-être devenu milliardaire avant la fin de 2015? (^_^)


La TVT, l’émergence, et l’alternance

La TVT

Mes amis me traitent souvent d’afropessimiste négativiste fieffé et incorrigible, qui refuse d’ouvrir les yeux pour voir « ce qui marche ». Un titre très pompeux et flatteur, j’avoue. Tellement flatteur que parfois je m’efforce de m’en débarrasser. C’est poussé par un de ces sursauts réguliers de repentance qu’il y a quelques jours, j’ai décidé de faire pénitence et de m’infliger la torture de regarder, juste quelques heures, le soir, la Télévision nationale togolaise (TVT). J’ai frôlé la crise ! Entre le journal télévisé littéralement pris en otage par les reportages (spots publicitaires ?) sur les bonnes oeuvres préélectorales d’un parti au pouvoir qui se confond avec l’Etat, l’encensement abêtissant systématique de toutes les  actions menées par, au nom de, ou « sous le haut patronage » du chef de l’Etat, en passant par une horde de chefs traditionnels pathétiques qui, toute honte bue, et ayant jeté à la trappe toute once de dignité, proclament à gorge déployée leur soutien à la candidature à sa propre succession d’un président de la République sortant qui vient de passer dix années au pouvoir. Mon cerveau a bogué. A la TVT, il semble que le temps se soit arrêté aux années du culte voué au Timonier national et à son Parti unique. Tout ça pour vous dire que ma énième tentative pour me désintoxiquer de mon allégué afropessimisme négativiste chronique a échoué. Comme les précédentes tentatives. J’ai dit adieu à la TVT. Du moins d’ici à ce qu’elle se décide enfin de vivre dans l’air et selon les standards de son temps.

 

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L’émergence

« Emergence ». Si vous n’entendez pas ce mot au moins trois fois par jour, ces derniers temps, on peut affirmer avec assurance que vous ne vivez pas dans un pays d’Afrique francophone. d’Abidjan à Libreville et de Dakar à Yaoundé, on vend l’émergence à qui veut ou ne veut pas l’acheter. Y’a bon, l’émergence! Dans chacune de ces capitales, on prophétise l’avènement de l’émergence, on joue aux apprentis charlatans. Si au Cameroun, elle est « attendue » pour 2035, les apôtres togolais de l’émergence sont beaucoup plus ambitieux. Au Togo, ce sera 2030 ! 2030, Oh année du lait et du miel au Togo. 2030, année ou « inspiré du modèle de Singapour », le Togo deviendra brusquement émergent. 2030, année de prospérité, où tout ce qui est noir deviendra blanc, tout ce qui est sale deviendra propre, tout ce qui est laid deviendra beau. 2030, instrument de démagogie et de populisme que l’on a tellement usé et dont on a tellement abusé qu’il en devient ridicule. 2030, toi dont usent et abusent à tort et à travers des politiciens en manque de rhétorique, toi qui est tordue, tendue et défendue au gré de l’étendue de l’utopie béate d’une classe de leaders refusant d’assumer leurs échecs et s’évertuant à se payer bonne conscience en promettant faire en quinze années ce qu’ils n’ont su faire en cinquante, oui, toi 2030, que ton règne vienne et que tes prophéties s’accomplissent à Lomé comme à Cinkassé. Donne-nous chaque jour notre bol de maïs, notre lait et notre miel quotidien. Pardonne-nous notre incrédulité en ton accomplissement, comme nous pardonnons aussi aux gouvernants qui refusent de nous faire le rapport de l’utilisation des 5 FCFA/minute de communication qu’ils nous ont injustement spoliés en février 2013. Ne nous soumets pas à la tentation de fuir le pays, comme ces mécréants qui ont vendu âme et nationalité pour un avenir meilleur, mais délivre-nous des fins de mois difficiles, de la déchéance des services de santé et de l’administration publique, et de la gangrène de la corruption du népotisme et de l’exaltation de la médiocrité. On en finit par oublier que 2030, c’est dans 15 ans. Et qu’à 15 ans de la date butoir de la « proclamation officielle et solennelle  » de l’émergence togolaise, les universités publiques ploient sous le nombre des étudiants qu’elles n’arrivent plus à contenir depuis des lustres, pendant que le ministre de l’Enseignement supérieur découvre à peine – Oh, désillusion! – qu’elles « commencent » à saturer. On en finit par ignorer que les programmes de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur n’ont pas été réformés depuis Mathusalem. Le taux de chômage vertigineux même maquillé ? Non, en 2030, il n’y aura plus de chômeurs ! La décrépitude des services de santé ? En 2030, il y aura une clinique pour 100 habitants. Quelle est la stratégie pour atteindre cette « émergence » ? Quels moyens , quelles institutions, quels mécanismes sont mis en place Qu’appelons-nous d’ailleurs émergence ? Chuut ! Silence! Patience! Plus que quinze années pour pointer le nez à l’air, si nous ne sommes pas déjà morts asphyxiés ou noyés. Voyez, oiseaux de mauvais augure ! En seulement dix ans, Bolloré à construit son troisième quai, et grâce à nos amis chinois, nous avons déjà un chantier pour une nouvelle aérogare qui sera « bientôt » livrée. Bientôt, peut-être, nous aurons (qui sait ?) le troisième opérateur de téléphonie que vous avez tant réclamé! Que ne pourrions-nous donc faire en quinze années de plus ? Patientez, retenez votre faim! Qui a dit que l’émergence ne se décrétait pas ? En 2030, le lait et le miel couleront. L’émergence en 2030 ou la mort, nous vaincrons !

L’alternance

Au Togo, ce mot déclenche chez certains passions et réactions allergiques. Encore plus à l’approche de la présidentielle. Il faut avouer que dans un pays ou le même parti politique (relooké récemment) est au pouvoir depuis bientôt cinquante ans et que le même patronyme siège au sommet de l’Etat depuis deux générations, cela est compréhensible

Le sujet qui défraie les chroniques, ces dernières semaines, c’est la question des réformes de la Constitution togolaise. Parce que la Constitution togolaise dans sa forme actuelle ne limite pas le nombre de mandats présidentiels auxquels a droit un citoyen, et propose une élection présidentielle uninominale à un seul tour. Pour corser un peu les choses, l’historique derrière la forme de cette Constitution est qu’elle a été retouchée en 2002 (comme c’est souvent le cas dans beaucoup de Républiques bananières), pour permettre au président de la République de l’époque (soit dit en passant géniteur de l’actuel président de la République), de contourner par un tour de passe-passe la limite opposée par la Constitution dans sa version de 1992 à son désir de rester encore plus au pouvoir après y avoir passé trente-cinq harmattans . Douze années plus tard, à quelques mois de la prochaine échéance électorale, la nostalgie de la Constitution de 1992 se fait sentir. Entre marches et contremarches des partis d’opposition et du pouvoir, déclarations et contre-déclarations d’associations de la société dite civile opportunistes et gloutonnes, on se bat, on se dit, on se dédit et on se contredit pour savoir si réformes il doit avoir, si elles doivent être rétroactives ou non, pour permettre ou pas (Soyons clairs, il ne s’agit que de cela !) à l’actuel président de briguer un troisième mandat consécutif. Le caractère sacré et impersonnel de la Constitution est sacrifié sur l’autel des désirs nombrilistes et hégémoniques d’une poignée d’individus. On a l’impression que les raisons qui ont motivé le toilettage de la Constitution en 2002 sont les mêmes qui s’opposent aux réformes de 2014. L’essence de la Constitution, censée renforcer des institutions pour qu’elles durent et résistent au temps, s’est muée en outil au service de la justification d’appétits individuels. La vision du futur, des générations à venir, aux oubliettes!

Pour moi, simple citoyen loin des arcanes du pouvoir et de ceux qui « vivent les choses de l’intérieur », tout ceci ressemble à un grand cirque à ciel ouvert. Les bribes de souvenirs de mes cours d’éducation civique de l’école primaire me rappellent le principe de la séparation des pouvoirs selon Montesquieu, adopté (du moins sur le papier) par nos nations pseudo-démocratiques. Vous savez, ce principe selon lesquels les pouvoirs doivent être séparés entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Lorsque les représentants du pouvoir législatif (dont le rôle se limite à penser et écrire la loi) se déchirent pour décider à la place du judiciaire de comment doit être appliqué (rétroactivité ou pas, qualification de candidatures au demeurant non encore déclarées ou non) les textes régissant le choix de l’exécutif, je ne peux que constater que l’amalgame s’est installé et que le bon sens a pris la clé des champs.

La Constitution dans sa forme actuelle permet, hélas, à quiconque est au pouvoir de s’y éterniser s’il en manifeste le désir, soit. Mais je suis abasourdi par les prétendues bonnes intentions et bonnes actions dont on use pour maquiller ce qui n’est autre que l’expression d’une attirance pour le pouvoir à vie. La paix, le bilan, l’absence ou la rareté d’alternatives crédibles, etc.

La paix, pour ceux qui ne le savent pas, ce n’est pas l’absence de guerre. Cet argument du « Sans moi le chaos » brandi par tous les dictateurs en devenir ou en puissance est nul et non avenu. Si la paix et la cohésion de toute une nation dépendent du fait qu’une seule personne soit aux rênes du pays, c’est que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge, et pis, nous ne le réalisons même pas. Parce que pour une raison ou une autre, bonne ou mauvaise, « La paix nationale incarnée » ou la personne que l’on identifie ainsi peut être amenée brutalement, même si l’on ne le souhaite pas, à s’écarter du pouvoir. La paix serait-elle ainsi ébranlée ? La paix est une conséquence des efforts que nous ferons pour stimuler la cohésion nationale, et à construire des institutions qui résistent au temps et aux personnes. Si elle dépend du fait qu’une personne soit ou non à la tête du pays, c’est que nous ne l’avons pas.

Si les hommes politiques devaient être réélus continuellement en raison de leurs bilans, nous aurions des royaumes à la place de Républiques. Parce que de bonnes actions, vraies ou imaginaires, ils ne manqueraient pas pour nous convaincre. Quand on élit quelqu’un à la tête d’un Etat, c’est pour qu’il ait un bilan à présenter à la fin de son mandat et non pour justifier sa volonté de s’accrocher au pouvoir. Et tant qu’on ne permettra pas à d’autres personnes de se confronter à l’exercice du pouvoir, on ne saura jamais si elles peuvent faire mieux ou non.

Ce semblant d’absence d’alternatives que l’on exagère aujourd’hui est un leurre. La réalité est que pendant des décennies, on a poussé les Togolais susceptibles de briguer des fonctions de responsabilité, voire la magistrature suprême, à penser qu’ils ne pourraient jamais accéder à ces fonctions. Ils se sont éloignés de la chose publique, ils se sont exilés. Ils sont là, mais tapis dans le noir, dégoûtés, ils regardent ailleurs. Et nous continuons à produire les mêmes causes en espérant des effets différents. On n’arrivera jamais à me convaincre que des 7 millions de Togolais, il n’y a qu’un seul qui soit en mesure de diriger le pays. C’est une aberration.  Et justifier un pouvoir à rallonge par cette raison est tout aussi désolant. Lorsque nous nous appliquerons à mettre en place les conditions pour que les toutes les personnes compétentes se sentent en mesure de briguer n’importe quelle fonction dans le pays, l’alternative émergera. Les forces dormantes se réveilleront.

Assez de divagations et de rêves. Nous sommes en 2014, pas encore en 2030. En 2030, la TVT aura changé et sera une chaîne digne de ce nom, dont la qualité des images et le contenu des programmes ne sont pas source de migraines aiguës. En 2030, il y aura l’alternance. Ou pas. Quoi qu’il en soit, le lait et le miel couleront.

Courtoisement,

KA.


Une préface ne fait pas un président

Les élections présidentielles au Togo approchent à grands pas. Et comme cela est prévisible, cela se ressent à tous les niveaux de la société togolaise. Toutes les couches de la société togolaise ont les yeux rivés vers 2015, depuis l’homme de la rue jusqu’au sommet de l’Etat, quoiqu’en pense RepublicOfTogo.com . Dans ce contexte de pré-campagne électorale, un personnage a fait son apparition sur la scène politique togolaise de manière plutôt bruyante ou brouillonne  (articles de presse, concert gratuit, etc.) et particulière. Il s’agit d’Alberto Olympio, fondateur et dirigeant d’Axxend, une société de services informatiques. Si j’ai été de ceux qui à la première heure, ont raillé le scénario un peu trop romanesque et dramatique avec lequel il a fait son « coming-out », j’ai été plutôt choqué par le ton un peu trop dur voire injuste d‘un billet de l’aîné Lovejoyce AMAVI sur la préface du livre-programme d’Alberto Olympio à paraître. Je me permets, avec la permission de l’auteur de ce billet, d’exposer en quoi je n’épouse pas les idées qui y sont véhiculées.

Une image vaut mieux que mille mots.

Crédit: Lovejoyce AMAVI
Crédit: Lovejoyce AMAVI

Je m’efforcerai de ne pas commenter l’image (ci-dessus) qui sert d’en-tête au billet de Lovejoyce AMAVI. Chacun en fera son interprétation. Cependant, quand on en vient aux patronymes omniprésents sur la scène politique togolaise, il serait « discourtois » de citer « Olympio » sans citer « Gnassingbe ». On en finit d’ailleurs par croire que le destin des sept millions de togolais est tenu par les porteurs de ces patronymes, mais là n’est pas mon propos.

Je passe sous silence la propension récurrente des « Olympio » à devenir Président du Togo, laquelle propension, passe désormais pour une lutte dynastique qui ne solde pourtant pas le malaise des Togolais, dont le seul vrai souci est de sortir de la pauvreté.

On a comme l’impression – à juste titre- en lisant ce billet, que le fait pour Alberto Olympio, d’avoir fait préfacer son livre par jacques Attali est un délit. Et c’est ce qui me pousse au questionnement. En quoi cela dérange-t-il ( et qui cela dérange-t-il) que Jacques Attali préface le livre-programme d’Alberto Olympio? En quoi cela est-il différent des réunions répétitives tenues par les ténors de l’opposition togolaises dans les ministères, représentations diplomatiques et institutions européennes? En quoi cela est-il différent de la propagande médiatique soutenue des milieux proches du pouvoir pour justifier une légitimité internationale de l’actuelle président de la République? Pourquoi cet acharnement sur cette préface? Que lui repoche-t-on?

L’ancienneté (la vieillesse) ne fait pas l’homme politique

Je ne crois pas qu’Alberto Olympio sera élu président de la République Togolaise en 2015. Je suis même convaincu qu’il ne le sera pas. Et c’est bien là le problème. Il n’y a (presque) pas de place dans la conscience populaire togolaise pour un troisième choix. Et on est poussé à croire que le billet de l’aîné Lovejoyce soutient cet état de fait. C’est un peu comme si pour être présidentiable (ou président), il faudrait forcément, soit être issu de l’opposition (pré)historique, ou de la majorité précambrienne. Il n’y a pas de place pour les idées nouvelles. Il n’y a pas de place pour une troisième voix. Il faut se fondre dans l’un des deux moules. Et ceci a pendant  longtemps été une gangrène pour une l’avènement d’un souffle nouveau sur la scène politique togolaise.

Et aucune manœuvre ne saurait justifier l’élection de ce monsieur en 2015, au détriment du bilan de Faure Gnassingbé et du statut avéré de chef de file de l’opposition qui échoit (hmm) à Jean-Pierre FABRE.

Il est évident qu’Alberto Olympio, en tout homme politique qu’il est, fait un usage exagéré et abusif de l’hyperbole et du storytelling à l’américaine, pour se construire une stature. Mais on risque de passer à côté du fond et de la teneur du message du sieur si l’on se limite à le descendre sur la forme. Et je suis prêt à sacrifier les « 30 bols de maïs » (ou le mois de connexion Internet chez Togo Cellulaire) que coûtera son livre-programme pour savoir quel est son plan, sa vision, et sa stratégie pour le pays.

Je ne voterai probablement pas en 2015. Parce que jusqu’à présent, le code électoral ignore tout simplement le cas des togolais vivant à l’étranger. Mais si je devais voter, ce ne serait sûrement pas pour le « bilan » (?) de l’actuel président de la République. S’il a été élu, c’est pour qu’il ait un bilan a présenter à la fin de son mandat. Non pas pour se faire réélire ad vitam aeternam. De toute façon, cet argument du bilan est utilisé depuis Mathusalem, et continue d’être utilisé par tous les présidents voulant s’éterniser au pouvoir. Le meilleur bilan selon moi qu’un dirigeant puisse avoir, c’est de laisser un héritage, un impact, des idées qui puissent lui survivre quand il quitte le pouvoir.

Si je devais voter en 2015, ce ne serait surement pas pour le (ou les?) candidat(s) de l’opposition (pré)historique qui perd ses repères, qui à force de répéter la même chanson depuis trop longtemps, n’en sait plus où elle en est. Je serais à la recherche d’une nouvelle voie, d’une nouvelle voix. D’un message porteur d’espoir. D’une personne qui ne traîne pas de casseroles et de souvenirs dans son grenier datant des années indépendance. Une personne qui ne tirerait pas sa légitimité d’opposant de par sa durée (vieillesse) dans la « lutte ». Un nouveau souffle. De nouvelles idées. Une feuille blanche.

Ce choix alternatif serait-il Alberto Olympio? 3O bols de maïs nous le dirons. D’ici là, je vous laisse avec ce dicton qui me fait souvent méditer:

Ce sont des professionnels qui ont construit le Titanic, et des amateurs l’Arche de Noé.

KA.


J’y suis, j’y reste !

Le peuple, c’est qui ?

Je me suis souvent demandé qui est  « le peuple ». Ce Monsieur dont tout le monde parle, mais dont personne n’a jamais eu la chance de voir le visage. Enfin, je pense. Je donnerais tout pour voir le visage de ce « Monsieur le peuple ». Prendre juste un verre avec lui, au Titis 1200. Passer juste une heure avec lui. Juste une heure parce que le peuple est quand même une personnalité importante. Et on ne réquisitionne pas une éminente personnalité pendant plus d’une heure si on n’est pas soi-même une éminente personnalité, ce que je ne suis définitivement pas. En Afrique, ce très cher « Monsieur le peuple » fait et défait les rois, qui sont encore appelés selon le pays ou le contexte, « Président », « Excellence », « Père de la Nation », « Père fondateur », etc. Le peuple est cité dans tous les discours et débats de politiques, politicards, politiciens, démagogues et autres activistes. De tous les usages qui sont faits du peuple, celui qui m’intéresse le plus, c’est celui des rois-présidents à vie.

Le contact avec l’Occident puis la colonisation nous a laissé après les indépendances en héritage un cadeau empoisonné, système de gouvernance dit « du peuple, par le peuple, et pour le peuple »,  communément appelé « démocratie ». Seulement, voilà, chacun à sa définition du « peuple », qui peut varier selon les circonstances et les interlocuteurs. La trame argumentaire la plus usitée par les présidents africains voulant s’éterniser au pouvoir et devenir ainsi des rois-présidents à vie, devenue un classique est assez simple : « Je n’ai pas encore terminé mes chantiers »; « J’ai apporté la paix et le développement à ce pays »; « Mon départ déstabiliserait cette nation » ou encore « Je ne peux résister à l’appel du peuple, il a besoin de moi! ». Au point où à l’approche de la fin de chaque mandat présidentiel, on attend patiemment juste le moment où la machine médiatique et communicationnelle va se mettre en marche à grand renfort de lecture pathétique de motions de soutien au journal télévisé, de poses de premières pierres (aussitôt posées, aussitôt oubliées), et d’éléments de langage savamment injectés dans les médias et débats publics pour arriver à la conclusion fatidique : « Le peuple veut de mois… Je reste. En passant, mon petit doigt m’a dit que c’est ainsi que Julien Lepers a été inspiré pour son célèbre « Je reste » dans « Questions pour un champion ». Passons…

A chacun son peuple…

En Afrique, on associe souvent, à tort, ce désir obstiné des dirigeants de  se maintenir au pouvoir vaille que vaille, à la fonction présidentielle. Le fait est qu’en réalité, on retrouve ce refus de passer le flambeau depuis le sommet jusqu’à la base de l’échelle de la société. Le pire cauchemar de la plupart des ministres qui ont fait de leur fonction une profession, c’est de voir leur nom disparaître de la liste laconiquement égrenée à la télévision nationale au prochain remaniement ministériel. Il en est de même des maires, députés et autres sénateurs qui craignent les échecs électoraux comme la peste. Ne sont point exclus les leaders de partis politiques qui ont fini avec le temps par méprendre leur nom pour celui de leur parti après une énième reconduction par acclamation ou par simulacre d’élection à leur fonction.  Mais au-delà de ces postes de responsabilité politique à envergure nationale (avec évidemment les avantages, les honneurs et les espèces sonnantes et trébuchantes qui vont avec), il m’est arrivé d’observer exactement les mêmes phénomènes dans les associations scolaires et universitaires, dans les associations de quartier, dans les regroupements villageois, etc. Le plus drôle et le plus triste, c’est que même à cette échelle, ce sont les mêmes arguments utilisés par les rois-président à vie qui sont réutilisés : « J’ai fondé cette association, elle a encore besoin de moi »; « il n’y a personne de vraiment qualifié pour me remplacer si je quitte la tête de ce club »; « Nous devons réformer les statuts de l’association et je dois rester à la tête pour assurer une transition et éviter le chaos ». Il m’en vient à me demander si  l’attitude tant décriée des hommes politiques africains n’est finalement pas que le reflet d’habitudes courantes dans la société, ou si ce sont ces politiques qui ont fini par déteindre négativement sur la société en affichant ostentatoirement le mauvais exemple. On est en droit de se poser la question. Le fait est que tous ces défauts des leaders politiques africains que nous dénonçons à cor et à cri sont reproduits et observables dans nos ruelles, depuis le vigile de DAB qui « réclame » un pourboire après chaque opération, jusqu’au dirigeant de club de quartier qui refuse d’organiser des élections de peur de quitter la direction du club dont il est le président-fondateur à vie.

Source:https://lauramarietv.com/fr/dossier-special-pourquoi-jai-decide-de-devenir-vegetarienne-cheminement-conclusions-liberation/
Source:
https://lauramarietv.com/fr/dossier-special-pourquoi-jai-decide-de-devenir-vegetarienne-cheminement-conclusions-liberation/

Pour être honnête, les prolongations interminables de mandats des politiques africains m’importent moins que les raisons évoquées pour les justifier. Le scénario fonds de commerce « après moi le déluge » est juste ridicule. Le peuple, qu’on accuse, quand on ne veut pas s’éloigner des tapis rouges, a été le plus souvent consulté d’une manière ou d’une autre pour valider les textes qui limitent les mandats. Ce même peuple est violé au travers de sa Constitution toilettée, déshabillée et raccommodée pour servir les intérêts d’individus qui s’obstinent à ne pas comprendre que passer le flambeau, signe de grandeur d’esprit, ne signifie pas rupture, mais continuité. Un vrai leader se reconnaît en sa capacité de susciter d’autres leaders capables de le remplacer valablement. Un dirigeant qui après dix, quinze, vingt ans, voire plus à la tête d’une marie, d’une province, d’un ministère, d’une association, d’une nation, etc., et qui annonce fièrement que son départ causerait une « instabilité » à selon moi lamentablement et honteusement échoué dans ses fonctions. La marque des grands, c’est de pouvoir dire : « J’ai fait mon temps. J’ai joué ma partition. Je laisse ma place à d’autres pour servir ». En effet, nul n’a le monopole de l’intelligence et du leadership, et comme le dit si bien Clemenceau, « Les cimetières sont pleins de gens irremplaçables qui ont tous été remplacés ».

…Et à chaque peuple son Baobab !

Il y a neuf ans, jour pour jour, tombait brusquement et lourdement dans mon village un grand baobab aux racines profondes, qu’on disait irremplaçable. Il a été rapidement remplacé par un jeune Baobab, qui a déjà des rêves de grandeur et d’irremplaçabilité. Il ne fallait quand même pas que l’on manque d’ombre sur la grande place du village. Quand j’y songe bien, la devise de mon village pourrait être « J’y suis, j’y reste ! »

 


Pour la nouvelle année, je n’aurai pas de « bonne résolution »

En début de chaque nouvelle année, il y a un scénario, bien connu et bien rodé, sur lequel tout le monde s’aligne.  Les bonnes résolutions sont parfois de mauvaises habitudes que nous nous promettons de délaisser, une fois que les douze coups de l’horloge auront annoncé la fin d’une année. Ce sont parfois de bonnes actions, que nous nous jurons d’inscrire dans notre routine une fois que nous serons entrés dans la nouvelle année.

bonnesresolutions

Une caractéristique des bonnes résolutions du nouvel an, c’est qu’elles ne tiennent généralement pas au-delà du premier mois. Après l’euphorie des « Meilleurs vœux », « Bonne et heureuse année » et autres litanies récitées sans y penser, et le bal des désormais obsolètes calendriers décrochés et machinalement remplacés, vient le retour aux bonnes vieilles habitudes. A la normalité, diriez-vous. Les bonnes résolutions sont passées, voici toutes choses sont redevenues comme avant. Peut-être est-ce parce que ces bonnes résolutions, sont prises, pour « faire comme les autres ». Ou alors, parce que finalement, les bonnes résolutions ne sont que des souhaits, des rêves, et non pas des décisions.

Une décision ne se programme pas, ne se projette pas. Une décision se prend. Au bon moment, Quand il en est temps. Et très souvent quand l’on est dos au mur. Une décision s’impose, se respecte, devient règle, loi, norme. Une décision n’est pas consignée dans un journal intime secret caché sous l’oreiller. Elle se vit. Chaque jour, Elle s’applique. Elle se fait voir. Une décision n’attend pas un feu d’artifice marquant la fin d’un cycle de douze lunes pour prendre effet. Elle naît d’un processus, d’une évolution.

Là, est la différence entre les résolutions et les décisions, entre les bonnes résolutions, et les bonnes décisions.

Alors, cette année, je n’aurai pas de vœux. Je n’aurai pas de résolution. Enfin si, une. Celle de prendre les bonnes décisions, au bon moment, et de ne pas les remettre à demain, au mois prochain, à l’année prochaine, à la prochaine nouvelle année. Celle de moins rêver et de plus réaliser. Celle de saisir l’opportunité offerte par chaque seconde, chaque instant, pour devenir un moi meilleur.

Je ne vous souhaiterai pas une bonne année 2014. Je vous souhaite une productive année 2014. Rêvez moins. Soyez plus éveillé. Faites de vos bonnes résolutions, des bonnes décisions.


Un aller-retour pour 300 000 francs Cfa

Ce matin, au détour d’une discussion sur Twitter, je suis allé voir la définition de « coopération » sur Wikipédia, alias « J’ai réponse à tout ». La définition sous la rubrique « sens principal », donne ceci :

Selon la signification la plus large et la plus courante, il décrit un état d’esprit et un mode de comportement où les individus conduisent leurs relations et leurs échanges d’une manière non conflictuelle ou non concurrentielle, en cherchant les modalités appropriées pour analyser ensemble et de façon partagée les situations et collaborer dans le même esprit pour parvenir à des fins communes ou acceptables par tous.

Le président togolais, Faure Gnassingbé, est attendu en France, pour une visite officielle, où la « coopération bilatérale » sera à l’ordre du jour. Ne voulant pas être pessimiste, je dirai que « j’espère vivement » que conformément à la définition de « coopération » selon Wikipédia, les fins de cette coopération bilatérale entre la France et le Togo seront acceptables par tous, par les Togolais en particulier. Mais la visite du président Faure Gnassingbé n’est pas l’objet de mon propos.

Je « perdais » du temps sur Internet, quand je suis  tombé ce soir cette information qui m’a coupé le souffle, tant elle paraît irréelle et illogique : le maire de Tsévié (une petite commune proche de Lomé au Togo), s’est déplacé en France, pour principalement signer une convention de financement avec la mairie de Pathernay, une ville jumelée à Tsevié. Dans le cadre de cette convention, la ville de Pathernay s’engage à apporter un appui financier à la bibliothèque municipale de Tsévié. Pour le moment, ce n’est pas bien grave, des signatures de convention  de financement, on en voit des dizaines tous les jours sur le continent. Ce qui m’a choqué, c’est le montant du financement pour lequel cet officiel s’est déplacé : 465 euros par an, ce qui équivaut à 300 000 francs Cfa.  Sérieusement, une telle somme pour aller en France ? 

 

 

Faisons un petit calcul. En classe économique, les billets d’avion Lomé-Paris-Lomé coûtent en moyenne entre 600 et 800 euros. Si on ajoute à cela les frais d’hôtel, et les per diem que cet officiel a assurément touché pour ce déplacement, je suis prêt à parier qu’on aurait pu se passer de ce financement pour une période d’au moins cinq ans, voire plus. Le plus triste, c’est que des déplacements budgétivores et inutiles dans ce genre, on en compte chaque jour dans nos pays. A quoi aura donc servi ce voyage? Quand est-ce que nous cesserons de nous ridiculiser en tendant la main pour la moindre réalisation, pour le moindre petit puits que nous voulons creuser dans notre village ? Quand est-ce que les fonctionnaires, officiels, et élus nationaux cesseront de mettre leurs envies de tourisme et de per diem au-dessus du bon sens et de la logique ? Mon petit doigt me dit que ce ne sera pas demain.

Signature de la convention entre les deux maires et le président du Comité de jumellage.Crédit: La Nouvelle République
Signature de la convention entre les deux maires et le président du comité de jumelage.
Crédit: La Nouvelle République

Je suis un rêveur, laissez-moi rêver ! Je rêve qu’un jour, nous, Africains, saisirons pleinement le sens du mot « coopération », et que cela se verra dans nos rapports avec l’étranger. Quand ce sera le cas, je vous prie de bien vouloir me réveiller. Je voudrais voir cela de mes propres yeux. D’ici là, je vous laisse lire l’article, qui a fait de ma soirée, une soirée de réflexion et de tristesse profonde.

 


Quand je serai grand, je serai « père de la nation »

Que veux-tu devenir quand tu seras grand ?

Je ne sais pas pour vous, mais cette question a hanté mon enfance. On me l’a posée un nombre incalculable de fois. Et j’y ai répondu par un nombre incalculable de réponses toutes différentes. Mais si je devais retourner 15 ou 20 ans en arrière, je pense que j’ai trouvé LA réponse exacte que je donnerai à cette question : « Quand je serai grand, je veux être « père de la nation ».

Trois « pères de la nation »

14 octobre 2007. Il est presque 13 heures. C’est la première fois que je mets les pieds à Tunis. Trois choses attirent sur le coup mon attention. Premièrement, une population extrêmement impressionnante de chats. Il y en a de toutes les couleurs, de toutes les formes, partout. Ils n’auraient pas tenu longtemps ces matous face à l’appétit des jeunes de mon quartier à Lomé. Ensuite, des drapeaux accrochés partout, colorant le paysage de rouge et de blanc. Enfin, le portrait du « Père de la nation », celui dont on peut enfin prononcer le nom depuis un 14 janvier 2011, Zine el Abidine Ben Ali. Plus visible que les chats et les drapeaux, on le retrouve partout. Dans la rue, dans les ministères, dans les hôpitaux, dans les kiosques à tabac, dans les épiceries. Mais vraiment partout.  Je suis assez surpris, c’est vrai. Mais pas tant que ça… Car je viens aussi d’un pays au « père de la nation » pas moins illustre que celui des Tunisiens. Au total 38 ans au pouvoir, quand même ! Ce n’est pas n’importe qui. Comme tous les « pères de la nation » celui du Togo a aussi son portrait partout. A l’arrivée comme au départ de l’aéroport. Pour vous rappeler qu’il est l’alpha et l’oméga. D’ailleurs,  comme tout « père de la nation »qui se respecte, l’aéroport, une pléiade de ruelles, d’avenues et de monuments portant son nom. On voit son portrait sur des t-shirts en tout genre et sur des pagnes à sa gloire.

Il serait malpoli de ma part de ne pas mentionner le « père de la nation » qui m’offre l’hospitalité depuis maintenant un an.  Le Sage, affable et illustre « médiateur de tous les conflits ». Sa longue carrière en tant que « père de la nation » fait de lui le doyen des « pères de la nation » de la sous-région. Il est discret, mais détrompez-vous, pas invisible. Pour preuve, mercredi dernier, je l’ai croisé trois fois en moins d’une heure, en allant faire quelques achats dans une supérette des 1 200 logements. Une fois à l’entrée de la supérette sur le T-shirt d’un jeune homme, une seconde fois à l’intérieur de l’échoppe, sur le pagne d’une vendeuse, et enfin à la sortie, juste au-dessus de la caissière. Il me fixait avec un air menaçant, comme pour me dire « Jeune ! Ne tente même pas de sortir avec un article sans payer. Je vois tout ! ».

Voilà ! Comment ces trois « pères de la nation » ne donneraient-ils pas envie d’être comme eux et de suivre leur parcours ?

Mon "Père de la Nation", que son âme repose en pais.Crédit: AfriScoop
Mon « père de la nation», que son âme repose en paix !
Crédit: AfriScoop

Les avantages d’être « père de la nation »

Il faut que je vous fasse comprendre quelque chose clairement avant de poursuivre: un « père de la nation » n’est pas un président de la République. Pour des raisons évidentes de bon sens et de logique. On choisit (élit) un président, mais un père ça ne se choisit pas (venez me démontrer le contraire si vous le pouvez!), ça s’accepte. Un président a un mandat limité dans le temps, mais on est père à vie. D’ailleurs, même quand on est mort, on reste père. Vous me demandez encore les avantages d’être « père de la nation» ? Trouvez-moi un autre métier où j’aurai comme avantages de voir mon portrait dans tous les recoins de la nation, jusqu’aux tables de chevet des chambres d’enfants, où mon nom apparaîtra plus de fois dans les discours des ministres que les signes de ponctuation, où il aura au moins une rue et un monument à mon nom dans tous les hameaux de la nation. Proposez-moi cet emploi avec un CDI qui ne connaît de retraite que la mort, et je suis votre homme !

Sept « pères de la nation » pour chaque pays en Afrique ?

Ne me demandez pas comment on devient « père de la nation », quelles études il faut faire, etc. Je n’en sais rien. Je pourrais être tenté de vous dire qu’il faut proclamer l’indépendance d’une nation pour en devenir le père. Mais ni mon « père  de la nation » à moi, ni le « père  de la nation »qui m’accueille n’ont apporté l’indépendance à leur pays. Je pourrais aussi vous dire que le métier requiert un passage dans l’armée. Mais vous ne m’aurez pas! Je ne rentre pas dans ce débat. Honnêtement, je ne sais d’ailleurs pas qui a inventé ce terme de « père  de la nation », ni pourquoi il l’a fait. A mon avis, une nation a besoin de tout sauf d’un père. Bref…

Cette semaine, je suis tombé sur cet article (en anglais) qui m’a donné des idées. En Suisse, le chef de l’Etat, ce n’est pas une personne, mais un Conseil constitué de sept personnes ! De manière rotative, un membre du Conseil devient président de la Confédération pour une période d’un an. Mais même en tant que président de la Confédération, il n’a aucun pouvoir seul, sans le reste du conseil. Si ce modèle était reproduit en Afrique, cela veut dire que beaucoup de pays africains auraient sept « pères  de la nation ». Ou mieux, aucun président n’aurait eu le temps de se métamorphoser miraculeusement en « père  de la nation » (et on ne s’en porterait que mieux, croyez-moi!). Car sur la voie qui mène un simple président ou un simple putschiste à devenir « père de la nation », il y a le culte de la personnalité et l’autocratie que le modèle suisse ne permettrait pas de se développer. Il faudrait qu’on y songe sérieusement, à ce modèle de gouvernement suisse, en Afrique.

Bon, retour à la réalité, assez rêvé! Nos « pères de la nation » ne sont pas prêts à lâcher leur « paternité », même pour tout l’or du monde. Alors, moi non plus, je tiens dur comme fer à mon rêve de gosse :« Quand je serai grand, je serai « père de la nation » !


Non, je n’achèterai pas de lunettes d’observation d’éclipse solaire

C’est le sujet qui anime tous les trottoirs et toutes les conversations de kiosques a café en ce moment à Ouagadougou: l’éclipse solaire  que connaîtra le Burkina Faso le 3 Novembre prochain. Pourtant, j’avoue que jusqu’à la semaine dernière, j’en ignorais tout.

Une paire de lunettes sur un comptoir

Lundi dernier, je passe à la pharmacie. Sur le comptoir, un objet exposé retient mon attention: une paire de lunettes en papier avec un film noir à la place des verres. Je reconnais immédiatement les lunettes d’observation d’éclipse solaire, pour les avoir déjà vues il y a quelques années. Une histoire plutôt loufoque, sur laquelle je reviendrai plus loin dans ce billet. Mais c’est cette paire de lunettes sur le comptoir d’une pharmacie à Koulouba qui me mettra la puce à l’oreille, et qui me pousse à aller à la chasse aux infos.  Oui, je plaide coupable. Je suis plutôt éloigné de l’actualité locale et tôt ou tard, cela risque de me coûter cher.

lunettes-eclipse

Hier après-midi, je surprends une conversation a l’entrée de l’immeuble ou je travaille, sur le sujet du moment, la prochaine éclipse solaire. Un collègue et d’autres personnes devisent à bâtons rompus sur le fait que les lunettes d’observation de l’éclipse solaire soient commercialisées à un prix « trop élevé » (1000 francs CFA). L’un des protagonistes affirme qu’il sait de source sure qu’au Sénégal (qui se trouve aussi sur le passage de la prochaine éclipse solaire), les lunettes d’observation ont été distribuées à la population. Puis, mon collègue se retourne vers moi:

-« Tu as acheté une paire de lunettes pour l’éclipse? »
-« Non. Je n’achèterai pas de lunettes pour l’éclipse. »
– « Dans ce cas, il parait que tu vas être obligé de t’enfermer pendant l’éclipse ».

J’ai souri. Puis je me suis encore une fois souvenu de la dernière éclipse solaire totale que le Togo a connu. Et j’ai décidé de partager mes souvenirs avec vous.

Un voyage dans le temps

Mars 2006. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je suis élève en 1ère D1 au Lycée de Tokoin, qui soit dit-en passant est selon moi, le meilleur lycée du monde. Enfin, du monde togolais. L’éclipse solaire que connaîtra le pays le 29 Mars est sur toutes les lèvres et dans tous les journaux. On en parle partout. les lunettes d’observation sont en vente partout. Toutes les fables et les rumeurs imaginables circulent. Une après-midi, quelques jours avant le jour fatidique, les cours sont interrompus au lycée, et nous, les élèves, sommes dirigés comme un troupeau de moutons vers la cour du CEG Tokoin Centre, juxtaposé à notre lycée. Une tente a été dressée et des bancs ont momentanément quitté leur demeure habituelle, les salles de classe, pour se loger sous la bâche de la tente. Un brouhaha indescriptible règne sous la tente, alimenté par ma turbulente personne. Puis finalement, on finit par comprendre toute cette agitation: nous recevons la ministre de la population et des affaires sociales et sa délégation en 4×4 aux vitres fumées, venue expressément nous expliquer « les dangers de l’éclipse solaire ». Le personnel pédagogique courbe l’échine. A la fin de son one man show (ou devrais-je dire de son one woman show), la ministre a prévu une distribution gratuite des lunettes d’observation de l’éclipse solaire aux petits veinards privilégiés que nous sommes, lunettes pour lesquels le reste des togolais a dû payer. La distribution se termine dans un grand désordre inimaginable avec des personnes se retrouvant inutilement avec des dizaines de paires de lunettes et d’autres qui n’en ont pas. Ce jour là, à la fin de la journée, le sol du Lycée de Tokoin est jonchée d’épaves de lunettes, qui comme des éphémères, n’auront pas tenu longtemps dans nos mains.

Ce que je retiens de cette éclipse solaire de 2006 au Togo, c’est le ridicule avec lequel elle a été traitée. Je suis tombé sur un vieil article de l’époque, ou un journaliste interviewait la ministre de la Population et des Affaires Sociales, et ce passage m’a marqué:

« Nous donnons pour consigne aux familles de s’enfermer chez soi portes et fenêtres closes, car nous sommes dans un pays pauvre, où tous ne pourront pas se payer de lunettes protectrices (commercialisées au Togo à l’époque à 300 FCFA, ndlr). Alors il vaut mieux qu’elles restent chez elles pour éviter d’avoir la curiosité de regarder l’éclipse et de s’abîmer les yeux. Toutefois nous expliquons aussi que l’éclipse est un phénomène intéressant à regarder, parce qu’il est très rare (la dernière éclipse s’est produite en 1947 dans notre pays), mais avec des lunettes spéciales. Des touristes arrivent par ailleurs spécialement chez nous pour voir cet évènement. »

Effectivement, cette journée de Mars 2006 avait des airs de deuil national. On avait demandé aux femmes à terme de grossesse de se rendre à la maternité avant le jour de l’éclipse. La journée a été fériée et Lomé était une ville morte. La télévision nationale diffusait les images des rues de Lomé et elles étaient vides. Des familles s’étaient barricadées à l’intérieur de leurs maisons, lunettes sur les yeux, comme se préparant à une tempête tropicale. Certaines familles ont  même fait des provisions de rations alimentaires  pour plusieurs jours, pour un évènement qui ne devait durer que quelques heures. Finalement la communication déplacée qui a été faite autour de cet évènement aussi naturel que normal a poussé les gens à croire qu’il s’agissait de l’apocalypse. Le fait est que regarder une éclipse solaire, n’est pas en soit plus dangereux que regarder le soleil. Ce n’est pas parce que c’est une éclipse solaire que c’est dangereux pour les yeux. C’est parce que c’est le Soleil, et les rayons ultraviolets peuvent être dangereux pour nos yeux. En revenant à l’éclipse solaire de Mars 2006 au Togo, j’ai eu l’impression que la ministre en charge avait soit voulu saisir l’occasion à l’époque pour attirer les regards sur elle et rendre son ministère intéressant le temps d »une éclipse, soit avait un intérêt particulier dans la commercialisation des lunettes d’observation (je préfère ne pas croire en cette option), soit -et cette option est très grave si elle est avérée- la ministre était très mal informée sur le phénomène.

Une éclipse, pas l’apocalypse

Pourquoi je n’achèterai pas de lunette d’observation d’éclipse solaire? J’ai plusieurs raisons. Mais la principale, c’est qu’une éclipse solaire, ce n’est pas l’apocalypse. Et j’ai l’impression qu’on a tendance a désinformer exprès les populations, pour leur faire croire que tous ceux qui oseront ne pas acheter ces lunettes ne survivront pas au 3 Novembre prochain.

Je vous laisse avec une liste de quelques informations avérées que mon meilleur ami Google m’a aidé à avoir sur les éclipse solaires.

  1. Une éclipse solaire est un phénomène naturelle, pas une catastrophe naturelle.
  2. Vous n’êtes pas obligé de regarder l’éclipse solaire, si ça ne vous intéresse pas.
  3. Si vous souhaitez regarder l’éclipse solaire directement, il vous faudra porter des lunettes spéciales d’observation.
  4. Les lunettes d’observation ne sont utiles que si vous souhaitez regarder l’éclipse solaire directement. En d’autres termes, ça ne sert à rien de porter les lunettes d’observation et de vous enfermer chez vous.
  5. Pendant les quelques secondes que dureront l’éclipse totale, vous pourrez observer le phénomène à l’œil nu. D’ailleurs en ce moment, les lunettes d’observation ne vous serviront plus à rien, puisque vous ne verrez rien à travers elles.
  6. Mis à part pendant une éclipse solaire, ne regardez jamais le soleil directement à l’œil nu. C’est dangereux.
  7. Avec ou sans lunettes d’observation spéciale, vous n’avez pas besoin de vous barricader pendant une éclipse solaire.
  8. Vous pouvez observer indirectement à l’œil nu l’éclipse solaire, sur un écran, grâce à un dispositif plutôt simple (et gratuit) fait avec un carton ou une boîte de chaussures.

    Regarder l'éclipse sans lunettes, c'est possible!
    Regarder l’éclipse sans lunettes, c’est possible!

Sources: https://lepithec.chez.com/eclipse/danger.htm
                  https://www.futura-sciences.com/magazines/sante/infos/qr/d/ophtalmologie-eclipse-soleil-risques-yeux-2029/
https://www.afrik.com/article9633.html
                 https://blog.confortvisuel.com/leclipse-de-soleil-du-4-janvier-tout-pour-en-profiter-en-toute-securite.html


En attendant l’internet mobile 3,99G

Il est 7 h du matin. Vous venez de vous réveiller, avec déjà en tête tous les tracas que cette nouvelle journée va vous apporter. Mais aussi les possibles opportunités, les rencontres. Chaque jour apporte à notre vie son grain de suspens. Cependant, il y a ce petit fardeau que vous portez depuis déjà trois semaines. Qui vous empêche de dormir tranquille. Qui hante vos nuits, et vous pousse à des réflexions philosophiques pré-suicidaires du genre « Où va le monde? », « Pourquoi l’Homme est mortel? », « Pourquoi n’y a-t-il pas la paix dans le monde », ou « Pourquoi tant de manque de sérieux et de respect mutuel sur la Terre? ». En dépit de tout, vous acceptez de porter votre croix, fermement décidé à affronter cette nouvelle journée.

Le début du cauchemar

Voilà trois semaines déjà que vous n’arrivez plus à vous connecter correctement à Internet. Non, vous ne vivez pas dans un village reculé de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Non, votre avion ne s’est pas échoué sur une île déserte et vierge du Triangle des Bermudes. Vous vivez dans la capitale moderne d’un pays d’Afrique de l’Ouest. Vous êtes abonné à un opérateur de téléphonie mobile qui est supposé vous fournir une connexion Internet mobile (au moins) acceptable, vu le prix exorbitant que vous payez. La solution d’abonnement mobile a d’ailleurs été pompeusement nommée « 3,75 G ». A l’époque de la 2 G, il vous fallait attendre minuit, comme un vampire, pour sortir de votre tanière et vous connecter à Internet pour au moins lire vos emails (YouTube, Skype, et compagnie? Faut pas rêver, quand même!). Depuis trois semaines donc, avec la connexion « très-haut-débit-mobile-très-haute-fidélité-qui-coûte-la-peau-des-fesses-mais-vous-êtes-bien-obligé », abrégée en  « 3,75 G », vous êtes devenus un acrobate bidouilleur. Votre modem se déconnecte tout seul du réseau toutes les 5 minutes. Et vous êtes obligés de le débrancher et de le rebrancher pour vous reconnecter. Toutes les 5 minutes.

 

La connexion à Internet avec la 3,75G
La connexion à Internet avec la 3,75G

La balle de ping-pong

Vous vous renseignez. Vous n’êtes pas le seul. Plusieurs clients de votre fournisseur se plaignent de subir la même situation. Vous appelez le service clientèle. Un aimable agent vous fait savoir qu’il s’agit de « perturbations passagères qui sont sur le point d’êtres résolues ». Deux jours et des dizaines (centaines?) de déconnexions automatiques plus tard, vous rappelez le service clientèle. Un autre aimable agent vous informe que les « perturbations passagères sur le point d’être résolues » sont désormais résolues, et que si vous n’arrivez pas à vous connecter, il vous conseille de passer à une agence pour « reprogrammer » votre modem. Vous passez à l’agence. Un très aimable agent vous annonce que les « perturbations passagères qui sont sur le point d’être résolues » ne sont en réalité pas encore résolues, qu’il ne sait d’ailleurs pas quand (si?) elles seront résolues, et que si vous tenez vraiment à avoir une connexion Internet, il va falloir configurer votre modem pour passer à la 2 G. Traduction en français courant de votre fournisseur d’Internet mobile: Il va falloir se réveiller la nuit pour lire ses mails, et oublier pendant un moment l’existence de YouTube et Skype. Vous capitulez. Une semaine plus tard, vous retournez à l’agence. L’aimable agent clientèle vous annonce que les « perturbations passagères qui sont sur le point d’être résolues », ne seront pas résolues avant quelques jours encore, vous suggère de s’armer de patience et de se contenter de la 2 G. En attendant…. Quelques jours plus tard, vous rappelez le service clientèle. Un autre aimable agent (ils sont tous aimables, allez savoir pourquoi!), vous reçoit et vous annonce fièrement… Devinez quoi… Que « les perturbations passagères qui sont sur le point d’être résolues » sont désormais résolues et que si vous n’arrivez toujours pas à vous connecter, il vous invite à passer dans une agence afin qu’un autre aimable agent clientèle vous assiste pour « reprogrammer » votre modem. Spirale infernale, sans fin. Digne d’un scénario de mauvais film de Nollywood.

Le réveil

Vous vous réveillez en sursaut. Cette fois-ci pour de vrai. Ce n’était juste qu’un mauvais rêve. Vous vous êtes simplement endormi sur le clavier de votre ordinateur. Vous regardez sur votre écran. La page d’accueil de Google, que vous aviez lancé sur votre navigateur avant de vous endormir n’a toujours pas fini de se charger. Et le téléchargement que vous aviez lancé s’est comme par magie interrompu tout seul. Il ne faut quand même pas exagérer. Un fichier d’ 1 Mo, c’est quand même trooop demander pour  du « très-haut-débit-mobile-très-haute-fidélité-qui-coûte-la-peau-des-fesses-mais-vous-êtes-bien-obligé », encore appelé « 3,75 G ». Pour ça, vous allez devoir attendre la 3,99 G (Soyons sérieux, la 4G, ici,  c’est pas pour demain!). Pour le moment, il faut juste se lever et aller affronter cette journée. Le soleil, lui,  ne vous attend pas.

Récit tiré du carnet du psychologue thérapeute d’un client d’un opérateur de téléphonie et Internet mobile d’Afrique de l’Ouest. Oui, il y en a un que toute cette histoire de 3,75 G a fini par envoyer à l’Hôpital Psychiatrique. 


Mon pote, le cyber arnaqueur

Mi-Juillet dernier, j’ai eu la chance de rentrer à Lomé « l’ex-belle », pour un séjour d’à peu près un mois ; histoire de revoir la famille et les anciens potes. En bon geek accro aux réseaux sociaux, je décide de me trouver une bonne connexion Internet. Trop cher l’ADSL. Je tente la connexion mobile « 3G » mais notre « réseau leader » a décidé que Kpogan, mon quartier, n’est pas encore digne d’être couvert par la 3G. Je décide de faire ce que tout togolais Lambda fait. Je vais au cyber. Et je vais même faire mieux, je m’y abonne.

Alors, pour ceux qui ne le savent pas, le cyber est pour nous geeks togolais ce que le salon de coiffure est pour les femmes (Croyez-moi, je ne suis pas sexiste), où ce que le kiosque à journaux est pour les zémidjan (taxi-moto)  : l’endroit parfait pour commérer, faire et défaire le monde, construire des châteaux en Espagne (dans notre cas à la Sillicon Valley), etc.

Premier essai, un cyber de Nukafu en face de la station Total. Le débit est tellement lent que j’ai le temps de siroter un Coca pendant que la page d’accueil de Google charge. Je déchante. Sur les conseils de mon pote GéoGéo je tente un autre cyber. Toujours à Nukafu, Avenue Jean-Paul 2, pas loin de Coin Mao (Ceux qui savent savent). Le coup de foudre !

LE CYBER EN QUESTION

Avant de continuer, je vous fais l’état des lieux.  Le cyber en question est divisé en trois zones. Une salle classique, des ordinateurs pas si jeunes que ça alignés en rangées, des chaises en face, et des contreplaqués faisant office de séparation pour préserver la « vie privée » des clients. La deuxième zone, ou j’érige mon campement, est en fait une terrasse avec wifi, donnant sur la rue, pour que les fiers détenteurs de Labtop « Made in China » ou « Bought from TP3 » puissent les exhiber aux passants. Enfin, le saint des saints, la zone VIP. C’est une salle CLIMATISÉE (denrée rare à Lomé), avec décoration, plafond PVC, ambiance feutrée. Le prix de la connexion est à l’image de la clientèle de cette zone, fixé de manière à décourager tous les crevards qui seraient tentés de s’y immiscer. La hiérarchie est faite. Les clients de la terrasse friment sur  ceux de la salle « classique » et les passants, et les VIP règnent sans partage sur tout ce petit monde. A chacun son royaume.

LA RENCONTRE

Alors, un matin, je suis bien installé à la terrasse quand je croise un visage familier sur le point de me dépasser pour rentrer à l’espace VIP. Sourires ! Accolades ! C’est un vieux pote du lycée que je n’ai pas revu  depuis presque sept ans. Mais j’aurai l’occasion de le rencontrer régulièrement au cyber, toujours à l’espace VIP, ce qui titille l’imagination du curieux que je suis. Que diable vient donc-t-il faire tous les jours ici, au VIP de surcroît ! Là je sais que vous allez me dire : « Jaloux, que viens-tu toi-même faire tous les jours au cyber ? » Bref, passons. Grâce à un heureux (malheureux ?) concours de circonstances, je vais finalement avoir la réponse à ma préoccupation.

C’est pendant une de nos discussions de geeks, avec GéoGéo que mon vieux pote du lycée, qui passait par là, m’apostrophe :

-Lui : « Gars tu es dans l’informatique ou quoi ? »

-Moi : « Bien sûr ! De formation et de profession … »

-Lui : « Je pense que j’aurai  besoin de tes services ».

En bon chercheur de nouvelles opportunités, je sens un filon. Je souris intérieurement. Le gars m’invite au Saint des saints, à l’espace VIP, pour continuer la discussion.

LA DÉSILLUSION

A peine la discussion entamée que je me rends à l’évidence : c’est loin d’être une opportunité. En tout cas pas en accord avec mes principes. Le type me demande tout d’abord de l’aider à mettre en place un outil afin que les messages qu’il envoie à ses « clients » n’atterrissent pas dans leurs spams. Peu après, il me demande de lui développer une « banque en ligne ». Je comprendrai plus tard qu’il veut en fait que je lui développe un clone du site web d’une banque de la sous-région pour des fins que vous imaginez bien. Au vu de mon air sceptique et abasourdi, il finit par m’avouer qu’en fait, ce sont des activités « un peu illégales » qu’il fait pour s’en sortir. « Wow ! C’est toujours le  » Hoz* » ??? » J’arrive finalement à me sortir de cette situation gênante grâce à un tour digne de Roger l’alien d’American Dad. Mais je me pose des questions.

Crédit: lefaso.net
Crédit: lefaso.net

Comment ce pote avec qui je partageais les plats de haricots-gari en récréation au lycée a pu devenir un cyber arnaqueur ? Se rend-il compte de la gravité de ses actes ? Est-ce là une conséquence de notre fléau national, le chômage des jeunes ? Certains diront que c’est parce qu’il n’a pas trouvé d’autre occupation. Moi je dis qu’il ne faut pas trouver des motivations humanitaires  à un voleur. Parce que c’est de ça qu’il s’agit. C’est un délit. Il est temps de faire comprendre à tous ces jeunes appâtés par le gain facile qu’il ne suffit pas d’ajouter un préfixe « cyber » au mot « arnaque » pour en faire un noble métier. Et il est temps de punir ses actes, comme cela a déjà commencé à être fait en Côte d’ivoire. Parce que ce n’est pas ainsi que nous concevons la jeunesse africaine, l’Afrique de demain.

*Hoz : galère, souffrance.


Je marche, je rêve, je suis

Vous arrive-t-il, à vous aussi, de parfois rêver, éveillé, en marchant ? Moi, si. Je pense, en tout cas j’espère ne pas être le seul à qui cela arrive.

Je marche…

On estime qu’en moyenne, pendant sa vie, un homme aura marché l’équivalent de deux fois le tour de la terre. Et il m’est arrivé de me surprendre en train de réfléchir, rêvasser, rêver, en marchant, seul ou accompagné, pressé ou pas, en pleine ville, ou sur un sentier de campagne. C’est dans ces moments où l’on s’oublie, que naissent parfois de grandes idées, de grandes décisions.

On dit aussi que l’Afrique, est en marche vers son développement. La marche. Le mot est plutôt bien choisi. Quand on y fait plus attention, en marchant, on se met sans cesse en déséquilibre pour avancer. La marche vers le développement du continent serait donc pareille. Une succession incrémentale de déséquilibres, qui sont censés nous faire avancer…. encore faut-il que nous avancions réellement.

…Je rêve…

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La particularité des rêves que l’on fait en marchant est qu’au fond, on sait que ce ne sont pas que des rêves. Autant les rêves que nous faisons endormis sont qualifiés d’envies refoulées, autant ceux que nous faisons éveillés reflètent nos aspirations profondes. Et aujourd’hui, en Afrique, on rêve. On rêve les yeux ouverts. On rêve d’espoir, on rêve de mieux. Entre deux chutes, on rêve. Entre deux coups d’Etat, on rêve. Entre deux épisodes de violences postélectorales, on rêve. Entre deux sommets de haut niveau, de bailleurs de fonds, ou d’annonce d’annulation de dette, on rêve. On rêve de dignité retrouvée. On rêve de gloire. On rêve de liberté.

…Je suis…

Les mois sont devenus des années, les années des décennies. Les générations se succèdent, mais ne se ressemblent pas. Aux fougueux, courageux et rêveurs pères de l’indépendance a succédé aujourd’hui une autre race de rêveurs. On peut leur arracher tout. Leur identité. Leur droit à l’éducation. Leur droit à la santé, à l’eau, à l’électricité. Leur droit d’exprimer leur mécontentement, leur ras-le-bol. Tout, sauf leurs rêves. Leurs rêves de lendemains meilleurs pour l’Afrique. LEUR REVE.

Je marche, je rêve, je suis un DevWalker.