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La politique ivoirienne ou la « mangecratie »

La « mangecratie », un terme utilisé pour la première fois par l’artiste reggae ivoirien Tiken Jah Fakoly en 1999 dans son premier album. Elle désigne en effet le comportement des nouveaux politiciens africains dont le seul but est de conquérir le pouvoir et « manger » avec ses amis, alliés, son clan, sa famille.


Hadj 2017 – des pèlerins ivoiriens bloqués à Abidjan

Quelques 295 candidats pèlerins ivoiriens ne pourront plus effectuer le Hadj cette année, pour faute de visas. Les responsables des deux agences privées, impliquées dans l’affaire, ont été arrêtées par la Police. Le Directeur général des Cultes, Messamba Bamba, rassure que les dispositions seront prises pour rembourser les frais engagés par les pèlerins. Ceux-ci, s’ils le souhaitent, seront inscrits prioritairement sur la liste du contingent étatique l’année prochaine.

Quelles sont les raisons de leur blocage à Abidjan ?

Départ des pèlerins ivoiriens pour la Mecque, depuis l’aéroport d’Abidjan

Les faits remontent au vendredi 25 août lorsqu’un groupe de pèlerins mécontents se lève pour manifester bruyamment dans la commune de Treichville. La raison : ils réclament leur départ pour le Hadj. Mais l’horizon semble de plus en plus sombre. Mécontents, ils mettent le cap sur la direction générale des cultes à Cocody afin d’obtenir gain de cause. Après renseignement, la DGC se rend compte d’une grosse magouille. « Le quota de la Côte d’Ivoire qui était de 5 600 pèlerins, a été revu à la hausse pour passer à 5 820 à notre demande ; soit 4 200 pour le contingent étatique et 1 620 pour les opérateurs privés au nombre de 14. Il est à relever que 12 de ces agences ont transporté normalement tous leurs pèlerins en Arabie Saoudite. Cependant, les agences privées dénommées Méridien Hadj & Oumra d’une part et EIMPC d’autre part, n’ont pu mettre à disposition les documents de voyage de 295 pèlerins sont 263 inscrits illégalement » a indiqué le directeur général des Cultes.

A l’intérieur de l’avion malaisien affrété par la Côte d’Ivoire

Toutefois Messamba Bamba rassure : « Les responsables des dites agences de voyage ont été interpelés par la police pour répondre de leurs actes. La Direction générale des Cultes rassure les pèlerins concernés et leurs parents que toutes les dispositions sont entrain d’être prises afin de procéder au remboursement des frais engagés par leurs soins. Par ailleurs, ces pèlerins, s’ils le souhaitent, seront inscrits prioritairement sur la liste du contingent étatique de l’édition 2018 du Hadj ».

Rappelons que tous les pèlerins du contingent étatique, au nombre de 4 200 sont déjà en Arabie saoudite où ils effectuent en ce moment les différents rites du Hadj.

Lama


Tabaski, les consommateurs dénoncent le prix du mouton

Cette année, près de 120 000 bêtes seront présentes sur le marché ivoirien. Ces bêtes sont pour la plupart en provenance du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Il existe certes des parcs à bétails à travers la ville d’Abidjan dont le plus grand se trouve dans la commune de Port Bouët. Les moutons arrivent soit par train, soit sur la route. A ce niveau, l’Etat de Côte d’Ivoire a supprimé tous les faux frais liés au transport des bêtes. Le seul contrôle existant est au niveau des frontières afin de s’assurer l’état de santé des ruminants. Cela veut dire également qu’il est mis fin aux escortes des remorques. Pour me résumer, tous les frais d’installations et de contrôle sanitaire, s’élèvent  à 180 000 F CFA.

Malgré cet effort du gouvernement, comment comprendre la cherté du mouton sur le marché ivoirien ? Voici quelques raisons que nous avons décelées.

D’abord, les multiples intermédiaires entre acheteurs et vendeurs occasionnent la hausse du prix du mouton. En effet, dans le jargon des vendeurs, on parle de tutorat. Il s’agit de commerçants étrangers qui hébergent leurs bétails sur les parcs de tuteurs. Ceux-ci ont leurs mots à dire pendant les négociations avec le client. Parfois leurs décisions sont celles qui priment, puisque les commerçants ne connaissent visiblement pas le terrain. Alors ils subissent le dictat de leurs tuteurs, en un mot.

La 2è raison qui pourrait expliquer le coût excessif du mouton, c’est l’existence des courtiers, appelés dans le jargon Cocseurs. A la place des véritables vendeurs, ils prennent la responsabilité de plusieurs bêtes qu’ils promènent aux abords des marchés juste à l’entrée. Pour les clients qui ne souhaitent pas entrer à l’intérieur, ils se bornent à négocier avec leurs premiers interlocuteurs. Et parfois, on assiste à la surenchère.

La 3è raison qu’évoquent les vendeurs, ce sont les différentes dépenses engagées pour l’entretien des moutons dans les enclos. En effet, à l’approche de la tabaski, les aliments des bêtes subissent une hausse des prix. Pour les aliments qu’on achète en période ordinaire à 500F le jour, cette somme passe au triple voire même est quadruplée.

La 4è raison que nous avons identifié également c’est que le secteur du bétail n’est pas réglementé. Chaque vendeur fixe le prix qu’il veut, et comme il veut, en fonction de la loi du marché, c’est-à-dire la loi de l’offre et de la demande. Lorsqu’il y a suffisamment de moutons sur le marché, on assiste à une baisse générale du prix. Toutefois quand il y a pénurie de bête sur le marché, les prix s’envolent. A ajouter que la Côte d’Ivoire est une économie ultra libérale. L’un des inconvénients, c’est la montée en puissance des cartels. Les vendeurs peuvent décider entre eux de fixer le prix, même s’il n’y a pas de pénurie. Les trois dernières années, nous avons assisté à cette situation au point où des vendeurs se sont retournés avec leurs moutons après la Tabaski. Tout simplement parce qu’ils ont fait de la rétention, afin de créer une situation de pénurie.

La dernière raison qui expliquerait la cherté du prix du mouton, c’est le manque d’intérêt des ivoiriens pour l’élevage du mouton. Comme on le voit, le secteur bétail et viande a le vent en poupe. C’est une activité qui nourrit son homme. Cependant les ivoiriens ne sont pas nombreux à investir dans ce domaine, pour des raisons que nous ne sommes pas en mesure d’expliquer ici.

Par ailleurs, voici quelques propositions pertinentes recueillies. En effet, il faut plus d’implication de l’Etat de Côte d’Ivoire dans la filière du bétail. En d’autres termes, il faut passer à la phase répressive pour réduire sensiblement les faux frais de transport, de parking des moutons et des frais liés à l’entretien. Ensuite, il faut la fixation d’un prix homologué des moutons, en fonction des critères qui seront rendus publics. Mieux d’autres estiment qu’il faut fixer le prix du mouton en fonction de son poids. Par exemple, un mouton de 30 kg correspond à 60 000F, 40 kg 70 0000F ; 60 kg à 150 000F etc.

Enfin l’ivoirien doit investir davantage dans ce secteur d’activité générateur de revenu, et surtout professionnaliser cette activité en attirant des investissements via les banques nationales et investisseurs de l’étranger.

Lama

 

 


Côte d’Ivoire, la guerre de succession fait rage (1)

Depuis son accession à l’indépendance le 07 Août 1960, la Côte d’Ivoire n’avait jamais connu un climat aussi tendu et plein de suspicion ses derniers temps. Et pour cause ! La succession du chef de l’Etat actuel Alassane Ouattara dont le mandat arrive à terme dès 2020. 2020, cette date fatidique est l’objet de toute convoitise, même des plus inimaginables. D’abord les faits….
L’appel de Daoukro en 2014

Au cours d’une visite d’Etat, le président du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié (allié d’Alassane au sein du RHDP), lance un appel depuis Daoukro, son village natal, pour soutenir la candidature unique de M. Ouattara lors de l’échéance électorale de 2015. « L’objectif d’une telle candidature est double : assurer le succès du RHDP aux élections de 2015 et aboutir à un parti unifié dénommé PDCI-RDR pour gouverner la Côte d’Ivoire, étant entendu que ces deux partis sauront établir entre eux l’alternance au pouvoir dès 2020 », a dit Henri Konan Bédié.
Seulement voilà à l’approche de 2020, l’allié du PDCI semble faire volte-face. Alassane Ouattara fait perdurer le suspens en maintenant un silence radio sur sa succession. Pire, au cours du traditionnel discours à la Nation, lors de la célébration de la fête de l’indépendance, ADO déclarait ceci : « (…) je voudrais rappeler que nous avons eu l’élection présidentielle il y a à peine deux ans, précisément en octobre 2015.
La prochaine élection présidentielle prévue par la Constitution, est dans plus de trois ans et elle mobilise déjà beaucoup d’énergie. De tels comportements attisent les tensions au sein de l’alliance au pouvoir alors que nous devons nous concentrer sur la mise en œuvre de notre programme commun, approuvé massivement par nos compatriotes. (…)Je veux dire aux uns et aux autres que pour la prochaine élection présidentielle, tous pourront se porter candidat, selon les dispositions de notre loi fondamentale qui garantit des élections démocratiques et transparentes ».

L’appel à la Nation en 2017

De cette déclaration, deux principales analyses. Alassane Ouattara reconnait en effet un malaise profond au sein de l’alliance RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour le Développement et la Paix) qui est née en 2005 aux bords des Seines en France. Au départ, il comptait cinq partis politiques dont le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, le Rassemblement Des Républicains, l’Union Pour la Démocratie en Côte d’Ivoire, le Mouvement des Forces d’Avenir, et l’Union Pour la Côte d’Ivoire. A ce jour, l’alliance est pratiquée vidée de son contenu. Il ne reste plus que les deux grands partis (PDCI et RDR). D’ailleurs, il a toujours été ainsi. Les trois autres partis, compte tenu de leur petite taille, ont un faible poids vis-à-vis des deux autres. La suite, on la connait.
Aujourd’hui la guéguerre entre le PDCI et le RDR va dans la suite logique des choses. L’objectif de tout parti politique est de conquérir le pouvoir ou de s’y maintenir. Mais pour ce qui est d’une alliance, cela est inconcevable. D’autant plus que l’accord stipulait « étant entendu que ces deux partis sauront établir entre eux l’alternance au pouvoir dès 2020 ». D’aucuns pourraient donc évoquer la trahison de la part du RDR, après la sortie du chef de l’Etat, en ce qui concerne sa succession. Pour Alassane Ouattara, l’élection présidentielle de 2020 est ouverte à tous et à chacun. En clair le RDR n’est pas disposé à lâcher de sitôt l’exécutif ivoirien. Et pendant ce temps, Guillaume Soro, l’ex-patron de la rébellion ivoirienne, se prépare pour 2020….
A suivre

Lama


Le phénomène « Kadidja » chez les musulmans

Depuis quelques années, un phénomène appelé « Kadidja » bat son plein au cœur de la communauté musulmane ivoirienne. Il consiste pour un homme désargenté ou moins fortuné d’épouser une femme relativement aisée à l’image de Kadidja, la première épouse du prophète de l’Islam, Mahomet.

En effet, Kadidja Koubra était une richissime femme d’affaire arabe. Elle faisait le commerce dans la péninsule bien avant sa rencontre avec Mahomet. Celui-ci avant de recevoir la prophétie avait bâti sa réputation autour de son intégrité morale. De bouche à oreille, Kadidja entendit parler de Mahomet ainsi que de sa bonne moralité. Elle décida alors de l’embaucher parmi ses agents commerciaux. A travers plusieurs expériences, Kadidja s’aperçu effectivement de la qualité morale de Mahomet ; quitte à lui faire des avances pour l’épouser. Chose faite, Kadidja décida de mettre toute sa fortune à la disposition de Mahomet pour promouvoir l’Islam, qui venait à peine de naitre dans un environnement encore traditionnaliste marqué par le culte des castes. En un mot, on retient que Kadidja a été d’un soutien indéniable (financier) pour la propagande islamiste.

Mauvaise compréhension du rôle de Kadidja

Contrairement à Mahomet, les musulmans considèrent « Kadidja » comme un « fruit juteux » dont on tire le maximum de profit financier. En plus, « Kadidja » est une femme mature, la quarantaine révolue, à l’abri du besoin. Elle est divorcée, veuve ou même célibataire ; à la recherche d’un homme pieux, gentil, beau. En Afrique, les avances amoureuses venant d’une femme pour un homme sont encore mal perçues. Pour contourner ce tabou social, les nouvelles générations s’orientent vers les groupes de discussion sur internet ainsi que les réseaux sociaux. D’autres femmes préfèrent se confier aux guides religieux. Ces derniers se chargent donc de trouver des connexions. Et le mariage est contracté.

En revanche, une autre catégorie préfère se confier à des proches ou amies. De bouche à oreille, les informations sont partagées. Et on finit par trouver un candidat. Pour sa part, les candidats sont de plus en plus entreprenants. La foi ne constitue plus le seul critère d’union entre deux personnes. La situation financière de la conjointe est scrutée de très près : biens, profession, lignée, fréquentation etc.

Les plus en vogue dans ce phénomène, ce sont les hommes de Dieu : les Imams. Ils sont nombreux ceux qui possèdent une « Kadidja » parmi leurs épouses. Elles constituent en quelque sorte leur source de « financement » pour mener à bien leurs activités communautaires.

Les guides religieux abonnés au phénomène « Kadidja »

Si des personnes dénoncent cette situation, d’autres par contre tentent de comprendre les Imams dont la vie est parfois miséreuse malgré le travail abattu pour la communauté. En effet, la plupart d’entre eux travaillent de façon bénévole, sans percevoir de salaire. Mener une vie professionnelle en étant guide religieux est une équation parfois difficile, car il faut du temps. Cette exigence amène la plupart à se consacrer essentiellement à la vie communautaire. Mais que de difficulté financière. Alors épouser une « Kadidja » vient combler un vide. Et d’autant plus que l’Islam autorise la polygamie.

Si le mariage est un acte sacré, fortement recommandé dans les religions, il n’en demeure pas moins que le contenu doit être passé au crible. Se marier par amour et non par nécessité ; voilà la conduite à tenir.

Lama  

 


Mon enfant, mon « café-cacao »

« Mon enfant, c’est mon café-cacao, ne le touchez pas ». Qui n’a jamais entendu cette phrase sous nos tropiques en Côte d’Ivoire ? On comprend mieux quand on connait la place du binôme café-cacao dans le pays. En effet, l’économie ivoirienne repose sur ces fèves dont l’argent entretient la plupart des ivoiriens. Cette image est utilisée par les parents pour désigner leurs enfants sur qui ils comptent pour leur retraite.

L’Afrique en général, et la Côte d’Ivoire en particulier vit sous cette pression psychologique exercée par les parents sur leurs enfants. Des enfants, voyant les conditions de vie misérables de leurs parents, sont prêts à tout pour devenir « quelqu’un ». Ainsi on assiste à toute sorte de risques et de vices pour atteindre son but entretenu depuis le bas âge par les géniteurs. L’immigration clandestine tire également son origine de ce fait. Quand on demande à un aventurier, il vous dira qu’il veut sortir sa pauvre mère de la misère. Quand on demande à la prostituée du trottoir, elle vous répondra qu’elle veut subvenir aux besoins de sa maman abandonnée par son mari. Quand on demande au jeune « brouteur » (cybercriminel), il vous dira qu’il souhaite aider sa mère à joindre les deux bouts…Voyez comment le problème est profond.

« Tout le monde sait comment faire des bébés, mais personne ne sait comment faire des papas », dixit le chanteur belge Stromae. Il dit tellement vrai…En effet, il a toujours été facile de planter le « café-cacao » puisque beaucoup de terres fertiles existent. Cependant malgré la fertilité du sol, on remarque que l’entretien de ces fèves est un véritable « casse-tête chinois » pour des parents. On croise les bras, on ne fait rien pour entretenir son champ. On fuit sa responsabilité. Et une fois à la retraite, on se met à exercer une certaine pression sur l’enfant. Celui-ci vulnérable qu’il est, ne voit d’autres issus que de braver coûte que coûte tous les obstacles pour devenir « un café-cacao » rentable. Après la pluie le beau temps, dit-on. Lorsque l’enfant réussit, c’est grâce au père. Mais lorsque c’est le contraire, c’est la faute à la mère.

Mais je vais vous raconter une histoire qui s’est déroulée en Arabie saoudite, dans la période du pèlerinage (Hadj). Un candidat au pèlerinage, sous l’anonymat, voulait se rendre à Arafat pour le Hadj (car le Hadj c’est la station de Arafat). Mais il a été empêché par un mal de ventre, qui l’a retenu à l’hôtel. Il s’endort sur ces faits et dans un songe, le vieillard voit des pratiques peu honorables que son fils a dû faire pour obtenir les moyens du voyage spirituel. Une fois de retour au bercail, il renia son fils à jamais. Mais est-ce vraiment sa faute ? Est-ce sa faute s’il entend de jour comme de nuit le rêve de son père ? Est-ce sa faute s’il est gavé à tout bout de champ par ce désir de son géniteur ? Si les maux les plus ignobles continuent jusqu’à ce jour, les parents ne sont pas à exclure des bancs des accusés.

Lama


En Côte d’Ivoire, les ex-combattants de Bouaké sont laissés pour compte

Les récents événements survenus à Bouaké, ex-capitale de la rébellion ivoirienne, entretiennent doute et espoir au sein de la population quant au sort réservé aux anciens combattants. 

Bouaké sort peu à peu de sa léthargie depuis la fin de la crise en 2011. La ville qui servait de base aux « forces nouvelles » est rentrée effectivement dans la république depuis 2011, après la chute et l’arrestation de Laurent Gbagbo.

Depuis 2002, Bouaké, à elle seule, revendique près de 20 000 ex-combattants sur un total national estimé à 74 000.

Que deviennent ces anciens combattants ? Ont-ils bénéficié des programmes de l’ADDR (Autorité pour le Désarmement, la Démobilisation et la Réinsertion) ? Quel est le suivi des différents projets ? Ceux-ci sont-ils adaptés aux besoins ? Y-a-t-il des risques de déstabilisation par les frustrés à l’approche des élections présidentielles d’octobre prochain ?

Les oubliés de la guerre

Vendredi 15 mai 2015. 10 h passées de 35 minutes. Sur un taxi-moto (principal moyen de transport à Bouaké), nous allons à la rencontre de Ouedraogo Souleymane, président des blessés de guerre de Bouaké. Il habite dans un bidonville appelé Gbêtou dans le quartier Kôkô. Âgé de 36 ans, M. Ouédrago est père d’un enfant. Son épouse est décédée lors de la crise de 2002. C’est avec douleur qu’il jette un regard sur ce passé noir.

Avant 2002, Ouedraogo Souleymane vivait du commerce entre Bouaké et Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, pays frontalier à la Côte d’Ivoire. Selon lui, c’est l’injustice que subissaient ses parents qui l’a poussé à prendre les armes. Car tous ceux qui avaient des noms à consonance nordique ou sous-régionale comme lui, était immédiatement mis dans le panier des étrangers. Alors que, poursuit-il, son père s’est installé en 1646 avant les indépendances. Ce qui fait de lui inéluctablement un ivoirien comme tout autre.

Après son enrôlement dans la rébellion, il est pris en embuscade par un obus entre Ferké et Katiola, où il prend 7 balles dans le corps. Il reçoit les soins d’urgence. Sa vie est hors de danger, mais il va y laisser son pied gauche. Il marche aujourd’hui à l’aide d’une canne, et des cicatrices sont visibles sur sa lèvre supérieure. Il est pris en charge par l’Autorité pour le Désarmement, la Démobilisation et la Réinsertion dans la région du Gbêkê. Il a bénéficié de la somme de 800 mille Francs Cfa, reconnaît-il.

Toutefois, cette somme, pour lui, n’est pas suffisante, car ayant servi au frais de soins. Son temps, il l’occupe également à redonner de l’espoir à plus de 86 blessés de guerre à Bouaké. Selon lui, tous se sentent abandonner par le pouvoir pour qui ils ont combattu. Leurs doléances, c’est d’être prise en charge au plan médical et de bénéficier du statut de caporal afin d’avoir des indemnités liées audit poste. En revanche, il ne cache pas son soutien infaillible et indéfectible au chef de l’Etat Alassane Ouattara, à qui il place sa confiance pour une prise en compte de leur aspiration.

« Commandant Chocho », de la rébellion à la création d’agence de sécurité

Si Ouédraogo Souleymane est sur le carreau, ce n’est pas le cas pour Bassori Barro, ex-combattant. Mais aujourd’hui patron d’une agence de sécurité à Bouaké depuis 2013. Son agence encadre 82 salariés, payés par semaine. La plupart sont des ex-combattants comme lui.

Quartier Gonfreville. Il est presque 10h. Nous sommes au siège de SBB Sécurité. Un bâtiment peint en jaune avec une légère moisissure. La cour de l’entreprise est transformée en un véritable camp d’entraînement militaire. Notre entrée coïncide avec l’exercice d’un stagiaire, Béréma Amadou. Il s’apprête à effectuer le parcours du combattant. Dans le jargon militaire, cela consiste à se frotter aux réalités du terrain par des exercices pratiques. Après le sport, il faut grimper à la corde de 100 mètres. Ensuite, ramper à travers la barrique et le grillage, pour terminer par des épreuves de musculature.

Toutes ces manœuvres militaires ont pour objectif de mieux outiller l’agent de sécurité en cas d’intervention, nous fait savoir Bassori Barro, appelé communément « commandant Chocho ». Ce surnom lui a été donné à cause de son tempérament énergique dans l’accomplissement d’une tâche. C’est un homme assez corpulent, âgé de 54 ans, et père de 9 enfants. Avant la rébellion, il était chef maçon. Sa fougue plaidait en sa faveur. Du coup il était adulé par les clients.

Enrolé pendant la crise de 2002, Bassori Barro va gravir les échelons jusqu’à occuper le poste de responsable de la sécurité du commandant Ousmane Chérif, un chef de guerre. Après une dizaine d’années, leur collaboration va prendre fin. Chérif Ousmane s’installe à Abidjan quand « Chocho » décide de rester à Bouaké, pour n’avoir pas été enrôlé dans l’armée. Depuis 2013, sa société existe de façon légale grâce à l’aide du commandant de la gendarmerie de Bouaké.

Celui-ci voyant sa bonne connaissance de l’environnement, n’hésite pas à lui confier les missions dont les forces légales sont incapables de résoudre. Son entreprise se porte bien. Il est sollicité aussi bien par les sociétés publiques et privées pour assurer la sécurité des biens et des personnes. Ex-combattant lui-même, il n’a pas oublié ses pairs. Soro Niyoli, chef de patrouille à Sbb sécurité, 36 ans et père de 4 enfants en fait partie. Il a combattu auprès de “Chocho” lors de la crise post-électorale de 2011. Malheureusement, il n’a pas pu intégrer l’armée. Pour éviter l’oisiveté, il se retourne auprès de son ancien chef, qui est Bassori Barro. Celui-ci n’hésite pas à lui donner sa chance. Aujourd’hui il estime gagner honorablement sa vie grâce à Sbb sécurité.

La situation des anciens combattants est mitigée dans l’ex-quartier général des rebelles. Même si le bruit des armes ne se fait plus attendre dans les rues de Bouaké, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’état des lieux des armes récupérées dans le cadre du DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion).

L’ADCI, la gardienne des armes des ex-combattants

De l’agence Sbb Sécurité, nous mettons le cap sur le siège social de l’Association des Démobilisés de Côte d’Ivoire (ADCI), situé dans le quartier N’gattakro. C’est une chaussée complètement délabrée qui nous ouvre les bras. A l’intérieur, une maison presque abandonnée dont les séquelles des balles de la période de crise restent visibles comme le soleil de midi. Dans les bureaux, pas de courant ni d’eau potable. C’est dans cette ambiance de chaleur épouvantable que nous prenons place dans le bureau du président de ladite association, Kaba Mory, qui encadre depuis 2007, les ex-combattants. Sans transition aucune, il s’ouvre à nous pour parler de long en large de cette organisation qui vient, selon lui, épauler l’ADDR dans sa mission.

Ainsi, au cours de la période de 6 mois que dure leur contrat avec l’Etat, l’ADCI a pu retirer plus de 80 armes dans les familles d’ex-combattants. Un objectif presque atteint, à l’en croire, car le contrat stipule l’enrôlement de 90 anciens combattants sur une période de 6 mois. Pour Kaba Mory, contrairement à Ouedraogo Souleymane, l’ADDR de Bouaké, a mis en place tous les dispositifs pour permettre une meilleure prise en charge des ex-combattants. Par ailleurs, il invite ceux qui n’ont pas encore déposé les armes, à se bousculer à leur porte afin de bénéficier des mesures d’accompagnement. Aussi, poursuit-il, parce que la détention illégale d’une arme est un danger pour la personne ainsi que pour les membres de sa famille.

Tout comme Ouédraogo Souleymane, M. Kaba appelle le gouvernement à poursuivre les efforts en faveur des ex-combattants qui se sont engagés à soutenir le pouvoir pour un climat de sécurité apaisé, tant à Bouaké qu’à travers tout le pays, et surtout à l’approche du scrutin d’octobre.

L’ADDR Bouaké, bilan mi-figue mi-raisin

Notre investigation va se poursuivre au bureau régional de l’ADDR (Autorité pour le Désarmement, la Démobilisation et la Réinsertion) Bouaké, situé dans le quartier huppé de Kennedy. C’est le directeur adjoint de la structure locale, Sékou Traoré dit « Leguen », qui nous reçoit à son bureau. Il nous informe que son institution a mis en place 5 programmes de réinsertion pour les 15 000 ex-combattants déjà enrôlés dans la région du Gbêkê, à savoir l’énergie solaire, les Bâtiments et Travaux Publics (BTP), l’agro-pastorale, le transport de moto-tricycle, le commerce dont la vente des pièces détachées. Ces formations totalement prises en charge par l’Addr, sont sanctionnées par la délivrance d’un Certificat d’Aptitude Professionnel (CAP) ainsi que la remise de la somme de 800 mille F Cfa. Cette somme, poursuit-il, est plus élevée que celle réclamée par les ex-combattants au cours de l’Accord Politique de Ouagadougou (APO) en 2007 ; qui était estimée à 500 mille F Cfa. En plus, des cabinets sont chargés de suivre la mise en œuvre effective des projets de réinsertion. Toutefois, Traoré Leguen estime que nombreux sont ceux qui ne tiennent pas compte de l’environnement économique de la ville avant d’installer leur commerce. Par ailleurs, il a fait des précisions quant aux mutilés de guerre qui ne sont pas pris en compte par le processus DDR mais plutôt par le ministère de la Solidarité.

Depuis le 30 juin 2015, l’ADDR a achevé sa mission. En revanche, les soulèvements des ex-combattants à Bouaké posent encore des questions sur la réussite de cette opération.

(J’ai écrit cet article il y a deux ans. Cependant il demeure encore d’actualité d’où sa republication).


Diaby Almamy, le « papa des microbes »

Yopougon. Wassakara. Un des sous-quartiers les plus pauvres de la commune la plus vaste d’Abidjan. Dans cette bourgade comme dans tout autre, le constat semble le même : l’anarchie règne en maître. Par-ci des badauds, torses nues, jouent à même le sol, sans se soucier de leur santé. Par-là, des jeunes gens assis autour du thé, parlant à bâtons rompus. Parfois des éclats de rire surgissent au cœur du « grin ». C’est dans ce climat que nous arrivons au siège de l’Ong Nouvelle Vision contre la Pauvreté (NVCP) situé à Wassakara.

Au fait, cette situation géographique n’est pas le fruit du hasard. En effet, Wassakara fait partie des bastions des enfants appelés « microbes ». Ces « microbes » pourchassés de toute part depuis un certain temps, ont retrouvé refuge dans ce quartier. Mais à beau chasser le naturel il revient au galop. Ces jeunes n’ont pas réussi à s’adapter au quartier que l’artiste rappeur ivoirien Billy Billy chante avec humour ; où la pauvreté est la chose la mieux partagée,…et le vice aussi.

Cet espace autrefois paisible, s’est transformé peu à peu en un nid de violences avec la naissance de fumoirs. Car le phénomène des enfants microbes est inéluctablement lié au trafic de drogues. Puisque l’oisiveté est la mère de tous les maux. Par ailleurs, il faut reconnaître la cause liée à la crise post électorale où ces jeunes gens servaient d’indic aux groupes armés opposés les uns aux autres. Une fois la crise terminée, ces adolescents pour la plupart se sont retrouvés abandonnés, sans issue. C’est ainsi que la violence est devenue un moyen pour eux de s’exprimer, et surtout d’avoir leur part du « gâteau ».

Revenons à notre sujet, l’Ong Nouvelle Vision contre la Pauvreté. Elle est forte d’une dizaine de personnes sous la coupole de Diaby Almamy, imam adjoint de la mosquée de l’AEEMCI (Association des Elèves et Etudiants Musulmans de Côte d’Ivoire) dans la commune du Plateau.

Diaby Almamy, « papa microbe »

S’il y a une personne qui connait bien ces jeunes appelés « microbes » pour leurs actions néfastes, c’est bel et bien Diaby Almamy. C’est un homme barbu, fidèle à ses lunettes qu’il ne quitte jamais…sauf pour dormir, bien sûr ! Le siège de l’Ong est de deux pièces. A l’entrée une secrétaire nous accueille. Tout juste derrière la secrétaire, un tableau qui relate en images les différentes activités menées depuis son existence en 2009. C’est vrai que l’association a plusieurs champs d’action. Mais son combat pour la réinsertion des « microbes » remonte à 2012. Nous sommes à un an de la crise post électorale. Pendant que les populations sont sous le choc de la guerre, voici un autre phénomène qui va couper le sommeil à plus d’un dans les communes populaires : la montée en puissance des attaques à l’arme blanche pour les uns, ou à la machette pour les autres. Les femmes qui étaient matinales auparavant, n’arrivent plus à obéir à ce rituel à cause de ces adolescents qui les dépouillent de toute leur bourse. C’est ainsi que Diaby Almamy prend son bâton de pèlerin pour répondre aux cris de souffrance de la population surtout celle de son quartier natal : Wassakara. Quartier qui l’a vu naître.

Cela fait plus de 03 ans que le phénomène perdure. Même après un moment d’accalmie grâce notamment aux campagnes de sensibilisation menées de main de maître par l’Ong Nouvelle Vision contre la Pauvreté. Qui a pu encadrer près de 200 enfants. Certains sont arrivés à sortir de cette ornière, et d’ailleurs d’autres ont été pris en charge par le centre de réinsertion des mineurs situé à Dabou. L’imam refuse le terme de « microbes », car selon lui, cela vient en rajouter à leurs maux, surtout que cette « étiquette » n’encourage pas au repentir.

Ainsi l’objectif de l’Ong peut être jugé positif en ce qui concerne la prise en charge des « microbes ». C’est du moins ce que l’on puisse dire. Mais la nature a horreur du vide. Il entend donc poursuivre des actions pour « tuer dans l’œuf ». Et depuis lors, des activités mensuelles et annuelles meublent la vie des jeunes du quartier wassakara.

Quel avenir pour la jeunesse ?

Du chemin a été parcouru. Notamment l’organisation en juillet 2013 avec le concours de l’ONUCI du séminaire de sensibilisation des populations et forces de sécurité sur l’effet dévastateur des enfants « microbes ». Plusieurs jeunes issus des communes d’Abobo, Adjamé, Attécoubé ont reçu des bons de permis de conduire. Objectif : freiner l’évolution de ce fléau et installer un climat de tranquillité dans les quartiers, par l’insertion de ces enfants ainsi que les ex-combattants, à travers le financement de projets emploi-jeune et mener des campagnes de sensibilisation dans les lieux de cultes.

Mais il reste beaucoup à faire, à en croire l’imam Diaby Almamy. Pour qui, il faut des actions conjuguées pour lutter contre le chômage, le désœuvrement de la jeunesse. Même s’il reconnait que l’Etat de Côte d’Ivoire mène depuis quelques temps une chasse aux microbes, le guide religieux estime que cela n’est pas la panacée. C’est pourquoi, il propose surtout l’expertise des leaders religieux, qui au lieu de rester percher sur le minbar, doivent « descendre dans la rue pour impacter véritablement la population ». Car « le plus souvent leurs sermons sont en déphasage avec la réalité présente, surtout les maux qui minent la société », martèle-t-il.

Lama


Le « real politik » à l’ivoirienne

Depuis près de 20 ans, après l’avènement du multipartisme en Côte d’Ivoire, un phénomène a pris de l’ampleur, au grand dam de la communauté internationale : « la montée du tribalisme ». En effet, la Côte d’Ivoire est un pays comptant plus d’une soixantaine d’ethnies. Le multipartisme certes a beaucoup d’avantages tel que la liberté d’expression.

Mais ici en lieu et place, c’est l’expression de chaque ethnie de vouloir briguer la magistrature suprême. Le baoulé a gouverné le pays pendant 30 ans, depuis les indépendances. Il est temps qu’un autre peuple fasse ses preuves, dit-on. Ainsi après des dissensions mineures, c’est un bon prétexte pour créer sa formation politique teintée d’ethnicisme. Les trois grands partis du pays représentent cette forte division sociale : le PDCI, Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, est à forte dominance baoulé, ethnie au centre du pays. Le RDR, Rassemblement des Républicains, a son bastion au nord où on retrouve le peuple dioula. Le sud est dominé par le FPI, Front Populaire Ivoirien, dominé par les krous. Selon des analystes, les crises ivoiriennes sont la faute de ces trois partis politiques, qui n’ont pas su garder l’intérêt supérieur de la nation ivoirienne. La crise post électorale de 2011 a été le plus illustratif de cette guéguerre. Certaines personnes ont été tuées tout simplement à cause de leur patronyme, qu’on croyait à tord ou à raison de soutenir un adversaire politique. Au plus fort de la crise, un dioula ou un baoulé pouvait se balader dans les rues d’Abobo sans être inquiété par une mouche. Mais être un bété suffisait pour être égorgé. A Yopougon, il suffisait d’avoir un patronyme à résonance nordiste ou centriste pour être brûlé vif sous le regard des populations.

Vingt ans après le multipartisme ou le début du tribalisme, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Nous sommes en 2005. Des partis politiques décident de faire une alliance pour les futures échéances électorales. Le RHDP ( Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix) fort du PDCI, du RDR, de l’UDPCI et du MFA. Ce groupement politique va finir par remporter les élections de 2010. Confirmant ceci : aucun parti, seul, ne peut remporter une élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Le FPI l’a appris à ses dépends.

Si aucun parti ne peut remporter la magistrature suprême, est-ce à dire qu’il faut un retour au parti unique ? Ne serait-ce pas un recul à la démocratie après une lutte farouche pour le multipartisme ?

Lama


Allaitement maternel exclusif, un remède contre la malnutrition enfantile

En Côte d’Ivoire, un enfant sur trois souffre de la malnutrition chronique, selon l’Unicef. Et un enfant sur 10 naît en dessous du poids normal. L’une des raisons principales de cette situation, est le sevrage prématuré de l’enfant dès le bas âge. En revanche, les initiatives se multiplient pour encourager les femmes à l’allaitement maternel exclusif pour la bonne croissance de l’enfant. C’est le cas de l’Ong MIBEF, Mouvement Ivoirien pour le Bien-Etre Familial, situé dans la commune d’Abobo, précisément à Avocatier. 

Jeudi 10 décembre 2015. Aux environs de 10H, nous arrivons au siège du MIBEF, situé en plein cœur d’Avocatier, un des grands quartiers précaires de la commune d’Abobo. C’est dans une ambiance bon enfant que nous sommes accueillis. Membres du MIBEF, femmes enceintes, mères porteuses et chefs coutumiers du quartier, personne ne voulait se faire conter l’événement du jour. La joie, en tout cas, se lisait à travers les visages. Après les cérémonies de bienvenue, sans transition, la présidente du MIBEF, Mme Bah Madeleine procède à une démonstration des conseils prodigués aux femmes enceintes et mères porteuses. Les démos portent essentiellement sur l’allaitement maternel exclusif de l’enfant pendant les 6 premiers mois après l’accouchement. Les bonnes pratiques à adopter au cours de la grossesse, dont les quatre (04) consultations prénatales. Les compléments d’aliments à donner à l’enfant après 6 mois d’allaitement etc. Des conseils qui sont bien perçus par les femmes concernées. Celles-ci ont, sur-le-champ, procédé à une mise en scène pour une meilleure assimilation des enseignements.

Comment les femmes sont-elles sensibilisées ?

L’approche communautaire est celle adoptée par le MIBEF. Cela consiste en des visites inopinées dans des foyers, des maisons identifiées afin d’apporter le message de l’allaitement maternel et surtout les bienfaits que cela procure non seulement à l’enfant et aux deux parents. Comme en témoignent des dames. Boman Félicité est une jeune mère. « ma fille, Anne Oulotto a aujourd’hui 02 ans. Avant sa naissance, Mme Bah m’a prodigué des conseils sur les bienfaits de l’allaitement maternel. Depuis que je suis ses conseils, ma fille n’est jamais tombée malade ». Une autre dame, Coulibaly Awa, abonde dans le même sens : « mon fils, Koné Cheick Oumar a 1 an et 6 mois. Pendant l’accouchement, la sage-femme m’a dit de lui donner uniquement que le sein jusqu’à l’âge de 6 mois. Effectivement quand j’ai suivi ses conseils, l’enfant n’est jamais tombé malade. C’est pourquoi j’exhorte toutes les femmes à donner le sein à leur enfant pour éviter la malnutrition », conseille-t-elle.

Comme on le constate, des femmes d’Avocatier semblent sensibles aux messages du MIBEF. Cependant ce n’est toujours pas évident que les mères se soumettent aux recommandations, avoue Mme Bah. C’est pourquoi elle associe les hommes, et surtout les têtes couronnées du quartier pour un fort impact. « Il faut toujours s’adresser aux chefs communautaires, car ceux-ci sont mieux écoutés, leurs voix portent. Une fois impliqués, ils peuvent nous aider à atteindre notre but », argumente-t-elle. En témoigne la présence de Nanan Aka, chef central des communautés Agni d’Abobo. Pour lui, chacun a sa place dans la sensibilisation sur les bienfaits du lait maternel exclusif. « Tous les chefs doivent informer leurs communautés à donner le lait maternel aux enfants. Car ce lait est instructif, il soigne et rend intelligent l’enfant », exhorte-t-il, non sans oublier de saluer l’engagement du MIBEF, et surtout de Mme Bah. Justement qui est cette dame ? D’où vient l’idée de créer une Ong pour le bien-être familial ?

Bah Madeleine, « la maman gentille »

Aka Madeleine, à l’état civil, est commerçante au marché d’Avocatier. Son engagement pour la femme remonte à 2003, pendant l’hospitalisation de sa mère. A la vue d’une dame à terme, elle s’empressa de l’aider à accoucher à même le sol, sans soutien de sage-femme occupée à autre chose. Depuis lors, elle s’est fait la promesse de se battre pour une meilleure condition de vie des femmes et des enfants.

12 ans après, ses efforts sont reconnus au plus haut niveau. Le 04 juin 2015, le ministère de la Santé et de la Lutte contre le VIH/SIDA lui décerne un certificat d’encouragement à Grand-Bassam. Bien avant cela, le 28 mai 2015, elle reçoit le prix Hellen Keller International pour ses actions communautaires pour l’allaitement. Aujourd’hui, elle se dit déterminer plus que jamais à poursuivre cette œuvre avec une vingtaine de membres actives, travaillant toutes dans le bénévolat. Toutefois, le manque de matériels informatiques et de moyen de déplacement constitue la principale difficulté. C’est pourquoi elle appelle à toute bonne volonté à doter l’Ong MIBEF d’ordinateurs, d’imprimantes et de véhicules pour mener à bien leurs activités auprès des communautés.

Lama


Humeur – quand l’affinité surplombe la justice

C’est l’histoire d’un “homme” qui, après avoir géré son pays pendant près d’un tiers de siècle, est chassé par le peuple. Qui lui reproche sa longévité au pouvoir. Pire, il envisage de “brigander” la constitution pour se maintenir. Mais l’abus est dangereux pour la santé, pour la vie d’un peuple, qui a fini par l’évincer et le jeter hors du pays. Nul n’est prophète chez soi, dit-ton.

Le voisin du pays le récupère, et veut lui redonner sa dignité. Mais de quelle manière ! Le voisin lui accorde sa nationalité pour mieux l’intégrer, d’autant plus que des liens historiques existent entre les deux pays, appelés vulgairement les “frères siamois”. En effet, l’histoire des deux pays voisins, est toute une histoire : les coups d’Etat, les rébellions, les accords, les “faux kens” ont rythmé leur relation, à telle enseigne que l’un ne peut plus se passer de l’autre. La cerise sur le gâteau : l’homme est le beau de son voisin, pour avoir épousé la sœur du dernier. Vraiment quelle relation ! C’est tout ceci qui a plaidé en sa naturalisation.

Cependant, personne n’est dupe. On sait très bien que cet acte est fait à dessein pour échapper à la justice du pays de “l’homme”. Oui, la justice a émis un mandat d’arrêt international contre “l’homme” pour enquêter sur l’assassinat de l’ex-Président Thomas Sankara, son frère d’arme. Et pour mieux se protéger, comme si l’hospitalité légendaire de son voisin ne suffisait pas, il a obtenu la nationalité pour boucler la boucle : être à l’abri de tout orage, même des plus sombres.

Comme on le voit, en Afrique, nos chefs d’Etat, quoiqu’on dise ou qu’on fasse, se croient au dessus de la justice. Quand ça les arrange, ils crient haut et fort le respect de la loi, de la constitution. Mais quand ça les dérange, ils clament l’immunité. Une immunité qui lui permet d’abuser de toute sorte du pouvoir, quitte à fouler au pied le droit de l’homme.

Voici les questions que je me pose : faut-il en Afrique des institutions fortes avec des hommes faibles ? ou des institutions faibles avec des hommes forts ? Ou encore des institutions fortes et des hommes forts ?

Lama


Terrorisme – Où peut-on vivre ?

Tunis. Sousse. Paris. Bamako. Ouagadougou. Grand-Bassam. Les “anges de la mort” sont partout. Sous tous les cieux. Sur toutes les terres. Difficile de les identifier, de les détecter. Ils frappent là où on s’y attend le moins. Ils se camouflent au sein de la population. Certains en civil, d’autres encagoulés comme ces bandits de grands chemins dont les ivoiriens sont habitués sur les axes routières.
Ils sèment la terreur à leur passage. Des corps sans vie sur leur trace. La dernière en date, l’attaque de Grand-Bassam, précisément les sites balnéaires, le dimanche 13 mars 2016. Parmi les victimes, toute nationalité confondue : ivoirienne, malienne, burkinabè, française, allemande etc. Certes, dans leur stratégie, les “anges de la mort” s’attaquent aux ex-patriés de race blanche. Mais lorsque deux objets entrent en collision, il y a toujours des dommages collatéraux, disent les scientifiques.

Au cours de leur tuerie inqualifiable, les “anges de la mort” font plus de victimes dans les rangs des innocentes personnes, que ceux de leur véritable cible.

D’une part, il faut retenir dans ce scénario que la globalisation, la mondialisation est désormais une réalité dans les différents pays sur les continents. De plus en plus, les frontières ne constituent plus un obstacle au brassage, au contact entre les hommes. Croyant cibler une race, “les anges de la mort” s’en trouvent avec des milliers d’innocents tués. Tunis. Sousse. Paris. Bamako. Ouagadougou. Grand-Bassam en sont des exemples.

D’autre part, les attaques des “anges de la mort” révèlent encore une fois la question de la Sécurité. En effet, on se rend compte que nul n’est épargné par les agissements meurtriers des terroristes. Même les grandes nations, où le système de sécurité est performant, ne sont sous l’abri des assauts. Où peut-on vivre ? Ici ou ailleurs ? A chacun d’y répondre….

Lama


Insécurité – Adresse au ministre Hamed Bakayoko

M. le ministre de la Sécurité, Hamed Bakayoko, ceci est une adresse personnelle. L’heure est grave. Le secteur du transport terrestre en Côte d’Ivoire va de mal en pis. Et pour cause ? Le diktat des gnambros dans les gares routières et sur nos routes. A Abidjan, ce phénomène est devenu une véritable gangrène. La nature a horreur du vide, dit-on. La non régulation de ce secteur par le ministère des Transports continue de causer de nombreux désagréments non seulement aux chauffeurs et leurs apprentis, mais aussi aux clients.

En effet, dans les gares routières, les gnambros prélèvent des taxes sauvages dont on ignore l’utilité pour le secteur lui-même, encore moins pour l’Etat de Côte d’Ivoire. En plus à chaque arrêt du gbaka ou du wôrô wôrô, le chauffeur doit débourser de l’argent aux gnambros ; la taxe varie de 100F à 600F pour le chargement du véhicule. On ne sait exactement à quoi sert ce prélèvement. Et si par malheur l’apprenti refuse de payer, il est battu, parfois il passe de vie à trépas, rien qu’à cause de 100F. Pour rappel, en 2014, un apprenti s’est fait projeter sur la chaussée du goudron par un gnambro, sur la voie express d’Abobo-Zoo. Il a failli y perdre la vie, n’eût été l’intervention rapide des secours. En outre, les citoyens qui doivent se rendre à l’heure au travail, peuvent passer des heures sur la route, tant que le gnambro ne donne pas son visa avant de bouger. Et la situation va de mal en pis. Récemment à Abobo, un homme respectable s’est fait bastonner par un groupe de gnambros pour avoir crié son ras-le-bol face à ces agissements malsains.

Vous direz pourquoi je m’adresse au ministère de l’Intérieur, en laissant le ministère de tutelle, à savoir celui des Transports. Tout simplement parce que celui-ci a avoué son incapacité à mettre de l’ordre dans ce secteur dont l’anarchie remonte dans les années 95. Il a fait cette confidence au cours d’une conférence de presse en 2015, à laquelle j’ai moi-même participé en tant que journaliste. Il a clairement indiqué ce jour, que les nombreux syndicats et gnambros avaient pris le contrôle des gares routières en lieu et place de l’Etat de Côte d’Ivoire. Encore la nature ayant horreur du vide, arriva ce qui devait arriver. Nous assistons aujourd’hui à la naissance de groupe d’auto-défenses, des bandes organisées, avec des branches armées et des réseaux bien ficelés jusqu’au sommet de l’Etat. Dans ce secteur, la loi du plus fort est la meilleure. Plusieurs jeunes gens ont ainsi réussi à se faire une place au soleil grâce à la force des biceps, et des fétiches. Oui, dans ce secteur, tous les coups sont permis. Des personnes vont “se laver” au village pour venir régner sur un territoire donné. Autour de leurs bras, de leurs reins, des amulettes, des grigris “anti-balles” et “anti-armes blanches” pour mieux se protéger contre d’éventuelles menaces. La crise ivoirienne a favorisé la prolifération des armes au sein des populations, plus encore au sein de ce gang. Chaque groupe a une bande armée, prête à intervenir par la force en cas de nécessité. En 2012 à Abobo, une simple opération de déguerpissement à la gare routière a viré à un véritable combat. Rappelant le triste souvenir de la “bataille d’Abidjan” au plus fort de la crise. Pour dire que les armes circulent encore au sein de cette mafia. Et cela constitue une menace pour la sécurité nationale. Raison encore que votre ministère est concerné.

En outre, le phénomène des enfants “microbes” aurait des ramifications au sein des gnambros qui constituent, en quelque sorte, leur “parrain”. Une révélation faite par l’imam Diaby Almamy, président de l’Ong Nouvelle Vision contre la Pauvreté, qui lutte pour l’insertion des jeunes délinquants. Comme on le voit, le mal est profond. Il est impératif de s’attaquer aux racines de tous ces phénomènes pour sauver des vies humaines. La Côte d’Ivoire émergente doit se faire avec une population en sécurité.

Cordialement.

Lama


Bouaké – faut-il « brûler » les taxi-motos ?

Après la crise en 2011, l’Etat ivoirien a redéployé les forces de l’ordre dans la région du Gbêkê, principalement à Bouaké, l’ex-capitale de la rébellion ivoirienne. La police, la gendarmerie, les FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire) et le CCDO (Centre de Coordination des Décisions Opérationnelles) sont tous présents et à la tâche. Malgré cette présence remarquable des soldats, un phénomène né de la crise de 2002 semble constituer le véritable problème de sécurité à Bouaké : les taxi-motos.

En effet, en 2002 en pleine guerre, Bouaké est coupée du reste de la Côte d’Ivoire. Cet embargo crée un énorme besoin dans la circulation des biens et des personnes. Les bitumes existants ont été tous dégradés, soit par manque d’entretien, soit à cause de la guerre. C’est ainsi que les engins à deux roues se présentaient comme une panacée. Car ayant la possibilité de circuler partout et à n’importe quel moment. Au début, les populations ont applaudi cette innovation. Cette activité qui serait exercée surtout par des anciens combattants et démobilisés. Et toujours selon les habitants avec qui nous avons échangés, ce sont ces anciens combattants devenus conducteurs de taxis-motos qui sont les principaux acteurs de l’insécurité dans la ville.  Certains cacheraient leurs armes dans le siège de leurs motos, pour ensuite agresser leurs passagers. Pour de nombreux habitants de Bouaké, il est périlleux de sortir au delà de 22 heures. Et le comble, c’est qu’ils bénéficieraient des largesses des forces légales, puisque considérés comme des « intouchables », c’est-à-dire des ex-combattants. Ainsi l’on assiste à toute sorte de dérapage. Selon le préfet de police de Bouaké, N’guessan Konan Michel, par semaine, plus de dix cas de viol ou de banditisme sont imputés aux taxi-motos.

La plupart d’entre eux roulent sans permis de conduire à plus forte raison le minimum de formation en la matière. La mairie de la ville dénombre à ce jour plus de 7 000 taxi-motos en circulation. Pour la sécurité des personnes, la municipalité a mis des mesures : notamment le port obligatoire de l’uniforme, le casque pour passager etc. Mais tout est foulé au pied. Ce qui pourrait expliquer le nombre incalculable d’accidents dans la ville. Selon la mairie, un accident sur deux serait causé par les taxi-motos.

En outre, à l’approche des élections d’octobre, certaines voix s’élèvent pour attirer l’attention sur les risques que représenteraient ces acteurs de la vie économique de Bouaké. Pour Bassori Barro, ex-combattant et patron d’une agence de sécurité appelée SBB, les taxi-motos entretiendraient un réseau de trafic d’armes et de drogues, susceptibles de porter atteinte au déroulement d’un scrutin apaisé, transparent et inclusif dans la capitale du Gbêkê.

À Bouaké, quoi que l’on dise, les taxi-motos rendent d’énormes services aux habitants de la région. Car ils ont la capacité de franchir les limites des véhicules-taxis, à l’image de Ouagadougou, Cotonou etc. Toutefois, si l’ordre ne régit pas ce secteur dans un laps de temps, sa capacité de nuisance pourrait prendre de l’ampleur. Et c’est toujours les populations qui prendront les pots cassés.

Lama, envoyé spécial à Bouaké

 


La Côte d’Ivoire, un géant au pied d’argile

En février dernier, je rédigeais une chronique à propos de la situation du pays, notamment la mutinerie des soldats pour des primes impayées. Au total, ils réclamaient 12 millions F. Après des accords, le gouvernement s’est engagé à verser une première tranche de 5 millions F.

Le reliquat serait payé de façon mensuelle sur les salaires.  On se rappelle tous. Cette situation avait créé une psychose générale au sein de la population, qui n’arrivait plus à vaquer normalement à ces occupations. Cette mutinerie s’est suivie de pillage, de vol, et même de morts d’hommes.

Ce mois de mai encore, le feu a été mis aux poudres lorsqu’un certain porte-parole des ex-mutins s’est exprimé à la télévision nationale. Il avait alors déclaré que tous les soldats tournaient le dos au reste de leurs primes compte tenu de la situation économique du pays, marqué par la chute du prix du cacao à 40% et la hausse du prix de l’essence de 23F. Au lendemain de cette déclaration, des soldats, visiblement mécontents, ont commencé des tirs sporadiques dans plusieurs villes du pays, dont à Abidjan. La ville de Bouaké, fief de la contestation, a fermé les deux principaux corridors (Nord et Sud). Plusieurs centaines de véhicules étaient obligés de faire demi tour, ou encore de rester stationner en attendant que la situation ne revienne à la normale. D’autres ont été l’objet de racket pour obtenir le ticket de passage. Pendant ce temps, des populations sont descendues dans la rue pour manifester bruyamment contre cette « prise en otage » du pays par 8000 soldats essentiellement issus de la rébellion. Les manifestants ont été dispersés par des tirs en l’air. Des tirs qui, malheureusement, ont fait des blessés, et deux morts suite à des balles perdues.

Dans un premier temps, le gouvernement a sorti ses muscles en mettant en garde les militaires indisciplinés, promettant des sanctions. Ensuite, il a annoncé une opération en cours pour libérer les corridors de Bouaké. Après cet échec, les anciens chefs de la rébellion, Chérif Ousmane et Koné Zakaria sont allés négocier avec les mutins. Une négociation qui a accouché d’une souris.

Après quatre jours de statu quo, le gouvernement est encore une fois de plus sorti, pour annoncer un nouvel accord ; qui promet le versement du reliquat en deux tranches, 5 millions F en mai, et 2 millions F dans le mois de Juin. Une nouvelle qui semble réjouir les mutins. La vie a donc progressivement repris des quatre coins du pays. Mais la prudence est de mise.

Analyse de la situation

Ce ballet politico-militaire laisse place à plusieurs analyses, qui prennent leurs sources dans la crise post-électorale en 2011. Les ex-rebelles qui occupaient la moitié nord de la Côte d’Ivoire font alors allégeance à Alassane Ouattara afin de chasser Laurent Gbagbo, qui refusait de quitter le pouvoir. Dans cette ferveur, le camp Ouattara a promis de verser la somme de 12 millions F Cfa à chaque soldat, en cas de victoire. Une fois la victoire obtenue, cet engagement semblait déjà enterré. Mais comme on le dit en Afrique, « le sorcier oublie toujours, mais le parent de la victime n’oublie jamais ». Cinq ans après, les soldats sont revenus à la charge pour réclamer leur part du gâteau. La première leçon ici, c’est qu’en politique, il faut respecter ses engagements et devant le peuple, et devant les militaires, qui disposent d’ailleurs d’un moyen de pression redoutable : les armes. Le pouvoir Ouattara a donc échoué à respecter ses promesses quant à la réunification d’une armée forte et « émergente » !

La deuxième leçon s’articule autour du fossé de perception qui existe entre le gouvernement et le peuple dans toute sa composante. En effet, le premier annonce à longueur de journée que la Côte d’Ivoire a atteint un taux de croissance estimé à 9%. Cependant le second estime que la vie devient de plus en plus chère. Il est difficile de se loger à Abidjan, vu les coûts exorbitants des cautions exigées par les propriétaires de logement. Chaque jour, le prix des denrées alimentaires fluctue sur le marché. Le chômage est le quotidien des jeunes ; à telle enseigne que nombreux prennent la route de l’immigration clandestine. Le système éducatif national est grippé par les violences de groupes de « syndicats » dont le plus célèbre est la FESCI (Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire). Cet écart d’appréciation a connu son point culminant en février avec le mouvement social sans précédent sous la IIIè République. Ainsi donc les soldats sont entrés en jeu pour réclamer également leur part du gâteau !

La troisième et dernière leçon que nous tirons de la nouvelle mutinerie, c’est que la Côte d’Ivoire demeure un pays profondément divisé et l’Etat encore fragile. En effet, des milliers d’Ivoiriens se sont réjouis de cette situation, notamment les personnes qui ne partagent pas la gestion du président Ouattara. « De la manière tu viens au pouvoir, c’est comme ça tu t’en vas » ou encore « celui qui règne par l’épée, périra par l’épée », tels sont entre autres les mots qui circulaient sur Internet et les réseaux sociaux. Les irréductibles ont même circulé des informations par SMS faisant état de l’exil de Ouattara en France… Bref.

Enfin, l’Etat s’est encore montré fragile face aux mutins. Au début, il a joué la carte de la fermeté. Mais peu à peu, il a abandonné cette option. Les commentaires vont bon train sur ce repli. Mais pour notre part, cette abdication montre le manque d’autorité au sommet de l’Etat. Visiblement le président Ouattara n’arrive pas à contrôler son armée. Un retour à la case départ pour celui qui avait promis faire de l’armée ivoirienne non seulement unifiée, mais aussi républicaine. Pour sa part, le front social se remettra sûrement en branle les jours à venir pour réclamer sa part du gâteau.

Vive l’émergence à l’ivoirienne !

Lama


Korhogo, la renaissance !

“La route précède le développement” dit un adage. Korhogo, à l’instar d’Abidjan, la capitale économique ivoirienne, donne fière allure avec ses grands boulevards, ses routes et rues. Le bitume sent la fraîcheur. L’émergence est donc passée par là !

Ses nouveaux vêtements routiers font oublier à la capitale de la région du Poro cette décennie de crise dans le pays, qui a impacté négativement tous les aspects économiques, sociaux et culturels de la vie. Korhogo, ville située dans le nord de la Côte d’Ivoire, à 633 km d’Abidjan,  est reconnue pour sa richesse culturelle : notamment le mythe de la culture Sénoufo. En effet la culture Sénoufo est marquée par le mythe du « Poro», c’est-à-dire l’initiation à travers une formation de trois mois dans le bois sacré en plein cœur de la forêt. L’initiation se déroule de façon cyclique chaque 7 ans. On y apprend des enseignements sur l’organisation sociale, les us et coutumes du village et du grand groupe ethnique.

La rébellion armée, de septembre 2002 jusqu’en 2011, a fortement endommagé le développement de la région. L’argent n’aime pas le bruit. Aucun investisseur ne pouvait s’hasarder dans cet environnement d’insécurité. Les infrastructures étaient presque inexistantes.

Aujourd’hui, ce triste chapitre est désormais un lointain souvenir pour les “korhogolais”. Mon séjour, au mois d’avril dans cette ville, m’a permis d’observer une avancée notable dans pratiquement tous les secteurs.

Réhabilitation du réseau routier

Parlons d’abord du bitumage des voies. La réhabilitation du réseau routier a rejailli sur le secteur économique. Les établissements hôteliers poussent à Korhogo, comme des champignons. Les touristes prennent d’assaut la ville à la découverte du riche patrimoine culturel Sénoufo aussi divers que varié.

Désignée deux fois de suite comme la commune la plus propre en 2015 et 2016, par l’Etat de Côte d’Ivoire, la capitale du Poro n’affiche aucune ordure le long des routes et des voiries.

En plus, Korhogo est une terre agricole, riche de son sol et sous-sol. Récemment s’est tenu le premier symposium sur la Mangue, fruit qui est prisé partout dans le monde. En fait, la région est favorable à la culture de la mangue. Ce qui explique la création de plusieurs usines de transformation de mangue, au nombre de six. Des investissements sont prévus dans ce sens, avec l’installation de trois autres usines.

De multiples activités de tisserands 

A côté de cela, prospèrent les activités artisanales dont les  tisserands de Waraniéné. Des vêtements pour homme, femme, enfant, personne âgée, des articles décoratifs de maison, des ustensiles de cuisine etc, tout ceci fait à la main !

Toutefois, malgré cette embellie en termes de développement, un contraste plane sur la ville toute entière : le phénomène de taxi motos !

Les taxi motos, un casse-tête chinois

Cet engin à deux roues est devenu, par la force des choses, le moyen par excellence de déplacement à Korhogo. Sans doute son origine provient de la crise ivoirienne, qui a vu la dégradation des infrastructures routières de la ville. Les motos étaient donc une panacée. Elles ont la chance d’accéder à toutes les zones quelque soit les difficultés. Mais là où le bât blesse, c’est que cet engin dégrade la belle image de la ville. “A Korhogo, il est mieux d’avoir une moto qu’un véhicule”, disent fièrement les habitants. Cependant le risque d’accident est très élevé avec cet engin. La plupart des détenteurs de moto n’ont pas suivi de formation dans des auto-écoles. Tous ont appris sur le tas. Les conditions de sécurité sont foulées au pied. Aucun casque de protection. Le secteur en pleine croissance échappe au contrôle des autorités locales. Cela a augmenté d’ailleurs l’insécurité. A des heures de la nuit, certains conducteurs de taxi motos deviennent des bandits de grand chemin. Ils n’hésitent pas à agresser, dépouiller leurs passagers. 

Les motocyclistes étaient, à un moment donné, une nécessité pour Korhogo. En revanche, la ville doit à tout prix s’en débarrasser afin de poursuivre sa marche vers l’Émergence !

Lama, de retour de Korhogo


La reprise après trois semaines de grève

Chose promise, chose due. Les fonctionnaires ont repris le chemin du travail après trois semaines de grève qui avaient paralysé la vie socio-économique de la Côte d’Ivoire. Ce lundi 30 janvier 2017, nous avons sillonné quelques établissements scolaires d’Abidjan. Le constat est net et clair : les élèves, le corps enseignant et le personnel administratif sont tous à leurs postes.

De l’institut Loba à l’institut Soma Samaké dans la commune d’Adjamé, chefs d’établissements, enseignants et élèves étaient tous au rendez-vous. Écoutons quelques directeurs d’études. « Effectivement les cours ont bien repris ce matin dans mon établissement. Tous les professeurs ont répondu présents. Les élèves aussi sont venus massivement. Nous sommes en attente du nouveau calendrier scolaire annoncé par Madame la ministre » a indiqué Gnian Rodrigue. « Depuis la levée du mot d’ordre de grève par les syndicats de la fonction publique, depuis ce matin (lundi 30 janvier NDLR) nous avons repris sans souci majeur. Les enfants même étaient très heureux de reprendre les cours. Parce que passer 3 semaines à la maison était difficile et pour les élèves et pour leurs parents. Ce matin très tôt et avec beaucoup d’enthousiasme, on a salué le drapeau très tôt. Et on a commencé les cours » s’est félicité pour sa part, Siriki Salio, directeur des études d’un lycée.

Une reprise qui est appréciée par les apprenants. En témoignent quelques réactions. Zamblé Bi Bedel est élève en terminale D : «  je confirme que nous avons commencé les cours ce lundi 30 janvier. Je suis content car cela fait 03 semaines que nous sommes à la maison. Cela nous a pénalisés, même les professeurs en parlaient. Nous sommes en retard sur le programme. Donc on doit aller vite pour rattraper le temps perdu ».

Les élèves appellent les acteurs du système éducatif à veiller au grain afin de sauver l’année scolaire. Dally N’guessan Romaric : « je lance un appel à l’Etat pour qu’il accorde aux enseignants ce dont ils ont besoin pour qu’on puisse achever les cours et passer nos examens de fin d’année et les réussir avec brio. Je demande au gouvernement qu’il puisse régler cette affaire parce que nous aimerons aller à l’école. Cela y va de notre avenir »

Notons que le mot d’ordre de grève des fonctionnaires est levé pour un mois en vue de donner une chance aux négociations avec le gouvernement.

Lama

 


C’est encore loin… 2020

Depuis son ascension au pouvoir en 2011, après la crise post-électorale, Alassane Ouattara  a promis de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent, à l’horizon 2020. Nous sommes en 2017. Il reste donc trois ans seulement pour atteindre cette date fatidique, qui sonne le glas du pouvoir Ouattara.

Jetons un regard critique sur les sept années passées. Plusieurs infrastructures ont été construites : le troisième pont Henri Konan Bédié (HBK) qui relie le quartier chic de Cocody et celui deMarcory ; le prolongement de l’autoroute du nord, qui relie Abidjan et Yamoussoukro (la capitale politique), sans compter le lancement de plusieurs chantiers dont l’inauguration est prévue d’ici 2020. Bref, en résumé, l’économie ivoirienne connaît une embellie à faire pâlir les pays voisins.

Cependant, un gros bémol de la gouvernance de Ouattara est le front social. Beaucoup d’ivoiriens ne ressentent pas la croissance dans leur panier, le panier de la ménagère est pauvre en aliments. La vie coûte chère. Ce front social s’est d’ailleurs propagé jusque dans les casernes où les hommes en armes réclament de meilleures conditions de vie et du travail. Pour ces derniers (qui ont entre les mains des moyens dissuasifs), les choses commencent à entrer dans l’ordre…

Récemment plusieurs villes du pays ont été secouées par, dit-on, une mutinerie, ou encore un mouvement d’humeur des militaires qui revendiquent 12 millions de Francs Cfa chacun. Une somme qui leur a été promise au cours de la crise post électorale. Pendant cette semaine d’incertitude, on a assisté à des pillages de petites envergures. Pendant les négociations qui ont suivies, beaucoup d’ivoiriens sont restés cloîtrés à la maison, en entendant les tirs sommaires, qui rappelaient la période sombre du pays. Cet épisode laisse entrevoir deux éléments essentiels.

D’une part, l’humeur des soldats montre encore que le retour de la stabilité en Côte d’Ivoire peine à se faire…  En juin 2015, le chef de l’Etat avait mis fin au programme d’identification des ex-combattants. Certains ont pu intégrer l’armée, tandis que d’autres se sont reconvertis, préférant se tourner vers d’autres métiers. Pour les premiers, il leur manque une véritable formation à la citoyenneté, aux droits de l’Homme, au respect des institutions de la république. Au cours de cette humeur, censée se dérouler uniquement dans les casernes, les soldats ont bloqué l’accès de plusieurs artères des villes. Certains se sont adonnés à des actes de pillages, dépouillant les populations de leurs biens. Cette situation a rappelé aux ivoiriens une période très récente et difficile de son histoire. “On a beau chasser le naturel, il revient toujours au galop” dit-on. Le comportement des soldats mutins laisse à désirer pour des personnes qui entendent revendiquer leurs droits.

D’autre part, cet épisode démontre aussi que l’Etat de la Côte d’Ivoire est pris en otage par les hommes en armes. En effet, pendant la conquête du pouvoir, Alassane Ouattara a sans doute fait des promesses aux soldats sous son ordre. Une fois au pouvoir, ses promesses tardant à venir, les militaires ont décidé de faire usage de la violence pour se faire entendre. Cette mutinerie fait penser à celle de 2014, avec le même contenu. En position de force, les soldats mutins savent désormais qu’ils pourront tout obtenir de l’Etat, même au delà de leur droit. Vu que l’Etat de Côte d’Ivoire est faible face aux militaires, les autres secteurs de l’administration publique commencent à donner de la voix. La fonction publique est paralysée depuis le lundi 9 janvier. La grève a encore été reconduite cette semaine. Pendant ce temps, les citoyens se demandent à quand la fin de ce calvaire. A quand 2020 ? A quand l’émergence de la Côte d’Ivoire ?

 

Lama