lavoixcitoyenne

Dilemme !

J’ai dû quitter très tôt le boulot pour éviter les embouteillages afin de rentrer changer ma tenue et être prête à temps pour mon rendez-vous. Je suis arrivée 30 mn avant l’heure convenue avec mon ami. Assise dans la voiture ; je soupèse le pour et le contre de ma décision. Je regarde une nouvelle fois ma montre ; il est 20 h 15 et je fixe la porte d’entrée du restaurant à travers les vitres teintées de ma voiture. De loin, je l’aperçois qui avance vers la rentrée du restaurant. Avec son sourire charmeur qui laisse apparaître sa belle dentition et sa belle chemise « leppi », il se fait accompagner par un serveur jusqu’à une table à l’écart. Il se tortille les doigts et a soudain l’air agacé ; est-ce par ce qu’il a un problème ? Ou croit-il que je suis à retard ? Pourtant il sait que la ponctualité est mon second nom.


La lecture et moi, un amour

À 4 ans déjà, j’étais très espiègle, casse-pieds, une vraie peste…comme un ouragan, je ravageais tout sur mon passage. Semble-t-il, du moins. Les livres de mes frères et les postes-récepteurs de maman en payaient le prix fort. Je chiffonnais souvent les livres, détruisais les radios et personne ne me sanctionnait parce que papa prenait toujours ma défense. Bien entendu, cela poussait davantage mes ailes, mais ça n’a point duré longtemps. Je me souviens qu’un soir après le dîner, alors qu’ils (frères) révisaient leurs leçons, profitant d’un moment d’inattention de mes parents, je me suis faufilée jusqu’à la table pour prendre le livre de mon frère et le déchirai avec entrain. Mon frère furieux se plaignit et papa avec un calme légendaire promit de régler mon cas. C’est ainsi, un soir en rentrant du boulot, il m’acheta le syllabaire à la place de mes bonbons. Comme à l’accoutumée, je reconnaissais de loin le bruit de sa voiture et m’empressais toujours d’aller l’accueillir (oui oui l’appât du gain😃). Ce soir-là, grande fut ma déception de voir qu’en lieu et place de mes bonbons, il me tendait un livre en disant ceci : « Nénen Sow, regarde je t’ai acheté un ami et lui il va t’apprendre beaucoup de choses. Dorénavant, comme tes frères, chaque soir tu vas les rejoindre à table pour lire. » Moi comme une possédée, je me roulais sur terre, pleurais pour réclamer mes bonbons, je ne voulais pas de cet « ami » qui allait m’empêcher de courir partout et de me poser parfois devant la télé avec mes parents. Papa entra dans une colère noire que je ne lui connaissais pas jusque-là et m’intima l’ordre de prendre le livre. Ce que je fis sans me faire prier et courus par la suite me cacher derrière maman. C’était pour moi l’une des pires sanctions qu’on m’ait infligé. Je le voyais chaque soir avec mes frères et je n’étais pas prête à vivre cela…Je voulais continuer à être cet enfant insouciant qui donne du fil à retordre à toute la maisonnée. Mais hélas, c’était sans compter avec la détermination de mes parents à m’apprendre à lire, alors que je n’avais que 4 ans.

Petit à petit, ce que je considérais comme un purgatoire, devenait mon hobby préféré au quotidien. Je commençais à apprécier la compagnie de mon « ami », prenais goût à la lecture et je me rendais compte que papa n’avait pas tort. Mon frère et mes parents ne ménageaient aucun effort pour faciliter mon apprentissage. Avant même mon entrée à l’école; j’étais devenue une férue de lecture, je lisais tout : tout ce qui me tombait dans la main (journaux, livres de papa, romans de maman, dictionnaire, cahiers et livres de mon frère…). Même si mon cerveau avait du mal à assimiler certaines choses et à comprendre la signification des mots, je lisais quand même. mon inscription à l’école coranique contribua davantage à stimuler mon cerveau et à faciliter la compréhension des choses. Papa m’acheta de nouveau les livres (Mamadou et Bineta lisent et écrivent couramment; Mamadou et Bineta sont devenus grands.)

Je peux dire sans risque de me tromper que c’est à partir de cette période-là que mon amour pour la lecture a commencé et que cela a fini par devenir une passion. Encore aujourd’hui, mes yeux frétillent toujours devant un livre et je suis toujours en extase lorsque je parcours des récits palpitants, lorsque je découvre de nouveaux livres.

J’avais 7 ans quand mon frère m’offrit mon tout 1er roman (une vie de boy, de Ferdinand Oyono) et un dictionnaire pour comprendre le sens des mots. Par la suite, ils me faisaient tous plaisir en m’offrant ou prêtant des livres. Maman et mon frère me faisaient lire leurs livres et après je leur faisais un résumé (c’était le deal). Je crois sans risque de me tromper que c’était aussi une façon pour eux de cerner mes capacités d’analyse et de discernement. J’adorais beaucoup ces moments parce qu’ils me permettaient à moi aussi d’avoir un autre avis sur le livre. Aujourd’hui, tout ça me manque.

J’ai lu presque tous les anciens classiques avant le collège et le lycée – la chance d’avoir un frère et une mère férus de lecture. Ce qui faisait qu’en cours de français, j’avais une certaine longueur d’avance sur mes ami.e.s.

En 2016, ma passion pour la lecture s’était un peu débridée sans que je ne puisse trouver une explication rationnelle (était-ce parce que je traversais une mauvaise passe ?). Je crois que je ne saurai jamais la réponse mais, tant pis. Toujours est-il que cette année, je m’étais éloignée des livres ; je n’en ai lu que 10. Alors, je me suis promise de faire un break avec les achats de livres le temps de finir avec toute la pile qui était entassé dans ma chambre. Mais je suis une acheteuse compulsive et j’ai la boulimie des livres ; donc c’est tout naturellement que je n’ai pas pu résister longtemps lorsque j’ai mis les pieds dans une librairie.

Mais Hamdoulilah, j’ai renoué avec mon amour et tout va pour le meilleur. Je fais un effort – et ce malgré mes occupations – de lire au minimum 2 livres dans le mois. Je me suis instaurée une nouvelle règle à laquelle je ne déroge pas : lire au moins 30 pages au réveil et 30 pages avant de me coucher. Par contre, je ne parviens toujours pas à m’y faire avec les livres audios. But i try.

Pour moi, la lecture est un magnifique moyen d’apprentissage, d’évasion, de voyage, de développement personnel, de renforcement des capacités linguistiques…bref la lecture m’apaise, c’est mon anti-dépresseur préféré, ma thérapie quand tout s’écroule autour de moi. Lire est devenu indispensable à ma vie et à mon quotidien et tout ça c’est grâce à mon vieux « dictateur » de père.

Sinon, je lis actuellement une magnifique biographie de Steve Jobs écrite par Walter Isaacson. Le livre m’a été recommandé par une connaissance et je m’en délecte bien.


Alors, que vous apporte la lecture ? Qui vous a offert un livre pour la 1ere fois ? Quels types de livres lisez-vous ?


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre IX : Le deuil

« Le bonheur et le malheur sont comme le jour et la nuit, ils se suivent »

Une semaine après le mariage, le couple Khadija-Chérif était parti en lune de miel à Boffa bel-air, pour passer une semaine en « amoureux » dans un cadre paradisiaque loin du bruit de Conakry. Pour Chérif c’était surtout une stratégie pour briser la glace entre eux et discuter de leur avenir commun. La stratégie de Chérif s’est révélée gagnante puisque Khadija était devenue beaucoup plus décontractée, ouverte et rayonnante même si ce lugubre pressentiment continuait encore. Elle était comme une personne qui avait des « dillé* » sur elle. Chérif par contre, plus il poussait les discussions, plus il se rendait compte de la culture générale de Dija.

Il leur restait deux jours encore avant la fin de leur séjour. Ce matin du vendredi 06 juin 2008, une migraine clouait Khadija au lit ce qui l’empêchait de se lever. Chérif quant à lui était entrain de lire son bouquin lorsque la sonnerie de son téléphone retentit, à l’autre bout du fil Ousmane le frère de Khadija porteur d’une mauvaise nouvelle. Plus il parlait, plus Chérif affichait un air triste qu’il essayait tant bien que mal à dissimuler. Après avoir raccroché, il demanda à Dija de se préparer pour rentrer sans lui fournir d’explications sur la raison qui a conduit à écourter leur séjour.

Durant tout le trajet, Chérif avait le visage impassible et répondait par monosyllabe à Dija qui insistait pour savoir pourquoi ils rentraient à la hâte ?

Dans la tête de Chérif, beaucoup de questions se bousculaient comment allait-il s’y prendre pour annoncer la nouvelle à son épouse ? Comment va t-elle prendre la nouvelle ? Son oncle était-il mort d’une crise cardiaque ? En effet, Ousmane lui avait annoncé la nouvelle sans rentrer dans les détails.

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« Jamais Dieu ne nous accable d’un fardeau plus lourd que ce que nous pouvons porter. »

Ce matin du vendredi, père Dija avait insisté pour que son fils le conduise à la mosquée pour faire la prière de Fajr. Il était loin de s’imaginer que c’est la dernière qu’il pratiquera ici bas. A leur retour de la mosquée, il fit pleins de Dou’as à son fils et à sa femme. Dans une voix emprunt de mélancolie, il exprima à cette dernière toute sa gratitude pour le soutien et la patience dont elle a fait preuve durant ces longues années de mariage. Pour finir, il exhorta Ousmane de veiller sur tout le monde surtout sur sa mère et Dija.

Mère Dija et Ousmane trouvèrent son attitude étrange, mais ils ne firent pas de commentaires et ne posèrent pas de questions.

Père Dija regagna sa chambre avec l’aide de son épouse, il demanda à ce qu’on ne le dérange pas, ni même pour le petit déjeuner qu’il avait l’habitude de prendre avec sa famille. Sa femme était une nouvelle fois intriguée, mais encore une fois elle ne fît pas de commentaires. Elle se contenta d’acquiescer et sortir de la chambre.

Il était dix heures lorsque mère Dija rentra pour vérifier si son mari était réveillé, à sa grande surprise elle le trouva dans la même position qu’elle l’avait laissé, il semblait être dans un profond sommeil ; elle ressortie pour continuer à vaquer à ses occupations. A son retour du marché une heure trente minutes plu tard, elle rentra dans la chambre cette fois-ci décidée à réveiller son mari. Il était toujours couché dans la même position et là elle commença à paniquer. Elle appela son fils Ousmane, ce dernier rentra en trombe dans la chambre. Il appela son père trois fois sans réponses puis le secoua, mais son corps était raide et froid. Il comprit que c’était fini, que son papa était parti, mort en silence dans son sommeil et personne ne savait l’heure de son décès. Alors il déclama pour lui la shahada : «  Lâ illâha ill’Allâh oua Mouhammad rassoulla Allâh » ( Il n’ y a de divinité que Dieu et Mouhammad est Son envoyé ). Mère Khadija qui était restée de marbre tout ce temps, sortie de sa léthargie après avoir entendue son fils prononcé la shahada, elle comprit que s’en était fini pour son époux. Elle mit ses mains sur la tête, prononça la shahada aussi et commença à pleurer. Elle retenait difficilement ses sanglots entremêlés par ses cris de désarroi.

Petit à petit, la nouvelle se répandait et les gens affluaient pour présenter les condoléances. Certaines femmes se jetaient dans les bras de mère Khadija pour exprimer leur compassion et faire l’éloge du défunt. Voisins, amis, collègues, sages de la mosquée ; tout ce beau monde était unanime quant à la bonté, piété, serviabilité, humilité et amabilité du défunt.

Chérif n’avait finalement pas pu trouver les mots adéquats pour annoncer à Khadija la perte de son père. Il avait préféré se dérober, sa langue n’avait visiblement pas été bien fendue pour annoncer ce genre de nouvelle. Ils arrivèrent à Conakry sans problème, Khadija voyant son mari emprunté une autre direction outre que celle de leur domicile se mit à douter de quelques choses. Elle ne fît pas longtemps pour reconnaître le chemin qui mène au domicile de ses parents et là, son cœur commença à battre la chamade.

Dès que Dija franchit le seuil de la porte que sa mère la prise dans ses bras en sanglotant. Elle interrogea sa mère sur les raisons de ses pleurs ; mère Dija n’eut pas le temps de répondre que sa fille comprit qu’elle était dorénavant orpheline de père, que le seul homme qui était jusque là son confident et meilleur ami était parti à jamais. Alors elle laissa libre court à ses larmes en se demandant ce qui lui était arrivé.

Chérif était impuissant face à la douleur de sa femme, il essayait au mieux de l’apaiser par des paroles de réconfort, mais rien n’arrivait à arrêter la douleur qui étreignait sa poitrine pas même le prêche de l’imam qui rappelait que la vie d’ici bas est éphémère et que chacun devait prier pour le défunt en attendant son tour car nous répondrons tous à l’appel du Créateur.

Dija savait tout cela et était consciente que ses larmes empêcheront son père de dormir et entraveront l’ascension de son âme vers Dieu ; mais elle ne parvenait pas à les sécher, c’était au dessus de ses forces, elle avait l’impression que quelque chose en elle s’est brisée.

Quelques temps plu tard ils procédèrent à la toilette funéraire, le corps revêtu du linceul enroulé dans une natte de feuilles de palmier fut porté par des hommes direction la mosquée pour la prière funèbre avant l’enterrement.

Au retour du cimetière, Ousmane réitéra sa demanda passée à la mosquée avant la prière du corps à l’endroit de tous les créanciers de son père afin qu’ils se fassent connaître.

Mère Khadija se défit de sa coiffure, se débarrassa de ses boucles d’oreilles pour commencer à observer les 4 mois 10 jours de veuvage avec sa nouvelle tenue blanche qui la distinguera des autres.

Ce texte je l’ai écrit en hommage à ma grand-mère maternelle qui nous a quittés le 1er mars 2019.

A la perte d’un être cher quelque chose en vous se brise, vous pensez ne plus pouvoir vivre, mais avec le temps vous finissez par vous y faire. Il m’a fallut du temps pour me remettre, j’ai vécu dans le déni total noyant ma peine dans la lecture et travaillant comme une forcenée. Jamais mort ne m’a autant surprise et affectée.

Ma grand-mère était une étoile, une lumière dans ma vie ; elle a contribué à parfaire mon éducation, m’a inculquée des valeurs de vie très fortes. D’elle, j’ai appris énormément de choses ( faire du tô, fonio, puiser dans un puits, piler, manier les cardes, regarder et accepter les choses avec lucidité, gérer mieux ma colère…). Une grande partie de mes connaissances sur les traditions et cultures peules je les tiens d’elle…Ma grand-mère était l’incarnation de la femme combative, dégourdie, ingénieuse et pieuse ; elle est l’une de mes modèles de femme. Il paraît que c’est d’elle je tiens ma nonchalance dans la marche, ma « timidité » et mon esprit de partage. Je me souviens lors de mes vacances de 2003, je venais de passer l’examen du CEP, moi assise sur le rebord de son lit tenant un petit carnet que maman m’avait offert et elle sur son tapis de prière. Avec un verbe bien à elle, elle me raconta les péripéties de sa vie et certains contes. C’est l’époque où j’ai commencé à noter tout ce qu’on me disait ou faisait. Elle avait toujours une anecdote pour m’expliquer une situation ou me faire passer un message.

Aujourd’hui, certes je ressens terriblement son absence, mais j’ai accepté que je ne la reverrai plus jamais et je continue à prier pour le repos de son âme ainsi que ceux de tous nos devanciers.

* Dillé: superstition qui présage une mauvaise nouvelle.


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre VIII : le mariage

Père Khadija était sorti de l’hôpital en chaise roulante pour poursuivre sa convalescence à la maison. Entouré des siens, il récupérait petit à petit et se faisait choyer par ses enfants (Khadija et son frère). La présence de ces derniers le rassurait et lui permettait de retrouver le moral, même si l’avenir de sa fille le préoccupait. Il n’avait plus évoqué la cause de son malaise et respectait scrupuleusement les instructions de son médecin; de toute façon il n’avait pas le choix ; sa femme y veillait constamment.

Connaissant l’animosité qu’entretiennent certains membres proches et éloignés de sa famille à l’endroit de sa femme, père Dija avait fait faire tous les documents détaillant la façon dont il léguerait sa richesse (une sorte de testament). En général, chez les Peuls, la fille n’a aucun droit sur l’héritage laissé par son père ; père Dija avait une nouvelle fois brisé les codes en y incluant sa fille. Le document en question était détenu par son meilleur ami avec la consigne de ne le divulguer qu’après son décès. Il avait aussi demandé à son fils aîné de veiller à ce que ses dernières volontés soient respectées.

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Il était environ 17 heures 30, ce samedi 17 mai 2008, le soleil était encore très ardent malgré l’heure avancée. Il y avait un beau monde dans la cour familiale des Diallo, une tente était dressée et de nombreuses chaises installées en plusieurs rangées. Les femmes s’affairaient pour faire la cuisine ; certaines apportaient des gros cailloux et du bois pour mettre le feu, d’autres épluchaient la pomme de terre, les oignons, l’ail, tamisaient la poudre de maïs pour en faire du couscous (latchiri)… L’ambiance et le brouhaha qui y régnaient étaient indescriptibles. Chacun s’activait dans ses tâches. Tout doit être parfait pour le meilleur jour de l’unique fille de M. Diallo. Il y tenait. Chez les Peuls, on accorde beaucoup d’importance aux préparatifs des mets qui seront servis aux invités.

La mère de Khadija faisait de temps à temps des va-et-vient entre la cuisine, la maison et la véranda pour s’assurer que tout se passait bien ou pour donner des consignes sur la façon de s’y prendre avec certaines choses. Elle était toute excitée, joyeuse et il y avait de quoi ; son unique fille se mariera dans quelques heures. Chaque mère rêve de ce jour pour ses enfants !

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Un peu plus loin chez les voisins, couchée sur le dos, plongée dans une interminable réflexion qui devenait éreintante, Khadija observait un point fixe du plafond, chassant de temps en temps quelques moustiques qui bourdonnaient dans ses oreilles, se remémorant ses années d’enfance. Elle aurait aimé redevenir cette gamine casse-pieds, insouciante qui gambadait partout, ou arrêter le temps. Elle aurait aimé avoir le pouvoir de trouver un moyen de stockage dans son cerveau lui permettant de s’en servir et ne choisir que les bons souvenirs.

La tension et le stress (dispute avec Chérif, maladie de son père, démarche pour le mariage) accumulés ces derniers jours n’étaient pas encore retombés. Elle avait perdu du poids mais personne ne s’en était rendu compte. Pas même son papa, qui, d’habitude le remarquait toujours. Tout le monde était euphorique pour son mariage, sauf elle la principale concernée ; même si aux yeux des autres, elle l’était. Son avenir au côté de Chérif l’inquiétait. Elle avait un lugubre pressentiment qui lui serrait le cœur. Elle remettait une nouvelle fois son destin entre les mains de Dieu et priait afin qu’Il lui vienne en aide.

Un peu plus tôt dans la semaine, elle avait reçu une myriade de conseils de sa mère, ses tantes, cousines, grand-mère maternelle, oncles, amies…Tout le monde s’y mettait pour lui dire comment elle est censée se comporter envers son mari et comment prendre soin de lui pour un foyer épanoui. Pour la circonstance, ils étaient tous devenus experts en relations conjugales. Mais ce qui avait marqué et ému Khadija, c’était le tête-à-tête avec son père. Il lui avait rappelé ses obligations envers son mari et prodigué de sages conseils.

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Chérif était en boîte avec des ami.e.s, il y avait une ambiance festive, mais il n’arrivait pas à profiter. Assis dans un coin de la boîte, loin du bruit, toutes ses pensées étaient orientées sur son avenir avec Khadija. Il commençait pour une fois à mesurer le poids de sa décision. Des idées saugrenues et des questions assaillaient son esprit ; des questions qu’il ne s’était jusque-là pas posées. Avait-il sérieusement mûri, soupesé sa décision ? L’avait-il juste prise pour faire plaisir à sa daronne et à son oncle ? Que répondra-t-il à Fatoumata, la fille à qui il avait promis le mariage lors de ses études supérieures en France? Il avait fini par prendre congé de ses ami.e.s et était rentré parce qu’une dure journée l’attendait le lendemain et il n’était plus d’humeur à continuer la fête.

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Aux premiers pépiements des oiseaux avec les premières lueurs du jour, les femmes se levèrent pour continuer la cuisine. Tout devait être fin prêt avant 10 heures, heure convenue pour la célébration du mariage religieux.

La cérémonie religieuse ou « houmo dewouggal » : est scellée à la mosquée ou dans la demeure des parents de la mariée, avec lecture du coran. Pour ce cas, elle fut célébrée dans la maison familiale des Diallo en raison de l’état de santé du père de Dija. La présence du couple n’est souvent pas requise. Les 113 noix de colas (le nombre doit impérativement être impair), furent emballées dans des feuilles avant d’être nouées à la corde.

La façon dont-ils les nouent reste toujours une intrigue pour moi. Il y a une explication autour d’ailleurs qui m’a été donnée par une connaissance :

« ces noix de colas nouées ainsi symbolisent le couple qui doit se soutenir pour ne former qu’une seule personne. Il est plus facile d’unir deux personnes que de prononcer un divorce entre elles, car c’est un droit que Dieu lui-même ne s’est pas arrogé. »

Est-elle plausible ? En tout cas c’est la question que je me pose.

Ensuite, ce fût la présentation de la dot appelé « jawdi yamal » qui est la condition sine qua non pour sceller le mariage. Elle (dot) peut être évaluée en or, en bétail ou en somme d’argent et, est incommutable à la future épouse qui est libre d’en user comme bon lui semble. Chérif avait offert 1 millions de francs guinéens comme dot à sa dulcinée.

Parmi les autres biens qui accompagnaient la dot, il y avait des cadeaux pour les tantes, oncles de Dija et une somme d’argent pour les sages de la mosquée. Après une litanie de bénédictions, l’union Chérif-Khadija fût scellée à jamais. Les parents se félicitèrent ; le repas fût servi et ils immortalisèrent la journée avec des photos.

Pendant que les sages et notables célébraient le religieux, Dija était dans un salon à la Minière pour se refaire une beauté. Au début, elle ne voulait pas de tout ça ; mais face aux arguments et à la ténacité de ses amies, elle se laissa aller. Le résultat ne lui déplut pas, elle était comme une fée dans sa belle tenue de mariée ; Chérif était ébloui par tant de beauté et candeur !

Ils avaient dressé et décoré des tentes dans une des cours voisines à celle de chez Dija pour servir de lieu de réception. L’officier de l’état civil fût déplacé pour la circonstance. Tout se déroulait comme prévu, malgré l’angoisse de Dija qu’elle dissimulait tant bien que mal en feignant un faux sourire.

Il était 18 heures 30 lorsque des femmes vinrent chercher Dija pour la préparer pour les rites du mariage traditionnel.

Mariage traditionnel : Au sein de nombreuses familles peules dont celle de Khadija, il est proscrit de célébrer le traditionnel avant la cérémonie religieuse. Généralement, cette cérémonie se tient au crépuscule après la réception bien entendu si le religieux est déjà célébré. Elle est rythmée par des chants et des danses.

Pour cette étape aussi, il faut une natte neuve, une paire de chaussure, 4 m de tissu blanc qui sera coupé en 2 pagnes, une attache de noix de colas plus et un tissu (complet), le tout mis dans une calebasse qui sera portée par une jeune fille candide. Une nourrice qui n’a jamais divorcé était de la délégation (il semblerait que cela fait partie de la tradition).

Khadija était installée sur un tabouret posé au beau milieu de la chambre de sa daronne. Le tabouret ne doit bouger sous aucun prétexte. Devant elle, est posée une cuvette dans laquelle elle prend ses ablutions ; quelques minutes seulement après la prise de ses ablutions, elle se fit appeler à trois reprises par un de ses cousins qui était l’émissaire, mais elle ne devait pas y répondre et ce dernier lui transmet un message. Ensuite sa tante paternelle « yayé en poular » qui est aussi dorénavant sa belle-mère lui mit le voile et l’aida à attacher le pagne blanc. Et là, on lui prodigua des conseils sur comment mener sa vie conjugale, en plus de ceux reçus il y a des jours. Ces mots revenaient souvent (patience, obéissance, humilité, sagesse, calme et respect).

Enfin on l’a coucha sur la natte pour 1 temps avant d’être changé avec un complet basin rouge revêtu de billets de banque neufs, le tout accompagné d’un parapluie de la même couleur. Dija est enfin prête à rejoindre le domicile marital où une nouvelle vie l’attend au côté de Chérif.

Sera-t-elle heureuse ? Leur union survivra-t-elle aux regards et ingérences de sa belle-mère et ses belles-sœurs ?


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre VII : la maladie

Plus la date du mariage approchait, plus cela rendait Dija nerveuse et stressée. Pourtant, elle réussissait bien à le dissimuler en feignant d’être enthousiaste à l’idée d’être unie à son cousin.

Au stage, Khadija était très studieuse et s’appliquait toujours avec dextérité pour rendre un travail de qualité. C’est d’ailleurs grâce à sa constance et à son acharnement au travail qu’elle réussit à changer de service. Ce qui lui permit de sortir des griffes de son harceleur de supérieur.

La vie suivait son cours normal au sein des deux familles. Khadija passait de beaux moments dans son nouveau service. Son nouveau chef était très respectueux, strict et exigeant. Ce qui ne déplut pas à Dija. Au contraire, ça l’a poussait à être deux fois meilleure.

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Un peu plutôt dans la matinée, son père avait piqué une crise suite à une conversation téléphonique qu’il avait eue avec un de ses amis qui lui expliquait comment père Dija s’est fait escroquer par son associé dans un projet de construction d’une ferme avicole. L’associé de père Dija avait tout bonnement disparu avec tout l’argent investi par père Dija. Il a été conduit illico dare-dare à la clinique où toute la famille s’est transportée pour être à son chevet.

Après une éreintante journée de travail, d’embouteillages et d’affliction, Khadija rentrait complètement exténuée. Grande fut sa surprise de trouver la maison fermée, elle sortit son téléphone pour appeler sa mère qui n’avait pas jugé nécessaire de la prévenir et cela vexa Dija. Il est bien vrai qu’elle était en froid avec son père depuis l’annonce de la décision de ce dernier. Mais elle ne pouvait concevoir l’attitude de sa mère et elle allait lui en toucher un mot.

Mais pour l’heure, il faut qu’elle se rende à la clinique. Ce n’était pas le moment des reproches, il faut qu’elles restent fortes et soudées pour son père.

Elle appela Chérif pour savoir s’il pourra l’emmener, mais ce dernier ne répondait pas. En chemin, elle appela son frère aîné pour le prévenir, ce dernier était déjà au courant et cherchait un billet pour rallier Conakry. Beaucoup de questions se bousculaient dans sa tête “Et s’il était déjà mort ? Il était bien portant le matin, comment cela lui est arrivé ?”.Elle pleurait en silence tout en implorant Dieu de lui garder encore son père. Elle ne supporterait pas de le perdre de sitôt. Elle réalisait de nouveau combien de fois l’Homme n’avait aucune emprise sur son destin, combien tout peut s’écrouler en une fraction de seconde.

Arrivée à la clinique, Dija fut contrainte d’attendre de longues minutes avant d’accéder à la salle. Sa mère était de dos, assise sur le lit, les yeux rougis à force d’avoir pleuré. Sans dire mot, Dija approcha le cœur serré et la gorge nouée. Son père était relié à des machines et se faisait alimenter par une sonde. Dija tapota l’épaule de sa mère, cette dernière prit le temps d’essuyer ses larmes avant de se tourner vers sa fille. Elle expliqua les circonstances dans lesquelles son mari s’est retrouvé entre la vie et la mort et tenta de rassurer sa fille que tout irait mieux. Mais ça se sentait dans sa voix qu’elle n’était pas aussi convaincue qu’elle pouvait le faire croire. Khadija sortit de la salle en trombe, manquant de renverser Chérif, elle alla se réfugier dans les toilettes et laissa libre court à ses émotions.

Plus les jours passaient, plus la santé de père Dija se détériorait. Il restait encore un mois avant le jour-j de son mariage et Dija n’avait pas du tout l’esprit à la fête. Même à son stage, cela se sentait, ses performances avaient nettement diminué. Elle était tout le temps perdue dans ses réflexions et s’adonnait davantage à la prière surérogatoire, surtout la nuit.

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Chérif était très présent pour la famille mais surtout pour Khadija. Chaque soir, après le service, il passait la voir et sortait prendre de l’air avec elle pour l’aider à se changer les idées. Cette situation les avait énormément rapprochés. Il parvint rapidement à déceler les nombreuses qualités que regorgent Dija ; la douceur dans son regard, la bonté de son cœur, sa pudeur, sa combativité, son sens de discernement et surtout son attachement à la prière. “Comment ne pas l’aimer ? Je ferai tout mon possible pour la rendre heureuse”, se dit-il !

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Père Khadija était sorti du coma et avait retrouvé l’usage de la parole. Mais il était encore très faible et le diagnostic du médecin était sans appel. Il allait perdre l’usage de ses membres inférieurs. En fervent croyant, il se remit à la volonté de Dieu et accepta son sort, mais il fallait qu’il fasse quelque chose parce qu’il était persuadé au fond qu’il n’allait pas survivre pour longtemps à ce choc. Il demanda à voir Chérif. Ce dernier arriva 2 heures plu-tard. Père Dija demanda à ce qu’on les laisse seuls pour un tête-à-tête entre hommes. Dija, sa mère et son frère s’exécutèrent.

Père Dija tapota le lit pour inviter Chérif à s’asseoir près de lui. Ce dernier s’exécuta ! C’est lui d’ailleurs qui brisa la conversation. Même s’il ne le dit pas ouvertement, Chérif a toujours été intimidé par son oncle, il est aussi très reconnaissant de tous les efforts fournis par ce dernier pour lui assurer un meilleur avenir. C’est en partie grâce à son oncle s’il avait pu finaliser ses études.

Alors Kaou, comment vous vous sentez ?

Hamdoulilah, je me sens bien mon garçon ! Je sais que tu dois te demander pourquoi j’ai voulu avoir cette discussion avec toi, mais j’ai jugé nécessaire de discuter avec toi une seconde fois avant votre mariage, vu qu’il ne reste que deux semaines maintenant. Les chances que je puisse y participer sont très faibles. Je ne suis divin mais je sais que je ne me relèverai pas de cette maladie…

Soubhanallahi mon oncle ! Ne dis pas ça Kaou, tu vas guérir et vivre encore plus longtemps avec nous et tenir tes petits-enfants.

J’aurais adoré mon garçon, crois-moi, mais tout ce que Dieu fait est bon. Chérif, le mariage est un chemin long et épineux. Accepter de partager sa vie dans toute sa dimension sur tous les plans avec une autre personne n’est pas chose aisée. Surtout lorsqu’elle n’est pas notre choix. Seule la prière, la communication, la patience, l’endurance et l’acceptation des défauts de l’autre vous permettront d’avancer et d’avoir un foyer épanoui. Tout ne sera pas rose, des hauts et des bas vous en connaîtrez. Les relations humaines, quelles qu’elles soient peuvent être tendues et compliquées parfois, il faut savoir ménager son prochain et être patient.

Joignant les deux mains de son neveu, il conclut en ses termes : Khadija est la prunelle de mes yeux, la plus belle chose qui me soit arrivée dans ma vie et je n’ai aucun doute quant à sa bonne éducation et à sa piété. Je t’en conjure, prends soin d’elle, je ne reposerai pas en paix en sachant ma fille malheureuse. Avant d’être ton épouse, n’oublie pas qu’elle est ta sœur, alors traître-la avec respect. Ne lève jamais la main sur elle. Ce que le dialogue n’a pas pu résoudre, ce n’est pas la violence qui le fera. Le jour où tu sentiras qu’il n’est plus possible de vivre avec elle, s’il te plaît, rends lui sa liberté.

Il posa sa main droite sur la tête de Chérif et lui fît beaucoup de Dou’as.

Chérif sortit de la salle tout ému.

Respectera-t-il les dernières recommandations de son oncle ? That’s the big question !


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre VI : la rencontre

Khadija, après des semaines de réflexion avait fini par faire part de sa décision d’accepter son union avec Chérif à son père. Ce dernier était partagé entre la joie et les regrets : heureux que sa fille ne lui ait pas désobéi, mais rongé par les regrets parce que conscient que sa décision les avait finalement éloignés, l’un et l’autre. Et cela lui était insupportable.

Père Khadija et tante Ramatoulaye avaient eu recours à un érudit pour faire du « listikar » afin de déterminer le jour propice à la célébration du mariage. Ce dernier leur avait suggéré la date du 18 mai 2008. Une réunion familiale fut de nouveau convoquée et tous les autres membres s’accordèrent sur la date.

Khadija et Chérif furent de leurs côtés informés par leurs parents respectifs. Chérif attendit des jours pour voir si Khadija le contacterait pour une éventuelle rencontre. N’ayant pas eu de nouvelles d’elle, il prit les devants et fixa un rendez-vous en fin de semaine pour un dîner après le service. Cela leur permettra de mieux échanger loin du cocon familial et de toute pression.

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Khadija avait passé une nuit blanche à se demander quelle attitude adopter lorsqu’elle sera face à Chérif. Il était 5h lorsque l’alarme de son téléphone retentit. Elle se précipita de l’arrêter et sortit du lit pour se rendre dans la cuisine afin de faire la vaisselle. Malgré la présence d’une femme de ménage, Khadija ne dérogeait jamais à la règle instaurée par sa mère. Pour elle, c’est aussi une façon de déstresser avant de se rendre au bureau chaque matin. Elle prit une douche, fit sa prière de « Fadjr », avant de s’apprêter pour le boulot.

Vêtue d’une longue et belle robe en « leppi », la belle Khadija arriva à son service 30 min avant l’heure, bien plus rayonnante que d’habitude. Depuis le début de son stage, elle se donne à fond et travaille comme une forcenée pour obtenir de meilleurs résultats en espérant que cela débouche sur une embauche. Seulement, Khadija se fait constamment harceler par l’un de ses supérieurs qui avait des vues sur elle. Il la menaçait souvent de renvoi et trouvait toujours un moyen de la mettre hors d’elle. Khadija ne se laissait pas aller à ce jeu. Elle réussissait à garder son calme à chaque fois qu’il tentait une approche ou qu’il essayait de la ridiculiser devant ses collègues. Elle est restée droit dans ses bottes et n’a jamais flanché ; du moins pas pour le moment. Il lui restait encore 2 mois à tenir. 

Du haut de ses 24 ans, Khadija était très mature et forte. Elle laissait rarement transparaître sa douleur, ou ses émotions prendre le dessus sur sa raison.

Pour la rencontre avec Chérif prévue à 18 heures, Khadija avait une boule dans le ventre et sentait que sa journée sera un peu plus mouvementée que d’habitude.

Assise face à une pile de dossiers à finir avant l’heure de la descente, Khadija regardait d’un coin de l’œil son téléphone posé sur la table guettant l’appel de Chérif. Même avec la climatisation, elle suait à grandes gouttes, ce qui était inhabituel et trahissait chez elle le stress lié à rencontre. Elle exhala un autre soupir avant de se replonger de nouveau dans ses dossiers.

Cela dit, Khadija ne comptait pas laisser son humeur entacher la crédibilité de son travail. C’était une perfectionniste née et elle s’assurait toujours de bien faire les choses, une autre qualité qu’elle tient de son père.

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Chérif, derrière son bureau comptait les minutes qui lui restaient. Même s’il refusait de se l’avouer, cette rencontre l’angoissait aussi. Et la timidité de Khadija vis-à-vis de lui ne lui facilitera certainement pas la tâche, se disait-il. Mais voilà, il s’est engagé auprès de sa mère à tout faire pour que les choses marchent et il compte bien tenir parole.

Enfant, il a été témoin oculaire des nombreuses souffrances endurées par sa mère. Ses oreilles ont capté et entendu les douleurs des coups que son père infligeait à sa mère. Il a vu son père exercer une violence inouïe sur sa mère sans même sourciller. Cela l’a rendu plus tenace, travailleur, perspicace, autoritaire et très renfermé. Cette période de sa vie a été très traumatisante. Obnubilé par la réussite, Chérif après l’obtention du concours d’entrée dans les institutions d’enseignement supérieur, se voit accorder une bourse pour la poursuite de ses études à l’extérieur. C’est ainsi qu’il partit à la quête du savoir en se promettant de réussir pour panser les blessures de sa mère et transformer ses peines en joies. C’est d’ailleurs l’envie d’être proche de sa mère, de veiller à son bien-être et d’assurer sa protection qui a motivé son retour au pays après ses études.

Chérif ne voulait pas non plus de ce mariage, mais les désirs de sa mère sont des ordres pour lui. Rien ne lui rend plus heureux que de voir le visage de sa mère rayonner de bonheur et peu importe les sacrifices à consentir pour cela, il est prêt à le faire.

A travers les fenêtres de son bureau, Chérif regardait d’un air pensif Kaloum, le centre administratif et des affaires de la capitale guinéenne, se demandant si Khadija arrivera un jour à vaincre sa timidité et sa pudeur.

Peut-être je dois commencer par la mettre en confiance”, se dit-il, toujours l’air pensif !

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Khadija venait de sortir des locaux de l’entreprise lorsque son téléphone se mit à sonner. Elle hésita quelques minutes avant de répondre : à l’autre bout du fil, Chérif

Allô Khadija ?

Oui Koto Chérif, je viens de finir mon boulot.

OK ! Je passe te chercher alors !

Non, je vais me débrouiller. Ne laissant même pas le temps à Chérif de répondre, Khadija raccrocha le téléphone avant de s’engouffrer dans un taxi.

Chérif arriva le 1er au lieu de rendez-vous, très furax contre Dija. Mais il préféra ne pas s’attarder dessus pour ne pas envenimer les choses entre eux, alors qu’ils sont censés discuter de leur avenir commun.

En rentrant dans le resto, Khadija aperçut Chérif qui était de dos et visiblement très occupé par sa conversation téléphonique. Au point qu’il n’avait pas remarqué l’arrivée de sa cousine. Dija voyant la tenue que porte Chérif ralentit dans sa marche et écarquilla les yeux et murmura “Pourquoi il a fallu qu’il porte la même chose que moi ? Il ne manquait plus que ça !”

Bonsoir Koto Chérif !

Enfin, il n’était pas trop tôt ! Je pensais que la ponctualité était l’une de tes caractéristiques.

Oui, mais j’ai eu quelques difficultés à trouver un taxi. 

Tu savais cela avant de m’empêcher de venir te chercher. Ton alibi n’est pas valable jeune fille ! Bref, elle a été ta journée ?

Il fallait commencer par ça”, pensa Khadija !

Elle s’est bien passée et la tienne aussi ?

Très bien aussi de mon côté. Alors, on commande !

Khadija était très tendue et Chérif l’avait bien remarqué. Tête baissée, elle piochait dans son assiette et jetait un regard furtif de temps à autre vers Chérif.

Chérif usa de son humour pour décontracter l’atmosphère, ce qui eut le don d’arracher un sourire à Dija.

Dija, je ne sais pas comment te le dire, mais cette situation me déplaît aussi. La vérité c’est qu’on a tous les deux été entraînés dedans par nos parents. Je ne peux pas revenir en arrière pour faire annuler les choses, même si je le pouvais. Je ne suis pas sûr que je le ferai parce que tu vois, je ne peux et vais jamais désobéir à maman.

Ils ne nous ont pas laissés le choix, mais on fait ce qu’on estime être juste pour les rendre heureux. Moi aussi, je ne te le cache pas cette situation a failli me rendre folle, mais j’ai fini par accepter et m’y faire finalement.

J’aimerais te promettre que tout ira pour le mieux, qu’on aura une vie heureuse ensemble, mais je ne peux pas prédire l’avenir. Par contre, je te promets de prendre soin de toi et d’être un homme juste. Le reste, Dieu s’en charge !

Koto Chérif, la seule chose que je veux que tu me promettes c’est de me laisser travailler, gagner ma vie et être indépendante. Le reste, comme tu l’as dit, Dieu et le temps s’en chargeront !

Pour la cérémonie de mariage, je la veux simple, sobre dans le strict respect de la religion.

C’est comme tu veux ! De toute façon, c’est une histoire de femmes tout ça. Allez, je te ramène avant que mon oncle ne commence à s’inquiéter, même s’il sait que tu es avec moi.

Parlant de papa, je crois savoir que vous avez discuté. Si ce n’est pas indiscret, je peux savoir de quoi il s’agissait ?

Désolé, mais c’est non ! C’est une discussion d’adultes et toi tu es encore enfant (rires).

Dans l’habitacle de la voiture de Chérif, seule la voix mélodieuse de Corneille résonnait. Le dossier de son siège relevé, Khadija, le bras appuyé sur l’accoudoir était perdue dans ses pensées. Enfin soulagée et bien consciente que dans quelques semaines une nouvelle vie démarre pour elle.


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre V: vers les compromis…

Après la longue discussion entre mère et fille, Khadija sortit prendre de l’air. Elle déambulait dans les rues de son quartier, quelques étalagistes mal éclairés par une lampe tempête vendaient encore des beignets, des oranges, des bananes… Un peu plus loin, des enfants jouaient au cache-cache. Leur insouciance intriguait Dija. Elle se rappelait encore sa petite enfance où elle s’évertuait à donner du fil à retordre à ses frères. « Ah la belle époque », soupira-t-elle ! Si seulement, elle avait les moyens de revenir en arrière et de redevenir cette petite fille têtue.

Une brusque coupure de courant plongea le quartier dans un noir de jais. Ce qui interrompit net la petite balade de Dija. Il était 21 heures lorsqu’elle décida pourtant de rentrer. Il y a quelques années encore, elle ne pouvait pas se permettre de rester dehors jusqu’à cette heure. Il faut croire que de ce côté, son père a changé. Va savoir pourquoi !

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Voilà un mois depuis la fameuse nuit où son père lui annonça son mariage avec Chérif. Khadija continue encore à repousser sans cesse le jour de sa rencontre avec Chérif. Ses appréhensions et sa peur l’empêchaient de prendre l’initiative, de faire le premier pas. Secrètement, elle priait pour qu’un miracle se produise, que Chérif décide de désobéir à sa mère. Mais elle sait aussi qu’il était vain d’espérer ! Même si elle remuait ciel et terre et taillait en pièces l’univers, rien ne fera vaciller la décision de son père. Autant accepter, oublier la vie qu’elle avait planifiée et vivre celle qui l’attend finalement.

Il va falloir qu’elle ait cette discussion avec Chérif pour accorder leurs violons, faire des compromis. Qui dit mariage dit compromis en effet ! Mais qu’est-ce que Dija déteste les compromis ! Surtout lorsqu’il s’agit de renoncer à des choses qui lui tiennent à cœur ou qu’elle croit mériter. Néanmoins, il y a des choses sur lesquelles Dija restera intransigeante et elle compte bien le faire savoir à Chérif.

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Attablée pour le dîner avec ses parents, Khadija n’avait pas vraiment l’appétit mais pour sauver les apparences et pour ne pas trop inquiéter sa mère, elle s’efforçait d’avaler quelques cuillerées. Son père, quant à lui, s’en voulait énormément d’avoir infligé tout cela à sa fille. Mais il était certainement trop tard pour les regrets. A cause de sa décision, sa fille était devenue distante avec lui, elle ne lui parlait plus de ses projets. S’il pouvait revenir en arrière, il aurait certainement réfléchit n fois et remuer 7 fois sa langue avant de donner son approbation à sa sœur. Il ne savait pas que les choses allaient prendre cette tournure. Maintenant, tout ce qui lui reste c’est de trouver un compromis avec sa sœur et son neveu qui lui permettra peut-être de se racheter auprès de sa fille. Il fera tout pour la voir heureuse et effacer cette douleur qu’il lui a infligée. Quelles seront ses conditions ? Quelles seront celles de Khadija ?


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre IV: le fin mot de l’histoire

Dans la vie, il y a ce que nous ressentons, ce à quoi nous aspirons, et il y a la réalité. La réalité était en train de mettre en lambeaux les ambitions et désirs de Khadija. Toute cette histoire l’avait éprouvée, sa rencontre avec Ousmane lui avait laissé un goût amer. Khadija ne l’imaginait capable de lui jeter à la figure toutes ces inepties. Les paroles d’Ousmane lui avait valu de longues nuits plates, fades et sans sommeil, des hectolitres de larmes versées dans la solitude de sa chambre. Khadija avait essayé en vain, à maintes reprises de le joindre pour l’expliquer. Mais il ne voulait rien entendre. Au point qu’il avait fini par filtrer le numéro de Khadija. Lasse de le harceler, elle se résigna, abandonna et décida de se faire une raison en se consolant avec cette phrase « Il faut se résigner et accepter son impuissance. On a beau tout donné, mais parfois ça ne sert à rien ». Peut-être c’est une façon pour le ciel de lui ouvrir les yeux sur l’homme pour lequel, elle était prête à tout. « Un bien pour un mal. Il est temps pour moi de mettre une croix sur toi, Ousmane se dit-elle! » Seulement, c’était plus facile à dire qu’à faire ! Ses pensées la trahissaient aussi souvent que possible. Les souvenirs étaient toujours là. Khadija l’aimait si naturellement, qu’elle se surprenait à trouver des justifications à son attitude. Pourtant, rien ne pouvait excuser son comportement. Il avait juste qu’à l’écouter, à lui prouver qu’il avait confiance en elle, à leur amour. Mais au lieu de tout ça, il a choisi d’éteindre la flamme de son affection, brider ses émotions. Quel égoïsme !

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Deux semaines s’étaient écoulées depuis ce fameux soir, Khadija avait commencé son stage sans grand enthousiasme. C’est comme si on lui avait ôté toute joie de vivre. Ce stage lui permettait à de rares fois de fuir son tête-à-tête avec son moi tourmenté.

C’était le week-end, l’immuable quotidien suivait son cours normal dans la famille Diallo. Khadija n’avait pas fermé l’œil la veille, l’aurore la trouva les yeux écarquillés dans la pénombre. Elle se tordait de douleurs, heureusement qu’elle n’ira pas bosser. Elle était dans sa période, ses hormones menstruelles mal lunées lui faisaient terriblement souffrir. Elle détestait cette période, devenait hystérique avec une humeur massacrante. Khadija est une lève-tôt, elle se permet rarement les grasses matinées, les seules fois où elle se le permet malgré elle, c’est lorsqu’elle voit ses règles. Ce matin, elles sont plus douloureuses, sa mère lui fît une infusion salée avec du gingembre râpé, de la mélisse et la poudre des graines de selim, le tout dilué dans de l’eau chaude. Ce qui calma les douleurs et permit à la jeune fille de sortir de son lit. Sa mère lui dispensa de la cuisine et lui accorda une journée de repos. Khadija se plongea dans la lecture de son bouquin. La musique, la lecture et la mer ont toujours eu le don de l’apaiser et de la calmer.

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Dans la soirée, Khadija prit un bain et sortit pour s’asseoir au balcon en observant des petits oiseaux insouciants qui picoraient quelques graines de fonio. C’est ce moment que choisit sa mère pour faire son apparition et demander à Dija de sortir une chaise et un tabouret pour qu’elle lui fasse des nattes. Le stress quotidien au boulot, associé à celui qu’elle traîne depuis des semaines lui ont empêché de poser la question qui turlupinait son esprit après la réunion familiale. En voilà, une belle occasion qu’il faille saisir pourvu que cela ne finisse en dispute se dit-elle. Il lui faut trouver une meilleure façon de formuler de manière à livrer le fond de sa pensée, sans offusquer sa daronne.

A l’aide d’un piquant de porc-épic noir strié de blanc appelé en poular « koural saghaldai », mère Khadija traçait des raies pour faire des nattes à sa fille. La capacité de sa mère à conserver des choses « anciennes » ne cessera jamais de l’étonner. Quoique les piquants de porc-épic ne servent pas qu’à tracer des raies, elles sont aussi utilisés pour le traitement de maladies (les maux de dos entre autres).

Mère Khadija s’y prenait avec habileté et douceur, évitant de faire mal à sa fille. Même si elle ne le disait pas, mais la situation de Khadija la peinait. Elle aurait aimé avoir une machine à remonter le temps pour revenir à ce fameux jour, tenir tête à son mari et l’empêcher de faire cette promesse. Mais l’eau a coulé sous les ponts et il va falloir faire avec. Khadija la sortit de sa réflexion en faisant une grimace indiquant à sa mère qu’elle lui avait fait mal. Cette dernière s’excusa ce qui ouvrit la voie à Khadija pour sa question.

– Maman,je veux te poser une question mais promet-moi de ne pas te fâcher 

– Si ta question n’est pas offensante, je te le promets.

– Pourquoi papa a fait cette promesse à tata Ramatoulaye ? Je sais qu’il lui voue un respect religieux mais…elle mit sa phrase en suspens en se rendant compte que ce qui allait suivre n’allait pas plaire à sa mère.

– Comme tu le sais déjà, ton père et ta tante sont les seuls enfants que ta grand-mère a mis au monde. En tant qu’aînée, ta tante Ramatoulaye a dû renoncer à ses rêves pour que ton père réalise les siens. Elle s’est mariée à l’âge de 21 ans, ton père n’avait que 14 ans encore, et la situation sanitaire de ta grand-mère ne s’améliorait pas. Ta tante a passé 5 ans sans faire d’enfants. Elle a du faire face à beaucoup de brimades, a reçu de nombreux coups de la part de ses belles-sœurs qui la traitaient souvent de terre aride et infertile. Son mari n’a jamais levé le petit doigt pour la protéger. C’est comme si ses sœurs avaient sa bénédiction. Sa coépouse avait, elle, fait deux enfants entre temps.

Ta tante Ramatoulaye supportait à huis clos, elle souffrait en silence, se laissant marcher dessus pour conserver son statut d’épouse. A cette époque, une femme divorcée était encore plus mal vue par la société qu’une stérile. A chaque fois qu’elle venait se plaindre auprès de tes grands-parents, ceux-ci lui rappelaient son devoir de femme : elle doit être une éponge qui absorbe tout sans exploser. Seulement ton père vivait mal cette situation, voir sa sœur défigurée, avec des bosses, ces ecchymoses sur le visage le rendaient fou de rage et impuissant. Un beau matin de l’an 1979, alors âgé de 20 ans, ton père, poussé par une force extérieure, persuadé de pouvoir changer le cours des choses, et de mettre fin aux souffrances de sa sœur, commit la terrible erreur de se rendre dans le foyer de cette dernière pour la sortir des griffes d’une famille impitoyable. Ta tante Ramatoulaye était enceinte de Chérif et personne ne s’en était rendu compte, pas même elle. Il menaça son beau-frère d’en finir avec ses jours s’il s’avisait de nouveau à lever la main sur sa sœur. Au cours des tiraillements, ta tante trébucha et faillit perdre sa grossesse. Cette intervention de ton père aggrava la situation de tante auprès de son mari et de ses belles-sœurs. Informés, tes grands-parents remontèrent les bretelles à ton père et lui firent promettre de ne jamais s’immiscer dans la gestion du foyer de sa sœur.

Ta grand-mère rendit l’âme 3 mois après la naissance de Chérif, 2 mois seulement après mon mariage avec ton père. Rongé par la culpabilité, à laquelle s’ajoutait la promesse faite à ta grand-mère dans son lit de mort, ton père décida de tout faire pour rendre sa sœur heureuse, quitte à renoncer à son propre bonheur. Et c’est sans difficulté qu’il fît la promesse à ta tante lors de ma grossesse.

Khadija avait écouté religieusement le récit de sa mère. Une émotion indescriptible lui coinçait la gorge. Quelle histoire s’exclama-t-elle!

Elle ne comprenait pas la décision de son père, mais n’allait plus essayer de démêler les fils d’une situation inextricable qui n’était pas de son fait. Dorénavant, elle était plus disposée à l’accepter. Il fallait maintenant qu’elle ait une discussion avec Chérif à propos de ce mariage.


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre III: Les vérités qui fâchent

Les effluves de la sauce embaumaient la cour familiale des Diallo. Khadija est celle qui est censée faire la cuisine les week-end. Une règle instituée par sa mère alors que la fille n’avait que 15 ans et qu’elle n’a jamais eu de la peine à respecter. Tout au contraire, elle en tire l’origine de la passion qu’elle a désormais pour la cuisine. Aussi, elle en est devenue un véritable cordon bleu. Fredonnant une des chansons de l’artiste Lama Sidibé, Dija s’appliquait avec dextérité dans ses tâches.

Après sa petite discussion matinale avec sa mère, sa conscience lui faisait encore des reproches. Elle éprouvait un subtil besoin d’aller présenter ses excuses à sa daronne. Mais quelque part, au fond d’elle, une petite voix lui susurrait d’attendre d’avoir le fin mot de l’histoire. Son égo aussi avait pris un coup.

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Il lui restait quelques heures encore avant son rendez-vous avec Ousmane, et il lui fallait passer au cyber pour échanger avec son frère aîné. Il y a des choses qu’elle doit élucider avec ce dernier. A cette époque, internet était un luxe que beaucoup de familles ne pouvaient s’offrir. Bien qu’ayant un ordinateur qui lui avait été offert par son père en 2005, et un téléphone en 2006, avec l’arrivée de la société de téléphonie mobile areeba (actuel MTN), Khadija parcourait chaque samedi le trajet Nongo-Matoto pour se rendre au cyber Mouna afin de se connecter et discuter avec ses frères sur Skype.

Khadija, sortit du cyber complètement déboussolée, la conversation avec son frère n’a pas eu les résultats qu’elle escomptait. Elle se sentait trahie, ce qui décuplait encore plus sa rage envers les siens. « Que me cache-t-on d’autre? A quoi devrais-je m’attendre ? ». Néanmoins, cela lui a permis de cerner certaines choses, mais il lui manquait encore certaines pièces du puzzle. Elle était rassurée de savoir que ses frères la soutiendraient, quoi qu’il en soit et quelle que soit sa décision. Dans sa furie, elle manqua de heurter quelqu’un, elle s’excusa et continua son chemin.

Il lui fallait impérativement discuter avec Chérif pour avoir sa version et savoir à quoi s’en tenir avant de prendre sa décision finale. « Comment je vais m’y prendre pour lui parler, il me fout la trouille? Ah papa dans quoi tu m’as mis ? Comment épouser une personne qui m’inspire la peur ? Vais-je réussir à soutenir un jour son regard ? ». Les questions se bousculaient dans sa tête.

Elle cherchait à héler un taxi lorsque l’objet de ses pensées surgit de nulle part. Il s’avança vers elle et lui tendit la main, Dija hésita un instant avant de la prendre. Leur échange a duré plus que d’habitude. Dija a toujours été intimidée par Chérif sans savoir le pourquoi.

  • Salut Dija, tu vas bien ? On dirait que ‘’as le diable à tes trousses ? Tu vas où, aussi pressée ? Ma tante et mon oncle se portent bien ?

  • Tchiée ! Une question à la fois murmura t-elle! Je vais voir un ami à Lambandji et après je rentre.

  • Chérif perplexe : Je vois ! Viens je t’y emmène !

  • Non, merci je vais me débrouiller en taxi.

  • Sois prudente alors !

  • T’inquiète!

  • Passe le salam à tout le monde. On se voit le week-end prochain à la réunion familiale.

 

« De quel réunion parle t-il encore ? Pourquoi je suis toujours la dernière à être mise au courant des choses dans cette famille ? ». Inch’Allah, bonne soirée Koto Chérif.

****

La ponctualité était l’un des caractères de Khadija. Elle détestait arriver à retard à un rendez-vous. Il lui restait encore 30min pour faire le trajet.

Dans le taxi, Khadija se tournait les pouces, appréhendant la réaction d’Ousmane. Elle le sait de nature impulsive. L’envie de rebrousser chemin et de tout lui dire au phone la traversa l’esprit, mais elle trouvait cela lâche.

C’est une Khadija angoissée qui arriva sur le lieu. Face à la mer, en attendant Ousmane, elle se demandait comment aborder le sujet ? Elle était dans son monologue quand on lui tapota l’épaule ; ce qui la fit sursauter.

  • Ousté, t’es là depuis combien de temps?

  • Assez pour avoir entendu quelques bribes de ton monologue. Je n’ai pas saisi certaines choses, mais tu parlais de moi, de ma réaction et de mariage. Alors, tu me dis de quoi il s’agit ? Tu as finalement parlé avec tes parents et je parie qu’ils sont contre notre union.

  • Ne te méprends pas. Mes parents ne sont pas au courant pour nous et je pense que ça ne risque pas d’arriver.

  • De quoi tu parles ? Qu’est-ce qui te contrarie alors ?

  • Tu te souviens de mon cousin Chérif qui vivait en Belgique, il est de retour depuis des mois et j’ai appris hier soir que je suis sa promise pour un mariage.

  •  Mensonges, mensonges…….tu veux me faire gober que t’étais pas au courant. Je comprends maintenant pourquoi à chaque fois que tu parles de lui tes yeux noirs scintillent comme des étoiles. En fait, tu m’as fait passer pour un idiot tout ce temps. Je te croyais si différente de toutes ses autres filles. Mais il faut croire que je me suis fourvoyé. A quoi je m’attendais ? Nous ne venons pas d’un même village et mieux que ça ma famille n’est pas aussi nantie que la tienne.

Dija jusque-là l’observait sans piper mot. Au plus tréfonds d’elle, Khadija avait mal, mais elle ne voulait pas laisser transparaître sa douleur devant Ousmane. La réaction d’Ousmane l’a prise au dépourvu. Elle ne le croyait pas capable de lui jeter toutes ses choses à la face, même si elle ne lui en voulait pour autant.

  • Tu me permets de t’expliquer ou tu vas continuer à me traiter de tout et m’accuser pour une chose que j’ignorais depuis tout ce temps.
  •  Dija, tu sais quoi tu peux te mentir autant de fois que ça te plait, mais de tes explications je m’en moque éperdument. Je regrette juste le jour où je t’ai rencontrée et d’avoir perdu mon temps à espérer fonder une famille avec une personne aussi égoïste que toi.

Sur ce, Ousmane partit sans un regard pour Khadija et sans lui accorder le bénéfice du doute. Leur amour avait pris fin sur ces entrefaites.

Regard terne et vide, Khadija n’en revenait pas, comment a-t-il pu avoir le toupet de la traiter d’égoïste ? Un filet de sueur froide lui coula entre les omoplates. Elle était en colère. C’est peu dire. Elle bouillait de rage. Une rage qui se transforma en un rire sarcastique. Tout était devenu hilarant à ses yeux. De loin, plusieurs paires d’yeux l’observaient et elle les entendait gouailler. Mais elle n’en avait que faire du regard des autres. Sa vie était un désastre depuis un peu moins de 24h. Tout ça à cause d’un fichu mariage qu’elle n’est pas prête à accepter.

C’est la voix du muezzin pour l’appel à la prière de Maghreb, et les gargouillis de son estomac qui rappelèrent à Khadija qu’il était tant de rentrer à la maison.


Destin sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ? Chapitre II : Le questionnement

La nuit recouvrait maintenant la ville de Conakry, un vent frais soufflait dehors. Du balcon de leur immeuble, silencieuse, Khadija, levait les yeux au ciel. Seules quelques étoiles luisaient encore. Inconsciemment, Khadija les observait en espérant y voir le signe qu’elle n’était pas née sous la mauvaise.

Plus aucune âme vivante n’errait lorsque Dija décida de rejoindre sa chambre, elle savait que Morphée ne viendrait pas à elle de sitôt ; alors elle se mit à farfouiller dans ses affaires. Elle ne cherchait rien de particulier, mais c’était sa façon d’occuper son esprit. C’est quelques heures après que des interrogations envahirent son esprit. “Pourquoi il a fallu que ça soit moi?” “Pourquoi les parents ne nous laissent-ils pas faire nos choix?” “ Est-ce une tradition familiale ? Est-ce une prescription religieuse ?” Khadija savait que l’endogamie est une pratique courante dans beaucoup de familles peules, mais de là à décider du sort d’une personne avant même sa naissance, elle en était stupéfaite. C’est sur ses interrogations que l’intrépide Khadija finit par trouver le sommeil.

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Khadija passa une des nuits les plus tourmentées de son existence. Ce qui la tourmentait cependant, ce n’était pas tant le fait que son destin soit scellé avant sa naissance. Mais comment annoncer cette nouvelle à Ousmane. Ousmane et Khadija se sont rencontrés pour la 1ère fois à l’occasion d’une conférence à l’UGANC. Tout de suite, le courant passa entre les deux. Ils décidèrent de garder le contact. Khadija était fascinée par le courage et l’intelligence d’Ousmane. Sa culture générale et son sens de la loyauté, l’impressionnaient. Au début, ce n’était juste qu’une simple amitié. Au fur et à mesure que leur relation se raffermissait, une sorte de complicité s’installait entre eux. Ils apprirent à s’apprécier et à se respecter mutuellement. Il la subjuguait au gré des échanges. Quelques mois après, ils commencèrent à discuter de mariage, mais Khadija n’était pas prête à se passer la corde au cou. Pas avant d’avoir trouvé un job, se disait-elle intérieurement. Elle demanda à Ousmane de lui accorder un peu de temps pour bien réfléchir et trouver le moment opportun pour en parler avec ses parents. Manifestement, ce moment n’arrivera jamais pour Khadija et Ousmane. Khadija décida d’envoyer un SMS laconique à Ousmane. “ Salut Ousté, j’aimerais qu’on se rencontre ce soir à 17 h à la plage Lambangni, il faut que je te parle. C’est urgent!”

Dehors, le soleil entamait son passage au zénith, Khadija, assise encore sur son lit ressassait sa discussion de la veille avec ses parents. Elle confina tout cela dans son journal intime. Sa mère sur le pas de la porte de la chambre observait Khadija depuis plusieurs minutes, les cernes et les yeux bouffis de sa fille lui brisaient le cœur. Mais il fallait qu’elle ait cette discussion. Elle savait que sa fille n’était peut-être pas prête pour aborder ce sujet, mais mère Khadija ne comptait plus repousser les délais. A quoi bon d’attendre. Autant en finir maintenant. Khadija sentit la présence de sa mère et l’invita à rentrer. C’est Khadija qui brisa le silence en premier.

  • Maman, dis-moi que tu n’es pas d’accord avec cette décision de papa ? C’est mal ce qu’il a fait et tu le sais.

  • Ma fille, cela n’avait rien à voir avec le bien ou le mal, avec le fait d’aimer ou de ne pas aimer. Ton papa a fait ça pour raffermir les liens familiaux. Parfois, la seule chose qui compte, c’est de faire ce qu’on a à faire. Et il devait le faire pour ressouder les liens de famille. Crois-moi, j’ai passé des années à essayer de faire entendre raison à ton père, mais j’ai fini par comprendre et accepter. Tu dois aussi accepter ce mariage pour ton bien et celui de la cohésion de notre famille. Après tout, ton père s’est beaucoup investi dans ton éducation. Contrairement à de nombreux parents, il a attendu que tu sois diplômée pour décider enfin de fixer la date du mariage. En plus, Chérif n’est pas si mal que ça, il a une bonne éducation et travaille. Qu’est-ce qu’on peut vouloir de plus pour son enfant.

  • De toute évidence, il a fait tout ça pour soulager sa conscience puisqu’il a décidé de mon sort avant même que je ne voie le jour. Je me rends compte qu’il ne m’a jamais aimé.

Ces derniers propos de Khadija touchèrent particulièrement sa mère. Elle en fut verte de colère. A tel point que ne se maîtrisant, elle administra une paire de gifle à sa fille, avant de lui crier dessus

  • Ne t’avise plus jamais de parler comme ça, encore moins hausser le ton devant moi. Ce mariage aura lieu que tu le veuilles ou non. Tu as intérêt à réfléchir sagement.

Mère Khadija sortit de la chambre en claquant la porte, si elle trouvait légitime la colère de sa fille, elle ne tolérait pas sa grossièreté. Outrée par les propos de sa fille, mère Khadija se demanda même si elle n’avait pas failli à l’éducation de cette dernière ?


Destin Sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?  Chapitre I : La fameuse nouvelle

Ce soir-là du 15 février 2008, couchée sur le dos, Khadija, voguait sur un petit nuage enivrée par un torrent de bonheur. Après l’obtention de son diplôme en Economie Finance, la jeune fille avait trimé pendant des mois à la recherche de son 1er stage. Et elle avait fini par décrocher le précieux sésame ; C’était la veille. Ce qui expliquait sa joie. Elle voulait prolonger un peu sa sieste, mais elle savait que cela risquait de lui coûter cher. Elle avait remarqué que sa mère était à cran ces derniers jours et ne voulait surtout pas subir de nouveau les remontrances de cette dernière. Elle sortit nonchalamment du lit et décida de ranger le désordre qui s’y trouvait.

Dehors, le soleil achevait sa course, mais une chaleur suffocante demeurait encore. Khadija guettait le moment propice pour annoncer la bonne nouvelle à ses parents. Son papa serait encore plus fier d’elle, se disait-elle !

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Khadija, était très proche de ses parents, surtout de son père. Ce qui lui valait la jalousie de ses frères. Elle était la préférée de papa. Ils étaient complices et confidents. Elle n’avait aucune gêne à lui parler de ses problèmes, à discuter avec lui de politique, à lire ensemble des livres. Son père était un cadre dans un ministère de la place. Malgré ses nombreuses missions liées à sa fonction, il a consacré toute son énergie et son temps à l’éducation de sa fille : la prunelle de ses yeux. Il lui avait donné une éducation masculine sans pour autant lui ôter sa féminité. Elle avait le droit de s’exprimer haut et fort, ses opinions, bien que souvent divergentes de celles de ses parents ; avaient toujours compté aux yeux de son daron.

Sa mère quant à elle, était une pure autodidacte, femme au foyer. Elle, non plus, n’avait ménagé aucun effort pour l’éducation de Khadija. Contrairement à sa relation avec son père, Khadija n’était pas aussi proche de sa mère, elle trouvait cette dernière plus autoritaire que son père.

Le brusque changement d’attitude de ses parents commençait sérieusement à l’inquiéter. « Mes frères ont-ils des problèmes à l’extérieur ? Mais si c’était le cas, papa m’aurait mis dans la confidence. Diantre, qu’est-ce qui a bien pu se passer ? Que me cache-t-on ? » Elle était encore perdue dans ses questionnements lorsqu’elle entendit le bruit des klaxons du véhicule de son papa. Elle accourut prendre son sac ; ce qui n’était d’ailleurs pas dans ses habitudes. Elle voulait jauger son père pour pouvoir engager la conversation. Mais ce dernier n’était pas disposé à l’écouter, du moins pas avant de s’être débarbouillé.

  • Papa, je veux te parler. J’ai une bonne nouvelle et je suis sûre qu’elle te rendra fier de moi, essaya-t-elle.

  • Pas maintenant Dija, on aura une discussion sérieuse avec ta mère après le dîner, lui répondit sèchement son père.

Khadija se ravisa et décida de prendre son mal en patience.

Ils étaient maintenant tous assis au salon. Un silence assourdissant régnait dans la pièce. Silence que le père de Khadija décida de briser.

  • Dija, tu sais que j’ai toujours fait passer ton bonheur avant celui de tes frères et que je suis prêt à tout pour te voir heureuse…

  • J’en suis consciente père, mais pourquoi tu me dis tout ça et surtout aujourd’hui ? T’es malade ou tu as des problèmes au boulot ?

  • Rien de tout cela ma fille…mais j’ai fait une promesse à ta tante Ramatoulaye, bien avant ta naissance et que je compte bien la tenir. Ma fille, ma parole est précieuse et la préservation des liens familiaux est plus importante que n’importe quoi au monde.

La seule évocation de ce nom fit tressaillir Khadija, mais elle ne laissa pas apparaître son trouble. En effet, sa tante avait une grande emprise sur son père et ce dernier avait un respect religieux pour elle. Sa tante était responsable de son excision à 6 ans et cela, elle n’était pas prête à l’oublier. Khadija, savait d’ores et déjà que la suite de la conversation n’allait pas lui plaire, mais elle n’avait pas d’autre choix que d’écouter la suite.

  • Quelle est cette promesse papa ?

  • Ta maman était encore enceinte de toi quand j’ai promis à ma sœur que si t’étais une fille, tu serais l’épouse de son fils Chérif. Et aujourd’hui que t’as 24 ans et que t’as désormais ton diplôme, Chérif étant de retour, nous avons décidé de sceller votre union dans quelques mois.

  • ………….

Il lui a fallu de longues minutes pour assimiler la nouvelle et réaliser ce dont il s’agissait. Khadija avait les mains moites, elle était abasourdie, pouvant à peine articuler…Non, son père ne lui avait pas fait ça, il tenait trop à elle pour sacrifier son destin.

  • Euh…Papa, c’est insensé tout ça. Tu sais bien que je considère Chérif comme un frère, je ne peux pas me marier avec lui.

  • Je vois que je t’ai trop gâtée pour que tu te permettes de discuter mes ordres ou me dire ce qui est sensé et ce qui ne l’est pas. Tu vas épouser Chérif et c’est tout ! Je ne reviendrai pas sur ma parole et perdre ma face.

  • Papa s’il te plaît, ne me fais pas ça, je ne l’aime pas

  • Khadija, à ton âge qu’est-ce que tu sais de l’amour ? Cette discussion est terminée, jeune fille !

S’adressant à sa femme, le papa de Khadija décrète ensuite :

  • Tu as intérêt à faire accepter cette proposition à ta fille…sinon, tu sais ce qui se passera.

La mère de Khadija était prise entre deux feux : d’un côté, sa fille qui ne voulait pas entendre parler de ce mariage et de l’autre, un époux qui ne lui laissait vraiment pas le choix. Elle appréhendait ce jour et avait usé de tous les moyens pour amadouer son époux, mais elle savait aussi à quel point ce dernier tenait à sa sœur et à sa parole. Il ne lui restait plus qu’une chose, convaincre sa fille d’accepter.

Pour la petite histoire, Tante Ramatoulaye est la sœur aînée de 7 ans du père de Khadija. Ils sont les deux enfants que leur mère avait mis au monde. Et puisque la mère était tout le temps souffrante, tante Ramatoulaye a été contrainte de grandir avant l’âge en apprenant à faire le ménage, les travaux champêtres et à s’occuper de son frère qui était encore fragile. Quelques années plu-tard, sur son lit de mort, la grand-mère de Khadija avait enjoint au père de cette dernière de toujours prendre soin de sa sœur Ramatoulaye et de ne jamais la désobéir.

Il faut dire que jusque-là, le père de Khadija avait su tenir la promesse faite à sa mère. Il a toujours fait passer les intérêts de sa sœur avant ceux des autres membres de sa famille. Et il n’entendait déroger à la règle. Y compris vis-à-vis de sa fille.


Destin sacrifié, et si on m’avait laissé le choix ?

Nous sommes au mois de juillet, mon vol vient d’atterrir à l’aéroport de Gbessia. Le ciel de Conakry est sombre. Une forte tempête se prépare. Je me hâte de récupérer mes bagages et de sortir retrouver les miens. A peine dehors, j’aperçus de loin maman. Elle me faisait dos et tenait de la main mon neveu. Ils étaient venus m’accueillir. Je me précipitai de les serrer très fort dans mes bras. Qu’est-ce qu’elle m’avait manquée cette chaleur maternelle ? Maintenant que je suis là, je compte bien en profiter me dis-je avant de monter à bord du véhicule. La voiture déboule en trombe, direction la maison. Cela fait 5 ans que j’ai quitté le pays de mes ancêtres avec mes 2 enfants pour fuir mes démons et toutes ces choses qui m’assujettissaient, m’empêchaient de m’épanouir, de voir clair dans mon avenir.

Assise derrière, je posais ma tête sur la vitre et contemplais la ville. Je repensais à ma vie d’il y a plus de 10 ans, à toute la souffrance endurée après le divorce de mon 1er mariage et le décès de mon deuxième mari. Tous les deux m’en n’ont fait voir de toutes les couleurs. J’ai porté plusieurs masques durant ces années : épouse forte, résiliente, courageuse, soumise et presque parfaite. Aussi bizarre que cela puisse paraître, je n’ai plus de ressentiments envers eux, je n’ai aucune envie de prendre ma revanche. Non, j’ai tourné cette page sombre. C’est déjà ça ! Aujourd’hui, je ne pleure plus, je désapprends la colère. Ce n’est toujours pas facile de pardonner après tout ce qu’ils m’ont fait subir. Dorénavant, mes enfants sont ma seule consolation.

Tant de choses ont changé depuis, je ne suis plus cette personne qui avait besoin des autres pour s’en sortir ; je me suis construite une carapace beaucoup plus solide, je suis en mesure de dire que plus rien ne me brise. Décider de revenir affronter mes démons est, je crois du moins, de loin la plus courageuse décision que j’ai prise de toute mon existence.

Nous venons d’arriver à la maison. C’est maman qui m’a tirée de mes pensées. Elle m’avait observée tout ce temps sans rien dire, je parie qu’elle se demande à quoi je pensais ?

Je lâche un soupir en me demandant comment je vais pouvoir les supporter ? Est-ce que je vais pouvoir me réadapter et faire fi du regard des autres ? Il y a quelques minutes encore, j’étais persuadée de pouvoir y arriver, mais là maintenant je n’en suis pas si sûr !

Je m’appelle Khadija Diallo, benjamine et unique fille d’une fratrie de 4 enfants, mère célibataire (est-ce le bon terme ?) de 2 enfants. Ma vie n’a jamais été facile depuis mes 24 ans. C’est en effet l’âge qui était le mien quand mon père a décidé sans mon consentement de me donner en mariage à un cousin côté paternel. J’étais, semble-t-il, sa promise depuis ma naissance. Sauf que cela, je l’ignorais jusqu’à cette fameuse réunion. En tout cas, depuis, ma vie n’a pas été de tout repos. Entre brimades, coups d’un mari véreux, imbu de sa personne, colérique et une famille hypocrite, j’ai tout subi. Je voyais mon monde s’écrouler chaque matin jusqu’au jour où j’ai enfin décidé de prendre les choses en main. L’histoire de ma vie n’est pas du tout reluisante et ce n’est pas non plus facile de me jeter en pâture en vous la racontant.


Le système sanitaire guinéen, au-delà de l’imaginable

Après des mois d’hibernation de mon blog due à mes occupations et au syndrome de la page blanche, je me demandais quand est-ce que j’allais reprendre ma plume. Mais la vidéo de dame Djenabou Diallo, victime de notre système sanitaire défaillant et de l’inhumanité de certains médecins, m’a sortie de ma léthargie.

Dans cette vidéo, la victime expliquait les conditions exécrables et inhumaines dans lesquelles des médecins l’ont forcée à accoucher, elle était enceinte de jumeaux qui n’ont malheureusement pas survécu. Cette vidéo m’a mise dans tous mes états, j’étais choquée, partagée entre l’incompréhension et la révolte.

Je me demande encore comment la victime a pu tenir pendant les mois qui ont suivis son accouchement. Elle a décidée de réagir et d’intenter un procès au gynécologue qui l’a forcée à accoucher dans des conditions inacceptables. Je suis subjuguée par son courage et sa détermination à aller jusqu’au bout, elle le fait avant tout pour éviter que cela n’arrive à d’autres personnes. Même si ma jeune expérience de citoyen guinéen me fait penser qu’il est vain de croire que ce genre de pratique cessera dans un pays comme la Guinée, où la justice ne joue pas son rôle.

Le médecin mis en cause dans cette vidéo est, semblerait-il, l’un des meilleurs gynécologues du pays, mais aussi le plus grossier qui soit…

Hôpitaux, « mouroirs » insalubres :

Il y a deux ans, dans le billet intitulé La face exécrable du système sanitaire guinéen, je décrivais la face hideuse de notre système sanitaire ; depuis rien ne s’est amélioré, aucune initiative n’est prise par les décideurs pour changer la donne. En Guinée, en 2018, les hôpitaux sont des « mouroirs » : femmes, enfants et vieux meurent dans des conditions inacceptables. Les structures sanitaires manquent cruellement d’équipements adéquats, ce qui explique les erreurs de diagnostics trop nombreuses que commettent nos médecins. Il est fréquent de voir un même médecin établir deux diagnostics différents pour le même patient !

Qu’il s’agisse des hôpitaux publics ou des cliniques privées, le résultat est le même. Les salles dans lesquelles les malades sont admis sont décrépites et exiguës. L’Institut de nutrition et de santé de l’enfant (INSE), le seul dans la capitale guinéenne à accueillir les prématurés, se trouve dans une situation alarmante. Les rares couveuses qu’on peut y trouver sont vétustes, chats, moustiques et autres bestioles servent de compagnons aux nouveau-nés. De plus, dans les salles, la chaleur est étouffante.

On se souvient que la maladie du virus Ebola avait mis à rude épreuve notre système sanitaire. Les fonds récoltés pour lutter contre Ebola auraient pu (dû) servir à la réhabilitation et à l’équipement des hôpitaux ainsi qu’à la formation du personnel… mais rien n’a changé. Comment ont été dépensés ces fonds, à quoi ont ils servis ? A ce jour, personne ne saurait dire comment ils ont été utilisés.

Autre exemple : le CHU de Donka qui est en pleine rénovation. Il est à craindre que la rénovation se limite juste au bâtiment… Est-il prévu notamment d’y adjoindre des équipements adéquats répondant aux normes ? Des formations sont-elles également envisagées pour le personnel ? Rien n’est moins sûr …

Une des faces sombres du système sanitaire guinéen, c’est l’insalubrité de ses structures. Les pièces sont vieilles et sales, les toilettes dégagent une odeur nauséabonde, on trouve des seringues usagées, des paires de gangs usés… jetés çà et là. C’est consternant.

Médecins insolents :

Aujourd’hui, certains médecins effraient plus que les maladies et les pathologies. Votre premier lien avec eux, c’est ce regard plein de dédain qu’ils vous lancent alors qu’ils sont censés vous réconforter (ou du moins faire semblant). Leur inhumanité est juste effrayante.

En général, un patient a besoin de réconfort de la part de son médecin. Mais la plupart d’entre eux ne semblent pas le savoir ou du moins refusent d’appliquer les bases d’une bonne relation entre les patients et eux. Ils se fichent complètement de l’état d’esprit de leur patient, y compris lorsqu’il s’agit d’une femme qui accouche. Entre haussement de ton et invectives, tout est réuni pour vous saper le moral. Comment expliquer cela ? C’est vraiment à se demander s’ils n’ont pas une pierre à la place du cœur.

Je ne me suis pas encore retrouvée dans un lit pour accoucher, mais pour avoir assisté à deux accouchements, je sais que l’accouchement est le moment le plus important et le plus douloureux de la vie d’une femme. C’est dire aussi que c’est le moment où elle a le plus besoin de soutien, et de tendresse. Surtout, ce n’est donc pas le moment qu’on lui sape le moral ou qu’on l’invective.

Entre fatalisme et résignation :

Je ne connais pas de peuple aussi résigné et fataliste que celui de la Guinée. Pour bon nombre de mes concitoyens, tout ce qui arrive découle de la volonté de Dieu, quand bien même ils sont responsables de la situation. Il est vrai que nul ne peut modifier le dessein de Dieu, mais il y a  tout de même des choses que lon peut éviter. Il suffit juste d’avoir de la volonté et de la bonne foi, ce qui manque encore aux Guinéens.

Je disais plus haut dans ce billet que j’étais impressionnée par la détermination de la dame qui a accouché de jumeaux malheureusement morts. Elle a tenu à rendre justice là où certains se seraient résignés et auraient décidé de tout remettre entre les mains de Dieu. Sa démarche est compréhensible. Elle veut éviter qu’un tel drame se reproduise, elle poursuit donc en ce moment le médecin en justice. Un médecin qui ne respecte pas ses patients et qui fait une grave faute doit être signalé et sanctionné ! Sinon rien ne changera ! Certes, cela ne rendra pas ses enfants à cette femme, et cela  n’effacera pas tout ce qu’elle a subi. Mais ce sera une forme de réparation face à l’injustice qu’elle a vécue et cela enverra un message fort pour servir d’exemple aux autres.

Quand le Guinéen sortira de sa résignation pour être plus exigeant envers ceux qui dirigent, les gens cesseront de mourir pour rien. Mais en attendant, continuons avec notre phrase fétiche : « A Dieu de rendre justice ».

 


Mutilations génitales féminines, au-delà de l’horreur…

Les mutilations génitales féminines (MGF) consistent à lacérer les organes sexuels d’une femme ou à procéder à leur ablation. Cette pratique existe depuis des lustres et est considérée comme un rituel qui vise à préparer la fille à une vie de femme.

Crédit Photo: kassoum_kone CC

 

Elle est pratiquée dans de nombreux pays au monde. En Guinée, les MGF sont pratiquées par toutes les communautés. Selon une classification de l’OMS, on distingue quatre types de mutilations génitales féminines :

  1. la clitoridectomie : ablation partielle ou totale du clitoris (petite partie sensible et érectile des organes génitaux féminins) ;
  2. l’excision : ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres (replis internes de la vulve) ;

  3. l’infibulation : rétrécissement de l’orifice vaginal par recouvrement, réalisé en sectionnant et en repositionnant les petites lèvres parfois par suture ;

  4. les formes inclassables : toutes les autres interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non médicales.

    Il y en a toutefois une forme que j’ai découverte récemment qui, peut-être, est de cette dernière catégorie. En tout cas, elle est particulièrement abjecte à mes yeux.

    Le « notougol » (c’est le terme utilisé en pular pour la désigner) consiste, après l’excision, à laisser la plaie se cicatriser sans la nettoyer afin de permettre une coagulation du sang ou alors à utiliser des substances ou des herbes corrosives pour boucher l’entrée, en ne laissant qu’un petit orifice pour les urines et les menstrues. Ces deux pratiques sont censées empêcher la fille de perdre sa virginité et tempérer ses pulsions sexuelles jusqu’au mariage.

    Personnellement, j’avoue que jusqu’au moment où j’ai discuté avec une amie l’ayant subie, j’ignorais de quoi il s’agissait.

    Mon amie a subi cette avanie à l’enfance et cela a failli lui coûter la vie. Du fait de cette pratique, elle s’était trouvée dans une situation où pour avoir des relations sexuelles avec son époux, elle avait le choix entre subir une intervention chirurgicale ou se faire inciser par une exciseuse. Entre deux maux, elle a vite fait le choix du premier, car vivant encore avec le traumatisme du « notougol ». C’est ainsi qu’elle s’est retrouvée au bloc le jour de sa nuit de noces. Autre conséquence liée à cette pratique d’un autre âge, elle vit désormais avec l’appréhension chevillée au corps. Parce que le diagnostic de son gynécologue est sans appel : elle ne pourra « peut-être » jamais accoucher par voie basse. Et dire que c’est là un moindre mal ! En effet, avec l’incision, l’autre choix qui était à sa disposition, elle courait le risque d’y laisser la vie ou tout au moins de s’en tirer avec des effets irréversibles sur sa santé sexuelle ou psychique.

    Je suis encore choquée et horripilée, même si je crois que ces mots sont faibles pour décrire l’état dans lequel je me trouve. Comme si la douleur qu’inflige l’excision à elle seule ne suffisait pas, pourquoi faut-il en rajouter ? Comment peut-on être aussi cruel et insensible ?

    Malheureusement comme l’a dit mon amie, cette flétrissure ne pourra jamais s’effacer. Le mal est tellement profond qu’il faut que chacun agisse de son côté pour emmener les parents à comprendre le caractère nuisible et avilissant des MGF.


La circulation routière en Guinée, une géhenne pour les citoyens

La Guinée est un pays où les infrastructures routières sont quasi inexistantes et cela ne semble pas préoccuper les différents gouvernements qui se sont succédés à la tête du pays. En plus de tout ce que les citoyens de ce pays traversent, la circulation routière est un calvaire quotidien.

Entre embouteillages et insolence des usagers
À Conakry, toute l’administration est concentrée au centre-ville de Kaloum. Ce qui pose un réel problème de déplacement pour les habitants de la haute banlieue, obligés d’emprunter les mêmes voies, littéralement au même moment.
Pour trouver un taxi, espérer rejoindre son boulot à temps et ne pas se retrouver dans les interminables embouteillages, il faut être matinal et cela implique de risques énormes liés à votre sécurité.
Pour des petites distances, vous êtes obligés de passer deux heures ou plus coincé dans les bouchons avec une chaleur étouffante. Dans la circulation, tout le monde ou presque est nerveux, chacun en veut à l’autre, pensant que ce dernier est responsable de la situation. Aussi, dans la circulation à Conakry, les invectives fusent de partout.
L’autre solution que quelques-uns choisissent, c’est celle des moto-taxi. Pour des situations urgentes, je préfère les emprunter même si parfois c’est à mes risques et périls. Tout récemment j’ai échappé à deux accidents alors que j’étais sur une moto et voulais arriver en ville tôt. Les pilotes de ces motos sont très insolents dans la circulation et ont tendance à se penser au-dessus du code de route.

En 2016, l’association des blogueurs de Guinée (Ablogui) a lancé une campagne numérique sur les réseaux sociaux pour dénoncer le calvaire que vivent les citoyens et ainsi pousser les autorités à se pencher sur le problème. Malgré le succès de la campagne auprès des citoyens, la situation des routes guinéennes n’a guère évolué. Tout au contraire, on a l’impression que le président se plaît à narguer les citoyens en se déplaçant avec son hélico même dans la capitale.

Nos routes, des tombeaux à ciel ouvert
La plupart de nos routes, du moins celles que l’on désigne ainsi, affichent un visage hideux. Nids de poule et crevasses empêchant la circulation.
Depuis un certain temps, pas une semaine ne passe sans qu’un cas d’accident routier entraînant pertes en vies humaines et dégâts matériels ne soit signalé. Nos routes sont devenues de véritables abattoirs.
Cependant, pour se faire une idée de la défectuosité de nos routes, il suffit d’emprunter celles qui relient la capitale au reste du pays. En mars dernier, j’étais à Labé, une ville située au nord du pays, à 400km de Conakry. Une distance que nous avons été obligés de parcourir en 12 heures de route, avec des secousses qui vous flanquent des maux de dos et des céphalées. Aujourd’hui, la peur me hante à chaque fois que je dois emprunter ces routes pour un long voyage. Cette peur des accidents et des coupeurs de routes qui, eux aussi, font la loi sur de nombreux axes routiers.
Combien de personnes meurent chaque jour sur nos routes ? Rien de concret n’est fait pour endiguer le phénomène. Impossible de décrire la peine de ses nombreuses familles inconsolables.

Kagbelen, un quartier de la commune de Dubréka. Crédit photo : Adama Hawa

Quelles sont les causes de ces accidents ?
Même s’il est très difficile de déterminer avec exactitude les causes réelles de ces accidents, force est de reconnaître que la responsabilité est collégiale. Les comportements de nature à mettre des vies en danger sont légion sur nos routes : un moto-taxi qui essaie de se faufiler entre deux véhicules, un usager qui force le passage et un autre qui manipule son téléphone. Bien entendu, il y a aussi le mauvais état de nos routes, le non respect du code de la route par certains chauffeurs et leur indiscipline notoire. Sans oublier des agents de la police routière pour certains corrompus jusqu’à la moelle des os, qui arnaquent les pauvres citoyens.

Silence coupable des autorités
Les autorités guinéennes, en plus d’avoir failli à leurs devoirs de construction et de réhabilitation de nos infrastructures routières, ne fournissent aucun effort pour l’entretien de celles existantes afin d’éviter toutes ces pertes en vies humaines. En plus des taxes que payent les usagers de la route, l’Etat prélève sur chaque litre de carburant 300 GNF, soit environ 3 centimes de dollars. Mais l’on se demande où va cet argent et surtout à quoi sert le Fonds d’entretien routier (FER) ?

La prudence sur nos routes devait être la priorité de chaque conducteur en attendant que l’Etat ne veuille trouver de solution pour ces routes devenues des ornières. Chaque conducteur doit prendre conscience que la vie de milliers de personnes dépend de sa bonne ou mauvaise conduite.


Top 7 des conseils prodigués à une mariée

Le mariage étant une union sacrée, chez nos communautés, autant on accorde de l’importance aux préparatifs autant on en accorde aux conseils que l’on prodigue à la mariée.

Dans certaines familles, une semaine avant le mariage, une myriade de conseils, astuces et obligations sont transmis à la jeune mariée par des femmes devenues pour la circonstance des expertes en relations conjugales.

Avant et jusqu’à tout récemment d’ailleurs, en 2013 pour être plus précise, je détestais participer aux cérémonies (mariages, baptêmes etc…) parce que je les trouvais ennuyeuses.

À chaque fois qu’on m’informait de la tenue prochaine d’une cérémonie, je changeais d’humeur et devenais hystérique. Le plus souvent, je trouvais un alibi, allant jusqu’à inventer une maladie pour ne pas y assister.

Je ne saurai dire d’où m’est venu le déclic qui a fait que de nos jours, je suis enthousiasmée à l’idée de participer aux mariages et j’avoue ne pas le regretter puisqu’à chaque cérémonie, je ressors avec des enseignements.

Pour ce billet, j’ai fait une curation des conseils qui m’ont semblé être les plus pertinents. Cette liste n’est pas exhaustive et les conseils varient selon les familles.

1. Il faut toujours mettre Dieu au centre de votre couple, emmène ton homme prier avec toi au lever et au coucher du soleil. La prière est primordiale ;
2. Tu ne formeras qu’un avec ton époux et tu dois être un soutien indéfectible pour lui. Dorénavant, ton paradis se trouve sous ses pieds. Tu dois veiller à son bien-être, tu dois être comme une seconde mère pour lui ;
3. Le mariage est un long chemin parsemé d’épines, le bonheur d’une femme dans un foyer passe aussi par ces sentiers épineux et seules la patience et l’endurance permettent d’atteindre le bout du tunnel ;
4. Tu te dois de l’écouter attentivement quand il parle. Tu ne dois jamais élever la voix sur lui-même si tu es en colère, fais lui confiance sans être aveuglée ;
5. Tu ne dois jamais parler de vos problèmes de couple à l’extérieur, tu ne dois pas l’exposer aux yeux du monde ;
6. L’homme est un enfant qu’il faut savoir dorloter chaque jour. Le secret c’est le ventre et le bas ventre. Veille à ce qu’il mange très bien et qu’il soit sexuellement satisfait, ne te refuse jamais à lui, même quand un différend vous oppose ;
7. Fais de ton foyer un havre de paix d’harmonie et d’amour.

D’après mon constat c’est l’une des périodes les plus stressantes au cours des préparatifs d’un mariage. Bon, cela dit, il faudra m’épargner ce traumatisme. Je connais déjà tous les conseils.


Top 7 des conseils prodigués à une mariée

Le mariage étant une union sacrée, chez nos communautés autant on accorde de l’importance aux préparatifs autant on en accorde aux conseils que l’on prodigue à la mariée.

Dans certaines familles, une semaine avant le mariage, une myriade de conseils, astuces et obligations sont transmis à la jeune mariée par des femmes devenues pour la circonstance des expertes en relations conjugales.

Avant et jusqu’à tout récemment d’ailleurs, en 2013 pour être plus précise, je détestais participer aux cérémonies (mariages, baptêmes etc…) parce que je les trouvais ennuyantes.
À chaque fois qu’on m’informait de la tenue prochaine d’une cérémonie, je changeai d’humeur et devenais hystérique. Le plus souvent, je trouvais un alibi allant jusqu’à inventer une maladie pour ne pas y assister.
Je ne saurai dire d’où m’est venu le déclic qui a fait que de nos jours, je suis enthousiasmée à l’idée de participer aux mariages et j’avoue ne pas le regretter puisqu’à chaque cérémonie, je ressors avec des enseignements.

Pour ce billet, j’ai fait une curation des conseils qui m’ont semblé être les plus pertinents. Cette liste n’est pas exhaustive et ces conseils varient selon les familles.

1. Il faut toujours mettre Dieu au centre de votre couple, emmène ton homme à prier avec toi au lever et au coucher du soleil. La prière est primordiale;

2. Tu ne formeras qu’un avec ton époux et tu dois être un soutien indéfectible pour lui. Dorénavant, ton paradis se trouve sous ses pieds. Tu dois veiller à son bien-être, tu dois être comme une seconde mère pour lui ;

3. Le mariage est un long chemin parsemé d’épines, le bonheur d’une femme dans un foyer passe aussi par ces sentiers épineux et seules la patience et l’endurance permettent d’atteindre le bout du tunnel ;

4. Tu te dois de l’écouter attentivement quand il parle. Tu ne dois jamais élever la voix sur lui-même si tu es en colère, Fais lui confiance sans être aveuglée ;

5. Tu ne dois jamais parler de vos problèmes de couple à l’extérieur, Tu ne dois pas l’exposer aux yeux du monde ;

6. L’homme est un enfant qu’il faut savoir dorloter chaque jour. Le secret c’est le ventre et le bas ventre. Veille à ce qu’il mange très bien et qu’il soit sexuellement satisfait, Ne te refuse jamais à lui, même quand un différend vous oppose ;

7. Fais de ton foyer un havre de paix d’harmonie et d’amour.

D’après mon constat c’est l’une des périodes les plus stressantes au cours des préparatifs d’un mariage. Bon, cela dit, il faudra m’épargner ce traumatisme. Je connais déjà tous les conseils.


Guinée: Mariée de force à 13 ans, ma vie a basculé…

Le mariage marque notre engagement à vivre à deux avec l’être aimé. C’est un projet de vie qui ne devait concerner normalement que les deux personnes censées s’unir. De nos jours, les parents décident souvent à notre place sans se soucier de l’effet que cela aura sur nos vies.
Un mariage fondé sur la base de l’amour peut supporter n’importe quelle pression extérieure et survivre aux aléas de la vie, mais celui basé sur le matériel et le forcing se brise infailliblement.

Toutes petites déjà, les filles sont éduquées pour devenir des épouses et des mères. La réussite de la femme est souvent jugée à l’aune de celles de son mariage et de ses enfants.

Qu’est-ce qui poussent les parents à donner leurs enfants en mariage à bas-âge? 

Il suffit parfois de faire miroiter aux parents l’illusion monétaire, l’appât du gain les pousse à « vendre » leurs enfants. C’est le cas de mes parents

A cet âge, j’étais immature, insouciante et très naïve, mais pleine de vie et de rêves.

J’avais la tête qui fourmillait de projets. Je voulais, à l’image des autres enfants de mon âge, profiter de mon adolescence.

Je me voyais un jour faire de hautes études de médecine et fonder une famille avec un homme de mon choix.

Eh oui ! Comme tout(e) adolescent(e), je rêvais mais c’était sans compter l’injustice de la société au sein de laquelle je vis. La société peule a des attentes différentes envers les hommes et les femmes. On n’a pas les mêmes droits et chances que les garçons.

Pour mes parents, je n’étais plus une enfant. Il fallait que je sois mariée avec un homme qui a le triple de mon âge, un homme qui vit de l’autre côté de la rive et qui pourra subvenir aux besoins de la famille. Le côté financier comptait plus que mon bonheur.

Comme à l’accoutumée, à l’aurore, maman me réveillait pour faire mes prières. Je me dirigeai vers les latrines pour me nettoyer les dents avec un bâton en bois « malanga » qui fait office de brosse à dent. Il faisait froid et humide ce matin.

A mesure que le temps passe, la température commençait à s’adoucir, je sentais cette bonne chaleur du soleil sur ma peau et ceci me faisait un bien fou mais c’était ignorer que mon destin est déjà scellé avec un inconnu sans qu’on ne m’avise.

Couché sur son hamac, papa me faisait part de sa décision qui est prise selon lui après mûre réflexion et tout ça pour éviter que je ne finisse « vieille fille ».

Ces mots sonnaient comme un coup de tonnerre. Je bouchais mes oreilles, j’étais abasourdie. Je hurlais très fort. Pour une fois dans ma vie, je haussais le ton sur mes parents mais cela n’a fait qu’empirer ma situation. C’était décidé de gré ou de force, je vais rejoindre ce foyer.

A cet instant précis, je compris que mon sort est scellé, je m’enfermais dans ma bulle. L’idée d’une fugue me venait en tête mais où devais-je aller ? Que serais-je après ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi ne m’a-t-on pas donné l’occasion de choisir mon époux et de réaliser mes rêves ?

Tous les sentiments étaient mêlés en moi : la haine, la peur, la tristesse et l’incompréhension la plus totale

Psychologiquement, je n’étais pas préparé à affronter le mariage. Je passais mon temps à prier pour qu’un miracle se produise pour me sortir de ce pétrin. Hélas, ces prières ne seront pas entendues.

J’étais encore trop jeune et je ne connaissais rien au monde des adultes dans lequel j’allais plonger dans les heures qui suivent

J’étais pétrifiée, j’avais l’impression que la terre se dérobait sous mes pieds et que le monde entier s’était réuni pour comploter contre moi. Je croyais que mon cœur allait sortir de ma poitrine.

A 14 ans, je me retrouve mère d’une petite fille née après une césarienne. Je vis sous le toit d’un homme qui n’a pas la même vision des choses que moi, qui n’est jamais présent. Ma fille grandira sans jamais connaître ce qu’est l’amour paternel.

J’en veux encore à mes parents, à mon entourage pour cette trahison. Mais je ne pourrais jamais revenir en arrière. Une chose est certaine, je me battrai pour que ma fille n’ait pas à subir la même chose.

Cette histoire bien que fictive décrit la réalité que vit beaucoup de jeunes filles.