Maurice THANTAN

Bénin : comment les réseaux sociaux ont influencé la présidentielle de 2016

En mars 2016, les Béninois s’étaient rendus aux urnes pour élire un nouveau président de la République. L’ancien président Boni Yayi était arrivé au terme de ses deux mandats constitutionnels et ne pouvait se présenter à nouveau. Une alternance s’imposait. Et même si toutes les conditions pour une élection normale n’étaient pas réunies, le Bénin a réussi le pari d’organiser un scrutin apaisé, dans un contexte où les joutes électorales…


Bénin : colère et mécontentement sur internet face à un décret liberticide du gouvernement

Le jeudi 24 août 2018, les Béninois découvrent avec stupeur sur Internet (les réseaux sociaux en particulier) un décret du président de la République instaurant de nouvelles taxes sur les communications électroniques. On parle d’une contribution additionnelle de 5% sur le montant hors taxe des communications (voix) et d’une taxe de 5F (près d’un centime d’euro) par Méga Octet consommé par l’utilisateur des services Over The Top (Facebook, Whatsapp, Twitter, Viber, Telegram, etc..). Depuis, plusieurs voix fortes s’élèvent pour dénoncer ces nouvelles mesures face à un gouvernement qui fait la sourde oreille.

En quelques jours, ce qui était d’abord apparu comme une simple rumeur est devenu le principal sujet de conversation dans le pays. Les membres du gouvernement ont confirmé l’information et certains opérateurs ont révélé de nouveaux forfaits en application du décret liberticide. En effet, au cours d’une sortie publique mardi 28 août 2018, le ministre de l’Economie et des Finances a apporté des justificatifs pour le moins scandaleux à ces nouvelles taxes. (Voir la vidéo ci-dessous).

Selon le ministre de l’Economie et des Finances, les nouvelles taxes visent entre autres, à faire payer davantage ceux qui transfèrent des messages via WhatsApp pour “critiquer le gouvernement”. Par ailleurs, un courrier de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la Poste adressé à un des opérateurs GSM locaux confirme la mise sur le marché de nouveaux forfaits en application du décret contesté.

Restriction de la liberté d’expression

Dans ce contexte,  n’allons pas par quatre chemins pour le dire : taxer l’usage des services OTT (réseaux sociaux) revient tout simplement à restreindre la liberté d’expression des citoyens par la contrainte financière. Le montant des taxes annoncées peut paraître dérisoire au vue de certains, mais en réalité, à y voir de plus près, c’est une vraie manière de stopper ou de décourager les gens – surtout les blogueurs et les journalistes – d’utiliser ces réseaux sociaux (tout comme les services de messagerie instantanés). Nous avons donc des raisons fondées de nous inquiéter par rapport à  la restriction de la liberté d’expression dans notre pays à la lumière de cette nouvelle disposition.

Internet sans frontières a d’ailleurs vivement réagi dans un communiqué en appelant le gouvernement à « reconsidérer » son texte. Pour ISF,  « l’application du décret n° 2018-341, (…) viendra renforcer les inégalités d’accès à Internet au Bénin, et mettre en péril la liberté d’expression. » 

Pour Lionel Kpenou Chobli, chef d’entreprise et élu local très influent sur les réseaux sociaux, le gouvernement s’est trompé en prenant cette décision.

« La taxe sur les communications Internet est une erreur politique. Au Bénin, berceau du Renouveau Démocratique et du printemps des Libertés Individuelles, cela ne pourra être assimilé, urbi et orbi, qu’à de la censure et à un recul de la liberté d’expression teinté d’archaïsme. La taxe menace les droits fondamentaux de la liberté de parole et de l’accès à l’information qui sont non seulement garantis par la Constitution mais aussi protégés par les traités internationaux : la Convention internationale sur les droits civiques et politiques et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme si l’on fait une lecture extensive. », a-t-il écrit sur Faceboook.

Le contraste entre la réputation démocratique du Bénin et ces nouvelles dispositions est l’élément fondateur de l’indignation de nombreux internautes. Ainsi, pour Arnaud Aurlus Serge, les explications du ministre des finances constituent tout simplement une bourde : « Ça vaut une démission pure et simple dans un pays sérieux », a fait savoir cet internaute.

“Inqualifiable recul” dans la promotion de l’économie numérique

Par ailleurs, en agissant ainsi, le gouvernement porte un coup d’estocade à l’économie numérique qu’il tente lui même de promouvoir depuis 2016. C’est ce que signale, dans une publication sur Facebook, Gilles Kounou, un entrepreneur dans le numérique dont l’entreprise est l’un des rares prestataires locaux du gouvernement.

“Dans un pays où l’offre d’Internet résidentiel filaire est très peu développée, où même des entreprises utilisent l’internet mobile comme solution de connexion professionnelle, cette mesure sonnera le glas du développement du Numérique au Benin […] C’est un inqualifiable recul », a-t-il posté.

A ce même propos, Lionel Kpenou Chobli s’interroge :

D’un point de vue économique et financier, à force de presser le citron, on avale l’écorce et elle est amère. Le temps passé en ligne et les données sont déjà taxés. Pourquoi une double imposition en y ajoutant la distinction de l’usage de ce temps de connexion et la nature des connexions ? Voudra t on nous expliquer que, parce qu’il est désormais possible d’envoyer un mail en Chine plutôt que du courrier express, la Poste du Bénin va instaurer une taxe sur l’utilisation de Gmail, Yahoo et Hotmail afin que l’Etat gagne encore de l’argent ?.

De son côté, Muriel Alapini, actrice de la gouvernance de l’Internet et militante de la promotion des jeunes filles dans le numérique rappelle au gouvernement qu’« il n’y a pas d’économie numérique sans accès à Internet à coût réduit ni de promotion des femmes dans le numérique ». 

Paradoxes

Venant du gouvernement du président Patrice Talon, le décret instituant de nouvelles taxes sur certains usages d’Internet est rempli d’incohérences (à l’image des politiques du gouvernement) et suscite plusieurs interrogations.

Durant la campagne électorale de la présidentielle de 2016, le clan du candidat Patrice Talon s’était abondamment servi des réseaux sociaux pour convaincre les électeurs. Aujourd’hui au pouvoir, l’exécutif utilise les réseaux sociaux pour communiquer sur toutes ses activités, parfois au mépris des médias classiques. En janvier 2017, le président de la République avait lui-même confié dans une vidéo publiée sur Facebook (titre de la vidéo : « Message pour mes amis internautes ») qu’il prenait du plaisir à lire les commentaires sur sa page y compris les critiques.

A ce sujet, un internaute ironise aujourd’hui sur Facebook avec la publication suivante :

Par ailleurs, dans son programme d’actions, le gouvernement du président Talon a mis l’accent sur la revalorisation du patrimoine culturel du Bénin afin de promouvoir la « destination Bénin » dans le tourisme. Dans ce cadre, plusieurs actes ont déjà été posés notamment la réclamation des trésors royaux du Bénin gardés en France. Récemment, le Bénin a supprimé le visa d’entrée aux ressortissants africains et créé une plate-forme de demande de visa en ligne dans la logique de booster le tourisme. En considérant tous ces efforts et sachant que l’accessibilité à l’Internet (qualité et coût) est un facteur déterminant dans le choix de destinations des touristes, on se rend compte que le gouvernement nage allègrement dans ses propres contrariétés. C’est une politique de « un pas en avant, deux pas en arrière », comme l’a souligné un internaute sur Facebook.

Au delà, de nombreux citoyens expriment leur indignation de diverses manières sur les réseaux sociaux et appellent le gouvernement à revoir sa décision. Une pétition a été lancée sur Internet à ce propos. Pour le moment, l’exécutif fait la sourde oreille. Malgré le tollé, la ministre de l’économie, habituellement très active sur les réseaux sociaux, n’a pas posté le moindre message sur le sujet depuis une semaine !


Indépendance du Bénin : fêter ou ne pas fêter ?

Drapeaux du Bénin hissés sur une place publique à Cotonou. Photo : L'Evenement Précis
Drapeaux du Bénin hissés sur une place publique à Cotonou. Photo : L’Evenement Précis

“Combien de béninois s’intéressent à la fête du 1er Août ? Quel intérêt avons-nous à la célébrer chaque année?”

Ce sont là deux interrogations postées sur Facebook par un compatriote qui m’ont interpellé ce dimanche 30 juillet 2017, deux jours avant la célébration du 57ème anniversaire de l’indépendance du Bénin.

Loin d’être une question isolée, après quelques années d’observation, je me rends compte que cette interrogation revient chaque année comme une rengaine, une ritournelle. La question mérite d’être creusée au delà des petits bouts de phrases postés rapidement ici et là.


L’indépendance : tout une histoire qui détermine notre avenir

Avant tout, il s’agit de notre histoire. On a tendance, à mon avis, à trop vite jeter l’opprobre sur cette fête et battre en retraite sa signification parce que nous mêmes avons refusé d’effectuer le processus d’émancipation mentale (confère Bob Marley) nécessaire qu’il faut pour considérer cette célébration dans tout ce qu’elle symbolise.

Un président de la République a dit, dans un passé très récent, ceci :

“Aucune Nation ne peut se construire durablement sans rester enracinée dans l’histoire.
Une histoire que la conscience collective a le devoir de renouveler constamment en y puisant à chaque occasion majeure de la vie nationale, les enseignements utiles et nécessaires pour l’avenir.”

De toute l’humanité, les processus d’indépendance ont été décisifs dans la marche des peuples vers la « Civilisation ».
A partir de ce moment, l’adoption d’une attitude “réac”, qui amène certains parmi nous, dans un en processus de suivisme irréfléchi (parce que la plupart des gens qui disent que c’est inutile de célébrer l’indépendance n’ont pas d’arguments, et je suis convaincu qu’en face d’une personne avertie, ils changeraient d’avis) est complètement absurde.

Peu de béninois savent par exemple les circonstances particulières dans lesquelles notre pays a accédé à l’indépendance. Peu de béninois savent que, contrairement à d’autres pays africains, la proclamation de l’indépendance du Dahomey Bénin aujourd’hui n’a pas été prononcée dans la liesse populaire. Ceci pour des raisons historiques et socio-politiques. Or, cette donnée influe inlassablement sur notre gouvernance.

Voilà une Fête nationale qui ne célèbre pas de façon concrète les héros de notre indépendance. Voilà quelque chose qui pourrait être amélioré, qui mérite réflexions et actions. Or, si l’on admet que notre société est en perte de repères ou de modèles (ce qui est relatif soit dit en passant), il pourrait avoir un salut à trouver dans les valeurs qui ont poussé ces hommes et ces femmes (si si, il y en a eu) à mener la lutte pour l’indépendance qui, semble-t-il, était basée essentiellement sur l’intérêt du Bénin.

L’indépendance : un processus continu

L’indépendance en elle-même est, selon moi, un processus continu. Ce processus est guidé par des valeurs. Lorsque vous échouez à maintenir ces valeurs constantes dans les esprits, il paraît évident que vous entrez dans un cycle de “déconstruction” de cette indépendance. Prenez l’exemple de la Grèce, ce pays a beau être indépendant, (ils ont même inventé la démocratie), à un moment de l’histoire, toute la politique du pays est dictée par l’Europe pour ne pas dire l’Allemagne.

Construire l’indépendance par des actes

Par ailleurs, nous aimons bien parler. Mais que fait-on nous mêmes pour rompre la chaîne ?
La plupart des gens qui disent qu’il serait mieux de prendre l’argent dédié à la célébration pour faire des sessions de réflexions ne font rien à leur niveau. Généralement. Il est souvent très difficile de passer des paroles aux actes.

En dehors des célébrations officielles, ce sont les commerçants qui profitent de l’occasion pour écouler leurs produits en fin de cycle aux moyens de promotions coûteuses, qui tirent encore le meilleur profit de cette célébration. Dans les rangs de ces derniers, ce sont souvent les tenanciers de débits de boissons qui font les meilleurs affaires. Ceux là ont encore l’intelligence de nous inviter à la fête pour célébrer l’Indépendance. Et les gens seront dans ces buvettes en train de mettre sur Facebook que c’est du gaspillage que de célébrer la Fête nationale.

Si nous passons notre temps à ne rien faire à petite échelle dans la mesure de nos possibilités, que serions-nous en mesure de faire quand on sera « grands » autre que de répéter que ce qui se fait avant nous et que nous dénonçons ? Question !

En définitive, fêter ou ne pas fêter l’Indépendance, n’est que fioriture. La question ne se trouve pas à ce niveau.

Moi ce premier août, j’irai travailler. Ensuite j’aurai une importante réunion avec le conseil d’administration de l’Association des blogueurs du Bénin que je dirige. Cette rencontre va déterminer notre vie pour les deux prochaines années, parce que nous venons d’avoir un mandat de deux ans.

PS : Bref je ne réfléchis plus beaucoup ces derniers temps. A l’origine ceci était un commentaire que j’ai commencé à écrire sur la publication mentionnée plus haut.


Open Data Day 2017 : retour sur l’événement organisé à Cotonou (Bénin)

Le samedi 4 mars 2017, les locaux du fablab Blolab ont accueilli le Open Data Day à Cotonou au Bénin. A l’instar des quelques 300 autres événements organisés à travers le monde à l’occasion de cette journée mondiale des données, l’initiative a drainé plusieurs dizaines de personnes ayant des profils différents pour s’informer, apprendre, échanger et partager leur expérience autour des données ouvertes. A Cotonou, c’est l’Association des blogueurs du Bénin qui a organisé l’événement et l’a placé sous le thème « Apprendre et comprendre l’intérêt données ouvertes comme levier de transparence ».

L’idée était d’expliquer au public qui a effectué le déplacement l’importance des données ouvertes dans une perspective de lutte contre la corruption de promotion de bonne gouvernance et de la participation citoyenne et du contrôle citoyen de l’action publique. L’innovation et l’amélioration des services offerts aux citoyens/usagers sont d’autres enjeux des données ouvertes abordés au cours de la rencontre.

Quatre communications sur les données ouvertes (open data)

Commencé peu après 10 heures, le Open Data a vu défiler quatre communications sur les données ouvertes.
La première présentation intitulée « Données ouvertes, des origines à nos jours » a été délivrée par moi-même Maurice Thantan. En tant que responsable de l’Association des blogueurs du Bénin, principal organisateur de la rencontre, j’ai d’abord rappelé l’historique, l’objectifs, les principes mais aussi les avantages des données ouvertes. Cette présentation été ponctuée d’exemples de projets citoyens réalisés à partir de données ouvertes (open data). Des outils et ressources nécessaires pour approfondir le sujet ont également été partagés.
La deuxième présentation a été axée sur le rapport entre les données ouvertes (open data) et la transparence. Cette présentation particulièrement animée a été conduite par Franck Kouyami. Spécialiste des données ouvertes (open data) et adepte du mouvement du libre en général, il avait déjà organisé et co-organisé deux open data day à Cotonou par le passé.
La troisième communication a été particulière. C’était plutôt un partage d’expérience. En effet, Malick Tapsoba, responsable de Open Data Burkina Faso était l’invité spéciale de l’événement. Il a partagé l’expérience du Burkina Faso en matière de mise en place de politique de données ouvertes (open data). En Afrique francophone, le Burkina Faso est cité comme un modèle en matière d’ouverture des données publiques. Le Pays cité comme l’un des plus prometteurs et à suivre de près cette année selon Guardian.
La quatrième et dernière communication de la journée a été l’oeuvre de Shadaï Ali. Associé chez Open SI (l’un des sponsors de cet Open Data Day), Shadaï a expliqué dans sa présentation comment les données ouvertes peuvent accélérer la transformation numérique des entreprises.

Personnalités et participants enthousiastes

Ces quatre présentations ont intéressé les participants par la qualité des intervenants. Le public aussi était composé de personnalités. Le directeur de l’Agence du numérique et directeur des services et systèmes d’information d’Etat à la présidence de la République était présent. Le directeur général des médias était aussi là. Des chercheurs, acteurs de la société civile, journalistes et universitaires ont également effectué le déplacement.

 

L’ensemble des présentations peuvent être retrouvées en ligne.
Il faut signaler que l’événement a bénéficié de l’appui de l’organisation international Open Knowledge International à travers les soutiens apportés par Hivos et Article 19 dans le cadre des subventions aux activités organisées dans le cadre de l’Open Data Day 2017.

 

L’événement s’est achevé sur une note de satisfaction. Certains participants qui venaient d’être sensibilisés sur la thématique des données ouvertes (Open Data) ont assuré tout leur engagement à militer désormais pour la promotion de l’Open Data au Bénin.
Retrouvez dans le storify suivant le fil de la journée en tweets et en images.


La société civile, fer de lance du Bénin vers le Partenariat pour un gouvernement ouvert

Séance de travail avec les députés Orden Alladatin et Gildas Agonkan
Séance de travail avec les députés Orden Alladatin et Gildas Agonkan. Photo : DR

Du 7 au 11 décembre 2016, Paris, la capitale française, a accueilli le 4ème Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert. 5 années après la création de cette organisation planétaire, des représentants de plus de 70 États, des responsables de la société civile et acteurs du secteur privé s’étaient réunis pour parler de démocratie ouverte, de participation citoyenne, de données ouvertes, de transparence, etc. Présent au sommet, le Bénin s’est illustré notamment par ses acteurs de la société civile, en l’absence de délégation gouvernemental. Ces mêmes acteurs qui depuis quelques années mènent le plaidoyer pour l’ouverture des données pour plus de transparence dans la vie publique.

De la participation des acteurs de la société civile béninoise au sommet de Paris

Nous étions trois acteurs de la société civile béninoise  à ce sommet. Rosine Kédédji, chargée de communication de Social Watch Bénin, Abdou Saliou, géographe et acteur influent de la communauté OpenStreetMap du Bénin et de la sous région africaine. Je complète ces deux personnes en tant que blogueur et acteur de la promotion des données ouvertes au Bénin. Impliqué dans l’organisation de ce sommet depuis le début de l’année 2016, j’avais été l’un des meilleurs contributeurs à l’appel à propositions lancé en mai. En arrivant au sommet, j’avais dans mon agenda, au moins un pitch à présenter et une table ronde à co-animer avec d’autres acteurs de la sous région ouest-africaine.

Sélectionnée à participer au Sommet dans le cadre du projet Open Data Médias de CFI Médias, Rosine Kédédji qui venait de découvrir les données ouvertes a construit, au terme d’une master class de CFI Médias, un plaidoyer pour l’ouverture des données de la commune de Cotonou pour plus de contrôle citoyen de l’action publique et de participation citoyenne.

Pour Rosine, la participation au sommet a été bénéfique à plusieurs égards. “Ces rencontres nous ont permis de connaître et de comprendre au mieux l’importance de l’Open Data dans la gouvernance de mon pays. Lors de ces rencontres, nous avons côtoyé des acteurs contribuant directement à la promotion de l’Open Data dans leur pays, ce qui nous a un temps soit peu conscientisé sur son importance pour la gouvernance et le développement de nos pays”, a-t-elle confié. Mieux, elle sait désormais mieux orienter ces actions : “Notre contribution désormais est bien claire et précise (…) Nos actions dans le futur interpelleront tous les acteurs du développement du Bénin, l’élu national, les élus locaux, les responsables et autorités politico-administratives, les acteurs de la société civile encore plus et les populations en général. Nous mèneront également des actions de plaidoyer pour amener les parlementaires à voter une loi sur le droit d’accès à l’information et à intégrer les données ouvertes dans les pratiques”.

Rosine Kèdédji au milieu de deux participantes maliennes au Sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris. Photo : Maurice Thantan
Rosine Kèdédji au milieu de deux participantes maliennes au Sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris. Photo : Maurice Thantan

 

Pour Saliou, la participation a aussi été intense. Des deux jours de master class chez CFI Médias aux différents ateliers à la salle Pléyel puis au Palais de Tokyo en passant par le hackhaton Toolbox à l’Elysée. Ce spécialiste de l’OpenStreetMap a également participé à un mapathon organisé en marge du sommet.

Saliou Abdou présentant la communauté OpenStreetMap Bénin au Sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris

Personnellement, j’étais également sur plusieurs fronts. Il y a évidemment les deux jours de master class durant lesquels nous avons appris davantage de choses sur le gouvernement ouvert et les données ouvertes avec Sylvain Lapoix, le hackathon OGP Toolbox à l’Elysée et les interventions dans divers ateliers durant les trois jours du sommet. Les plus importants pour moi ont été la présentation du pitch de Benin Open Data Initiative, un projet de promotion des données ouvertes que l’Association des blogueurs du Bénin entend mettre en oeuvre à partir de cette année, les rencontres enrichissantes et les interventions au cours de différentes sessions.

Maurice Thantan s’entretient avec le collectif « Démocratie ouverte » lors du sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris en décembre 2016. Photo ! Saliou Abdou
Maurice Thantan présente le projet Bénin Open Data Initiative au Sommet du partenariat pour un gouvernement ouvert à Paris en décembre 2016. Photo : Saliou Abdou


Rencontre avec les parlementaires

En l’absence de délégation gouvernementale, ce sont les parlementaires qui ont été les seuls officiels béninois qui ont brièvement participé au Sommet. En effet le Président de l’Assemblée nationale, Me. Adrien Houngbedji, a conduit une délégation de quatre députés composée des honorables Valentin Aditi Houdé, 1er Questeur de l’Assemblée nationale, Mohamed Gibigaye, Orden Alladatin et Gildas Agonkan.

Ils ont participé à la session “Parlement ouvert” au Sénat français. Accueilli en invité d’honneur par Gérard Larcher, le président du Sénat Français, Maître Adrien Houngbédji s’est même prononcé à La Tribune. Malheureusement, la participation des députés béninois n’ira pas au delà de ça. Ils ne se rendront pas au palais d’Iéna ou au Palais de Tokyo où étaient organisés la plupart des événements, sessions, tables rondes, ateliers et pitches.

Mais on peut déjà saluer cette participation aussi modeste soit elle. Cette dernière ne surprend d’ailleurs pas quand on sait que le Président de l’Assemblée nationale s’est engagé personnellement dans la modernisation du parlement béninois. L’Assemblée nationale fait des efforts pour être ouverte aux citoyens à travers les nouvelles technologies. Le site internet de l’Assemblée est l’un des plus abouti du pays même s’il reste des efforts à faire.

L’Assemblée nationale travaille également sur un projet de code du numérique. Cependant, il reste à savoir quelle place le dit projet de code réserve aux données ouvertes, principal combat de la société civile béninoise.

Qu’à cela ne tienne, nous avons eu l’occasion de noter que les parlementaires sont ouverts aux propositions et à la démarche d’ouverture. En effet, ayant pris contact avec la délégation parlementaire, Rosine Kèdédji avons eu une séance de travail avec les honorables Orden Alladatin et Gildas Agonkan. Nous avons rencontré des députés à l’écoute et théoriquement disposés à nous ouvrir les portes pour mener le plaidoyer nécessité pour peu que des propositions concrètes et réalistes leur sont proposés.

En définitive, le quatrième Sommet mondial de l’OGP a été l’occasion pour nous de prendre davantage conscience de l’intérêt des données ouvertes pour la transparence dans la vie publique et la participation citoyenne pour une démocratie plus ouverte.

Gouvernement ouvert : quels intérêts pour le Bénin ?

Le gouvernement ouvert est une doctrine de gouvernance qui vise à améliorer l’efficacité et la responsabilité des modes de gouvernance publique. Elle établit que les citoyens ont le droit d’accéder aux documents et aux procédures de leurs gouvernements afin de favoriser une transparence et une responsabilisation accrue et de donner aux citoyens les moyens nécessaires pour contrôler, superviser et prendre part aux décisions gouvernementales et locales. Le Partenariat pour le gouvernement ouvert est une instance mondiale qui promeut cette doctrine. Pour le rejoindre, il faut satisfaire à quatre exigences :

  • transparence budgétaire et fiscale : mise à disposition du public et mise à jour régulière des documents fondamentaux relatifs à la dépense publique
  • accès à l’information
  • divulgation du revenu et des avoirs des élus et responsables publics
  • participation et engagement des citoyens dans l’action publique

Le Bénin a effectué ses premiers pas pour rejoindre le Partenariat pour un gouvernement ouvert depuis 2015. Le Conseil des ministres du 8 juillet 2015 a, en effet, “examiné et approuvé une communication du Premier ministre de l’époque relative à la manifestation de l’intention d’adhésion du Bénin à l’organisation «Partenariat pour un gouvernement ouvert » (PGO).”

Mais à ce jour il reste des efforts à effectuer pour que le Bénin puisse rejoindre le partenariat.  “Le Burkina Faso, le Bénin ou le Sénégal sont au  seuil de l’admissibilité”, avait indiqué Pauline Carmona, secrétaire générale du Sommet de Paris à Jeune Afrique en novembre 2016. Rencontrée à Paris, elle m’a précisé que pour rejoindre le PGO, le Bénin devrait agir sur deux volets essentiellement pour être éligible dans l’organisation : “Le Bénin a besoin de 5 points  pour devenir éligible au PGO. Il pourrait obtenir ces points en publiant l’audit annuel du budget de l’Etat (2 points) et en adoptant une loi d’accès à l’information (4 points)”.

En Afrique, les pays anglophones (Nigeria, Ghana, Liberia, Kenya, etc) sont plus représentés en terme d’effectifs. Cependant, on voit arriver de nombreux pays francophones aussi notamment à la faveur de la présidence française du partenariat. Lors du Sommet de Paris, le Burkina Faso a d’ailleurs rejoint le partenariat. La Côte-d’Ivoire, qui était déjà membre, a participé avec une importante délégation gouvernementale. Des pays comme la Guinée et Madagascar ont manifesté leur volonté de le rejoindre également.

A l’heure où le président de la république veut mettre en place de nombreuses réformes politiques pour renforcer la démocratie et l’état de droit, miser sur l’économie numérique pour moderniser la vie publique et créer des emplois, il est important d’intégrer les réformes nécessaires pour moderniser la démocratie en la rendant plus participative et plus citoyenne à travers l’ouverture des données publiques.

A ce titre, il est heureux de constater qu’une proposition de loi rectificative du code de l’information et de la communication a été introduite au parlement par le député Eric Houndété. Ce dernier estime en effet, et à juste titre, que “le droit positif béninois actuellement en vigueur au Bénin n’offre que des possibilités d’accès relativement limités aux informations publiques et a surtout conduit les administrations à généraliser la pratique de documents confidentiels privant ainsi les citoyens de leurs droits d’accès à l’information publique”.

Ce combat, la société civile, à travers l’Association des blogueurs du Bénin et d’autres acteurs de la promotion des données ouvertes le menait depuis quelques mois avec les moyens limités. Des séances d’information et de sensibilisation avaient été organisées à l’occasion du Blogcamp 2016 et de l’OpenCon Cotonou 2016.


Le Bénin, une République “WhatsApp et Facebook”

réseaux sociaux sur smartphone

L’expression n’est pas de moi mais du ministre de la Justice, garde des Sceaux du Bénin. Appelé à défendre le bilan des cent premiers jours du nouveau gouvernement béninois installé le 6 avril 2016, Me. Joseph Djogbénou a laissé entendre que nous étions, au Bénin, dans une République « WhatsApp et Facebook ». Une expression somme toute banale mais qui, dans la réalité, dépeint un phénomène de société pas tout à fait nouveau mais qui prend une ampleur importante avec ses avantages et inconvénients : l’omniprésence des réseaux sociaux dans l’administration publique et ailleurs.

 

Facebook et les applications de messagerie instantanée (WhatsApp notamment) ont investi toutes les couches de la société avec des conséquences à divers niveaux. Avec la démocratisation des téléphones intelligents ou smartphones (vulgairement appelés “téléphones android”), (presque) tout le monde a WhatsApp installé sur son téléphone.

Lanceurs d’alertes sur Facebook ?

Le premier effet est que des informations censées demeurer dans des cercles bien définis “voyagent” souvent au delà de ces milieux. Le phénomène a pris une ampleur considérable avec le nouveau gouvernement qui lui même est très avare en matière de communication officielle. Ici, on parle de normo-communication contre l’hyper communication du régime précédent du Président Boni Yayi.

Mais la pratique n’est pas née avec le nouveau régime. Elle existait avant mais a connu un pic durant la période des dernières élections au cours de laquelle WhatsApp et les réseaux sociaux ont été particulièrement mis à contribution.

Fait marquant de cette époque, un arrêté ministériel instituant une journée continue qui devrait permettre aux citoyens d’aller retirer leur cartes d’électeur. Le document qui n’avait jamais été validé au sommet de l’Etat avait circulé maladroitement sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) et dans les conversations WhatsApp. Les citoyens habitués à ce genre de pratique avaient pris l’information pour officielle. Normal, elle avait été même annoncée dans le journal du 20 heures de la chaîne de télévision nationale. Avant d’être démenti dans l’édition de 23h30 du journal télévisé.

Depuis l’arrivée du nouveau régime qui, comme je le disais plus haut est particulièrement avare en communication (les contrats avec la presse ont été suspendus, les informations officielles sont livrées au compte goutte et partiellement, etc), il ne se passe plus aucune semaine sans que des courriers de l’administration ne soient livrés sur les groupes Facebook et WhatsApp. Généralement ce sont des photographies des courriers ou décisions qui sont publiées. Mais pas que.

De nombreux citoyens, agents de l’administration publique ou pas se sont érigés en lanceurs d’alerte dans ce contexte d’absence d’informations que les hommes des médias dénoncent chaque jour pour diverses raisons. Bien souvent, ces derniers sont réduits  à fonder leurs analyses sur des informations “ayant circulé sur les réseaux sociaux”.

Si on peut trouver un certain intérêt à cette pratique, parce que généralement soit elle permet d’avoir des informations que l’administration ne veut pas donner, il n’est pas sans comporter des risques.

Agir à deux niveaux

Les autorités doivent agir à deux niveaux :

  • D’abord elles doivent prendre conscience de l’ampleur du phénomène. Aujourd’hui, les réseaux sociaux ont intégré toutes les sphères de la vie et on doit s’adapter et vivre avec. Cela implique que les autorités, chacun dans son département, définisse des règles claires et précises de l’usage de ces outils en lien avec leur fonction. Il est évident que certains documents ne doivent pas se retrouver sur les réseaux sociaux ou sur WhatsApp. Il doit être prévu des punitions pour des agents par lesquels ces choses pourraient survenir.
  • D’un autre point de vue, le gouvernement et toutes les composantes de l’administration, les collectivités territoriales, etc doivent organiser une communication efficace et proactive sur ces canaux. Il n’est pas exclu que le gouvernement, dans cette démarche et dans un élan d’innovation, utilise le réseau WhatsApp pour communiquer avec les citoyens.

Au delà, chaque administration gagnerait aussi à définir clairement ses rapports avec les réseaux sociaux. Pour en revenir aux propos du ministre Djogbénou d’ailleurs, au delà de la caricature, on se rend compte que le gouvernement a décidé de marquer une présence certaine sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, Twitter, Soundcloud, Flickr, le régime est présent et actif. Chose inédite. Dans le même temps, on se rappelle encore de ce collaborateur d’un ministre du gouvernement qui été relevé de ses fonctions pour un commentaire publié sur les réseaux sociaux au sujet d’une décision du gouvernement. Mais, ça c’est encore un autre débat.


Le football béninois, cette difficile équation (Partie II)

L'équipe nationale de football, les écureuils du Bénin.
L’équipe nationale de football, les écureuils du Bénin.

[Il y a un an, j’avais écrit un article intitulé “Le football béninois, cette difficile équation” dans lequel je relatais la situation dans lequel le football était empêtré. 12 mois sont passés et rien n’a changé, voici la suite de l’histoire. A l’origine, j’avais intitulé cet article : “Au Bénin, on sacrifie le football sur l’autel des intérêts personnels”]

Disons-le tout de suite : le football béninois se meurt depuis 2010. Les Écureuils du Bénin n’iront probablement pas à la Coupe d’Afrique des Nations 2017 au Gabon. Non pas parce que les performances des poulains de l’entraîneur Oumar n’auront pas été à la hauteur, mais parce que quelques dirigeants plus portés sur leurs intérêts sacrifient plusieurs générations de jeunes et mettent à genoux tout un peuple. Entre mauvaise gestion et guerre de succession quelques personnes prennent en otage le destin de tout un peuple et s’amusent avec.

Le football béninois connaît une phase critique de sa crise ouverte depuis plusieurs années depuis un peu plus d’un an. Tout a commencé fin mars 2015 quand le gouvernement d’alors avait décidé de retirer l’agrément à la Fédération béninoise de football. Officiellement, le ministre des Sports et le gouvernement de l’époque avaient évoqué la mauvaise gestion au sein de la Fédération et la division entre les acteurs. Le Comité de réunification et d’orientation qui avait été mis en place pour trouver des solutions avait recommandé un forum national du football réunissant les différents protagonistes autour d’une table. Ces assises n’ont toujours pas encore eu lieu.

Descente aux enfers

Mais surtout depuis l’époque, les choses ne se sont pas améliorées.  Aujourd’hui, la sélection nationale, pourtant en bonne position dans les éliminatoires de la Can 2017, est au bord d’une disqualification. Inutile de refaire ici le récit de tous les événements depuis la remise du rapport du Comité de réconciliation tant l’histoire est très complexe et les rebondissements sont nombreux. A noter seulement qu’on est entré dans nouvelle phase de descente aux enfers depuis le 10 mai 2016 date à laquelle la Fifa a décidé de suspendre les équipes nationales de Football du Bénin des compétitions. Une décision lourde de conséquences car les équipes nationales sont engagées dans les éliminatoires des coupes d’Afrique de leurs catégories respectives. L’équipe des moins de 20 ans, éliminée sur tapis vert dans les qualifications pour la Can Junior 2017, a été la première victime de cette suspension.

En effet, face à l’interminable crise, la FIFA et la Caf ont dû installer un comité dit de normalisation. Son rôle : réconcilier les acteurs et organiser une élection dans un délai de trois mois. A l’arrivée, aucun résultat atteint. Au contraire, la situation a empiré. Les querelles de personnes et les manipulations n’ont pas permis d’avancer. Plusieurs associations ont même accusé ledit comité d’avoir été manipulé et d’avoir encore créé plus de division entre les protagonistes.

En absence de consensus, une partie des protagonistes saisit la justice locale pour trancher alors qu’un congrès électif est annoncé avec une seule liste. Le tribunal de Porto-Novo prononce la suspension du congrès, ce qui a le mérite d’irriter le courroux de la Fifa. Conséquence, le Bénin est suspendu.

Gabon 2017 : un adieu programmé

Si aux contrairement aux juniors, la sélection nationale garde encore un espoir de poursuivre les éliminatoires, c’est seulement grâce à la clémence des instances mondiales du football. Le pays a obtenu un sursis jusqu’au 12 juin 2016 pour jouer son match qualificatif s’il arrivait à élire un nouveau président de la fédération avant cette date. Un nouveau congrès électif avait alors été programmé pour ce vendredi 10 juin 2016. Mais au vu des derniers développements, la sortie de la crise n’est manifestement pas pour maintenant.

En effet, après un dialogue de sourd entre les différents acteurs aux côtés du ministre des sports (qui a du appelé le président de la République à la rescousse au passage) ce mercredi 8 juin, le tribunal de Porto-Novo, saisi à nouveau par certains protagonistes, a encore prononcé ce jeudi une nouvelle suspension du congrès électif.

Pourtant il suffit que chaque camp protagoniste décide de faire un petit effort de consensus pour trouver une solution. Mais manifestement, les enjeux financiers et les intérêts personnels sont tellement énormes que chacun préfère tirer indéfiniment le drap de son côté. A moins que la rencontre annoncée entre les protagonistes et le Président de la République accouche d’une résolution miraculeuse ce jeudi soir, l’équipe nationale se dirige logiquement vers une sortie des éliminatoires de la CAN 2017 malgré tout son mérite. Et le public béninois sera une fois encore contraint de regarder la CAN sans l’équipe nationale. Car (finissons comme J. Rémy Ngono) comme le dit un proverbe africain, ce sont les herbes qui en souffrent.


Bénin : la carte d’électeur de toutes les moqueries

 

Le dimanche 26 avril 2015, c’est jour de vote au Bénin. Quelque 4,4 millions de Béninois sont appelés à renouveler les 83 sièges de députés de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, on est sûr que le scrutin aura lieu dimanche, mais il a failli, à plusieurs reprises, être reporté. Et pour cause, les tergiversations entre le gouvernement et le Cos-Lepi, l’organe en charge du toilettage de la liste électorale contestée depuis le KO du président Boni Yayi en 2011. Toutefois, à chaque difficulté, la Cour constitutionnelle a su se montrer prompte pour déterminer le rôle de chaque acteur. Dernier acte en date, la distribution des cartes d’électeurs a démarré avec plusieurs jours de retard à cause des mêmes raisons.

Si le président a dû décréter fériée la journée du lundi dernier pour permettre aux citoyens d’aller retirer le précieux sésame, cette mesure ne pourra pas rattraper le temps perdu. La distribution devrait se poursuivre jusqu’au jour du vote avec les possibles tensions qui vont avec. En fait, le nouveau code électoral prévoit deux phases de distribution des cartes d’électeurs. La première devrait durer 15 jours et se dérouler plusieurs semaines avant le jour du scrutin afin de permettre aux retardataires de retirer leur carte dans une seconde période (moins long). Actuellement, on fait tout en un sans aucune assurance réelle de réussir l’opération. Qu’à cela ne tienne, les Béninois qui réclament les élections depuis des mois, voire des années (les élections municipales prévues en mai sont reportées et auraient dû avoir lieu en 2013) se pressent pour aller retirer leur carte. On a beau critiquer les délais de distribution des cartes, la mauvaise organisation (avec notamment l’idée de distribuer les cartes le jour même du vote), tout le monde tient à ce que le scrutin ait lieu malgré tout.

De fait, les attentions sont plutôt focalisées sur des sujets plus légers. La forme de la carte d’électeur par exemple. Trop grande, falsifiable, en dessous de son coût ou encore peu résistante. Depuis les premières distributions, le document fait l’objet de nombreuses critiques. Parfois en colère, souvent déçus mais toujours avec une bonne dose d’autodérision, les électeurs béninois se déchaînent dans leurs commentaires sur les réseaux sociaux. Voici quelques morceaux choisis. Les « 3 bonnes raisons d’aller chercher notre carte d’électeur » méritent une attention particulière…

carte electeur 1
carte electeur 3

Drôle de cartes d’électeur! Vraiment. C’est une grosse regression.Hey, avant de venir palabrer ici là, va chercher pour toi hein. 😀

Posted by Deo Gratias Kindoho on Wednesday, April 22, 2015

 

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#Benin #Elections #LEPI : Ils nous donnent un jour chômé , donnons leur une législature retraitée ! Il est ahurissant de…

Posted by Lionel Kpenou-Chobli on Monday, April 20, 2015

Je n’ai pas arrêté de la retourner dans tous les sens depuis hier… C’est vrai qu’elle est moche! 😀 Mais bon…Pour…

Posted by Deo Gratias Kindoho on Sunday, April 19, 2015

 


Wasexo : le hashtag « made in Bénin » est arrivé

 

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Il a fait son entrée sur les réseaux sociaux au Bénin depuis un mois environ. Le hashtag #wasexo est en train de s’imposer peu à peu comme le mot dièse identitaire du Bénin pour référencer les contenus relatifs au pays sur les réseaux sociaux et sur le Web et en général. En une trentaine de jours, il a été utilisé près de 5 000 fois loin devant les hashtags traditionnels comme #Bénin et #Team229. Des personnalités politiques, des blogueurs et autres personnes influentes dans la webosphère locale et à l’étranger l’ont très vite adopté lui assurant une certaine notoriété.

Inspiré d’une émission populaire

Si les Béninois avaient déjà essayé plusieurs hashtags par le passé sans grand succès, celui-ci présente quelques avantages qui militent en sa faveur. Ils pourraient en effet,  l’inscrire dans la durée comme le hashtag identitaire avec lequel on référence les contenus béninois sur les réseaux sociaux. D’abord, il est court et facile à retenir. #wasexo c’est trois syllabes comme #kebetu ou encore #Iwili. Ensuite, c’est en langue locale. Mieux, il signifie la même chose dans plusieurs langues nationales, notamment dans deux des plus parlées du pays (fon et goun).

L’autre avantage du hashtag #wasexo est que pour une grande majorité de Béninois, wasexo fait penser à une émission radio très populaire dans le pays. Même si l’initiateur du hashtag se défend de s’en être inspiré, #wasexo fait directement référence à cette émission. Il s’agit d’une sorte de revue de presse des faits divers qui est diffusée deux fois par semaine sur une chaîne de radio privée. Pour en savoir davantage sur le hashtag qui semble fédérer tous les Béninois aujourd’hui, je me suis rapproché de son initiateur. Patrick Tossavi, le « père » de #wasexo est un homme du sérail du web 2.0. Il est informaticien et webmaster.

Cinq questions à Patrice TOSSAVI, l’initiateur du hashtag #wasexo

1- Bonjour Patrice, comment est venue l’idée du hashtag #wasexo ?

Bonjour

L’idée du hashtag #wasexo est venue par ma soif de l’actualité, surtout le contenu béninois.

Dans le passé, j’avais mis en place des outils de veille informationnelle sur mon PC notamment des Google Alerte par mail sur toute actualité contenant le mot Bénin de même qu’un logiciel d’agrégation des flux d’information RSS publié par la presse béninoise en ligne.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, je me suis abonné à plusieurs pages Facebook et comptes Twitter toujours pour rester informé à chaud. Mais si parcourir toutes ces plateformes web semble fastidieux pour un professionnel du web comme moi, pour un Béninois lambda qui a difficilement accès à internet et qui ne sait, peut-être, rien des flux RSS et Google Alerte, je me dis que la meilleure solution est encore bien loin.

Dans mes recherches, j’ai découvert un portail web sénégalais https://kebetweets.com/ sur lequel sont synchronisées via des hashtags (mots-clés précédés du symbole #), toutes les informations relatives au Sénégal et publiées soit sur un site web ou à travers les réseaux sociaux. En regardant de près, je me suis rendu compte qu’ils ont adopté le hashtag #kebetu (kebetu en wolof, langue majoritairement parlée au Sénégal signifie parloter, bavarder, causer…).

C’est ainsi que j’ai commencé par chercher un terme typiquement béninois pour faire un hashtag identitaire à côté de #benin et #team229 déjà utilisés par assez de Béninois.

2- Dans plusieurs langues locales (dont deux des plus parlées, le goun et le fon), wasexo veut dire littéralement « venez entendre parler ». C’est aussi le titre d’une émission très populaire sur une radio privée locale. Une sorte de revue de presse des faits divers. C’est ça qui vous a inspiré?

Sincèrement, ce n’est pas le titre de cette émission qui m’a inspiré.

J’ai fait assez de combinaisons avant d’y arriver. J’ai tenté des termes proches des langues fon, goun, sahouè, adja et mina. Mais cela ne sonnait pas bien pour moi.

En fait, je tenais à avoir un terme facile à écrire sans le « franciser ». Quand dans mes pensées, est passé l’expression « wa sé xo », j’avais même perdu de vue qu’il y avait une telle émission. Et mon premier réflexe a été de voir sa disponibilité sur Internet aussi bien comme hashtag que nom d’utilisateur Facebook, Twitter, Google+ … et surtout comme nom de domaine pour l’adresse du site web.

3- Les Béninois ont déjà expérimenté plusieurs hashtags par le passé (sans grand succès). Qu’attendez-vous réellement de celui-ci ?

Ce hashtag est comme un challenge personnel !

Celui de pouvoir offrir aux Béninois d’ici et d’ailleurs, une plateforme web unique de laquelle ils peuvent accéder à toute l’actualité nationale que ce soit sur les réseaux sociaux comme sur les sites web de la presse. Au-delà du hashtag #wasexo, il faut voir le portail www.wasexo.com sur lequel on synchronise à la seconde près toute information publiée sur le Bénin et comportant les hashtags #wasexo, #benin et #team229. Je cite ces deux derniers parce qu’ils se sont déjà imposés du fait et on n’a aucun intérêt à les abandonner.

La preuve, si vous faites des recherches sur le hashtag #benin, vous verrez assez de publications en anglais comme en chinois qui n’ont pas forcément de rapport avec le Bénin mais simplement parce qu’ils ont des expressions qui contiennent à leur sein le mot Bénin.

Pour que #wasexo connaisse un succès , ce sera en fonction de notre engagement à nous tous. Comme vous le faites si bien déjà.

De même, les outils technologiques nous donnent assez de moyens de communication.

Si vous visitez les pages Facebook (https://www.facebook.com/wasseho) et Twitter (https://twitter.com/wasexo) dédiées à #wasexo, vous verrez que plusieurs publications de la pression béninoise y sont synchronisées avec insertion du hashtag. Ce qui drainera davantage d’audience pour ces sites, car nos plateformes récupèrent juste les titres, introductifs et lien d’accès pour permettre au visiteur qui clique d’aller lire le contenu intégral sur le site de l’auteur.

4- Quelles initiatives avez-vous prises pour rendre le hashtag populaire afin que les Béninois l’adoptent dans leurs publications ?

J’ai commencé par utiliser la technique de bouche-à-oreille. J’ai contacté assez d’amis par message privé pour leur présenter l’initiative.

Chaque fois qu’un ami y adhère, je lui recommande de commencer par adopter les hashtags #wasexo et #benin cumulativement dans ses publications aussi bien sur Facebook que sur Twitter. J’ai aussi partagé l’information dans plusieurs groupes Facebook et WhatsApp.

Pour un début, je peux dire que la machine n’a pas tardé à démarrer et cela donne de l’espoir.

Cette expérience m’a permis de me rendre à l’évidence qu’il y a du boulot à faire, car il y a assez de blogueurs et journalistes très actifs sur les réseaux sociaux qui ne s’y connaissent pas en usage de hashtags. Or ceci devrait leur permettre de pousser plus loin leurs publications. Cela donne sans doute des idées.

5- Vous avez lancé le hashtag il y a moins d’un mois, comment les Béninois l’ont-ils pris sur les réseaux sociaux ?

J’avoue que c’est très encourageant la réaction des Béninois. Il faut d’ailleurs dire que c’est l’un des cinq premiers messages de félicitations sur la page Facebook qui m’a rappelé à l’esprit l’émission de la radio privée. L’auteur disait « Félicitations, j’aime trop cette émission ! ». Après ça quelqu’un d’autre m’a dit que c’est le nom d’une émission qui passe sur une télévision privée … et je me suis dit si pour la bonne cause, on se retrouve nombreux à porter le même nom, il faut foncer, surtout qu’écrit en phonétique, c’est assez expressif « wa sé xό » pour l’objectif que je visais !

Patrice Tossavi, l'initiateur du hashtag #wasexo est un informaticien et web master
Patrice Tossavi, l’initiateur du hashtag #wasexo est un informaticien et web master

Pour finir, je dirai :

Chers frères et sœurs béninois d’ici et de la diaspora et producteurs de contenu, tout ce que nous pouvons partager comme information publique sur Internet, tout Béninois a le droit d’y avoir accès et pour ça, un seul geste : insérer le hashtag #wasexo !

A tous les consommateurs de l’information béninoise, adopter www.wasexo.com !

Je vous remercie.


Bénin : une statue géante du Président a suscité l’indignation sur les réseaux sociaux

C’est arrivé lundi (de pâques) 6 avril 2015. En plein coeur de Cotonou, sur l’un des carrefours les plus empruntés de la ville, une statue géante de Boni Yayi, le Président de la République du Bénin est dressée. Habitués aux géants posters du Président de la République qui dominent les grands carrefours du pays, les Béninois se sont pourtant remontés contre cette ultime tentative des partisans de Boni Yayi. C’est un peu comme la goutte d’eau qui a fait débordé le vase dans un pays où l’omniprésence, l’hypermédiatisation et le culte de personnalité du Chef de l’Etat ont atteint des proportions célestes.

C’est d’abord sur Facebook que la grogne a commencé par monter comme en témoigne les captures d’écran qui suivent. De ceux qui se demandent quel est l’intérêt d’une telle initiative à ceux qui comparent cette « horreur » à un attentat à l’esthétique de la ville de Cotonou, les Béninois sont partagés entre colère, indignation et consternation.

 

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Sur Twitter, l’indignation est la même. Les twittos se posent également des questions.

 

Mais la critique la plus intéressante que j’ai pu avoir est à l’actif d’un journaliste connu pour ses commentaires réguliers sur l’actualité politique nationale. Voici son analyse que vous pouvez retrouver sur son compte Facebook :

Acte de laideur.

Ce matin, j’ai prié Dieu, un peu plus sérieusement que d’habitude. Je l’ai remercié pour avoir envoyé son fils unique sur terre nous purifier de nos souillures.

Je l’ai ensuite remercié encore plus intensément pour m’avoir gardé chez moi ce lundi de Pâques. Si je devais sortir, ce serait à coup sûr pour me rendre sur mon lieu de travail et je serais inévitablement tombé sur ce machin (Voir photo ci-dessous piquée sur le mur de Aboubakar Takou) qui a surplombé le carrefour « Bon Pasteur » quelques instants avant d’être démonté. Il faut en savoir gré à ceux qui ont eu la bonne idée de capter ce grand moment de décadence au coeur de la métropole béninoise. La postérité en jugera.

Ainsi donc, les propagandistes du régime, résolument engagés à mettre leur intelligence au service exclusif de leur ventre quitte à en perdre la raison, veulent passer à une autre étape, un cran plus loin dans la trivialité. Le grand affichage à la gloire du père refondateur ne suffit plus, il faut maintenant des statues géantes à son effigie. On commence d’abord avec des matériaux précaires, à l’image de l’horreur qui nous a été exposée hier, puis on finit en matériaux définitifs au cas où il n’y aurait pas de tollé? Cela ne m’étonnerait pas qu’ils y aient pensé, vu que nous avons bu chacune de leurs conneries jusque-là sans grands remous. Lorsqu’on a atteint un tel niveau de déchéance, les portes sont ouvertes à toutes les bêtises.

Si leur coup d’hier était un ballon d’essai, il me semble qu’il a été très tôt dégonflé. Puisse le prochain qu’ils lanceront, leur explose en pleine figure!

Très rapidement, à la mesure où le mécontentement grandissait sur les réseaux et sur les radios locales, la statue a été enlevée. Pour une fois, la grogne a fait plier les « propagandistes du régime » qui ont pris l’habitude d’user de tous les moyens, même les plus inimaginables pour séduire leur « héros ».


Facebook : nouveau champ de bataille des politiciens béninois

Il y a un peu plus d’un an, sur ce même blog, alors que je commençais mes premiers pas sur Mondoblog, j’avais écrit un billet sur l’utilisation que les hommes politiques et l’administration publique béninois faisaient (ou pas) des réseaux sociaux. A l’occasion, je dénonçais l’absence des autorités politico-administratives béninoises sur ces plateformes. En 2015, le constat est tout autre. Si l’administration publique peine toujours à se mettre à la page (hormis de timides tentatives peu maîtrisées ici et là), les hommes politiques ont pris d’assaut les réseaux sociaux (Facebook surtout), notamment en cette veille de joutes électorales.  En fait, 2015 et 2016 sont deux années importantes pour le Bénin sur le plan électoral. La première connaîtra le renouvellement du mandat des députés puis celui des maires. Les élections législatives sont fixées au 26 avril. Le dépôt des candidatures est à peine clos, mais la campagne bat déjà son plein sur la Toile. Par ailleurs, en 2016, le président de la République, Boni Yayi, arrive au terme de son deuxième mandat constitutionnel. Il devra céder le fauteuil présidentiel de la Marina à un nouveau locataire. La bataille de sa succession est aussi ouverte depuis plusieurs mois.

Les équipes de campagne des potentiels candidats, désormais conscientes de la capacité de mobilisation et de l’importance des réseaux sociaux ont donc décidé d’envahir le réseau de Mark Zuckerberg surtout. C’est à coup de pages et publications sponsorisées, mais aussi de hashtags accrocheurs (voire racoleurs) que les politiciens s’affrontent sur Facebook. De #Croyonsennous à #lajeunesseestlasolution en passant par #Nimo2015 ou encore ‪#‎EnsembleNousSommesLaSolution‬, la diversité des hashtags qui s’affrontent donne un aperçu de l’ampleur du phénomène. Impossible de se connecter sur le réseau social sans croiser l’une de leurs nombreuses publications. Les politiciens misent également sur leur image. C’est ainsi que vous allez vous retrouvez devant des images « photoshopées » à l’extrême juste pour donner une certaine impression de jeunesse et de vitalité aux hommes qui pour la plupart ont dépassé la cinquantaine.

L’objectif visé est clairement affiché : séduire la jeunesse ultra connectée, mais de plus en plus consciente et exigeante vis-à-vis de la politique. Une jeunesse surtout réticente par rapport aux promesses politiques creuses et pour la plupart irréalisables. Cette jeunesse, elle a fait de Facebook son exutoire politique faute d’avoir une vitrine pour s’exprimer. Dans les nombreux groupes de discussion politiques qui pullulent sur le réseau, chacun y va de son commentaire, de son analyse et de ses ambitions. Dans ces groupes, des leaders d’opinion émergent. Des opposants se font remarquer. Et c’est là que les politiciens vont pêcher.

 

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Sur Facebook, la concurrence est rude

Dans ce contexte, on voit affronter plusieurs types de politiciens. Évidemment il serait impossible d’établir ici leur typologie complète. Je ne citerai pas non plus le nom d’untel ou d’un autre. Cependant, on retrouve les acteurs déjà en fonction qui communiquent énormément sur leurs activités. La moindre mission à l’intérieur du pays, le moindre voyage à l’extérieur,  la signature d’un accord ou l’organisation d’un séminaire est fortement relayée sur Facebook a coups de publications sponsorisées. Parfois, on pense même qu’ils abusent. Il y a également ceux qui n’ont pas encore de mandats. Ceux là s’illustrent plutôt à travers leurs initiatives personnelles. Lorsque l’un des prétendants à la présidence pose fièrement aux côtés d’un jeune béninois qui a réalisé une performance exceptionnelle comme Carlos Bossouvi, il ajoute à sa photo ces quelques lignes : « C’est à cette jeunesse que je pense dans tous mes projets et mes déplacements, celle qui se lève pour relever les défis de notre pays ». Ils profitent de toutes les occasions pour s’exprimer. Journées internationales, fêtes religieuses, Saint Valentin, toutes les occasions sont bonnes à saisir.

D’un autre point, il y a ceux qui ont abordé la démarche dans sa globalité, c’est-à-dire qu’ils s’assurent une présence sur quasiment toutes les plateformes les plus importantes, hashtags et initiatives ultra branchées à l’appui. Puis il y a certain qui ne voient pas plus loin que Facebook (et Dieu sait qu’ils peuvent avoir raison -chez nous les réseaux sociaux se limitent trop souvent à celui-là seul-). Et d’un autre point de vue encore, il y a ceux qui passent leur temps à critiquer la politique du gouvernement actuel. C’est vrai qu’en cette fin de mandat, le « Yayi bashing » a le vent en poupe. Même ceux qui ont été biberonnés au régime du changement puis de la refondation ces dix dernières années se plaisent à critiquer le gouvernement qui les a fait émerger. Mais ça, c’est encore une autre affaire.

Une jeunesse méfiante et aux aguets

Si les hommes politiques font peu à peu leur nid sur les réseaux sociaux à la conquête d’un électorat relativement jeune, ils ne manquent pas de faire face aux exigences et aux défis que leur impose ce monde plutôt à part. De ce fait, sur les réseaux sociaux, les hommes politiques doivent faire preuve de rigueur et de sérieux pour ne pas tomber dans le ridicule. La parole étant libre sur ces plateformes. Je me rappelle encore de ce militaire à la retraite qui serait candidat aux présidentielles, mais qui a essuyé de nombreuses critiques dès ses premières apparitions sur Facebook. C’est vrai qu’entre ses slogans aux origines douteuses aux fautes d’orthographe et de grammaire contenues dans ses messages eux- mêmes incohérents, il avait du mal à convaincre. Les internautes n’ont pas manqué de le repérer et de le lui signifier, indépendamment des sentiments politiques des uns et des autres.

Et puis, contrairement aux masses populaires des zones rurales qui gobent facilement à longueur de journée les discours des hommes politiques, les jeunes béninois (ceux pour qui Internet n’est vraiment pas un luxe) qui traînent sur Facebook et Twitter ont un certain esprit critique bien affûté (pas tous, c’est vrai, mais une bonne partie quand même). Voici l’extrait d’un billet de blog écrit par un jeune béninois qui vit en Belgique.

Les réseaux sociaux ne sont pas en reste, cette couverture médiatique subite des différents candidats sur la toile en dit long. Parmi eux, il y en a qui du jour au lendemain se sont découvert des talents de donateurs à travers des structures créées spécialement pour l’occasion et dont on entendra plus parler une fois les élections finies. Il y a aussi ceux-là qui font semblant d’être proches de cette jeunesse-là à travers des statuts ou des publications à dormir debout. Il y a aussi ces jeunes-là qui pour un billet bleu sont prêts à relayer ces inepties sur les réseaux dans le but de dynamiser l’image de leurs soi-disant challengers.

C’est le même esprit qui caractérise cette publication (voir ci-dessous) d’un autre jeune qui semble s’étonner de l’intérêt que les politiciens ont commencé soudainement à accorder aux réseaux sociaux. Il ne manque pas de les prévenir d’ailleurs.

En définitive, les politiciens béninois ont bien pris leur quartier sur les réseaux sociaux. Indubitablement, comme dans d’autres pays avant le Bénin, une bonne partie de la campagne des prochaines élections notamment les présidentielles va se jouer sur Facebook, Twitter ou encore Google+. Et à mon avis, on peut y voir deux intérêts. D’abord, les prétendants à certains postes de responsabilité sont facilement accessibles. On peut s’adresser à eux frontalement et publiquement. Souvent, ils réagissent. Transparence et crédibilité obligent. D’autre part je présume que ça ferait de l’emploi pour des jeunes. J’imagine que pour assurer leur présence en ligne, les hommes politiques doivent recourir aux services de jeunes gens (comunity managers comme on les appelle) qui maîtrisent ces outils.


Quand le Printemps des poètes s’installe à Cotonou

Conférences, ateliers, jeux-concours, expositions, vont se succéder tout ce mois à l’Institut français du Bénin. Dédié à la Francophonie, le mois de mars est le moment de célébrer la langue française. C’est donc à juste titre que l’Institut français a concocté un programme spécial pour l’occasion.

L’événement organisé par un collectif de jeunes auteurs s’inspire du Printemps des poètes célébré en France et à Québec. Ce 6 mars 2015, les poètes ont donc pris d’assaut le lieu. Manipulateurs et fantaisistes des mots, ils ont donné libre cours à leur art, parfois dans une mise en scène théâtrale. Cette manifestation a toutefois débuté par un hommage au professeur béninois Fernando d’Almeida, poète émérite décédé deux semaines plus tôt à Yaoundé au Cameroun où il enseignait à l’université.

Puis, ce fut au tour du professeur Marc Aurèle Afoutou de donner le coup d’envoi de la manifestation devant un public enthousiaste composé de nombreux enseignants universitaires que le genre poétique n’attire que très rarement. L’enseignant n’a pas manqué d’adresser une pique aux parents d’élèves qui n’incitent pas lycéens et collégiens à s’intéresser à la chose littéraire. Il aurait souhaité les voir davantage dans le public. Pendant trois heures, c’était la fête des mots, enfin, du verbe.

Cette sorte de danse des mots « grand public » qu’était la « Nuit poétique » a fait de la place également aux artistes et surtout aux musiciens qui accompagnaient tous les poètes dans leur lecture de texte. Le tout dans une improvisation réussie. Toute la soirée ne fut que déclamations poétiques, slams, rythmes et verbes.

Afrique, femme et politique au menu

Comme dans les classiques de la poésie africaine, les grandes thématiques du continent ont été abordées. Tel texte rendait hommage àThomas Sankara ou à Patrick Lumumba. Kwameh Nkrumah, Jomo Kenyatta, ardents défenseurs du panafricanisme. Nelson Mandela a lui aussi été célébré.

Et en cette veille du 8 mars, la femme était à l’honneur. Mère, amante, fille, fiancée, battante, courageuse, homosexuelle, etc. , elle a été superbement célébrée. La « Nuit poétique » n’était pas exclusivement réservée aux poètes béninois. Des auteurs venus de France ont aussi participé à cette rencontre.

La politique s’était aussi invitée au spectacle à travers les mots. Entre métaphores animalières et habiles jeux de mots, poètes et slameurs nous ont renvoyé toute la soirée des images d’une jungle ou d’une République curieusement très proche de la nôtre. Pour sa première édition, on peut dire que le « Printemps des poètes » a réussi son coup d’essai.

 Retrouvez ici quelques poèmes dits lors de la soirée

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La liberté de la presse en recul au Bénin

Le Bénin perd 9 places dans le classement mondial 2015 de la liberté de la presse de RSF
Capture d’écran : Le Bénin perd 9 places dans le classement mondial 2015 de la liberté de la presse de RSF

L’organisation internationale Reporters sans frontières (RSF) a publié ce jeudi 12 février 2015, son classement mondial annuel sur la liberté de la presse. A la 75e place l’an dernier, le Bénin chute à la 84e perdant ainsi 9 places. De manière globale, on note dans ce nouveau classement une régression de la liberté de la presse partout dans le monde. Par rapport à 2014, bien évidemment. Cependant, certains pays sont restés bien à leurs postes. Habitués du haut du classement, trois pays nordiques tiennent ainsi le podium de cette année : Finlande, Norvège, Danemark. En bas du tableau, on retrouve également d’autres habitués de la position. C’est donc le Turkménistan, la Corée du Nord et l’Erythrée qui ferment la marche. En Afrique, suivant la tendance mondiale, de rares pays ont vu leurs indices s’améliorer. On notera cependant la bonne performance de la Côte-d’Ivoire et de la Tunisie (pays qui sortent de la crise), alors que la Libye et le Congo plongent. 

Comment le Bénin a (probablement) perdu 9 places ?

C’est une rechute pour le Bénin. Depuis quelques années, le pays s’est plutôt très bien illustré dans les classements successifs de Reporters sans frontières. Après avoir progressé de 12 places en 2012 et de 4 rangs en 2013, le pays a occupé en 2014 le 16e rang africain et le75e rang mondial dans le classement de RSF. Cette année, il retombe à la 84e place mondiale et se classe au 19e rang africain. Derrière des pays comme le Sénégal et le Togo, respectivement 71e et 80e au classement mondial. Si la chute du Bénin est surprenante, elle s’explique pourtant. A ce propos, on peut retenir deux faits marquants. Il y a d’abord l’affaire Ozias Sounouvou. Ce journaliste de la télévision nationale avait profité de la présentation du JT de 23 h 30 du 12 janvier 2015 pour lancer un cri de coeur au sujet de la liberté de la presse sur les médias de service public. Il avait demandé au président de la République « d’ouvrir les antennes de l’ORTB pour des débats contradictoires » alors que ce dernier venait de participer à la marche républicaine à Paris suite à l’attentat de Charlie Hebdo. Une initiative qui n’a pas été suivie des réactions attendues par les autorités. Le journaliste et quelques uns de ses collègues auraient même été sanctionnés selon un article publié sur le site de RSF ce mercredi 11 février 2015, soit la veille de la publication du rapport. L’article fait également état des condamnations infligées aux journalistes John Akintola de L’Indépendant et François Yovo de Libération en 2014.

Le 16 octobre 2014, les télévisions privées Golfe télévisions et TV Carrefour ont été suspendues pour non- renouvellement de leur convention avec la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC). Bien que la suspension des deux chaînes de télé ait été levée depuis avant que leur situation ne soit réglée définitivement ce mercredi 11 février 2015 par la signature de nouvelles conventions, l’écran noir ne renvoie pas une image particulièrement heureuse de la situation des médias.
Dans une moindre mesure, l’on peut ajouter le vote du nouveau code de l’information et de la communication. Si le code comporte de nombreuses avancées en matière de liberté pour les journalistes béninois, il conserve cependant les peines privatives de liberté dans certains cas.

>> Découvrez le classement mondial de Reporters sans frontières :


Merci Angélique Kidjo de m’avoir rendu cette fierté d’être béninois

 

Angélique Kidjo avec son deuxième Grammy Award, dimanche 8 février 2015
Angélique Kidjo avec son deuxième Grammy Award, dimanche 8 février 2015

Il y a une semaine, mercredi 4 février 2015, j’étais avec mon ex-professeur de littérature. Pour ce qui lisent régulièrement mon blog, vous devez le connaitre. C’est celui-là qui m’avait accordé une interview sur ce blog à propos de ses ouvrages. Justement en parlant de lui et des ses oeuvres, il sort son nouveau premier roman le samedi prochain, 14 février 2015, jour de la Saint Valentin. Le titre de l’ouvrage : « Errance chenille de mon coeur ». Le rapport avec la date ? Ne me demandez pas. J’ai eu l’occasion et l’immense privilège de lire le roman en avant première. Pour cette chance, je redige un article sur le sujet qui arrivera juste après la sortie officielle du livre.

Bref, revenons à nos moutons. Donc ce jour mon professeur m’a raconté une anecdote des plus édifiants sur la situation de nous autres béninois. A 10 ans, le jeune garçon qu’il était en vacances chez son pasteur de père au Nigeria. C’est alors qu’un de ses nouveaux amis de circonstance lui demandait (en anglais bien sûr) d’où il venait. En version originale c’est : Where are you from ? Il répondit aussitôt dans l’anglais approximatif que pouvait sortir un jeune élève de son âge à peine flanqué du diplôme de cep et qui vient de recevoir ses premiers cours d’anglais en classe de sixième : I’m from Benin. Le mec en face s’étonna, et lui répliqua logiquement : « You are from Benin and you speak Franch like that ? » En fait le Nigerian ne concevait pas un de ses compatriotes puissent rouler à ce point la langue de Molière au point où le fesait mon prof à l’époque. Lui même ne comprit pas la réaction de son ami. C’est bien des années plus tard qu’il se rendit compte que son interlocuteur l’avait pris pour un ressortissant de Benin City une ville bien connue au Nigeria.

Cette petite anecdote pour vous expliquer comment les Béninois (et bien d’autres Africains d’ailleurs, mais je parle pour moi) peuvent être parfois peu connus ailleurs dans le monde.
Des années après ce que je peux appeler la mésaventure de mon prof, j’étais dimanche dernier devant ma télévision regardant la finale de la Coupe d’Afrique des nations de football. Evidemment, le Bénin n’avait même pas pris part à la compétititon pour espérer atteindre ce stade. Alors comme tous mes compatriotes j’étais là soumis au choix cornélien de soutenir soit le Ghana ou la Côte d’Ivoire. Deux équipes que j’avais supportées jusqu’à ce stade de la compétition. Si seulement le Bénin avait pu se hisser en finale, le choix aurait été plus facile pour moi. Heureusement quasiment au même moment, j’apprends que Angélique Kidjo ma compatriote, notre porte flambeau national remportait son deuxième Grammy aux Etats-Unis pour nouvel album « Eve » dédié aux femmes d’Afrique. Le premier Grammy, elle l’avait obtenu en 2007 pour l’album « Djin-Djin ». Les deux Grammys sont obtenus dans la catégorie Musique du monde. Quelle fierté ! Avec ce prix, combien de personnes vont pouvoir situer le Bénin sur une carte d’Afrique ?
Du coup, ce lundi matin, quand je vis la presse internationale et les journaux faire l’éloge d’Angélique Kidjo avec son deuxième Grammy, ma fierté d’être béninois monta à un certain degré. Et Angélique Kidjo n’est pas là à son premier coup. Récemment, elle a été classée parmi les 50 femmes les plus puissantes d’Afrique (Jeune Afrique) avec une autre compatriote, en la personne de l’ancienne garde des sceaux et ancienne ministre de la microfinance, Reckya Madougou. Une autre amazone qui fait la fierté de la #Team229. Ainsi, le lundi matin quand les Ivoiriens exprimaient leur joie dans les rues d’Abidjan pour avoir remporté la CAN 2015, moi aussi, dans mon coin, j’avais de quoi me rejouir en tant que Béninois. Ben voilà, il y a pas que les Ivoiriens qui célèbrent une victoire en ce mois de février. Nous aussi, on sait gagner des Grammy.
PS : Cet article m’a été un peu inspiré entre autres par « Cinq raisons de visiter le Bénin ». Billet écrit par un certain Morufux, blogueur béninois qui ne manque pas de talents. Un peu de chauvinisme de temps à autre, n’a jamais fait du mal à quelqu’un.


Bénin : les journalistes risquent toujours la prison

Le  jeudi 22 janvier 2015 était un grand jour pour les journalistes béninois. Après trois jours d’examen, les députés ont voté la loi portant code de l’information et de la communication en République du Bénin. Pour les hommes de la presse et des médias, cela signifie la fin d’un vide juridique et une meilleure organisation du secteur. En effet, le code qui vient d’être adopté apporte de nombreuses innovations dans le domaine. Par exemple, il y est clairement défini les critères pour être un journaliste au Bénin.

Article 20 du code :

« Est journaliste : tout titulaire d’un diplôme professionnel de journalisme délivré par une école ou un institut de formation en journalisme régulièrement agréé par l’Etat et justifiant d’une formation par la pratique pendant au moins deux ans ; tout titulaire d’au moins d’un diplôme de l’enseignement supérieur ou d’un diplôme équivalent et justifiant d’une formation par la pratique pendant au moins deux ans ; toute personne qui exerce l’activité de journalisme dans une entreprise de presse, soit pour le compte d’autrui, soit pour son propre compte ou toute personne qui a pour occupation principale la recherche, la collecte, la sélection, l’exploitation, la présentation d’information et en tire sa principale source de revenus ; toute personne qui exerce en qualité de correspondant de presse ou d’envoyé spécial d’un organe radiophonique ou audiovisuel étranger. La qualité de journaliste est attestée et constatée par la détention d’une carte de journaliste. Toutefois, les correspondants de presse ou les envoyés spéciaux se doivent en plus de leur carte de journaliste, de recevoir l’accréditation de la HAAC* ».

Outre cette précision importante, le texte prévoit également la création d’un « Fonds d’aide au développement des médias », organe chargé de gérer l’aide de l’Etat à la presse et aux médias communautaires. On annonce également un bureau de vérification de la publicité dont la mission est de faire appliquer les dispositions légales dans ce domaine, mais aussi en ce qui concerne le parrainage des émissions.

Lire aussi : Boni Yayi invité à être « Charlie » pour les journalistes béninois

Les  journalistes restent sous la menace de peines privatives de liberté

Malgré toutes ces innovations, ce n’est pas pour autant la fin du calvaire pour les journalistes béninois. Certes les députés ont fait des avancées en supprimant quelques peines privatives de liberté, mais certaines sont toujours maintenues. Et c’est là où le bât blesse. Dans le code voté, ces peines sont supprimées et remplacées par des peines
d’amende seulement en ce qui concerne les délits d’opinion et les délits contre les personnes. Mais elles sont maintenues pour la provocation aux crimes et les délits contre la chose publique. Pourquoi  n’avoir fait le travail qu’à moitié, alors que les journalistes ont toujours milité pour réclamer la suppression totale de ces peines d’emprisonnement ? Les journalistes demeurent toujours donc sous la menace de la prison, même si celle-ci est un peu plus allégée désormais.

Rappelons que le 26 juin 2014, Reporters sans frontières avait publié un communiqué dans lequel l’organisation de défense des journalistes disait s’inquiéter de « la dégradation de la liberté d’information au Bénin ». Le communiqué faisait suite à la condamnation à trois ans de prison avec sursis de John Akintola, directeur de publication du journal « L’Indépendant ». Le journaliste était alors accusé d’avoir offensé le chef de l’Etat. L’article controversé faisait état du possible financement illicite des déplacements à l’étranger du président Boni Yayi grâce aux fonds de la société béninoise d’électricité (SBEE). 

 

*HAAC= [Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication], l’équivalent du CSA en France


Boni Yayi invité à être « Charlie » pour les journalistes béninois

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François Hollande serre la main du président du Bénin Boni Yayi, venu pour la marche républicaine, le 11 janvier 2015.

Le dimanche 11 janvier 2015, le président du Bénin Boni Yayi était l’un des six chefs d’Etat africains à marcher à Paris au milieu d’une soixantaine de dirigeants venus du monde entier lors de la marche républicaine contre le terrorisme. C’était quelques jours après l’attentat à la rédaction du journal satirique français Charlie Hebdo. Vue du continent, la participation des chefs d’Etat africains (tous francophones) a suscité la polémique (à l’exception notable de celle de IBK, le président malien). Mais il semble que celle-ci ait ouvert un boulevard aux journalistes pour réclamer plus de liberté d’expression sur le continent. C’est de toute évidence le sens que l’on peut donner à la nouvelle qui fait actuellement le buzz au Bénin.

C’est tombé comme un coup de théâtre. Jamais personne n’aurait imaginé un journaliste de la première chaîne de télévision publique se rebeller de cette façon et en direct. Pourtant, hier, lundi 12 janvier 2015, alors qu’il présentait le journal télévisé de 23 h 30, Ozias Sounouvou, le journaliste de l’ORTB (Office de radiodiffusion et de télévision du Bénin) n’est pas allé pas quatre chemins pour exprimer son désarroi face à sa situation et celle de ses collègues. Alors que le reportage sur la participation de Boni Yayi à la marche républicaine venait d’être diffusé, avec adresse, il a interpellé le président de la République lui demandant également d’être « Charlie » pour les journalistes de l’Office.

Voici l’intégralité des propos d’Ozias Sounouvou :

 « Être heureux et fier du sens de l’engagement de Boni Yayi devenu Charlie pour la liberté de presse en France et à l’international. Comme on aurait aimé pour aller au bout de cet engagement,que le chef de l’Etat devienne Charlie-Ortb. Charlie-Ortb pour la liberté de presse sur le service public de l’audiovisuel au Bénin ; liberté de presse qui rime avec ouverture des antennes de la télévision nationale aux vrais débats, sur les grandes questions politiques et autres qui engagent le présent et l’avenir de la Nation. Monsieur le président de la République, sauvez la liberté des journalistes à l’ORTB précieux héritage de la conférence nationale entre autres et entrez dans l’histoire. Pardon pour cette impertinence, n’est-ce pas là aussi l’esprit Charlie. Clause de conscience et devoir républicain obligent. Monsieur le Président de la République, vous êtes notre recours, rendu obligé ce soir après trois pétitions infructueuses des journalistes de l’ORTB, pour le retour de la liberté de presse sur le service public. Nous voulons juste faire notre métier et prendre notre part à la construction de la République. Vive le service public de l’information sur la chaîne publique ! Vive la république !  » 

 

Depuis, c’est le branle-bas dans l’actualité nationale. Dans la presse et surtout sur les réseaux sociaux, le sujet est l’objet de toutes les conversations. Certains Béninois craignant que le journaliste soit sanctionné pour son impertinence ont d’ailleurs commencé à lancer plusieurs mouvements de soutien à son action sur Facebook. Ils ont repris à leur compte le slogan inventé par Jochim Rocin en l’adaptant au contexte local. Ainsi, les slogans #JeSuisOzias et #CharlieOrtb sont devenus des mots-clés très populaires ces dernières heures sur Facebook et Twitter. En moins de 24 heures, la page « 10 000 j’aime pour Ozias Sounouvou » a déjà rassemblé plus de 2 500 adhérents. Celle baptisé « Je suis Ozias Sounouvou » est aussi « aimée »Organisations de la société civile, hommes politiques, juristes, confrères journalistes et autres personnalités ne cessent d’apporter leur soutien au journaliste.

Sur les réseaux sociaux, l’on salue son courage et sa bravoure. Pour le moment, aucune réaction n’a encore filtré ni de la direction de l’ORTB ni du gouvernement béninois visiblement embarrassés. Wait and see.


SOS, béninoises cherchent copains pour le 1er janvier

Plus que quelques heures, et l’année 2014 sera conjuguée au passé. La particularité des périodes de fin d’année, c’est qu’elles sont remplies d’histoires singulières. Celles relevant des relations entre hommes et femmes en ces temps sont encore plus particulières. Dernièrement je suis tombé sur deux ou trois choses qui ont particulièrement attiré mon attention et inspiré cet ultime billet de 2014.

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Un. Le weekend dernier  j’étais  avec une copine. Fort logiquement, nos discussions s’étaient portées sur les préparatifs des fêtes de fin d’année. La chose était normale à la veille de ce nouvel an. Puisque chez nous le passage dans la nouvelle année est  forcément une occasion de grandes festivités. Elle m’expliqua alors que le constat quelle a fait montre que vers la fin de l’année, les garçons ont tendance a fuir les jeunes filles. « Même ton gars fixe fait semblant de ne pas décrocher  tes appels », m’a t-elle confié. Avant d’en arriver là elle m’avait déjà expliqué les impératifs qu’il faut pour sortir avec elle le 31 décembre ou le 1er Janvier.  Pour mériter sa compagnie il faut lui payer un pagne et le fait coudre. Meches bijoux et chaussure doivent accompagner au minimum.
Comme l’a su si bien chanter un groupe ivoirien : « En décembre, les filles ont deux choses dans la têtes : comment fêter le 25 et le 31 décembre… ! »
Deux. Je me baladais dans l’un des nombreux groupes où j’ai l’habitude de fouiner sur Facebook quand je suis tombé sur ce drôle de publication. Une sorte de déclaration d’amour très intéressée que le destinataire même à du mal à y croire.
C’est une épidémie d’amour contagieux en décembre ???
Message reçu ce matin à 05 heures 37 minutes sur mon portable :
« Bjr chéri. Cmen sva ? Tne pens plu à mw. Mw jntè pa ublié. T7, cè tw ki a été le héros 2 mè rêv 7 n8. Jè adoré. Tu ocup tjr mè penC ! Bb, on ve fêté cmen ? Papa Noël è paC chmw la n8 mdir kil ta confié mon Kdo de fête. Jtaten hein ! Bizzzzzzzz »
Essaie de traduction pour les plus réfractaires au langage SMS : « Bonjour chéri. Comment tu vas ? Tu ne tiens plus à moi. Moi, je ne t’ai pas oublié. Tu sais, c’est toi qui a été le héros de mes rêves cette nuit. J’ai adoré. Tu occupes toujours mes pensées! Bébé (chéri), on veut fêter comment ? Papa Noël est passé chez moi la nuit me dire qu’il t’a confié mon cadeau de fête. Je t’attends hein! Bisous »
Trois. Je sus que l’affaire était sérieuse lorsque je me retrouvé nez-à-nez avec cette autre publication sur Facebook émanant d’une amie que je connais très bien pour son analyse très pointue de certains faits et phénomènes de société (et plus). Faites un tour sur son blog vous-même pour vous en rendre compte. C’est chaudement recommandé par moi. Mylène Flicka semble être scandalisée (elle rouspétait quoi) par une réalité qui relève pourtant d’une évidence certaine.

J’avais à peine entamer la rédaction de ce billet qu’à la faveur d’un tour sur Mondoblog, je tombai sur l’obligation d’esquisser les gos sexy de Lomé en décembre. Un billet signé de mon ami Roland Eli qui aborde le même phénomène. De la Côte-d’Ivoire, il y a cet article de Mariette Yao et cet autre de Kahofi Suy dit Môgôba qui traitent du même phénomène. Je devrais terminer pas une bonne fessée aux filles béninoises qui passent au rabais en cette période de fin d’années. Mais finalement je préfère ne pas les livrer à la vindicte populaire. Il s’agit bien d’un phénomène très général. En tout cas, en Afrique de l’Ouest au moins…


Ce que le « braquage de Noël » nous apprend sur nous et sur notre Police

A Cotonou, la nuit de la nativité a viré au drame dans le quartier de la Cité vie nouvelle à Akpakpa. Deux jeunes adolescants ont été touchés par des balles de la Police alors que cette dernière fesait une opération pour retrouver des braqueurs ayant dépouillé un militaire plus tôt dans la soirée. L’un des jeunes gens est mort. Le second est toujours hospitalisé au Centre national Hospitalier Universitaire Hubert Maga de Cotonou. Plusieurs versions de l’histoire circulent. Chaque partie essayant évidemment d’accuser l’autre. La Police dit avoir identifié les jeunes garçons de 18 ans à peine comme les braqueurs et que ces derniers les ont opposé une forte résistance durant leur interpellation. D’après la Police, c’est d’ailleurs dans un échange de tirs que l’un d’eux a été mortellement atteint et le second grièvement blessé. Du côté des parents de la victime et de soi-disant témoins de la situation, on parle d’exécution sommaire, de tir à bout portant, etc. Certains témoignages rapportent que les jeunes ont été criblée de balles alors qu’ils étaient menottés et sous le contrôle de la Police.

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Pour ma part, à ce jour, la situation reste totalement flou. On ne peut dire à ce stade de manière absolue toute la vérité sur ce qui s’est passé. Mais à la lumière des faits et des réactions qui ont suivi (dans les médias, et surtout sur les réseaux sociaux), il ressort quelques leçons que nous devons tirer sur notre société et sur notre Police nationale. Je précise que cet article n’a pas de partie pris dans une affaire que personnellement, je considère encore comme très loin d’être élucidée. J’analyse des faits, et à la lumière de cette analyse, appelle chacun de nous à voir en face une réalité mal connue mais pourtant très évidente.

Notre Police, ce machin toujours en proie avec ses démons

Décidément la Police nationale est en mal de reconnaissance. Cette année, ce que l’on retient de plus d’elle, c’est le grand nombre de ses éléments tombés sur les balles de braqueurs (des braqueurs confirmés) et son incapacité affichée à faire face aux défis de sa propre sécurité. A l’heure où j’écris ce billet, me reviennent les images de policiers gisant dans leur sang tournés en objet de buzz sur les réseaux sociaux (Whatsapp, Facebook). D’ailleurs permettez-moi d’exprimer ici mon incompréhension vis-à-vis de la capacité des Béninois à pouvoir se moquer à tel point de la Police nationale, celle qui est chargée d’assurer notre sécurité quand cette dernière vit des heures difficiles. Je pense aux familles de ces policiers tombés et je suis tenté de m’éprendre de compassion pour ce corps pour le quel je n’ai même pas une grande admiration. Mais là n’est pas le sujet de cet article.

Aujourd’hui face à ce drame qui suscite l’indignation, beaucoup de gens s’acharnent dans tous les sens. A la télé, à la radio, sur les réseaux sociaux, dans les conversations les plus banales, elle est au coeur des échanges. Dans la plupart, elle est pointée d’un doigt accusateur. A-t-on raisons de s’en prendre à ces éléments à ce point ? A priori, non! Mais n’a-t-elle pas elle même donné l’arme pour se faire abattre pour rester dans le cadre d’une image qui se colle au contexte guerrier de la situation. Là encore, je suis tenté de répondre par l’affirmative. Il est un fait que la Police nationale n’a pas une très bonne réputation dans l’opinion publique. Mais pourquoi au lieu de travailler à assainir leur image, ils doivent s’enfoncer chaque jour ?!

Venons en aux faits. C’est le braquage d’un militaire de la garde république qui aurait mis les Policiers du commissariat de Tokplégbé sur la piste des braqueursM mais l’homme agressé, d’après les images que j’ai vues et les propos rapportés par l’intéressé lui-même a reçu des balles d’un fusil artisanal dans les fesses. Certes, ça a suffi pour lui prendre sa moto et le dépouiller. Mais il n’en est pas mort. Mieux, il a pu se rendre au commissariat avant d’aller au soin. A partir de ce moment, les policiers savent qu’ils sont en position de force, et même si, échanges de tirs il y a eu comme l’avance la Police, je pense en toute naïveté qu’il y aurait pu avoir un moyen de neutraliser les dits braqueurs sans pour autant aller à cette fin extrême.

Le jeune âge de la victime, le fait qu’il n’aurait pas d’antécédents de délinquance avéré, le statut de son géniteur (on y reviendra plus loin), la période dans lequel l’événement est intervenu et plusieurs autres éléments circonstantiels ont pu sans doute activer l’indignation de certaines personnes. Mais en attendant que l’histoire soit élucidée (une enquête est en cours), ce cas vient remettre au devant de la scène des situations qui ne nous interpellent pas toujours alors que cela devrait. En effet, combien de fois ne nous a-t-on pas présentés des individus abattus par la Police présentés comme des malfrats sans que personne n’y trouvât aucun inconvénient quand bien même le crime de ces derniers n’est pas clairement défini.

Maintenant q’un jeune garçon tombe sous les balles de la Police et qu’une partie de la population pense qu’il s’agit d’une bavure policière, pensez aussi à  tous ces corps que la Police se plait à nous exhiber devant les caméras de la télévision comme étant ceux des malfrats abattus alors qu’on ne sait généralement de quoi il s’agit concrètement. Je parie fortement que des personnes qui ne méritaient pas forcément cette fin ont pu malheureusement subir ce sort sans que personne n’y voit aucun inconvénient. Pensons aussi à tous ces médias qui ne savent toujours pas faire la part des choses. Ici, dès que la Police en arrive à appréhender quelqu’un on ne lui prête même pas le statut de « présumé ». Il est d’office accusé, voire condamné et présenté comme tel.

Cependant une question me taraude l’esprit depuis. Est ce l’âge d’un braqueur qui détermine sa dangerosité pour la société ? Parce que je remarque malheureusement que certaines analyses se limitent exclusivement à ce paramètre-là. Sur ce point, je n’en dirai pas plus.

Les Béninois peuvent s’indigner… mais !

J’ai souvent pensé qu’il était difficile pour nous Béninois de nous révolter contre notre situation. Je pensais toujours que pour nous, il suffisait de remettre tout dans les mains de Dieu et Le laisser faire à notre place. Avec les réseaux sociaux, je pensais que cet attitude attentiste et défaitiste ne fesait que grandir alors que ça devrait être le contraire. Mais j’avour que j’ai été agréablement surpris de la manière dont la mort du jeune homme a suscité les réactions d’indignation sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, notamment dans certains groupes très remarqués des analyses fleurissent de toutes parts. Les premières initiatives sont mises en places comme ce groupe Whatsapp créer exiger la vérité et former les usagers sur l’attitude à avoir face aux policiers accusés d’abuser de leur pouvoir. Deux marches et un sit-in sont projetés. Les deux marches doivent avoir eu lieu lundi 29 et hier mardi 30 décembre 2014.

Lire :  Autorités béninoises, connectez-vous…! 

J’étais surpris de lire dans certains journaux et dans les reportages à la télévision comme à la radio la façon dont on a traité l’élément notamment en insistant sur le statut du père de l’enfant disparu. Sur les réseaux sociaux Facebook et Whatsapp n’en parlons pas. A la télévision Canal 3 par exemple, on insiste particulièrement que la victime est le fils du Colonel à la retraite Camille Mitchodjèhoun et patatri patatra. Sur Soleil FM, l’exercice a été le même. Ce matin encore, j’ai lu cet article qui ne fait pas exception à cette mode. Certes la famille de la victime s’est précipitée de prendre un avocat et d’apporter sa version des faits aux médias, ce qui a sans doute permis d’alimenter davantage le débat mais…

La toile se mobilise pour exiger la vérité

Sur Whatsapp, et pour les besoins de ce billet, je me suis inscrit dans un groupe constitué pour, disent les administrateurs, exiger la vérité sur la mort du jeune Axel. Mais à l’analyse j’ai de plus en plus comme l’impression d’avoir affaire,  à des personnes en manque d’amour propre qui pensent pouvoir faire la révolution derrière l’écran de leurs smartphones à coups de « Il faut que la vérité se sache » etc… Je voudrais seulement ici leur rappeler que la révolution ne sera pas télévisée.

A l’analyse de tous ces éléments, je demeure perplexe quant à l’objet qui motive réellement notre indignation et notre scandalisation. A ce sujet, je n’ose même pas poster ma propre réflexion personnelle. Je partage avec vous ici une analyse (un questionnement) d’une des nombreuses personnes qui écrivent sur le groupe Yéhoutoché sur Facebook.

J’ai une question pour vous tous sinon pour nous tous les amis. Supposons que cet enfant disons plutôt cet adolescent, qui a été malheureusement abattu était le fils d’un pêcheur de Hindé 2, Ste Cecile ou Avotrou, la maman une vendeuse d’essence. Quelles seraient nos réactions sur cette toile?

Par extension, je pourrais aussi ajouter cette autre analyse tirée du même groupe de discussion

#‎Bavure‬ policière dites-vous? Vous parlez français oui…

Il s’appelait ‪#‎Axel‬ MICHODJEHOUN , avait 18 ans et donc était jeune, un avenir de ce pays. Il a été abattu froidement sans que ni pour la mouvance, ni pour l’opposition encore moins pour les hommes d’affaire , les magistrats et le célèbre juge en exil il n’y ait aucun problème.
Tant que c’est un jeune cela n’a pas d’importance aux yeux des politiciens de ce pays. Si c’était Joseph Djogbénou, Nicaise Fagnon ou Candide Azanaï ou encore Martin Assogba qui avait connu le même sort ils auraient tôt fait de voir en cette affaire un règlement de compte politique.

‪#‎Jeune‬ ,éteins ta télé et allume ton cerveau.

Tout porte à croire que cet incident serait arrivé à une  famille « moins gradée »  que cette mobilisation n’aurait pas lieu. Et oui! Mais comme on dit chez nous, « lorsque le feu brûle le toit du pauvre, il n’y a personne pour l’éteindre. Cependant, quand celui du riche homme s’enflamme, la foule accoure au secours ». Si cet épisode peut permettre d’assainir les relations entre la Police et la population, ce serait déjà un plus. Si elle va aussi renforcer la capacité d’indignation de la population et surtout des jeunes, quoi de mieux ?

Tout ce que je demande ici, en la mémoire du garçon mort, c’est que la lumière soit faite sur cette affaire. Non pas parce que son géniteur fut un haut gradé de l’armée mais parce chaque Béninois a droit à une justice équitable.