Warda

Quand soudain…

L’aventure quotidienne de Warda Mouldawa… Autofiction théâtroïde publiée initialement par épisodes sur facebook.
à Oumar Cisse, qui a milité pour le retour de Warda.
à Dany Laferrière, parce que raconter sa vie, ça peut être beau !
à Joann Sfar, parce que j’aimerais beaucoup rencontrer quelqu’un d’aussi drôle, mais pas marié et en plus jeune.


« Si je pouvais vous faire rire quelques instants à mes dépends, je me sentirais mieux : prêter à rire, il n’y a rien de plus généreux. » Romain Gary


Le retour de Warda
J’étais tranquillement planquée dans mon paradis fiscal, et puis, j’ai reçu un message : « Ton pays a besoin de toi. » J’ai eu la trouille.  J’ai cru que c’était le fisc, ou alors qu’il y avait eu une vraie révolution populaire en France. Mais non. Ouf. C’était Oumar Cisse qui me parlait de la patrie Mondoblog

 Bon, je suis d’humeur massacrante. Merci Oumar Cissé de m’avoir decryogénisée… J’attendais penarde le Grand Soir, et je me trouve dans une ville bondée de touristes qui envahissent MA terrasse de café préférée. Bande de noix.  Comme si vous pouviez pas aller chez Mac Dobeurk ou à la piscine ! … Ah, enfin, y en a un qui me laisse une table… Chut, là !  On s’entend pas réfléchir. … Oui, bon… bonjour monsieur.  Si… Si la chaise est libre ? Oh, mais… Oui. Oui. Je vous en prie. Ah vous asseoir avec moi?  Voui… Une thèse de lettres modernes   !  Il fait beau, n’est-ce pas? …  Et c’est une thèse sur quoi?… Oooh…  Ah, oui, oui, héhé, j’aime beaucoup les BD…  Mais, je lis aussi des vrais livres, hein! … Comment? … Si… Si superman est juif?  Hem… A dire vrai, je ne me suis jamais posé cette question…  Heu… Mais on peut regarder sur internet pour être sûr… Voilà, voilà… Ah, vous attendez votre maman…  Elle a de la chance…  Heu… Non, non, rien… Oui, bonne journée! Merci! Oui, vous aussi! … 


Accueillir Warda en résidence de création – fiche technique

Composition de l’équipe
Warda Suzanne Mouldawa
le tapis en laine artisanal
le totebag Tabernak je lis Jack Kerouak
la bougie en cire d’abeille
l’huile essentielle de lavande
la théière
la couette
les livres

Besoins techniques
Mangues – citrons -thé – pain aux noix – café – bananes – lait de coco – coriandre – patates – riz – oignons – cumin – raisins secs
électricité
eau chaude
endroit pas excentré ni trop bruyant, garni de plantes
piles
accès illimité dans au moins un café au choix de l’équipe
Un vélo avec sacoches

Médiation en lien
ateliers radio tous publics

Lieux de prédilection
ville de bord de mer, port, île

Lieux déjà appréciés de l’équipe
Madagascar, Maroc, Marseille, Martinique, Sète, Sicile

Lieux possibles
Partout


Quand soudain… Warda en vacances
Warda – air perplexe, a rêvé d’une Shérazade chantant « retiens la nuit » dans un cabaret berlinois. Se dit qu’elle devrait consulter les avis de son équipe psychanalytique tourangelle. Au totebag – Dis, tu peux te connecter telepathiquement aux autres ?
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – quasi vexé – Pfou, oui, quelle question ! – se concentre – Allô… Allô… Jacques Kapok pour madame Sarfati… Je répète… Kapok pour Sarfati…. À vous…
@@@ tiiii tititi… Iiiiuuuuu…. Rrrrrr cccrtt crrrt…@@@
Le tapis en laine artisanal – Allô, Sarfati pour Kapok… À vous, Kapok…
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Sarfati, quelles nouvelles de la base ?
Le tapis en laine artisanal – le type qui ressemble à Jürgen Klopp est venu arroser les plantes et leur faire la lecture, mais nous, bernique.
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Je transmets Sarfati. Sarfati, pouvez vous réunir l’équipe psychanalytique maison, c’est pour une comédie musicale ?
L’huile essentielle de lavande – en fond – Té, tête de noeud, tu crois qu’on joue aux boules sur la terrasse ?
Le tapis en laine artisanal – à l’huile essentielle de lavande – Süskind, si vous souhaitez participer à la conversation, annoncez-vous…

Quand soudain…
Une terrasse, à une table, trois membres du Club des Frites, particulièrement désœuvrés. Un distributeur automatique de sous.
Une femme brune à poitrine plantureuse passe.
Beauf 1 – Oh, 10 direct
Beauf 2 – se rince l’oeil – 10 ! 
Beauf 3 – claque du bec – 10,5 !
Warda – se dirige vers le distributeur
Une femme blonde en salopette passe.
Beau 1 – 5
Beauf 2 – Oh, tu es dur 6 !
Beauf 3 – 5.75 !
Rires gras.
Warda passe devant la terrasse.
Beauf 1 – 7 !
Beauf 2 – regarde la face B de Warda – 9 de ce côté là !
Beauf 3 – 7,45 !
Warda – s’arrête devant la table, lève ses lunettes de soleil, au serveur – Boh… 4 pour le tout, et gardez la monnaie…

Quand soudain…
9h. Sète, terrasse devant les Halles. Une table avec 3 messieurs grisonnants. Une table avec un monsieur qui ressemble à Karl Marx et qui lit Midi Libre. Une table avec Warda qui petit-dejeune un chausson aux moules. Un sémillant serveur qui fait des 8 entre les tables, le plateau arrimé sur la pulpe de ses doigts.
Monsieur grisonnant – Ro-yal ! Même impérial !
Autre monsieur grisonnant – Alors, c’est meilleur qu’au four, comme ça ?
Troisième monsieur grisonnant – Et ta femme, alors, elle en pense quoi ?
L’autre monsieur grisonnant et le troisième monsieur grisonnant – pouffent
Monsieur grisonnant – Oh celle-là, hein, qu’elle reste dans sa cuisine, et qu’elle me laisse sur ma terrasse ! – au serveur – Oh, gamin !
Le sémillant serveur – dépose un double café à Warda, hausse un sourcil en voyant le chausson aux moules
Warda – ‘Merchi’ !
Le sémillant serveur – poursuit sa course vers les messieurs grisonnants
Autre monsieur grisonnant – Ramène trois nouveaux cafés, tu seras gentil.
Le sémillant serveur – au monsieur grisonnant – Alors, comme ça, tu as rencontré miss France ?
Le monsieur qui ressemble à Dany Laferriere – traverse l’espace scénique de cour à jardin, à la manière d’un mérou somnambule.
Le monsieur grisonnant – fier – Et comment, que je l’ai rencontrée !
Autre monsieur grisonnant – Et alors, tu lui as montré ton beau jardin ?
Troisième monsieur grisonnant – Elle a passé la cuisine ?
Tous – pouffent
Arrivee d’un dernier monsieur grisonnant
L’autre monsieur grisonnant – Aah ! Voilà le jeune et beau !

Quand soudain…
France Culture –  » … Structuralisme-han… Bonjour-han…Warda – Aaaah !!!  – air prostré
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – soupir…
@@@ tititi tiiii liuuuu… Crrrt crrrt…@@@
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Kapok pour Sarfati, je répète, Kapok pour Sarfati ?
Le tapis en laine artisanal – Ici Sarfati, je vous écoute Kapok !
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Retour difficile, nostalgie du bain de mer et linguistique prévisible, billet de train retrouvé
Le tapis en laine artisanal – air grave – Mmmh… Risque de Sehnsucht avec objets… Ramenez des tielles ! »

Quand soudain…
Un troupeau de touristes paissant tranquillement place du Pouffre
Le Vieux qui peste derrière son journal – Ah ! Non mais, ‘gadez moi ça ! ‘gadez-moi ça ! C’est une tenue, ça, pour se promener en ville ! Est ce qu’ils se déguisent pareillement pour aller travailler ?
Warda – dans son T-shirt à pois noirs et blancs, slurpe avec une joie sournoise une citronnade – Probablement…


Quand soudain…
Warda et le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – airs tous fiers
Le livre Des Poches sous les yeux – plein d’espoir – Vous avez reperdu le billet de train ?
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Non, mais… On s’est fait traiter de bobos !


Quand soudain… Couleur café
Warda – écoute avec la discrétion la plus extrême la conversation de la table d’à côté.
Le jeune homme à barbe – parle un anglais hésitant entre celui de Warda et de Giscard
Warda – émerveillée – ça alors ! Je comprends tout !
La jeune femme qui prend du Fervex – parle un anglais avec accent américain
Warda – tend l’oreille
Le jeune homme au porte-clef ISTANBUL – s’assoit de l’autre côté de Warda – Un café sans le sucre, s’il vous plaît. Avec ce n’est pas bon ! 😊
Warda – émerveillée – Un connaisseur…
Le jeune homme au porte-clef ISTANBUL – slurpe son café
Warda – slurpe le sien
Ils se sourient
***Voix off : « Comment ça, « merde alors » ? But toi are French ?!  » ***


Quand soudain… Dans le train
Voix SNCF – « Notre train est arrêté en pleine voie, des blocs de béton ont été posés sur la voie. Pour votre sécurité, merci de ne pas tenter d’ouvrir les portes.
Les voyageurs – grognent, ronchonnent, gros-motent
Le livre Des Poches sous les yeux – tout fier – Y sont vachement fort à Radio Béton.
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Ben, c’est juste dommage d’avoir visé la rase campagne bordelaise… Gare de Sète, c’était plus commode.
Warda – Chuuut … Pas trop fort, on va encore dire que c’est de notre faute !
Tous – regardent avec effroi le type au T-shirt stade français, qui mâche un sandwich jambon de pays en disant plein de gros mots, même à ses enfants

Quand soudain… Un air d’Italie…
Voix SNCF – « Mesdames, messieurs, il s’agit d’un morceau de parapet, qui s’est détaché du pont routier… – sans aucune conviction – des jeux et coloriages sont à disposition en voiture 3…
La dame a l’air pincé qui sert son sac à main – vient pour la Xième fois fermer la porte automatique cassée en faisant « Rhoooo ». La coince.
Un type dodu – lutte pour ouvrir la porte en faisant « pfffffff » L’ouvre à moitié.
Des tas de mères avec des sales gosses braillards se faufilent de profil jusqu’au WC.
Des thermos de café apparaissent. Le Radeau de la méduse est dans tous les esprits. Il va falloir rationner les bananes…

Quand soudain…
Warda – s’engouffre dans le premier train complet pour Tours, après avoir entendu un contrôleur dire qu’il arrivait voie 3. Tire sa valise obèse à l’étage du wagon, la range soigneusement, puis se calfeutre sur la petite banquette inter-wagons.
Soudain, une arrivée torrentielle de touristes en sandales et à valises obèses. Flot ininterrompu de l’escalier à la voiture 16, sombres histoires de places usurpees. Sur le quai un enfant qui braille. La mère tire la valise d’une main, l’enfant de l’autre. Il entrent voiture 16.
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Horreur !
Ils montent à l’étage.
Le livre Des Poches sous les yeux – Horreur !
L’enfant – hurle sans discontinuer et sur la même note, en AAAAH. Il fait parfois des variations en HIIIIINNN.
La mère – largue l’enfant sur la banquette à côté de Warda – Je vais ranger la valise. Attends moi là.
L’enfant – HIIIIINNN !!!
Warda – Horreur !
L’enfant – regarde sa mère s’éloigner en hurlant. Puis s’arrête. Il tâte Warda de ses mains potelées. Puis commence à s’endormir dessus.
Warda – soupire, prenant son rôle de coussin au sérieux, tend les bras vers la droite pour continuer sa lecture.
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – sur les genoux de Warda, jaloux – Tssss… Non mais quel sale gamin !
La mère – réapparaît, s’assoit sans ménagement à côté de l’enfant
Warda – poussée contre la cloison, dont sa joue épouse la moquette grise – Outch ! – tend le livre Des Poches sous les yeux à bout de bras
Le livre Des Poches sous les yeux – au totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Je vole, Sac ! 


Quand soudain… En Biocoop
Warda – le bec enfariné, accroché un sac en papier sous le distributeur de lentilles vertes
Un jeune homme en espadrilles – accroche un sachet en papier au distributeur de boulgour
Warda – regarde le jeune homme en espadrilles
Le jeune homme en espadrilles – regarde Warda, lui sourit
Le boulgour – deborde du sachet – chhhiiiiiiiiiiiiiii…
Warda – Perdu !


Quand soudain…
La Voisine – à son poste, voit poindre Warda à l’horizon sur le vélo Carmen Cru sans freins
Warda – freine avec ses pieds, passe à une allure modérée devant la Voisine – frrrrrrrrrrrrrooooooottttte…….
La Voisine – suit des yeux la trajectoire de Warda
Warda – a mal évalué sa distance de freinage, collision avec les poubelles – BONK ! – recule, frotte son pantalon et son pull pour se donner une contenance
La Voisine – Comment qu’ça s’fait qu’t’as r’sorti c’t’épave !? Et l’aut’, que t’as ramené, y a deux jours de ça, qu’est-ce t’en nas fait donc ?
Warda – toujours à cheval sur le vélo Carmen Cru, le front bas – C’est que les pneus de l’autre sont tous dégonflés…
La Voisine – Et le tricycle ? – comprendre : le vélocity
Warda – frissonne d’horreur – Oh, celui-là ! Je l’ai ramené d’où il venait !
La Voisine – T’as bien raison ! Faut pas s’laisser emm…der !


Quand soudain…
Le tapis en laine artisanal – Je suis celui qui a les plus beaux cheveux !
Les autres – admiratifs – Oooh…
L’huile essentielle de lavande – Je suis celle qui a le parfum le plus envoûtant !
Les autres – Oooh…
La bougie en cire d’abeille – Je suis la plus lumineuse !
Les autres – Oooh…
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Je suis celui qui attire tous les compliments !
Les autres – Oooh…
La couette – Mi, chu la plus chaleureuse !
Les autres – Oooh…
Les livres – Nous sommes les plus instruits !
Les autres – Oooh…
La statuette en bois de rose – Je suis la plus précieuse !
Les autres – Oooh…
Warda – heu… – l’assemblée attend – Je… Heu… La Voisine m’appelle Priscilla.
Les autres – Oooh…


Quand soudain…

Warda – regarde avec plaisir ses nouveaux coussins
L’huile essentielle de lavande – air jaloux – Ah, tout nouveau, tout beau !
La couette – air jaloux – In n’est pu chez soi !
Warda – tapote les coussins d’un air satisfait
Le tapis en laine artisanal – Oy ! N’ai je donc tant vécu que pour cette infamie !
La bougie en cire d’abeille – air jaloux – Puisque c’est comme ça, allons-nous en, puisqu’on est de trop !
Tous – se traînent et se roulent au fond du couloir.
Un temps
La bougie en cire d’abeille – Voilà, voilà… On est partis, on a tout laissé…
Un temps
L’huile essentielle de lavande – Mais… C’est qui fait tout noir ici…
Le tapis en laine artisanal – froussard – Je vous interdis d’en parler !
Ils se serrent les uns contre les autres
Warda – On peut savoir ce que vous fabriquez là bas
Airs honteux
Le tapis en laine artisanal – On… On jouait à la ségrégation socio spatiale !
Warda – …bof…
L’huile essentielle de lavande – Mais on allait justement revenir !


Quand soudain… Psychanalyse
France Culture – « … Freud a donc vécu ses derniers jours sur un divan…  »
L’huile essentielle de lavande – au tapis – Oh, monte le son, tu veux ?
Le tapis en laine artisanal – s’exécute
France Culture – « … Il avait recouvert LE divan d’un kilim… »
Le tapis en laine artisanal – tout fier – Quelle passionnante émission !
France Culture – « … Il règne une odeur très particulière dans cette pièce, peut être est-ce les livres…  »
Les livres – Ah !
France Culture – « Ou le tapis… »
Le tapis en laine artisanal – Ah !
France Culture – « Ou les cigares… »
La bougie en cire d’abeille – Ah !
France Culture – « Je suis fasciné par cet endroit… »
Tous – airs fiers et importants

Quand soudain…
Le tapis en laine artisanal – Bon moi, je fais le divan.
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Moi, je fais l’hystérique !
Le tapis en laine artisanal – aparté – On s’en serait douté…
La bougie en cire d’abeille – Mais qui fait Sigmund, alors ?
Le tapis en laine artisanal – coule un regard vers l’huile essentielle de lavande – Oh, il faut quelqu’un qui n’a pas peur des questions indiscrètes…
L’huile essentielle de lavande – Oh, mais c’est tout moi, ça !
La bougie en cire d’abeille – … Bon… On va pas faire dans la dentelle… Moi je fais le cigare.
La couette – Et mi, ch’peux faire la Bonaparte, astheur ?

Quand soudain…
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – se contorsionne sur le tapis en gémissant – Ah ! … Ah !
Le tapis en laine artisanal – aparté – Le Cri de Munch doublé de notre dame des sept douleurs, ça promet.
L’huile essentielle de lavande – air docte et appliqué – Bien… Bien, bien, bien… Parlez-moi de votre mère…
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Ah ! Quelle femme ! Je l’admire ! Je lui dois tout ! 
La bougie en cire d’abeille – … Mais t’es un sac !
L’huile essentielle de lavande – agacée – Oh, merde, le cigare, là ! Tu viens de casser mon transfert !
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – voix de starlette – Ah oui, hein ! Ça va pas aller comme ça, hein ! Je vous préviens, si on m’interrompt toutes les cinq minutes…
Le tapis en laine artisanal – moqueur – Son rôle l’habite.
La bougie en cire d’abeille – sent que ça tourne vinaigre – Bon, je ne dis plus rien, allons-y.
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – vindicatif – De toute façon, les cigares, ça parle pas. Et toc.
L’huile essentielle de lavande – Bien… Vous parliez donc de votre mère… Pouvez vous la décrire ?
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Une grande belle femme brune, en coton bio tissé-teint, sérigraphiée, une pièce rare… D’une grande valeur…
L’huile essentielle de lavande – Bien… Quels étaient vos rapports ?
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – C’est difficile à décrire…
L’huile essentielle de lavande – Bien… Alors si ça peut vous aider, prenez cette peluche et adressez vous à elle comme à votre mère…
Le tapis en laine artisanal – Mais ça c’est gestalt thérapie… Tu melanges !
L’huile essentielle de lavande – vexée – Ah, je mélange ? Je mélange ! Eh bien, ça fera 50€ et c’est tout pour aujourd’hui !


Quand soudain…
Le type aux cheveux gras – air salace – « Et vous alors, vous faites quoi, pour déconcentrer l’adversaire ?
Warda – impavide – Je parle.
Le type aux cheveux gras – condescendant – Ah, vraiment ? Et s’il est sourd ?
Warda – gracieusement – À Dieu ne plaise !
Le type aux cheveux gras – visage peint d’incompréhension – … ?
Warda – amusée – N’est-ce pas ? – lève son verre en direction du type, slurpe une gorgée, œil rieur
Le type aux cheveux gras – …


Quand soudain…
La Voisine – C’est qu’tu dois êt’ bien tranquille, toi, là-haut ! Avec l’aut’, là, qu’est parti en vacances !
Warda – considère le petit voisin du dessous qui hurle à la mort de préférence entre 4h57 et 6h23 et de 23h01 à 00h26 – C’est relatif…
La Voisine – Il est parti au bled pour se marier !
Warda – curieuse – Ah bon ? Où ça ?
La Voisine – En Algérie, mais où donc, je sais pas, hein, j’ai pas l’adresse exacte… Sa mère voulait m’emmener avec eux ! J’ai dit non, à mon âge, j’vais pas m’embarquer dans une expédition pareille !
Warda – sautille – Oh ben moi, je veux bien y aller à votre place ! Moi, je veux bien y aller, au mariage !
La Voisine – sourcils froncés, poings sur les hanches – Ah ! Et tu crois que j’vais t’laisser aller là-bas toute seule !


Quand soudain…
La fille au T-shirt à rayures – Pour ton anniversaire, je vais t’offrir un livre de cuisine !
Warda – slurpe son thé, d’un air maussade
Le tapis en laine artisanal – air compatissant
L’huile essentielle de lavande – Oh pas de blague, hein ! Qu’elle apporte plutôt des supions prêts à manger !
La couette – Une tarte au Maroilles, ou une tarte au chuc’ !
Le totebag Festival International Jean Rouch – Des maaaangues ! 
Le livre Des Poches sous les yeux – Une bouteille de Syrah ou de Chasse-Spleen !
Le totebag Tabernak je lis Jack Kerouac – Des fleurs van Uffelen !
La bougie en cire d’abeille – l’album 6 du Chat du Rabbin, qu’on est passés du 5 au 7 !
Warda – Mais… On lui dit qu’on a mangé tout le clafoutis ? Et que c’était bon ?
Le tapis en laine artisanal – Oy ! Non, surtout pas ! Il est des vérités trop difficiles à croire !


Quand soudain…
La Voisine – Air de Marthe Villalonga – Ah ! Voilà ma petite préférée !
Warda – air méfiant
La Voisine – Sur ton trajet, y aurait bien la poste, non ? – air inquisiteur
Warda – plisse les yeux – Ah, mais ! C’est que mon vélo fait partie de votre flotte GPS ? 
La Voisine – Qu’est-c’est qu’ça, encore, une flottegépéhesse ?
Warda – C’est un ustensile indispensable pour les zoeils de Moscou !
La Voisine – amusée – Oeil de Moscou, rien du tout ! Par contre, j’ai là deux lettres… – les lettres apparaissent magiquement sur l’appui de fenêtre. Air de pauvre petite vieille dame – Alors, puisque tu passes par la poste…
Warda – qui ne passe pas du tout par la poste – Bon… Heu… Je peux faire en sorte de…


Quand soudain…
Le tapis en laine artisanal – lit avidement le journal
La bougie en cire d’abeille – Dis, y a des jeux à la fin ?
Le tapis en laine artisanal – tourne les pages à bout de franges – Oui, des mots croisés, des devinettes…
La couette – Dis, lis-nous le cuize !
Le tapis en laine artisanal – gêné – Le… Le quoi ?
La couette – Ben, le cuize ?
Le tapis en laine artisanal – … Heu…
L’huile essentielle de lavande – Oh dis, t’as les portugaises ensablées ? Le couizeuh qu’on te dit !
Le tapis en laine artisanal – decille – Ah… Le quizz !


Quand soudain…
Le type aux cheveux gras – air salace – « Et vous alors, vous faites quoi, pour déconcentrer l’adversaire ?
Warda – impavide – Je parle.
Le type aux cheveux gras – condescendant – Ah, vraiment ? Et s’il est sourd ?
Warda – gracieusement – À Dieu ne plaise !
Le type aux cheveux gras – visage peint d’incompréhension – … ?
Warda – amusée – N’est-ce pas ? – lève son verre en direction du type, slurpe une gorgée, œil rieur
Le type aux cheveux gras – …


Quand soudain…
Warda – apporte fièrement sa dernière tentative culinaire, qui s’avérera être son dernier échec culinaire – Voilà, j’avais honte de toujours apporter du chèvre et du fromage. Alors je me suis lancée.
La fille au T-shirt à rayures – air circonspect
Le type qui ressemble à Jürgen Klopp – se gratte la barbe.
Tous – goûtent la préparation
Warda – mâche – Bon c’est insipide…
Le type qui ressemble à Jürgen Klopp – C’est… C’est quoi le truc rose ?
La fille au T-shirt à rayures – … Sinon, chèvre et vin, c’est très bien, hein…
Warda – Merci. Vous êtes vraiment de bons amis. Voilà, je ne complexe plus. J’arrête la cuisine.


Quand soudain…
Warda – à plat dos sur le tapis en laine artisanal, un oreiller sous la tête. Les bras en croix, les jambes appuyées sur la chaise en formica, un torchon humide sur la figure.
La bougie en cire d’abeille – Pour moi, c’est la foire au basilic, ce matin. Elle a pas supporté… Tous ces touristes qui prenaient en photo le totebag « Tabarnak je lis Jack Kerouac »…
L’huile essentielle de lavande – Eh ben…
Le totebag « Tabarnak je lis Jack Kerouac » – Je suis trop beau, trop mignon… C’est pas de ma faute. Y a les sacs à provisions, et y a.. MOI !!!
Le totebag Festival International Jean Rouch – Petit mer…x va… Personne ne chante « Cocorico monsieur Poulet  » sur ton passage…
L’oreiller – Chuuut ! Elle se concentre !
Tous – Ah ?!
Le tapis en laine artisanal – Oui ! Elle cherche des mots en -gogue.
Tous – airs consternés
Warda – démagogue… Sialagogue… Pédagogue..
Le tapis en laine artisanal – concentré – Synagogue !
Le totebag Festival International Jean Rouch – amusé – Emménagogue !
L’huile essentielle de lavande – hésitante – Apologue ?
Warda – voix souffreteuse – N… Naaan…
La bougie en cire d’abeille – Grog ?
Warda – … Naaan…
La chaise en formica – Pogs ?
Warda – amusée – Nan !
Le totebag Festival International Jean Rouch – Églogue ?
Warda – voix d’outre-torchon – Nan…
Le totebag « Tabarnak je lis Jack Kerouac » – Heu… Moi ! Moi ! – l’Assemblée retient son souffle – Gogues !
Tous – … Crrr crrr crrr


Quand soudain… Question indiscrète…
L’huile essentielle de lavande – au tapis en laine artisanal – Oh ! Je peux te poser une question ?
Le tapis en laine artisanale – acquiesce
L’huile essentielle de lavande – air gourmand – … indiscrète ?
Le tapis en laine artisanal – regrette déjà, mais acquiesce sans conviction
L’huile essentielle de lavande – ton de confidence sur l’oreiller, air réjoui – Bon, alors… Quand elle te marche dessus, ça te fait quoi ?
Le tapis en laine artisanal – affreusement gêné, tousse et rougit – M… Mais ! Mais enfin ! Mais rien du tout ! Absolument rien ! Rien de rien de rien ! Avec tous ceux qui m’ont marché dessus, hein !
L’huile essentielle de lavande – air déçu – Même quand elle se met sur la pointe des pieds pour atteindre le dernier rayonnage de la bibliothèque ?
Le tapis en laine artisanal – tout rouge – Mais non, mais rien, mais non ! Mais n’importe quoi ! Ah ! Vous ne pensez vraiment qu’à ça, dans le Sud !
L’huile essentielle de lavande – moqueuse – Hem… Pardon, hein… Tu devrais faire un duo avec le plaid polaire, alors !


Quand soudain… Toute ressemblance serait fortuite

La fille au T-shirt à rayures – air circonspect -Et comment ça se passe, si une personne se reconnaît dans tes statuts Facebook alors qu’elle n’a pas envie qu’on etale sa vie privée ?
Le type à lunettes – aspire pensivement une cigarette, conscient d’être lui même une interface entre la liberté d’expression et créatrice de l’artiste et les suppôts du capitalisme
Warda – pour elle-meme, flattée – Oh mais alors, la dimension documentaire de mon œuvre est supposable ! – à voix haute – Mais comment une personne pourrait sérieusement se reconnaître dans un personnage qui n’est pas nommé, ni vraiment décrit, dont l’existence réelle n’est même pas revendiquée par – rougit – l’ « auteur » ?
La fille au T-shirt à rayures – Mais si quelqu’un se reconnaît quand même ?
Le type à lunettes – masse un coin de moustache d’un air pensif, se demandant s’il ne s’agit pas de co-construction littéraire à l’aveugle, sans pour autant témoigner d’un handicap sensoriel manifeste.
Warda – mangeant salement un pomelos – Si quelqu’un se reconnaît, il est soit parano, soit très imbu de sa personne…
Le Totebag tabernak je lis Jack Kerouac – Ben voyons…

Quand soudain…
Le tapis en laine artisanal – se redresse sur le bout de ses franges et s’observe sous tous les angles dans le bas de la psyché, se contorsionne, prend des poses.
L’huile essentielle de lavande – Oh, fada ! Tu te prends pour Grace Kelly ?
Le tapis en laine artisanal – Oy ! Je suis moi, c’est déjà lourd à porter…
L’huile essentielle de lavande – à la bougie en cire d’abeille- Vé, misère ! À deux poils du selfie !
La bougie en cire d’abeille – Rhoooo…
Le tapis en laine artisanal – Ah ! Déjà on m’accuse ! Je vérifie juste quelque chose.
L’huile essentielle de lavande – Et quoi !?
Le tapis en laine artisanal – minaude un peu – Mais quel genre de personne de qualité pourrait s’identifier à moi en lisant les statuts Facebook !


Quand soudain… Fruits ?
Warda – dépose trois gros agrumes, jaunes et dodus, sur le tapis de la caisse.
La caissière – les saisit, les observe un moment – Excusez-moi, mais c’est quoi ?
Warda – prise d’un doute affreux – Des… Des pamplemousses ?
La caissière – attrape la liste plastifiée qui recense tous les fruits et légumes, et leur prix au kilo – Pastèque… Poivrons… Prunes… Vous êtes sûre ? Je ne trouve pas…
Warda – hésite – heu… En tout cas c’est ce que j’avais envie de manger.
La caissière – rit, appelle sa collègue qui vient – Tu sais ce que sais, toi ?
La collègue – hausse les épaules, moqueuse – Bah ! Oui, des pomelos !
Warda et la caissière- airs honteux – Aaaah… D’accord…
Elles regardent les fruits avec un air connaisseur
Le monsieur agacé derrière – Bon alors ! Faut que j’aille voir le prix moi même ou quoi !?
Les trois – le regardent avec dédain
Warda – Et c’est quoi la différence, alors ?
La collègue – C’est un croisement, je crois ?
La caissière – Entre une orange et un pamplemousse alors ?
La collègue – Une orange sanguine, alors !
Warda – Ah oui, tiens, peut être !


Quand soudain… Rien
Warda – arrive en sifflotant sur le vélo Carmen Cru
La Voisine – Ah ben y a d’l’ambiance, ce soir ! V’là qu’elle siffle sur son bigadin !
Warda – Bonsoir !
La Voisine – C’est t’y qu’t as eu une augmentation ? Warda – fait non de la tête
La Voisine – qu’t’as gagné au Loto ?
Warda – Non de la tête
La Voisine – Que ta chaudière est réparée ?
Warda – soupire – Non plus…
La Voisine – Que t’es en vacances ?
Warda – sourit – Non !
La Voisine – air encore plus indiscret – Que t’as trouvé un amoureux ?
Warda – rit devant tant de sans gêne
La Voisine- Non plus ? … Ben alors… Pourquoi donc que t’es si contente ?
Warda – Pour rien ! Justement, pour RIEN !


Quand soudain… Tout conte fait…
La chaise en formica – Eh ben, quel appétit, ce soir !
Le totebag « tabernak je lis jack Kerouac » – air de celui qui en sait long – Quelle journée, aussi…
L’huile essentielle de lavande – Alors, raconte, endormi, que tu nous fais attendre le car en plein soleil, là !
La couette – Ui, m’fieu !
Les oreillers – pouh, toujours à faire l’intéressant, celui-la !
Le totebag – N’empêche que le seul qui sait, c’est le seul qui sort de la caverne…
Tous – pfffffff – font mine de faire autre chose.
Le totebag – eh ! Oh ! Elle est allée lire au café !
Tous – et alors !?
Le totebag – une dame qui marche avec une cane est arrivée, avec un monsieur.
Tous – et alors ! ?
Le totebag – elle a vu le livre qu’elle lisait.
Tous – et alors !?
Le totebag – Alors ils se sont assis à côté. Et la dame a parlé de Laferriere.
Tous – et alors !?
Le totebag – Alors elle a dit, en sachant qu’elle écoutait , « j’ai un livre dédicacé de Laferriere ! »
Tous – Et alors !?
Le totebag – alors elle a dit : « Quelle chance ! » et elle ont parlé de Laferriere avec la dame.
Tous – et alors ? !
Le totebag – Alors, elle était heureuse, et elle remerciait le ciel tout bleu d’avoir donné la poésie aux hommes pour qu’ils aient un prétexte pour se parler.
Le livre de mythologie grecque – pensif – les dieux sont avec elle…
Le tapis en laine artisanal – secouant ses franges – raconter si mal une si bonne histoire !
Tous – se tournent vers le tapis, pour connaître sa version.
Le tapis en laine artisanal – Alors, si elle remerciait les yeux vers le ciel, c’est une histoire de poésie franco-allemande de Normandie.
Le totebag – Pffff… Encore ?
Les autres – chhhhht ! Et alors ?!
Le tapis en laine artisanal – un clin d’œil au totebag – Alors rien, puisqu’on vous dit que c’est toujours la même Histoire !


Quand soudain… Coupe du monde
La Voisine – Z’avez entendu tout c’ramdam qu’y font !? Ah !
Warda – Ben alors ? Vous ne soutenez pas l’équipe de France ?
La Voisine – Ah, mais j’ai r’gardé l’match, moi ! Jusqu’au bout ! Sont drôlement cher payés pour s’qu’y font, m’enfin, ça fait passer l’temps… Chuis plutôt rugby moi.
Warda – Ah ?
La Voisine – Ben oui, chuis une fille du Sud-Ouest, moi ! Enfin Z’avez vu s’t’équipe de France, quand même ? J’voudrais pas dire,hein, mais…
### ding, ding, ding !!! Une menace a été détectée : discours raciste. Mise en quarantaine. ###


Le Dahu – roulé en boule contrariée dans son manguier. Sourcils en accents circonflexes. Queue sur la truffe.
Un long moment passe.
Un enfant – arrive au pied du manguier. Il cherche le Dahu des yeux. Ne le voit pas. S’asseoit par terre.
Deux autres enfants arrivent et font de même. Puis un autre. Puis un autre.
Le Manguier – Mais enfin ! Tu vas bouder encore longtemps ?
Le Dahu – Oui ! Je veux être un truc effrayant, et très méchant ! Avec des grandes ailes griffues, qui crache du feu, qui démolit tout. Qui fait plein de bruit ! Qui fait peeeeeuuuur !!!
Le Manguier – Et pourquoi ?
Le Dahu – Parce que !
Le Manguier – Tu es sûr ? – écarte subrepticement une branche
Le Dahu – passe sa truffe entre deux mangues, voit tous les enfants assis au pied de l’arbre. Air circonspect. Avance un peu plus hors de sa cachette.
Un enfant – voit le Dahu, est tout heureux – Regardez il est là !
Toutes les têtes d’enfants se tournent vers la branche indiquée par le doigt. Oooh  ! Il est beau ! Comme il est mignon !
Un enfant – tend les bras – Viens, Dahu !
Le Dahu – flatté – Rrrrrr miark !  – descend prudemment vers les enfants
Le Manguier – Alors, tu les veux quelle taille, tes ailes ? Avec ou sans écailles ?
Le Dahu – de mauvaise foi – Pfffft ! Pfffft !


Quand soudain… Telle fille
La Vieille Dame au gilet rouge – Regarde Warda fixement
Warda – regarde derrière elle, puis la Vielle Dame, puis hausse un sourcil
La Vieille Dame au gilet rouge – regarde toujours Warda avec insistance
Warda – gênée, se regarde par reflet dans une fenêtre, voir si sa coiffure ou sa tenue on quelque chose d’inconvenant.
La Vieille dame au gilet rouge – attire l’attention du Vieux Monsieur qui lit un journal sur Warda, oubliant d’être discrète.
Warda – se cache comme elle peut derrière son livre de poche
Le Vieux Monsieur qui lit le journal – rit voyant Warda gênée, il donne un léger coup de coude à la Vieille Dame au gilet rouge
Warda – aspire son eau pétillante l’oreille et l’œil hyper vigilants.
La Vieille Dame – jette de temps à autres des regards furtifs et souriants à Warda
Le Vieux Monsieur qui lit le journal – fait « rrrhooo… » quand la Vieille Dame au gilet rouge regarde Warda, en la regardant aussi
Plus tard
La Vieille Dame et le Vieux Monsieur se lèvent. En partant, la Vieille Dame s’arrête à hauteur de Warda
La Vieille Dame au gilet rouge – émue, avec un sourire, scrutant Warda – Je vous prie de m’excuser… C’est que… Vous ressemblez tellement, tellement à notre fille…
Warda – pour elle même – Magari…


Quand soudain… Aria
La Voisine – penchée à sa fenêtre, regarde le bitume d’un air grave.
Warda – apparaît, sautillante et joyeuse
La Voisine – Ah ! Te V’là, toi ! C’est l’Bon Dieu qui t’mets sur mon ch’min ! Ramasse-moi donc ce journal, là, qu’est tombé d’ma f’netre !
Warda – ramassant le journal, amusée – C’est que vous lisez à la fenêtre ?
La Voisine – De c’chaleur là ! Non, non, c’est pour caler le volet. Si je le ferme complèt’ment, j’vois pu rien, et là, ça fait du courant d’air.
Warda – air candide – Et c’est bien, ça, de voir les courants d’air ?
La Voisine – Hah ! Ca, c’est pas c’qui manque, dans le bâtiment ! L’aut’ jour, le gars du deuxième…


Quand soudain… Mode
Le lourdaud poli – Mademoiselle,vous êtes tellement élégante, vous travaillez dans la mode ? Vous êtes styliste ?
Warda – aparté, à son grand père – Hein, Grand-pere, on fait dans la confection ? ? – Oh quel flatteur ! Mais non, dans la radio, ce qui est moins chic !
On entend le rire du grand père, qui fut aussi technicien radio, il y a fort fort loin.


Quand soudain… De bric et de broc
Le type qui a vu l’annonce sur leboncoin – Ah, vous collectionnez les vieux bouquins ? Moi aussi, j’adore les vieilleries !
Les livres – crrrrrr!! ?
Warda – ?
Le type qui a vu l’annonce sur leboncoin – ça vient du Maroc, ça, non ? Moi aussi, j’ai fait le Maroc avec ma femme, Marrakech, Casa… Remarquez, on trouve ça chez Terres Natives aussi…
Le collier de M’Hamid et la melfa – crrrrrr !!! ?
Warda – ? chuuut
Le type qui a vu l’annonce sur leboncoin – recule, marche avec ses chaussures sur le tapis en laine artisanal
Le tapis en laine artisanal – Oy ! Être piétiné par une belle femme, passe encore, mais par un cuistre ?
Warda – chhhhht !
La couette – Astheur, ché loqué milorde, mais ch’n’a point d’aut’ élégance !
Warda – Chhhhht !
Le type qui a vu l’annonce sur leboncoin – Et vous payez dans les combien de loyer, ici ?
L’huile essentielle de lavande – Té! Vié d’az ! T’es d’la police ?
Le type qui a vu l’annonce sur leboncoin – sort la somme requise, embarque son achat, et disparaît dans le couloir.
Un temps.
Tous les objets – Ne me vends pas ! Ne me vends pas ! 
Warda – Ne craignez rien, aucun de vous n’a été trouvé à la déchetterie


Quand soudain… Labeur laborieux
Warda – assise à son bureau, derrière des piles de livres et de papiers, air déterminé – Grâce à mon travail, je vais devenir riche. Très riche !
L’huile essentielle de lavande – Té ! Autant tuer un âne à coup de figues molles !
Le tapis de laine artisanal – piqué – Et pourquoi non, je vous prie ?
Le magazine d’art contemporain – air inspiré – Ce qu’il lui faut, c’est un concept…
Les deux autres – Tssss….


Quand soudain… Rien
Warda – air exténué, soupir profond
La Voisine – Ben, qu’est-ce qu’elle a, la p’tite, à tirer une gueule de six pieds d’long, c’soir? Qu’est-ce qui s’passe ?
Warda – Rien ! C’est bien ça le problème ! Ah! – fait Martha Graham avec son chèche.
Le chèche – Elle est en RTT et le crapaud est resté un crapaud…


Quand soudain… Etre ou ne pas être…
Warda – le regard sur la ligne bleue des immeubles de Saint-Pierre-des-Corps
L’huile essentielle de lavande – Vé, le ravi de la crèche!
La bougie en cire d’abeille – Oh non! Elle a encore essayé de lire Schopenhauer!
La chaise en formica – Non, elle se demande si elle est une « artiste »
Un temps
Tous – hilares – Ahahah!!!
Le tapis en laine artisanal – Le pire est toujours certain!


Quand soudain… Effet de surprise…
La Voisine – à sa fenêtre, façon garde-barrière
Warda – arrive pleine de nonchaloir sur le vélo Carmen Cru, freine autant que faire se peut un coup sec devant la Voisine, et vivement, presque crié – Aujourd’hui, rien!
La Voisine – médusée
Warda – pouffe en rentrant son vélo


Quand soudain… Le retour du vélo prodigue !
Haha… Hoho… Hahaha… Hoho….(bis) – voix sirupeuse – J’ai retrouvé mon vélo-oh, et ma graisse à traire… J’ai retrouvé mon vélo, et son garde-boue arrière… J’ai retrouvé mon vélo, et on sort faire un tour… ? J’ai retrouvé mon vélo, on va faire fondre Tours! ?
Haha… Hoho… Hahaha… Hoho….(bis) – voix encore plus sirupeuse que tout à l’heure – Moi qui avais perdu espoir, je roulais vitre ouverte, sans dynamo dans l’noir, une selle trouée sous mes fesses,? plus saindoux que Léa, ou que Balibar Jeanne, je suis Clémentine-Suzanne, mais appelle-moi Warda !
Haha… Hoho… Hahaha… Hoho….(bis) – voix toujours sirupeuse – J’ai retrouvé mon vélo, et l’assurance dans la voix… J’ai retrouvé mon vélo, mais n’aie pas peur de moi… On ne perdra pas les pédales, sauf si tu en as envie… On ne te fera pas plus mal que velocity…


Quand soudain…
Deux jeunes hommes à la chevelure insolente – à Warda aux modestes poils-tête – Yeah, c’est pas encore pour aujourd’hui, le salon de coiffure !  Va falloir faire pousser un peu pour faire les nattes!
Warda – enfourche son vélo avec dignité  – Ah, toi, t’as la langue bien longue, reste à voir ce que tu sais faire d’autre avec ! 
Un des jeunes hommes – Scuuuuuud!!!   
L’autre – 
Warda – se sauve à vélo. Un peu plus loin s’arrête devant une vitrine,  observe sa chevelure avec inquiétude, tente d’aplatir une mèche.


Quand soudain… Cherche sommeil…
Le matelas en fibres de bambou – air appliqué, fait le dos bien droit pour Warda allongée sur lui
La bougie en cire d’abeille – Elle dort?
Les oreillers – relèvent leurs coins pour regarder Warda – mmmmh… Presque!
Le livre Des Poches Sous Les Yeux – soutient affectueusement la main de Warda, soupire en voyant qu’il n’est ouvert que page 30
Les lunettes de Warda – s’aplatissent progressivement sur l’oreiller – Ouf…
Le thé à la menthe – air fier – Ci grâce à moi!
L’huile essentielle de lavande – vexée – Té! Vé celui-là, qui se prend pour le marchand de sable!
Les oreillers – Chuuuuuut!!!
La couette – air désapprobateur, nappe Warda avec une délicatesse maternelle – Té m’fra du chagrin, si teu’n’dors pas ch’qu’à d’main!
Tous – observent Warda
Montant par la fenêtre ouverte sur la nuit, le « mrrrarrrk » caractéristique du chat de la Voisine
Tous – à la fenêtre – Chuuuuut!!!
La fenêtre – Vas-y, là! C’est pas moi! – s’adressant au chat de la Vosine – Chuuuuut!!!
Le chat de la Voisine – confus – Mrrrarrrk…
Un temps.
Warda roule sur le côté. Tous retiennent leur souffle.
Le livre Des Poches sous les yeux – glisse lentement vers le sol – Attttt…tention… – arrive délicatement sur le tapis en laine artisanal
Le tapis en laine artisanal – Oy! La chute de la Culture!
Le livre et le tapis – pouffent
Les autres – Chuuuuut!!!!
Un temps
Warda – ronfle légèrement
Tous – Aaah! 
Soudain, le barrissement caractéristique du petit voisin du 3e.
Warda – se retourne, geint
Tous – Pfffffff…


Quand soudain… T9 est un boeuf !
L’étude non rétribuée en ligne – « Citez un mot difficile à dire en langue française. »
Warda – réfléchit longuement. Cherche un mot rassemblant les sons [ɔ̃], [ɑ̃] et [ɛ̃], n’en trouve pas. Pense à « Quincampoix ». Cherche l’étymologie de Quincampoix, tout en se disant que ça n’irait pas de toute façon, l’étude demandant surement un nom commun, et puis il n’y a pas [ɔ̃] dans Quincampoix.
Le site de toponymie – « A qui qu’il en pèse. » Ou « qui qu’en écrase »
Warda – pensive – La vie serait plus simple, si on disait « Quincamponx », « Inlençon » et « Contentin »
L’étude non rétribuée en ligne – Souhaitez-vous enregistrer et répondre plus tard?
Warda – clique sur « continuer » – Ahlala… degré zéro de la patience…
L’étude en ligne non rétribuée – …
Le site de toponymie – Le Cotentin est une péninsule française correspondant globalement aux limites de l’ancien pays normand du même nom autrefois appelé Pagus Constantiensis (pays de Coutances), ce qui explique l’ancienne graphie Costentin
Warda – Ah bon? – rêveuse – Un cap, une péninsule!
L’étude non rétribuée en ligne – Hem…
Warda – Oui, voilà, voilà… – pense soudain à « parité », tape « parité »
Le correcteur T9 – Karité.
L’étude non rétribuée en ligne – compte le nombre de lettres, air consterné – Confirmez-vous le mot « karité »?
Warda – Non, ça va, hein, je suis pas responsable!
Le correcteur T9 – Hihihi


Quand soudain… Vélorution…
Le loueur de cycles – Vous avez déjà eu un velocity?
Warda – regarde à gauche et à droite, pour être sûre que personne n’entende – Voui…
Le loueur de cycles – Et vous en reprenez un?!!
Warda – les yeux rougis, renifle, voix honteuse du récidiviste – C’est qu’on m’a encore volé mon vrai vélo!
Le loueur de cycles – air compatissant – Bon, je vous montre comment on le plie. Alors, c’est très simple : là, la petite manette, voilà, comme ça. Là, hop, ça vient tout seul. Ensuite, là, une autre petite manette, voilà. Là. Et puis, les pédales, qui se plient aussi, voilà. Comme ça, c’est très facile. Et pour finir, la petite sangle velcro. Et voilà.
Warda – se sent comme face à une tente deux secondes Décathlon. – Heu… Ben sinon, je le plierai pas, hein…
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Plus tard
La Voisine – à sa fenêtre – Bah, qu’est-c’est s’t’affaire? Un vélo pour gamin? Va falloir rel’ver la selle, que à, z’avez les g’noux qui vous touchent le menton!
Warda – Ben, j’ai du mal serrer la vis, la selle s’est affaissée en chemin… Enfin, s’il n’y avait que ça… – air tout déçu.
Un temps
La Voisine – L’a une drôle de gueule, quand même, c’te vélo…
Warda – Oh, ben, ça encore… Il est fort laid, mais ce n’est rien… La roue avant n’a pas de jeu, je dois tenir le guidon droit, je n’ai pas l’habitude… En plus, les freins freinent trop, je manque d’être propulsée à chaque fois.
La Voisine – Et y a pas d’sacoches!
Warda – Non, y a pas de sacoches…
Un temps
La Voisine – Valait mieux vot’ épave! Enfin, attachez le tout d’même, les cons, c’est pas s’qui manque, y en n’aura toujours ben un pour vous l’voler!
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Plus tard
Warda – rentre le velocity dans le garage à vélo
Le Chat de la Voisine – regarde le velocity d’un air circonspect – Mrrrarrrk?
Warda – Bon, merde à la fin! Retrouvez mon vélo, au lieu de tous me casser les pieds!


Quand soudain… Que d’eau !
Warda – se drape dans la dignité permise par des étoffes trempées.
La Voisine – Ah! Ben v’là aut’chose! V’là qu’elle s’est crue amphibie!
Warda – Fluctuat nec mergitur!


Quand soudain… Générale !
Warda – parait par la porte, à gauche de la fenêtre de la Voisine. Air accablé, dos voûté. Pousse un profond soupir, et traîne la savate jusqu’au container poubelle.
La Voisine – derrière son rideau, n’en perd pas une miette
Warda – pousse un profond soupir, soulève à bout de bras un sac poubelle, avec des efforts exagérés, et le jette dans le container. Réprime un sanglot, puis traîne la savate vers la porte.
La Voisine – ouvre sa fenêtre, et sort sa tête – C’est quand même pas vot’ vélo, qui vous met dans c’t’état là!!?
Warda – voix geignarde – Non… C’est mon anniversaire… – fait une pause – Et personne ne me l’a souhaité… – air accablé. 
La Voisine – Oh! Oh ben, v’nez donc là que j’vous fasse une bise! 
Warda – hésite –  Heu…
La Voisine – V’nez donc là! 
Warda –  Mais c’est pas vraiment mon anniversaire, je répète!
La Voisine –  Comment qu’ça donc, vous répétez votre anniversaire?
Warda –  Ben oui, comme ça, si personne n’y pense en août, je serai préparée!
La Voisine – Pfffout! Où a-t-on d’jà vu ça! Allez, zou!  Foutez-moi l’camp pour ce soir, que j’vous vois plus!
Warda – rit, sautille vers la porte –  Hihihi!


Quand soudain… Une bonne affaire !
La Voisine – à sa fenêtre – « V’là t’y pas qu’elle rentre à pinces, maintenant!
Warda – chargée comme un mulet – Ah! Figurez-vous qu’on m’a volé mon vélo!
La Voisine – Quoi donc! On vous za volé s’t’épave-là! – Warda acquiesce – Ah! Ben, en v’là un qu’a d’l’ambition! Ben ça, il est pas prêt d’entrer au gouvern’ment çui-là!
Elles rient
Warda – un peu honteuse – J’avoue que j’attends avec gourmandise la prochaine averse, vu qu’il n’a plus de freins, et que les sacoches prennent l’eau…
La Voisine – Ah, ben ça, le beau gadin assuré!
Warda – Et puis, le câble de frein qui rebique entre deux autocollants… Si on ne le sait pas, c’est un peu coupe-jarret…
La Voisine – En plus qu’ya même pas d’lumière, sur vot’ biclou, qu’vous m’faisiez peur, avec vot’ lampe frontale, c’t’hiver!
Warda – Sans parler du garde-boue arrière qui tient par miracle et fait un bruit de mobylette sur les pavés…
La Voisine – Le con! Ah!
Warda et La Voisine – rires de sorcières – Hin hin hin!


Quand soudain… Tribute to madame Sarfati…
Warda – un accroche-cœur de cheveux trempés sur le front, se vide péniblement du vélo Carmen Cru
La Voisine – à sa fenêtre – Ah! Ah bah! L’a r’çu l’déluge, la p’tite! Ahaha!!
Warda – plisse les yeux – C’est ça, rigolez, rigolez! Vous verrez quand vous aurez mon âge, et que vous aurez eu douze enfants! DOUUUUUZE!!!
La Voisine – Ben ça, mon vieux, y a d’quoi être rincée!


Warda – pour elle-même – Parfois, je me fatigue…
Le squelette de Warda – Ah! Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre!
Le cerveau de Warda – Non mais, pour qui elle se prend, celle-là!
Le coeur de Warda – Vous êtes pas sympas, les gars… Allez, on lui fait un câlin!


Quand soudain…
Rrrrikk – volet du rez-de-chaussée qui s’ouvre.
La voisine du rez de chaussée – Ah, laissez moi d’viner! La radio ! Eh ben, ma p’tite, c’est pas comme ça qu’vous vous trouverez un Jules !
Warda – Ah? Vous croyez qu’il m’en faut un!
La voisine – Té! Z’allez qu’meme pas rester vieille fille !
Warda – Mais un seul?
La voisine – Ah! Ah! Ça a d’ja pas l’air d’être d’la tarte d’en trouver un, qu’z’en voulez d’plus ?
Warda- Ben, c’est plus pratique, non? C’est comme un pull, si je le mets à laver, et que j’en ai un autre… J’ai pas froid !
La voisine – réfléchit
Warda – Non?
La voisine – Z’avez d’ces idées… Et vous les rangerez dans l’placard, bien pliés ?
Warda – Oh non, il n’y aurait pas la place, ils tomberaient quand j’ouvre la porte.
La voisine – Eh bah voilà ! Voilà ! C’est une armoire qu’y faut vous acheter !
Warda – Voilà !


Quand soudain… Éthylotest…
La Voisine – Et alors, oussqu’elle est, cette bouteille d’pinard qu’vous aviez dans vot’ sacoche de vélo l’aut’ jour?
Warda – Oh mais, ce n’était pas pour mon usage personnel!
La Voisine – Allons donc!
Warda – C’était une offrande pour une réunion de la radio [ Des Poches Sous Les Yeux]
La Voisine – Ah! Ah! Et zont tout bu, ces soiffards là!
Warda – Il faut bien convoquer les Muses!


Quand soudain… Hapax…
Warda – freine dans la cour au sol humide son vélo Carmen Cru *Rrrrriiinnnkkk…kk..k*
La Voisine – Ah! Faut y mett’d’l’huile d’olive, à s’t’affaire-là! ça raingouste sec!


Quand soudain… petite voix de Warda deviendra grande.
Voix – « Bonjour, e…ou…ais a…é au …rrespondant …ouvelle…République
Warda – Je pense que c’est moi, mais je ne vous entends absolument pas monsieur.
Voix -… é… place…é… ieux?
Warda – Si vous pouviez me rappeler d’un fixe, je pense que ça serait plus simple.
Voix – é…fais ça, ma petite!
Warda – Merci, mon grand! »
Quelques minutes plus tard…
Voix – Allô? C’est mieux? Excusez-moi pour…
Warda – J’entends, j’entends. Que puis-je pour vous? »


Quand soudain… Educ’ Spé’ …
Le monsieur qui fait la manche – Vvv… Vous zète un truc comme… éducatrice de rue?
Warda – Ah, non! Mais ça pourrait!
Le monsieur qui fait la manche – Et… Éducatrice de jeunes?
Warda – Non plus!
Le monsieur qui fait la manche – Éducatrice pour les enfants!
Warda – Toujours pas, par contre, je leur fais tous faire de la radio!
Le monsieur qui fait la manche – Ah? Ah bon? Fabriquer de la radio? Mais… Sur les ondes? Genre, si j’allume le poste, j’entends?
Warda – Ah, ben, j’espère que oui! Sinon, c’est qu’il y a de la friture sur la ligne!
Le monsieur qui fait la manche – Les carottes sont cuites! Les carottes sont cuites!
Warda – Radio Paris ment… Radio Paris ment…


Quand soudain… Comic Strip’ …
Warda – empêtrée dans le pull qu »elle essaie d’enlever, tout en tenant son vélo du genou pour ne pas qu’il choisse mal à propos sur le bitume sale.
La Voisine – Ah! Ah ben! Vl’à t’y pas qu’on assiste à un strip’tize!
Warda – émerge du pull, comme tout artiste en devenir – Ah, non! On a vu assez d’horreurs pendant la guerre!


Quand soudain…. Rrrrirk…
La Voisine – Et comment qu’vous faites, pour rentrer là-d’dans? – coup de menton vers le pantalon de Warda – a-t-on idée d’fabriquer des pantalons si étroits!
Warda – s’approche lentement de la fenêtre, air de conspirateur florentin – Avec un chausse-pied!


Quand soudain… Entendu depuis la cuisine en préparant le thé…
Le grand frère – Ah c’est vraiment bien,ici…
La vieille nourrice – au téléphone, curieuse – Ah bon ??
Le grand frère – Oui, il y a des fenêtres, de la lumière, un grand frigo, un four…
La vieille nourrice – Ah oui? C’est bien ça ! Quoi d’autre ?
Le grand frère – Une machine à laver, une salle de bains, un dressing… C’est un vrai appartement, cette fois ci !
La vieille nourrice- Et alors, elle est contente ?
Le grand frère – Oh oui, ça a l’air.
La vieille nourrice – Et toi, tu es heureux ?
Le grand frère – Ça peut aller !
La vieille nourrice – C’est bien mes enfants ! Il faut venir me voir ! Bon, je raccroche ! Je me fais engueuler que je suis encore au téléphone !


Quand soudain… Bluette…
Un couple de vieux touristes anglais – dégustent une glace sur un banc, chacun la sienne.
Warda – arrive avec grâce et délicatesse, tout en cliquetis, sur son vélo Carmen Cru, en descend, et entreprend de l’attacher à un poteau près des touristes.
Le couple de vieux touristes anglais – regardent Warda avec intérêt en continuant de manger leur glace.
Le vieux monsieur – chante, avec un accent terrible, à l’adresse de Warda – « Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoîîîîsééé… »
La vieille dame – pouffe précautionneusement derrière son pot de glace
Warda – chante – « D’autres lui font les doux yeux, mais c’est moi qu’il aime le mieux! »


Quand soudain… Rrrrrirk…
La Voisine – parait solennellement à sa fenêtre.
Warda – enfourche son vélo Carmen Cru – Et hop! Au boulot!
La Voisine – Ah ça oui, ma p’tite! Si on veut du blé, faut aller l’chercher!


W – Comment vas-tu, à Sète? 
F – Je veille à m’attarder un peu avec l’espèce de pitch que m’a pondu mon désir… Je ne m’y retrouve absolument pas, et c’est l’essentiel. Et toi, quelles nouvelles?
W – Je suis radiopathe, je surinvestis la pensée, je donne ce que je n’ai pas à quelqu’un qui n’en veut vraiment pas, et même à Tours, je peux faire prendre le soleil à mes névroses.
F – Ravi de savoir que nous allons si bien.
#infirmierspsy


Quand soudain… Rrrrirk…
La Voisine – Ouuuh! C’est-y qu’elle va à un rassemblement d’jeannettes, avec sa grande jup’ et son pull bleu marine?
Warda – regarde sa vêture, et constate qu’elle a même osé le petit foulard – … Heu… N… Non…
La Voisine – Enfin, ça fait un peu orpheline aussi, c’te couleur-là!
Warda – regarde sa monture – Ou alors police municipale à vélo?
La Voisine – Pfffout! Avec un engin pareil – regard dévalorisant vers le vélo Carmen Cru style de Warda – les voleurs, y zont l’temps d’foutre le camp!


Version chti
Le moutard – Papaaaa ravise le garchon là ! Il a un vélo eud’ bachelette !
Le Papaaaa – Astheur, m’fieu, ch’est nin n’garchon ! Ch’est eun mammoselle !
Le moutard – Euh ? Il a eun coiffure d’garchon !
Warda – In dit garchon-bachelette, tiote biloute !

Quand soudain…
Le moutard – « Papaaaa, le garçon il a un vélo d’fiiiiiille!  
Le Papaaaa –  Mais ce n’est pas un garçon…  
Le moutard – Mais « il » a des ch’veux de garçon! 
Warda – garçonne, on dit garçonne 
Le moutard – 
Le Papaaaa –  »


Quand soudain… Rrrrriiiirk
La voisine –  » Alors, ça y est ? On sort la jup’ à fleurs ? zavez raison. Sinon, finirez comme moi! Avec un chat !
Warda – Ah bon ? Parce que vous n’avez pas fait exprès ?
La voisine – Passsque vous l’faites exprès, vous, peut être !? »


Quand soudain, dans un magasin de bricolage…

Warda – Bonjour je voudrais des aimants.
Le vendeur – Ah mais, si vous voulez des magnets pour décorer le frigo, il faut aller rue Nationale, mademoiselle. *Ton paternaliste*
Warda – Non, non. Je veux des aimants. Et des bons. *Air chafouin* C’est pour dérégler un pacemaker…
Le vendeur – .. 


Quand soudain…
Voix dans l’interphone – Oui, bonjour, c’est les livreurs !
Warda – en tenue de yoga – je vous ouvre!
[Trrrrrrrrrrrt]
Voix dans l’interphone – Merci !
Plus tard
Entrent deux appetissants colosses avec des bonnets de père Noël lumineux, et un lourd paquet contenant une bibliothèque.
Warda –  C’est Noël !


Quand soudain… Un lapin blanc avec une montre et un haut de forme…
La dame de l’accueil en blouse rose – Bonjour mademoiselle, alors, vous avez bien pris votre carte vitale ?
Warda – regarde derrière elle, personne – Heu… Oui… S’il vous plaît… – donne la carte vitale
La dame de l’accueil en blouse rose – C’est très bien, vous pouvez aller dans la salle d’attente, le dentiste va arriver.
Plus tard
Le dentiste – consulte le dossier – Oh ben dites donc, mademoiselle, ça fait longtemps que vous n’êtes pas venue!
Warda – se sent rapetisser sur le fauteuil , cille sous le monstre lumineux, sent presque de nouveau les bagues de l’appareil dentaire sur ses dents 
Plus tard
Le dentiste – Voilà, c’est tout pour aujourd’hui, c’est bien, vous prenez bien soin de vos dents.
Warda – médusée, se dirige vers la dame en rose, une ordonnance d’eludril à la main.
La dame en rose – tend la carte, tout sourire – je vais vous donner un petit cadeau ! – tend un petit tube de dentifrice vert pomme – voilà un nouveau dentifrice fantastique !
Warda – se sent rapetisser à hauteur du comptoir – Et… Ça existe à la fraise ?


Quand soudain… Point de vue…
La vendeuse – Bonjour-han, vous souhaitez ?
Warda – œil gourmand – un… Un couki.
La vendeuse – Normal-han ou pépites de chocolat ?
Warda – perplexe devant les cookies pépites de chocolat, chocolat pépites, pépites 3 chocolats – heuuu… – voudrait un pépites de chocolat, considère le fait d’être au chocolat comme une option supplémentaire. Ou au trois chocolats aussi – Un… Un normal, s’il vous plaît.
La vendeuse – saisit un cookie chocolat pépites de chocolat – c’est celui là, hein, le normal. Hein, le noir !
Warda – Ah ben, si le Noir est normal, alors oui, je prends celui là !


Quand soudain…
Le viel ours réparateur de chaudière – enlève le capot de la malade. Tire un tuyau, met plein d’eau par terre. Fronce les sourcils.
Warda congelee – Coule une truffe curieuse de l’autre côté de la chaudière – aparté – Tiens, c’est étonnant, tous ces tuyaux en cuivre. Ah, ça chauffe là, en haut ? – Tout haut, amusée – Alors, c’est grave ?
Le viel ours réparateur de chaudière – marmonne un truc malaimable.
Warda – Prrrt… – s’éloigne avec son café, drapée dans un plaid.
Un temps
Le viel ours réparateur de chaudière – hele Warda depuis la cuisine
Warda- apparaît dans le plaid, un XLR emmêlé à la main, un zoom au bout – Voui?
Le viel ours réparateur de chaudière – regarde le câble, puis Warda, devient tout crème


Warda – Allô, j’attends votre technicien depuis 8h ce matin. Je voulais savoir s’il s’était perdu en chemin ?
Choffochouf – Mais c’est que le rendez-vous est noté pour demain.
Warda – … Bon. Écoutez, je vais raccrocher. Sinon, je vais être malpolie.


Quand soudain… Dialogue de sourds 
Commande en ligne. Prix annoncé : 90€ port compris. Paiement PayPal qui ajoute obligatoirement 6.20€ de frais de port non annoncés. Paiement de 96.20€. Mail au commerçant. « Bonjour, je m’étonne de ces 6.20€ supplémentaires alors que les frais étaient annoncés inclus. Est-ce bien normal ? » Réponse : « Ça reste quand même pas très cher pour tel produit. Ou pas assez cher. Je vais augmenter le prix pour 2018. Souhaitez-vous être remboursée de votre achat ? » Réponse : « Non, je souhaite être remboursée des frais supplémentaires. » Réponse : « J’ai quelqu’un qui gère les sites. Je vais lui dire d’augmenter les prix. Merci. » Réponse : « Comme il vous plaira. Mais ça ne résoudra pas l’ajout de 6.20€ par PayPal non annoncés à l’achat. »


Quand soudain… Poils-tête…
Rrrrikk…
La voisine – Ben mon vieux… C’est pas de mieux en mieux, vot’ coiffure !
Warda – Oh mais c’est une coupe évolutive ! Un processus de création artistique ! Dès qu’une mèche dépasse, couic, je la coupe pour lui apprendre à se rebiquer !
La voisine – … C’est pourtant pas compliqué d’aller chez le coiffeur.


Quand soudain… Chouchou…
Moyenne surface de centre-ville. Warda arrive en caisse, y dépose ses achats. Le caissier passe les objets, d’un oeil éteint. Soudain, surprise. Il regarde, considère, soupèse.
Le caissier – air honteux – Excusez-moi… Mais… C’est quoi? 
Warda – hésite,  pas sûre de comprendre la demande – ça? … Un… Un chou… Rouge. Un chou rouge.
Le caissier – considère à nouveau le chou, donc, et le passe
Warda – paie, remercie, salue, s’éloigne – aparté – Dans ce pays où l’on méconnait désormais le chou, Jacques, Louis, Jean, vous venez de mourir une seconde fois…


Quand soudain… Une certaine idée de la France…
Le voisin de palier – Vous voyez, la p’tite grand mère, au rez-de-chaussée ?
Warda – … Heu… Oui?
Le voisin de palier – Eh ben, elle dit qu’elle est raciste, hein, mais elle est toujours fourrée avec ceux du premier ! [Le monsieur est imam] Raciste, tu parles ! En plus, leur gamine braille tout le temps ! Ah!
Warda – …  se rapproche de sa porte, clefs à la main. Aparté – Sortez moi de là, sortez moi de là…
Le voisin de palier – de toute façon, je m’en vais bientôt.
Warda –  Ah bon ? – tousse
Le voisin de palier – Oui, ça peut plus durer. J’ai eu un logement OPAC aux Fontaines. [quartier populaire]
Warda – Où… Où ça ?   
Le voisin de palier – Aux Fontaines. Vous connaissez ?
Warda –  Oh que oui, ça va vous plaire, comme quartier. Bonne soirée.


Quand soudain… C’est pas moi !
Le spectacle commence. Insidieuse, mais bien là, une musique. Difficile de savoir d’où elle provient. Les batteurs la recouvrent. Silence sur scène, la musique d’outre-poche ou sac se déroule. Tiens, le type devant – Xavier Selva – a remarqué aussi. Son fils aussi. Batteurs qui battent. Accalmie. Musiquette. Ahah, y a vraiment des boulets… Quelqu’un qui n’a pas éteint son Spotify, ou quoi. Bon, ça devient agaçant, ce fond sonore… Ah l’autre type devant a remarqué et s’impatiente. Bon, pas celui à côté de moi, il dort. Batteurs à l’œuvre. Accalmie. Voix de femme plutôt jazz. D’autres personnes incommodées devant moi… Ahlala… Impossible de se concentrer, c’est insupportable. Moi au moins, j’ai bien eteint mon téléphone. … Enfin, je crois. … Non, non, c’est sur. … Et… Et si ça avait pas marché ? Après tout, je suis à moitié sourdingue… Je localise la musique devant moi, à droite, à environ 1 mètre, je l’entends mieux quand je me penche en avant. Mais si ça se trouve, je me plante … Et… Et c’est moi!!! -Se plie en deux, tête entre ses genoux, tâte dans son sac, sort craintivement son téléphone – Éteint, ouf! Voilà, c’est bien ce que je me disais. De toutes façons, sur mon téléphone il n’y a que Hadouk Trio et Pauline Carton, pas une bonne femme qui chante sur des cuivres. Ah, j’vous jure. y a vraiment des gens qui ont du toupet.


Quand soudain… Gaufre musicale…
Warda – se trémousse dans le couloir, rejoint à pas chassés les boîtes aux lettres – J’ai envie de touuuua-ah… Est-ce que tu le voiiiiiii ah? Laalalala
La Voisine – Ah, ben, ça chante! Ça chante! C’est qu’les affaires reprennent ? *Air égrillard*
Warda – Ah, non, c’est que j’ai vu Catherine Ringer en concert !
La Voisine – … C’est qui encore, celle là ?
Warda – Ben là moitié des Rita Mitsouko. Ouhou ! Ouhou !
La Voisine – Ah, bon… Vous écoutez ça, vous, alors ?
Warda – Oui, même si quand j’étais petite je croyais que c’était une marque de gaufres.


*tous ensemble, tous ensemble, ouais ! Ouais ! Tous ensemble, tous ensemble ! *
Une jeune femme – Nan mais y sont graves, à tout le temps gueuler comme ça ! En plus, que ça sert à rien-han!
L’autre- Grave! Trop relous !
Le mendiant – mondmoiselles, vous zauriez pas la pièce ? Silvouplé…
La jeune femme – Ah mais, lui aussi, grave relou! Et y en a d’plus en plus !
L’autre – Nan mais j’te jure!
Warda – … Sick sad World.


Un feu rouge, 8h30
Warda –  sur son vélo, tout fort, l’air inspiré  –  » Sur votre tombe, monsieur Henriot, si toutefois vous en avez une, on lira ceci : Philippe Henriot, mort pour Hitler, fusillé par les Français. Bonne nuit, monsieur Henriot, si vous pouvez dormir… »
Le type à la chemise à carreaux avec un casque 🚴‍ arrivé sans prévenir sur son vélo électrique –     
Warda – seconde de solitude  – Oui, uiui… J’aime bien me prendre pour Pierre Dac, le matin…  


Quand soudain…
La dame –  » Je lui ai dit de venir vous voir, je lui ai dit « là, la JEUNE FILLE en rouge. »
Warda – . .. – se regarde dans le reflet de la vitre – air tout flatté


Quand soudain… Éternelle leçon de la séduction…
Un jeune homme dépité de n’avoir pas de sous pour payer le restaurant, la sortie, le truc pour impressionner sa belle.
Warda- intérieurement – Ben mon vieux… Si tu comptes sur l’argent pour être aimé, t’as pas fini d’attirer les michetonneuses… Si tu n’as rien d’autre à offrir à une femme, tu feras fuire les plus intéressantes et les moins intéressées…
Warda – tout haut – Sick sad world


A – Je voudrais un sport qui pousse à dépasser sans cesse ses limites, tout en travaillant sur la maîtrise de soi, où il y a une recherche de perfection…
W- mmmmh mmmmh. ..
A – Ou on doit s appuyer sur le collectif, tout en ne comptant que sur soi -même. ..
W – Essaie d être une femme! XD


Quand soudain…
Riiiirk… Le volet du rez-de-chaussée
La voisine du rez-de-chaussée – Bonjour Warda, dis donc, c’est qu’vous êt’ réchauffée, à vous trimballer en minijupette à vélo tôt matin!
Warda – Ah, bonjour! Mais vous savez mon nom!
La voisine – Ah! Ahaha! Té! Rien m’échappe, à moi! Z’allez pas avoir froid comme ça?
Warda – Oh mais non, j’ai un gros collant, et un short sous ma jupe! Je suis parée pour les bourrasques!
La voisine – Un collant? C’est chaud assez, ça? Où qu’vous en achetez des pareils?
Warda – 4€ chez Monoprix
La voisne – 4€! Ben mon vieux! C’est pas donné!
Warda – Mais c’est un collant épais, ça ne file pas comme ça au premier accroc venu!
La voisine – J’ai vous dire, moi j’vais acheter un pantalon d’laine, ça m’tiendra toujours plus chaud au cul qu’vot’ collant! Y avait un bon d’réduction dans la Nouvelle République, comme vous la recevez aussi, gardez-moi donc c’numéro là! »


Quand soudain…
– … Monsieur ? Excusez moi, ça vous ennuie d’ouvrir ma bière ? Je n’ose pas le faire avec mes dents….
– Oh excusez-moi! *Pschitt* Fallait le dire avant !


Chez le marchand d’outils
Warda – tâte des paquets de vis pour trouver la même que celle qu’elle a dans la main.
Le vendeur – Tout se passe bien, mademoiselle ? N’hésitez pas, hein, si besoin !
Warda – … Je devrais m’en sortir, je crois… Merci. 
Rayon forets de perceuse
Warda – un foret tordu à la main, cherche son homologue.
Le vendeur – Si vous ne trouvez pas, je peux vous aider, n’hésitez pas !
Warda – trouve ce qu’elle cherche, le met dans le panier – Oui, oui, merci ! 
Rayon clous et marteaux
Le vendeur – Tout se passe bien ? Vous vous en sortez ?
Warda –  …  Eh bien non, figurez-vous que je ne trouve pas les faucilles !
Le vendeur – Alors plutôt au rayon jardinage !


Quand soudain… Formation sur un mode ludique
–  » Mon premier est très consommé en Asie, mon second est connu pour ses retards, mon tout est un dispositif d’aide aux jeunes entrepreneurs… Alors ? Qui a une idée ?
*Secondes de silence*
Une voix hésitante – N… Nouille poste?
– Nooon! Presque! Une autre idée ?
*Secondes de silence*
Une autre voix – peu de conviction -Riz train?
– Eh bien non, c’est Riposte !


Quand soudain… #SeuNeuCeuFeu
– « Vous savez lire?
– …?
– Y a écrit quoi sur votre billet ? Deux minutes ! Deux minutes avant le départ !
– … Mais les portes du train sont encore ouvertes…
– … Deux minutes A-VANT le départ !
Triiiit !!! Sschhhh…. Kbonk…. Rrrrrrtttt rrrrrrtttt….
Warda demeurée seule sur le quai avec le contrôleur regarde ostensiblement l’heure sur son téléphone. Puis le contrôleur, qui sait le poids de ces deux minutes de retard avec lesquelles part le train. Sourire mesquin du type. Warda regarde son crâne qui se dégarnit, puis lui adresse un regard empathique. Le type ne sourit plus.


Quand soudain… #cocoville 
– Tu viens à la conférence sur l’éducation populaire au CCC?
– Heu… C’est payant ? 
-… Le Centre Culturel Communal, à Saint Pierre des corps…
– Ah ben c’est gratuit alors ! 


Pas encore 7h. Quartier Velpeau.
Warda, dans une vapeur de café équitable  enfourche son vélo 
4 pékins font du jogging. Nos experts se penchent sur ce phénomène. 


Quand soudain…
Voix – Nous contactons les anciens étudiants… quelques minutes à consacrer… questionnaire… ?
Warda – Pfff… – s’apprête à raccrocher, se rappelle qu’elle a fait les mêmes appels il y a pas si longtemps que ça, avec d’autres étudiants fauchés, se ravise – Bon, oui, hein, mais pas plus d’un quart d’heure!
Voix – reconnaissante – Merci! (…) Votre salaire mensuel actuel est-il en rapport avec votre niveau d’études?
Warda – … Heu… Attendez, il faut que je calcule… Alors, 658… divisé, par 9… donc, 73 euros par année d’étude… Je crois que je peux dire que non?
Voix – tousse – … Non, donc… Quel type de contrat…
Warda – Un CAE CDD à temps partiel!
Voix – soupire – Un contrat aidé, donc…
Warda – C’est un peu indiscret, hein, mais vous, vous êtes en quelle filière?
Voix – amusée – En Master Arts du spectacle.
Warda – Ahahah!!!
Voix – …
Warda – Ahahaha!!! Excusez-moi, hein, mais c’est que…
Voix – Oui, oui, j’ai vu dans votre dossier…


Non aux « prédateurs » !

Le 23 mai 2018 paraissait dans le journal satyrique Le Canard Enchainé un article dénonçant les « prédateurs » qui rachètent pour une bouchée de pain des appartements dans des résidences-services pour personnes âgées et cherchent ensuite à faire supprimer ces services pour faire augmenter la valeur de leurs logements. A Tours, la résistance s’organise!
Voici l’article du Canard Enchaîné :

A Tours, quartier Velpeau, la résidence Le Bocage est particulièrement touchée par ces procédés, et le 30 juin 2018, l’association des résidants devrait être en liquidation judiciaire, ce qui veut dire suppression des services, et licenciement du personnel. Le 19 juin, les résidents faisaient une manifestation devant l’établissement pour sauver les services qui leur sont indispensables au quotidien. Ecoutez-les !


A mes amis

A mes amis et à ceux qui furent des enfants tristes

Pauvres de vous, émotifs, dévastés par la moindre déception, trop gentils.
Rayonnants dès que vous êtes entourés.
Vous pouvez soulever des montagnes, quand ça a du sens, quand vous vous sentez compris, appréciés; quand ça améliore les autres, et vous avec.
Navrés par la méchanceté, l’injustice, c’est à dire souvent.
Malheureux quand on vous malmène,  quand on vous ment, quand vous pensez blesser quelqu’un…
Si seulement vous aviez pour vous-même l’indulgence que vous avez pour les autres…
Si seulement vous ne vous cachiez pas tant derrière des masques, par peur de déplaire, de faire peur avec votre sensiblerie…
Si seulement la gentillesse était une valeur refuge, vous ne sembleriez pas si gauches, être amoureux ne vous donnerait pas cet air crétin, vous n’auriez pas peur d’être sincères.
Il faut le dire, dans cette triste époque, vous êtes plutôt à côté de la plaque. La bienveillance, mais c’est tellement mièvre!
Plus mal compris qu’un mode d’emploi ikea…
Mais pourquoi s’obstiner à fréquenter des gens qui vous ressemblent si peu? Qui ne vous regardent pas, pas plus qu’ils ne vous écoutent?
Partez. Fuyez. Ils ne le verront même pas. Cherchez ceux qui vous ressemblent. Faites une colonie de « gentils », de mièvres, de lourdingues, de bizarres, de poires, de timides, de boulets, de gauches, d’artistes.
Vous parlerez poésie, lumière dans les feuillages et nuances de verts, synesthésie, odeur de la pluie et du café, souvenirs sonores, guitare sèche, cinéma d’auteur…
Soyez un coup de hache dans la mer gelée.
Improductifs, non rentables, amoureux en CDI, village-gaulois. Heureux.


Mais comme l’air, pourtant, je m’élève…

Un jour, sur un forum, quelqu’un posa la question : « Mariage entre Noir et Blanc, pour ou contre? » Cette question me semblait aberrante. Y avait-il encore aujourd’hui des gens qui se diraient contre?  En vertu de quel principe obscur? Pensant qu’il s’agissait d’un post type Front National, pureté de la race et compagnie, je cliquais. Mal m’en prit.

La majorité des répondants étaient contre. Et la majorité des répondants avait la peau noire. Les commentaires étaient haineux, et certains appelaient à massacrer les Blancs jusqu’au dernier pour se venger de siècles de souffrance. Cela ressemblait, à s’y méprendre, aux discours tenus par l’extrême droite, et si j’avais eu l’humeur joyeuse, j’aurais pu imprimer des messages produits par les uns et les autres pour montrer que la concurrence était rude.
Je posais la question des métisses, et demandais, estomaquée, s’il était bien nécessaire de massacrer tous les Blancs. Je me suis fait insulter, menacer, on m’a mis dans le même sac que « les leucodermes » qui ont pillé l’Afrique, réduit en esclavage, qui tirent sur des jeunes avec un portable à la main… Tout argument était vécu comme une agression et un manque de respect, une tentative d’écraser de la part d’une « blanche », toute tentative de comprendre et d’échanger balayée par la croyance que la couleur supposée de ma peau m’empêchait de comprendre.

J’aurais voulu dire que chez les Blancs, il y a toujours eu des petits blancs de rien du tout, et que ces petits blancs de rien du tout ont toujours été exploités par les Blancs, qui ont toujours tout fait pour qu’ils ne fraternisent pas avec les Noirs, parce qu’ensemble, ils auraient pu se révolter en nombre. A votre avis, pourquoi encore aujourd’hui il est si précieux et utile d’entretenir des croyances racistes chez les Européens les plus démunis? Peut-être vaut-il mieux qu’ils rendent responsables de leur misère leurs frères de condition que les vrais coupables… Pourquoi est-il utile de leur faire croire qu’avoir la peau claire est plus avantageux qu’autre chose, quand l’usine ferme et se délocalise?

J’aurais voulu dire que les Noirs et les petits blancs de rien du tout, surtout les petites femmes blanches de rien du tout, seraient plus forts tous ensemble, face à ceux qui les ont traité comme des bêtes de somme. Mais je me faisais trop insulter. Et puis peut-être etait-il vrai aussi que j’avais une vision trop bête et naïve des choses. Je me suis souvenu cette arrivée à l’aéroport de Paris où le passeport d’une amie haïtienne a été inspecté sous toutes les coutures pendant un long moment, alors que le mien a à peine été ouvert, et que ça m’avait profondément énervée.

Interférences – Puchol&Galandon, éditions Dargaud

Cet épisode m’a laissée perplexe. Sur la porte de mon frigo, j’ai relu le magnifique Still I’ll rise de Maya Angelou en faisant chauffer de l’eau pour me faire du thé. Enfant, je voulais avoir la peau noire, je trouvais ça merveilleusement beau. A y bien penser, je crois aussi que, sans évidemment comprendre pourquoi, je me sentais noire.


You may write me down in history
With your bitter, twisted lies,
You may tread me in the very dirt
But still, like dust, I’ll rise.


J’ai eu envie  d’écrire un article sur mon blog, à partir d’une pièce de théâtre et d’un livre, pour développer une pensée que je n’avais pu exprimer. Le voici.


La Bonne Nouvelle


Au Théâtre Olympia de Tours, du 10 au 14 avril, se jouait La Bonne Nouvelle de Vincent Lambert et François Begaudeau.


« Ils ont cessé de croire. Encouragés par un animateur aux allures d’évangélisateur télé, trois femmes et deux hommes passent aux aveux. Oui, ils ont pris leur part. Oui, ils ont éprouvé du plaisir. Entre récits autobio­graphiques et vulgarisation économique, ces repentis du capitalisme se livrent. »


Genèse du spectacle – François Begaudeau


Evidemment, on rit, et surtout quand on a eu soi-même à subir les open spaces, la cohésion de groupe forcée, la bise forcée, les événements « corporate », les exercices avec post-it, la fausse bonne humeur permanente convoyée par un sabir franglais, mais avec pas trop d’accent, dont le seul sens est de montrer que l’on appartient bien à la caste des décideurs.



Pourtant, parmi ces hauts responsables surdiplômés (écoles de commerce, administration), issus des classes supérieures ou bonne classes moyennes, figures du déterminisme social, il y a un vilain petit canard. Le personnage qui intervient à contre-temps, fait des blagues lourdes, ne comprend rien. Et qui porte des chaussures de cuir marron avec un costume bleu. Celui qui n’a pas les codes sociaux des gagnants. C’est à mon avis le personnage le plus intéressant de la pièce. En effet, il s’agit d’un autodidacte, qui n’a pas fait d’études, issu d’un milieu très modeste, et qui a réussi à monter dans l’échelle sociale en se montrant un vendeur… de canapés hors pair chez Canap78. Evidemment, on est bien loin des institutions prestigieuses. On est loin de la magie de la « titrisation », loin des concepts, loin des flux financiers virtuels. D’ailleurs, si je ne m’abuse, ce personnage, avant de faire dans la vente de canapé, a vendu de la porcelaine sanitaire… Amusant lien avec On purge bébé, de Feydeau, où madame ne veut surtout pas être désignée comme la femme de celui qui vend des pots de chambre. Car si les affaires de son mari lui permettent une existence bourgeoise, elle mourrait de honte si la bonne société connaissait la nature des activités de son mari.


Julie, adossée à la table, les bras croisés – Oh! C’est tout réfléchi! Tu es bien aimable, mais je n’ai pas envie de marcher dans la vie auréolée d’un vase de nuit! je n’ai pas envie d’entendre dire, à chaque fois que j’entrerai dans un salon : « Qui est donc cette dame? – C’est madame Follavoine, la femme du marchand de pots de chambre! » Ah! Non! Non!


De quoi ça cause? – itw de l’un des comédien


L’histoire de ce personnage marchand de canapés montre l’impossible assimilation des manants par la classe dominante. Il est un peu méprisé par ses pairs sur le plateau, il n’a jamais pu accéder à un poste supérieur dans son entreprise faute de diplôme adéquat, et peu importe ses compétences réelles. Sa compagne, diplômée de Sciences Po, avait honte de son pedigree et le cachait à ses amis de promo, jusqu’à ce dîner fatal où il lui a fait honte en parlant de son travail, de ses loisirs à des gens qu’ils pensait sympathiques, mais qui étaient seulement polis. La Bonne Nouvelle, c’est aussi une histoire de castes hermétiques comme des Tupperware. Le capitalisme n’aurait donc pas de sens, et surtout pas pour les classes modestes de la société. Comme le montre l’histoire de notre vendeur de canapé, il est toujours rattrapé par ses origines sociales, et il est vain de croire qu’il pourra pleinement intégrer une élite qui base sa réussite sur ce qui l’a fait naître pauvre. Par ailleurs, cette élite se perçoit comme supérieure à lui, et induit chez lui des envies de revanche sociale, d’assimilation, ou de soumission. Et ce n’est que la prise de conscience de son échec inévitable qui le pousse à rejeter le capitalisme.


Panique dans le 16e!



Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon sont sociologues, et spécialistes de la grande richesse. Dans cet ouvrage, une analyse sociologique dessinée, ils se penchent sur l’émeute qu’a créé l’annonce de l’installation provisoire d’un centre d’hébergement d’urgence pour les plus démunis dans le très huppé XVIe arrondissement de Paris. Les faits remontent à mars 2016.

Le Parisien – Insultes en pagaille à la réunion sur le centre pour SDF du Bois de Boulogne – 16 mars 2016

Le Monde – Paris : le centre d’hébergement du 16e arrondissement à nouveau attaqué – 6 novembre 2016

La Dépêche – Centre pour SDF du 16e à Paris: un an après, des riverains « résignés » – 12 novembre 2017

 


On pourrait, avant leur renaissance, assimiler les personnages de La Bonne Nouvelle – vendeur de canapé excepté – aux habitants du XVIe arrondissement, parce qu’ils semblent vivre hors de la réalité commune à la grande majorité d’une population  française qu’ils ne rencontreront jamais vraiment, et qu’ils emploient pourtant dans leurs entreprises, et dont ils scellent l’avenir à coup de coupes budgétaires et de clics de souris.

La violence symbolique
Les auteurs de l’ouvrage proposent la notion de « violence symbolique » (Bourdieu) pour tenter d’expliquer le comportement des riches habitants du XVIe arrondissement.
La violence symbolique est une croyance collective « qui permet de maintenir les hiérarchies. Elle a pour effet la soumission des dominés sans que les dominants aient besoin d’avoir recours à la force. La violence symbolique consacre l’ordre établi comme légitime. Elle dissimule de ce fait, les rapports de force qui sous-tendent la hiérarchie sociale. Elle sert à pacifier les relations au sein de la structure sociale. »* La violence symbolique permet donc d’échapper aux conflits violents entre dominants et dominés, ou à la dictature. « Les dominants ont le pouvoir d’imposer leur propre vision comme objective et collective. Si bien que les dominés ne disposent pas d’autres modes de pensée que celui des dominants ; ils ne peuvent donc pas échapper à la violence symbolique. Tout se fait de façon implicite et non consciente. Cela rend toute contestation ou toute révolte extrêmement difficile. » * Les dominés, alors qu’ils sont plus nombreux que les dominants, qu’ils sont leur source de richesse, pensent l’ordre des choses comme normal et naturel.

article de Bénédicte Kibler – La violence symbolique qu’est-ce que c’est?



Une lettre mystérieuse…

Un très grand hasard a fait arriver dans ma boîte mail ce courrier qui ne m’était pas destiné. Afin d’en retrouver l’auteur et les destinataires, et puisque je m’en voudrais trop de ne pas concourir de mon mieux à faire connaitre cet exemple de modestie et de piété familiale, je le partage ici.

Mes bien chères tantes,

Il semblerait que vous êtes soucieuses de mon avenir matrimonial. Il faut bien dire, que, lorsque l’on atteint un âge canonique comme le mien, il est grand temps de s’en préoccuper. Voilà que j’entame ma trentième année sur Terre, âge auquel certaines d’entre vous étaient déjà grands-mères.
Je suis – pourquoi s’en défendre – déjà un fruit un peu blet. Et votre tache s’annonce ardue. A l’époque de mes quinze ans, tout le monde s’accordait pour me trouver une grande beauté et, si je n’avais pas de dot, le respect qu’inspirait le nom de mon grand-père suffisait à faire oublier que mon père, son gendre, avait disparu avec la quasi totalité de l’argent dont avait hérité ma mère, peu après ma quatrième année, et qu’elle était morte, ivre, au volant d’une voiture d’importation, après avoir dilapidé le peu qu’il restait en futilités. Et donc, beauté et nom du grand-père avaient suffit à décider une famille de riches paysans qui était venue à bout du stock de cousines nubiles. Évidemment, pour que le marché soit conclu, il fallait que j’arrête immédiatement mes études : une digne épouse ne pouvait pas avoir la tête dans les livres, plutôt qu’au dessus d’une marmite. Mais, comme la plupart des enfants abandonnés aux soins des sœurs blanches, si je savais lire plusieurs langues, je n’avais pas la moindre notion efficace et utile pour tenir un ménage. Le jeune homme s’en aperçut vite, il était plein d’amour et de compassion, et n’en dit rien. Il savait suffisamment lui-même les choses de la maison. Évidemment, lorsqu’il fut temps de prendre à l’essai cette future épouse, la mère du garçon découvrit avec colère que je continuais mes lectures, et que je ne savais pas même vider un poisson ou cuire un gâteau. Rendez-vous compte. J’aurais fait mourir de faim son fils. En plus, je restais assez discrète sur mon souhait d’être mère dès que possible. Il apparut vite que mon pedigree n’était peut-être plus si avantageux. La suite, vous la connaissez. La mère vous a menacée de ne pas vous donner la somme promise pour une épouse convenable, alors, vous avez trouvé une autre jeune fille. Moins belle, mais plus fortunée, et qui avait été élevée pour être une bonne épouse. On ne m’en a rien dit. J’ai juste vu quelques fois encore devant l’école des sœurs le jeune homme. Je le guettais des heures à la fenêtre. La dernière fois, il m’a serrée fort dans ses bras en pleurant, puis je ne l’ai jamais revu. Et je suis restée chez les bonnes-soeurs. J’avais trop honte de toute façon, et trop de peine, pour en sortir. Puis je suis partie très loin pour continuer à étudier. J’ai réussi. Et comme en atteste vos demandes d’argent pour venir en aide au village, cela ne vous a pas échappé. Je suis vieille, mais je suis riche aussi, et je vis dans ce pays lointain, et voilà que brille à nouveau le nom de mon grand-père. Alors, me voilà devenue un bon parti. Mais vous savez, ici, j’ai pris de très mauvaises habitudes… Je me suis acclimatée à un confort excessif, je me nourris de fruits et de pain, avec du thé, je lis très tard, me lève très tôt, et fais plusieurs petites siestes dans la journée, pour être en forme pour sortir en ville le soir au cinéma ou au spectacle. Je donne de l’argent à une femme pour qu’elle fasse mon ménage et ma lessive. La vaisselle, ce n’est pas la peine, je n’en salis pas. Je voyage dès que je le peux. Je donne de l’argent aux pauvres. Je fume parfois. Je ne fréquente pas les hommes, c’est bien là ma seule vertu. Voyez, si grand que soit votre pouvoir de persuasion, je vous resterais immanquablement sur les bras. Alors, surtout, je vous en prie, épargnez-vous une peine inutile, une vexation certaine, une perte de prestige inévitable.

Quant aux frais déjà engagés en temps, en pourparlers dont vous me parlez ; j’ai ici les carnets de compte de mon grand-père. Comme vous le savez, c’était un homme juste, généreux, mais c’était aussi un homme rigoureux et précis. Je vois donc que le boulanger lui doit deux fois plus que ne lui doit le professeur, ce qui représente à peu près le quart de ce que lui doit le rebouteux. Je vous propose donc d’aller réclamer votre dû à ces messieurs. Par ailleurs, celle d’entre vous qui est proche de mon père et s’est vu offrir ce très beau collier – voir pièce jointe – peut s’estimer dédommagée par mon grand-père. Oui, la vraie sorcellerie, c’est Instagram. Quand on se prend en photo devant une vitrine de bijoutier, il faut s’assurer qu’il n’y a pas de reflet.

Mes tantes bien-aimées, je vous remercie infiniment de vos bons soins qui m’ont accompagnée toutes ces années. Et, si vous réclamez également au garagiste et au tailleur les sommes dues à mon grand-père, vous pourrez vivre paisiblement encore de longues années, sans plus avoir à vous soucier de l’avenir des autres. Ainsi, vous n’aurez pas fait tout cela pour pas un rond.

Je n’ose vous dire que je vous embrasse, car vous savez comme moi qu’il est toujours coûteux de se montrer trop tendre avec une vieille carne.


PRETEXTE – Un parcours autour du dessin

La ville de Tours, au centre de la France, ne manque pas de galeries et de lieux d’exposition. Du 21 au 25 mars, 11 de ces lieux ont proposé un événement commun – Parcours Prétexte – autour du dessin d’artiste. Je vous propose une promenade sonore sur 6 de ces lieux, dans les expositions en cours d’installation…

A l’invitation de Zazü et de Christophe Lalanne, j’ai pu me faufiler lors du montage de certaines expositions, échanger avec les artistes et les galeristes, et capter un peu de ces instants magiques qui font l’envers du décor; et tout ce travail que le public ne verra pas.
La voix de Zazü parcourt les enregistrements, elle lit Henri Matisse, Propos sur l’art…


Première station : Galerie OMAA AKIIN – Zazü – Franck Bouroullec

Zazü : « Concrètement, ma recherche plastique se construit régulièrement autour de 4 axes utilisés conjointement ou séparément.

– Observation de la nature et des phénomènes (y compris humains)

– Repérage, cheminement et occupation de l’espace

– Introduction d’une donnée appartenant à la culture amérindienne.

– Ouverture de l’œuvre à l’autre par la notion d’implication collective et de dimension exponentielle, ou en travaillant l’interaction avec d’autre forme d’expression : danse/mouvement, musique/son, écriture … etc … »



Franck Bouroullec


Deuxième station : Atelier9 Nicolas Gaillardon

Nicolas Gaillardon


Troisième station : Galerie EXUOVanina LangéJonathan Bablon


« Vanina Lange se définit comme plasticienne, elle travaille le volume et le dessin. Elle aime prendre et reprendre, faire et refaire. Pour elle, le travail artistique est un jeu. La matière par ses particularités portent en elle des possibilités et une question simple : que peut-on en faire ? »
Texte de Guislain LAUVERJAT. – Parution dans la Revue LAURA en Octobre 2015


Quatrième station : Mode d’emploi – Ma Zhong Yi – Massinissa Selmani Claire Trotignon

Ma Zhong Yi

Massinissa Selmani


« Les dessins de Massinissa Selmani pourraient passer inaperçus. Leur facture faussement simple a l’économie des scènes qu’ils remontent. Économie light, cela se comprend, pour des scènes qui tiennent en quelques silhouettes entre murs interposés, panneaux, rambardes et poutres. Ces dessins frêles et réservés, sans artifices, on dirait qu’ils se fondaient dans les murs. Massinissa Selmani interpelle son spectateur à la troisième personne. Ce sont tantôt des saynètes insolites, tantôt des montages où le regard se cogne à un événement tragique. Ce sont aussi des compositions qui font parfois proliférer le dessin hors-cadre. Jamais austères, délicatement improbables, ces œuvres sont tout à leur jeu combinatoire. »
Par Adnen Jdey. Mars 2017.


Claire Trotignon


« A y regarder de plus près pourtant – Des fragments de gravures anciennes, assemblées, modifiées, réinterprétées par Claire Trotignon, évoquent des paysages et des espaces architecturés, dans des compositions précises, où ce qui est figuré joue avec l’invisible, formes potentiellement disparues, hantant les amples vides du papier. Ses dessins invoquent ainsi une esthétique de la ruine, mais d’une ruine contemporaine, projetée, déplacée dans un temps incertain, qui ne serait ni vraiment passé ni vraiment le nôtre. L’invisible, dans le travail de Claire, serait ainsi anachronique : une temporalité paradoxale où se télescopent, s’imbriquent des périodes différentes, apparemment irréconciliables. »  Julie Faitot, septembre 2016


Cinquième station : Eternal GalleryBabi Badalov



Babi Badalov


« As a visual artist, poet he expresses his ideas through visual poetry, art objects, installations and live performances. He also experiments with words and writes obscure poetry, mixing languages and images of different cultures. Babi Badalov’s work often is dedicated to linguistic explorations researching the limits of language and the borders it imposes upon its users and based on his personal experience of linguistic inconveniences while travelling. » site de Babi Badalov


Sixième station : Galerie Lyeux CommunsBertrand Robert

Bertrand Robert


« Le point de départ de son travail est souvent une photographie trouvée sur internet, sur laquelle l’artiste imagine une histoire, décline un contexte. Il s’intéresse tout particulièrement à ce principe d’intimité dévoilée et à ces rouages. A l’image que l’on met de soi sur internet, qui est bien souvent une mise en scène, et qui devient un masque, dans un comportement de communication de groupe. (…) Il invente des personnages fictifs qu’il montre sous différents aspects, il en dévoile l’intimité psychologique afin de montrer les dessous des masques sociaux.  » Madeleine Filippi


Assises du Journalisme – Le Prix Jeunesse de la ville de Tours

Dans le cadre des Assises du journalisme de Tours, la Bibliothèque Municipale a mis en place un Prix Jeunesse, avec deux jury : un jury enfants, composé de collégiens et d’élèves d’école primaire; et un jury adulte, dont j’avais le plaisir de faire partie.

Le jury adulte était composé  d’un représentant de la Ville (Mme Beuzelin, adjointe à la Culture, et présidente du jury), 1 journaliste presse écrite (Elisabeth Segard, La Nouvelle République), 1 média presse radio (Melissa Plet-Wyckhuyse, Radio Campus Tours), 1 spécialiste de la littérature jeunesse (Patrice Wolf), 1 représentant des Assises du journalisme de Tours (Jérôme Bouvier) et 1 représentant de la Bibliothèque (Bérangère Rouchon-Borie); le jury enfants par des élèves de CM2, 6ème et 5ème.
Les délibérations ont eu lieu à la Bibliothèque Municipale de Tours, réunissant les membres des deux jurys, et les enfants des classes concernés. Chacun a donc pu expliquer pourquoi tel livre lui a plu plus qu’un autre, et il était très intéressant d’avoir le point de vue des adultes et des enfants.

Quelques photos des délibérations – mercredi 21 février 2018

Assises du Journalisme 2018


Les livres de la sélection étaient les suivants :
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Jean-Marc Fiess, collection Trapèze, éditions Albin Michel
Si j’étais Ministre de la Culture, Carole Fréchette, édition Ricochet
C’est quoi l’écologie? Jacques Azam, Sophie Dussossois, éditions Milan
Les journalistes nous cachent-ils des choses? David Groison, Pierrangélique Schouler, Ronan Badel, Actes Sud Junior
Le handicap, pourquoi ça me concerne? Sylvie Baussier, éditions Fleurus


J’ai été surprise par l’importance accordée par les enfants – 9/12 ans – à l’aspect visuel des livres : couleur, taille de la police, appétence pour les illustrations, intérêt pour le graphisme. Les adultes se concentraient plus sur le contenu des ouvrages. On voit donc qu’il y a une différence entre les acheteurs potentiels (parents, grand-parents, bibliothécaires) et le public destinataire. Je me suis demandé si j’avais oublié le rapport aux livres que j’avais enfant. J’ai lu beaucoup de bandes dessinées, mais j’étais plus jeune, et je crois que ma lecture-phare à 9 ans était Vipère au poing d’Hervé Bazin.


La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Jean-Marc Fiess, collection Trapèze, éditions Albin Michel

J’ai trouvé ce livre pop-up très beau, mais aussi très fragile, et je doute fort qu’il resiste longtemps aux petites mains d’une bibliothèque scolaire. Par ailleurs, si c’est un livre-objet très réussi, le contenu me semble léger pour des enfants de 9/12 ans. On ne saisit pas toujours le lien entre la mise en volume proposée et l’article de la Déclaration illustré…

 


 

Si j’étais Ministre de la Culture, Carole Fréchette, édition Ricochet

Le très grand format du livre permet une lecture à un groupe d’enfants auquel on montrerait les images. Sauf que le public était un peu grand à mon avis pour cette lecture mise en voix. Sauf que les images sont assez sombres; les enfants eux-mêmes les ont trouvées effrayantes. Par ailleurs, si l’idée de faire imaginer une journée sans culture est tout à fait interessante, le contenu de l’ouvrage m’a semblé un peu juste pour des élèves de CM2/5e/6e. Je crois que ce livre conviendrait plutôt à des CE1/CE2.


C’est quoi l’écologie? Jacques Azam, Sophie Dussossois, éditions Milan

Le favori des enfants, à l’unanimité, qui ont aimé la présentation en « fiches », qui permet une lecture fragmentée et thématique, ainsi que le grand nombre d’illustrations et le petites bandes dessinées. J’ai trouvé quant à moi qu’il y avait de notables imprécisions dans l’ouvrage. En effet, si on y parle de Darwin, il y a une impasse totale sur ce qui était cru et enseigné avant la Théorie de l’Evolution. Sans prendre partie, il me semble important de dire au enfants qu’avant cette découverte, on pensait que l’humain était une création de Dieu, et que certaines personnes le croient encore, notamment aux Etats-Unis; et combien ces deux conceptions du monde ont pu se heurter et faire de victimes. Si l’écologie est une science, elle se doit d’être précise. S’intéresser à la Terre, c’est aussi se souvenir de Giordano Bruno, et que l’obscurantisme tue. Mais qui parmi ces enfants sait qui il était? Je suppose une certaine frilosité sur ces questions d’obscurantisme religieux, un « politiquement correct », et j’espère me tromper.


Les journalistes nous cachent-ils des choses? David Groison, Pierrangélique Schouler, Ronan Badel, Actes Sud Junior
Voici le livre qui a remporté le plus de voix du jury adulte. Un livre drôle, précis, construit à partir de « questions impertinentes et pertinentes », selon le mot de Pierangélique Schouler, d’enfants au sujet du travail des journalistes. Les journaliste sont-ils tous de gauche? Pourquoi voit-on toujours les mêmes experts à la télé? Pourquoi les journalistes se trompent-ils? Les journalistes sont-ils objectifs?  Peut-on croire les sondages? Des réponses chiffrées, argumentées, concises et accompagnées d’illustrations très drôles. Une langue française standard, là où plusieurs autres ouvrages ont fait le choix d’une langue relâchée, ou plutôt d’écrire comme on parle.


Le handicap, pourquoi ça me concerne? Sylvie Baussier, éditions Fleurus
Un livre plein de bonnes intentions, qui détaille toutes les formes de handicap, mais oublie le handicap social. En effet, en ce qu’elle condamne au provisoire, à l’instable, à l’insécurité, parce qu’elle limite la capacité à agir et à se projeter, la précarité est un handicap réel, qui peut d’ailleurs s’ajouter à un autre handicap. Un livre qui fait tellement la promotion du handicap, que cela en est gênant, car ce discours semble culpabilisant pour les enfants qui ne seraient pas en lien avec des personnes concernées, ou qui par ignorance auraient pu se moquer. Elisabeth Segard faisait très justement remarquer que, sur ce sujet, il serait peut-être plus efficace de présenter des portraits de personnes qui ont changé le monde, et qui accessoirement étaient handicapés. Par exemple Stephen Hawking.


La remise des prix a eu lieu le 16 mars 2018, dans le cadre des Assises du Journalisme de Tours. Dans la catégorie Prix Actu Junior (décerné par des élèves de CM2, 6ème et 5ème) : « C’est quoi l’écologie ? » de Sophie Dussaussois, illustré par Jacques Azam; et dans la catégorie Prix Actu Adultes, de « Les journalistes nous cachent-ils des choses ? » de David Groison et Pierangélique Schouler, illustré par Ronan Badel


Liens

La remise des Prix jeunesse sur le site des Assises du journalisme.
L’article de Elisabeth Segard pour TMV
Les lauréats sur le site de la Ville de Tours


Radio aveugle, je t’aime !

Plusieurs vieux schnocks – dont moi – s’élèvent contre la radio filmée. Et si ce n’était déjà plus de la radio?

SPDC on air
Décembre 2017, en période de pré-fêtes, j’ai le plaisir de participer pour la deuxième année à la semaine de radio organisée par le Service Municipal de la Jeunesse (SMJ) de la municipalité de Saint-Pierre-des-Corps, Indre-et-Loire, France. Comme le rappelle cet article des Inrocks, Saint-Pierre-des-Corps a quelque chose du petit village gaulois d’Astérix.
Pendant une semaine, de 9h à 21h30, les associations locales, les écoles, les habitants, les artistes locaux, les élus, tous viennent s’exprimer sur le plateau de cette radio éphémère, qui existe tous les ans depuis déjà 12 ans. Le CSA accorde chaque année une fréquence temporaire, le 97.4 FM.
Un tel projet existerait-il ailleurs que dans cette municipalité communiste depuis près de cent ans ?
Les émissions sont animées par le SMJ, Radio Campus Tours, les étudiants de l’Ecole Publique de Journalisme de Tours (EPJT), et parfois « auto-animées », lorsqu’il s’agit de classes dont les enseignants ont eu envie d’inventer une émission avec leurs élèves, ou d’ « habitués », de personnes qui participent tous les ans, comme c’est le cas avec la Bib’ , la Bibliothèque Municipale.
Un article sur le projet en lui-même serait tout à fait imaginable.



Cependant, le sujet qui m’occupe ici, c’est la radio filmée. En effet, il faut dire que c’était la première fois de ma vie que je me retrouvais filmée parlant dans un micro, un casque sur les oreilles. Certes, nous avions été avertis : cette année, la municipalité innovait, la radio serait filmée et youtubée en direct sur le site de la mairie ! Il faut bien le dire, cette information m’était sortie de l’esprit, car, quand il est question de radio, je me soucie avant tout de son et pas d’image. De photos, à la rigueur, tant qu’il ne s’agit pas non plus d’un lourdaud qui vient faire cliquer son appareil à tout bout de champs près de mon micro (ce qui gène considérablement l’auditeur et le travail en cours).



On vous surveille


Au cours d’une émission, voilà soudain que, face à moi, s’allume un écran démesuré de télévision, façon 16/9 en plus grand. Et comble de l’horreur, je vois en gros plan disgracieux , sous une lumière désavantageuse, ma figure, surmontant un pull marin confortable mais peu élégant, une mèche de cheveux échappée du casque venant ponctuer mes phrases. Je me fais face dans un haussement de sourcils, qui provoque un blanc à l’antenne de quelques secondes. Pour l’auditeur, une seconde de réflexion entre deux questions pertinentes. Pour le voyeur, pardon, le téléspectateur, pardon, le… heu… le youtubeur, une micro-absence avec une expression de stupeur, mais sans tremblements, ce qui fait que le diagnostic de crise d’épilepsie ne tient pas. Soulagement, la caméra s’acharne à présent sur l’interviewé, qui lui n’a pas l’air troublé outre-mesure tout d’abord, puis qui s’emberlificote dans une explication et se met à digresser en se voyant ainsi observé. Tiens, on nous voit de plus loin, tous les deux dans le cadre. C’est gênant, cet écran, ça me déconcentre. Oh la la, c’est moi cette grosse avec un double menton? J’ai l’air avachie. J’espère que personne ne regarde ( 467 vues). Mes mains parlent autant que moi. Je… je vais les mettre sur mes genoux. Non, c’est comme si je supprimais la ponctuation de mon discours. Merveilleux, la Terre entière peut savoir que je me gratte le nez à cet instant précis. J’ai vraiment l’air de « ça » en vrai? Rhooo… Bon, ça commence à bien faire ! Je vais mettre mon écharpe sur cette caméra effrontée, si ça continue!


Suis-je déjà une vieille bique dépassée par les nouvelles technologies?


Suite à cette expérience éprouvante, alors que je m’étais toujours – avec une fatuité extrême – fait l’impression d’être née « trop tard, dans un monde trop vieux », voilà que j’étais « trop vieille dans un monde trop jeune ». J’eus ma minute Chateaubriand, puis m’ennuyant moi-même, et considérant que ce n’était pas si grave de ne pas avoir la télévision, puisque j’avais quand même un ordinateur et un blog, et que personne n’avait dû voir ce moment de disgrâce, je m’interrogeai sur la pertinence de la radio filmée. Après quelques recherches, je tombai sur cette vidéo de l’humoriste François Rollin, sur France Inter, où il s’insurge contre la radio filmée.



On avait dit pas le physique


Parmi les récriminations de François Rollin, le fait que l’image entraîne de fait une attention particulière sur le physique des intervenants. En effet, j’ai pu le constater moi-même. Jusqu’à présent, ma tenue vestimentaire, capillaire, mes ponctuations manuelles, mimiques, tenue corporelle, étaient le cadet de mes soucis. En effet, à la radio, on se fout de tout cela. Ce qui prime, c’est ce qui est dit et comment c’est dit. Pertinence, éloquence, choix du vocabulaire, grain de la voix. Je suis moi-même atterrée de me voir me soucier de mon double-menton alors que je parle d’art brut et de psychiatrie. Ces considérations viennent troubler la pensée, gêner le discours.

Mon inquiétude va vers les femmes. En effet, il serait bien hypocrite de nier la pression sociale qui est faite encore aujourd’hui sur les femmes, qui devraient toujours être belles, minces, soignées, élégantes, souriantes. A-t-on jamais vu en France une présentatrice télé vraiment laide ou en surpoids morbide ? Ou habillée en jean et pull marin, sans maquillage ? Si on commence à filmer la radio, les premières à se soucier de leur image, ce seront les femmes. L’image fascine. La radio est le seul média qui ne rend pas captif, que l’on peut écouter en faisant autre chose. Si la radio filmée se généralise, difficile de croire que les présentatrices n’entrant pas dans les canons de beauté majoritaires auront toujours une place de choix, indépendamment de leur talent radiophonique. Le consommateur voudra de belles images, de belles idoles. Cette injonction à la belle allure se fera aussi pour les hommes, mais dans une moindre mesure. Imaginez un peu le temps perdu à choisir une tenue, à planquer ses boutons et sa dentition disgracieuse, son strabisme, ses cheveux gras, tous ces détails dont la radio se fiche éperdument ? Encore une fois, le risque est que les femmes se doivent d’être belles avant d’être compétentes.

N’être pas qu’une apparence physique J’ai eu la chance de faire des ateliers radio avec des personnes en grandes difficultés sociales, ou psychiques. La vie à la rue, la précarité, les traitements médicamenteux, la forte consommation de tabac, d’alcool, tout cela laisse une empreinte sur les corps. Par ailleurs, quand on a peu d’argent, les dépenses vestimentaires ne sont pas les premières à faire. J’ai eu face à moi des personnes qui avaient énormément de choses intéressantes à dire, et qui souffraient parfois que « dans la rue, on ne nous regarde même pas », ou alors qui sont regardées de travers du fait de leur apparence. Ou qui, pour une raison ou une autre, ne voulaient pas être reconnues. Et pourtant, elles avaient des choses importantes à dire. La radio était un outil parfait. Très mobile, nécessitant peu de matériel, faisant fi de l’allure des gens. Ces personnes n’auraient pas accepté d’être filmées pour la plupart, et pour moi, il était évidemment impossible de le leur imposer.


Dire plutôt que paraître. Ou taper.


Nombreuses, les Cassandres qui parlent d’appauvrissement lexical dans les médias, et chez les plus jeunes, à l’exception, peut-être, des jeunes issus des milieux les plus favorisés, et qui très tôt baignent dans le beau langage. Dans un monde envahi par l’image des tablettes, smartphones, ordinateurs, où l’on peut dire en smileys ses émotions, à quoi sert encore de parler, de chercher le mot le plus précis pour dire ce que l’on ressent, puisqu’un petit bonhomme jaune y suffit ? Les SMS et les réseaux sociaux ont créé un langage réduit mais compréhensible dans le monde entier :
LOL 😀
Dans cet article de 2014, Le fossé lexical se creuse, Nabum, enseignant, partage ses inquiétudes.


Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir, éberlué, l’immense décalage entre les élèves et les phrases proposées par de grands éditeurs, sans doute conseillés par une armée de spécialistes et d’inspecteurs généraux, de linguistes et d’experts de la littérature jeunesse. Là, j’avoue que je me gausse un peu tant les petites phrases proposées frisaient la médiocrité et l’obsolescence désarmante. Rien à sauver ou presque ….

Mais, le pire fut alors d’expliquer à ces élèves – issus d’une diversité qui les prive le plus souvent de racines et de repères sémantiques – des mots qui apparemment leur étaient totalement inconnus. Il faut avouer que ces enfants vivent dans des quartiers péri-urbains où le rapport à la nature est des plus lointain. Mais de là à ne rien comprendre à ce point, je n’imaginais pas que ce fût possible …


Dans ce cas, les élèves de la ville ne connaissent pas les mots du monde rural comme « jument », « poulain », « chevaucher ». Ils ne connaissent pas les mots qui renvoient à autre chose qu’à leur quotidien immédiat. Ils les lisent sans comprendre et ne s’approprient pas les mots si aucun effort n’est fait pour leur expliquer. Dans une cours d’école, quand on se tape dessus, puis plus tard dans la rue, c’est parce qu’on n’a, le plus souvent, pas réussi à DIRE ce que l’on ressentait, parce que les mots manquaient, ou parce qu’on n’a pas compris un MOT, une EXPRESSION, un second degré, et qu’on s’est senti agressé ou démuni.

Quel rapport avec la radio? Pour moi il est assez évident. J’ai la chance depuis quelques années de participer à des radios pédagogiques en milieu scolaire, école et collège.
Qui domine dans une classe, surtout une classe d’ados ? Les filles les plus belles et les plus insolentes, les garçons sportifs et musclés, les grandes gueules qui ont toujours une vanne bien grossière et bien agressive sous le coude, mais dans avec un nombre limité de mots.
Qui domine, face au micro, où on ne voit ni la jolie coiffure, ni la carrure d’athlète, sur laquelle on mise tout ? Et où pour tenir une heure d’émission avec un économiste, une association environnementale, il faut avoir autre chose en stock que des vannes ? Où il faut savoir écouter les autres pour réagir à propos, réagir à ce qui est dit, argumenter ? Où on a besoin de coopérer, avec le technicien, avec les invités ? Souvent, ce sont les plus timides, ou du moins, les plus discrets, ceux qui savent poser leur voix, dire précisément, et sans crier, et ce ne sont pas forcément les premiers de la classe.

Constats : la discussion, l’échange c’est exigeant. Il faut des mots pour que l’autre comprenne mon idée, j’en ai besoin pour expliquer. La radio, ça peut être autre chose que les animateurs des grandes radios commerciales, et ça n’est pas forcément ennuyeux. Pas besoin de crier, de jouer des coudes ou du fer à friser pour être intéressant et respecté. Et tout ça, justement parce que la radio n’est pas filmée. Et cerise sur le gâteau : oui, ça servait vraiment à quelque chose, ces exercices de grammaire, d’Histoire, de… puisque ça permet d’échanger avec un invité d’un autre âge, et d’être écouté et compris par d’autres que mes copains. Les professeurs disent, d’ailleurs, qu’une expérience de radio soude une classe, et fait évoluer positivement les relations entre les les élèves.
A titre personnel, j’estime aussi que l’on peut proposer à des jeunes des choses plus ambitieuses que ça :

Je pense donc que la radio NON FILMÉE est un outil pédagogique de premier choix. Sans dénigrer les autres supports (vidéo en direct sur les réseaux sociaux, youtube…) qui sont massivement consommés par les plus jeunes, cela montre aussi qu’un autre rapport au monde, à l’information est possible. Qu’on peut échanger autrement qu’en étant rivé à un écran.

Dans cet article de 2015, « Dans nos cités, le langage s’appauvrit : un « LOL » ne vaudra jamais le second degré »,  Abderrahim Bouzelmate, enseignant à Marseille, écrit :


Dans les cités, la jeunesse a ses propres codes et ses propres références culturelles, sportives et artistiques.

L’arrivée du rap dans ces zones au début des années 90 avait été un fait réellement libérateur. Les artistes de l’époque rivalisaient de beaux textes, de belles métaphores, et c’est ainsi que des générations d’enfants de cités purent retrouver un intérêt aux dictionnaires et aux bibliothèques pour un retour prometteur à la lecture. Je suis de ceux-là.

Puis il y a eu une fracture. Au confluent des deux millénaires, le rap français engageait la perte de son authenticité et de ses belles couleurs. On voulait absolument ressembler aux Américains, et les bras se gonflaient à mesure que les esprits maigrissaient.

Les vraies valeurs ont commencé dès lors à déserter ce style de musique. La vulgarité verbale, la promotion de la violence, les passages en prison, l’abaissement de la femme à un rôle bestial, étaient désormais la norme pour être un rappeur « hardcore ».

C’est la culture du mépris qui a jeté hors de scène la belle plume et son lot de finesses pénétrantes. Malgré tout, il demeure encore de bons rappeurs qui luttent pour les vraies causes sociales, même s’ils sont battus en brèche et bien marginalisés.


Alors, est-ce que filmer la radio n’aurait pas le même effet de « culture du mépris », « rejetant hors de la scène [les belles voix au physique ingrat] et [leur] lot de finesses pénétrantes ? » Vouloir absolument ressembler aux grosses radios, pour ne pas être « battus en brèche et bien marginalisés » ?


On nous entube (cathodique. ah ah)


Pourquoi diable les grandes radios se sont-elles mises à filmer des gens avec des casques qui parlent dans un micro ?
Voici ce qu’on lit dans Télérama, dans un appel à témoignages de 2014, dont on jugera de la neutralité :


(…) La pratique est d’abord née d’une nécessité : celle de fournir aux chaînes de télévision une vidéo des interviews politiques du matin. Elle s’est poursuivie avec l’essor de la consommation de vidéos sur Internet, et le développement de l’usage des tablettes ou smartphones. « Puisque ces appareils sont dotés d’écrans, ç’aurait été dommage de se priver d’y glisser des images », plaidait Christophe Israël, le délégué aux nouveaux médias à France Inter (…)

Alors que les utilisateurs de ces supports multimédia n’étaient que 4,2% en 2009, leur nombre s’élevait à 11,9% en 2013. La progression est encore plus nette chez les jeunes : en 2009, 11,3% des 13-24 ans écoutaient la radio sur un de ces appareils ; en 2013, la proportion était déjà montée à 26,4% (d’après une étude de Médiamétrie) ! Les radios devraient-elles tourner le dos à ces nouvelles pratiques de consommation, et refuser d’aller chercher le public où il se trouve ? (…)


Sur 20 minutes, on nous explique « Pourquoi la radio se généralise » :


(…) «Mon objectif, c’est d’avoir de l’audience supplémentaire», a expliqué à l’AFP Tristan Jurgensen, le directeur général de RTLnet. De son côté, Gilles Nay d’Europe 1 nous confiait il y a quelques mois: «Notre souhait c’est de capitaliser sur des têtes d’affiches, des gens qui sont connus à la télévision et que nos auditeurs avaient envie de voir». Radio France, qui propose de revivre des émissions en vidéo grâce aux podcasts depuis un moment, n’est pas en reste. «On travaille pour inventer notre futur. Ceux qui ne le font pas se condamnent à disparaître, nous a indiqué Joël Ronez, directeur des nouveaux médias du groupe. On a vocation à aller chercher nos auditeurs et les internautes sur leurs territoires de consommation». Comprenez par  là les smartphones et tablettes. Car l’arrivée de la 4G va décupler les possibilités vidéo de l’Internet mobile. Les radios veulent donc pouvoir proposer leur flux vidéo sur ces supports-là également. (…)
(…) La radio filmée est un enjeu important pour elles pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est une question de visibilité. Les dérapages des invités de la matinale ou les petites phrases de politiques, qui sont désormais enregistrées en vidéo, sont repris dans les journaux télévisés, sur les chaînes d’information en continu et sur Internet. Plus ces images, sur lesquelles figure le logo de la radio, sont reprises, plus elle gagne en visibilité. «L’objectif au départ, c’était ces reprises à la télé», a indiqué Gilles Nay à 20 Minutes. Mais il y a aussi un enjeu de monétisation. La vidéo diffusée sur Internet constitue une source supplémentaire de revenus. «Nous avons un pré-roll [une publicité s’affiche au début d’une vidéo], mais nous réfléchissons à des formats innovants pendant le streaming, comme l’overlay [de la pub superposée au contenu]», expliquait-il. Des formats qui suscitent l’intérêt des annonceurs. (…)


Enfin dans cet article « Filmer la radio est-ce la dénaturer?« , qui ne répond d’ailleurs pas à la question posée, on peut lire :


Désormais, offrir un tel service de radio semble une nécessité pour toucher le jeune public. (…) près de 60 % de la consommation radio s’effectue en mobilité. Ils sont plus du quart à utiliser un appareil numérique pour écouter la radio. Et leur durée de connexion à la radio est inférieure à celle des autres tranches d’âge. Ces jeunes consommateurs ont donc de nouvelles habitudes et carburent aux clips viraux qui peuvent se partager sur les réseaux sociaux. Filmer la radio devient ainsi le moyen de produire à moindres frais des vidéos qui peuvent être diffusées sur les sites de partage vidéo (YouTube, Dailymotion) et, finalement, de développer un auditoire synchrone.


Donc, après nous avoir vendu ces milliards d’écrans, il semblait tout à fait normal d’y faire passer de la publicité, et puisque la radio était la dernière enclave où notre temps visuel disponible n’était pas encore capté, il fallait faire quelque chose. On va bien avoir droit à des publicités de trottoirs, après tout. Vous noterez d’ailleurs que dans les articles cités, il n’est question que de « consommateur » et de produits, et jamais d’auditeurs, d’information et de création sonore. N’y a-t-il que moi que ça étonne ?
Je pense enfin qu’il est vain de refuser les capacités incroyables que nous offre le numérique, de rejeter toute image. Cependant, je crois que la radio sans images va devenir un moyen de lutte contre l’uniformisation de la pensée et des modes de vie, des standards de beauté. J’y vois non pas l’apanage d’une élite, mais bien au contraire, un lieu où chacun peut réellement venir comme il EST. Non, la radio sans image ne va pas « devenir un moyen de lutte », elle va le redevenir, comme à peu près tous les quarante ans.



Lettre à la société de jeux Hasbro

Ah, Noël! Occasion rêvée de sortir les jeux de société, pour jouer en famille! Chez les B…-M… on sort le Taboo Junior, proposé par Hasbro. Le jeu date de 2003, ce n’est pas si vieux, mais soudain, surprise…

Suggestion de présentation et crédit photographique : Delphine M.

Sur la carte « maman », les mots interdits sont « Enfant » et « Bijoux »; sur celle de « papa », c’est « homme » et « voiture ». Enfant, sois attentif : une « maman » est pleine de bijoux et s’occupe des « enfants » (ou alors elle est un « enfant »?), un « papa » est un « homme » qui conduit une « voiture ». Voilà. Pour gagner, tu dois faire deviner « maman » ou « papa » sans citer leurs attributs principaux. Ahaha!!! C’est sacrément corsé, hein?

*** La marque Parker appartient au groupe Hasbro depuis 1991, mais le nom Parker apparait encore sur de nombreuses boîtes


Dodge – La Femme – 1955

Mail à Hasbro


Madame, monsieur,

Ouvrant une boîte de Taboo Junior (édition 2003) quelle ne fut pas la surprise et la consternation d’une de mes connaissances de voir :
– sur la carte « maman » les mots « enfant » et « bijoux »,
– et sur la carte « papa » les mots « homme » et « voiture »…
Pour que tout le monde puisse participer à son étonnement, elle a partagé une photo des cartes incriminées sur les réseaux sociaux. Un vrai buzz.
 .
Si j’ai bien compris les règles du jeu, il faut faire deviner « maman » sans dire « enfant » et « bijoux », et « papa » sans dire « homme » et « voiture ».
Croyez-vous sérieusement qu’un enfant de 2017, normalement élevé dans son époque – c’est à dire pas avant 1968 –  fasse un lien évident entre les mots « homme », « voiture » et « papa »? Pour moi qui me situe désormais dans la catégorie des trentenaires, « homme » et « voiture », ça réfère au mieux à un chauffeur-livreur masculin, à un pilote de F1 masculin, mais pas à mon père. J’ai interrogé une personne de plus de 60 ans, et pour elle « homme » et « voiture », c’est le chauffeur du président ou de quelqu’un de ce genre.
 .
Quant à faire de la voiture un attribut masculin… On hésite à rire ou à soupirer. Vous savez, de nos jours, – même en Arabie Saoudite, à partir de juin 2018 – la voiture peut être conduite par une femme… Je sais bien que les publicité de voitures à la télé regorgent d’hommes très très virils qui séduisent des idiotes belles et court vêtues avec des grosses bagnoles, mais dans la vraie vie, il y a plein d’hommes – et pas que mes amis bobos – qui se sentent tout à fait virils en n’ayant pas de voiture, et il semblerait que le vélo ne porte aucune atteinte à leurs capacités reproductives. Au contraire! Ils font du vélo avec leur progéniture.
 .
Quant à faire des bijoux et des enfants un attribut féminin et maternel… Là aussi, consternation et rire viennent à notre rencontre. Les enfants utilisent les mots « parents », « câlin », « maison », « adulte », pour faire deviner « papa » ou « maman », et ils ajoutent des choses spécifiques pour faire deviner « parent homme » ou « parent femme ». En 2017, ce n’est pas seulement « maman » qui s’occupe des « enfants »… Les seules personnes qui pourraient faire un lien entre « enfants », « bijoux » et « maman », ce sont des latinistes ou des pédants qui connaissent le « haec inquint ornamenta mea sunt ». Avouez qu’il y a peu de chance que cela soit le cas du public ciblé. Par ailleurs, toutes les mères ne portent pas de bijoux, et il existe aussi une quantité de mère parfaitement indignes qui ont le culot d’aller travailler – en voiture – et de laisser leurs enfants à leur mari au foyer. Anne Sylvestre a fait une chanson très drôle, qui s’appelle La Vaisselle, et je crois que c’est le moment de l’écouter. Ah oui, et quand une femme devient mère, il parait que génétiquement parlant, elle reste une femme.
 .

Ce jeu datait de 2003, alors, j’ose espérer que depuis, le jeu a été réédité, avec des cartes véhiculant une image moins rétrograde de ce qu’est un homme ou une femme, un père ou une mère.

Bien cordialement,

WM


Vroum!


Lettre à mon grand-père

« On ne peut pas tout comprendre, mon ami… » Nii Ayikwei Parkes

Cher grand-père,

Il y a deux ans, tu mourrais de froid, dans des circonstances restées pour moi étranges…
Période de fêtes oblige, les services de police ont mis – c’est du moins l’impression que j’en eus – un temps certain à nous rendre ton corps, et à conclure qu’il n’y avait rien à conclure, pas même une idée du nom de celui ou ceux qui t’avaient volé ton argent, ni du mystérieux rendez-vous où tu disais devoir te rendre et dont tu n’es jamais revenu. Un vieux retrouvé mort la veille de Noël, pas de quoi laisser refroidir le foie gras.
Je ne t’oublie pas.
Depuis quinze jours, ma chaudière se meure, et plus le 12/12 approche, plus les températures qu’elle offre sont à la baisse; comme les acquis sociaux dans ce pays. Si tu voyais ça… Enfin, peut-être que c’est mieux comme ça. Le thermostat se montre assez facétieux. 11.5°C à 11h05, avec un clin d’œil au 11 mai, 11/05 , les Saints de glace. 13°C à 13h. 12,5°C à 12h50. Et là, aujourd’hui… 8,5°C à 11h45. Que s’est-il passé le 8 mai 1945 à 11h? Peut-être pourrais-tu me le dire. Tu es plus calé que moi en Histoire.
Bon, c’est un peu dur à dire. Mais je me lance. Je ne t’oublie pas. Ne le prends pas mal, mais si tu veux me dire quelque chose, s’il te plait, laisse la chaudière… C’est difficile d’écouter et de travailler quand on a froid…
Il y a de quoi être fâché, cependant, c’est vrai… Ton film rouchi-marocain n’avance guère. J’ai besoin de ton aide précieuse à l’écriture; tu devais en être la voix… J’ai besoin d’argent aussi, car je ne sais pas encore me téléporter au Maroc. Peut-être que tu pourrais aller taquiner les chaudières des gens qui ne répondent pas à mes dossiers de demande d’aide à l’écriture?
Dis à ma grand-mère que son châle en laine m’est d’une grande utilité. N’était-ce la couleur, il fait vraiment madame Sarfati. Ça me fait rire, et je me réchauffe. J’irai acheter une boite de chocolats After Eight. Non pas que je les adore, mais c’était vos préférés. Je suppose même que vos excès de thé étaient un prétexte pour en manger. A chaque théière, son chocolat, n’est-ce pas?
Vous me manquez. A qui écrire des lettres, à présent? Je vais aussi aller chercher des oranges, et peut-être que je me laisserais aller à faire des pains d’amandes. C’est le moment de vous manifester. Je suis lamentable en cuisine, et je ne suis pas sûre de savoir bien régler votre four, qui coiffe cependant avantageusement mon frigo.
C’est étrange, j’ai déjà moins froid, de vous avoir écrit…


La playlist du consentement

Un spectre hante les relations amoureuses, le spectre du consentement. Qu’on l’ait ignoré ou feint de n’en avoir jamais entendu parler, voilà que depuis que ça #balancesonporc, le « consentement » s’incruste dans les conversations. Parfois, les musiciens-chanteurs-interprêtres en parlent mieux que beaucoup d’autres…


La baraque à frites


Oui, quand une femme se consume de désir sans discrétion aucune, et avec même une certaine vulgarité, il est commun dans le Nord de la France de la désigner sous le terme de « baraque à frites », on suppose en effet que la tôle qui compose ce débit de pommes frites atteint des températures record.

Les Rita Mitsuko – Andy


Le vieux satyre


Souvent, il est attiré par les jeunes sottes, et joue de leur naïveté. Autrefois, elles étaient élevées à dessein dans des couvents, pour divertir de leur niaiserie leur futur mari. Heureusement, les temps changent, et on ne livre plus si imprudemment les jeunes filles aux vieux pervers.

Serge Gainsbourg et France Gall – Pauvre Lola


Le devoir conjugal


Tout est dit dans la formulation…

Georges Brassens – Quatre-vingt-quinze pour cent


Le lourdaud insistant


Pas méchant, le mec, hein, juste… lourd. C’était non hier, et y a quinze jours, mais bon, au cas où on aurait changé d’avis…


Œillades provocantes


J’ai envie de toi… Est-ce que tu le vois? Mais voilà, si tu ne vois pas, tant pis, je n’insiste pas, et je savoure l’instant, tranquillement…

Catherine Ringer – Un bien bel homme


Le soupirant persévérant


De nos jours, ça n’existe plus guère que dans les romans. Mais pourtant, non, c’est toujours non…

Jacques Brel – Madeleine


#ThankYou

Un hashtag pour tous les hommes bienveillants, intelligents, intéressants que j’ai croisé dans ma vie ; parce qu’il y en a aussi. Tous les hommes ne traitent pas les femmes uniquement comme des objets sans cervelle. Et ils n’ont pas toujours uniquement envie de coucher avec.

Jean Imbert

Le mari de ma marraine, le seul qui eut la patience nécessaire pour nourrir l’enfant sauvage qui hurlait et refusait de manger.

Gérard Wyckhuyse
Mon grand-père, qui m’a appris à faire du vélo, aimait chanter et raconter des histoires.

Joël Javary
Le maître de CM1 qui aimait les expressions écrites de l’enfant sauvage, et lui a fait découvrir la poésie et le théâtre.

Didier Albert
Le CPE moustachu des classes préparatoires, qui m’apportait des livres, quand j’étais bien malade.

M. Wetzel
Prof de philo de Khâgne, qui se demandait en rouge dans la marge « pourquoi ne voulez-vous pas jouer le jeu – simplissime – de la dissertation? »

Camille
Le premier amoureux qu’on attendait pas.

Eric Rambeau
Le prof de fac devenu ami précieux, qui m’a fait découvrir le jazz et m’a encouragée à poursuivre mes études, et fut l’un des premiers à participer à mes émissions radio.

Guillaume Cingal
Le prof de fac devenu ami, malgré mon accent anglais giscardien, qui a cru en mon travail radiophonique et l’a partagé.

Franck Saintrapt
L’art-thérapeute qui a bien voulu prendre en stage une étudiante infirmière dans son atelier, en mentant qu’il était seulement infirmier.

Anthony Suarez
Le DJ marseillais qui m’a proposé son canapé pour échapper à un coloc frappadingue.

Hugues Anger
L’infirmier psy de nuit proche de la retraite qui m’a appris le peu que je sais dans le domaine, et m’a encouragée à continuer mon master.

David Bernagout
Le documentariste qui m’a envoyée faire une formation d’anthropologie visuelle à Rabat.

Yvan Petit
Le documentariste qui m’a appris à être auteur SCAM.

Sébastien Boisseau
Le contrebassiste qui m’a proposé un reportage sur ses Salons de musique, et a mis le son en fond sonore de son site.

Laurent Guibert
L’apiculteur toujours prêt à aider aux déménagements, quand tout le monde a piscine.

Jean-Luc Janssens
L’infirmier en psy belge, lecteur assidu de mes nouvelles et fans de mes blagues idiotes

Stéphane Berton
Le passionné de radio, qui fut l’un des premiers à me proposer de faire des ateliers radio.

David Christoffel
Le créateur sonore qui m’a proposé de participer à un de ses opéras parlés.

Sébastien Poulain
Le docteur ès sciences radiophoniques qui a accepté mon article pour les Cahiers d’Histoire de la Radio

Jean-Luc Raharimanana
L’auteur qui m’a proposé d’inventer un atelier radio autour d’un de ses ateliers d’écriture, et qui a prêté sa voix à plusieurs de mes émissions.

Sébastien Russo
Le peintre qu m’a proposé de participer à sa revue d’art brut TRAKT.

Pascal Vion
Le bibliothécaire de jour, artiste multiple de nuit, qui m’a proposé de co-animer l’émission Tante Simone avec lui sur Radio Béton.

TO BE CONTINED!


Titaÿana, une femme chez les chasseurs de tête #2

Grand reporter des années 20, Titaÿana est partie à l’aventure sur les cinq continents. Elle a été témoin de l’avancée des européens en terres lointaines. Qu’en dit-elle, en tant que femme française, dans ses reportages littéraires ?

Couverture des éditions Marchialy, 2016


II. La colonisation


Des colons ridicules


Dans la première partie de cet article, la description d’une « grosse femme verte » montrait le goût de Titaÿana pour les figures burlesques. Dans la même veine, et sans aucune complaisance, elle décrit les Hollandais venus en terre Toradja, et qui tentent de reproduire leur mode de vie ordinaire sans prendre en compte la vie qui les entoure. Ils semblent habiter un aquarium de convenances et de rythmes absurdes. Titaÿana dit les observer depuis les hauteurs, elle se place en observateur au regard descendant et condescendant. Dans cette description d’une vie rigide, bien huilée, sans aucune place pour la fantaisie, l’imprévu, où l’on a pour seul souci que celui de prouver aux voisins que l’on suit le protocole sans surtout jamais le questionner, transpire tout le mépris que l’auteur devait avoir envers ses contemporains, et l’horreur que lui causait la vie routinière et creuse qui allait de soi pour les femmes d’un certain rang.


Quatre maisons coloniales hollandaises rivalisent à celle qui aura le plus beau jardin ; derrière leurs pelouses bien taillées semées de massifs, elles sont solides, claires et confortables. Toutes quatre semblables (car les maisons des Indes néerlandaises semblent construites sur le même modèle), elles diffèrent par leurs dimensions proportionnées au rang de leur occupant. Voici celle du contrôleur, celle de l’assistant-contrôleur, du capitaine, et du commissaire. Le pasanggrahan où je loge sur une hauteur les domine. De sa terrasse, je peux suivre la vie des fonctionnaires. A 6 heures le matin s’ouvrent en même temps les fenêtres. Madame s’affaire en peignoir tandis que Monsieur traverse le jardin pour aller prendre sa douche. A 7 heures, déjeuner, puis les quatre messieurs vêtus de blanc et chaussés de noir se rendent à leurs bureaux, tandis que leurs épouses, habillées d’une robe à fleurs en toile imprimée, se rendent des visites, parlent santé, enfants, ménage et domestiques. A 14 heures ferment les bureaux et les quatre messieurs reviennent dans leurs demeures respectives où les attend un repas copieux servi sur des nappes à fleurs recouvertes de napperons brodés. Ensuite, se ferment les fenêtres pour la sieste. Que le coup de 17 heures interrompt. Monsieur surgit en pyjama, madame en robe de voile demi-longue, le thé servi par le boy depuis 16 heures les attend au chaud sous un capuchon ouaté. A 18 heures, sur les quatre vérandas, s’allument les quatre lampes recouvertes d’immenses abat-jours bariolés achetés au même marchand ; Monsieur lit son journal, Madame coud, les enfants jouent. A vingt heures, repas froid à base de tartines de pain, puis encore un petit peu de véranda, puis coucher général.
Une Femme chez les chasseurs de tête, Chez les Toradjas du Centre-Célèbes


Cette description n’est pas sans faire penser à, quelques décennies plus tard (1958), et en Europe, l’excellent film Mon Oncle, de Jacques Tati.

Départ pour le bureau

Visite entre dames

Ce que Titaÿana met en avant, c’est que la colonisation est le fait d’une certaine classe de la population européenne, et non pas de nations entières : les gens ayant pouvoir et argent, et qui voient dans ces nouvelles contrées un moyen d’étendre leur empire ; l’Europe étant déjà conquise.

 


Un mal inévitable ?


Si Titaÿana semble moquer les bourgeois, se montre critique quant aux effets de la colonisation capitaliste sur les peuples, elle est bien loin de s’insurger contre. En effet, elle considère cela comme un mal inévitable.


Pourquoi se révolter ? La colonisation est et sera de tous temps. Nous sommes Romains, et les Anglais Normands. Les Hollandais ne seraient-ils pas ici, avec leur force de travail, leur goût du nettoyage extérieur et du respect hiérarchique, que les Célèbes connaîtraient la discipline japonaise ou la dictature russe. Aucun regret n’arrêtera l’évolution du monde vers la grande uniformité et la conduite de sa transformation ne sera jamais confiée aux poètes.
Une Femme chez les chasseurs de tête, Chez les Toradjas du Centre-Célèbes


L’auteur fait un raccourci argumentatif étonnant. Elle compare la colonisation de la Rome antique et des Normands avec celle des Européens du XXe siècle. L’époque, les territoires et les populations n’ayant rien à voir, la comparaison vaut celle d’une carotte et d’une pantoufle, pour justifier que tout objet peut avoir une forme oblongue. Par ailleurs, c’est une femme qui a étudié le droit, la théologie ; il serait très curieux qu’elle ignore que la Rome antique pratiquait le syncrétisme, c’est-à-dire l’assimilation des croyances et dieux locaux. Serait-elle prise ici en flagrant délit de mauvaise foi ?
Titaÿana est une femme française, blanche, appartenant à une certaine élite sociale et intellectuelle. Finalement, on pourrait arguer que le monde tel qu’il est ne lui est pas si défavorable. Elle critique les méfaits du capitalisme introduit par les Européens sur les peuples qu’elle visite, mais plutôt que de considérer que d’autres organisations sociales sont possibles, elle affirme que le capitalisme est l’évolution inévitable, et, ultime sursaut de pensée bourgeoise, que la conduite de la transformation du monde est une chose trop sérieuse pour être confiée aux poètes.
Cependant, elle poursuit :


Admis le principe de colonisation, je ne crois pas qu’il soit possible de pousser plus loin que les Hollandais la perfection coloniale. Mais dans cet accomplissement matériel, une faille : l’idée que le premier et seul bien à donner aux indigènes est de faire d’eux des chrétiens. A ces peuples de civilisation différente, le blanc ne peut-il apporter autre chose que des casquettes, des uniformes, ou des signes de croix ?
Une Femme chez les chasseurs de tête, Chez les Toradjas du Centre-Célèbes


Elle parle des Hollandais, alors, ouf, l’honneur de son lectorat français est sauf. Il peut toujours se dire que la France agit différemment. Il est bien question d' »accomplissement matériel » : la colonisation, c’est une recherche de profit étendu, par ceux qui en font déjà. Or, dans la même phrase, « accomplissement matériel » et « chrétiens ». Il semble donc que la christianisation des peuples est une condition de réussite de l’entreprise économique. La religion est un instrument du pouvoir colonial, dont les symboles sont la casquette de l’ouvrier, les uniformes de soldats ou domestique, et les rites chrétiens. Titaÿana donnerait-elle dans la précaution oratoire ?



Conquête capitaliste et perte de sens


L’auteur montre que les peuples colonisés ne bénéficient que des effets négatifs de la colonisation, tout comme les classes les plus défavorisées de l’Europe d’alors. La notion d' »Europe », dans cette recherche du profit, devient floue :


Sur le chemin du retour, j’atteins le Long Iram, ce point extrême de la civilisation : il y a la maison d’un contrôleur, celle du Kiei, un marchand malais, une boutique chinoise. L’Europe, quoi.
Une Femme chez les chasseurs de tête, Chez les Dayaks du Centre-Bornéo


Dans cet extrait lu, l’auteur se fait Cassandre et décrit les effets à venir pour les peuples locaux, avec l’avancée de la « civilisation capitaliste » :

Comme Jean Rouch filmant la chasse au lion à l’arc en 1965, elle a conscience d’assister à la fin d’une Histoire, d’une civilisation.

La Chasse au lion à l’arc (bande-annonce), de Jean Rouch from Centenaire Jean Rouch 2017 on Vimeo.


Guerres de religions


Dans cet extrait lu, Titayana décrit avec quelle violence les peuples sont convertis par les missionnaires. Elle dit aussi que certains se déclarent musulmans en signe de protestation, de résistance, pour échapper à la conversion forcée. Et cela prend une saveur amère, à la lumière de la situation géopolitique que nous connaissons aujourd’hui.


Titaÿana, une femme chez les chasseurs de têtes #1

1920. Elisabeth Sauvy, dite Titaÿana, est l’une des rares femmes françaises qui accède au statut de grand reporter. Les éditions Marchialy rassemblent certains de ses reportages littéraires à travers le monde en un volume, Une Femme chez les chasseurs de tête, paru en 2016.
Cet article est en 2 parties.


I. Etre une femme


Une femme « paresseuse »?
Titaÿana, de son propre aveu, se montre rapidement incapable de vivre la routine d’une vie de secrétaire, et d’attendre le bus tous les matins. Elle dit être devenue journaliste « par paresse ».


Mon éducation ne m’avait pas préparée à prendre un métier : j’avais passé mes baccalauréats, mon brevet supérieur, une licence en théologie, je parlais trois langues, j’avais suivi des cours avancés en mathématiques et en droit. En somme, je connaissais l’étude et ignorais le travail.


Dans Les dessous de ma vie d’aventure, Titaÿana montre combien elle a du faire preuve de ténacité pour qu’un monde d’hommes prenne au sérieux son souhait de partir seule dans des contrées lointaines et et sa capacité à endurer la fatigue physique, la faim, le froid, la chaleur intense, à faire face à de multiples dangers, pour ramener des reportages passionnants. Vu la difficulté qui transparaît dans ses reportages – jambe cassée, maladie, privations alimentaires -, la « paresse » est toute relative. A moins de considérer que l’anti-conformisme est une paresse, ce qui, somme toute, est une pensée plutôt bourgeoise.

Une femme indépendante?


Mais je redoutais de revenir en France, dont j’avais emporté un souvenir d’angoisse. J’avais l’impression qu’il n’y avait pas de place pour une femme seule cherchant à gagner sa vie. Le souvenir de calomnie et de méchancetés faisait battre mon cœur et monter en moi des révoltes contre l’injustice des indifférents, des camarades, et des soi-disant amis.


Près d’un siècle plus tard, il faut bien se résoudre à admettre qu’il est toujours bien difficile en France pour une femme seule – c’est à dire ni « femme de », ni « fille de » – d’accéder à un poste à responsabilités, au même salaire que ses pairs masculins, à compétences égales. On encourage un homme qui se lance dans l’aventure, alors qu’on demande toujours à une femme « Tu es sûre ? Ça va aller ? Tu vas y arriver? », et qu’on s’ingénie à semer des embûches sur son parcours pour l’empêcher d’avancer. On la placardise si elle se montre trop compétente, voire on la harcèle, pour bien lui rappeler qu’avant d’avoir un cerveau, elle est une matrice. Si une femme reçoit un prix Nobel, les journaux titreront « Incroyable, c’est une femme ! », alors que ce détail n’a en soi aucune importance.

Cependant, si Titaÿana fait preuve d’une rare force de caractère, il est vrai aussi qu’elle ne vient pas de nulle part. On peut supposer que son entourage familial était tout de même assez favorable : une famille de propriétaires terriens et de vignobles du Sud de la France, où se trouvent plusieurs élus, un commandant d’armée ; et où on laisse étudier une fille plutôt que de borner ses horizons au métier de mère de famille. Aurait-elle eu cette capacité à se jeter dans l’aventure, à aller de l’avant, à s’affirmer comme journaliste, sans un contexte familial où il n’y a pas de peur du lendemain, et où il y a un intérêt pour le savoir ?

Une femme qui n’aime pas les femmes ?


D’autres femmes trouvent la Joie dans un miroir. Moi, longtemps avant d’être vieille, je recrée la mienne en fermant les yeux : la mienne d’avoir traversé ce pays de mort lente, et d’en être revenue.


Titaÿana se montre assez dure envers les femmes qui ne sont pas de sa trempe ; et celles qui apparaissent dans ses récits, qu’elles soient la femme de gouverneur hollandais, des persanes, une jeune arménienne, apparaissent surtout préoccupées de leur tenue, de leur beauté, et assez simples.


Lorsqu’un tchador s’entrouvre, robe perlée, corsage décolleté arrivent en droite ligne d’on ne sait quelle boutique d’exportation. Le voile des femmes laisse le visage à découvert, surtout lorsque le visage est jeune et frais. Je sais gré aux femmes persanes d’avoir su faire leur charme de cette prison qui leur était imposée. Leur grâce, dans leur coquetterie à se voiler et dévoiler, laisse toujours voir la partie la plus attrayante de leur visage. Celles dont la denture laisse à désirer se voilent la bouche, celles dont les yeux qui louchent feraient oublier l’ovale du menton, rabattent pudiquement le grillage sur leurs yeux. Ainsi ont-elles la politesse charmante d’offrir au passant ce qu’il désire d’artificiel et de vrai.


On lit sur plusieurs site internet que Titayana était « féministe avant l’heure ». Pourtant, considérer que d’autres femmes font preuve d’une « politesse charmante » en s’offrant au désir du passant, et que leur charme réside principalement dans des effets de voile, semble assez réducteur pour les persanes, et assez loin d’une pensée féministe… Le fait d’arme de ces femmes, c’est d’utiliser le voile pour attiser le désir masculin. Mais elle ne nous rapporte pas grand chose d’autre sur elles. D’ailleurs, ses compagnons de voyages sont surtout des hommes, voire uniquement des hommes.
Ces femmes lointaines lui renverraient-elles l’image de la femme qu’elle ne veut pas être/ne sait pas être en Europe?

Titayana a un style vif, vivant, elle arrive à donner à voir ses aventures rocambolesques, et n’oublie pas d’être drôle. On le voit par exemple dans cet extrait de La Caravane des morts, où il est question d’une « grosse femme verte », qui semble être son double inversé. Un vrai moment de cinéma burlesque :

Extrait lu


Trucs de pauvre

Ces petites habitudes dont on met du temps à se défaire quand on galère un peu moins…

  • Grelotter à son bureau et se demander si c’est bien raisonnable d’allumer le chauffage. Puis mettre finalement un autre pull.
  • Convertir mentalement les prix d’objets non indispensables (vêtements, spectacles, disques, livres…) en nombre de baguettes ou de paquets de nouilles. Puis finalement renoncer à son achat.
  • Réinfuser le thé, et y ajouter préventivement un peu de cannelle, fleur d’oranger, clou de girofle, bissap, ou ce qu’il y a dans le placard.
  • Faire les courses en additionnant mentalement au fur et à mesure les prix. Recompter sur le tapis roulant de la caisse. Arborer un sourire satisfait quand la caissière annonce tout haut le prix compté tout bas.
  • Trouver des bonnes excuses en fin de mois pour échapper aux sorties proposées par les copains, même si on en meurt d’envie.
  • Hausser un sourcil incrédule et consterné quand votre banquier vous demande émerveillé comment vous faites pour n’être jamais à découvert.
  • Vérifier son compte en banque tous les matins.
  • Etre vegan par la force des choses, et rire un peu jaune quand quelqu’un vous félicite, parce que « pour nous, c’est dur d’arrêter la viande ! »
  • Connaitre le cours de la pomme de terre sur plusieurs marchés, Biocoop, Ruche qui dit oui du territoire.
  • Envoyer des sms, taper à l’ordi avec des gants
  • Éprouver le besoin urgent de rappeler quelqu’un quand tout le monde raconte ses vacances dans des pays lointains, et que vous sentez qu’on va vous poser la question fatale « Et toi, alors, tu as fait quoi de ton été ? »
  • Ne rien répondre, mais sourire, si on vous traite de radin.
  • Culpabiliser quand le prix d’un achat dépasse 30€.
  • Dire bonjour aux agents d’entretien et de sécurité, qui sont souvent étonnés.
  • Se regarder avec inquiétude dans le miroir ou la surface vitrée la plus proche quand un interlocuteur affirme que quelqu’un d’autre a « une gueule de cas soc' ».
  • Encaisser dignement le désamour d’une conquête qui dit s’ennuyer avec quelqu’un qui ne sort jamais, ne fait rien sur un coup de tête, et pourrait faire un effort pour être plus élégante ; sans apporter aucune explication.
  • Rire intérieurement quand des personnes assez aisées parlent de lutte des classes et de prolétariat.
  • S’enrouler hermétiquement dans sa couette, façon nem, pour faire face aux nuits d’hiver, en remerciant le ciel d’avoir déjà un lit et un toit.
  • Acheter tout d’occasion, et rire qu’on vous traite de « bobo ».
  • Avoir le cœur qui s’emballe dès qu’il y a une enveloppe blanche à fenêtre dans la boite aux lettres.
  • Sourire poliment quand un ami se plaint de payer trop d’impôts pour entretenir des fainéants, mais-pas-toi-c’est-pas-pareil.
  • Manger du riz-cassonade le matin, parce qu’il en restait d’hier soir.
  • Mettre des boules Quiès, et parcourir avec soulagement, émerveillement, sa bibliothèque, loin des discours imbéciles qui accusent les pauvres de faire exprès de l’être.
  • Repérer immédiatement les gens qui font la manche dans la rue, et leur répondre poliment.
  • Se dire que les dates de péremption, c’est pour les gogos. Ou les chochottes. Ou les deux.
  • Acheter du chocolat pour faire un gâteau. Puis se rappeler qu’il n’y a pas de farine, ni d’œufs, et qu’on a pas de four. Et que le gâteau au cuit-vapeur, c’était infect. Manger le chocolat comme ça. Ou fondu dans un bol sur le radiateur avec une banane.
  • Observer une minute de silence devant la laverie, en souvenir de tous ces sacs très lourds qu’on y a apporté, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige.
  • Réprimer un fou rire quand un ami africain vous soutient que tout le monde est riche en France, alors qu’il ne comprend pas pourquoi vous ne venez pas le voir pendant ses vacances à Paris.
  • Avoir toujours des pièces dans ses poches, mais pas de porte-monnaie.
  • Etre généreux avec les artistes payés au chapeau, et déposer le plus discrètement possible son offrande.
  • Faire la queue avec le vulgum pecus, et être gêné quand on vous arrache de la file pour vous faire entrer directement, « mais il fallait entrer directement ! »
  • Se demander « comment je vais le réparer ? » quand on casse quelque chose.
  • Développer des ruses de Sioux pour garder son thé chaud le plus longtemps possible, comme enrubanner la théière dans une écharpe en laine.
  • Connaitre tous les usages cosmétiques, thérapeutiques, sanitaires de produits pas chers et efficaces comme le bicarbonate de soude, le citron, la lavande, l’huile d’olive, le gros sel, le romarin, le miel…
  • Laisser les gens supposer que vous êtes assistant social, puisque vous semblez connaitre si bien les dispositifs d’aides et leurs conditions d’accès.
  • Pleurer de joie à l’arrivée des premières fleurs de cerisier du Japon
  • Se demander pourquoi tous ces gens qui envient les pauvres ne candidatent pas pour le poste : il y en a plusieurs à pourvoir.


Parlons-nous tous la même langue?

C’est le thème choisi pour le lancement du Pôle Ecriture(s) de la coopérative d’activités culturelles, Artéfacts, dont je fais partie. Un événement mêlant écriture, création sonore et radio!

Nous sommes 4 auteurs à proposer cet événement. Un auteur sonore, et trois auteurs littéraires : Laëtitia TestardLéa Toto et Marie Remande .

A partir d’un son réalisé pour l’occasion par mes soins, les trois autres auteurs feront des propositions d’écriture aux participants aux ateliers. Restitution le soir à l’antenne. De 10h à 16h, depuis la Coopérative Artefacts, avec les 3 auteurs, les participants expérimenteront 3 styles d’écriture différents. Je prendrais sûrement du son… Puis viendra le temps de la mise en ondes collective, à 8 mains et 8 oreilles, sur Radio Campus Tours, la radio étudiante de Tours.


Ma proposition sonore



Composition


Je voulais mêler littérature, voix, et sons du monde; les choses qui me sont le plus chères, d’autant qu’il s’agit de créer quelque chose pour un collectif d’auteurs. C’est aussi une occasion de faire des clins d’oeil à mes amis et connaissances, à ceux dont j’admire le travail, et dont j’ai eu l’occasion de parler dans mes émissions. Créer quelque chose pour une naissance, après tout, c’est une belle occasion de dire au monde qu’il est beau, non?

« Parlons-nous tous la même langue? » : cette langue, c’est le Français; enfin, les Français. Qui parle quel Français, d’où, comment, pourquoi? Ici, on parle art, culture, communication, Histoire-géographie, conte, poésie, roman, slam, langue, langage, danse, niveaux de langue, sens de lecture, strates linguistiques et langagières, double sens, échos… J’ai hâte de voir comment les autres auteurs s’approprieront ou non l’histoire que je raconte ici!


Table des matières


CHAPITRE 1 – De l’art ou du cochon ?
A l’heure de la « Culture pour tous et chacun », la médiation a aussi son jargon

Prospectus sur le Chateau du Rivau
Prospectus sur Le musée Balzac, château de Saché
Articles de la revue OFFSHORE – art contemporain – Occitanie/Pyrénées/Méditerranée – juin-septembre 2017 – n°44
Articles de la revue BEAUX ARTS magazine – Lee Ufan – Pressentiment
Sons additionnels libres de droits
Captation : valiha, Jean-Luc Raharimanana


CHAPITRE 2 – Mère Patrie mer-veilleuse
Pourquoi franchissent-t-il la mer ? Slammer pour garder le cap ?

Résidents de la République – Marc Alexandre Oho Bambé, aka Captain Alexandre, On a slammé sur la Lune
Captation de la Méditerranée, Sète


CHAPITRE 3 – En gare de la Francophonie
Sais-tu à qui tu parles, voix sans corps, sais-tu de quel voyage dans le temps tu parles ?

Captations : gares SNCF, train SNCF, avion Air Madagascar, boite à musique


CHAPITRE 4 – Rêve de synthèse
Discours (pseudo?)scientifique, réalité chimiothérapique

Les rêves et les moyens de les diriger, Hervey de Saint-Denys
Voix off
Captation : musique gnawa, Rabat – Cigognes, Rabat


CHAPITRE 5 – A mots policés
L’art oratoire, discours politique et langue de bois

Charles De Gaulle – discours sur l’Europe
Valéry Giscard d’Estaing – discours post-élection in English
Titayana – Au Pays des morts qui voyagent, 1929
Captation : gouttes d’eau, M’Hamid El Ghizlane
Fragments d’interviews franco-québécoises


Ne quittez pas …

Qui n’a jamais failli devenir fou, en tentant de joindre un service administratif par téléphone?
Entre les injoignables, le service fantôme, les automates à la noix qui demandent de taper des codes dont vous ignoriez jusqu’à présent l’existence, ou de dire le nom d’un service ou d’une personne qu’ils ne reconnaissent pas, le tout arrosé d’attentes musicales insupportables, comment garder son sang froid?
Les plaisirs de l’administratif… Texte inspiré de faits réels.
à Pierre-Edouard Deldique

*Voix enregistrée* *musique de fond* Bonjour, bienvenue chez Grosmuseau! Après le bip sonore, cette communication vous sera facturée cinquante centimes d’euro la minute. *Bip! * Merci de m’indiquer le nom du correspondant ou du service que vous souhaitez joindre! C’est à vous!
Warda – Service Truc!
*Voix enregistrée* Je n’ai pas compris votre demande. A nouveau, veuillez m’indiquer le nom du service ou de la personne que vous souhaitez joindre. C’est à vous!
Warda – Truuuuc!
*Voix enregistrée* Souhaitez-vous joindre … Patrick… Grud…? Pour être mis en relation avec ce correspondant, tapez 1. Pour faire un autre choix tapez 2.
Warda – Tuuuuuut! (touche 2)
*Voix enregistrée* Veuillez m’indiquer le nom du service ou de la personne que vous souhaitez joindre. C’est à vous!
Warda – Truc!
*Voix enregistrée* Je n’ai pas compris votre demande. A nouveau, veuillez m’indiquer le nom du service ou de la personne que vous souhaitez joindre. C’est à vous!
Warda – ***dit une grossièreté*** truc, truc, truc, truc!!!!
*Attente téléphonique* …allons donner suite à votre appel… quittez pas… Allons donner suite à votre appel…
Warda – impavide – 
Voix – Allô?
Warda – Bonjour, je suis bien au service Truc?
Voix – Ah non, madame, vous êtes au standard, ici! Pour joindre le Truc, il faut faire 5457!
Warda – M… Merci!
Voix – Je vous en prie, bonne journée madame!
Warda – compose le 5457
*sonnerie*
Voix 2 – Allô?
Warda – Bonjour, le service Truc?
Voix 2- Ah non, vous êtes au service Machin!

Warda – Ah? Mince, c’est votre collègue du standard qui m’a dit d’appeler ce numéro…
Voix 2– grommelle – Bon, je vais vous les passer, ça ira plus vite!
*sonneries*
*autre sorte de sonnerie*
Voix 2 – Allô?
Warda – Heu, le service Truc?
Voix 2 – Ah? Vous êtes revenue ici?
Warda – Voui, héhéhé…
Voix 2 – grommelle – Bon, je vais vous passer quelqu’un d’autre!
*Attente téléphonique* …allons donner suite à votre appel… quittez pas… Allons donner suite à votre appel…
Voix 2 – Vous êtes toujours là?
Warda – Hélas…
Voix 2 – Ne quittez pas!
*Attente téléphonique* …allons donner suite à votre appel… quittez pas… Allons donner suite à votre appel…
Warda – chantonne la musique de l’attente téléphonique. Louche vers la machine à café.

*Attente téléphonique* …allons donner suite à votre appel… quittez pas… Allons donner suite à votre appel…
Voix 3 – Allô?
Warda – Bonjour, le… Le service Truc?
Voix 3 – Oui, que puis-je pour vous?
Warda – intérieurement « Champagne! » – Je voudrais savoir où en est mon dossier.
Voix 3 – Votre nom s’il vous plait?
Warda – Mouldawa
Voix 3 – 11 août, c’est ça?
Warda – Voui.
Voix 3 – … Vous êtes sûre?
Warda – Je sais bien que tout le monde ment, mais tout de même…
Voix 3 – M…O…U…H…L…
Warda – Non, non! M…O…U…L!
Voix 3 – M…O…U…L… ??
Warda – intérieurement « Scrabble! » – Voui.
Voix 3 – 11 août?
Warda – intérieurement « Je n’ai pas chanché! » – Oui, toujours. Enfin, vous allez finir par me mettre le doute.

Voix 3 – Eh ben, il y a une faute à votre nom… Alors là… Attendez, je demande à ma collègue!
Warda – Mais…
*Attente téléphonique* …allons donner suite à votre appel… quittez pas… Allons donner suite à votre appel...
Warda – fredonne les notes de l’attente musicale – Ré la si fa… Sol Ré, sol, laaa… Fa mi ré do… Si la, si do… 🙄🎶
Voix 3 – … Madame?
Warda – microseconde de solitude – Ouiii?
Voix 3 – Madame, vous pouvez me redonnez votre nom, s’il-vous plait?
Warda – intérieurement « Avec, ou sans faute? » 😏 – Mouldawa…
Voix 3 – … Bon, je ne peux pas modifier votre nom sur le dossier existant. Je vais devoir en créer un nouveau et supprimer le premier…
Warad, non, Warda – Et faut tout que je refais les démarches et redonne les papiers?? 😨😰

Voix 3 – Non, non! … Normalement, non… 
Warda – Comment ça, « Normalement, non »? 
Voix 3 – Avec l’informatique, hein, c’est toujours un peu compliqué… En plus, là ce sont les vacances…
Warda – Votre chef de service, c’est toujours m. Dugenou? 
Voix 3 – … Ah, ça y est! C’est bon! Voilà, je valide… C’est bon. Vous recevrez vos identifiants par mail.
Warda – Merci bien! 
Voix 3 – Mais je vous en prie! Je vous souhaite une agréable journée! 


Visitez le château d’Où

Texte tissé à partir de phrases récoltées dans des brochures touristiques et des magazines culturels, et mis en son.

à Francine Leduc


Venez à Tours!


A l’ère objective et rationnelle du tout contrôle, face aux différents phénomènes de dématérialisation, à la virtualité croissante, il s’agira de partir loin, loin…
Venez à Tours, éviter toute hérésie spectaculaire, loin des turbulences de la vie parisienne et de ses soucis financiers!


Quand hier épouse aujourd’hui…


Aussi précis qu’évanescent, cubique, corbuséen et néanmoins délétère et aérien, le château, patrimoine architectural exceptionnel, conserve meubles d’époque et objets d’art traditionnels. Le parfum de la collection de roses ajoute à la féerie, s’inscrit dans le tissu patrimonial du centre sans le violenter. Les Mille et Unes facettes du domaine surprennent pour le bonheur de tous, se déjouant tout à la fois de l’audace des uns et de la modestie des autres. Cette vague à l’échelle 1 nous submerge. Les collections dialoguent avec des œuvres d’artistes contemporains, telle une lanterne sortie de l’obscurité, oeuvr[ant] ainsi dans une dialectique constante entre le systémique et l’individuel, entre les hypothèses potentiellement infinies du calcul et des intersections qui engendrent la forme, et l’irréductible singularité du corps dans l’acte de percevoir et de se mouvoir.

 


Nature et sculpture…


Les multiples floraisons ainsi que les multiples œuvres d’art, illuminé[es] par quelques judicieux percements et retraits vous émerveillent par leur folie radicale, monochrome et abstraite. La lumière pénètre par de subtiles ouvertures dans les plafonds et dans les angles. Tous les éléments convoqués, tels le verre, le miroir, le métal, l’encre, ou l’obsidienne des volcans arméniens, participent à ce désir d’enchantement violent, minimal et tellurique. L’orthogonalité s’en retrouve perturbée. Le film d’animation, projeté sur les murs voûtes, transporte à l’époque de François Ier. Les percements dans la façade, les décrochements de l’acrotère de la toiture dessinent dans cette architecture de la rectitude des échappées qui sont autant de souffles libertaires.


Pause méridienne en écrin culturel…


Au cœur du potager, le restaurant la Table des Fées propose aux visiteurs des légumes frais cultivés dans nos jardins, des quiches, des tartes faites maisons, réunissant certaines ambivalences (…) la sensualité et la rigueur, le caché et le révélé, la blessure et la beauté, (…) la lumière et l’obscurité, le monumental et le fragile, l’austérité et le merveilleux, le minimal et le baroque. Des trames narratives surgissent alors, mettant en scène la vision d’intérieurs peuplés d’étranges bestiaires, l’évocation décalée et décadrée de moment de la vie quotidienne des paysages presque mirages.


Texte construit à partir de :
– prospectus sur le Chateau du Rivau
– prospectus sur Le musée Balzac, château de Saché
– articles de la revue OFFSHORE – art contemporain – Occitanie/Pyrénées/Méditéranée – juin-septembre 2017 – n°44
– articles de la revue BEAUX ARTS magazine – Lee Ufan – Pressentiment


Mise en son



Sampling littéraire


Il semblait juste de prévenir les auteurs initiaux de cette création sonore à partir de textes non écrits par moi. Etant auteur Scam, j’apprécierais peu que mon travail soit réutilisé sans que je le sache. J’ai donc envoyé un mail aux quatre sources nommées ici, avec le lien vers cet article. Pour le moment, en ce 21 août 2017, je n’ai de réponse que de Jean-Paul Guarino, rédacteur en chef de Offshore :


Mail du 16 août 2017
Pas de soucis, la source étant nommée.