Widlore Mérancourt

Faut-il attaquer la République dominicaine ?

Dominicaine
Je ne suis pas raciste mais je ne veux pas voir les Haïtiens dans mon pays (Ma traduction)

Je déteste parler de la République dominicaine. Non pas que je déteste les Dominicains. Au contraire. Malgré les sondages alarmants étalant leur solidarité par rapport aux actions de leurs gouvernants dans le dossier de déportation des Haïtiens, je reste convaincu que nombre d’entre eux sont soit asphyxiés par la propagande et sont profondément contre l’injustice et partisans d’une cohabitation insulaire pacifique et harmonieuse.

Si je ne parle pas de la RD, c’est surtout par certitude que la faiblesse de mon propos ne prendra jamais la mesure de la catastrophe actuelle. Ni pour la décrire encore moins la dénoncer. Il est des drames absolus qu’il convient de taire. Car en ces circonstances, toute parole inutile ajoute à la blessure, l’exacerbe et la généralise.

Pourquoi des Haïtiens sont aujourd’hui indésirables, spoliés, maltraités, violés, blessés et tués en RD ? Pourquoi les puissants de ce monde étalent leur impuissance à coups de dénonciation ou pire, d’indifférence devant l’une des violations les plus flagrantes des droits de la personne humaine et de sa dignité de cette décennie ? Pourquoi un Etat qui méprise le droit international, expulse des organisations qui condamnent ses forfaits reste impuni dans un contexte où la lutte contre le terrorisme et les extrêmes est partout célébrée ?

Il ne faut pourtant pas se tromper d’ennemis. À côté des coups de bec de la volaille vorace, le vers est aussi dans le fruit et le ronge depuis plus de deux cents ans, de l’intérieur. Après avoir regardé, médusé se défiler les conséquences de la propagande, de la manipulation de l’histoire et des concepts juridiques à la faveur de la haine de tout un peuple, de toute l’humanité, nous devrons en tant que nation prendre soin des nôtres et cesser de traîner l’avenir derrière nous et forger par le travail le destin de dignité qu’on nous refuse et qu’il faudra conquérir comme jadis on l’a fait pour notre indépendance.

Où commencer ?

Il est encore temps de faire de ces élections une insurrection civique. Une insurrection contre l’incompétence érigée en valeur, l’indécence, l’indifférence, la corruption, la gabegie, les folles dépenses de parvenus, la lâcheté… Un sursaut collectif pour l’éducation, la croissance, la participation active dans les affaires de la cité, la valorisation du savoir et de l’université… La politique seule ne changera pas Haïti mais un bon leadership peut congédier la torpeur et galvaniser cette énergie aujourd’hui employée dans le carnaval vers le progrès et le développement.


Le site qui fait trembler le gouvernement haïtien

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Comment Internet est en train de changer la politique et la participation citoyenne en Haïti

Le président haïtien, Michel Martelly, s’est livré ce vendredi 26 juin 2015 à un exercice qui a provoqué l’indignation de plus d’un. L’incident s’est produit lors du concert controversé de Lil Wayne et de Chris Brown organisé au Champs-de-Mars par son fils Olivier Martelly.

Cette dernière escapade du chanteur président hors du prestige et du standing de la fonction présidentielle a tenu en haleine les internautes haïtiens sur les réseaux sociaux. Certains s’en sont violemment indignés quand d’autres ont clairement affiché leur indifférence. Il faut dire que depuis son investiture en 2011, le chanteur populaire dont certains déploraient déjà l’obscénité extrême à plusieurs reprises, a laissé ses délires carnavalesques reprendre le dessus.

Parmi les réactions, c’est sûrement l’article publié le lundi 29 juin au cours de la matinée par le site participatif Ayibopost qui aura retenu le plus l’attention. Écrit sur le même ton que les injures présidentielles, le billet a provoqué un scandale dans le scandale. En 15 paragraphes, l’auteur a froidement exposé son ras-le-bol du président et des insuffisances de la société haïtienne. Tout y est passé : de l’atonie générale aux  politiciens véreux et, à la culture du sensationnel sur Internet.

Jamais une publication n’aura suscité autant de réactions de la part de la communauté des internautes haïtiens. En quelques heures, les visites et partages sur Facebook et Twitter se comptaient en dizaines de milliers. D’autres sites ont repris l’article et relayé sur leurs propres réseaux. Trois heures après, il circulait en intégralité sur Whatsapp.

L’immense majorité a applaudi l’expression, crue, mais réelle de l’exaspération ressentie par l’ensemble de la population. D’autres ont fustigé le moyen utilisé, car disent-ils, on ne combat pas l’indécence par l’indécence !

Mais, plus que l’adhésion populaire, c’est sûrement la réaction supposée du gouvernement qui fera date. En quelques heures à peine, le portail n’était plus accessible. Un des responsables du site a « retwitté » sur Twitter un message fort énigmatique: #FreeAyibopost. En commentaires, les rumeurs sur une attaque et une censure de la part du gouvernement y allaient bon train. Le communiqué de la plateforme indiquant le lendemain qu’ils n’ont pas « volontairement » fermé le site à cause de la controverse n’a pas non plus arrangé les choses. A l’heure où je publie ce billet, ayibopost.com est encore inaccessible.

On a eu par le passé des actions en justice contre des sites de l’opposition (je pense à l’introduction d’une action en justice par l’ancien premier ministre Laurent Lamothe contre touthaiti.com), mais jamais, il n’a encore été répertorié une quelconque attaque sur des sites dissidents ou le blocage pur et simple orchestré par les sbires du pouvoir en place. Si elle était avérée, ce serait une première !

Deux leçons sont donc à retenir de cet épisode :

La première est qu’Internet est devenu incontournable dans le débat politique haïtien. Sa force grandissante et la gratuité des informations (rares sont les sites haïtiens qui sont payants) couplées à la démocratisation des TIC surtout parmi les plus jeunes en font l’agora de prédilection de nombreux citoyens et aussi l’espace privilégié de la propagande gouvernementale. Cet outil formidable (non encore réglementé) sera-t-il phagocyté par les autorités en place ou pourra-t-il souffler un renouveau sur une démocratie haïtienne à l’agonie ? L’avenir et le degré d’engagement des citoyens nous le diront.


Pour Haïti et pour nos frères !

(c) Widlore Merancourt
(c) Widlore Merancourt

A Haïti comme ailleurs, la mise en avant de l’accomplissement individuel met en péril ce vivre ensemble dont nous avons tant besoin.

Une trentaine de jeunes, d’âges et de sexes confondus, un jour de premier mai, débarquent dans une petite localité du sud d’Haïti. Avec les habitants de la zone, ils retournent la terre, salissent leurs mains d’élèves, d’étudiants et de professionnels. Ils y plantent gratuitement un café dont ils ne goûteront peut-être jamais ni la senteur parfumée, ni la saveur revigorante. Une initiative trop rare…

Car dans cette société capitaliste où tout semble se mesurer à l’aune des espèces sonnantes et trébuchantes, l’humanité enfouie en nous vacille ! Le temps du partage, du bénévolat, de l’action désintéressée, de la solidarité entre dépositaires d’un destin commun semble révolu.

Ces valeurs, pourtant nécessaires, sont sacrifiées sur l’autel de l’accomplissement individuel. Notre modèle éducatif n’oriente pas vers le vivre-ensemble, mais vers l’élévation personnelle au- dessus, sinon au détriment de l’ensemble. Or, comme Camus, nous devrions, dans le confort de notre lit souffrir des douleurs qui nous sont épargnés, de sorte que le sens du service devienne un réflexe, un élixir à notre mal-être.

Certains objecteront que ce n’est qu’une forme d’égoïsme mais peu importe. Cependant, s’il faut passer par là pour retrouver cette humanité perdue, pour valoriser cette tension pour l’autre et la communauté, pour ranimer cette inquiétude qui invite à aller vers l’autre pour se retrouver, tenter d’accrocher sur ce visage triste et morne un sourire chaleureux, pour harmoniser notre quête légitime d’accomplissement avec celle de la société en redonnant valeur à la gratuité, à l’action civique et au bien commun, alors soyons extrémistes dans cette démarche.

Ne ratons plus une occasion d’être utile aux autres. Ne ratons plus la possibilité de « servir ». Intégrons le Rotaract et toutes autres organisations communautaires de développement. Comme Abd Al Malik, soyons égoïste en pensant plus à l’altérité qu’à nous!


Port-au-Prince: balade dans une ville fantôme

Port-au-Prince* se tait pour étouffer sa douleur. J’y suis allé. Plus que son mutisme, c’est son visage défiguré qui m’a renseigné sur ses blessures.

Quand le mal progresse au quotidien et que le passé devient le gardien d’un refuge épique perdu depuis, le temps cesse d’être un allié pour devenir indésirable. Alors, la parole ne peut se conjuguer au présent si ce n’est pour peindre la catastrophe.

Port-au-Prince n’a pas les mots de ses maux. Pour raconter les débris, les rues pavées de plastiques, les poules lavées, délavées et brûlées, vendues avec du piment. Pour mettre des phrases sur les plaintes de ces expropriés, la reconstruction des riches et l’étranglement des miséreux.

A quoi bon écrire la prostitution juvénile, le chômage, la faim, l’opulence dans la crasse, la pitrerie célébrée, les talents estropiés, l’insécurité, la corruption, la gouvernance aveugle ou les élections annoncées et tuées dans la poule ?

Port-au-Prince se désespère de son espérance. Ses boulevards ne sont plus foulés par des faiseurs de dignité ni des artisans de la liberté. Port-au-Prince s’étrangle lentement de la torpeur de ses citoyens et de la cupidité sans fin de ses politiciens, qui creusent avec acharnement autour d’eux la fosse dans laquelle eux et leurs enfants s’engouffreront.

* La capitale et la plus peuplée des villes d’Haïti


Cosmopolitisme et amour de soi !

(c) Widlore Merancourt - Jardin botanique des Cayes (Haiti)
(c) Widlore Merancourt – Jardin botanique des Cayes (Haiti)

Parmi les choses qui existent, certaines dépendent de nous, d’autres non. Rares seraient ceux qui préfèreraient avoir une enfance désenchantée, étouffée et malheureuse à une autre fleurie sous les branches généreuses de quelque fortune. De l’argent, de meilleures situations, une pigmentation différente, une autre famille, un pays différent: les (dé) raisons de maudire la nature sont multiples, personnelles et diverses.

Cependant, le capital de départ de chaque humain relève du hasard et du défi. Il s’agit de devenir ce qu’on est. Réussir son métier d’humain quelle que soit la situation ; forger son destin dans le roc des déterminismes, écrire son histoire unique dans le grand livre de la vie, sans tambours ni gémissements. S’énerver contre ce qui n’est pas de notre ressort est non seulement méconnaître la vie mais une fuite d’énergie et de temps que jamais on ne rattrapera.

Si les circonstances et le travail le mettent en position d’être considéré comme un projet réussi parmi les hommes, c’est sans prétention et sans vaine arrogance que l’humble siègera parmi les siens. Non pour être servi mais pour servir. La fin de l’homme est de vivre une existence utile à lui et à sa communauté en accord avec la nature.

De ce fait, dire qu’on en a terminé avec son pays, qu’on le délaisse pour de meilleurs cieux, car il n’y a pas assez d’intellectuels à son goût, pas assez de progrès, etc., c’est s’insulter soi-même et ne pas porter son regard au-delà de ses propres aspirations.

Le développement est un processus. Il dépend des situations et du caractère de chaque peuple. S’il faut se plaindre qu’en Haïti les vœux d’émancipation et de réalisation complète de soi dans la dignité de la masse tardent à faire corps avec la réalité, ce n’est en rien une raison pour s’avouer vaincu et du même coup, jeter les voiles sombres du découragement sur des milliers de citoyens courageux qui s’évertuent silencieusement à tailler la pierre sur laquelle la nouvelle Haïti sera fondée.

L’amour du monde se pervertit quand il conduit à la haine et au dégoût de soi! Le cosmopolitisme est un éloge de la différence, le refus des œillères communautaristes, mais aussi un culte à l’effort continu pour mettre les peuples en diapason sur les rives du progrès! Le monde s’offre à nous. Il est plein d’opportunités, mais souffre de partout. Commençons par l’améliorer ici, en Haïti. Il n’y a pas meilleur entraînement.


Rendez-nous notre argent Monsieur Hollande !

French President François Hollande (2nd L) and of the Regional Council of the French overseas department of Guadeloupe Victorin Lurel (3rd R), flanked by Minister for Ecology, Sustainable Development and Energy Segolene (2nd R) and Culture Minister Fleur Pellerin (R), inaugurate the Memorial ACTe, the Caribbean Centre of Expression and Memory of Slavery and the Slave Trade, in Point-a-Pitre, designed by architects Pascal Berthelot, Jean-Michel Mocka-Celestine, Fabien Dore and Michael Marton on May 10, 2015 the National Day for the Abolition of Slavery and the Slave Trade in France. Francois Hollande is on a five-day visit to the Caribbean, including Martinique, Guadeloupe, Cuba and Haiti.  AFP PHOTO / NICOLAS DERNE
AFP PHOTO / NICOLAS DERNE

Le 10 mai 2015 a eu lieu à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) l’inauguration du « Mémorial ACTe » à l’occasion de la 10e journée nationale des « mémoires de la traite et de leurs abolitions ». Il faut souligner que la France est le seul pays européen parmi ceux qui se sont enrichis grâce à l’esclavage à le reconnaître comme crime contre l’humanité.

Lors de cette cérémonie, François Hollande le président français, a adressé un message aux Haïtiens : « Quand je viendrai en Haïti, j’acquitterai la dette que nous avons ». Des propos qui ont soulevé une salve d’applaudissements, mais que son entourage s’est empressé de clarifier, il s’agissait d’une « dette morale ». Subtilité sémantique qui a balayé d’un revers de mots l’espoir de différentes organisations militant pour le devoir de mémoire, et l’indemnisation des anciennes colonies que la France a si bien pris plaisir à sucer, jusqu’à les réduire à néant.

Deux ans plus tôt,  le 10 mai 2013, François Hollande a parlé d’« Impossible réparation ». Citant Aimé Césaire, il avait alors déclaré  : «Il y aurait une note à payer et ensuite ce serait fini ? Non, ce ne sera jamais réglé ».

Ce qui m’exaspère le plus, c’est la mauvaise foi et le déni de l’exceptionnalité du cas haïtien. Comme la majeure partie des descendants d’esclaves, je crois que la dette est en effet morale et que ces blessures demeurent vives, indifférentes aux baumes des discours et du temps. Ce serait malsain de croire qu’une compensation financière suffirait à effacer les drames et souffrances qu’ont engendrés la traite et l’esclavage.

Rappelons la situation: la révolution haïtienne est la première révolte d’esclaves réussie dans le monde moderne. En 1804, corollairement au combat combien glorieux et courageux de nos aïeux, on a repoussé héroïquement la première puissance militaire du monde de l’époque et fondé la première République noire libre du monde.

En 1825, soit 21 ans après, Jean-Pierre Boyer, dans le souci d’une reconnaissance de l’indépendance acquise par la « sueur et le sang » se tournera vers Charles X qui contraindra nos compatriotes à verser à titre d’indemnisation 150 millions de francs-or à la France.

Double paradoxe puisque primo, on ne paie pas sa liberté, et secundo, cette liberté était déjà acquise. Pour obliger Boyer à signer, Charles X impose au pays un violent embargo. Acculée, la Perle des Antilles n’avait pas le poids géopolitique nécessaire pour entrer en confrontation directe avec la France.

Les conséquences de cette « dette criminelle » et l’embargo sont désastreuses pour le pays. Instauration de la corvée. Désastre écologique. Emprunt de grosses sommes à Paris qu’il faut rembourser avec les intérêts, etc. En 1838, le roi Louis-Philippe réduit les indemnités à 90 millions, le tout est soldé en 1883.

Lorsque les Haïtiens, petites filles et petits-fils d’esclaves évoquent le remboursement, ce ne sont pas des torts évidents que la traite, l’asservissement, l’humiliation ont fait à l’humanité dont ils parlent, mais plutôt de cette « dette de la honte » infâme et inhumaine qu’on nous a forcée à payer.

Aimé Césaire ne voulait pas, à raison, entendre parler de compensation à propos de l’esclavage. Les souffrances et humiliations qu’ont subies nos ancêtres et l’humanité ne sauraient en effet être monnayées.

Cependant M. Hollande, la dette de 1825 de la France envers Haïti en question n’est pas une réparation pécuniaire contre l’esclavage, elle est purement financière. L’obligation morale envers Haïti et les autres pays à jamais marqués des séquelles de l’esclavage peut toujours être reconnue; la contrition honore votre pays! Quant à l’argent versé sous le chantage pour une prétendue indemnisation, il n’est pas moral, cher président, il doit être « restitué »: 17 milliards d’euros. RENDEZ- NOUS NOTRE ARGENT!


Je suis Charlie et je l’assume

Le temps posé de la réflexion suit toujours l’effervescence de l’émotion. Encore plus si l’émotion est telle qu’elle a charrié dans un élan formidable la ferveur et la fureur de citoyens du monde entier. De Paris à Port-au-Prince, de New York à Dakar.

Certains ont dès le départ refusé de penser avec la foule. Car dit-on, la masse est un déni de la réflexion. Ils ont refusé l’intuition populaire, ils ont refusé d’être Charlie à tout prix. Les raisons avancées sont compréhensibles, parfois réfléchies mais toujours légitimes !

Je n’ai pas été abonné, ni lecteur donc encore moins adhérent à la ligne éditoriale du journal de satire. Par contre, je n’avais pas besoin de « Charlie Hebdo » pour être Charlie.

J’étais Charlie parce que la liberté de dire et de se taire, la liberté de tourner en dérision et de magnifier sont les traits communs de la viabilité de tout système démocratique. J’étais Charlie parce que le droit à la vie, le droit de ne pas être persécuté pour ses opinions ou sa vision du monde ne sont pas négociables, si l’idée est de construire une société du vivre ensemble dans la différence et dans les limites de la loi.

Tant pis si les événements qui s’en suivront ont montré qu’on ne se mobilise pas de la même manière, que l’indignation n’est pas aussi piquée à vif, suivant qu’on est mort sur le continent africain ou  européen. Tant pis si des fossoyeurs de la liberté d’expression ou des marchands de la haine se sont honteusement accaparés de la catastrophe pour persécuter une communauté, un groupe ou une orientation religieuse.

En tant qu’être humain, j’incarne les victimes de l’intolérance et de l’ingérence, de la misère et de la faim, des frappes de drones sur les civils ou des attentats kamikazes. Je ne suis pas seulement Charlie, je suis aussi tout ce qui devrait et doit révulser la conscience humaine, et je l’assume.


Le sublime

Les pétales joyeuses et colorées d’une fleur, la verdure luxuriante d’un buisson ou encore la grâce d’un petit oiseau, aux ailes grises, posé sur une branche délicate avant de virevolter dans le ciel d’un bleu pur, autant de merveilles, autant de beautés simples qui enseignent bien plus que mille livres mis entre le réel et nous. (suite…)


Haiti futur s’investit

 

(c) haitifutur.com
(c) haitifutur.com

Lorsque l’on vient à parler de Haïti dans les médias internationaux, deux lunettes journalistiques semblent s’imposer spontanément : soit on se met d’accord pour peindre avec un réalisme excessif la surface défigurée et franchement déprimante, ou, et ceci depuis au moins la sortie du film de Raoul Peck, on vilipende l' »Assistance Mortelle » des ONG et politiciens véreux qui à eux seuls seraient, responsables du « cauchemar haïtien ».

La réalité, et vous l’aurez déduit, est simplement plus complexe que ça. Grattez un tant soit peu la poussière du dessus et c’est une perle qui émergera. Une perle, certes, en chantier mais dont la beauté époustouflante n’est plus à prouver. En témoigne d’ailleurs le projet exaltant de mes amis sur Ayibopost qui est d’ouvrir sur internet une fenêtre vers la magnificence de nos plages, nos panoramas réjouissants et notre soleil souriant. D’après ces derniers, chacun peut, avec ses lentilles numériques, rendre compte de sa propre expérience et démonter ce que l’ecrivaine nigériane Chimamanda Adiche appelle le danger de la « single story ». Entendez par là « le point de vue unique, façonné par les clichés notamment médiatiques».

Ce n’est pas tout. 

Des Organisations Non Gouvernementales, contre vents et marées, se tiennent au quotidien aux côtés de la population, palliant ici un manque de présence et là un défaut de vision. Je rendais compte sur ce blog en septembre 2014 de l’initiative de l’ONG Haïti Futur. Elle a mis sur pied à Camp Perrin, une commune de la troisième ville du pays, les Cayes, une fabrique de crème glacée. En plus, ils s’investissent depuis 20 ans dans l’éducation et depuis 5 ans dans l’éducation numérique en Haïti. Mettant le pays avec leurs tableaux numériques interactifs (TNI) sur pied d’égalité en matière d’innovation avec des pays d’Europe ou d’Afrique par exemple. Sur demande des lecteurs de ce blog, je publierai prochainement un compte rendu de leurs différentes activités.

Somme toute, voir la réalité sans tomber dans la complaisance ; dépasser les préjugés sans faire dans la fausse authenticité est accessible à tout le monde. Mais seulement, il faut en avoir la volonté et le courage.


Anorexie : d’un extrême à l’autre

 

(c) staragora.com
(c) staragora.comité

Toute bonne idée est la bienvenue en matière de santé publique. En ces temps où effectivement, l’imaginaire collectif est travaillé, même agressé par une obsession du maigre comme canon indépassable de la beauté, l’éducation et même la philosophie ont beaucoup à faire pour promouvoir l’acceptation de soi, tant qu’elle ne nuit pas au bien-être physique.

En revanche, il me semble que cette frénésie législative consistant à vouloir légiférer sur tout et en tout emprisonne l’individu et atrophie la société. Appliquée à l’indice de masse corporelle (IMC) des mannequins, mon avis, c’est qu’on est en train de passer d’un extrême à l’autre. D’un diktat capitaliste donc irresponsable, ce qui d’ailleurs est un pléonasme, à un diktat sociétal, légal et donc plus contraignant.

Ce n’est pas à la société de définir les critères de normalité en matière de beauté ou de poids. Chacun doit être libre de faire ce qu’il veut tant que cela ne nuit pas à autrui. Je comprends le désir de réprimer les employeurs qui OBLIGER-AIENT les mannequins à s’amincir, mais une loi pour interdire à quelqu’un de s’affirmer au monde professionnellement de la manière qui lui plaît m’est insupportable.

Les gens ne mangent pas assez de fruits et de légumes, quelle est donc la solution ? Publier une loi pour les obliger à le faire ? L’abus de l’alcool nuit à la santé, va-t-on emprisonner ceux qui forcent sur la bouteille, même en privé ?

En plus, que fera-t-on de ceux qui naturellement ont un IMC très faible ? Et ceux qui sincèrement préfèrent une silhouette anorexique épaisseur feuille de papier ? Ils n’ont pas le droit de travailler ? Ils n’ont pas le droit d’être tout simplement ? Interdira-t-on les sites internet étrangers où justement il n’est pas illégal d’être maigre à l’extrême et mannequin ?

A un moment, il faut cesser les fuites en avant et prendre la mesure de nos responsabilités ! La solution au problème de la maigreur excessive réside plus dans L’ÉDUCATION, la discipline alimentaire qu’il faut encourager et des politiques publiques adéquates que dans l’illusion selon laquelle l’interdiction est la solution à tout !


Reposez en paix

Charles Jean Wilbert , à cote de son fils, mon ami Charles Alphonse Will
Charles Jean Wilbert , à cote de son fils, mon ami Charles Alphonse Will

Ce n’est pas aux philosophes grecs que j’ai pensé. Ni à Montaigne, encore moins à Cicéron. La philosophie n’apprend pas à mourir et personne ne peut apprendre à se séparer de ses proches sans perdre son humanité. Cette vérité existentielle est inscrite dans notre ADN. La mort s’installe au cœur même de la vie. Les subterfuges les plus astucieux ne pourront contourner cette fatalité !
C’est plutôt aux sourires que j’ai pensé à la vue de ces visages fermés et attristés. Des émotions pudiquement partagés. Un respect mutuel mais distant. C’est par sa joie de vivre et à son dévouement pour sa famille que Jean Wilbert Charles, le père d’un de mes meilleurs amis, doit continuer à respirer de l’au-delà. Car, l’au-delà n’est que l’empreinte de notre passage sur terre. Elle est ici, au cœur même de la vie.

Ainsi donc, n’étant plus, c’est à ceux qui sont encore que je souhaite le repos ! Embrassez en vous ce qu’il a eu de meilleur, cheminez avec lui sur les rives du souvenir et continuez à vivre car vivre, n’est pas que respirer : c’est rendre son existence harmonieuse avec le « cosmos », la nature et nos semblables.

Widlore Mérancourt
28.3.2015


Élections mortelles

(c) WordPress
(c) WordPress

La simple évocation de la démocratie n’en fait pas une réalité, en ce sens que le système se donne à voir par la matérialisation de ses différents éléments. Ainsi, l’organisation honnête et périodique d’élections est une nécessité absolue à la mise en place et la pérennisation de tout système se revendiquant comme tel.

Pourtant, un terrible paradoxe poursuit cette vérité en Haïti depuis la chute de la dictature des Duvalierle 7 février 1986 : l’élection tue ! Encore lors des dernières joutes électorales de 2011 ayant porté dans la controverse M. Martelly à la tête de l’État, des citoyens et des biens publics et privés ont été engloutis à tout jamais dans la violence.

Cette violence gratuite ne s’attaque pas qu’au matériel, mais vise et atteint par extension l’idée, ou l’idéal démocratique. Conséquemment donc, c’est la démocratie naissante qui s’étouffe et se meurt de ces sempiternelles scènes sanglantes postélectorales.

C’est mal parti

Le pire, c’est que rien n’est fait pour définitivement briser ce cercle macabre et infernal. 2015 est consacrée année électorale. Il faut dire que ces élections devraient être organisées depuis près de 4 ans. Alors même que nous traînons cette tradition peu reluisante, on ne sent pas les actions imprégnées de cette volonté morale, responsable et citoyenne de tirer les conséquences des errances du passé pour construire l’avenir.

Déjà les contestations pleuvent et l’opprobre est jeté sur le Conseil électoral soupçonné d’être à la solde de l’exécutif. Déjà le dialogue est simulé quand les décisions sont déjà actées en amont. Déjà la mort se prépare alors que les élections devraient être les fleurs odorantes de l’arbre démocratique.


Féminisme et culture haïtienne

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(c) habitants.org

Encore ce 8 Mars 2015, j’étais profondément ancré dans cette idée qui voulait que la femme soit libre ! Libre de l’homme qui longtemps a voulu l’inférioriser. Libre d’elle-même car dans le temps, elle a intériorisé des préjugés et discriminations jusqu’à parfois oser s’élever pour ingénument défendre sa subordination.

Je me disais féministe quand en cette fin de matinée de dimanche, j’ai vu débouler sur la Première Grande rue des Cayes (Sud d’Haïti) cette cohorte de jeunes femmes. Les unes plus « belles » que les autres. Marchant fièrement pour les droits de la gente féminine.

Le char accompagnant bruyamment le cortège arborait des slogans du genre « Eduquer les femmes, c’est assurer un avenir meilleur pour Haïti ». De jeunes hommes et des enfants y allaient joyeusement à côté de ces déesses bien parées, comme pour dire : « Défendre l’égalité et la possibilité de s’accomplir complétement n’est pas antinomique à la féminité. »

Je me disais féministe quand à la fin du cortège j’ai remarqué ces policières. Jeunes et fluettes, à la lente démarche d’une femme pleinement consciente d’avoir durement acquis sa place dans une institution où seul le sexe dit fort semble avoir droit de cité. Où la femme est sous représentée et sa présence non supportée.

Je me disais féministe quand à la vue de ces jeunes policières je me suis subitement mis à penser :

« N’est-il pas dangereux de les laisser jouer avec des armes? »


Haiti : Hôpital en feu et autres observations

Un incendie a éclaté ce vendredi 27 février 2015 au dépôt de l’hôpital publique Immaculée Conception des Cayes (Sud Haïti). Cet événement dont l’origine reste inconnue n’a fait aucune victime humaine. Mais a quand même consumé une grande partie du bâtiment et brûlé l’équivalent de plusieurs milliers de dollars de médicaments. La plupart sont des dons de la communauté internationale. (suite…)


#StopRacismeRepDom

 

(c) Reseau des Blogueurs haitiens et Tilou Jean Paul
(c) Reseau des Blogueurs haitiens / Tilou Jean Paul

Parce que la mort injuste d’un seul homme porte atteinte à toute l’humanité

Parce que le monde entier doit savoir la lente mais inexorable descente de la République Dominicaine dans le racisme, la xénophobie, l’anti-haitianisme et ses corollaires

Parce qu’un pays dit démocratique se doit d’abord de respecter l’humain, ses droits fondamentaux et les conventions protégeant sa dignité

Parce qu’une politique qui stigmatise, attise les tensions, rend apatride une partie de sa population est susceptible de favoriser les dérives criminelles

Parce que je ne cautionne pas la haine, l’injustice et que le silence est parfois complice

Je dis avec le Réseau des Blogueurs haïtiens :

NON au racisme en République dominicaine
NO to racism in the Dominican Republic
NO al racismo en la República Dominicana
ABA rasis nan Sendomeng
لا للعنصرية في جمهورية الدومينيكان
NEIN zu Rassismus in der Dominikanischen Republik
NO al racismo en la República Dominicana
NO al razzismo nella Repubblica Dominicana
NEJ till rasism i Dominikanska republiken
Нет расизму в Доминиканской Республике
Não ao racismo na República Dominicana
NEE tegen racisme in de Dominicaanse Republiek
도미니카 공화국의 인종 차별주의에 없음
没有种族主义在多明尼加共和国
ドミニカ共和国での人種差別にノー

MW


La raison contre la barbarie

« Donnez-moi six lignes de l’écriture d’un homme, et je me charge de le faire pendre » est une formule fort évocatrice que l’on attribue volontiers à Laubardemont. Un peu pour signifier la frilosité de la parole écrite pouvant, par définition, être détournée, trahie et mésinterprétée!

Qu’en est-il alors des textes sacrés ? La plupart écrits depuis des centenaires, par différents auteurs en différents lieux et renfermant parfois des centaines de pages ?

Le philosophe français Michel Onfray a raison quand il postule que dans ces écrits (la Bible, le Coran, etc.), au-delà des interprétations, il y a matière à justifier les pires absurdités. Et aussi, des principes en parfaite cohésion avec la société moderne promouvant la paix, la tolérance, l’amour et l’altruisme.

Tout le travail est de décanter ce qui relève du principiel et du circonstanciel. Ce qui était propre à la culture d’une l’époque, ce qui, lié à une histoire aujourd’hui heureusement dépassée devrait ne pas être reproduit!

Ce travail d’adaptation du religieux au sens commun, à l’évolution de nos sociétés, aux lois et aux valeurs républicaines requiert que la « raison » ne soit plus persona non grata dans un espace où son absence engendre les pires catastrophes.

Ne pas prendre au pied de la lettre, nuancer, débattre, argumenter, réfuter les incohérences, autant d’acquis sociétaux que les religions gagneraient à s’approprier. Et ce travail revient d’abord aux responsables religieux dont le rôle est de guider, d’orienter.

Ensuite, il est impératif aujourd’hui de renforcer collectivement les anticorps de nos sociétés contre LES extrémismes! Il est admis aujourd’hui que l’apartheid de fait, la précarité, l’ignorance et l’inculture, les discriminations, le racisme jettent certains désespérés dans les bras de manipulateurs de tous bords.

On ne combat pas l’extrémisme par ses propres méthodes. La question n’est donc pas de déterminer quelle religion serait acceptable et quelle autre serait abominable, mais plutôt, de savoir comment, dans une société qui se dit démocratique, allons-nous faire pour que la laïcité ne soit pas une arme orientée contre une catégorie.

Comment bâtir l’édifice étatique sans sacrifier le droit d’être différent dans la diversité ? Comment apprendre aux plus jeunes le respect de cette richesse culturelle ?  Comment promouvoir l’égalité, économique notamment, et faire en sorte que personne ne se sente moins « national » que d’autres ? Autant d’interrogations sur lesquelles méditer sérieusement si nous voulons esquiver la guerre civile pour emprunter les sentiers du vivre ensemble dans l’harmonie et le respect du droit de chacun à s’autodéterminer.


Accident au carnaval d’Haïti: l’État est-il responsable ?

Un incident a endeuillé ce mercredi 17 février (2 h 48 am) l’ambiance carnavalesque traditionnelle installée depuis ce dimanche en Haïti. Un choc électrique a causé la mort d’une dizaine de personnes à Port-au-Prince et blessé plus de 40 autres.

Le rôle premier de l’État n’est pas de s’excuser. Ni de déplorer. Encore moins d’adresser des sympathies qui, sincères ou obligées, ne ramèneront nullement les victimes.

Le carnaval tel qu’il est mis en oeuvre par l’administration en place s’apparente à une échappatoire à la faillite manifeste de ses responsabilités envers la population. Car, tous les voyants sont au rouge. La situation économique reste catastrophique alors que des élections sont régulièrement programmées depuis trois ans sans avoir lieu.

Le peuple, croupissant dans l’indigence, est mieux servi en ambiances festives qu’en véritables perspectives d’améliorations de sa vie réelle! On parle d’austérité budgétaire quand on double le carnaval normalement réalisé une fois par an : 7 en 4 ans ! Peuple qui fête n’a point le temps de nous prendre la tête!

Pour autant, je ne commettrai pas l’erreur d’imputer cet incident malheureux à l’équipe au pouvoir. Elle se passerait volontiers de cette publicité macabre. Cet événement tragique emprunte le couloir tracé par les gouvernements haïtiens successifs, prompts aux regrets mais lents à l’anticipation responsable.

Le Nouvelliste rappelle à juste titre que « dans les années 70, le char monté par le groupe Dragon avait fauché des danseurs et des spectateurs. En février 1998, le char du groupe Ram avait été impliqué dans un incident similaire. Régulièrement, des spectateurs sont tués sur le parcours suite à des accidents ou des bagarres. »

Pourtant en 2015, aucun protocole de sécurité n’est établi pour un événement drainant des milliers de personnes venant des villes de province et de la diaspora. A ma connaissance, aucune étude sérieuse n’a encore été menée sur la mise en oeuvre globale de l’activité. Les chars sont construits selon le bon vouloir des commanditaires. Quelques policiers sans spécialisation assurent la sécurité de foules denses et compactes sur un parcours de plusieurs kilomètres.

Si en tant que peuple, nous continuons à ne pas prendre au niveau individuel et collectif, la mesure de nos catastrophes et tirer les leçons nécessaires afin d’empêcher qu’elles se répètent dans le futur, toujours alors, nous continuerons à pleurer, à déplorer et à présenter nos sympathies! Comme l’a dit Albert Einstein : « Le comble de l’absurdité, c’est de répéter les mêmes gestes constamment et de s’attendre à des résultats différents!


Lettre d’un chômeur à son amante

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(c) jura-tourism

 

Mon amour,

Quelque enthousiaste que je serais à l’approche de la St Valentin, ne pourrais-je pour autant empêcher l’étiolement du voile de notre quotidien, laissant transparaître depuis deux ans au rythme de nos manques, les reliques d’un amour fatigué, s’étranglant à petit feu.

Le chômage s’est introduit sous nos draps. Il a rafraîchi nos baisers, frigorifié nos ébats.

Quel effort pourtant n’avions nous pas consentis ? Ne sommes nous pas licenciés? Fallait-il que tu acceptes cette forme de prostitution déguisée qui consiste à être à la fois employée et maitresse? Fallait-il que je me prête à la réconfortante mode de la relativité morale ambiante et troquer ma dignité contre une relative prospérité ?

Les vertus ici s’arrêtent aux portes des intérêts! Et l’amour n’est plus qu’un tonneau vide déambulant sur le boulevard des faux semblants. L’État se résume au pillage, gaspillage et maquillage de développement! La création d’emploi s’arrête là où la famille et les amis avares ont trouvé quelques satisfactions.

Toutefois, que ce tableau désolant ne nous prive d’y peindre ce 14 février en lettres roses les traits éternels de notre amour. Et de l’espoir, à la grandeur de l’histoire tumultueuse de notre cher pays. Haïti finira par se relever. Nous finirons par trouver du travail et notre histoire de ses cendres scintillera!

Je t’aime.

Max