Soucaneau Gabriel

Vingt-troisième édition de Livres en Folie, plus grande foire du livre en Haïti

Pour mieux connaitre un peuple, il faut fouiller dans sa littérature. Je ne me souviens plus où j’ai lu ça ou si je l’ai inventé de toutes pièces. Mais ça me saute au visage comme une évidence, qui peut mieux, à part ses écrivains, nous faire visiter les couloirs d’un pays, son histoire, ses mœurs, ses rêves et ses secrets. Une centaine d’auteurs ( soit 145 et 2369 titres disponibles) ont signé leurs dernières œuvres. Livres en Folie est le rendez-vous par excellence du lectorat haïtien et de tout étranger présent sur le territoire désireux d’en  savoir un peu plus sur ce peuple résilient aux vents des quatre coins du monde. Organisé le 15 et le 16 juin, Livres en Folie, c’est deux jours de folie autour du livre.

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L’année dernière, nous nous sommes délectés avec plaisirs des œuvres de Marie Vieux Chauvet, l’invité d’honneur de la 22e édition. Pour ma part, j’ai lu avec avidité et plaisir  ‘’Amour, Colère et Folie’’, une œuvre majeure de l’auteur. C’est toujours un grand moment pour les organisateurs de la foire du livre de dévoiler quelques mois à l’avance le visage qui sera l’invité d’honneur. Pour cette 23e édition, ils nous ont gâté avec deux invités à l’affiche. Deux visages. Deux générations. Deux parcours différents et bien sûr deux démarches différentes. Odette Roy Fombrun et Makenzy Orcel. Deux figures majeures de la littérature contemporaine haïtienne.

La cour du Musée du Panthéon National Haïtien (Mupanah) a vibré sous le poids de l’activité. Près de dix mille personnes ont fréquenté l’espace le premier jour, selon Frantz Duval au micro de Radio Soleil. Frantz Duval est le rédacteur en chef du quotidien haïtien Le Nouvelliste, organisateur de l’évènement.

Livres en Folie est une vitrine qui présente les dernières parutions des auteurs. C’est aussi un lieu de rencontres et de découvertes. Pour ma part j’ai rencontré pleins d’amis que j’avais perdus de vue. Entre salutations, achat de livres et séances signatures, quelques impressions.

Une ligne interminable. L’entrée se faisait en face du Musée de la Faculté d’Ethnologie et lorsque j’ai vu ces deux lignes interminables, j’ai failli rebrousser chemin. Heureusement que mes potos Obed Lamy Et Mustapha Falestin m’ont dissuadé, un peu de patience et quelques minutes plus tard, on passait le portail de sécurité.

La grande fouleLe Mupanah fut choisi pour son accessibilité. Placé au cœur du Champs-de-Mars au centre-ville, c’est le lieu idéal cette année pour réunir les auteurs en signatures, les maisons d’édition, les lecteurs et surtout les curieux en quête de tout et n’importe quoi. Sauf que la cour du Mupanah était rempli comme un œuf, ce qui a rendu la circulation difficile et l’achat de livre un peu pénible. C’était comme au carnaval. Pendant les deux jours 17 000 visiteurs ont fait le déplacement d’après les chiffres avancés par Le Nouvelliste.

Complètement perduPris en sandwich de tous les côtés par cette foule en quête de livres ou d’autres choses, je ne sais pas, moi, il m’était un peu difficile de m’orienter. Où trouver les livres ? Où sont les auteurs ? Où payer ? Cela m’a pris quelques minutes pour avoir une idée de tout ça et m’orienter avec plus d’aisance. Une description du site à l’entrée aurait permis plus de fluidité. 

Encore des lignes. Pour vérifier que les livres sont disponibles, pour payer et pour les récupérer. Il fallait de la patience. Mais  j’aurais tout fait pour L’ombre animale et La marquise sort à 5 heures.

Mes achats de l’année

Soucaneau Gabriel

L’ombre animale de Makenzy Orcel et La Marquise sort à cinq heures de FranckÉtienne sont mes achats de cette année. Ces achats sont pour moi une façon d’entrer dans le monde de ces écrivains. J’ai lu quelques vers de FranckÉtienne par le passé,mais j’ai voulu une invitation plus intime. Et à travers ce livre, je sens (je ne saurais vous l’expliquer) que Franck m’ouvre une porte, me tend la main et me dit d’entrer.  De même pour Makenzy Orcel, j’avais entamé Les latrines il y a quelques temps déjà mais je ne l’ai pas terminé. L’ombre animale est cette carte d’invitation pour une visite qui se promet d’être riche en rebondissements. Les latrines, j’y reviendrai.

Inquiétude

En voyant l’affluence de cette foule sur le site de la foire, je me suis demandé s’ils sont tous là pour acheter des livres ? Ou est-ce le besoin d’activité récréative qui réunit ce beau monde ? Je souhaiterais que le livre reste ce qu’il est, avec ses légendes, et non la tendance du mois, la mode qu’il faut à tout prix porter si on veut être dans le vent. Le livre n’est pas une célébrité d’un moment. Le livre est intemporel. La lecture sauve des vies.

Et maintenant que vous vous êtes offert ces bouquins, soit parce qu’ils ont été écrits par la célébrité du moment ou parce que vous êtes un lecteur qui suit l’œuvre d’un écrivain comme moi je le fais avec Lyonel Trouillot et Yanick Lahens, lisez-les.

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Port-au-Prince, quête de repère, 268 ans plus tard

Port-au-Prince, terre de Légende
Derrière ce rideau de poussière et ce spectacle de tôles multicolores à chaque coin de rue, nous rappelant un grand chantier, sommeille Port-au-Prince, fondée le 13 juin 1749. Une ville de légende où pétille avec nostalgie l’œil d’autrefois. Les restes du passé perdurent encore dans les murs d’aujourd’hui, l’histoire est encore là, palpable. Port-au-Prince à tout prix essaie de résister face aux périls du temps, grâce à ses légendes, grâce à la prière de ses dieux, grâce à la bravoure de ses ancêtres, grâce à l’encre de ses écrivains. Port-au-Prince se dose de nouveaux repères, continue d’écrire l’histoire dans une version contemporaine et tente d’inspirer ses fils. Port-au-Prince, quand les images fouettent les souvenirs, 268 ans plus tard.

Champs de Mars, où dansent plaisir et politique.

Flickr : OIM Haiti

Comment définir le mot festif ? Entre les nombreuses propositions des dictionnaires, nous, on se réfère au Champs de Mars, bastion du farniente par excellence. Cette vaste place publique environne et compose avec la Place Dessalines, la Place de l’Indépendance, le Palais National, la tour 2004, le MUPANAH, le ciné triomphe, le Rex théâtre, Le Kiosque Occide Jeanty, l’immeuble des pompiers, le ministère du tourisme, le musée St-Pierre. L’aire du Champs de Mars offre le plateau idéal pour les foires, les carnavals et où se perpétue depuis des lustres les expositions en plein air, l’artisanat sous toutes ses formes, les restaurants diurnes et nocturnes, l’agora de la place Toussaint Louverture. Champs de Mars possède le secret pour équilibrer plaisir et politique, un peu plus bas au Palais National se prennent les grandes décisions qui régentent le cours de l’histoire. Champs de Mars c’est aussi les rencontres fortuites, les sorties entre amis, les étudiants qui révisent entre eux, les promenades longues et paresseuses du dimanche à essayer de faire perdurer le week-end.

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Contre l’oubli, le Nègre Marron. 

Flickr : Steve Bennett

Ce statut érigé en face du Palais National est un puissant élément historique qui est là pour nous rappeler notre parcours de peuple. Nègre Marron fait référence au marronnage du temps de l’esclavage, le marronnage était l’un des premiers signe de rébellion dont les esclaves avaient fait montre face à l’atrocité du système. Sculpté par Albert Mangonès en 1959, le Marron tient dans sa main droite une machette, symbole de la résistance des esclaves face au système et dans l’autre main, une gourde.

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Le passé sur les pas de l’avenir, la Tour 2004. 

Tour 2004
Monument for Haiti’s bicentenary (Wikimedia Commons) Stefan Krasowski

Érigée au Champ de Mars à l’occasion du bicentenaire de l’indépendance Nationale, le chantier est inachevé mais la construction témoigne d’une certaine idéologie, la grandeur, la force, le courage. Décorée pendant les périodes de fête, surtout à Noël, la tour est devenue un point de repère pour nombre de Port-au-Princiens.

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Pour la Grandeur et la lumière, le palais National. 

Le Palais National d'Haiti
Flickr: Michelle Walz Eriksson

L’orgueil de la Nation Haïtienne pendant plusieurs décennies, détruit par le violent séisme du 12 Janvier 2010. Le Palais National ou Palais Présidentiel est la résidence du # 1 de la nation. Construit en 1918, sur les plans de l’architecte Georges Baussan, haïtien ayant étudié à l’école des beaux-arts de Paris, ce monument titilla la jalousie de plus d’un par son imposante architecture et son style puisé dans le néo-classique français. Les coûts de reconstruction s’élèvent à 100 millions de dollars américains, d’autres priorités ont pris le dessus sur la reconstruction. Mais on ne saura oublier comment il a brillé de mille feux sous les luminaires pendant la période de noël, quelques jours avant la catastrophe. 

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 Pour la compétition et la gloire, le Stade Sylvio Cator.

https://www.radiosoleil.org

Le stade Sylvio Cator est le seul de la capitale et même du pays, portant fièrement le nom de l’athlète haïtien médaillé d’argent au saut en longueur aux Jeux Olympiques d’été de 1928. Il fut également le maire de la capitale en 1946. Inauguré en 1953, le Stade Sylvio Cator compte maintes manifestations sportives et culturelles. Les étoiles du football brésilien y ont foulé sa pelouse en 2004, pour un match en faveur de la paix.

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Le marché de fer. L’ère du temps.

Marché Hyppolite.
Flicker : Ruth Edwards

Élevé au niveau de patrimoine historique par l’ISPAN, un monument emblématique dans l’aire métropolitaine. Construit dans les années 1890 sous le gouvernement de Florvil Hyppolite, il fut ravagé à plusieurs reprises par de grands incendies. Totalement endommagé par le séisme du 12 janvier 2010, il sera reconstruit une année plus tard. Maintenant c’est dans un bâtiment flambant neuf, propre et muni de tous les conforts nécessaires que le commerce de l’artisanat fleuri au centre-ville.

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La matrice protectrice, Madan kolo 

On n’a pas pu trouver de la documentation sur l’érection de cette statue, l’histoire n’en fait pas une très grande mention. On retrouve sa trace plutôt dans certains textes poétiques où souvent on y fait référence comme étant la mère, la gardienne de Port-au-Prince. Le jargon haïtien en use souvent pour en faire des expressions assez variées. Mais elle est là, au beau milieu de la rue Tire-masse, veillant jalousement sur un secret dont cette génération ne saura jamais la teneur.

 

 

 

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Notre Dame du Perpétuel Secours. Patronne d’Haïti

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Icone miraculeuse datant du XIVe siècle, son histoire avec Haïti remonte à la guérison miraculeuse de la petite vérole vers les années 1800, rattachée à la chapelle du Bel-Air, elle est fêtée le 27 Juin.

 

 

 

 

 

 

 

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Le Parc Naturel de Martissant. Un poumon au sud de Port-au-Prince

S’étalant sur 17 hectares au sud de Port-au-Prince dans la section communale de Martissant, le parc est un site naturel et écologique intéressant. Le parc se situe entre le morne l’Hôpital et le bord de mer, il s’étale sur 4 habitations, les Résidences des Mangonès et de Catherine Dunham, l’habitation Pauline et l’habitation Leclerc, devenues publiques par l’arrêté présidentiel de 2007 qui a créé le parc de Martissant. Propre et bien entretenue, il regorge d’arbres fruitiers et d’autres espèces. Le parc offre aux visiteurs calme, verdure et farniente. Un mémorial aux victimes du 12 Janvier 2010 y a été érigé, où les familles des victimes viennent se recueillir. Le Parc va hériter d’un centre culturel, d’un jardin médicinal, d’un parc botanique et d’un institut des métiers de l’environnement.

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Pour la mémoire, le MUPANAH

Le Musée du Panthéon national haïtien représente le patrimoine historique et culturel haïtien. Inauguré en 1983, il vise à perpétuer et à diffuser le souvenir des pères de la patrie. Le MUPANAH est une institution qui a pour mission de conserver, de protéger et de valoriser le patrimoine historique et culturel, par ailleurs il participe à la formation, l’animation et la promotion de ce patrimoine ainsi qu’à l’enrichissement de ses fonds documentaires et de ses collections par l’acquisition d’œuvres artistiques. Logé au cœur du Champs de Mars, dans l’aire du Palais National, il sert de lieu de documentation aux étudiants, chercheurs, visiteurs, touristes en quête de repères historiques.

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BRH

La Banque de la République d’Haïti est une institution financière qui joue le rôle de banque centrale du pays. Elle a le pouvoir d’énoncer, de diriger et de superviser la politique monétaire. Elle autorise l’impression de billets et la frappe de monnaie et détermine les volumes des émissions en accord avec la loi. Sa date de création remonte à 1979, sa devise est la gourde haïtienne, son site officiel est le www.brh.net

 

 

 


La sexualité et l’érotisme chez Fedna David, mondoblogueuse haïtienne

D’un blogueur à un autre

J’ai croisé la route de Fedna Perla David en novembre 2016. Nous faisions partie des blogueurs retenus par la plateforme Mondoblog de RFI pour suivre une formation sur le blogging à Madagascar. Nous sommes tous les deux haïtiens. Depuis cette rencontre (où, ensemble, nous avons arpenté les rues d’Antananarivo) et depuis notre retour en Haïti, nous lisons discrètement nos billets de blogs respectifs et nous nous parlons de temps en temps.

Fedna David, à travers son blog sexeettabous.mondoblog.org scrute à la loupe le thème de la sexualité, avec un plaisir mesuré et taquin. Ce sujet encore tabou en Haïti, aujourd’hui encore on n’en parle pas ouvertement et librement. Certes les esprits ont un peu évolué depuis l’invasion des réseaux sociaux dans notre quotidien, mais nous avons quand même grandi avec l’idée que la sexualité était quelque chose de sale, un péché, et qu’il fallait se fourbir au gant de crin si on y avait goûté.

Pour parler de sexualité en Haïti, il faut fermer les fenêtres et parler à voix basse, comme un chrétien dans le confessionnal. Nous vivons avec une image dégradante de la sexualité. Les hommes, sur un ton dominant, en parlent avec des mots qui ne sont pas toujours très flatteurs et il n’est pas question pour une femme d’affirmer son désir et de prendre des initiatives, on la traiterait de tous les noms.

Mais Fedna David fait partie de cette génération qui bouscule les tabous, les idées reçues, et toutes ces règles qui sont écrites nul part mais que nous suivons pourtant scrupuleusement. Être une femme fontaine, jouir avec un sextoy, les étapes d’une bonne relation sexuelle, la masturbation sont les sujets déjà traités par la blogueuse. Cette semaine, autour d’un café, nous avons parlé de cette passion commune qu’est le blogging et la blogosphère haïtienne, nous avons aussi ressassé nos souvenirs de Madagascar et surtout, curieux comme moi seul, j’ai tiré les vers du nez à celle qui parle de sexualité comme elle parlerait du soleil qui se lève et du temps qui passe !

Photo: Soucaneau Gabriel . Au bar à liqueur Mojo, Tananarive

 

  • D’où t’es venue l’idée et la passion de bloguer?
    Fedna David : J’ai découvert le blogging grâce à un ami et, peu de temps après, j’ai découvert Mondoblog. J’étais fascinée par certains mondoblogueurs, je suivais de près cinq ou six blogs en jetant un œil de temps en temps sur les autres blogs de la plateforme. Entre temps, j’ai appris un peu le codage et les techniques du blogging et, un an plus tard, j’intégrais Mondoblog. Je me suis alors mise à bloguer très naturellement et c’est devenu une vraie passion, qui grandit de jour en jour.

 

  • Comment as-tu vécu l’expérience de Madagascar ?
    Fedna David : Ce fut une expérience extrêmement enrichissante et surtout inoubliable. J’y ai rencontré des gens vraiment extraordinaires et formidables. Moi qui, généralement, ne suis pas très à l’aise en présence d’étrangers, j’appréhendais cette formation… mais très vite j’ai été dans mon élément ! Il faut dire aussi qu’on m’avait réservé un accueil mémorable. Apparemment, tout le monde attendait de rencontrer cette fille qui parlait de sexe aussi ouvertement ! Avec les autres mondoblogueurs, nous avons appris à nous connaître, et je me suis vite sentie chez moi. Ces dix jours passés à Tana, avec des blogueurs venus de pays différents, est l’une des plus belles choses qui me soit arrivée. J’y ai appris beaucoup. A la fin du séjour, au moment de se dire au revoir, ce fut vraiment douloureux et triste.

 

  • Quels sont tes rapports avec tes lecteurs ?
    Mes rapports avec mes lecteurs sont très motivants. Ils me font des retours après chacun de mes articles que je prends soin d’écrire avec simplicité. Même si ce n’est pas toujours pour dire de belles choses. « LA » question qui revient souvent est celle de savoir si je fais tout ce je raconte ou si je ne fais que raconter des histoires ou encore si ce sont des histoires personnelles que je maquille sous des fictions… Certains osent même me demander de leur apprendre à mettre en pratique ce que je propose dans mes articles ! Moi, cela me fait rire tout simplement. Il y en a aussi qui viennent vers moi très sérieusement pour me demander de leur apprendre à être plus épanouis dans leur vie sexuelle. Je suis devenue une sorte de coach de vie sexuelle et je me fais un plaisir de les aider. Mais naturellement je n’en abuse pas et je leur signifie clairement que je ne suis pas sexologue. Il y a aussi des lecteurs que je rencontre dans la vie réelle qui aiment vraiment parler de ce que je raconte sur mon blog. Cela donne souvent lieu à des débats animés et constructifs, dans le respect. J’ai même une amie qui connait un de mes articles par cœur comme un beau poème et lorsqu’elle me l’a récité comme ça un beau jour, j’en étais ébahie et surtout très fière. C’est très encourageant et ça me fait aimer encore plus ce que je fais. Car je le fais avant tout pour moi.

 

  • Tu as un blog spécialisé où tu parles de sexualité, pourquoi avoir choisi ce thème ?
    Mon blog parle effectivement de sexualité et d’érotisme et des tabous qui les entourent, mais il arrive aussi que je parle d’autres choses. D’une franchise naturelle, je n’éprouve généralement aucun mal à parler de sexe et consorts. J’y prends même beaucoup de plaisir et ça me désole de voir combien il est difficile pour les autres d’en parler, comme si c’était quelque chose de malsain et de dégradant qu’il fallait cacher à tout prix.  Pour les filles c’est encore beaucoup plus difficile, car elles sont plus stigmatisées, intimidées et exploitées sur le sujet. Alors, sur mon blog, j’ai décidé de prendre leur parti. Je tente de leur faire comprendre que le sexe n’a rien de vilain, que c’est d’abord un besoin duquel on peut tirer énormément de plaisir et de bonheur et qu’il convient d’en parler aussi sereinement et proprement, comme on aurait parlé de manger un plat exquis ou de comment bien prendre soin de son corps. Je parle pour elles, certes, mais pas uniquement. Au final, tout le monde y trouve  son compte.

 

  • Tu n’as pas peur des critiques ? N’y a-t-il pas des gens qui voient d’un mauvais œil une femme qui parle librement de sexualité ?
    Les mauvaises critiques, j’en reçois, et j’en reçois presque autant que je reçois de bonnes critiques. Certains ne se gênent nullement pour me traiter de débauchée ou de dévergondée, on me faire la morale dans des messages « longs comme ça ». Il y en a même un qui m’a dit de vive voix que ce sont les gens comme moi qui empêchaient le changement du monde. Dieu voit pourtant que je ne fais absolument rien de mal. Alors je n’y fais tout simplement pas attention. C’est pourquoi je me bats Je constate petit à petit du changement chez les gens qui m’entourent et qui me lisent, et ça, c’est mieux que toutes les mauvaises critiques qui me sont faites !

 


Au cœur de l’échange. Les grands marchés de Port-au-Prince

L’aube se pointe doucement, les conversations s’amplifient, les corps se déplacent à la lumière des lampadaires, des camions se déchargent, des marchands ambulants se frayent déjà un passage, apportant le thé ou le café. Des guerriers qui osent devancer les rayons du soleil. Ils défont des cartons, les étagères et les rayons se remplissent. Le soleil se lève enfin, avec la promesse d’une nouvelle journée chargée de responsabilités et de surprises. Cette scène se répète chaque jour dans les grandes artères commerciales de l’aire métropolitaine.

Les marchés publics font partie intégrante du rythme de vie de la population Port-au-Princienne. Certains d’entre-eux desservent depuis des décennies, tissant leurs propres histoires, protégeant leurs secrets. Le commerce est l’un des piliers économiques du pays, aidant la population à tenir face au chômage.

Le Marché en fer

Marché Hyppolite / Flicker Ruth Edwards

Connu aussi sous le nom de marché Hyppolite ou marché Vallières, il fut construit sous le gouvernement de Florvil Hyppolite dans les années 1890. Une structure en fer imposante surmontée d’un dôme avec une horloge sur le fronton d’entrée avait pour mission solennelle de donner l’heure aux visiteurs. Peint entièrement en rouge et vert, il sombra sous les incendies à plusieurs reprises, dont la dernière en date remonte à 2008. Le séisme du 12 janvier acheva ce qui restait de la structure. Élevé au niveau de patrimoine historique par l’institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN), il sera reconstruit en 2011 pareil au premier avec le concours financier de l’homme d’affaire Denis O’Brien, propriétaire de la compagnie de téléphonie mobile Digicel. Le marché est autonome en matière d’électricité et offre toute une panoplie de produits artisanaux,  produits de beauté, fruits, légumes et même un stand qui offre des journaux nationaux et internationaux.

 

Le marché de la Croix-des-Bossales

Sac de charbon au marché Croix des Bossales. Flicker Isabeau Doucet

Un nom qui en dit long et qui évoque des souvenirs pas très joyeux. Si on feuillette l’histoire,  elle nous dira que ce nom vient de la traite des noirs. Cette zone servait de débarquement aux bateaux transportant les nègres d’Afrique. Aujourd’hui encore, la presse n’en parle pas avec des mots très flatteurs. Spirale de terreur, parodie de marché, décharge publique, le plus grand marché de l’air métropolitaine souffre et la douleur ne vient pas des mots auxquels on fait appel pour en parler mais plutôt le contraire, l’état de la zone inspire des mots qui font référence à la puanteur. Réhabilité à plusieurs reprises, il reprit lentement son revêtement comme si le nom ne pouvait évoquer autre chose que relent et détritus. Offert comme cadeau en 2008 par la république Bolivarienne (Venezuela) le marché est assis sur 70 000 mètres carrés et représente un défi sanitaire de taille.

 

Le marché aux  fruits et légumes de Pétion ville

Crédit : Soucaneau Gabriel

Construit sous le gouvernement de Michel Martelly, ce marché loge les vendeurs qui autrefois investissaient les trottoirs de la Rue Ogé. Inauguré le 19 Septembre 2014, le marché repose sur 345 mètres carrés et offre le confort de trois douches, un bloc sanitaire, quatre dépôts et un réservoir pouvant contenir dans les 10.000 gallons d’eau. Les étagères très achalandées proposent couleurs et saveurs aux acheteurs, les fruits murs flattent l’odorat des passants qui souvent tombent sous la magie. Au marché de fruits et de légumes de la rue Ogé, les étalages ne désemplissent pas. Les acheteurs se font plaisir quotidiennement.

 

Marché des fleurs de Pétion-ville

Photo : Soucaneau Gabriel

Placé à l’intérieur de la place St-Pierre depuis sa réhabilitation sous le gouvernement de Michel Martelly, le marché de fleurs fait partie de la cadence de vie des Pétion-villois. La première version du marché était une courtoisie du Rotary Club de Pétion-ville dans les années 80 aux marchands qui vendaient sur les trottoirs. Aujourd’hui, il poursuit son achalandage et offre des variétés de fleurs depuis plusieurs décennies. Des tulipes, des variétés de roses, des oiseaux du paradis, des orchidées, des pompons, des marguerites, des jasmins et tant d’autres variétés offertes à ceux qui veulent rehausser leur chez soi, un bureau, offrir un bouquet comme cadeau. Les fleuristes viennent eux aussi s’y approvisionner. De nos jours, certaines variétés viennent d’ailleurs (Miami, Saint-Domingue) car les rares endroits qui en fournissaient souffrent de la non exploitation des fleurs, alors l’importation s’impose pour continuer à satisfaire l’engouement des amants de la nature. Le prix est à discuter selon la variété, la beauté, le volume du bouquet. Certains marchands sont là depuis plus de 10 ans.

 

Marché de Puits Blain

Une initiative du Maire de Delmas Wilson Jeudy dans sa politique d’urbanisation et sa volonté d’offrir plus de services à la commune. Les travaux ont duré une année, d’Avril 2014 à Avril 2015, la date de l’inauguration. Le marché est divisé en 4 grands compartiments. L’entrée sert d’étalage aux produits cosmétiques, vient ensuite les produits alimentaires, un abattoir-boucherie et la partie arrière pour les fruits et les légumes. Un étage supérieur abrite un dépôt et le bureau de l’administrateur des lieux. Les marchandes d’humeur taquine cèdent leurs produits tout en profitant du bâtiment flambant neuf aux murs très colorés.

 

Marché Tête Bœuf

Inauguré le 17 avril 1984 sous le gouvernement de Jean Claude Duvalier, le marché sis au boulevard Jean Jacques Dessalines,  à côté du Commissariat Portail St-Joseph, desservait tranquillement ses occupants et le reste de la population. Deux incendies l’ont complètement ravagé. Le 16 et le 31 Mai 2005, deux incendies en l’espace de quelques jours. Le tremblement de terre du 12 Janvier 2010 acheva les ruines et aujourd’hui le marché ne fait pas l’objet d’un projet de reconstruction, malgré les nombreuses démarches de ses occupants auprès du gouvernement. Exclusivement, ses étalages offraient vêtements et produits cosmétiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


L’automédication en Haïti, un danger qui persiste

La vente de médicaments n’est pas réglementée en Haïti. N’importe qui peut s’acheter n’importe quel médicament dans les rues ou dans une pharmacie sans la prescription d’un médecin. Démarche qui s’avère être un danger pour la population. Les vendeurs de médicaments sont partout dans les rues. Le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) n’adopte aucune mesure conséquente face aux problèmes. Le phénomène prend de plus en plus d’ampleur chaque jour.

Rares sont les autobus circulant à Port-au-Prince dans lesquels ne siège pas un  « agent marketing ». Appellation que se sont octroyés les vendeurs de médicaments. Ces agents vantent auprès des passagers, les mérites d’un lot de produits pharmaceutiques pour lesquels normalement une prescription est exigible. Analgésiques, antibiotiques, aphrodisiaques, multivitamines, lotions en tout genre, médicaments pour enfants et adultes, leurs produits se vendent comme des petits pains.

Ils ne démarchent pas que dans les bus, ils sillonnent les ruelles des marchés avec leur pharmacie improvisée sous les bras. D’autres sont assis à des endroits stratégiques, devant les hôpitaux ou aux environs des cliniques, points de vente très prisés.

Les « médecins feuilles » sont aussi de la partie, ils prennent d’assaut la médecine naturelle, étant aidés d’un haut-parleur installé sur le toit de leur voiture. Ils chantent les effets magiques et guérisseurs de leurs potions, mixtures douteuses de toutes les feuilles dont dispose la flore haïtienne. Confortée dans l’ignorance, la population s’en donne à cœur joie, dès l’apparition du moindre malaise.

L’automédication, un risque à l’échelle mondiale

Cette tendance à prendre des médicaments sans un avis médical (hors prescription) est un phénomène mondial, explique Dr. Jean Romuald Ernest, médecin avec une spécialisation en santé publique et en gestion des services de santé. Ce n’est pas un problème particulier à Haïti, poursuit-il. Partout dans le monde on s’administre une aspirine pour un mal de tête. Dans le cas d’Haïti, le problème prend des allures un peu particulières car plusieurs facteurs sont en cause.

Le niveau économique de la population : il est plus facile de s’acheter des médicaments dans les rues plutôt que de se rendre dans un centre de santé, se faire ausculter et exécuter une prescription. Le facteur culturel doit être aussi pris en compte : l’haïtien n’aime pas aller chez le médecin, il s’y présentera quand son état commencera vraiment à s’aggraver. Il y a aussi le partage d’informations : untel avait pris tel médicament pour des maux de ventre et ça avait fonctionné, donc on se l’administre aussi, même si les causes des maux de ventre peuvent différer. L’automédication devient un réflexe chez l’haïtien. La barrière géographique est aussi importante à signaler. Si l’on regarde la carte sanitaire du pays, on se rendra vite compte que les centres de santé se trouvent dans les grandes agglomérations. A certains endroits, la population doit marcher 5 à 6 heures de temps pour trouver un hôpital, ce qui normalement est un facteur de découragement. Il faut rendre accessible les soins de santé pour diminuer le penchant vers l’automédication.

Les dangers que représente l’automédication

Crédit: Loop Haiti

Les dangers sont multiples précise Dr. Kenny Moise, médecin et chercheur. Le patient n’est pas vraiment informé sur la maladie dont il souffre, sur la composition des médicaments et les possibles effets secondaires. Il y a le risque qu’il ne soit jamais traité, avance le Dr Ernest, la maladie peut passer du stade aigu au stade chronique. Donc le véritable traitement demandera plus de temps et sera sûrement plus coûteux. Il y a aussi la possibilité que le germe développe une résistance aux effets des médicaments. Après s’être administré généreusement des doses sans tenir compte de la posologie, le médicament peut ne pas avoir l’effet souhaité ou masquer quelque chose de plus grave. Un autre traitement demandera des médicaments plus forts, ce qui aurait pu être évité. Les médicaments de deuxième ligne coûtent vraiment plus cher dans le cadre des traitement de certaines pathologies. Les complications et conséquences qui découlent de ces comportements sont graves. Les médecins rapportent des pertes de membres ou la mort par intoxication.

 Freiner l’automédication par l’éducation

Pour changer des comportements aussi ancrés dans une communauté, l’éducation est le moyen qu’il faut privilégier, explique le Dr. Ernest. Selon lui, la population n’agit pas de mauvaise foi mais plutôt par manque d’éducation. Il va falloir agir en tenant compte de ses habitudes, aujourd’hui endurcies. Utiliser les canaux de communication de la communauté pour avoir les résultats escomptés est plus que nécessaire.

La médecine naturelle ne présente-elle aucun danger ?

Nul besoin d’une enquête scientifique et pointue pour savoir que la médecine naturelle est le premier recours des familles en Haïti. Elle supplante la médecine moderne ou conventionnelle parce qu’elle est moins coûteuse et donc plus accessible. La médecine moderne ne satisfait pas jusqu’à nos jours tous les besoins en santé de la population, d’oú l’importance de la médecine traditionnelle. Mais, est-elle hors-danger telle qu’elle est pratiquée en Haïti ? Au quotidien, on voit ces vendeurs qui, de leurs voitures, proposent des mixtures et autres potions dites naturelles pour toutes les maladies imaginables. Qui examinent ces produits avant commercialisation ? Incertitudes…

A l’heure actuelle, il n’y a aucun contrôle, ni sur la qualité des médicaments, ni sur leur type, ni sur les vendeurs et la provenance de leurs produits. Les autorités concernées, la Direction de la Pharmacie du MSPP, doivent travailler à imposer des régulations strictes dans le système. La législation sur la réglementation des produits pharmaceutiques est surannée. Il y va de la sécurité de la population, précise Dr Jean Romuald Ernest.

Soucaneau Gabriel

Image: Loop Haiti


Georges Markenley. Mon corps. Temple de liberté

Cérémonie du Bois Caiman
La danse est la plus pure des libertés. Danser c’est repousser ses limites, faire corps avec soi. La danse, comme un fil rouge, a traversé les pages de l’histoire d’Haïti. Les esclaves ont dansé à des moments cruciaux du cheminement de l’histoire. Elle ne saurait être une activité inoffensive. Les esclaves dansaient le soir, après une longue journée de travail, pour posséder leurs corps et unifier leurs esprits. Ils dansaient autour de grands feux, pour invoquer l’au-delà, rappeler aux dieux leurs promesses. Pendant la cérémonie du Bois Caïman, ils ont dansé pour l’espoir et la liberté de toute une nation.

Aujourd’hui encore, la danse est présente, elle se perpétue dans les Lakous, au carnaval, pendant le carême jusqu’à la fête de Pâques , dans les salons et sur scène dans de beaux décors avec des corps qui veulent exprimer les échos de la parole, de l’indicible et du silence. Nous sommes un peuple qui danse.

J’ai vu George Markenley danser pour la première fois sur les planches du Centre et Compagnie de Danse Jean René Delsoin. Sans même le savoir et à lui seul, il assujettit le regard du public. Pour Georges Markenley, Danser c’est trouver l’équilibre. Il a commencé à danser à l’âge de dix ans, sa carrière professionnelle décollera un peu plus tard. Pour certains, la danse peut représenter juste un sport qu’on pratique dans une salle de gym, mais pour Markenley, c’est un langage, un medium pour communiquer. Peindre ses frustrations, exprimer autrement le quotidien. Danser c’est vivre.
Georges Markenley ne se rappelle plus ce qui l’avait attiré vers la danse, aussi loin que peuvent remonter ses souvenirs, il dansait déjà avec grande passion. Né pour danser, ainsi il se définit. Sur scène, il s’oublie totalement pour faire corps avec la musique. Georges Markenley avoue

‘’Je ne saurais décrire ce que je ressens quand je suis sur scène, j’ai l’impression de n’être plus de ce monde. Je suis dans un lieu d’une rare félicité.’’

Markenley évolue actuellement au Centre et Académie de Danse Jean René Delsoin et la Compagnie de Danse Ayikodans, deux écoles très connues et respectées du milieu. En 2016 et en 2017, Markenley a partagé sa passion sur les scènes du théâtre Adrienne Arsht Center à Miami et au conservatoire de l’Encre à Cayenne, dans les Antilles. On pourra apprécier ses performances au 6e saison des Jeudis de la danse qui débute très prochainement.

Courtoisie vidéo: Ayikodans

Pourquoi quelqu’un devrait pratiquer la danse ?

Il précise qu’elle est non seulement bénéfique pour la santé, c’est aussi un moyen de comprendre et d’interpréter le silence, de parler sans mot dire. Interpréter le monde qui nous environne, la danse est le meilleur moyen pour y parvenir.  C’est aussi une manière de sonder les tréfonds de soi, Avoue-t-il.

 

 

 

 

 

 

 


Exhibition à ciel ouvert

La peinture de rue au cœur de Pétion-Ville

Je passe devant cette exposition matin et soir. Souvent je me laisse imprégner par cette pluralité de couleur et ces formes qui cherchent à exprimer la beauté dans l’inexprimable. Un mur entier couvert de tableaux. Un mur d’expression. Je regarde ces visages, figés pour la plupart. Ces paysages colorés. J’imagine les mouvements des caractères, les couleurs qui s’entrechoquent pour s’harmoniser, l’histoire qui se faufile entre les matières. Le peintre qui mets les dernières touches et signe son œuvre quand il décide de la seconde dont l’histoire s’arrête.

L’histoire ne s’arrêtera jamais, me murmure une petite voix. Le peintre met un point. Fatigué de ses nuits blanches, de ses multiples tasses de café. Le spectateur s’émerveille devant l’ingéniosité, devant le besoin de s’évader. Ces peintres ou créateurs d’illusions comme je les appelle secrètement, campent à la rue Pinchinnat tous les jours. Rue très passante et très fréquentée pour ses hôtels, restaurants et boutiques, elle est le lieu de rencontre de certains touristes voulant apporter un peu d’Haiti dans leur pays.

Les peintres-vendeurs exposent leurs œuvres face à la rue, à un pas du trottoir, indifférent du jugement des passants, indifférent des klaxons de voiture qui ajoutent du bruit, réinventent et mésinterprètent les échos de leur rêve. D’autres rêveurs comme eux s’arrêtent dans leur marche, gare leur voiture, achètent une toile. L’histoire continuera. L’aventure se veut éternelle. On retrouvera ce genre d’exposition à plusieurs endroits de la capitale haïtienne, notamment à Delmas et sur la route de Bourdon.

Cristalliser l’irréel

Ce spectacle haut en couleur s’offre tous les jours aux regards des passants circulant dans cette ruelle. Tous les matins, les peintres-vendeurs s’installent sur le trottoir et prennent en otage ce long mur servant de clôture à une école primaire. A côté de l’exposition qui capte l’attention, des œuvres prennent naissance au beau milieu du remue-ménage. La rumeur de la rue n’est pas un obstacle à la création. Dans ma volonté d’en savoir un peu plus, je croisai la route d’un passionné qui a accepté de m’ouvrir les portes de son univers.

Jacques Junior

Son expérience avec la peinture

Le peintre Jacques Junior en plein travail

La peinture m’est venue un peu par hasard, m’explique Jacques Junior. J’ai commencé à peindre en 2003, Je n’avais aucune influence dans mon entourage. Elle est venue par hasard parce que j’avais essayé bien de métier avant de trouver ma grande passion. J’ai essayé la maçonnerie, la ferronnerie, la charpenterie et tant d’autres activités mais je ne me suis pas retrouvé. Il n’y a pas eu cette étincelle dont je cherchais désespérément. 

Au fil du temps, je me suis converti en vendeur de tableau. Je vendais les œuvres des autres. Subjugué par les couleurs, sans pouvoir vraiment l’expliquer, je me suis mis spontanément à tracer au crayon. Puis au fur et à mesure, l’amour de la peinture s’est installé jusqu’à devenir mon métier et mon gagne-pain aujourd’hui. J’ai enfin trouvé cette étincelle que je cherchais. On fais un métier pour subvenir à ses besoins, mais on le fais aussi par passion.  En tant que peintre, je fais des portraits, des paysages, des marines, de l’abstrait, que ce soit une commande ou un tableau que je fais par pure plaisir, je me donne à cent pour cent. Haiti a beaucoup à offrir au monde et  j’éprouve de la fierté quand un touriste part avec une toile, je sens qu’une parcelle joyeuse du pays s’en va vers d’autres terres, raconter notre histoires avec des mots plus colorés, plus vivants.

Jacques Junior cumule 14 ans dans le métier et il le fait avec la même ardeur, la même passion du début.

Chaque jour, de nouveaux visages, de nouvelles couleurs, des pans d’histoires naissent, dans un murmure que le commun des mortels ne sauraient saisir. La peinture comme arme pour braver l’éternité.

 

 


Vivre au rythme de Léogane, la cité de la Reine Anacaona

Loin de moi l’intention de présenter une image faussée de mon pays. Humainement nous avons toujours tendance à gommer nos fautes, maquiller nos imperfections pour nous présenter devant les autres. Nous (Haïti) avons beaucoup de problèmes et nous en sommes conscients. Ou du moins j’en suis conscient, mais depuis quelques jours j’ai décidé de regarder le pays avec des yeux plus optimistes. L’intention est surtout de partager avec vous le rythme de vie des provinces du pays. Certains d’entre vous préfèrent prendre l’avion pour aller visiter ailleurs, libre à vous. Mais laissez-moi le loisir d’errer dans les rues de mon pays et d’y découvrir les trésors enfouis.

L’aventure continue, le week-end dernier Petit-Goave avait supporté mon regard fouineur et curieux dans ses rues. Cette semaine, sur l’invitation d’un ami, je dépose mes valises dans la ville de Léogane, reconnue pour son Rara, sa production de canne-à-sucre et son clairin, breuvage très prisé et très utilisé dans la fabrication de certaines liqueurs.

 Léogane, ses lieux, ses personnages et ses événements

Pour la causette entre amis, la Place Anacaona.

La place Anacaona domine le centre-ville et profite aux Léoganais pour une petite pause durant la journée. Elle est munie d’un espace de jeux pour les enfants, d’un terrain de basketball et d’un espace de spectacle. Reine Anacaona domine l’entrée de la place, fière et majestueuse.

Pour la culture et la connaissance, la bibliothèque Marie Claire Heureuse.

Bibliothèque Marie Claire Heureuse

Haut lieu de rencontre et d’échanges culturels, la bibliothèque Marie Claire Heureuse est un pied-à-terre pour les Léoganais. L’espace offre une bibliothèque aux rayons achalandés, une salle informatique, une grande salle de lecture et une scène extérieure pour concerts et autres activités en plein air.  Entre conférences, concerts, ventes signatures et soirées lectures, la bibliothèque est l’adresse des amants du livre et de belles rencontres.

Pour la danse, le Rara.

A Léogane, le Rara est un patrimoine culturel préservé et enrichi par les habitants de la zone. Une activité qui résiste au temps et à l’acculturation. Le Rara réunit toutes les couches de la population, indépendamment du sexe, de l’âge, de la religion et des positions sociales. Danser le Rara s’apparente presque à une religion pour le Léoganais. Pendant le carême, de mars à avril, c’est un événement culturel qui met les projecteurs sur la ville, y draine des touristes et une diaspora qui n’attend que ce rendez-vous annuel. Le dimanche de Pâques, toute la population se réunit au centre-ville pour le mythique défilé annuel des bandes de Rara.

A Léogane, les groupes Rara sortent la nuit. Des éclaireurs portent des lampes pour éclairer le parcours des musiciens et des danseurs, tard le soir ou très tôt le matin. Il n’y a pas d’heure pour danser. Le son du Rara est une harmonisation des instruments comme le tambour, le trombone, le piston*, le vaksin*, le bambou, le graj* et le cornet*. La fleur, Modèle et Ti Malice, sont les trois ténors en matière de Rara à Léogane. 

*Certains instruments sont fabriqués de façon artisanale

Pour l’économie, la production du clairin

Broyeur

La production de Clairin représente l’un des piliers de l’économie léoganaise. J’ai eu le privilège de visiter une guildiverie, là où la magie de la production s’opère. Après la coupure et le nettoyage, la canne-à-sucre est rangée par lot pour le broyage. Le ‘’vin’’, ainsi qu’on appelle le jus sorti du broyage, est reposé dans des tonneaux en métal pendant 3 ou 4 jours. Lors de ce processus, le vin de la canne est fermenté, le sucre se transforme en alcool et d’autres ingrédients y sont ajoutés. Après la fermentation, le produit est chauffé sous haute température dans une bouilloire et est ensuite disponible pour consommation.

Bouilloire

Vie Nocturne

A Léogane, l’heure n’est qu’une durée, la ville ne dort pas. D’ailleurs la nuit est plus rythmée que le jour. Les bars traditionnels (Massage, Kadans, Obsession, pour ne citer que ceux-là) ouvrent leurs portes, d’autres sont improvisés sur les trottoirs, du moment qu’il y a un peu de musique et de la bière. Des soirées de danses latines sont programmées pour ceux qui veulent boire la nuit jusqu’à la lie. Les marchandes de friture, de rafraîchissements et de breuvages traditionnels à base d’alcool désaltèrent ces messieurs et dames.

Ses personnages

Reine Anacaona (Image: mensuellemonde.com)

 

A chaque ville ses personnages historiques, culturels ou politiques. La population s’en inspire et s’en vante avec orgueil. La reine Anacaona, du sobriquet fleur d’or, vu son étonnante beauté, est l’une des figures historiques de la ville. Elle aura marqué l’histoire du pays avec sa fougue et ses nombreux talents.

 

 

Carole Demesmin (Photo: Potomitan)

 

 

Carol Demesmin, chanteuse et porte étendard de la culturelle haïtienne sur les planches internationales, dont la lutte est la sauvegarde de la culture traditionnelle haïtienne.

 

 

 

Carlo Marcelin (photo: www.totalmixradio.com)

 

Carlo Marcelin, ancien joueur de football (médian défensif de l’équipe Cavali de Léogane) et ex-entraîneur de la sélection nationale, actuellement  secrétaire-général de la Fédération haïtienne de Football FHF.

 

 

Pascal Milien (photo: www.armadafc.com)

 

 

 

Pascal Milien, joueur international haïtien qui joue en 2e division aux États-Unis. Son ultime but face à Trinidad avait permis au pays de se qualifier au Copa America Centenario en 2016.

 

 

Faits historiques

Le 2 avril 1800, Jean Jacques Dessalines épousa Marie Claire Heureuse à l’église paroissiale Sainte-Rose-de-Lima.

 

 La ville est ouverte aux visiteurs, faites-vous plaisir.

 

 

 


Expérimenter Petit-Goâve autrement

Pendant que les autres mettaient le cap sur la 3e ville du pays, les Cayes, pour le carnaval national de cette année. J’ai décidé aussi de faire mon sac à dos. Cinq jours de non-activité, une aubaine pour les flemmards, j’essaie donc de me convaincre que je n’en suis pas un.

C’est toujours mieux d’expérimenter de par soi-même, de faire fi des rumeurs. Destination Petit-Goâve, reconnue pour son fameux Dous Makòs, j’ai voulu découvrir ce que la localité pouvait offrir à part son succulent fondant multicolore. C’est une promesse que je me suis faite depuis mon retour de Madagascar, visiter le pays profond, surmonter cette peur de l’inconnu et surtout cette crainte des longs voyages. Si j’ai pu tenir 11 hrs d’affilée dans un avion, pourquoi pas 2 heures dans un bus.

En route vers Petit-Goâve, laissant l’effervescence de Port-au-Prince et son embouteillage monstre. Je me suis laissé aller à contempler les plantations au large des routes. De Carrefour, Gréssier, Mariani, le bus refuse l’entrée de Léogane et le carrefour Dufort qui mène vers Jacmel. Les quelques kilomètres restants ouvrent les portes sur Grand-Goâve, les marchands ambulants offrent rafraichissements et friandises. Du Morne Tapion étant, route qu’il faut emprunter avec beaucoup de prudence, Petit-Goave s’étale au loin, touffue sous une couche de végétation, vivant au rythme des vagues nonchalantes de la mer.  Les raisons pour lesquelles Petit-Goâve doit être votre prochaine destination touristique.

Le Dous Makòs

Zoom sur Haiti

Petit-Goâve est reconnu pour son Dous Makòs, ce fondant multicolore qui flatte le palais. On aura même l’audace de demander la recette, mais vous ne l’aurez pas. Il faudra revenir pour vous en procurer et soutenir l’économie locale.

Balanier

Mustapha Falestin

L’une des nombreuses plages de la localité, pour y accéder il faut oser être aventurier si on emprunte la voie terrestre. Chausser ses bottes de campagne et suer un peu en escaladant les montagnes non-accessibles aux voitures. On peut y accéder aussi par voie maritime en louant les services d’un chalutier pour le parcours. On y découvre une mer turquoise qui offre tout le farniente qu’on peut souhaiter. La blancheur du sable fin et les chatoiements de l’eau ont cette magie de revigorer le visiteur.

Crédit Photo: Mustapha Falestin

Le poisson

Kedny Cuisine

Coupable, oui je le suis. Amateur de poisson quelle que soit la recette. Grillé, frit ou en sauce, je ne dirai pas non. C’est un plat abordable dans toutes les villes côtières du pays. Si vous passez sur la plage de Bon Repos, demandez pour France la cuisinière, vous en sortirez satisfait.

Vie nocturne

Petit-Goâve ne ferme pas ses portes à l’inconnu. Les nuits Petit-Goâviennes sont partagées entre la musique entrainante des bars et les conversations des familles sur leur véranda. J’ai marché sur les dalles de la ville, conversé avec des Petit-Goâviens, lu la gazette de la ville qui est une publication de la mairie.

L’amitié, tout une aventure

A chaque ville ses trésors, ses piliers, ses rêveurs qui essaient de tenir le flambeau allumé. J’ai eu le privilège de rencontrer trois d’entre eux, en la personne de Jeff Oresna, Obed Lamy, Mustapha Falestin. Ils sont plus que motivés à faire un impact positif dans la vie de leur génération. A travers leur organisation Educ-Ha group ils organisent un concours de débat interscolaire intitulé  »des mots pour convaincre » dont la deuxième édition s’ouvre au cours de ce mois de mars. « Sinema anba Zetwal », projections de films en plein air dans les quartiers défavorisés. Ils ont distribué des kits scolaires aux écoliers démunis à la rentrée scolaire 2016-2017. A l’instar de tant d’autres Petit-Goâviens, à travers leurs activités, ils envoient l’image d’une génération motivée, passionnée, qui malgré les pressions que subit la jeunesse haïtienne, décide de faire la différence. A eux trois, ils m’ont permis de découvrir ce que la ville a comme potentialité et d’expérimenter Petit-Goâve autrement que ce qu’on raconte.

 

 


Au-delà de nos errances

L’ailleurs s’impose à nous parfois comme la solution, comme l’évidence. Je ne me souviens plus ou j’ai lu que la migration était l’avenir de l’humanité. Découvrir ce qui se cache derrière l’horizon a toujours été une fascination. Depuis l’aube des générations, l’humain se déplace d’un coin à un autre du globe. Mais partir n’est jamais facile, surtout quand nous laissons les murs de notre enfance, les souvenirs de ces rues qui nous ont vus grandir. Migrations ? Fuites ? Quel que soit le nom qu’on s’exerce à lui donner, nous sommes des âmes libres, cherchant désespérément notre gite. J’ai vu la soif de partir dans les yeux de beaucoup de jeunes que je fréquente, j’ai assisté au départ, à la fuite de beaucoup d’autres. J’ai vu aussi les yeux vidés de certains qui ont soif de revenir. Certains partent pour échapper à un quotidien déplaisant D’autres le font pour se préparer un meilleur lendemain. Il y en a ceux aussi qui partent pour la liberté, la liberté d’être, d’exister dans toutes les facettes de leur humanité.

Certains partent aujourd’hui avec la promesse de revenir un jour. Les raisons de départ divergent pour chacun, un meilleur travail, des études supérieures, la famille, le tourisme, etc. Une quête éternelle de l’autre part de soi.

Quelles que soient nos motivations, un jour, les entrailles de la matrice réclament notre sueur. Au-delà des attentes, des rêves, des espoirs, des raisons de départ. J’ai choisi de croiser le regard de ceux qui un jour ont décidé de faire leurs malles, de fermer la porte à double tour.

Patrick André (Floride)

Pour Patrick, Haïti est un deuxième cœur qui bat hors de lui. Il ne m’a jamais été donné de voir un haïtien vivant hors du pays aussi entiché, impliqué dans ce qui se passe dans son pays. Patrick feuillette les pages du Nouvelliste, d’Ayibopost, Tout Haïti, Le National, Haïti en Marche, Haïti Press Network, Alter Presse, The Haitian Times, Le Floridien, Haïti Observateur, Haïti Progrès, et les moindres magazines ou publications en ligne susceptibles de lui donner le pouls du pays. Patrick vit Haïti au quotidien. 29 ans en terre étrangère n’ont pas ébranlé son attachement à la terre natale. Impliqué, oui il l’est. Par le passé, ses réflexions ont fait l’objet de moult publications dans les colonnes de ‘’Haïti en Marche’’, aujourd’hui il publie avec la plate-forme en ligne Ayibopost. Des analyses profondes et réfléchies sur la condition du pays, ‘’Haïti n’a jamais été la perle des Antilles pour les haïtiens’’, ‘’freiner la spirale de l’insécurité nationale une proposition citoyenne’’, sont parmi les nombreux articles sortis sous sa plume.

Le fait de ne pas pouvoir prendre part activement  à la vie sociale lui manque beaucoup, il aurait aimé être partie prenante de ce qui se fait dans le pays.  S’agissant de ses espoirs, Patrick abonde en ce sens :’’ Mes espoirs pour le pays sont que nous puissions arriver à un réveil collectif citoyen, un réveil des consciences pour comprendre que nous pouvons sortir de la misère, du chaos administratif, de la corruption et construire petit à petit un pays décent. C’est ce que je veux refléter dans mes écrits, mes opinions, mes idées ; débattre des meilleures solutions, de la meilleure idéologie, de la meilleure politique à suivre. Je m’attends à ce qu’un mouvement social ou un parti politique dirigé par des gens honnêtes, patriotes, progressistes, courageux mettent sur pied un programme de gouvernement démocratique, nationaliste et progressiste. Il n’y a pas d’autres issues qu’une réforme radicale de la politique ou une révolution ! Mais puisque la révolution accouche le plus souvent dans le sang et le chaos, j’opte de préférence pour une réforme politique en profondeur’’.

 

 Charles Keyns

On s’est parlé dans l’après-midi, le lendemain il prendrait l’avion pour rejoindre sa mère définitivement aux Etats-Unis, où une autre vie, un autre quotidien l’attendrait. Qu’est-ce que j’espérais entendre de la bouche d’un adolescent qui quittait Haïti pour aller retrouver sa mère, lui qui de ses 14 ans a été témoin de tant de choses, tant de rêves brisés, tant de jeunes de son âge sombrés dans la violence et dans la drogue. Mais ses mots étaient empreints d’innocence et d’une rare maturité. Il m’a avoué que la chaleur du pays va lui manquer, ses fous rires avec ses amis, sa famille. Il partait  aujourd’hui pour pouvoir longer le bras et aider à atteindre leurs rêves, ceux qui restaient.  ‘’Il y a tellement à faire et je n’aurai pas besoin d’occuper un certain poste pour aider le pays. Je reviendrai un jour pour aider (sa voix se cassa )’’

 

Catherine Hubert (Haïti)

Laisser sa France natale pour habiter Haïti? Ça ne va pas ? Je n’avais pas compris pourquoi quelqu’un aurait l’envie, le courage, la volonté, l’audace, le rêve de venir habiter en Haïti. Moi j’ai ce pays coulant dans mes veines. Je connais les recoins, j’ai entendu les histoires les plus farfelues, vécu les expériences les plus insolites, donc ce pays m’habite. Mais de là à quitter son confort européen pour immigrer dans l’Haïti de l’après dictature où les déchoukay et les Tontons Macoutes étaient encore sur toutes les lèvres, je ne l’avais pas imaginé. Catherine Hubert rentre en Haïti en 1987, frappée par une culture toute nouvelle. Une fois les doutes dissipés sur ce « peuple de barbares », -c’est ce qu’on lui avait raconté à notre sujet-, elle a décidé de découvrir Haïti à sa manière sans se dissimuler derrière les lunettes d’une immigrante.

Catherine Hubert est une fille du terroir, il y a longtemps qu’elle n’est plus une étrangère errant dans un pays qui n’est pas le sien. Son âme a trouvé son gite. Elle vit les avancées autant que les tumultes comme n’importe quel citoyen conscient de l’impact de la société sur sa vie. Me comptant son attachement à cette terre, elle m’a avoué,  »La France m’a vue naître, Haiti me verra mourir ».

 

Antoine Bien-Aimé (Canada)

Il vit hors du pays depuis 14 ans et s’est merveilleusement adapté à la communauté d’hôte. La situation de crise constante du pays l’interpelle au plus profond de lui-même, mais que faire à des centaines de lieues d’où l’action se passe ? Il garde espoir que le pays retrouvera sa voie dans la fraternité et le vivre-ensemble. Retourner y vivre, cette idée effleure son esprit, il espère tout simplement que le pays pourra offrir un jour un climat propice à ses fils de l’extérieur voulant rentrer au bercail.

 

Evans Barreau (Brooklyn, New York)

Evans a émigré aux États-Unis très jeune, présentement il cumule aux Etats-Unis 30 ans, plus qu’il n’ait vécu dans son propre pays. Il avoue que la nostalgie du pays lui mord ses entrailles certaines fois, dans ces moments il saute dans un avion et rentre au bercail. Il revient sur ses pas, là où tout avait commencé, dans la maison de sa mère où il a grandi.

 

Michel Brutus (Brooklyn, New-York)

Trois ans depuis qu’il vit en dehors du pays, Brutus avoue que son esprit et son cœur sont à Port-au-Prince, entre les siens. A travers les réseaux sociaux et la presse internationale, il se tient informé des évènements qui ponctuent l’actualité du pays. ‘’Il faut laisser le pays pour se rendre compte à quel point on y tient. Je suis traumatisé par la situation du pays et j’ai perdu des amis’’, m’avouât-il. Pour lui l’adaptation n’a pas été des plus faciles mais l’haïtien est coriace et n’oublie jamais les raisons qui le poussent à partir. Il espère revenir vivre au pays, mais les évènements de ces derniers jours le laisse dubitatif quant à l’avenir. ‘’Nous avons laissé passer beaucoup d’opportunités pour changer de cap.  En tant que chrétien, je crois fermement dans les desseins de Dieu et je pense que lui seul a le dernier mot’’.

 

Clario Lesperance (Paris, France)

Clario vit en France depuis 16 ans. Très connecté avec les siens en Haïti avec lesquels il fait souvent des échanges sur la situation du pays. Comme tout fils d’Haïti, il vit très mal les drames auxquels le pays fait face. Il souhaiterait que le gouvernement mette en place les structures nécessaires pour favoriser un climat propice au tourisme. Un secteur prometteur dont profitent beaucoup de pays. Retourner vivre en Haïti n’est pas encore évident pour lui, Il souhaite que les haïtiens changent leur vision des choses et mettent en avant la collectivité.  Aujourd’hui, j’ose dire que c’est risqué pour un fils du pays de venir même en vacances. Une réalité qui me désole et j’espère grandement que ça va changer. 

Où qu’il soit sur la planète, aujourd’hui ou dans cent ans, l’Haïtien entendra les appels de la matrice. Haïti terre de feu et de souffre, terre de guerre et de promesses. Le cordon qui lie l’Haitien au terroir n’est jamais coupé. 

 

 

 

 


Poursuivre des études supérieures en Haïti en étant non-voyant, un défi au quotidien

Crédit photo: Soucaneau Gabriel
Crédit photo: Soucaneau Gabriel

Lorsque je les ai vus pour la première fois dans la salle de cours, arborant leurs lunettes noires, je me suis répété à voix basse, « ils se croient où ces deux-là ? Sur une plage ? A Hollywood ? ». J’apprendrai un peu plus tard dans la semaine que Rachelle Alexis et Frantz Dorvilus étaient des étudiants non-voyants. C’était ma première semaine à l’université, je regardais le monde avec prétention et portais un jugement hâtif sur tout. J’étais, en quelque sorte, formaté pour réduire le monde à mon champ de vision et à ce que la société dans laquelle j’évoluais jugeait normal, acceptable.

Des étudiants comme les autres

Dans les couloirs de l’université de Port-au-Prince, Rachelle Alexis et Dorvilus Frantz ne sont pas considérés comme des infirmes, ils sont des étudiants comme les autres. Ils ne demandent aucun traitement de faveur et ils n’en font pas l’objet non plus. Ils fournissent le maximum d’efforts que sont censés fournir des étudiants. Ils sont ponctuels aux cours, présentent leurs exposés, remettent leurs devoirs, passent les examens comme tous les autres, sans jamais user de leur incapacité comme une excuse.

Dans un pays où les structures pour les personnes à mobilité réduite sont quasi inexistantes, étudier à l’université pour un non-voyant, relève d’un exploit. Il n’y a aucune mise en place dans nos universités pour les personnes souffrant d’un handicap. Ce qui nous fait sauter à la conclusion qu’un handicapé devrait rester chez lui, dépendre de quelqu’un d’autre au lieu de travailler à son autonomie. La secrétairerie d’état à l’intégration des personnes handicapés fait un travail monstre, les handicapés sont beaucoup plus nombreux aujourd’hui à être reconnus pour leurs compétences. 

Nager à contre-courant

Rachelle Alexis  n’est pas née aveugle. Elle a perdu complètement la vue à l’âge de 7 ans, à la suite d’un glaucome. Elle se rappelle que sa vision baissait au fur et à mesure et un matin ce fut le noir total. Ce fut un choc pour elle et pour sa famille. « Handicapée » est un mot qui ne fait pas partie du vocabulaire de Rachelle, elle est consciente de son incapacité visuelle mais ce qui la met le plus en rogne, c’est le comportement des autres à son égard. La société dans laquelle elle évolue l’a mise dans une boite et lui a collé une étiquette, lui rappelant constamment ses limites. Ses amis à l’étranger lui témoignent qu’avec toutes les structures qui sont mises en place, ils s’épanouissent normalement et oublient leur handicap.

Poursuivre des études supérieures est pour elle est un défi à relever. Elle s’était fait la promesse de toujours aller jusqu’au bout de ce qu’elle avait commencé, c’est ce qui la motive à continuer. « Les études supérieures pour un non-voyant ne sont pas faciles » explique-t-elle,  « non seulement il y a le refus des institutions mais il y a aussi le manque de structures adaptées aux cas ». Elle était la première non-voyante à fréquenter les couloirs de L’Université de Port-au-Prince. Aventure qui s’est révélée être un vrai challenge pour elle, mais sa volonté a tout surpassé, il lui a fallu beaucoup de courage et de la compréhension de la part des professeurs. Rachelle Alexis espère mettre ses compétences au service de sa communauté ou pour plus d’autonomie elle pense lancer sa propre entreprise.

Utilisant seule les transports en commun pour rejoindre l’université, elle souhaite qu’une sensibilisation se fasse au niveau des chauffeurs qui ne veulent pas s’arrêter pour prendre les personnes en situation difficile. Et c’est encore pire pour les personnes en fauteuil roulant. Circuler n’est pas facile. Cette année marque la clôture de 4 années d’études en communication sociale.

Dorvilus Frantz

Hasard ou coïncidence, Frantz avait 7 ans lui aussi lorsqu’il devient aveugle. C’est arrivé pendant les vacances d’été, suite à une forte fièvre. Les médecins lui ont dit que ce cas leur était étranger, donc ils n’ont pas pu l’aider. Quel comportement avoir quand on perd la vision, à 7 ans ? Frantz avoue qu’il ne sait pas où il a puisé tant de courage mais il ne s’est pas affolé. Sa mère par contre était inconsolable. Qui allait aider son fils après sa mort ? Frantz s’inquiétait plutôt pour ses études, allait-il pouvoir poursuivre ? L’établissement spécialisé Saint-Vincent lui ouvrit ses portes et redonna des ailes à ses rêves.

Frantz Dorvilus ne crois pas qu’il est handicapé. Bien que la société tende souvent à le lui rappeler, il ne se considère pas comme tel. Pour lui, un handicapé est quelqu’un qui dépend complètement des autres, tandis que lui, avec les années, il a acquis une autonomie. Il peut vaquer tout seul à ses activités. Il pense que l’entourage joue un rôle davantage important dans la déficience d’un individu que la perception du déficient de lui-même. Dans certaines familles les enfants portant un handicap sont mis de côté car les parents estiment qu’ils sont des invalides, qu’investir dans leur formation est une perte d’argent, car à leurs yeux ils ne pourront jamais se suffire à eux-mêmes.

Frantz Dorvilus mise beaucoup sur la formation. Pour lui, c’est un pas vers la connaissance de soi et du monde. C’est aussi un moyen d’acquérir des capacités pour être utile à la société à l’avenir. Il ne compte pas s’arrêter là après sa licence. Tant qu’il y aura des sommets à escalader, des limites à franchir, il ne se reposera pas. Selon lui, le gouvernement doit offrir un minimum d’assistance aux personnes déficientes, repenser la structure des bâtiments publics et privés en incluant des rampes d’accès et des ascenseurs pour les personnes circulant en chaise roulante. Les trottoirs qui auraient pu permettre une circulation plus fluide et moins dangereuse aux non-voyants circulants avec une canne, servent de parking et d’étalages. Frantz Dorvilus demande une intégration totale des personnes souffrant d’une déficience, il faut stopper sous toutes ses formes les préjugés dans les institutions.

La ténacité de Rachelle Alexis et de Frantz Dorvilus m’aura appris à viser toujours plus haut, à franchir les barrières que la vie impose et à relever les défis de la société. Faire usage du mot handicapé pour les décrire me donne un pincement au cœur, ce sont des étudiants joyeux, chaleureux, courtois, intelligents et appliqués. Pendant ces 4 années d’études à leurs côtés, j’ai fini par croire qu’ils finissaient par me voir… Il leur est impossible d’apprécier la lumière du jour, mais parfois, il faut fermer les yeux pour ressentir, faire silence et poésie, pour mieux apprécier la beauté de l’univers.


Le carnaval, pour calmer les nerfs d’une population affamée

Il faut se rappeler que le premier mouvement du président élu -mais pas encore investi- (c’est prévu pour le 7 février prochain), c’est de délocaliser le carnaval national. D’après ses dires, ou plutôt ses ordres, l’édition de cette année aura lieu dans la 3e ville du pays, les Cayes. La nouvelle est tombée, la vidéo circule sur les réseaux sociaux, promesse issue d’une rare fougue alimentée par une foule en délire.


Premier pas du Sir. Trois jours de festivités… à croire qu’il ne faut que ça pour calmer la faim qui tenaille les tripes dans l’arrière-pays rongé par le cyclone Mathieu. Au fond de lui, il est sûr de bien faire. Qu’est-ce qu’on ne fera pas, qu’est-ce qu’on ne dira pas devant une foule qui vous acclame comme si vous étiez le bon dieu ? La culture de la célébrité, maladie du XXIe siècle. Qui n’en souffre pas ? On est tous accro à la gloire et à l’acclamation. Mais un président élu peut-il prendre la parole sans mesurer l’impact que ses mots auront sur le pays ? Peut-il décider seulement pour faire plaisir à un certain groupe ? Planifier le Carnaval national ne serait pas la responsabilité du maire de Port-au-Prince, sous la bannière du ministère de la Culture ? Est-ce que la présidence va s’immiscer dans la moindre chose, comme elle l’a fait pendant ces quatre dernières années ?

Haiti Press Network

M. le Président, voici un débriefing de la réalité à laquelle ton gouvernement devra faire face à partir du 7 février prochain, au cas où ton entourage manquerait à son devoir : Mathieu a dévasté les départements du Sud et de la Grand’Anse. Entre morts et dégâts matériels, il y a toute une population qui peine à se relever. Sans oublier les 10 000 morts et les 800 000 victimes du choléra. Vont-ils eux aussi tomber dans l’oubli, comme c’est le cas pour les milliers de victimes du 12 janvier 2010 ?

À chaque goutte de pluie, des villes sont inondées et le virus du choléra se propage. L’eau potable représente un défi actuellement dans les zones reculées du pays. Parlons du secteur de la santé qui grève par intermittence. Quand ce ne sont pas les médecins, c’est le personnel médical. Quand la grève ne gravite pas autour du paiement des médecins, elle est due au manque de matériel médical.

Quelle sera la réponse à ces milliers d’haïtiens qui ont fui vers le Brésil, le Chili, la République Dominicaine et tous les autres Eldorados ? Et ces 50 000 expulsés pendant l’année 2016 par la République voisine et la Colombie?

En 2015-2016, 60 % de la production du petit mil a été ravagée par le parasite appelé puceron jaune. Or le petit mil est la 3e céréale du pays , après le riz et le maïs, 300 000 planteurs et leurs familles en dépendent. En 2012, Haïti était le 2e importateur de produit en plastique de la République Dominicaine après les Etats-Unis, avec 67,3 millions de dollars. Et aujourd’hui en 2017, soit 5 ans plus tard, ces chiffres ont peut-être triplé car les produits dominicains dominent encore le marché haïtien.

L’immigration ne peut pas offrir un passeport à un citoyen haïtien vivant en Haïti ? Votre administration devra en offrir 30.000 aux citoyens que la République Dominicaine qui promet d’expulser sous peu.

Qui se chargera de sauver l’honneur et l’avenir des jeunes filles qui subissent des viols collectifs dans les rues d’une ville pourrie jusqu’à la moelle ?

A croire que la chose la plus urgente à faire c’est de parler Carnaval. Le peuple haïtien, habitué à ce genre de délire, applaudit avec son bandeau sur les yeux.

Combien de promesses avez-vous faites ? Combien d’entre elles pourrez-vous tenir ?

Mal-Heureusement nous sommes un peuple qui danse. Nous danserons avec la faim au ventre, avec la violence dans les rues. Nous danserons bien que la jeunesse du pays se rue vers le Brésil, le Chili, les États-Unis. Autrefois, les esclaves dansaient dans les champs pour leurs incantations et oublier les fouets des commandeurs. Lourd héritage, aujourd’hui nous dansons pour voiler notre faillite.

M. le Président, à côté du tapis rouge, du cortège, des gros baraqués armés jusqu’aux dents, il y a aussi les responsabilités. Mais je vous accorde encore le bénéfice du doute. Je vous accorde les 100 jours à venir.

 

 

 

 

 


Haïti : suis-je le dernier survivant du 12 janvier 2010?

Rien ne sera plus jamais en équilibre, je vis constamment avec l’angoisse que tout peut s’arrêter à la seconde, ma quiétude d’esprit a pris un sérieux coup.  Ça fait 7 ans déjà, plus précisément 2 555 jours, 84 mois et 364 semaines depuis que le tremblement de terre de magnitude 7.5 sur l’échelle de Richter a frappé Haïti. Il ne se passe pas une journée sans un petit incident pour me rappeler ce qui s’est passé. Le 12 janvier n’est plus une date, il est devenu ma vie et je le vis au quotidien, aussi lourd que ça puisse être.

La voiture qui démarre, l’ascenseur qui se met en marche, le vent dans les feuilles, un poids lourd qui passe,  un chat qui saute par la fenêtre, tous ces petits instants deviennent des obstacles à surmonter. Toutes ces entrevues que j’ai volontairement ratées à la vue de l’immeuble où le bureau est logé. Les souvenirs de béton et de chair en bouillie sont là sous mes paupières. Loin de moi la volonté de rouvrir la blessure, mais la mienne est là qui saigne et entache mon quotidien depuis 2 555 jours.

Ce n’est pas la peur de la mort qui me tracasse, mais c’est cette mort là que je ne veux pas. Violente, involontaire, surprenante. C’est cette image d’une ville couverte de poussière à feu et à sang que je ne veux pas revoir et qui me revient par flashes, ces rues jonchées de corps et de cris qui me met les entrailles en feu. J’aurais aimé que ça s’arrête, j’aurais souhaité passer un trait comme certains l’ont déjà fait. Oublier pour une fois ces visages meurtris de survivants en détresse, ces visages arrachés par l’horreur. Une ville, un pays nu face au monde. L’attente indéfinie d’un membre de la famille, d’un ami, du voisin qui sera en vie. L’attente d’un visage familier pour nous aider à tenir avec plus de fermeté le fil de l’existence. Je veux que ça s’arrête enfin. C’est trop lourd à porter.

La violence de ces secondes ne veut pas me laisser, les souvenirs ne se fanent pas. Suis-je le dernier survivant ?  Quand déjà tout le monde trinque, danse, construit et reconstruit de la même manière et même pire qu’avant. Est-ce qu’on est vraiment ce peuple sans mémoire ? Qui oublie tout l’instant d’après? Même la pire des horreurs ?

A tous ceux qui, jusqu’à présent s’accrochent à une image, une voix, et pour qui cette date est une blessure. Vous n’êtes pas seuls, vous faites partie de cette élite à qui la mémoire tient toujours. Ils sont encore là au bord de la rive, attendant de traverser, mais notre soif de violence, de pouvoir, notre cupidité, notre hypocrisie, notre volonté à toujours tout oublier les empêche de trouver le chemin vers la lumière.

Je ne veux pas être le seul survivant du 12 Janvier 2010.


Au-delà du mur des apparences

formation à Madagascar
Crédit Photo: Innocent Awuvé Azilan

En quittant Haïti pour Madagascar, un bon ami m’a confié avec un ton très sérieux : « ne leur parle pas de Matthew, ne leur parle pas des élections ». Je lui ai donc promis de faire bonne impression. Loin de moi l’intention de mentir ou de jouer l’hypocrite ni de faire croire à tout le monde que chez moi c’est l’Eden… J’ai compris son inquiétude, un Haïtien hors du pays est un porte étendard, c’est un drapeau qui flotte, qu’il en soit conscient ou pas. Alors j’ai pris l’avion avec l’objectif d’être le meilleur Haïtien qu’un Malgache ou qui que ce soit d’autre puisse rencontrer.

Arrivé dans la métropole malgache, j’ai défait mes valises avec mille précautions. L’Haïtien que je suis ne veut surtout pas d’épithètes qui pourraient lui coller à la peau et qui pourraient desservir son pays. Les jours suivants, je rencontre une quarantaine de jeunes gens, de 16 pays différents. Ils sont fiers de ce qu’ils sont, ils portent les couleurs de leurs pays avec assurance. Certains d’entre eux s’expriment en français avec un accent qui pourrait en faire rire plus d’un, mais à quel moment ai-je oublié qu’une langue était censée nous réunir plutôt que d’être un objet de discorde ?

J’ai donc ouvert grands les yeux, saisi d’émerveillement devant une jeunesse fougueuse, amoureuse de la vie et des autres. Cela me rappelle tous les papiers que je devais présenter à l’ambassade pour obtenir mon visa. Tous les mails que j’ai reçus et envoyés. Arrivé à Tananarive (Antananarivo), nos passeports étaient dans nos valises et les frontières érigées sur nos routes dans une chambre assez sombre et humide de nos souvenirs. Nous étions tous membres d’une grande famille, on avait seulement hâte de nous retrouver ensemble autour d’un bon dîner !

D’entrée de jeu, les barrières sont tombées, (euh… désolé, que les choses soient claires, il n’y en a jamais eues !). Pour nous rencontrer, nous avons traversé seize (16) frontières terrestres érigées par les gouvernements. Mais nous, dans nos coeurs, nous sommes des citoyens du monde, l’univers est notre cour de récréation.

Que peuvent se dire des personnes de 16 pays différents pendant une semaine ?

belle experience à Madagascar
Crédit Photo: Georges Attino

Nous avons discuté de notre jeunesse, de la jeunesse de notre pays, de nos défis personnels, de nos gouvernements respectifs, des avancées, de ce qui peut être fait, de ce qui doit être fait et de comment on peut influencer positivement nos pays respectifs et le monde.

Promesse non tenue

Je n’ai pas tenu ma promesse frère, la conversation a tourné autour de nos cassures. J’ai effleuré les problèmes d’Haïti avec les autres. Eux aussi m’ont confié des pans de leur histoire. Nous sommes arrivés à un tournant de l’histoire de l’humanité où nous devons accepter nos erreurs, apprendre de nos fautes, nous taire certaines fois pour mieux apprécier la voix de l’autre.

La leçon apprise pendant cette expérience à Antananarivo peut se résumer ainsi, c’est la diversité, l’acceptation de l’autre dans toute sa plénitude qui sauvera l’humanité. Quand on commencera par accepter les nuances de couleurs qui font d’un arc-en-ciel un chef d’œuvre, on sera sur la bonne voie.

Antananarivo, le 26 Novembre 2016


Lettre à un ami

Futé Marketing
Futé Marketing

Les commentaires des uns et des autres, certains acerbes d’autres plus doux m’ont amené à lire ton billet. Je l’ai lu d’un trait et ton texte m’a permis de jeter un regard sur mon parcours, mes attentes. Loin de moi la prétention de te critiquer.

Je ne saurais compter le nombre de fois où mon nom n’a pas figuré sur les listes. Nombre de concours de journalisme, d’écritures, où ce que j’ai écrit a laissé le jury de marbre. Je ne saurais compter le nombre de fois où j’ai douté de ce feu en moi. Certaines fois j’ai cru que ce que j’écrivais n’avait aucune valeur. Je voulais l’approbation des autres pour valoriser ce que je faisais, j’ai connu beaucoup de déceptions, j’ai même été proche de la déprime. Et dans cette course folle pour publier, avoir une mention, être invité, j’ai failli oublier pourquoi j’avais commencé à écrire.

 L’écriture, une aventure solitaire

pour le plaisir d'ecrire
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Mon frère, j’espère grandement que tu lis ces lignes. Ne perds pas de vue les raisons qui t’ont poussé à tenir une plume un jour. Ne perds pas cette étincelle. L’écriture est ta liberté. L’écriture est ton univers. J’ai grandi dans une petite ville, avec l’impression d’avoir été la plupart du temps incompris, la lecture et l’écriture ont été mon refuge. J’ai créé mon monde. Un univers où  je me sentais accepté, bien au chaud. Et ce cocon me protège encore aujourd’hui contre tant de choses. Le blogging et les réseaux sociaux sont venus longtemps après. Longtemps après les cahiers bien remplis de réflexion et les bouquins chargés de souvenirs.

L’écriture est une aventure solitaire. C’est un chemin que tu dois emprunter seul, fais le pour toi, pour ce petit garçon au fond de toi, ce rêveur que personne ne peut taire. N’écris pas pour un prix ou pour un voyage, n’écris pas pour une place dans la société ou pour être reconnu à chaque coin de rue. Écris par ce que ça te démange comme une maladie. Écris parce que tu n’as plus le contrôle sur la plume et sur l’encre. Écris parce que les mots te réveillent la nuit en sueur.  Écris parce que trop d’univers habitent tes paupières.

Rentres dans ta chambre ou vas quelque part où tu te sens toi, vulnérable, défais toi de ta carapace, enlève les moindres traces de maquillage. Redeviens aventurier, redeviens un enfant, prends ta plume et ton cahier, dessine ton monde à toi. Construis ce cocon dans lequel tu pourras retourner quand la célébrité, les photographes, les paillettes, les likes, les shares, les invitations sur papier glacé, les longs dîners ne seront plus. Construis ton univers, celui dans lequel tu es tout ce que tu veux.

Frère, sur le sentier de la vie, les portes se fermeront. Certaines fois on fera semblant de ne pas te reconnaître. La blessure sera douloureuse, mais elle sera aussi ton magma. Cette énergie qui te permettra de rebondir. Ne laisse personne te définir. Ne laisse personne te coller des épithètes. Tu es ton propre créateur. Je ne veux pas croire que ta motivation pour écrire s’était réduite à un seul horizon quand il y a l’immensité qui t’attend.

Vas-y frère, reprends ta plume. Il y a trop de rêves à cristalliser.

 De Port-au-Prince Haïti  avec tout l’amour d’un blogueur.

 

 


Madagascar, mémoire d’un voyageur

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L’aventure dans la métropole malgache continue, il m’a fallu une journée entière et quelques heures de plus pour retrouver mon équilibre. Deux jours sans fermer l’œil de la nuit et un décalage de plus de huit (8) heures entre Haïti et Madagascar. J’entame donc ma visite dans cette capitale cosmopolite un peu désorienté.

Mon équilibre retrouvé, j’ouvre un peu plus grand les yeux pour apprécier ce qui s’offre à mon regard d’étranger en quête d’exotisme, de repères et de souvenirs. J’ouvre grand la fenêtre de ma chambre d’hôtel pour humer l’air frais malgache, il est six (6) heures et le soleil est déjà très haut dans le ciel. Le brouhaha de la rue parvient à mes oreilles, quelques klaxons de taxi et des échos de voix résonnent çà et là. Dans un immeuble en face, des soldats font quelques pirouettes. Dans la salle de bain, mon collègue « Mondoblog » prend sa douche. Madagascar s’exprime dans un langage que je capte jusqu’à cette minute. Je ne me sens pas dans la peau d’un étranger égaré dans un pays à l’autre bout du monde. Plutôt un enfant de la terre faisant de plus ample connaissance avec la Matrice.

Je regarde à travers la fenêtre du bus qui fait la navette entre l’hôtel où nous sommes logés et le village de la Francophonie où se déroule la formation sur le journalisme en ligne et le « blogging » avec « Mondoblog », une population qui se débrouille du lever au coucher du soleil. Je vois un sourire qui ne se fane pas, une courtoisie hors du commun, un regard porteur d’espoir sur l’avenir. Les Malgaches s’ouvrent posément au monde.

Coup de cœur

L’Arlequin

Ce restaurant sympa où nous dînons tous les soirs vers huit (8) heures est tenu par un homme et son fils. La courtoisie est sans borne. Les plats diffèrent les uns et des autres, offrant à mon palais d’autres saveurs. Au menu de l’indien, du Marocain et des plats européens. Un petit clin d’œil complice à la crème à la glace et le litchi.

La conversation autour du Baobab

les baobabs representent de la grandeur pour Les Malgaches

Un bloggeur a le droit de satisfaire sa curiosité, c’est peut-être une loi, écrite je ne sais où. La présence du Baobab un peu partout a attiré mon attention. Ce grand arbre majestueux domine le regard. A Madagascar, il représente un symbole solennel et royal, c’est ce qui explique sa présence sur les cartes postales, aux bords des routes, sur les affiches, etc. Il y a même des restaurants du nom et une classe Baobab sur certaines lignes aériennes, m’a confié une bloggeuse Malgache.

 

Le Mojo

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Antananarivo regorge de ces endroits mythiques où l’Haïtien que je suis peut vivre au rythme de la nuit. Sans l’alerte constante des taxis et des voitures privées, des marchands ambulants qui vous offrent l’artisanat local. La circulation retrouve sa fluidité, l’atmosphère devient un peu plus humide.

Vivre au rythme de la nuit de Madagascar c’est arpenter ses dalles le soir, dans ces rues quasi sombres et tranquilles. A quelques centimètres des trottoirs des portes s’ouvrent sur des univers qu’il faut à tout prix découvrir, et apprivoiser, au besoin. Parmi eux, le Mojo.

Je monte une à une les marches du Mojo, habité de ce sentiment d’être dans un film d’un autre temps. Une lumière rouge, diffuse, prêtant à confusion me happe dès l’entrée. Me voilà dans un univers tapissé de rouge où tous les breuvages du monde sont exposés (j’y vais un peu fort là). Le Mojo est un bar à liqueur où ceux qui ont besoin d’un peu de velouté ou prendre le pied sur le décalage viennent prendre quelques verres et surtout danser au rythme du temps sur la piste de danse.

Rindra, une bloggeuse locale me fait tâter le pouls de la blogosphère malgache, leur approche d’internet et des réseaux sociaux. Madagascar est un pays de liberté d’expression. A travers son blog elle peut toucher le sujet qu’elle veut. Les femmes Malgaches peuvent choisir librement les études et embrasser l’avenir désiré. Bravo. Je suis curieux de la liberté des femmes. De la liberté des autres. Minorité, majorité, quel que soit l’étiquette collée par la société, je suis curieux du bien-être et de la liberté de l’autre.

Je reprends Air Madagascar pour Paris avec le sentiment d’avoir raté quelque chose, je n’ai pas visité le château de la Reine. Je n’ai pas eu le temps de visiter le pays profond, loin des gratte-ciels et le farniente. Je n’ai pas su interpréter le sourire des enfants des rues. Je me promets de revenir un jour. Je ne sais pas quand, mais un jour. Ce jour-là j’ouvrirai la fenêtre pour devancer l’aube,  je verrai le soleil se lever sur ces milliers de sourires. Ces milliers de petits visages ronds, ces yeux curieux et tendres.

 

Salama Malagasy

 

 

 


Madagascar à travers les yeux d’un Haïtien

Apres 22 heures de vol, Haïti-Point-à-Pitre / Point-à-Pitre-Paris / Paris-Antananarivo,  j’arrive sur ce bout de terre sans idées préconçues et sans appréhension. Avec le cœur ouvert et la volonté de découvrir un peuple dans son essence, un peuple qui d’après mes premières 24 heures d’observations, vit au  rythme du soleil qui se lève, de la pluie qui tombe par gouttelette à travers le hublot sur les ailes de ‘’Air Madagascar’’.

 Après le service impeccable offert par Air Madagascar et les 11 heures de vol qui relie Paris et Antananarivo, la capitale Malgache. La deuxième chose qui me frappa est ce tableau à l’aéroport. Une installation de tous les animaux en voie de disparition de Madagascar. Sensibiliser les visiteurs sur l’extinction de certaines espèces et rappeler aux Malgaches l’importance de les protéger dans leur environnement. Une balade dans la ville me rassure sur cette démarche, les rues sont propres et entretenues, la verdure est présente, le lac artificiel Anosy scintille dans une aire de repos bordée d’arbre. Des policiers et des gendarmes parcourent les rues.

 
Récapitulons, je vais un peu trop vite.

L’avion Air Madagascar atterrit à 6 hrs du matin sur la piste de l’aéroport Antananarivo Ivato. Une superbe descente, je n’ai même pas senti le choc entre les roues et la terre ferme. Les passagers applaudissent moi y compris, je félicite (dans mon cœur) l’équipage pour ce super voyage de onze heures. A l’immigration, tout s’est bien passé, j’ai le visa Malgache. L’aventure se poursuit.

En route pour l’Hotel

Dans le bus vers l’hôtel, je découvre les premières images en temps réel (outre mes nombreuses recherches sur Google image depuis Port-au-Prince étant) un marchand de pain transporte un panier de baguettes, des jeunes font leur jogging, des femmes et des enfants balayent devant leurs portes, des fenêtres s’ouvrent, de la fumée s’élève de certaines maisons, la vie éclos lentement à travers  le brouillard.

Je rentre à l’hôtel, un morceau de papier sur la table basse me souhaite la bienvenue (aimable attention). Le petit déjeuner et le bus nous attend en bas. Il y a tout un monde à connaitre et à cristalliser.

 

A SUIVRE…

 

 

 

 


Syndie Désir. Envol d’une déesse du terroir

Des dents blanches aux allures des coraux de la Caraïbes, une peau noire de jais qui contraste parfaitement avec ce sourire déesse du soleil dont elle affiche. Je suis en présence de Syndie Désir, une fleur d’Haïti qui éclos malgré toutes les embuches dressées sur son parcours. Du 23 septembre au 2 octobre dernier, elle représentait dignement Haïti à Miss Progress en Italie. Coup d’œil sur cette figure qui gravit en talon aiguille  les marches pour se figurer dans la longue liste des divinités de l’ile.

Crédit Photo: Gio Casimir
Crédit Photo: Gio Casimir. Accessoire : Spectraa Couture

 Assis en face de Syndie pour l’entrevue, j’ai dû me retenir pour ne pas la serrer dans mes bras à chaque instant. Et pourtant nous étions à notre deuxième rencontre. Sympathique, joviale et passionnée, sa présence allège l’atmosphère et rend la conversation limpide.

Syndie Désir fait partie de ces reines de beauté ayant représenté le pays au niveau international. Quatre (4) concours de miss à son actif, elle aura laissé son empreinte à Miss Vidéomax, Miss Anayiz, Miss Haïti et plus récemment Miss Progress International. Des compétitions qui lui ont permis de se mettre au défi, de représenter valablement qui elle est, ses idées, sa vision du monde. À côté de ses études en psychologie, elle est mannequin de Zoule agency, enchaînant les séances de photo et les clips vidéo. On l’aura vue dans le dernier clip ‘’Kite yo pale’’ marquant le grand retour du groupe ‘’Sweet Micky’’.

Syndie a voulu aussi clarifier ce qu’est un concours de beauté aujourd’hui et l’impact qu’il peut avoir sur une jeune femme. Pour elle, ces activités ont leur place dans la société. Elles participent à l’émancipation de la femme et offrent une plate-forme à celle qui désire influencer positivement les autres. Celle qui désire vendre ses idées, qui veut montrer que la femme a beaucoup plus à offrir à la société que cette petite boite dans laquelle l’imaginaire collectif veut la confiner. Un concours de beauté apporte beaucoup d’estime pour certaines femmes qui en manquaient et leurs permet de tenir les rênes de leurs vies, selon les considérations de Syndie.

L’expérience à Miss Progress International

Elle explique que ce concours sur les planches internationales, à Puglia en Italie, a été l’une de ses plus belles expériences. Elle était la seule à porter sa charge culturelle, à vanter les couleurs d’Haïti, à s’exprimer en créole. Il a été demandé aux concurrentes de présenter un projet viable pour leur communauté et Syndie s’est démarquée des autres candidates avec le sien. ‘’Sove lavi yon Timoun’’ (Sauvons la vie d’un enfant), Un projet pour accompagner les femmes enceintes de la Ville de Bel-Anse et des plans pour contrecarrer la malnutrition dans la zone.

Elle avoue, cependant, que ces compétitions peuvent être des couteaux à double tranchant. Etre sous les feux des projecteurs, avoir ses photos étalées dans les réseaux sociaux, les critiques peuvent être vraiment acerbes. Et certaines ne supportent pas tant de pression. Pour Syndie ses expériences lui ont permis de faire l’équilibre, se situer, voir le regard que porte la société sur elle, ce que pensent les autres  et le plus important, à forger sa propre opinion d’elle-même.

 Sa définition de la beauté

L’unicité. La différence. Juger la beauté équivaut à juger l’univers dans toute sa diversité. On ne saurait se baser sur des critères pour dire ce qui est beau ou pas. L’univers est bien trop généreux.

De nos jours, il y a une dangereuse quête de beauté parfaite et éternelle. Certaines personnes ont été même à subir des chirurgies extrêmes pour ressembler à un idéal vanté dans les magazines, la télévision, etc.  Cette quête fait beaucoup de dégâts, aussi intérieur qu’extérieur. Le chemin de l’acceptation de soi peut-être difficile mais c’est le meilleur moyen pour embrasser qui on est. Syndie Désir conseille aux jeunes de s’affirmer, de célébrer la matière avec laquelle ils sont venus au monde.

 Représenter Haïti dans l’international

Chaque fois qu’un jeune représente le pays dans l’international, il dévoile une facette du pays, il apporte quelque chose de nouveau dans cet amas d’informations véhiculées par les medias internationaux qui ne sont pas toujours flatteuses.

Ce n’est pas une tâche facile et elle applaudit tous les jeunes qui ont déjà eu cette responsabilité et aussi ce privilège.

Syndie Désir poursuit tranquillement ses études en psychologie, elle se promet de s’impliquer un peu plus dans le social et se prépare pour d’autres concours qui pourraient se manifester.

 @Novembre 2016