Ulrich Tadajeu

Quand Samuel Eto’o écrit aux Camerounais pour les rassurer

Quelques heures avant le coup d’envoi du second match du groupe A qui opposera le Cameroun au Mexique vendredi soir à partir de 17h (heure du Cameroun), le capitaine des Lions indomptables Samuel Eto’o a adressé jeudi une lettre à ses supporters. (Crédit photo : Steindy, Wikimedia Commons)

Cette lettre se situe dans un contexte précis. Après une énième affaire des primes qui a retardé leur départ des Lions indomptables pour le Brésil, plusieurs Camerounais ont taxé Samuel Eto’o et ses coéquipiers d’ennemis de la patrie. Certains analystes ont estimé que ce départ retardé pour le Brésil aurait un impact psychologique sur les joueurs Camerounais.

Par ailleurs, après chaque affaire des primes, on observe une division dans la tanière des lions entre différents clans.  Pour toutes ces raisons, plusieurs observateurs pensent que l’équipe de football du Cameroun ne surprendra personne : elle rentrera du Brésil dès la fin du premier tour. Tous ces maux ne sont qu’une « programmation de l’échec » pour paraphraser Jean Bruno Tagne.

« Chers Compatriotes…« 

C’est donc dans ce climat de tension que le capitain Samuel Eto’o s’est fendu de deux missives, publiées jeudi soir sur sa page Facebook. Une manière de s’expliquer, et de rassurer les supporters de son pays.

La lettre (1) de Samuel eto'o. Pris sur sa page facebook.
Une des deux lettres de Samuel Eto’o., publiées  sur sa page facebook.

A travers ce message, Samuel Eto’o a essayé d’expliquer au public camerounais que les actions au sujet des primes n’étaient pas guidées par un intérêt personnel mais par la volonté générale, un combat « légitime« . C’est à dire, selon lui, le « droit de ses coéquipiers à avoir leurs primes pour donner le meilleur d’eux comme toutes les autres sélections« . Pour le meilleur buteur camerounais de tous les temps, ce combat devrait laisser un climat serein aux futures générations de Lions indomptables.

Des Lions « soudés » ?

Face aux différentes inquiétudes du public et des supporters, Samuel Eto’o rassure. Les divisions ne sont plus d’actualité car les joueurs ne peuvent plus tomber dans le piège des « experts du diviser pour mieux régner« . Les Lions sont désormais « soudés » comme un seul homme et prêt à « combattre comme une armée » dixit Samuel Eto’o dans sa lettre.

Pendant les préparations de la Coupe du monde, le capitaine des Lions indomptables annonçait déjà que « quelque chose de grand arrive » parlant de la sérénité du groupe et de l’ambiance fraternelle dans la tanière. Dans cet état d’esprit, les Camerounais ont certainement des raisons de rester optimiste dans ce groupe A.

Ulrich TADAJEU, Mondoblogueur à Dschang

 


Le Barcamp, un vivier de valeurs

Les Mondoblogueurs pendant le Barcamp à Abidjan. © Ulrich Tadajeu
Les Mondoblogueurs pendant le Barcamp à Abidjan. © Ulrich Tadajeu

Parfois, on sous-estime ce qu’on peut apprendre des autres. On considère que nous sommes les mieux outillés pour exprimer ou épuiser toute la réalité. Ce qui est évidemment faux. On ne côtoie la réalité qu’en diversifiant les sources pouvant nous permettre de comprendre le monde. C’est la leçon que je retiens du Barcamp auquel j’ai pris part lors de mon récent séjour de formation à Abidjan. J’ai essayé de le partager avec des amis de ma faculté, la Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH) de l’Université de Dschang. J’ai pu me rendre compte de ce qu’on peut gagner en initiant ou en participant à un Barcamp.

Au-delà des définitions, j’ai retenu que le Barcamp est un cadre d’échange et de partage dans lequel tout le monde est producteur et récepteur d’idées. Personne ne vous impose un thème de réflexion mais tous ensemble vous le définissez. Personne ne monopolise la parole pour vous donner des leçons comme c’est le cas lors des conférences standard. Mais tout le monde partage ce qu’il connait au sujet d’un thème. Voilà ce que j’entends par Barcamp. Des valeurs spécifiques sont à retenir et à expérimenter.

Le tableau blanc qui noircissait lors du Barcamp à Abidjan. © Manon Mella
Le tableau blanc qui noircissait lors du Barcamp à Abidjan. © Manon Mella

 

L’humilité et l’écoute des autres.

C’est souvent difficile pour les uns d’écouter ce que pensent les autres. Parfois, on balaie d’un revers de la main sous prétexte que ceux qui avancent ces idées n’ont pas la qualification requise pour aborder un sujet précis. Or, la lumière peut jaillir de partout et surtout des lieux où on l’attend le moins. Le Barcamp parce que c’est tout le monde qui fait des propositions nous apprend l’humilité et l’écoute des autres. Car, comment accepter les propositions de l’autre si on ne peut pas écouter, si on ne peut pas reconnaitre qu’il est en mesure d’apporter quelque chose de neuf et d’original. A la différence de la conférence standard qui est quasiment un monologue de groupes de personnes, le Barcamp est un partage, une écoute réciproque. C’est en ce sens que le Barcamp a renforcé mes convictions sur la richesse que peut être l’écoute des autres et la prise en compte de leurs points de vue. Peu importe leur diplôme ou leur qualification,  leur âge ou leur rang social, leur sexe ou leur origine, ce qui compte c’est la pertinence des idées qu’ils avancent.

Ce sont des valeurs qui obligent à ne pas parler à la place des gens, à les laisser exprimer leurs idées malgré les titubations qui puissent exister. Car, à la différence de ceux qui certains pensent de plus en plus, c’est du contact avec les autres que jaillit la vérité et la sagesse, c’est dans la diversité que se ressent la beauté du monde.  Le Barcamp apprend aussi la liberté.

La Liberté

Dans un Barcamp, les participants sont libres. Ils sont libres d’exprimer leurs idées. Personne ne les contraint à penser d’une façon ou d’une autre. C’est un moment de liberté par excellence qu’il convient d’expérimenter dans les espaces sociaux notamment les Universités. Car la liberté est une valeur ontologique à l’être humain mais elle doit se cultiver dans les différents lieux de socialisation. L’Université peut être un cadre adéquat pour cultiver cette liberté. Ceci à travers des initiatives comme le Barcamp. Le fonctionnement des Barcamps en atelier permet aux participants de s’exprimer en toute quiétude. Ce qui n’est pas toujours le cas dans les conférences comme on les connait. Le fait qu’au début du barcamp, on se présente à travers des mots clés, permet de détendre l’atmosphère, de se familiariser et de mieux exprimer les idées.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai particulièrement apprécié le barcamp lors de mon séjour de formation à Abidjan. Je l’ai apprécié parce qu’il m’a aidé à comprendre que dans la vie, parfois c’est celui à qui on pense donner des leçons qui a plutôt des leçons à nous donner. Il m’a permis de comprendre que la sagesse vient du dialogue avec les autres peu importe leurs qualifications. Et c’est de cette diversité créatrice que se ressent la beauté de notre monde.

Je dirai enfin que ceux qui n’acceptent pas les idées différentes sont, eux aussi, des promoteurs à leur niveau de la dictature. Pourtant, il est impossible de croire qu’on peut dicter des manières de faire , de vivre et d’agir uniques aux individus avec autant de possibilités que suggère la diversité.

Par contre, ces valeurs ne serviront à rien si elles ne sont pas intériorisées puis expérimentées au quotidien. Pour ma part, j’estime que l’on n’est jamais vieux pour apprendre. D’ailleurs un dicton répète chaque jour « mieux vaut tard que jamais ». Ce serait une perte de temps de parler de ces valeurs, d’en faire des textes à ce sujet, de les apprendre dans le cadre des activités de groupe sans les vivre quotidiennement.

Pour rendre ces valeurs effectives, je pense qu’il est important que nos lieux de production des savoirs s’inspirent du modèle des Barcamps. On aura une transformation sociale collective, les gens apprendront à défendre leurs idées en public. Et surtout, de la diversité naîtra la lumière censée éclairer les ténèbres qui se vivent actuellement dans « les mondes ».

Un merci spécial et très sincère à Mondoblog grâce qui j’ai fait l’expérience pour la première fois d’un Barcamp.


Guillaume Soro au Cameroun demain

Guillaume Sorro. Photo téléchargé depuis la page facebook de Guillaume Sorro.
Guillaume Soro. Photo téléchargé depuis la page facebook de Guillaume Sorro.

C’est officiel depuis quelques jours si l’on s’en tient aux tweets de Guillaume Soro, Président de l’Assemblée Nationale Ivoirienne. Ce dernier sera en visite au pays des Lions indomptables à partir de demain. Même si les internautes sont au courant de cette information elle vient d’être confirmée par les autorités Camerounaises au journal de 20h sur le poste national de la CRTV.  Le communiqué signé du président de l’Assemblée Nationale Camerounaise, Cavaye Yéguié Djibril, indique que Guillaume Soro, son homologue ivoirien effectuera une visite de travail et d’amitié de 4 jours au Cameroun à partir du 10 Juin.  

En l’espace d’un an (juin 2013 – Juin 2014), quatre hauts fonctionnaires ivoiriens ont visité le Cameroun. Alassane Ouattara avait ouvert le bal en rencontrant particulièrement la presse camerounaise lors de sa participation à la conférence sur la « lutte contre la piraterie maritime et les vols à mains armées dans le golfe de Guinée » tenue à Yaoundé en Juin 2013. Récemment, les plus célèbres ont été les visites de la ministre ivoirienne de la Communication et le ministre de la défense. A cette occasion, Afoussiata Bamba Lamine et Paul Koffi Koffi ont signé des accords avec leurs homologues Camerounais.  La visite de Guillaume Sorro se situe dans la suite de ces visites précédentes.

Le communiqué sur la page facebook de Guillaume Sorro date du 03 Juin.
Le communiqué sur la page facebook de Guillaume Sorro date du 03 Juin.

Les raisons d’une telle offensive diplomatique ont été largement abordées par Alexandre Djimeli dans un dossier qu’il fait dans le quotidien Camerounais « Le Messager » (N 4093 du 06 Juin 2014). Selon lui, cette offensive peut s’expliquer à divers niveau. D’abord au niveau de la coopération entre deux leaders de deux sous-région différente. La Côte d’Ivoire , leader de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) hors mis le Nigéria et le Cameroun, leader de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Une coopération nécessaire dans un contexte marqué par la montée en force de certains pays qui veulent tutoyer ces leaders. L’enseignant d’Université estime également que « Abidjan » veut se légitimer dans un Cameroun contestataire.  Alexandre Djimeli convoque ici les débats qui ont eu lieu dans les médias camerounais pendant la crise ivoirienne. Pour une bonne partie des Camerounais qui intervenaient dans les médias, Laurent Gbagbo était le résistant nationaliste ivoirien qui s’oppose au néocolonialisme occidental dont le pion est Alassane Ouattara. C’est donc pour « corriger une image jugée injustifiée sur Ouattara » que ladite offensive se déploie depuis un an selon l’auteur.  Alassane Ouattara viendrait enfin au Cameroun pour se ressourcer chez le vieux sage et président éternel Paul Biya. En effet, vu la capacité de « l’homme lion » à toujours maîtriser la situation politique quand bien même elle semble au bord du précipice, Alexandre Djimeli pense que le président Ivoirien vient solliciter la sagesse auprès du chef de l’Etat Camerounais. D’autant plus que le président ivoirien se prépare à briguer un second mandat lors des élections qui auront lieu en 2015. Mais qu’en pensent les Camerounais au sujet de cette visite? Sont-ils prêts à accueillir Guillaume Soro comme il se doit?

En guise de rappel, le Social Democratic Front (SDF), principal parti d’opposition au Cameroun, a rendu public un communiqué dans lequel il pose des conditions au voyage de Guillaume Soro au Cameroun.  Parmi les conditions évoquées, il y’a entre autres la libération sans condition du Président Laurent Gbagbo. Cette position n’est que le reflet de ce que pense une bonne partie de l’opinion camerounaise et qui s’est manifestée lors des débats sur la crise post-électorale en terre éburnéenne.

En attendant que les raisons effectives de l’offensive ivoirienne au Cameroun se précise, nous disons

« Akwaba à Guillaume Soro »!

NB: Guillaume Soro est l’un des hommes politiques les plus connectés en Afrique et dans le monde. Sa page facebook, son compte twitter et son site internet sont régulièrement à jour


#ChoupoMotingNeSortpas: le hashtag pour encourager les Lions Indomptables

L’affiche Choupo Moting ne sort pas de Maahlox.

La Coupe du monde débute jeudi soir mais Les Lions indomptables du Cameroun ne rentreront dans l’arène que le lendemain contre le Mexique. Mais jusqu’ici, l’énième affaire des primes les a retenu sur le sol Camerounais. Loin de ces querelles, les supporters des Lions ont usé de leur génie pour soutenir l’équipe nationale.

La plus captivante de mon point de vue est le concept du musicien camerounais Maahlox le Vibeur qui a pour nom: #ChoupoMotingNeSortPas. Maalhox s’est fait remarquer il y’a quelques mois avec une musique intitulé « la bière c’est combien ici ». Il revient sur la scène avec cette fois-ci un autre concept. Un concept parce qu’en plus de la musique, il a créé un #hashtag à ce sujet sur Twitter. Il fait également des montages photos sur le sujet qu’il publie sur son compte Facebook.

Pourquoi Choupo Moting ne sort pas ? Le supporter Camerounais dirait certainement « parce qu’il joue très bien au football, qu’il fait souffrir les défenseurs adverses ».

Mais, pour comprendre le concept, il faut revenir quelques années plut tôt. Lors des qualifications de la CAN 2012, le capitaine des Lions indomptables, Samuel Eto’o s’était opposé au remplacement de Choupo Moting. Le  sélectionneur avait déjà fait le changement. Au moment où Choupo Moting se prépare à sortir, le capitaine Samuel Eto’o l’arrête et lui demande de rester sur le terrain. C’est de cet épisode que part le fameux « ne sort pas ». Cet épisode est devenu un encouragement, un appel qu’on pourrait résumer à « ne sors pas du match » ou « reste concentré et efficace ». Bref, c’est devenu un encouragement.

Dans cette musique, l’artiste lance la phrase « il n’est pas allemand ». Une référence à la qualification contestée des Lions pour la coupe du monde : la Tunisie avait demandé l’invalidation de cette qualification sous le prétexte que le Cameroun avait dans son effectif des joueurs de nationalité allemande. Et parmi ces joueurs, il citait Choupo Moting. Maahlox dit donc à tous ceux qui donnent la nationalité allemande à Choupo Moting que celui-ci n’est pas Allemand.

ça tweete, ça tweete…

A côté de cette chanson, il y’a le hashtag qui fait son bonhomme de chemin sur twitter. Voici quelques photos montées par Maahlox pour illustrer son concept. Vous verrez qu’il ne manque pas d’imagination ce musicien.

On voit par exemple Mario Balotteli faire une prière dans laquelle il remercie le seigneur parce que Choupo Moting ne sort pas.

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Un montage qui se relaie ausis beaucoup : un enfant qui pleure à grosses larmes demandant à sa maman que Choupo Moting ne sorte pas1956672_650492298362170_1855857641494411127_o

Mais celle qui fait le plus de buzz, c’est cette image qui ressemble à une affiche de film d’horreur dans laquelle il est annoncé que « le Mexique va connaitre le vendredi le plus sombre de son histoire » avec le numéro 13 Choupo Moting et ce sera le 13 Juin. Le musicien fait référence au premier match du Cameroun qui aura lieu le 13 Juin contre le Mexique.

L'affiche Choupo Moting ne sort pas de Maahlox.

D’autres artistes ont fait des œuvres pour accompagner les lions. Elles illustrent bien l’état d’esprit dans lequel les supporters des lions indomptables sont à l’approche de la fête du football au Brésil.

Ulrich Tadajeu, Mondoblogueur à Dschang


La Côte d’Ivoire en débat à l’université de Dschang

Dr Alexandre Djimeli et les membres du jury. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Le Dr Alexandre Djimeli et les membres du jury. Crédit image: Ulrich Tadajeu

 La salle des spectacles et des conférences de l’université de Dschang a abrité mercredi 4 juin 2014, la soutenance de thèse de doctorat Phd de Djimeli Alexandre. Ancien journaliste au quotidien Le Messager, enseignant à l’université de Dschang, le tout nouveau docteur est également chef service de l’information et des conférences dans le même établissement. Le thème de sa recherche portait sur le « Discours de sortie de crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Une analyse des messages à la nation d’Alassane Ouattara (ADO). » Alexandre Djimeli défendait sa thèse devant un jury composé d’éminents professeurs dont entre autre les rofesseurs Charles Robert Dimi qui officiait en tant que président du jury,  Pierre Fandio de l’université de Buea qui a été l’un des examinateurs et Jean Jacques Rousseau Tandia Mouaffo, l’un de ses encadreurs. Après avoir planté le décor, le président du jury a donné la parole au candidat.

Alexandre Djimeli a dans un premier temps fait écouter au jury ainsi qu’à l’assistance le message de ADO à la nation le 11 avril 2011, jour de l’arrestation de Laurent Gbagbo. Un discours dans lequel il invitait les ivoiriens à tout faire pour que la paix revienne dans leur pays. Il a ensuite présenté la quintessence de sa thèse dans les limites prévues par le jury à savoir 25 minutes. Ce travail scientifique s’est appuyé sur un corpus constitué des textes contenant les messages à la nation de ADO, les articles de presse, les émissions radio et télé et enfin les articles sur les sites web. A côté de ce corpus, il a consulté les ouvrages théoriques et généraux ainsi que les observations de terrain effectuées quelques années plutôt. Pour tirer les informations les plus crédibles, cohérentes et pertinentes de ces corpus, il y a exercé une méthodologie spécifique à savoir la critical discourse analysis qui se décline en deux approches : l’approche sociocognitive d’une part et l’approche historique d’autre part. Ainsi il a organisé sa présentation autour des objectifs, des questions et des hypothèses de recherche. Il a, en dernier ressort, présenté les résultats obtenus.

Le Dr Djimeli reçoit les félicitations du Pr Fandio, examinateur dans le jury. Crédit image: U.T.
Le Dr Djimeli reçoit les félicitations du Pr Fandio, examinateur dans le jury. Crédit image : U.T.

Il en ressort que les messages à la nation d’Alassane Ouattara sont premièrement des discours de légitimation de soi et de légitimation de l’autre. Pour Alexandre Djimeli, le contexte de production de ce discours, l’autoreprésentation d’ADO et la place qu’occupe la France montrent qu’il s’agit d’un « discours intrinsèquement polémique » qui porte les germes de son rejet par le camp d’en face. Ils contiennent ensuite une offre de réconciliation nationale presque démagogique. Le candidat se sert par exemple de l’accident énonciatif au sujet de l’énonciation de la mise en place de la Commission dialogue vérité et réconciliation (CDVR) dans son message à la nation le 11 avril, de la priorité au châtiment pour le camp d’en face pour présenter ce discours comme un discours démagogique. Enfin, Alexandre Djimeli observe dans ce discours de sortie de crise un effort de concrétisation des promesses tenues même s’il reste insuffisant. A ce sujet, il fait remarquer que la CDVR est effectivement fonctionnelle et selon son président Charles Konan Banny, 80 % des Ivoiriens sont favorables à la réconciliation.  Malgré ces résultats, il fait remarquer que plusieurs partisans de Laurent Gbagbo sont encore emprisonnés pour certains et en exil pour d’autres. Le coût de la vie reste toujours élevé alors que le pays reste encore dépendant de l’extérieur. Il a terminé son propos en proposant la prise en compte du « triangle des intérêts » des différents acteurs pour sortir définitivement de la crise. Il s’agit des intérêts du chef ou leader politique qui veut exercer le pouvoir, ceux de la population que l’on veut gouverner et enfin ceux des partenaires qui apportent leur soutien au leader.

Après avoir épuisé le temps imparti, le président du jury a repris la parole pour organiser les échanges ainsi que les questions adressées au candidat. Les membres du jury ont d’abord tenu à reconnaître l’originalité et l’actualité d’un tel travail. Ils ont également salué la ponctualité du candidat qui a respecté les 3 années requises pour achever sa thèse et la défendre. Ils n’ont pas manqué de relever le caractère interdisciplinaire de ce travail qui a rehaussé son importance dans la mesure où nous vivons à une époque scientifique où le décloisonnement entre les sciences est, en plus d’être encouragé, promu. Le jury a enfin apprécié l’accessibilité de la thèse tant au niveau de la forme qu’à celui du fond. Car, comme l’a noté le professeur Marthe Isabelle Edande Abolo, le travail est bien écrit.

Le collège de maîtres qui a évalué ce travail n’a pas éludé les insuffisances de la thèse. Même s’ils ont précisé que ces insuffisances n’enlèvent en rien la qualité scientifique de la thèse, ils ont relevé des lacunes. Il y a par exemple l’absence d’index qui aurait permis, selon le professeur Fandio, de savoir la distribution des auteurs en fonction des chapitres. A ce sujet, un autre examinateur, le professeur Germain Eba’a a suggéré au candidat d’ajouter l’index des notions et des auteurs.

En 4 h35min, le jury a jugé si Djimeli Alexandre est scientifiquement apte à accéder au diplôme de docteur/Phd. Après avoir délibéré, le jury a beaucoup apprécié la qualité du candidat à défendre aisément son travail. Il lui a décerné le diplôme de Docteur Phd en Littérature et culture option Etudes africaines avec la mention très honorable.

Félicitations au nouveau Dr.


Ivan Bargna « la culture n’existe pas »

Ivan Bargna pendant l'entretien. Crédit image: ulrich Tadajeu
Ivan Bargna pendant l’entretien. Crédit image: ulrich Tadajeu

Anthropologue italien, Ivan Bargna enseigne l’ethnoesthétique à l’université de Milan après avoir enseigné l’art africain à Turin. En séjour au Cameroun, dans la ville de Dschang, il animait le séminaire international organisé au Musée des civilisations de Dschang en prélude à l’exposition universelle « Milano 2015 » qui se tiendra en Italie. Ce séminaire qui s’est déroulé le 29 mai dernier avait pour thème « pratiques culturelles de l’alimentation dans l’environnement rural et urbain : le cas du Cameroun ». Il a publié de nombreux articles scientifiques et ouvrages sur l’art : Art et sagesse d’Afrique noire (Zodiaque, 1998), La couleur dans l’art (Citadelles & Mazenod, 2005). Dans cet entretien, il présente la culture comme une invention politique pour, soit unir les gens à l’intérieur, soit les diviser de l’extérieur. Conçue de cette façon, pour lui, la « culture n’existe pas ».

Tamaa Afrika : Qu’est-ce que la culture ?

Ivan Bargna : La culture du point de vue anthropologique est une création collective. Dans la plupart des cas, cette création est inconsciente c’est-à-dire qu’elle n’est pas programmée. C’est un construit-ensemble qui se fait tous les jours dans la vie quotidienne. L’anthropologie utilise la notion de culture pour individuer des valeurs qui sont des modèles de comportements qui inspirent les actions des gens dans un lieu donné. Quand on utilise l’expression « c’est la culture », ça veut dire que c’est la convention sociale, une invention des hommes. D’habitude, la culture est opposée à la nature. La nature se transmet par voie biologique alors que la culture est un apprentissage qui se transmet de génération en génération.

La culture est un savoir-faire, un savoir pratique. Ce n’est pas un simple concept. Le cas de la nourriture est évident. On apprend certains goûts tout simplement en mangeant. Manger c’est une activité biologique, mais également culturelle dans la mesure où, même si tous les hommes mangent, chacun le fait à sa façon.

Si avant, la notion de culture était réservée aux anthropologues, elle a été divulguée. Aujourd’hui, elle fait désormais partie de la quotidienneté. Dans le discours quotidien, surtout celui de la politique, la notion de culture est utilisée pour rassembler les gens ou pour les diriger dans une certaine direction. La culture s’est solidifiée, s’est réifiée, est devenue presque une chose c’est-à-dire qu’elle a désormais un caractère de solidité qui nous amène à la considérer comme quelque chose de figé,  insensible aux modifications.

C’est une perspective qui est le contraire de la vision anthropologique. Celle-ci insistait beaucoup plus sur la pluralité des cultures et sur le changement.

La culture n’est-elle donc qu’une invention comme vous semblez le dire ?

Oui c’est-à-dire qu’on utilise la notion de culture pour souligner les caractères partagés par les gens en les voyant comme des blocs homogènes qu’on ne peut pas diviser. On voit à l’intérieur des cultures toutes les personnes comme si elles étaient égales les unes aux autres et tout à fait différentes des personnes d’une autre culture. Tout homogène à l’intérieur et tout hétérogène par rapport à l’extérieur tandis qu’il y a toujours des relations, les cultures changent dans leurs échanges et les personnes traversent les cultures. Si on regarde bien, les personnes sont toutes différentes. Mais l’usage de la culture donne des ressources à la politique pour allier les gens et serrer les rangs ou pour les diviser aussi. Les unir à l’intérieur et les diviser de l’extérieur.

Quand on parle de culture, on parle d’une notion. Une notion c’est une abstraction. C’est quelque chose qui peut être utile pour comprendre la réalité, mais c’est autre chose par rapport à ce qui se passe dans la vie quotidienne. La culture c’était quelque chose qui nous aidait à expliquer la réalité, mais aujourd’hui, la notion de culture est passée d’un autre côté. C’est à l’intérieur de la vie quotidienne, ce n’est plus le champ réservé à l’anthropologie. Si avant, la culture servait à expliquer les réalités, aujourd’hui, c’est la culture qu’on cherche à expliquer, à comprendre.

Quelle est la différence que vous pouvez faire entre culture et identité ? 

En tant qu’anthropologue, je préfère lier la culture à la diversité plutôt qu’à l’identité. L’identité c’est quelque chose d’homogène, c’est être égal à soi-même. A = A, pas plus. Il n’y a pas de rapport à l’extérieur tandis que la diversité relève de l’intention de s’ouvrir à l’extérieur et de reconnaître la diversité dans soi-même. Il y a beaucoup de différences. Souvent, on cherche une chose et le contraire. Il y a des ressemblances, des diversités. Ça dépend de l’intention dans laquelle on va l’utiliser, des pratiques concrètes à l’intérieur desquelles ces discours ont été tenus.

Quelle place pour la diversité culturelle dans cet environnement ?

La culture a plutôt à voir avec la diversité que l’homogénéité.

La diversité est partout, à l’intérieur comme à l’extérieur des cultures qui n’existent pas en tant que telles.

C’est plutôt considéré de flux culturels. Parfois, il y a quelque chose qui se compose avec une certaine solidité, mais qui peut quand même changer. Surtout dans ce contexte de globalisation et de mondialisation. Alors ces mélanges sont toujours un peu des querelles, de l’autre des échanges pacifiques.

Internet peut-il aider dans la circulation et les échanges culturels ?

Ça dépend. Ce n’est pas la technologie en tant que telle qui peut changer les choses. On peut utiliser Internet et les réseaux sociaux de plusieurs façons. Dans la plupart des cas, ce sont des discussions entre amis. Ce sont des conversations entre les gens semblables qui se connaissent déjà et qui partagent les mêmes intérêts. La réponse qu’on y trouve dépend de la question qu’on a posée. On peut rester toujours chez soi bien qu’on passe la journée sur Internet. C’est quelque chose qui va au-delà de la technologie qui nous permet de l’utiliser dans un sens ou dans l’autre.

 


Mondial Brésil 2014: un caillou dans la godasse du Cameroun

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Le poster du Cameroun qui montre Samuel Eto’o reprenant la danse de Roger Milla, le vieux lion. © ESPN/Cristiano Sigueira

Dans ce billet, j’inaugure une nouvelle catégorie qui existera, sur mon blog, le temps de la coupe du monde qui se déroule au Brésil du 12 Juin au 13 Juillet prochain.  Je vais parler du football, ma passion originelle. La coupe du monde approche à grand pas. Alors que les différentes équipes peaufinent leur préparation à travers les différents matchs amicaux, l’éternel problème des primes, plat camerounais qui se déguste à la veille de chaque grande compétition internationale, fait surface. Depuis quelques jours, alors que l’équipe nationale de football du Cameroun est en stage dans la ville autrichienne de Walchsee, on entend dans les médias qu’ils réclament une augmentation de leur prime de participation au mondial. Selon certaines sources, au lieu de 45 millions de Fcfa, les poulains de Volker Finke demanderaient plus du triple de cette somme soit exactement 150 millions de Fcfa.  Une somme qui, si elle venait à être vérifiée et accordée, serait la plus énorme des équipes africaines participant au mondial brésilien et peut-être même l’une des plus énormes de toutes les équipes qui se sont qualifiées pour cette grande fête du football. 

L’opinion publique camerounaise est relativement unanime et estime que la prime demandée par les lions indomptables est mirobolante. La presse a pris le devant de la scène en parlant  par exemple que c’est une « indécente revendication »  car ce chiffre est « astronomique ». Elle propose également de faire une comparaison avec les primes des autres pays africains qui participeront à la coupe du monde et conclut que la revendication de l’équipe camerounaise est « indécente ». Pour d’autres, au lieu de remettre un tel montant à ces joueurs, il serait important de l’utiliser dans la construction des infrastructures qui permettront de faire évoluer le football jeune dans notre pays.  C’est vrai qu’il y’a un autre courant, minoritaire, qui estime que lions méritent de récolter le fruit de ce qu’ils ont semé. Ils ont joué et se sont qualifiés pour la coupe du monde, ils méritent leurs primes. Mais, est-ce qu’ils ont revendiqué une augmentation de cette prime? Est-ce qu’ils ont exigé le montant de 150 millions de Fcfa? Pourquoi à la veille de chaque grande compétition, le Cameroun fait face aux problèmes des primes?

Lorsque j’ai, essayant d’en savoir davantage sur ce sujet, entré les mots clés sur google, j’ai été surpris par le fait que tous les liens renvoyaient au Cameroun. Les problèmes des primes à la veille du mondial ne sont donc qu’une sauce spécifiquement camerounaise? Ou ce sont les médias camerounais qui jouent mal le jeu en faisant sortir ce qui pourrait relever de la cuisine interne?

Pour comprendre les revendications des joueurs de l’équipe nationale, il faut avoir à l’esprit les différentes entrées relatives à la qualification, à la préparation et à la compétition. Après la qualification de chaque équipe, il y’a un montant que la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) verse à la fédération pour la préparation et un autre montant qu’elle versera au cas où l’équipe est éliminé au premier tour et ainsi de suite. Cette année, la FIFA verse  1 500 000 dollars (près de 723 millions de FCFA) pour la préparation à toutes les équipes qualifiées. A côté de cette somme, il y’a celle versée par les différents sponsors. Puma, l’équipementier du Cameroun a remis 500 000 euros (près de 328 millions de FCFA). Par ailleurs, certaines équipes qualifiées au mondial contre lesquelles le Cameroun joue des match amicaux versent à la Fédération Camerounaise de Football (FECAFOOT) un montant. En Janvier dernier, Joseph Owona (président du Comité de Normalisation de la FECAFOOT) parlait  de 190 000 euros (près de 124 millions de FCFA) venant de l’Allemagne (les lions indomptables livreront un match amical contre ce pays le 01er Juin). Enfin, 130 000 euros (85 millions de FCFA) venant du Portugal pour le match amical qui a opposé les deux équipes au mois de mars dernier. Mais il y’a quelques jours, en Autriche, le président du comité de normalisation de la FECAFOOT a plutôt évoqué un autre montant. Au lieu de 190 000 euros comme évoqué plus haut, il a parlé de 140 000 euros (près de 91 millions de FCFA). Certains journalistes se demandent si  la FECAFOOT a détourné 50 000 euros sur le cachet de ce match?

Il est vrai que dans le même temps, les lions doivent verser un montant aux équipes moins classées qu’eux, qui sont leurs adversaires dans les rencontres amicales. On comprend bien que la qualification des lions a généré des entrées directes à la fédération et des entrées indirectes qui arrivent avec les différentes activités économiques organisées dans les différentes villes du pays autour de la coupe du monde. Tout ceci existe parce que les lions se sont qualifiés. Et comme l’a dit le capitaine de l’équipe nationale, Samuel Eto’o, dans un entretien accordé à Steve Djouguela sur Mboafootball.com, « …nous (les joueurs) avons travaillé pour que cet argent soit dans les caisses de la Fecafoot ». Il est important de faire comprendre aux uns et aux autres que cet argent n’est pas celui du contribuable ou un argent qui est gardé depuis dans les caisses pour attendre les lions. C’est un argent qui est le résultat de la qualification de notre équipe. Ces revendications ne sont pas le problème du football camerounais ou ne peuvent pas freiner notre football comme certains le font savoir.  Le problème est ailleurs.

Le problème du football camerounais est à chercher dans la mauvaise gouvernance. Le sport-roi comme on l’appelle n’est qu’à l’image des autres secteurs de la société. Car quand bien même, les joueurs demandent que leurs primes soient utilisées pour l’amélioration du football, qu’est ce qu’on en fait? Ces revendications sont légitimes même si la démarche n’est pas la meilleure et le montant est assez élevé par rapport aux autres équipes africaines engagées dans la compétition. Mais, elles traduisent le malaise du football camerounais et de la société en général. Une société victime de la mauvaise gestion. C’est cette mauvaise gouvernance qui avait poussé Jean Bruno Tagne à dire d’un ton prophétique au sujet des lions en 2010 « programmé pour échouer ». On constate que le caillou des primes a pris place et s’installe progressivement dans la godasse du Cameroun, pourtant, sérieux protagoniste au titre mondial. En tout cas, comme on dit au pays de Samuel Et’o, de Roger Milla ou encore de Patrick M’Boma, « impossible n’est pas Camerounais ».

NB:  A tous mes lecteurs, je lance à travers ce billet une nouvelle catégorie sur mon blog. Elle sera dédiée à la coupe du monde vue de chez moi c’est-à-dire de la ville où je vis à savoir Dschang . Vous aurez des analyses, des interviews, des comptes rendus. Bref, l’ambiance du mondial. Je vous recommande ce lien pour en savoir plus sur la préparation des lions indomptables.


Les femmes mariées mangent déjà le gésier

Première de couverture. Crédit image: Franck kemayou njekoua
Première de couverture. Crédit image: Franck kemayou njekoua

La dédicace du dernier ouvrage de Marcel KEMADJOU NJANKE Les femmes mariées mangent déjà le gésier a eu lieu hier dans la ville de Dschang au foyer culturel de Keleng. L’auteur qui a à son actif une dizaine d’ouvrages ballade le lecteur autour de diverses thématiques: conflit interreligieux,  conflit de génération, la parité des genres… Il est également le promoteur du Festival International de Poésie 3V qui se tient au début de chaque mois de décembre depuis 2007. Je vous propose le compte rendu de lecture de cet ouvrage. Une signature de Franck kemayou njekoua.

Les femmes mariées mangent déjà le gésier est un ensemble de racontage. Son auteur, Marcel KEMADJOU NJANKE, est un poète,  raconteur et romancier résidant à Douala au Cameroun. Il est avant tout commerçant au marché Mboppi  dans la même ville. Les femmes mariées mangent déjà le gésier publiée en 2013 aux éditions Ifrikiya, est son deuxième livre du genre après DIEU n’a pas besoin de ce mensonge (2009). Cette mention racontage en dessous du titre, loin d’être considérée comme un nouveau genre littéraire créé, est perçu par l’auteur comme un triptyque de l’art littéraire ayant pour noyau la langue dans la plénitude de son usage auquel se greffe la liberté qui insuffle au psychisme humain sa plasticité et au parler son dynamisme interne. Et bien sure la beauté. Non pas cette beauté superficielle, mais cette symbiose parfaite entre l’intention pure, le champ d’action qu’on s’est défini et son accomplissement logique.

L'auteur Marcel Kemadjou Njanke (au centre), le Pr Alain Cyr Pangop (à gauche) et Franck Kemayou (à droite). Crédit image: Ulrich Tadajeu
L’auteur Marcel Kemadjou Njanke (au centre), le Pr Alain Cyr Pangop (à gauche) et Franck Kemayou (à droite). Crédit image: Ulrich Tadajeu

Ce chef d’œuvre de 179 pages divisé en 6 parties, retrace une histoire narrée sous formes de « kongossa » et dite par 4 personnages interne au récit. Il est bien question du couple « Bitacola /Petit bonheur ». Face au naufrage de son mariage, Bitacola femme au foyer sollicite l’aide de son beau-père qui à travers une conférence matrimoniale, essaye de tirer de l’abîme l’union de ce jeune couple qui y était presque.

 Comprise entre le Noun (Foumban, Foumbot, Massangam et Magba) et le Littoral (Douala), cette odyssée est ouverte et couverte par plusieurs  thèmes tels que : le conflit interreligieux, le conflit de génération, la parité des genres,  le tout couronné par un choc de civilisation. Dans une compilation de proverbes, de paraboles, de paroles imagées, de détails accrochants, de comparaisons troublantes et des couleurs riantes. L’auteur se sert de la langue, pas cette langue française de Molière mais une langue française « made in Cameroun » pour étaler ses réflexions truffées de l’actualité nationale et internationale, pour ressortir clairement sa thèse et son point de vue : les femmes, même mariées ne doivent pas manger le gésier par ce que même si « l’homme porte une barbe ; la femme aussi, le gésier se mérite. »(p172).Un façon de dire que dans le foyer, l’homme et la femme, bien qu’ils se complètent ne sont pas égaux. Les responsabilités familiales sont clairement établies : la femme gardienne de la famille n’est pas égale de l’homme, qui est le chef de la famille.

Dans la première partie de l’ouvrage : la ou le roi va seul et à pieds, l’auteur nous transporte dans une description pleine d’images, dans les profondeurs du pays Bamoun (principal théâtre de toute l’histoire) qu’il considère comme « un grand et beau pays, un pays comparable à une bonne et vieille dame chargée de douleurs de la générosité  des siècles. »(p.9).Dans cette même partie l’auteur, incarné dans le personnage de MOO NDIAYIE, revient sur la problématique de l’appropriation de la langue française (langue de colonisation) pour les indigènes. Pour MOO NDIAYIE, « ce français qui sépare ce qui est attaché, qui aime tout mettre en pièces détachées, qui à trop de règles, trop d’interdits pèse comme une loi, soumet et conditionne l’être humain. »(p12).Or ce français est si différent du notre. Conquis et soumis par la force et la volonté créatrice des africains ; « il est le français qui dit mieux nos réalités que toutes les académies de la terre. » (p13).

Dans la seconde partie de l’ouvrage : il n ya pas de petit chef de famille, tout en revenant sur le rôle de chaque conjoint, l’auteur  nous plonge de plein pied dans les difficultés rencontrées par nos différents ménages,  réalité de la plupart des foyers camerounais.

Dans la troisième partie : quand le mariage est neuf le tamtam des bonnes nouvelles va loin, l’auteur tout en retraçant le quotidien sentimental de la plupart de nos jeunes veuves revient sur l’un des thèmes les plus présents chez les auteurs africains de la nouvelle génération : la sorcellerie.

 Dans la quatrième partie : ton coucous est dans tes mains, ta sauce est dans tes mains, Marcel Kemadjou en étalant les véritable sources de difficultés et de problèmes liés à la majorité des foyers aujourd’hui, propose, sous forme de proverbes et paraboles garnis de significativité, des pistes de résolution et de solution. Comme quoi « ne verse pas la sauce qui est entre tes mains pour lécher celle qui coule entre tes doigts. »(p95)

Dans la cinquième partie : chaque rivière à ses coquillages, l’auteur nous rappelle  l’imperfection de l’être humain et ses conséquences  sur sa personne. L’imperfection n’est pas de ce monde. Il vaut mieux ne pas l’exiger  de qui que se soit, parce que, comme il le dit si bien « c’est la chair qui cache ce qu’il ya dans le cœur des gens . Il n’y a pas d’être humain sans problème et il n’y a pas une  seule personne sur la terre qui peut dire que son cœur danse tous les jours. »(P103)

 Enfin dans la sixième partie : les femmes mariées mangent déjà le gésier, tout y est, tout est fait. L’harmonie, l’entente et le respect mutuel entre les conjoints ne peuvent que renforcer les liens sacrés du mariage par ce que « la compréhension mutuelle est supérieure à la force. » (p140)

En dernière analyse, les femmes mariées mangent déjà le gésier peut se donner le mérite d’avoir, dans un langage propre aux camerounais et au Cameroun,  une contribution non négligeable  dans la résolution d’un problème auquel les camerounais font face : les difficultés rencontrés au sein du foyer.

 Bien que s’achevant de manière abrupte, nous pouvons affirmer que cet ouvrage nous propose quelque chose de nouveau dans la façon de résoudre désormais les problèmes de couple. Cet ouvrage peut être considéré comme une source privilégiée et crédible pour les études et la recherche dans les différents domaines et thèmes abordés par l’auteur dans son œuvre .Vivement que les femmes mariées comprennent  qu’elles ne doivent pas manger le gésier !

© Correspondance de KEMAYOU NJEKOUA Franck


Grand Bassam, une ville historique

Entrée de la ville historique de Grand Bassam. Crédit image: bp.blogspot.com
Entrée de la ville historique de Grand Bassam. Crédit image: bp.blogspot.com

Mon séjour en Côte d’Ivoire, dans la localité de Grand Bassam, m’a permis de découvrir une ville historique. En effet, la ville de Grand Bassam abrite actuellement un ensemble de bâtiments qui datent de l’époque coloniale. Certains ont été restaurés, d’autres attendent leur restauration. Et ce sont ces bâtiments qui font tout le charme du quartier France et lui ont peut-être permis d’être patrimoine mondial de l’Unesco en 2012. En guise de rappel, Grand Bassam est la première capitale de la Côte d’Ivoire. En effet, après l’installation des Français en 1893, ils firent de cette ville la capitale. Pendant près de 7 ans, Grand Bassam était la capitale jusqu’à ce que la troisième épidémie de fièvre jaune en 1899 décime 45 Français sur les 60 présents dans la ville. Après ce drame en 1900, la capitale devint Bingerville.

Lorsqu’on se lance dans la visite du quartier France, on remarque tout de suite que les boulevards et les rues portent les noms des anciens administrateurs coloniaux. C’est le cas de la rue Capitaine Marchand, du boulevard Treich Lapleine ou encore du boulevard Angoulvant…Devant les bâtiments, une plaque de couleur bleue indique l’année de construction, l’ancien nom et le nouveau nom (depuis la restauration). Je me permets de présenter dans ce billet quelques bâtiments qui datent de très longtemps et ce qu’ils sont devenus.

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Le premier bâtiment qui attire l’attention est l’actuel musée national du costume. Ancien palais du gouverneur, il a été construit en 1893 alors que la Côte d’Ivoire devenait une colonie française. Le premier gouverneur de cette colonie Binger y a séjourné pendant sa présence. La visite que nous y avons faite nous a permis de découvrir les toilettes du gouverneur ainsi que son bunker. Il est depuis 1981 le musée national du costume. Ce musée comporte une collection sur les costumes des différents peuples de la Côte d’Ivoire, une maquette des différents types d’habitation des peuples ivoiriens et quelques images sur l’histoire de ce pays.

L'intérieur du musée du costume. Crédit image: Ulrich Tadajeu
L’intérieur du musée du costume. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Musée National du Costume. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Musée National du Costume. Crédit image: Ulrich Tadajeu

La maison des artistes, ancien office des chargeurs réunis, abrite depuis sa restauration au début de la décennie 1990 une exposition des artistes plasticiens. Parce qu’il faut rappeler qu’étant en bordure de l’océan, Grand Bassam abritait un wharf qui permettait de transporter la marchandise et autres produits.  Parmi les bâtiments qui ont été restaurés, notons également l’hôpital de Grand Bassam. Construit en 1905, l’ancien hôpital de grand Bassam est devenu depuis sa restauration le dispensaire urbain de la ville.

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L’ancien office des chargeurs réunis devenu la maison des artistes. Crédit image: Ulrich Tadajeu
L'ancien hôpital de Grand Bassam devenu dispensaire urbain depuis sa restauration. Crédit image; Ulrich Tadajeu
L’ancien hôpital de Grand Bassam devenu dispensaire urbain depuis sa restauration. Crédit image; Ulrich Tadajeu

L’actuel centre de céramique est aussi un bâtiment colonial. Il a été construit en 1910 et était une place des fêtes dans le quartier. Il était destiné aux loisirs de la société coloniale notamment les fêtes, le cinéma. Quelques mètres après se trouve l’ancien marché de Grand Bassam. Il existe également deux grands marchés : le marché aux légumes et le marché de la viande construits en 1934. Le premier marché est devenu la bibliothèque municipale alors que le second est désormais le centre culturel Jean Baptiste Mockey.

La bibliothèque municipale, ancien marché. Ulrich Tadajeu
La bibliothèque municipale, ancien marché. Ulrich Tadajeu
L'actuel cercle de céramique, ancienne place des fêtes. Ulrich Tadajeu
L’actuel cercle de céramique, ancienne place des fêtes. Ulrich Tadajeu

D’autres bâtiments n’ont pas été restaurés. C’est le cas de l’ancien palais de justice qui est envahi par les herbes et la brousse. Il se trouve en face du musée national du costume. L’hôtel France est l’ombre de lui-même. Aucun aménagement,  il est toujours avalé par la brousse comme la photo ci-dessous le montre.

L’hôtel France abandonné à lui même. Ulrich Tadajeu.
L’hôtel France abandonné à lui même. Ulrich Tadajeu.

L’histoire fait partie du patrimoine. Pour ce qui est de Grand Bassam, en dehors du patrimoine immatériel, il y a ce patrimoine matériel visible par tous et qui rehausse le charme de cette ville. Une ville historique tout de même de par cet héritage encore visible des bâtiment, mais surtout des boulevards et rues.


Sept choses que j’ai retenues d’Abidjan

Une vue des grattes ciel d'Abidjan. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Une vue des gratte- ciel d’Abidjan. Crédit image: Ulrich Tadajeu

Mon séjour en Côte d’Ivoire s’est achevé hier. Comme certains, je suis triste de quitter ces hommes et femmes merveilleux. Je suis tout de même heureux d’avoir beaucoup appris de ces personnes et surtout de la Côte d’Ivoire à partir de Grand Bassam.

Premièrement, la nourriture. J’ai beaucoup aimé l’attieke, la semoule de manioc qu’on mange sous forme de garba c’est-à-dire accompagnée d’un morceau de poisson et des tomates et autres condiments. Mais l’attieke peut également se manger avec la sauce tomate et du poisson. L’alloco est aussi succulent que l’attieke. C’est un plat fait de banane-plantain mûre qu’on découpe en carreaux avant de faire frire dans l’huile de palme. Il se mange soit simplement,  soit accompagné du poisson.

Deuxièmement, les expressions nouchi. C’est vrai que le grand frère Moussa les avait déjà présentées dans un de ses merveilleux articles. Mais, j’ai pu écouter ou prononcer quelques unes de ces expressions. La plus célèbre à mon avis est #Kpakpatoya. Dérivé de Kpakpato, elle désigne le commérage. Kpakpatoya signifie ce que les Camerounais appellent Kongossa.  C’est grâce à ce voyage que j’ai découvert la raison d’être du célèbre hashtag #Kpakpatoya.

A Abidjan, ce qui est frappant c’est diversité des taxis. Il y a d’un côté les taxis compteurs qui ont la couleur orange. Ces taxis roulent partout à Abidjan. Par contre, dans les communes, les taxis sont appelés « Woro-Woro » et les couleurs varient en fonction des communes. A Cocody par exemple, les taxis sont de couleur jaune alors qu’à Koumassi, à Marcory, c’est la couleur verte qui domine.

Quatrièmement, le quartier plateau. Ce centre d’affaires ou World Trade Center (WTC) comme l’appellent certains Ivoiriens est impressionnant avec ses gratte-ciels, immeubles, ponts, bâtiments administratifs qui s’y trouvent. J’ai été impressionné par ces immeubles très grands, bien construits et très propres. C’est difficile d’imaginer que cette ville a été secouée par une crise politique il y a quelques années.

Un taxi à Abidjan. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Un taxi-compteur à Abidjan. Crédit image: Ulrich Tadajeu

La monnaie de la sous-région Afrique de l’Ouest. Les pays de cette zone utilisent le F Cfa comme dans la zone Cémac : la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale . Mais ce n’est pas la même chose. Il a fallu que je convertisse les F Cfa Cémac en F Cfa Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) pour pouvoir les utiliser. Les billets, les pièces sont différents. En zone Cédéao les billets sont plus petits que ceux de la Cémac. On peut également remarquer la présence des pièces de 200 F Cfa ou encore de 250. Ce qui n’existe pas en zone Cémac. Les billets de 10 000 F Cfa ont la couleur violette comme ceux de la Cémac.

Billet de 5000 fcfa en zone CEDEAO. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Billet de 5 000 FCfa en zone Cédéao Crédit image: Ulrich Tadajeu

Même si avec les copains et copines de Mondoblog, nous avons visité Abidjan, nous étions basés à Grand Bassam. Deux choses m’ont marqué à Grand Bassam. D’abord la boîte de nuit « No Limit ».  C’est, selon les Bassamois et autres Ivoiriens, la plus grande discothèque d’Afrique de l’Ouest. Les mondoblogueurs ont tellement parlé de ce lieu de détente au point où j’ai été obligé de le découvrir. Le coin n’était pas assez couru comme je l’aurais imaginé, mais le Disc Jockey (DJ) assurait, les personnes étaient agréables. Juste à côté, il y avait des maquis qui m’ont permis de prolonger la soirée. Les maquis sont des lieux où l’on peut consommer de l’alcool. Au Cameroun, on les appelle « bars ».

Ensuite, parce que c’est une vieille ville parce qu’elle a été de 1893 à 1900 la première capitale de la Côte d’Ivoire. Les Français ont peuplé ce territoire et y ont construit des maisons. Tandis que certaines habitations ont été restaurées, d’autres ont été abandonnées. C’est le cas de l’actuel musée national du costume. Ancien palais du gouverneur, il abrite depuis 1981 une exposition sur les costumes des différents peuples de la Côte d’Ivoire. Par contre, l’ancien hôtel France n’a jamais été réhabilité. C’est un vieux bâtiment dégradé qui attend sa réhabilitation pour faire valoir son charme à nouveau. Cette vieillesse charme le touriste qui arrive. Parce qu’elle rend la ville particulière et originale.

Le musée national du costume de Grand-Bassam, ancien palais du gouverneur. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Le musée national du costume de Grand-Bassam, ancien palais du gouverneur. Crédit image: Ulrich Tadajeu

Le séjour ivoirien n’était pas n’i-voi-rien. Il m’a fait voir beaucoup de choses. J’ai découvert une partie de la terre éburnéenne.

Bien sûr, il y a enfin la grande diversité des participants à la formation. C’était unique de partager la vie avec eux, de se former en leur compagnie et de danser dans l’eau avec certains.

Un seul mot : mè shaglè! à tous ceux qui ont rendu ce voyage possible.

 

 


Grand Bassam 1949 : les femmes ont marché pour la libération des hommes

Monument des femmes battantes de Grand Bassam. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Monument des femmes battantes de Grand Bassam. Crédit image: Ulrich Tadajeu

La commune de Grand-Bassam, située à 40 km à l’est d’Abidjan, me berce depuis six jours. C’est la formation Mondoblog qui m’y amène. Avant d’arriver, je me suis renseigné sur la spécificité de cette ville. C’est une ville historique. Sa proximité avec l’océan Atlantique, mais surtout son importance historique lui ont permis d’abriter un important patrimoine culturel et artistique. J’ai fait un petit tour dans la ville pour découvrir ce patrimoine. A ma grande surprise, ce que j’étais curieux de voir a connu quelques modifications. J’ai été marqué par la place centrale « place de la paix » où les femmes ont joué un rôle important dans l’histoire de la ville.

Un monument est dédié à la marche des femmes du 24 décembre 1949. A la suite de l’incarcération de leurs époux la même année, elles décidèrent de marcher sur Grand Bassam pour obtenir leur libération et pour se soulever contre le colonialisme. Le 24 décembre 1949, elles se sont dirigées sur Grand Bassam en empruntant l’actuel pont de la victoire. Elles avaient pour objectif de rallier la prison civile située à quelques mètres à l’est de ce pont. Malheureusement, elles ont été arrêtées par les autorités coloniales, puis brutalisées avant d’être tuées. Leurs époux n’ont pas été libérés, certes, mais le courage de ces femmes est à saluer. En mémoire de cet événement tragique, le pont de la victoire a été construit pour saluer leur soulèvement.

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Pont de la victoire sur lequel ont marché, les femmes battantes en 1949 pour demander la libération de leurs époux. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Plaque indiquant la présence du pont de la victoire. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Plaque indiquant la présence du pont de la victoire. Crédit image: Ulrich Tadajeu

A la différence de ce que l’on pense souvent, les femmes ont joué un rôle important dans le processus de libération des peuples africains. Ces actions que nous avons découvertes ici à Grand Bassam ne sont pas éloignées de celles des femmes militantes de l’Union des populations du Cameroun (UPC) au Cameroun.

Certes la femme ne sera jamais l’homme, l’homme ne sera jamais la femme. Mais pour participer de manière efficiente et efficace à l’évolution des sociétés africaines actuelles, les femmes africaines doivent s’inspirer de ces modèles.

A bientôt, depuis Abidjan!


L’air m’a baptisé

Le monde vu de la fenêtre d'avion. Crédit image: Ulrich Tadajeu
Le monde vu de la fenêtre d’avion. Crédit image: Ulrich Tadajeu

Je suis à Abidjan depuis hier. Bien sûr, je n’y suis pas arrivé par route. J’ai pris le vol. Ouf ! Enfin, je prends le vol. Enfin, j’entre dans l’avion après toutes les procédures qu’on fait à l’aéroport, on monte, on descend…Je suis sorti de mon Cameroun natal pour un ailleurs, un autre pays situé en Afrique de l’Ouest : « Le pays des éléphants ». Malgré les ressemblances avec Douala, Yaoundé ou encore Kribi, j’y décèle déjà quelques différences. J’y reviendrai. J’ai pu contempler le monde vu de l’air, vu de l’infini. C’est la chose marquante de mon baptême de l’air. Découvrir le monde, les villes à partir du haut. Voir la totalité, la globalité à l’infini. Jusque-là, je l’avais fait à partir de la terre. C’est-à-dire de façon rapprochée et particulière. J’ai pu me rendre compte à quel point le monde est non seulement infini, intéressant, mais que l’homme est une mouche dans cet infini. 

En fait, tout ce que l’homme invente pour dompter la nature et le monde, c’est par complexe. Il veut juste montrer qu’il peut faire quelque chose. Généralement, je me dis qu’après les nuages, il n’y a plus rien. Parfois, je confonds les nuages et le ciel. C’est vrai que la géographie aurait dû résoudre le problème. Mais faire l’expérience de cette différence a mieux résolu l’équation que la géographie. Je me suis dit que, mais il ne faut pas qu’à des milliers de kilomètres de la terre, quelque chose se passe. Bref, parfois on est inquiet. Parfois, on est ébahi. On se demande, mais comment l’homme a pu imaginer ça ? Comment a-t-il imaginé qu’il pouvait dompter les airs à travers cet appareil qu’est l’avion ? Comment ? Comment… Comment ces hommes et femmes quittent de chez elles (eux) et viennent travailler à des lieux inconnus ? Je parle des hôtesses et des hôtes. Elles (ils) font un travail courageux et énorme.

De toutes les façons, l’avion c’est l’avion. Comme je le disais en quittant le pays, il reste un moyen de locomotion de prestige parce qu’il transporte les gens sur des distances très longues, parce qu’il coûte cher. Mais surtout, c’est mon point de vue, parce qu’il est différent. Que ce soit côté propreté, côté service des hôtes et hôtesses et côté ponctualité. L’avion est propre, pas de saleté. Les hôtes et les hôtesses sont accueillants, serviables, disponibles et toujours souriants. L’avion quitte à l’heure qui est prévue sur le billet peu importe s’il est plein ou pas. Dans notre itinéraire par exemple, arrivés à Lagos au Nigeria, plusieurs passagers sont descendus et nous avons continué le vol à destination d’Abidjan moins de la moitié de l’avion. Ce sont des indices de grandeur. C’est dans cette grandeur-là qu’on appelle avion, cet engin capable de me propulser tellement haut et de me faire redescendre tellement bas que j’ai été baptisé en venant à Abidjan. L’avion m’a baptisé et c’était très intéressant.

NB: #MondoblogAbidjan c’est le hashtag sur Twitter qui permet de me traquer toute la semaine qui arrive.

 


#MondoblogAbidjan : impatient d’y être

Photo de classe Dakar 2013 par Elliot Lepers
Photo de classe Dakar 2013 par Elliot Lepers

Ce n’est plus un secret de polychinelle. Le lieu est connu ainsi que les 67 blogueurs qui prendront part à la formation Mondoblog 2014. Cette année, les blogueurs de la plateforme ainsi que l’équipe de l’Atelier des Médias ainsi que ses partenaires prendront leurs quartiers dans la capitale ivoirienne Abidjan, plus précisément à Grand Bassam. En plus des blogueurs de la saison 2014, des ainés des deux premières saisons seront également présents. Il sera question de la formation des recrues aux outils du web et de l’écriture en ligne. Après plus d’un mois d’intenses discussions avec les coachs sur les modalités et les formalités de déplacement, le Jour-J se rapproche de plus en plus. 

Me déplacer en avion pour la première fois

Je suis impatient de me déplacer en avion pour la toute première fois. Ce moyen de transport souvent considéré comme élitiste dans mon pays est sujet à de nombreuses convoitises. C’est une ascension normale. Après le vélo, la moto, la voiture, le train, je m’apprête à faire mon baptême de feu dans les airs. Depuis, je n’ai vu que des gens se déplacer à travers ce moyens de transport. Lorsque vous dites à quelqu’un dans la rue que vous allez emprunter l’avion ou alors que vous avez voyagé en avion, vous êtes considéré comme un « Blanc » parce qu’ici, malheureusement, une partie de l’opinion se dit encore que Blanc et figure de la réussite ne font qu’un : un leg colonial sans doute. Le voyageur est sujet à multiples sollicitations et voire convoitise, parfois il se fait même appelé « grand » par des plus grands. Grâce à l’avion, j’observerai l’espace vu de haut, via les airs. Ceci à la différence des observations vues de terre comme c’est le cas jusqu’à présent. Je suis impatient de l’emprunter parce que grâce à lui, j’atteindrai  un autre objectif : découvrir un pays africain autre que le mien.

Faire l’expérience du dehors

Depuis que je suis né au début de la décennie 1990 en effet, j’ai vécu, grandi et fréquenté au Cameroun. Je continue d’ailleurs mes études post-licence dans ce pays. Je connais quelques lieux de ce pays dont le nom est le fruit de l’exclamation des portugais. Mais, je n’en suis jamais sorti. Je n’ai jamais fait l’expérience du dehors si ce n’est à travers internet et les réseaux sociaux. Ce sera à ce niveau un baptême de feu également. Découvrir un pays africain, et pas des moindre, la Cote d’Ivoire. Le pays des éléphants, le pays de Felix Houphouet Boigny, Laurent Gbagbo, le pays de Didier Drogba, de Yaya Touré mais aussi de Pierre Kipré, de Francis Ankidès et du grand Venance Konan, le pays du Cacao. C’est aussi le pays de Cyriac Gbogou, de Jean Patrick Ehouman ; de Douk Saga, de DJ Arafat, de DJ Kaloudji. C’est un des pays leaders de la CEDEAO. Mais, c’est aussi le pays qui a sombré dans un conflit sanglant après l’élection présidentielle de 2010. C’est dans ce pays tantôt joyeux, tantôt triste, situé en Afrique de l’ouest que je suis appelé à déposer mes valises pour quelques jours. Plus besoin de dire que c’est grâce à Mondoblog. C’est d’ailleurs de cette communauté de jeunes blogueurs que découle ma troisième raison d’être impatient.

Une expérience magique

Pendant 10 jours, plus de 67 personnes de plus de 7 nationalités vivant sur 4 continents et ayant une passion pour le web vont partager la vie ensemble autour de ce qui leurs est commun mais aussi de leurs différences respectives. C’est en ceci que #MondoblogAbidjan s’annonce magique pour moi. Jamais je n’ai eu à rencontrer autant de jeunes de différentes nationalités, de différentes cultures et habitudes mais ayant en commun d’autres choses parmi lesquelles la passion pour le web. J’ai eu à discuter, à collaborer avec plusieurs de ces blogueurs. Nous nous lisons, commentons les contenus. Mais la rencontre sera davantage magique et lèvera le voile sur les préjugés.

Je suis impatient de faire communauté avec cette diversité créatrice, avec ces jeunes talentueux. Même s’ils sont nombreux, des noms se détachent du lot. D’abord, les grands frères Cyriac Gbohou de la Cote D’Ivoire et David Kpelly du Togo mais vivant au Mali. J’entendais parler de Cyriac Gbohou depuis bien longtemps mais c’est le message qu’il nous a adressé après les résultats de sélection de la promotion 2014 des mondoblogueurs qui m’a beaucoup marqué et a suscité un intérêt pour lui. Il y’a eu par la suite #MapauseDigitale en Fevrier dernier à Douala. Il intervenait en direct de l’Afrique du Sud et n’a pas hésité à donner des conseils aux blogueurs camerounais. David Kpelly sera avec nous. Ce grand frère m’a beaucoup encouragé à participer aux concours mondoblog. Malgré un premier échec et, avec ses encouragements toujours renouvelés, la seconde fois a été la bonne. Et je suis impatient de le rencontrer pour lui dire « grand frère, tes encouragements m’ont aidé et je suis ici avec toi ». Je suis également impatient de rencontrer Aph Tahl Cissé, l’ami togolais qui fait raisonner le bruit du silence et Babeth, la femme aux humeurs nègres avec qui j’ai collaboré dans le cadre de billets collectifs. Je reste convaincu que nos échanges avec Serge Katembera, l’homme derrière carioca Plus seront fructueux parce qu’au-delà de bloguer, nous semblons avoir un goût commun pour la recherche, pour les sciences sociales. Enfin, bien sûr les coachs, nos « Mourinho » qui sont chaque jour disponibles pour nos soucis techniques. Ziad maalouf, Simon Decreuze, Manon Mella et Raphaelle Constant.  Je suis impatient de conjuguer ma vie avec cette pluralité d’individus pendant quelques jours et pour le restant de la vie.

Mais en attendant qu’on y soit, je dois boucler mes exercices. Seuls les connaisseurs suivent mon regard !


Venez un peu au pays !

La diaspora camerounaise en compagnie du président Paul Biya. Crédit image: https://journal.rdpcpdm.cm/
La diaspora camerounaise en compagnie du président Paul Biya. Crédit image: https://journal.rdpcpdm.cm/

Depuis quelques temps, j’entends des Camerounais de la diaspora se plaindre et dire que les Camerounais ne parlent de leur pays qu’en mal. Ils passent le temps à dénigrer ce pays alors qu’il n’est pas si mauvais. Ainsi, en regardant des vidéos d’une jeune dame vivant aux Etats-Unis on a pu entendre un « ça suffit ! ». D’autres en France, aux Etats-Unis, bref en Occident estiment que si le Cameroun est ce qu’il est, c’est à cause de la France. Le comble est qu’ils disent qu’il faut se battre pour changer les choses, leur fond de commerce est ce discours, mais ils ne rentrent pas pour mener le combat et tourner le dos à cet Occident machiavélique. 

J’invite ces Camerounais au pays pour quelques mois afin qu’ils découvrent la réalité du pays. Déjà qu’ils ne pourront pas vivre pendant plus d’une semaine dans la mesure où il n’y aura pas d’électricité, pas d’eau. Tout ce qu’ils écouteront à la télévision tournera autour du président Biya, de sa beauté, de sa bonté, de sa toute-puissance. Bref, du griotisme. Tandis que les populations souffrent, les vassaux du chef central, papi président, n’auront de distractions que de célébrer leur « créateur ineffable ». Quand ils arriveront, ils seront surpris que pour une petite maladie, ils peuvent perdre la vie à cause d’un plateau technique sanitaire défaillant. Ils découvriront le Cameroun dans son quotidien et n’auront plus de voix pour dire que les Camerounais se plaignent trop. Ils constateront même qu’ils sont très patients. C’est pourquoi je les invite à tourner le dos à l’Occident dont ils disent qu’il est le bourreau éternel de l’Afrique et à découvrir le pays natal, à vivre les réalités quotidiennes sur un temps long.

C’est incompréhensible que des individus intelligents passent leur existence à dénoncer le néocolonialisme de l’Occident et dans le même temps, vivent en/de l’Occident. C’est même paradoxal! Venez chers compatriotes, venez combattre ici. Sinon, vous vous tromperez toujours sur l’origine du problème. Ce sont nos responsables qui ont pris en otage nos destins collectifs et nous rendent la vie difficile par manque de vision politique. Déplacer votre zone géographique vous aidera à déplacer votre grille de lecture. Venez au pays, même pour deux mois et vous comprendrez. Vous comprendrez que les Camerounais ne se plaignent pas de gaieté de cœur. C’est juste parce que les conditions de vie sont rudes. Et c’est cette rudesse qui a certainement motivé votre départ vers d’autres horizons.

Venez un peu au Cameroun et vous comprendrez !


Achille Mbembe déconstruit le principe de la race

Première de couverture.
Première de couverture.

Dans ce billet, je fais une note de lecture de l’essai critique de la Raison nègre publié par l’intellectuel Achille Mbembe en octobre 2013. Achille Mbembe propose dans son dernier ouvrage Critique de la raison nègre  un texte critique sur notre temps. Il remet en cause la loi de la race c’est-à-dire le paradigme de l’assujettissement, de la mise à mort d’autrui qui a, jusqu’ici, orienté les prises de décision dans le monde. Malgré le néolibéralisme annonciateur d’un devenir nègre du monde, il scrute un avenir commun pour victimes et bourreaux d’hier, dépouillé enfin, c’est son souhait, du fardeau de la race.

C’est l’idéologie de l’exclusion et de la domination de l’autre qui est appelée dans cet ouvrage « raison nègre » (p.24). Dictée par la loi de la race, c’est-à-dire l’exclusion de l’autre pour sa différence, son assujettissement et sa mise à mort, « la raison nègre » s’est répandue avec le capitalisme industriel du XVIIIe siècle. La finalité de cette idéologie étant de légitimer la puissance de l’Europe, son capitanat sur le monde. Les événements majeurs au cours desquels cette idéologie raciale s’est développée sont la traite négrière, la colonisation et l’apartheid. Se considérant comme le pays natal de la raison, l’Europe a inventé le Nègre comme sujet de race c’est-à-dire un objet de son maître, dominé, asservi et humilié parce qu’étant différent. C’est dans ce sens qu’il dit du Nègre qu’il est une « fabrication, une assignation, le sobriquet dont l’autre m’a habillé et dont il cherche à m’enfermer parce que je suis différent » (P.76). Le terme « Nègre » ainsi que le nom « Nègre » sont utilisés pour désigner une « humanité à part » qui est « sans part » parce que n’étant pas comme nous. Des individus qui ne servent à rien, si ce n’est à produire une plus-value. Ce sont des marchandises au service du capital. Le Nègre est par ailleurs un être mauvais, un idiot, une race inférieure qui n’aurait rien à apporter au travail de l’esprit et au projet de l’Universel. Et c’est pour ramener cet idiot à la raison que les colons ont justifié la mission coloniale. Une mission qui partait du principe selon lequel, étant une civilisation supérieure, l’Europe devait apporter la civilisation aux civilisations inférieures. C’est alors que naît l’ordre colonial. Un ordre axé sur une double violence, la violence symbolique d’une part ; la violence physique d’autre part. La violence symbolique consistait à assimiler le Nègre à l’Occidental, nier son existence propre afin qu’il n’existe que pour son maître. Le potentat colonial avait un miroir à travers lequel il regardait le Nègre. Et pour être vu, ce dernier devait cesser d’être lui-même pour s’habiller, se costumer et devenir non pas le maître mais « comme » le maître. Cette violence à l’égard du passé et du futur du Nègre avait pour finalité de le dresser et de le convertir. Elle finissait par désubstantialiser la différence. C’était également un potentat violent physiquement. Achille Mbembe parle de sa « part maudite ». P 154

Mais au fond, tout n’a pas été enlevé au Nègre. Peut-être que la violence abîme et endommage son corps, ce pouvoir nocturne l’humilie, mais il ne lui enlève pas la parole encore moins la faculté de produire la vie et la civilisation. C’est parce que face à cette mise à mort, cette proximité avec les ténèbres, le Nègre n’est pas mort, mais a su se transformer qu’il mérite bien un « requiem ». Au-delà du sens connu de requiem qui est fait à la mémoire d’un disparu pour le pleurer, Achille Mbembe célèbre le Nègre comme un revenant de la modernité. C’est-à-dire, celui qui a réussi à se transformer par la destruction : un transfiguré.

Pour le penseur africain, même si l’Europe a cessé d’être le « centre de gravité du monde », on se dirige de plus en plus vers un « racisme sans races ». Il s’agit désormais des exclus du simple fait de la différence de leurs cultures et de leurs religions. C’est le cas de l’islamophobie ambiant. C’est ainsi qu’on va vers un « devenir-nègre » de l’humanité. Le Nègre n’est de ce fait plus la condition exclusive des Noirs d’origine africaine mais de tous les opprimés, les exclus du capitalisme animiste. Le capitalisme animiste est la mutation du capitalisme industriel ancien à l’époque néolibérale actuelle. C’est un capitalisme numérisé qui réduit le sujet humain en un code numérique. Le Nègre prend désormais une autre forme qui n’est plus seulement raciale mais plutôt la forme dominée, exclue. C’est le subalterne, celui dont le capital n’a pas besoin (P 254).

Comme sortir de la grande nuit, Critique de la raison nègre essaye d’imaginer un futur possible pour le monde, un monde débarrassé de ses maux les plus criards que sont l’exclusion et la domination. Et comme une prophétie, l’intellectuel camerounais affirme qu’il « n’y a qu’un seul monde » constitué de plusieurs parts. Ce monde est ce que tous les humains ont en commun et en partage. Mais, pour que tous les habitants de ce monde se reconnaissent comme des ayants droit égaux, il propose une éthique de la réparation et de la restitution. Plus exactement, il s’agit de « restituer à ceux et celles qui ont subi un processus d’abstraction et de chosification dans l’histoire la part d’humanité qui leur a été volée » (P. 261). Achille Mbembe précise par la suite la forme que pourrait prendre de telles réparations. Il est question, dit-il, des réparations symboliques pour nettoyer les « lésions » laissées par l’histoire. Ces réparations permettront une « montée collective en humanité » c’est-à-dire atteindre un monde débarrassé du « fardeau de la race » (P.242) Ce monde où l’on partage les différences. Une sorte de « tout-monde » Glissantien, bref la citadelle afropolitaine.

A la suite d’Edward Said et de Valentin Y. Mudimbe, Achille Mbembe critique les savoirs produits par l’Occident pour dominer les autres. Il s’insurge contre les divisions, l’exclusion, la différence et toutes les pratiques actuellement en cours visant à diviser le monde en deux races : celle des dominés et celle des dominants. Que ce soit l’immigration, la différence, le capitalisme, le racisme, l’intolérance religieuse et culturelle, le révisionnisme. Comme Edward Said, il critique l’invention du « Nègre » par l’Occident. Rappelons à ce sujet que dans L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, l’universitaire américain d’origine palestinienne s’insurge également contre la création de l’Oorient par l’Occident. Il déclare : « L’Orient est un fantasme produit par les Occidentaux qui affichent ainsi une certitude, leur supériorité et répond à leurs intérêts, la domination. Il faut mettre au jour l’histoire de ces préjugés anti-arabes et anti-musulmans, les déconstruire et les dénoncer. » Et cette invention, comme ce fut le cas en Afrique, répondait à une mission précise : nier l’Oriental, le désubstantialiser, le diaboliser pour justifier et légitimer la mission coloniale. La raison nègre comme l’orientalisme étaient des savoirs, des discours produits par les scientifiques occidentaux, en l’occurrence les voyageurs, explorateurs et hommes de sciences pour légitimer la mission coloniale.

Le texte de Mbembe est à la fois un texte critique sur notre temps, un texte critique sur le passé de l’humanité, mais également une note d’espérance. Une espérance qui se conjugue avec justice, responsabilité et partage. C’est un ouvrage qui pourrait intéresser autant un historien, qu’un littéraire, un philosophe qu’un sociologue, un Africain qu’un Européen. Bref, c’est un texte-monde qui transcende les frontières géographiques, les frontières disciplinaires. C’est le texte d’un penseur indiscipliné à lire car à notre avis, il influencera de manière importante la pensée critique de notre temps et du temps qui vient. Mais peut-il réellement exister un monde débarrassé de la race ?

Achille Mbembe, Critique de la raison nègre, paris, La Découverte, 2013. 267 P.


Où sont les femmes ?

crédit image: jewanda-magazine.com
crédit image: jewanda-magazine.com

J’ai assisté il y a quelques jours à l’installation des délégués et représentants d’étudiants de mon université, l’université de Dschang. Plus de 70 personnes ont été installées. Présidents de club, délégués de niveau, délégués de filière, délégués des facultés. J’ai observé la cérémonie qui était présidée par le recteur de l’université, le professeur Anclet Fomethe. J’étais très attentif lorsque le responsable des activités culturelles lisait la décision constatant l’élection de ces délégués. A la faculté des lettres et sciences humaines (FLSH) par exemple, sur 41 délégués, l’on ne compte qu’une fille. Au bureau de l’Association des étudiants de la même faculté, sur 7 membres, il n’y a qu’une fille. Dans les autres facultés, il y a des bureaux où l’on ne trouve même pas une fille. Aucune fille n’est donc déléguée générale de faculté à l’université de Dschang. Du côté des clubs culturels, l’université de Dschang en compte 27. Sur 27 présidents élus, 2 sont des filles. Une dans un club de femmes, à savoir le club majorette, et l’autre dans le tout nouveau Club éducation civique et intégration nationale (CECIN).

Après des minutes d’écoute et ayant pris connaissance de ces faits, je me suis posé la question : mais où sont les femmes ? Parce que sur les 27 présidents de club, on comptait à 2 femmes. Je me suis demandé : mais que font-elles ? Comment est-ce possible que les femmes revendiquent leurs droits alors qu’elles refusent de prendre les responsabilités ? Je parle bien de « refuser » parce que j’ai assisté aux élections qui ont conduit à la désignation de ces représentants. Malgré la volonté de certains garçons d’accompagner des filles, elles étaient toujours réticentes. Mais si les femmes ne veulent pas se responsabiliser, si elles ne veulent pas prendre le pouvoir, personne ne viendra le faire à leur place. Personne ne leur donnera. Je côtoie les femmes au quotidien. C’est vrai qu’il y a plusieurs sur qui on doit et peut compter de par leur dynamisme. Mais elles sont encore minoritaires. Et à la différence de ce que certains pensent, beaucoup de jeunes filles sont encore victimes des préjugés de nos sociétés et se mettent en retrait en se servant des justifications sans tête ni queue. Je suis désolé d’être dur avec les femmes cette fois. Mais je me rends compte que c’est important et urgent. Nombreux sont ceux qui ont encore des grilles de lectures machistes. Ces derniers passent le temps à justifier cet état de choses par la domination de l’homme. Ce qui n’est pas toujours vérifié. Parfois ce sont les femmes elles-mêmes qui se marginalisent.

Je les invite à s’auto-questionner. Où sommes-nous ? Que faisons-nous par rapport à nos droits ? Que faisons-nous pour nous mettre en avant et participer à la vie universelle, à la prise des décisions ? Que faisons-nous de l’héritage de nos mères qui se sont battues pour que les droits de la femme soient admis ? Bref, qu’avons-nous fait de ce que nous avons reçu en héritage ? De ce questionnement jaillira une réponse révolutionnaire qui permettra aux femmes de participer à la vie collective. Sinon, peut-être qu’elles veulent toujours être le « sexe faible » ? Du moins, c’est ce que les faits observés cette semaine peuvent laisser croire. En fin de compte, la question demeure : où sont les femmes ? Au lieu de fêter le 8 mars, elles doivent peut-être conquérir les postes de leadership.

NB : La réalité que je décris est spécifique à l’environnement qui est présenté dans ce texte. Il n’est pas général. J’ai juste fait une observation sur les leaders estudiantins de mon université.

 


Le Cameroun éligible aux ressources de la BIRD

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C’est la teneur du communiqué du le Ministre de l’Economie de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) Camerounais rendu public le 10 Avril 2014 depuis Washington. En effet, depuis plus d’un an, l’Etat camerounais est en négociation avec les institutions de la Banque mondiale pour évaluer les capacités du pays à accéder à ce programme de financement. La décision prise est selon le communiqué du ministre le fruit d’un processus qui a débuté en Octobre 2013. C’est à cette période que le gouvernement camerounais sollicite son éligibilité au guichet de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) à l’occasion des assemblées annuelles du FMI et de la BM à Washington. Cette éligibilité  est sollicitée pour bénéficier des financements d’un « montant plus élevé que ceux obtenus jusque-là des guichets de l’ l’International Development Association (IDA) ».

Communiqué du MINEPAT 1
Communiqué du MINEPAT 1

Après la visite d’une mission indépendante de la BIRD au Cameroun en novembre 2013 dans l’optique d’évaluer les capacités du Cameroun à bénéficier d’un tel financement, des résultats satisfaisants ont été produits. Le Cameroun est désormais éligible à ce financement mais continuera de bénéficier des ressources concessionnelles de l’IDA. Pour le gouvernement, cette éligibilité vient confirmer la solidité des fondamentaux macro-économiques du pays et consacrent la coopération entre le Cameroun et les institutions financières internationales dans l’atteinte des objectifs de développement de ce pays.

Communiqué du MINEPAT 2
Communiqué du MINEPAT 2

Dans son communiqué, MINEPAT Emmanuel Nganou Djoumessi précise enfin que les ressources additionnelles à cette éligibilité serviront à « densifier les infrastructures structurantes ainsi que celles rencontrant les attentes immédiates des populations. » Une orientation dans un secteur prioritaire pour le développement de notre pays.


Le passé est un motif d’inspiration

Crédit image: https://blogue.chantalbinet.com/
Crédit image: https://blogue.chantalbinet.com/

Un débat a récemment été lancé sur la question de savoir « qu’est-ce qu’être historien ? » Il avait pour objet principal des phrases deDaniel Abwa sur Achille Mbembe lors du congrès des Historiens camerounais qui s’est tenu à Maroua en Février dernier. Le premier indiquait que le second n’est plus intéressé par  le fait historique parce qu’il ne va plus dans les archives pour récolter les données. Au fond, la question était davantage épistémologique : qu’est-ce que l’histoire ? Quelle est la finalité de l’histoire ? L’histoire doit-elle nous limiter au passé ? Le passé en tant que matière essentielle de l’historien est-il une fin en soi ?  La matière essentielle de ce texte est extraite d’une phrase et d’une image utilisées par Achille Mbembe dans son dernier essai Critique de la Raison Nègre. Parce que ce texte, publié en octobre dernier ainsi que les deux autres ouvrages qui rentrent dans ce que Mbembe appelle la pensée de la traversée et publiés en 2000 et 2010, rendent effectivement compte de cette question.

A la page 140, traitant de « tradition, mémoire et création », l’intellectuel camerounais cite dans un premier temps Alex Crummel. Ce dernier « reproche aux Nègres de modeler excessivement leur conduite sur les enfants d’Israël ». Plus spécifiquement, dans l’épisode biblique, « longtemps après leur exode et leur libération de la servitude, ils auraient dû fixer leurs yeux sur la terre promise et aspirer à la liberté. Ils n’arrêtèrent pas d’avoir les yeux en arrière, tournés vers l’Egypte ».  Faut-il modeler l’histoire dans ce sens ? Créer un passé triomphaliste et mythique que l’on va présenter pour se donner bonne conscience et dire que « nous aussi, on a été glorieux » ? Ou alors, chercher dans le passé des voix inspirantes qui peuvent nous permettre de réfléchir sur notre présent et de mettre en perspective l’avenir ? Finalement, les livres d’Histoire doivent-ils répondre aux défis de nos sociétés ou alors doivent-ils être tout simplement des livres d’Histoire ? Dans le même livre, un peu plus haut que le texte précédent, Achille Mbembe se référant toujours à Crummel estime que pour une réelle espérance dans le futur, « l’on ne peut pas vivre éternellement dans le passé. Il peut servir de motif d’inspiration. L’on peut apprendre du passé. Le présent est le temps du devoir. Le temps du futur est celui de l’espérance ».

Dans cette perspective, enseigner l’histoire, enseigner le passé doit permettre aux apprenants d’apprendre du passé, de s’inspirer de ce passé. Avec comme finalité, le devoir présent et l’espérance future. En dehors de cette ligne, l’histoire sera comme l’agriculture telle qu’elle est pratiquée dans certains pays africains. La pratique de l’agriculture est faite, non pas pour la transformation et la commercialisation. Mais juste pour l’agriculture. Ce qui est une grande perte.

Le mérite de ce penseur In-Discipliné dans ses trois livres du projet afropolitain ou de ce qu’il appelle la pensée de la traversée c’est de mobiliser effectivement le passé pour appeler les hommes d’aujourd’hui au devoir afin de s’inscrire positivement dans le temps qui vient, bref d’espérer. En ce sens, il fait l’histoire utile. Il part chercher dans l’histoire les éléments qui peuvent aider à comprendre le monde actuel. A partir de là, il scrute un avenir pour tous, il donne des moyens d’espérance pour tous. Car, en fin de compte, l’historien tout comme le penseur est un homme, un homme suivi dans une société et qui attend de lui des propositions pour l’avenir.

NB: le titre de ce billet est inspiré en partie d’un extrait de l’ouvrage Critique de la Raison Nègre de Achille Mbembe.