Ulrich Tadajeu

31 années après, le ridicule en pleine expansion au Cameroun.

 

A l’heure où l’Etat entier vibre au rythme du 31ème anniversaire (06 Novembre 1982) de l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême au Cameroun, je présente certaines attitudes qui montrent que nous sommes non pas dans une république exemplaire mais dans une république où le ridicule a pris le dessus en habitant les imaginaires et en orientant les actions.

Le président Paul Biya lors d'un message à la nation camerounaise. Crédit photo: angazamag.com
Le président Paul Biya lors d’un message à la nation camerounaise. Crédit photo: angazamag.com

Généralement, lorsque les thuriféraires du parti au pouvoir parlent du bilan de M. Biya, ils évoquent comme acquis la paix et la démocratie. Selon eux, le président Biya a tenu sa promesse en apportant, en octroyant, en offrant et en gratifiant le Cameroun de la liberté ainsi que la prospérité. Il a réussi à maintenir le pays dans la stabilité disent-ils. Mais lorsqu’on évoque la situation économique peu encourageante du Cameroun, ces mêmes laudateurs invoquent la crise économique des années 1990 comme source de notre malaise. On dirait que cette crise aussi atroce qu’elle fut avait esquivé d’autres pays pour s’abattre sur le Cameroun. Ce qui est ridicule. Croire que Paul Biya est le « seigneur tout puissant » venu sauver les Camerounais des affres de ce monde. Croire que tout ce qui est bien fait doit être mis à l’actif de la personne Biya Paul alors que tout ce qui est mauvais est du à des raisons extérieures et donc indépendantes de M. le président. Comme prophète, notre chef de l’Etat aurait certainement une mission de purification des Camerounais à accomplir. Et tant qu’il ne le fera pas, il ne s’écartera pas du pouvoir.

Ensuite, en 31 ans, le régime camerounais piloté des mains de maitre par son chef a réussi à produire un système social basé sur l’idée maléfique. La particularité d’un tel système est qu’il n’admet pas l’expression de voix plurielles. Tout ce qui est différent devient discordant, ennuyeux et est susceptible d’être combattu voire effacé systématiquement. L’adversaire devenant ainsi un ennemi. Celui qui émet des idées différentes un « vendeur d’illusion » lorsqu’il n’est pas traité d’apprenti sorcier. Il s’agit d’un système narcissique qui n’arrive pas à mettre sur pieds une éthique d’acceptation réciproque gage de toute cohésion sociale. On observe à tous les niveaux de la société des actions et des idées mises en place pour taire les pensées alternatives, pour brouiller les voix nouvelles de la modernité. Le pluralisme chanté, récité et même présenté comme acquis du renouveau n’est qu’un pluralisme de façade dans l’optique d’amadouer la communauté internationale ainsi que les bailleurs de fonds.

31 années auront permis à notre président sans tâche ainsi qu’à son équipe de mettre sur pieds une République ridicule par excellence. Une République marquée par l’incertitude,  la surprise, l’incompréhension, la divination de l’anormal et l’ostracisme du normal. Pour être salué, loué, applaudi par toute la société, il faut se démarquer par le bas : voler, détourner, corrompre et parfois même tuer. Si vous ne rentrez pas dans ce cercle là, tant pis pour vous. Vous devenez un rebus de la cité, une sorte de bouillie prête à être avalée par les plus puissants. Alors, se questionner sur sa situation et son avenir devient un mauvais questionnement. Désapprouver des choix peu pertinents et le faire savoir fait de toi un ennemi de la République.  Ainsi, fusent de partout des avertissements, des injonctions te disant « fais attention », « tais-toi », « tu ne sais pas ce que tu dis », « tu es trop jeune », « tu es un enfant gâté, tu ne produis pas, on t’envoie tout et tu parles »…

A tous les niveaux, ce ridicule s’exprime. Mais plus encore il habite les imaginaires. C’est cette lecture que m’inspirent l’inflation des mouvements associatifs jeunes, la cooptation de plus en plus récurrente des jeunes dans des associations aux buts superflus. Officiellement apolitiques, ces associations travaillent à la mise en place d’un système uniciste. Soyez attentifs à leur comportement lors des fêtes (défilés, commémorations…) Toute chose qui montre qu’officieusement, ces mouvements associatifs jeunes qui pullulent de tous les côtés contribuent à la corruption des esprits, à l’habitation des sens et à la colonisation des imaginaires moyennant quelques billets de banque.

C’est dans cette république socialement et idéologiquement ridicule que nous vivons. Qu’on soit clair. Elle n’a pas toujours été autant ridicule. Ou plutôt, les Camerounais ne sont pas ridicules. Peut-être le deviendront-ils à force de vivre dans un système aussi destructeur. Mais l’ostracisme dont sont l’objet ceux qui ont combattu noblement pour la prospérité et la liberté de ce pays montre juste que ceux qui ont pris en main le destin de ce pays à un moment donné ont hérité d’un Etat bien bâti idéologiquement.

Faut-il se taire devant de telles absurdités ? Est-il possible comme le veulent certains de fermer les yeux après 31 ans et de se dire « on va faire comment ? » Ou alors comme Sony Labou Tansi, faut-il crier sans cesse afin de faire venir le monde au monde ?

J’ai déjà fait le mien. A vous de faire le vôtre !


Notes sur la décolonisation de l’histoire du Cameroun

53 ans après l’assassinat de Felix Roland Moumié le 03 novembre 1960 à Genève en Suisse, je vous propose dans ce billet une approche vers la décolonisation de l’histoire du Cameroun afin que ses héros, sources intarissables d’inspiration, soient connus par la jeunesse. Ceci dans l’optique de bâtir une nation qui réussit.

Felix Roland Moumié. Crédit photo:prisma.canalblog.com
Felix Roland Moumié. Crédit photo:prisma.canalblog.com

Etude du passée dans sa dynamique et ses mouvements, l’histoire doit refléter la réalité vécue par ceux qui nous ont précédés afin de susciter à nos contemporains des sources d’inspiration. Mais, lorsque le révisionnisme qui consiste à cacher, dénier, déformer les faits pour des fins parfois inavouées s’installe, cette histoire reste peu et mal connue. S’y installe une histoire officielle voulue par ceux dont les intérêts dépendent.  C’est le cas du Cameroun où l’histoire officielle prime sur l’histoire réelle. Entrainant de fil en aiguille une ignorance exceptionnelle par les jeunes des réels héros et sources d’inspiration de notre nation en construction. Et pourtant, toutes les grandes nations se construisent en actualisant les valeurs et les combats des héros qui sont venus avant les contemporains.

A l’heure où on célèbre un autre martyr africain, nos leaders politiques mais surtout nos grands maitres en histoire accompagnés par toute la communauté des historiens doivent jeter un regard sur la décolonisation de l’histoire du Cameroun afin de la mettre au service d’un peuple qui se cherche sans cesse.

Cette décolonisation de l’histoire consistera à rompre avec des méfiances autour des sujets de recherche dès lors que le recul sera assez considérable pour recueillir les informations. Même si l’histoire immédiate fait de plus en plus parler d’elle, il ne sera pas question de verser dans une analyse de l’actualité quand on sait que le recul nécessaire n’est pas effectif. Mais plutôt de poser des réelles questions sur le mouvement nationaliste camerounais, de présenter à travers des réflexions diffusées et vulgarisées le réel combat de ces leaders, les valeurs qu’ils défendaient et les obstacles sur leur chemin. Dans cette perspective, l’homme politique, au-delà du rôle qu’il doit jouer, devra aider à la vulgarisation des valeurs de ces héros, à l’actualisation de leur combat en les mentionnant régulièrement dans les discours politiques et publiques comme on l’observe assez souvent dans d’autres pays. Mais pour ce faire, il faut obtenir les informations des acteurs ou des descendants de ces acteurs de l’histoire. L’un des obstacles à ce niveau, c’est la peur et le silence.

Généralement, lorsque vous interrogez un acteur ou un descendant d’un acteur du mouvement nationaliste camerounais, il est silencieux et a peur de vous donner des informations. Quand vous l’abordez, vous sentez une suspicion au fond de lui qui l’amène à vous donner l’information si vous êtes astucieux. Mais cette information n’atteint parfois pas le quart de ce qu’il pouvait vous donner. Cette peur qui se traduit par le silence est mémorielle car il est parfois difficile de retracer un passé douloureux et atroce. Elle est aussi politique et sociale car, avec la diabolisation du mouvement nationaliste camerounais à une certaine période, plusieurs personnes parfois considèrent l’appartenance d’un parent à ce mouvement comme étant une mauvaise chose et refuse donc de parler. Bref, cette peur mémorielle n’est que le fruit d’un processus historique que seule la décolonisation de l’histoire pourrait déconstruire.

Enfin, les administrateurs accompagnés par les corporations d’historiens devront mettre à la disposition des chercheurs et des curieux les sources de l’histoire. Ils devront aussi conserver les sources en voie de disparition et de détérioration. Il s’agira de restaurer et d’entretenir les maisons d’archives, de mettre à leur direction de véritables spécialistes des archives. Ensuite, créer et faire fonctionner des maisons d’archives sonores qui permettraient aux jeunes chercheurs et aux curieux de consulter des documents oraux telles que les traditions orales (les légendes, les proverbes, les épopées, les mythes, les contes, les chants des griots) ou encore les témoignages des acteurs de l’histoire. Car, en Afrique, comme le disait Hampaté Ba, « un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brule ». Il faut donc, avant que cette bibliothèque ne brule puisque le vieillard se rapproche déjà de la mort, obtenir les informations qu’elle contenait, les conserver et les mettre à la disposition du public.

Cette décolonisation de l’histoire des pratiques révisionnistes (dénie de certains faits, culture de la peur, Archives en mauvais état et indisponibles) conduira certainement à la réappropriation de notre histoire pour notre bénéfice et plus encore celui des générations futures. Ce sera un pas de plus vers la construction de notre nation bâtie jusqu’ici sur l’ostracisme du crâne des parents morts pour nous. Autrement dit, sur la mise à l’écart de ceux qui, comme Moumié, ont combattu pour poser les jalons de la Nation camerounaise.

Je finirai en évoquant une initiative louable qui doit être multipliée dans notre pays. Il s’agit de l’ouvrage collectif de Thomas Deltombe, Jacob Tatsitsa et Manuel Domergue intitulé Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique : 1948-1971 . Paru aux éditions La Découverte en 2011, cet ouvrage s’attaque à un pan de l’histoire du Cameroun : la guerre cachée par les forces coalisées néocoloniales. Cette initiative de deux journalistes français accompagnés d’un historien camerounais doit être multipliée et améliorée afin de rendre le contenu accessible à toutes les couches de la société.

Remember Moumié !


Communion d’idées entre Charles Ateba Eyene et le public de la ville de Dschang.

 Charles Ateba Eyene a échangé hier avec le public de la ville de Dschang à la salle Manu Dibango de l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang. Des échanges qui portaient sur 4 de ses ouvrages qui allaient être dédicacés et qui parlent de l’émergence du Cameroun en 2035.

Charles Ateba Eyene et le modéraeur Alain Cyr Pangop Kameni. Crédit photo: ulrich Tadajeu.
Charles Ateba Eyene et le modéraeur Alain Cyr Pangop Kameni. Crédit photo: ulrich Tadajeu.

Invité par l’Alliance Franco-Camerounaise de Dschang pour une conférence-dédicace sur 4 de ses 27 livres, Charles Ateba Eyene, communicateur, universitaire et politicien connu de la scène publique camerounaise, a une fois de plus répondu favorablement. Il a, pendant plus de 4 heures de temps, entretenu le public avec la modération de son ancien camarade, le journaliste Alain Cyr Pangop Kameni. Aujourd’hui enseignant à l’Université de Dschang, le Dr Pangop n’a pas hésité au début de son propos de qualifier Charles Ateba Eyene  d’ «industriel des idées ».

C’est donc autour de quatre de ses livres que les échanges ont tourné. L’auteur analyse dans ces ouvrages  les freins de l’émergence du Cameroun. Il propose ensuite des solutions.

Son ouvrage intitulé Le mouvement sportif camerounais pris en otage par des braconniers camerounais. L’urgence de la mise en œuvre des réformes : une analyse historico-économique et politico-diplomatique du sport indique que le football camerounais est actuellement « pris en otage par des braconniers ». Ces braconniers ont ceci de particuliers qu’ils ne connaissent rien en ce qui concerne cette discipline. En même temps, ils écartent les réels acteurs et les icones du football camerounais comme Albert Roger Milla de la gestion du sport roi.

Les deux autres livres qui portent sur les crimes rituels et les loges font un état des pratiques mystiques sur la scène publique au Cameroun. Après de longues années d’investigation, le chercheur est parvenu à la conclusion selon laquelle le Cameroun est sous la dictature des loges, des sectes, du magico-anal et des réseaux mafieux comme l’indique le titre. Parmi les acteurs de ces pratiques odieuses, il y a selon lui les Francs-Maçons. Alors qu’ailleurs les Francs-maçons et autres adeptes des sociétés sécrètes sont des bâtisseurs du fait de l’initiation à l’intégrité, à l’éthique qu’ils reçoivent. Au Cameroun, ces francs-maçons sont des affamés, des imposteurs qui se servent de leurs loges pour obtenir une promotion sociale.

Ces dérives des loges aboutissent à une économie de la mort et à un gout exaspéré pour le sang. Il fustige cette  économie de la mort qui se traduit par les crimes rituels mais également une forte propension pour la jeunesse à se tourner vers la consommation de l’alcool, de la drogue dans l’ouvrage intitulé Crimes rituels, loges, sectes, pouvoirs, drogues et alcools au Cameroun. Les réponses citoyennes et les armes du combat.  Au sujet de l’alcool et de la drogue, il fait remarquer qu’en 2012, les Camerounais ont consommé près de 600 000 000 de litres d’alcool. Tout récemment encore, poursuit l’auteur, le préfet du Mfoundi (département dans lequel se trouve la capitale du Cameroun Yaoundé) a recensé près de 6000 bars dans la ville de  Yaoundé. Toutes ces pratiques ne peuvent que freiner le Cameroun dans sa marche vers l’émergence. Ce que ne souhaite pas Charles Ateba Eyene. Il propose à travers d’autres livres des pistes de sortie de crise.

D’abord la formation de la jeunesse. Selon le politicien, la jeunesse doit se former. Ceci en abandonnant les bars et le vin pour se tourner vers la lecture, la connaissance afin d’aider le Cameroun à s’émanciper. Car, selon Bourdieu qu’il cite, « le savoir est un pouvoir ». Ensuite, l’avion du développement ayant atterri en Asie, l’auteur pense, dans Emergence du Cameroun à l’horizon 2035 : l’apport de la Chine. La coopération de développement : ses succès et ses craintes, que le Cameroun gagnerait à intensifier sa coopération avec la Chine pour atteindre son émergence. Mais les dirigeants Camerounais ne doivent pas, selon lui, ignorer que la Chine lutte pour ses intérêts comme tout Etat sérieux sur la scène internationale. C’est donc à un questionnement sur l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035 qu’interpellent les ouvrages de Charles Ateba Eyene dédicacés hier à l’AFC de Dschang.

Le public de la ville comme par le passé a répondu massivement présent. Dès 14 heures, on observait déjà des personnes qui attendaient l’ouverture de la salle. Comme indiquent photos ci-dessous, la salle Manu Dibango de l’Alliance Franco-Camerounaise étant pleine, c’est à l’extérieur que certains ont trouvé refuge. Le dispositif technique mis en place a permis à ce public d’écouter les interventions très saluées de l’orateur principal, le Dr Charles Ateba Eyene.

Un public venu nombreux assister à la conférence. Crédit photo: Ulrich Tadajeu
Un public venu nombreux assister à la conférence. Crédit photo: Ulrich Tadajeu
Une foule nombreuse à l'extérieur pour écouter Charles Ateba Eyene. Créit photo: Ulrich Tadajeu.
Une foule nombreuse à l’extérieur pour écouter Charles Ateba Eyene. Crédit photo: Ulrich Tadajeu.

Cette communion assez riche, constructive et instructive dans la perspective de l’émergence a pris fin avec la dédicace des ouvrages à ceux qui ont bien voulu s’en procurer. Il était un peu plus de 21h, heure du Cameroun.

Ouvrages dédicacés :

Le mouvement sportif camerounais pris en otage par des braconniers camerounais. L’urgence de la mise en œuvre des réformes : une analyse historico-économique et politico-diplomatique du sport, Yaoundé, Editions Saint Paul, 2011. 292 Pages.

Emergence du Cameroun à l’horizon 2035 : l’apport de la Chine. La coopération de développement : ses succès et ses craintes, Yaoundé, Saint Paul, 2012. 188 Pages.

Le Cameroun sous la dictature des loges, des sectes, du magico-anal et des réseaux mafieux. De véritables freins contre l’émergence en 2035 (la logique au cœur de la performance), Yaoundé, Septembre 2012. 381 Pages

Crimes rituels, loges, sectes, pouvoirs, drogues et alcools au Cameroun. Les réponses citoyennes et les armes du combat, Yaoundé, Saint Paul, 2013. 228 Pages.


Césaire Aimé, la Voix des opprimés.

Dans le cadre de la célébration du centenaire de la naissance d’Aimé Césaire, l’Alliance Franco-Camerounaise (AFC) de Dschang a organisé une conférence sur la vie et l’œuvre d’Aimé Césaire. Je me propose dans ce billet, non pas de faire le compte rendu de la conférence, mais de présenter Aimé Césaire comme la voix des opprimés  sur les plans intellectuel et politique.

Aimé Césaire. Crédit photo: touscreoles.fr
Aimé Césaire. Crédit photo: touscreoles.fr

Aimé césaire est né en 1913, au mois de juin. Il arrive en France en 1931. Bénéficiant d’une bourse du gouvernement français, il fait ses classes au lycée Louis Le Grand où il rencontre Léopold Sédar Senghor. Cette rencontre ainsi qu’avec d’autres étudiants africains en France lui permit d’entrer en contact avec la partie refoulée de son identité martiniquaise à savoir l’identité africaine.  Il est alors imprégné de la réalité africaine marquée par la négation de l’identité liée au racisme, produit de l’idéologie colonialiste. En réaction à cette idéologie, il forge avec Senghor le concept de négritude en 1935. Concept à la fois politique et culturel autour duquel se bâtit tout son combat anticolonialiste. Il a si bien traduit cela dans un de ses textes les plus aboutis intitulés Discours sur le Colonialisme paru en 1950. Il y présente le colonialisme comme la « honte du XXème siècle ». Car, il impose un rapport de domination entre les Hommes supposés être libres et égaux en droit et en devoir. Ensuite, il rend certaines civilisations moribondes dès lors qu’il les pousse à ne plus respecter leurs principes. Cette action débutée dans Cahier d’un Retour au pays Natal se poursuivit également dans des revues qu’il créa ou qu’il contribua à créer. En 1941, il crée la revue culturelle Tropiques avant de participer à la création de la revue présence Africaine aux cotés d’Alioune Diop en 1947. Mais, cette revue se transforma par la suite en maison d’édition.

Comme pour joindre les paroles aux actes, Césaire s’engagea en politique après la deuxième guerre mondiale au sein du parti communiste. Il est ainsi élu Maire de Fort de France en 1945 et jusqu’en 2002. Et député de la Martinique de 1945 jusqu’en 1993. Même si son escale politique n’a pas connu le même succès que dans le domaine intellectuel du fait notamment de la départementalisation de la Martinique en 1946, il reste dans la mémoire collective comme la voix des opprimés, la voix des sans voix.

Quand bien même l’oppression via le colonialisme s’est achevée officiellement, Césaire est resté la voix des opprimés de la néocolonie mais aussi de la postcolonie. Il s’est opposé au néocolonialisme. C’est la raison pour laquelle, en 2005, il refuse de recevoir Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait fait adopter en tant que ministre de l’intérieur  la même année la loi de février 2005 sur l’enseignement des effets positifs de la colonisation dans les écoles françaises.

Ce géant s’est éteint en Avril 2008. Il est entré au panthéon à paris la même année. L’aéroport de Fort de France Lamentin a été rebaptisé en Aéroport Martinique-Aimé Césaire.

Voix des opprimés, véritable modèle à travers son double parcours intellectuel et politique, Aimé Césaire doit, par la franchise et la pertinence de sa pensée, être un repère pour la jeunesse Africaine.

 NB: Nous utilisons Césaire Aimé qui veut dire selon nous que Césaire est Aimé pour saluer l’œuvre de ce géant ainsi que l’héritage qu’il laisse à la postérité. Il nous a été inspiré par le conférencier de l’Alliance Franco-Camerounaise de Dschang lors de la conférence de Vendredi dernier sur Aimé Césaire.


Thomas Sankara, symbole de l’Afrique libre et unie

Thomas Sankara.Crédit photo: point-de-vue-incorrect.org
Thomas Sankara.
Crédit photo : point-de-vue-incorrect.org

Depuis lundi dernier, une exposition sur le révolutionnaire burkinabè Thomas Sankara, assassiné le 15 octobre 1987 à la suite d’un coup d’Etat, se déroule sur le campus A de l’université de Dschang. Cette initiative de l’Association pour l’unité et le développement de l’Afrique (Auda) entre dans le cadre des activités commémoratives du 26e anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara.

Quelques questions aideraient à comprendre l’exposition : qui était Thomas Sankara ? Qu’a-t-il fait ?

Pour répondre à ces questions, l’exposition présente la biographie, les œuvres, les discours, les photos et les phrases célèbres de l’homme intègre. Une remarque s’impose :  la cohérence qu’il y a entre les discours et les actions. Bref, discours et actions se confondent. Thomas Sankara estimait d’ailleurs que « celui qui donne à manger dicte ses volontés ». Pour remédier à cela, il s’est fixé comme objectif de bien nourrir les Burkinabè et, en 4 années, il « a permis à son pays d’atteindre l’autosuffisance alimentaire ». Il s’est par ailleurs attelé à améliorer la qualité de la vie en rendant l’éducation accessible ainsi que les soins médicaux et le logement. Il affirmait à ce sujet : « L’eau potable, trois repas par jour, un dispensaire, une école et une simple charrue font partie d’un idéal de vie auquel des millions de Burkinabè n’ont pas encore accès. »

Un membre de l'AUDA lors de l'exposition. Crédit photo: Ulrich Tadajeu
Un membre de l’Auda lors de l’exposition. Crédit photo : Ulrich Tadajeu

Cette politique était en conformité avec son idéologie antinéocoloniale face aux dérives observées 25 ans après les indépendances. Ses discours phares à l’ONU en 1984 et à l’OUA en 1987 sont exposés et précisent davantage cette idéologie panafricaniste et anti-impérialiste. Précisément, l’action de Sankara visait à rendre l’Afrique libre et unie : libre de l’impérialisme néocolonial et unie pour se développer. Ainsi, il reste et demeure pour la postérité un symbole d’espoir et une source d’inspiration, car « en 4 années, du 4 août 1983 au 15 octobre 1987, il est parvenu à faire comprendre aux Africains que la pauvreté n’est pas « une fatalité », mais qu’elle peut être gérée quand les dirigeants ont la volonté nécessaire de lutter contre ce fléau.

Les œuvres majeures de Sankara présentées lors de l'exposition. Crédit photo: Ulrich Tadajeu
Les œuvres majeures de Sankara présentées lors de l’exposition. Crédit photo : Ulrich Tadajeu.

Nos dirigeants actuels s’inspirent-ils de Thomas Sankara ? Ont-ils la volonté nécessaire ? Ou sont-ils plus intéressés par leur ventre plutôt que par le devenir du peuple ? Quel héritage la jeunesse a-t-elle de cet homme qui a mené sa révolution, il faut le rappeler, alors qu’il n’avait pas encore 40 ans ?

L’Afrique n’est certes pas encore libre et unie. Mais Thomas Sankara, en tant que défenseur de cette liberté et unité, doit inspirer la jeunesse africaine en manque de repère.


Cameroun : voici pourquoi le RDPC reste maître du jeu politique

Paul Biya, président du Rdpc lors du congrès de son parti en 2011. Crédit photo: journalducameroun.com
Paul Biya, président du RDPC lors du congrès de son parti en 2011. Crédit photo : journalducameroun.com

La semaine dernière, j’ai rédigé un billet descriptif présentant les résultats des élections législatives qui se sont déroulées au Cameroun le 30 septembre dernier couplées à l’élection municipale. J’ai conclu ce billet sur ces interrogations : le RDPC est-il trop fort ou est-il favorisé par un jeu politique mal arbitré ? Dans ce billet, il est question d’analyser le jeu politique lors de ces élections pour ressortir quelques raisons de l’hégémonie du RDPC, parti au pouvoir.

Le premier constat à faire concerne le code électoral, loi qui encadre le jeu électoral dans notre pays. Il n’a jamais fait l’unanimité entre les différents acteurs du processus politique. C’est le minimum. Il est incompréhensible que dans le cadre d’un match de football, les équipes ne s’entendent pas sur les règles du jeu. De prime abord, le jeu est mal défini. Au  rang de ces iniquités, il y a tout de même la convocation du corps électoral qui dépend du président de la République, par ailleurs président d’un parti politique en compétition.  En langage plus simple, c’est comme si, Coton sport de Garoua, une équipe camerounaise allait livrer un match de football contre Asec d’Abidjan de Côte d’Ivoire et que la date de la rencontre est fixée par le président de la fédération camerounaise de football à son temps voulu. Sera-t-il partial ou impartial ? Quelle image auront les adversaires de la rencontre ? Même s’ils parviennent à jouer le match et qu’ils perdent, seront-ils satisfaits ?

Ensuite, ce qu’on  a appelé la biométrie. Certains acteurs arguent d’ailleurs cela comme une grande victoire. Or, elle n’avait de biométrie que l’inscription et rien d’autre puisque personne ne pouvait voter biométriquement, c’est-à-dire par un système de reconnaissance digitale. Lorsque les électeurs allaient dans les bureaux de vote, les responsables dans le bureau prenaient leur carte électorale, les identifiaient et les envoyaient voter. Après quoi, il fallait encore se salir les mains dans une encre annoncée indélébile,  mais pourtant délébile. Un vote biométrique aurait consisté à faire entrer l’empreinte digitale du votant dans un système informatique afin qu’il soit identifié avant de le faire voter.

La campagne électorale qui s’est déroulée du 15 au 29 septembre a été marquée par trois faits : la diabolisation de l’autre, la démocratie buccalo-bachique et des politiciens en panne d’idées.

La diabolisation de l’autre est une pratique de plus en plus récurrente dans le jargon politique camerounais. Elle consiste à se servir des médias pour proférer aux adversaires politiques des calomnies. Au lieu de défendre un projet politique ou un bilan, nos hommes politiques passent le temps à traiter leurs adversaires de tous les noms : « Incapables, vendeurs d’illusions, apprentis sorciers », et que sais-je encore ? Mais de tels actes tiennent du fait qu’au pays des lions indomptables, on n’est pas encore parvenu à comprendre qu’un adversaire politique n’est pas un ennemi. Mais juste quelqu’un qui a des points de vue différents pour atteindre un même objectif: développer le pays. Aussi, le parti au pouvoir  est parvenu à inscrire dans l’esprit des Camerounais à travers  les médias publics qui sont à son service l’idée selon laquelle  sans ce parti, le Cameroun entrerait dans le chaos.

La démocratie buccalo-bachique a fait son lit au pays de Um Nyobe. Elle se manifeste par l’achat des votes à travers les dons de nourriture et autres boissons. Très souvent, comme on l’a constaté encore cette fois-ci, les lieux de campagne se transforment en réels lieux de bataille alimentaire. Les candidats distribuent la nourriture. Comme des petits chiens, certains Camerounais se mettent à se disputer cette nourriture. Ils oublient que cette nourriture finira le temps d’une soirée et qu’après, il faudra envisager l’avenir. Cette pratique ne peut qu’être l’apanage d’un parti qui réussit à posséder assez de ressources économiques. Ce parti s’appelle le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Grâce à sa stratégie de caporalisation et de captation, le parti au pouvoir a réussi à attirer tous les richissimes hommes d’affaires du pays. A côté de ça, tout l’appareil étatique est à son service. Ce qui lui permet d’asseoir son hégémonie par la voie de la nourriture et, malheureusement, pas par celle des idées.

Il faut enfin  se rendre à l’évidence que nos politiciens sont en panne d’idées. J’ai écouté attentivement certains d’entre eux sur les médias camerounais. Grande a été ma désolation. Deux cas de figure se sont présentés. Les candidats sortants issus du parti au pouvoir peinaient à défendre leur bilan. Ils passaient le temps à chanter les louanges du président de la République, leur « seigneur ». Les autres, ceux de l’opposition, qui voulaient obtenir les suffrages du peuple peinaient à développer des idées au sujet de leur projet. Ceux-ci passaient tout leur temps à dire que le parti au pouvoir n’a jamais rien fait. Ils se présentaient indirectement comme des messies venus sauver les mairies et les circonscriptions de l’apocalypse. . Et que retient l’électeur ? Rien. Après avoir été obnubilé par la nourriture et la boisson, on ne lui présente aucun projet politique. Ainsi, c’est de mal en pis qu’ira sa situation : pas de route, pas d’eau et encore moins d’électricité. Des nuits noires à répétition, une eau sale quand bien même elle réussit à couler.

Le jeu électoral étant mal arbitré du fait de tous ces problèmes, le parti au pouvoir en tant que mastodonte politique n’a devant lui que des filets vides. De son côté, l’opposition n’arrive pas à faire bloc pour proposer des idées neuves aux Camerounais. Elle n’a qu’un programme politique (qui n’est pas exhaustif) : Biya Must go !

C’est toute cette cacophonie qui vaut au RDPC, ex-Union nationale camerounaise (UNC),  de rester maître du jeu politique au Cameroun.


Personne ne choisit de naître Blanc ou Noir, disons non au racisme

Le 16 octobre dernier, on célébrait la blogAction day. Il s’agissait pour les blogueurs de toute la planète de mener une action qui peut influencer la vie des Hommes. Le thème de cette année portait sur les droits de l’Homme.

N’ayant pas pu rédiger un billet ce jour, je me rattrape à travers celui-ci. Il est question d’aller en guerre contre une pratique de plus  en plus récurrente et qui plombe sérieusement les droits de l’homme notamment l’égalité : le racisme.

Après avoir présenté certains actes de racisme recensés ces derniers mois, je me permettrai de tirer quelques leçons.

Non au racisme.
Non au racisme. Crédit photo: egliseunielapasserelle.blogspot.com

La déclaration sur la race et les préjugés raciaux de l’UNESCO adoptée en 1978 considère entre autres manifestations du racisme les « comportements et les pratiques discriminatoires » liés aux préjugés raciaux. Il s’agit clairement de juger un être humain par sa race. Ou encore de proférer à individu des insultes liées à sa race.

En juillet dernier, aux Etats-Unis, Georges Zimmermann après avoir tiré sur le jeune trayvon Martin en 2012, a été acquitté par la justice de sanford en Floride. Une vague de manifestations s’en est suivi aux Etats-Unis. Les manifestants s’insurgeaient contre une justice raciste comme l’indique cette photo :

Manifestations en la mémoire de Trayvon Martin aux USA par Keth Ivey via Flickr
Manifestations en la mémoire de Trayvon Martin aux USA par Keth Ivey via Flickr

En juillet également, un reportage de la chaine française France 24 fait allusion aux pratiques discriminatoires au Maroc notamment dans l’acquisition des appartements. Il est même inscrit devant certains appartements la phrase suivante :« il est strictement interdit de louer les appartements aux africains ».

Affiche d'un immeuble de Casablanca. Crédit photo: cameroonvoice.com
Affiche d’un immeuble de Casablanca. Crédit photo: cameroonvoice.com

Au mois de septembre, la ministre italienne de l’intégration, Cécile Kyenge, née au Congo, essuie des insultes racistes proférées à son endroit par Roberto Calderoli. Le sénateur de la ligue du nord déclare ce qui suit :

Cécile Kyenge fait bien d’être ministre, mais peut-être devrait-elle le faire dans son pays. Je me console quand je surfe sur Internet et que je vois les photos du gouvernement. J’aime les animaux, mais quand je vois les images de Kyenge, je ne peux m’empêcher de penser à des ressemblances avec un orang-outan, même si je ne dis pas qu’elle en soit un.

La ministre italienne de l'intégration Cécile Kyenge. Crédit photo: thelondoneveningpost.com
La ministre italienne de l’intégration Cécile Kyenge. Crédit photo: thelondoneveningpost.com

Enfin, la ministre française de la justice Christiane Taubira a été comparée à un singe en milieu de semaine dans un photomontage par Anne Sophie Leclerc, candidate du Front National aux élections législatives de 2012 dans la 1re circonscription des Ardennes. Cette dernière a publié le photomontage en question sur son compte facebook avant de le retirer sur conseil de son entourage. Jeudi, elle est revenue à la charge en déclarant sur France 2:  «  je préfère la voir dans un arbre après les branches que la voir au gouvernement comme ça… Elle débarque comme ça… c’est une sauvage quoi ».

Photomontage de Anne Sophie Duclerc assimilant Christiane Taubira  au singe.  Compte twitter de Christiane Taubira.
Photomontage de Anne Sophie Duclerc assimilant Christiane Taubira au singe. Compte twitter de Christiane Taubira.

Certains journalistes ont d’ailleurs assimilé le cas de Christiane Taubira à celui de Cécile Kyenge en Italie. Même si quelques fois, les autorités sont montées au créneau pour dénoncer ces pratiques discriminatoires, la récurrence montre que le racisme reste encré dans certains imaginaires en plein 21ème siècle.

Christiane Taubira lors du forum des idées d'outremer, Avril 2011 par Parti Socialiste via Flickr
Christiane Taubira lors du forum des idées d’outremer, Avril 2011 par Parti Socialiste via Flickr

L’humanité a-t-elle besoin de tels actes ?  Non. Bien au contraire. Les préjugés raciaux sont non conformes à l’espèce humaine qui est une, mais diversifiée. Comme l’indiquent la majorité des combats jusqu’ici menés mais surtout les déclarations qui en ont résulté, les hommes sont de la même souche et devraient converger tous vers la fraternité universelle.

La déclaration citée plus haut sur les préjugés raciaux déclare en son article premier que : « Tous les êtres humains appartiennent à la même espèce et proviennent de la même souche. Ils naissent égaux en dignité et en droits et font tous partie intégrante de l’humanité. » C’est dire que l’humanité existe. Les enfants de cette humanité sont les Hommes qui sont tous des frères. Ce qui les caractérise c’est l’égalité. Encore que personne ne choisit de naître Africain, Asiatique ou Américain; Blanc, Noir ou jaune. C’est un don sacré. Il est de ce fait déplorable de transformer cette diversité créatrice et avantageuse en cacophonie.

Le racisme empêche  que l’égalité soit vécue, il plombe la créativité parce que les hommes ne sont plus jugés par leur compétence mais par la couleur de leur peau. Il crée des divisions au sein de la famille humaine universelle. C’est la raison pour laquelle les comportements observés jusqu’ici sont à condamner. Parce que ni Georges Zimmerman, ni Trayvon Martin, ni Anne Sophie Leclerc, ni Christiane Taubira, encore moins Cecile Kyenge n’ont choisi de naître blancs ou noirs. Ils sont nés ainsi et c’est le même sang rouge qui coule dans leurs veines respectives.

Pour en finir  avec de telles pratiques, les Hommes que nous sommes devrons apprendre à vivre la tolérance en acceptant l’autre tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts. Sans chaque fois vouloir l’assimiler  ou le comparer à nous. Cela passe par un dialogue avec l’autre qui commence par  l’écoute, ensuite l’échange et enfin l’émerveillement . Ainsi, nous pourrons transformer  « la cacophonie actuelle de notre monde en merveilleuse symphonie de fraternité » comme le disait Martin Luther King.

Parce que nous sommes tous égaux en tant qu’Hommes, peu importe notre race, à travers ce billet, je dis non au Racisme et oui à l’égalité et à la fraternité entre les Hommes.

 


Les traditions orales, une chance pour l’Afrique

Dix ans après la signature de la convention sur le patrimoine immatériel (17 octobre 2003), je me propose de revenir dans ce billet sur la réelle signification de ce type de patrimoine pas très connu du grand public. Ensuite, j’analyse les enjeux pour l’Afrique d’un aspect de ce type de patrimoine à savoir les traditions orales.

 

Logo de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Crédit photo: unesco.org
Logo de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Crédit photo: unesco.org

 

Réunie à Paris du 29 septembre au 17 octobre 2003 en sa 32e session, la conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la Science et la Culture (UNESCO) a adopté en séance plénière la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Mais c’est en 2006, après la ratification du trentième Etat, la Roumanie, que la convention est entrée en vigueur. Il s’est tenu  par la suite, en juin 2006, la première assemblée générale suivie de l’élection du premier comité intergouvernemental. Depuis son adoption, l’UNESCO recense près de 150 Etats parties à la convention et 156 ONG. Ce pan caché du patrimoine culturel a réussi ainsi à s’imposer.

Mais qu’est-ce que réellement le patrimoine culturel immatériel? Que peut la tradition orale pour l’Afrique ?

Longtemps considéré comme exclusivement matériel, le patrimoine culturel revêt une dimension immatérielle. Celle-ci peut être définie comme l’ensemble des expressions culturelles et vivantes héritées de nos ancêtres et transmises aux générations futures. De manière pratique, le patrimoine culturel immatériel se décline en cinq domaines clés. Les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel ;  les arts du spectacle composés de la musique, la danse et le théâtre, la pantonimie, la poésie chantée ; les pratiques sociales, rituels et évènements festifs ; les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers et enfin les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.

Le patrimoine culturel immatériel étant défini, nous allons revenir sur le cas des traditions orales en Afrique.

Lorsqu’on parle de traditions et expressions orales, il s’agit des formes parlées extrêmement variées, comme les proverbes, énigmes, contes, comptines, légendes, mythes, chants et poèmes épiques, incantations, prières, psalmodies, chants ou représentations théâtrales, qui sont utilisées pour transmettre des connaissances, des valeurs culturelles et sociales et une mémoire collective. Les traditions orales représentent au moins trois enjeux pour l’Afrique.

Premièrement, en étant l’une des sources crédibles de l’histoire africaine, elles permettent aux Africains de se connaitre. Etant issue d’une longue tradition de l’oralité, la majorité des récits sur l’Afrique et qui aiderait à connaitre le passé de ce continent sont consignés dans les bibliothèques que sont les traditions orales. Il s’agit essentiellement des griots, des joueurs de Mvet, des Dyelli, des légendes, des mythes, des épopées mais surtout des vieillards. C’est la raison pour laquelle l’un des plus grands historiens du siècle précédent, Joseph Ki-Zerbo, aimait à dire qu’en Afrique, les sources orales sont un musée vivant. Certainement, parce qu’elles représentent un lieu de fouille et de connaissance sur l’Afrique. Qu’on soit clair, les sources orales ne sont pas les traditions orales. Mais les traditions orales sont un pan des sources orales. C’est donc par ces traditions orales que le continent est connu. Plus encore, il est connu de l’intérieur.

Edoua Ada luc, joueur de Mvet. Crédit photo: coins.delcampe.net
Edoua Ada luc, joueur de Mvet. Crédit photo: coins.delcampe.net

Deuxièmement, les traditions orales permettent de faire la connaissance du continent africain de l’intérieur. Il est clair que depuis plusieurs siècles, l’Afrique n’a jamais parlé d’elle-même, ni à elle, ni au monde. Elle a toujours été définie par quelqu’un d’autre en fonction des fantasmes, des ambitions et des représentations de ce dernier. Les traditions orales, parce qu’elles entrent au plus profond de l’être africain, permettent de renouveler ce regard d’antan, d’approcher l’Afrique et l’Africain de façon différente. C’est l’un des grands mérites des traditions orales. Non pas de renouveler l’Afrique, mais de renouveler la manière de lire et de regarder le continent africain. C’est dans cette optique que le dialogue culturel sera effectif.

Se connaissant et étant connu par l’autre à travers les traditions orales, le dialogue entre ces deux entités (l’Africain et l’étranger) sera désormais effectif. Il ne sera plus question de voir avec des lunettes complètement étrangères. Mais d’entrer dans son biotope pour le connaître, le comprendre, être tolérant, s’émerveiller mais surtout dialoguer avec lui. La réelle diversité culturelle, vécue. Mais, une telle réalité ne sera effective que lorsque les Africains, eux-mêmes, auront compris la nécessité de se parler pour se connaître eux-mêmes, de parler au monde pour que le monde les connaisse afin de faire chemin avec le monde sans être abusée, ni pillée.

Alors, l’Afrique doit se mettre à l’école de la préservation, de la sauvegarde mais surtout de la vulgarisation de son patrimoine culturel immatériel notamment des traditions orales afin que celles-ci deviennent réellement une chance pour le continent.

It’s possible!


Législatives 2013 au Cameroun, le RDPC reste maître du jeu à l’Assemblée nationale

Dans ce billet, je présente la carte législative du Cameroun qui devrait être officialisée au courant de cette journée. Le constat est clair : le RDPC reste le maître du jeu au Cameroun.

 

Une vue de l'entrée de l'assemblée nationale du Cameroun. Crédit photo: journal.rdpcpdm.cm
Une vue de l’entrée de l’Assemblée nationale du Cameroun. Crédit photo : journal.rdpcpdm.cm

 

Le verdict final de l’élection législative qui s’est tenue le 30 septembre dernier au Cameroun sera connu ce jour. Comme le prévoient les textes de loi, ces résultats transmis à la Cour suprême siégeant comme Conseil constitutionnel par la Commission nationale de recensement général de vote (Cnrgv) et seront promulgués. Ils devraient, sauf miracle, consacrer une fois de plus l’hégémonie du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti au pouvoir, sur la scène politique.

Mais, depuis quelques jours, des listes circulent sur la Toile. Lesquelles listes présentent l’identité des 180 députés. Elles ont été confirmées par cet article du quotidien privé camerounais Le Messager repris par le site Cameroonvoice. Portant l’estampille du journaliste Rodrigue Ntongue, cette dernière liste serait selon lui la liste officielle transmise par la Commission nationale de recensement général de vote. Aussi, il a daigné prendre en compte le verdict du contentieux postélectoral qui n’aura finalement pas produit « grand effet sur les chiffres du recensement général ».

De cette liste, il ressort que le RDPC reste le seul maître du jeu politique au Cameroun. Certes, il perd quelques sièges au profit des partis comme l’Union des populations du Cameroun (UPC) ou encore le Mouvement de la renaissance du Cameroun (MRC). Mais, le parti de la flamme s’en sort avec une majorité absolue soit exactement 148 députés sur les 180 attendus.

La MRC, jeune parti, fait son entrée à l’Assemblée nationale avec un siège glané du côté de Douala dans la circonscription électorale de Wouri-Est. Les autres partis qui devraient occuper l’hémicycle au cours de la législature prochaine sont : le Social Democratic Front (SDF) avec 18 sièges disséminés dans quatre régions du pays (Littoral, Nord-ouest, Ouest et Sud Ouest), l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) qui s’arroge 5 sièges dans trois régions (Nord, Extrême-Nord et Amadoua). L’Union démocratique du Cameroun (UDC) obtient 4 sièges uniquement dans la région de l’Ouest, plus précisément dans la circonscription électorale du Noun-Centre. L’Union des populations du Cameroun (UPC) qui fait son retour à l’hémicycle glane 3 sièges dans la région du centre exclusivement : circonscription électorale du Nyong et Kelle. Les deux derniers partis s’en sortent chacun avec un siège. Le MRC évoqué plus haut et le Mouvement démocratique pour la défense de la République (MDR) qui obtient son siège du côté de l’extrême Nord, dans la circonscription électorale du Mayo Danay Sud.

Avec une assemblée totalement favorable et ayant obtenu un score de près de 80 % à l’élection présidentielle de 2011, Paul Biya, président de la République du Cameroun devrait gouverner sans couacs au cours des prochaines années. Sauf cas de force majeure, le RDPC restera maître du jeu à l’Assemblée nationale, car le parti au pouvoir est le seul à obtenir des sièges dans toutes les régions du pays. Le RDPC est-il trop fort ? ou est-il favorisé par un jeu politique mal arbitré ? Des analyses à suivre dans nos prochains billets.


Les blogueurs camerounais passent du virtuel au réel

A la faveur de leur première assemblée générale lundi dernier à Douala, les blogueurs camerounais ont décidé de passer du virtuel au réel afin de renforcer la cohésion au sein du mouvement.

 

Vue d'ensemble de l'Assemblée générale. Crédit photo: Cynthe Ibohn
Vue d’ensemble de l’Assemblée générale. Crédit photo: Cynthe Ibohn

 

 

Tout a débuté par un communiqué sur le groupe Facebook des blogueurs camerounais. Un communiqué signé de Florian Ngimbis et repris par René Jackson qui invitait tous « les blogueurs camerounais se sentant l’envie et la possibilité de faire le déplacement » à se rendre à l’assemblée générale du collectif des blogueurs camerounais à Douala au domicile de René Jackson Nkowa le lundi 14 octobre à 15h.  Trois points étaient inscrits à l’ordre du soir à savoir – Adoption du statut et éventuellement d’un règlement intérieur, Vote d’un bureau exécutif et Coupage d’une castel non glacée (point très important). La rencontre se faisait aussi via les réseaux sociaux à travers le hashtag #AGCBloggersCM sur facebook et twitter. Le choix de Douala ne s’est pas fait au hasard comme l’indique le communiqué. La majorité des blogueurs camerounais résident dans la capitale économique de notre pays.

Lundi 15 octobre, c’est finalement autour de 16h15 que la réunion débute par une séance photo et une prière dirigée par René Jackson Nkowa. Après, ce fut la lecture et l’adoption des statuts. Les missions principales du CBC ont été définies : blogging, formation et production du contenu. Les caractéristiques d’un blogueur camerounais sont connues : avoir un blog et Produire du contenu régulièrement. Comme le prévoyait l’ordre du jour, le tout Premier bureau exécutif a été élu pour un mandat de 24 mois renouvelable une fois. Il est constitué de Florian Ngimbis comme Président ; Gaelle Tjat Bass occupe le poste de Vice-Président. Le Secrétaire Général  se nomme Franky willy et sera assisté par Nelson Simo comme Secrétaire Général adjoint. René Jackson, battu par Florian au poste de président, gagne celui de trésorier. C’est ce qui ressort de ce tweet:

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Étant en ligne comme Nelson Simo d’ailleurs, Achille Kmel n’a pas hésité à poser sa candidature au poste de commissaire aux comptes en ces termes :

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A défaut d’être élu commissaire aux comptes numéro 1, il a été élu commissaire au compte N°2. Il secondera ainsi le Commissaire aux comptes numéro 1 Samuel Victor Yabi. Enfin, la seconde fille du bureau, Leelipopdotcom. Elle occupe le poste de censeur.

 

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Cette première rencontre devait poser les jalons d’une «  association physique allant dans le sens de renforcer la cohésion au sein du mouvement ». Mission est désormais accomplie. Le collectif des blogueurs camerounais a fait d’une pierre deux coups. Les jalons ayant été posés, ils ont aussi fait l’expérience de la démocratie numérique (candidature en ligne via les réseaux sociaux), la vraie. Reste maintenant de juger le maçon aux pieds du mur à travers les actions qui doivent être posées. A 20h, les 21 blogueurs se sont séparés. Les 12 qui étaient en ligne ont pris leur route et les 9 en salle sont allés épuiser l’ordre du soir autour d’une castel non glacée.

Globalement, ce fut une soirée historique et prometteuse pour l’avenir du web en Afrique à partir du Cameroun. A l’heure de l’explosion d’internet, il était temps que le collectif des blogueurs camerounais passe du virtuel au réel pour relever les défis qui s’imposent. C’est désormais fait. Il reste actuellement aux autres blogueurs camerounais disséminés aux quatre coins du monde d’accompagner cette équipe dans les missions qu’elle s’est assignée.

 

Together, we can!

 


CPI : l’Afrique ne doit pas se retirer

 

Bâtiment abritant la Cour pénale internationale à la Haye aux Pays-Bas

Bâtiment abritant la Cour pénale internationale à la Haye aux Pays-Bas. Crédit photo: sanfinna.com

Depuis quelques mois maintenant, la Cour Pénale Internationale (CPI) est à couteaux tirés avec les dirigeants africains. Ces derniers taxent le tribunal international de partial et donc de néocolonial. Ce d’autant plus que les pays comme les Etats-Unis ou encore Israël n’ont pas ratifié le statut de Rome créant cette cour et adopté en 1998.  Aussi le couple israélo-américain engagé dans plusieurs conflits depuis la création de cette cours n’a jamais été interpelé.  L’Afrique est à couteaux tirés surtout parce que, depuis la création de cette juridiction internationale, la plupart des dirigeants interpelés sont des dirigeants africains. La Cour a mis en accusation 27 Africains originaires de sept pays. On pourrait donc se demander si la CPI n’est pas en train de se transformer en un tribunal occidental établi pour juger les crimes africains contre l’humanité ? Dans ce sens, est-elle un instrument de néocolonialisme ?

Certains analystes estiment de ce fait que la CPI est un instrument de recolonisation de l’Afrique. Pratiquement, condamner les leaders « nationalistes » africains permettrait aux puissances économiques et politiques qu’elle sert et qui les finance de déstabiliser l’Afrique, de mettre hors d’état de nuire les dirigeants « têtus » afin de piller les ressources. De son côté, la CPI se défend en évoquant deux arguments : premièrement, la CPI est sollicitée par les Etats africains avant de lancer les enquêtes sur des crimes commis ; deuxièmement, la CPI se dit être au service du peuple africain, victime majoritaire des dictatures, des conflits et des autoritarismes odieux. Certains Africains proposent comme voie de sortie de crise la création d’une juridiction africaine pour juger les Africains. Pour revenir à une sorte « d’Afrique aux Africains ».

Mais le peuple africain, victime majoritaire des conflits sur le continent, peut-il s’en sortir sans une juridiction incontrôlable par les présidents et dirigeants africains ? La colonisation de l’espace politique, économique et social par un groupe de personne minoritaire au détriment de la majorité dans la majorité des pays africains impose qu’une juridiction supra-africaine arbitre le jeu. Certains disent que les Africains doivent se juger eux-mêmes. Mais c’est impossible dans la mesure où les systèmes politiques africains tournent autour d’un leader central qui contrôle tout. Ce leader qui pille ses frères depuis la fin officielle de la colonisation est un héritier même indirectement du colon. Alors, essayer d’intenter un procès à son endroit serait un crime de lèse-majesté et, de ce fait, un renvoi au chômage. Puisque tout vient de lui et tout va vers lui. Que deviendra le peuple africain ? Je n’ose pas imaginer. Une bouillie prête à être bue. Des corps sans vie qui n’ont que le choix entre partir et périr, partir ou périr.

Même si la CPI est partiale, les dirigeants africains ne doivent pas s’y retirer. Qu’ils trouvent une autre solution.  Mettre la pression, faire du lobbying, entamer des négociations afin que la CPI jette un regard sur d’autres conflits, d’autres dans le monde, sur d’autres dictateurs ; rebaptiser la CPI.


Mondoblog : Je partagerai des idées neuves mais pas définitives sur l’Afrique afin de susciter l’espoir

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logo de Mondoblog. crédit photo: le blog de Behem

Après une tentative ratée l’année dernière, cette année a été la bonne. Je me suis présenté avec succès au concours Mondoblog 2013. Je fais désormais partie de cette grande famille. On les appelle mondoblogueurs mais je les appelle « génération 2.0 » . Heureux,  je le suis. Voici quelques mots qui traduisent mes idées phares ce dont il sera question sur ce blog.

Le savoir : le savoir sur l’Afrique et la monde c’est-à-dire la connaissance et la production des idées neuves sur le continent dans le monde. Parler de savoir ou produire le savoir pour comprendre les sociétés et proposer des réponses aux questions qu’elles se posent. En ce sens, l’Afrique en a grand besoin si elle veut s’inscrire de manière originale dans le futur.

Le partage : à quoi sert le savoir s’il n’est pas partagé et mis au service du plus grand nombre ? Dans l’optique de combattre l’ignorance mais surtout d’éveiller les consciences.  Les uns et les autres pourront ainsi se faire une idée de la réalité et envisager des perspectives pour le futur. Le partage revêt aussi une dimension culturelle qui invite au partage des singularités qu’on pourrait aussi appeler dialogue interculturel.

Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) : les TIC sont la grande innovation de notre temps. Elles permettent aux jeunes du monde de se définir une nouvelle identité à savoir l’identité numérique  et de la surveiller.  Le développement de l’Afrique se fera avec les TIC ou il ne se fera jamais. C’est le lieu par excellence du partage du savoir.

L’Afrique : c’est le continent qui m’a vu naître, qui m’a bercé et  me voit grandir.  C’est un continent complexe parce qu’il est riche- pauvre. Riche  en matières premières, en idées et en atouts divers avec notamment une population jeune et dynamique. Pauvre parce que les populations ne bénéficient  pas du fruit de cette richesse. Les conditions de vies sont mauvaises. Les rêves se noient le plus souvent dans un océan de désespoir.

Je partagerai des idées neuves (notes) mais pas définitives sur l’Afrique afin de susciter de l’espoir et montrer que, malgré tout, il faut croire et se donner les moyens de bousculer les certitudes jusque-là établies.