Valéry Moise

Combien de faux épis voulons-nous dans la moisson?

Comme presque toujours, l’actualité glisse à la surface des faits divers.  Dilatoires entre acteurs en mal de légitimité par-ci, histoire de cul par-là. Et entre les maux infinis, des lycéens sont dans les rues laissant vides les bancs de l’école qui épousent alors l’aspect des poches des enseignants. Pourtant l’optimisme est encore le crédo. A travers  les lunettes Hi-Tech de Google, le premier ministre voit « Ayiti ap vanse » (Haïti avance). L’éducation est de nouveau la priorité du gouvernement qui ignore autant le nombre d’établissements scolaires fonctionnant dans le pays qu’il connait le nombre de nouveaux scolarisés grâce aux subventions de l’Etat. Le temps est triste et inquiète. Le soleil devient timide. La terre bouge et secoue tout sauf la conscience nationale. Pourtant, l’heure est au carnaval !

S’il a fallu, faute de budget, retarder d’un mois la rentrée des classes, ce ne sera apparemment pas le cas pour le carnaval. Ce n’est point parce que l’état accorde plus d’importances aux festivités populaires, encore moins parce que le corps suit l’orientation de la  la tête  mais à cause de l’abondance et de la disponibilité de l’expertise  pour cette activité qui devient l’un des traits distinctifs de l’Haïti-rose.

Depuis deux semaines,  en observant les êtres mus par les désir-pesanteurs défiler dans les rues, j’ai compris qu’est arrivée la période où les masques vont révéler les vrais visages. Déjà, la morale se prépare à entrer en hibernation.  Des contentieux s’impatientent d’être vidés dans le sang.  La possibilité va être donnée au citoyen superficiel d’échapper aux interrogations quotidiennes de son existence. Mais aux convulsions des énergies dégradées, succéderont à coup sûr les soucis de la vraie vie. Ceux auxquels on n’échappe pas pour longtemps et qui  n’admettent  point l’économie de pensées.

Personne, aussi aigu que puisse être son sens de responsabilité, ne peut nier le droit aux loisirs d’un peuple. Et l’on tendrait avec raison à croire que celui-ci devrait gagner en intensité ce que le labeur a pris en durabilité et rudesse. Cependant, pour peu que l’on regarde le PIB haïtien, le taux de chômage et la médiocre performance du produit scolaire, on ne pourra s’empêcher  de questionner l’engagement de l’haïtien dans la construction de son futur. Un futur que l’on croit pouvoir ravir à l’obscur et dévier de la décadence à coup de slogans et de paroles oiseuses. Si la propagande grossière s’imprime facilement dans les esprits peu exercés, elle demeure encore impuissante à changer les faits.

De plus en plus, on se rend compte que notre vulnérabilité est entretenue pour renforcer les comptes bancaires  des faux samaritains d’ici et d’ailleurs. Nos bergers, paradoxalement, sont honorés par les loups  pendant que le troupeau s’amenuise. Il semble que le danger est trop grand et trop près de nos yeux pour qu’on puisse le voir !

Jeunesse de mon pays, vous qui représentez la majorité démographique. Vous  qui avez échappé au système « cérébrophage », engagez-vous !  Pas seulement dans le sens de ces impulsifs opportunistes qui veulent briguer des postes politiques sans agenda, sans honnêteté et sans support économique valable mais surtout engagez-vous dans la voie étroite.  La voie où la charité bien ordonnée, commence par soi-même, la voie de la prédication de l’exemple par l’exemple, la voie de l’entrepreneuriat social, la voie de l’apprentissage avant le commandement, la voie de la transparence, la voie de l’excellence, la voie du mérite, la voie du dialogue franc, la voie du renoncement  à la gloutonnerie individualiste. Car, je vous préviens,  si vous continuez à vous comporter en ambassadeur de la médiocrité et de la corruption d’une certaine jeunesse, les murs parleront et les linges sales se laveront sur la place publique. Le Nazaréen n’aura même pas le temps de tracer par terre que la première pierre sera jetée contre vous. Indignez-vous, bousculez l’inacceptable, jouissez de l’inflexibilité de vos jugements avant que le chêne devienne roseau. Qu’il en soit ainsi !

Dr Valéry Moise

 

 

 


Désolée ma fille, tu ne pourras plus être un Albert Einstein !

Entre ton absence de sourire et la précarité de ton avenir, je ne sais pas ce qui m’inquiète le plus. Toi, qui devais être une promesse de richesse et de bonheur. Tu n’as que cinq ans et déjà tu parais à peine moins vieille que moi. Tu ne joues pas, tu ne pleures pas et tu ne manges pas. Ton indifférence dure trop longtemps pour être un masque, un faux-semblant.

J’ai entendu dire que vous les enfants, vous êtes extrêmement perceptifs. Vous servez de miroir aux émotions et faites écho des pensées des adultes. Dans un premier temps, je n’y ai pas ajouté foi et dans le second, j’ai voulu m’éloigner de toi. Que de corps. Pour te confier à une famille capable de prendre soin de toi, de t’instruire et de t’éduquer. N’en sois pas dégoûtée ni désespérée. Mon amour pour toi a déjà franchi toutes les frontières et n’a pas perdu une seule étincelle de son intense chaleur.

Ma fille,  quand tu arrivas je ne l’ai pas su. Je n’avais pas les informations nécessaires qui m’auraient permis de planifier ta naissance. Mais une fois dans mon sein, je t’ai acceptée et tu as su me donner cet élan que je n’avais pas, cet espoir que je n’oserais pas nourrir pour moi-même, ce sens qui manquait à mes luttes quotidiennes. J’étais à la fois trop émue et trop fière pour m’arrêter sur ces quelques gênes physiques et ces modifications physiologiques engendrées par notre cohabitation. Cette cuvette pleine de marchandises que je m’interdisais de te transmettre comme héritage, je la portais alors avec fierté sachant qu’elle promenait désormais ton rêve mêlé au mien. Mais le malheur semble nous avoir prises d’assaut et nous ne pouvons que saluer de loin ce bonheur vers lequel nous tendions.

J’ai porté la cuvette, mais c’est tes cheveux qui ont perdu leur noirceur et se sont fragilisés, j’ai retenu mes larmes, mais tes yeux se sont asséchés. J’ai exposé ma peau à la chaleur et au froid, mais c’est la tienne qui est cartonnée. J’ai brûlé mes calories, mais c’est ton stock qui est épuisé. J’ai aiguisé ma vision et la tienne s’est affaiblie. Mes remords sont inversement proportionnels à ton poids. Je suis désolée ma fille, tu souffres de malnutrition. Tu ne pourras plus être un Albert Einstein.

Je ne savais pas que ce sort pourrait être conjuré par l’administration de vitamine A et de quelques suppléments iodés. Tu as manqué la cuillère salvatrice. J’ai vendu mon poisson pour t’acheter des cuisses de poulet venues d’ailleurs. J’ai vendu mon lait de vache pour t’acheter les jus dont les valeurs nutritives sont incessamment vantées dans les publicités radiophoniques.

Pardonne-moi ma fille ! Ta mère a péché par ignorance et par omission. J’ai omis que le ministère de la Santé publique et de la Population MSPP avait le bras court, que le ministère des Affaires sociales ne gère que les miettes que veulent bien lui laisser ces programmes sociaux cosmétiques, suicidaires et avilissants qui ont le seul don de dépouiller le citoyen mineur du peu de dignité qui lui restait. Pardonne-moi ma fille, j’ai péché. J’ai omis qu’ici ; chacun pour soi, Dieu pour les fidèles.

Dr Valéry Moise.

 


Combien faut-il de liberté à la presse ?

Quand ses bornes ne sont pas posées, quand l’horizon recule à mesure qu’avance la liberté,  on tombe inéluctablement dans le champ de l’asservissement. Par la voie qui a été prise pour l’éviter, on se retrouve de plain-pied dans l’esclavage. A quiconque, il n’est permis de régner par l’excès. Il faut toujours un peu d’équilibre et beaucoup d’informations. De sagesse. Et parlant d’équilibre et d’informations, nous ne pouvons nous empêcher de faire une association spontanée avec la presse. Une entité dont l’importance n’est plus à démontrer dans les régimes démocratiques, si bien qu’on la qualifie tantôt de quatrième pouvoir, tantôt de contre-pouvoir. Mais qu’on ne nous tienne pas rigueur d’orienter nos intérêts sur un autre aspect ayant plus à voir avec la responsabilité de la presse qu’avec la sémantique. Aux grands pouvoirs, les grandes responsabilités dit-on, et nous acquiesçons. Quel serait alors le rôle de la presse dans la nouvelle orientation nécessaire au redressement du monde ? Dans la lutte pour l’éducation, la santé, la protection de l’environnement, la croissance économique du plus grand nombre, la promotion de la paix, et de la diversité culturelle ?

Le monde doit évoluer et freiner sa course folle vers cette honteuse dégradation. Qu’il vienne le temps où les tonneaux pleins fassent plus de bruit, que la lumière émerge de dessous les tables opaques, que l’essentiel reprenne le dessus sur le superflu, que le lion se change en berger des forêts, et la famille l’unité fonctionnelle des sociétés. Dans le meilleur des cas, tout cela prendra des siècles pour  se réaliser si la presse ne se fait pas l’obligation morale et intelligente de s’y mêler. L’heure est à l’engagement et aux responsabilités partagées. Le sauvetage ne peut être que collectif et le découpage des informations  hautement sélectif.

L’opinion publique est rassasiée de  ces politiciens vautours et sans vergogne à qui vous donnez l’occasion de monopoliser la parole et de conspirer sans cesse contre la vérité. Les enfants regardent avec des yeux gourmands  et un esprit troublé toutes ces « super stars » ambassadrices des ténèbres, réfractaires à la morale et à l’éthique qui font la Une des journaux. La société civile se demande perplexe où sont passées les émissions à visée éducative ? Quel est ce culte  voué à des «  musiques » qui ont le don non enviable de réveiller les pulsions violentes ? Les consommateurs n’attendent pas que vous sollicitiez leur confiance, ils vous l’accordent et veulent seulement savoir si vous les protégez de vos commanditaires. Considérant le rythme suivant lequel l’impérialisme se débride, la presse doit s’engager activement dans le développement de l’esprit critique des masses  et  éviter de servir de caisse de résonnance à tous ces malfrats qui pensent pouvoir réduire le monde à eux-mêmes, leur entourage immédiat et leurs intérêts toujours partagés entre le bas-ventre, le ventre et les poches.

Ce serait, par contre, une opposition frontale à l’honnêteté,  de croire que dans le champ des médias, il ne pousse que les mauvaises herbes. En dépit des salaires de misère, des moyens qui manquent jusqu’à l’essentiel, des obstacles à l’accès aux informations crédibles, aux menaces quotidiennes, aux tentatives de corruption, aux mépris, à l’irrespect,  aux favoritismes sexuels, et aux censures, il existe encore des journalistes respectables, instruits, sourds aux chantages qui font un travail appréciable et à qui la société doit reconnaissance et honneur. C’est de ceux-là que renaîtra la nouvelle presse et donc le Nouveau Monde.

Cette presse qui accorde la parole autant aux indigents qu’aux favoris de la fortune. Cette presse rivée à la recherche et la diffusion  de la vérité. Cette presse qui informe et qui forme. Cette presse indifférente aux fantaisies arborant le masque du nécessaire. Cette presse qui joue sur l’émotion plutôt que sur la raison, sur la répétition incantatoire plutôt que sur l’argumentation, sur l’affirmation gratuite plutôt que sur la description objective. Cette presse qui comprend qu’aucune évolution n’est possible sans une volontaire privation au profit de l’autre.Cette presse qui réduit sa liberté d’être spectatrice au bénéfice de la pro-action. Cette presse qui confond le droit à la liberté au devoir de renoncement.

Dr Valéry  MOISE

 


Ce que les mots taisent, les actes le disent !

Ils étaient deux. La misère a certes imprimé ses traits sur leurs visages mais n’a pas complètement réussi à leur faire passer pour des vieillards précoces. Ils avaient apparemment entre 12 à 14 ans d’âge. La lumière qui devait briller dans leurs yeux, se trouvait amoindrie et placée un peu plus bas entre des lèvres qui maintenaient une cigarette. Ils fumaient. Ce fut un dimanche près du marché se trouvant à l’entrée de Delmas 75.

Passant par là, je ne pouvais m’empêcher de m’arrêter, les regarder, incapable d’articuler un mot, puis je suis reparti. Plus seul, mais avec cette image qui habite désormais ma mémoire. Savaient-il que  la couleur de la cendre prédisait celle de leur poumon dans un avenir proche ? Comprenaient-ils que leurs rêves s’envolaient à la cadence des fumées qu’ils exhalent ? Ils brûlaient leurs vies et moi je fumais de colère à l’idée qu’ils sont l’avenir du pays.

Nous sommes un pays singulier. Nulle part ailleurs, il ne serait permis à des gamins de pouvoir non seulement acheter mais encore consommer, avec une quiétude qui déroute la raison, des produits nocifs qui nuisent gravement à leur santé. Ont-ils des parents ? Probablement pas, peut-être des géniteurs encore vivants qui croissent et multiplient la terre de façon accidentelle. La famille semble être une espèce en voie de disparition. Comparable à l’atome  duquel on soustrait un ou plusieurs électrons, elle devient instable comme un ion et s’unit à n’importe qui, n’importe quoi. L’autorité parentale s’effrite avec la faiblesse du pouvoir économique. Le capitalisme a pris l’église d’assauts, on y fait plus de quêtes que de prières, plus de médisances que d’exhortations et la chair dispose de la force de l’esprit comme un cheval maîtrisant son cavalier. L’Etat qui devrait être le dernier rempart, souffre d’une anémie sévère de modèles. Ces actes abominables parlent plus forts que ces mots moralisateurs. A la balance de l’exemple, il s’est révélé trop léger, et la société la vomit avec tout le dégoût dont elle est capable.

Ses problèmes sont complexes. La trop grande fertilité de nos familles semble battre en brèche sa capacité à émettre des actes de naissance. La population se trouve donc divisée en deux catégories : Enregistrée et non enregistrée. Énormément d’enfants sont nés en marge de l’administration de l’Etat et ils y demeurent jusqu’à l’atteinte de la majorité électorale. D’ici-là, ils sont partout sauf à la place qui convient à des enfants dont on reconnait les Droits à la santé, à l’éducation, au bien-être social voire à la vie tout court. Quand ils ne sont pas dans la rue pour initier leurs âmes à l’injustice sociale, ils sont pour la plupart dans ces banques d’organes déguisées en fondation. Quand ils ne sont pas dans ces « écoles » qui comptent plus de cuisiniers que d’enseignants, ils sont à la merci des prédateurs sexuels qui leur font confondre vessie et lanterne. Puis viendra le temps où les têtes qui n’ont jamais pensé leur reprocheront et même les condamneront d’avoir laissé germer les graines qui ont été semées. Aucun compte ne sera tenu de la violence structurelle et institutionnelle dans laquelle ils ont grandi et évolué.

Moi, quand je regarde un enfant des rues briser une vitre, je vois une promesse électorale non tenue, quand je regarde un enfant sans idéal, je vois un gouvernement sans vision, quand je regarde un enfant manquer de respect à une loi établie, je vois de policiers et officiels circuler en sens inverse, quand je regarde un enfant essuyer une voiture aux heures de classe, je vois une société touchant le fond de l’abîme. Rendez-moi fou ou sage, je verrai toujours à travers les enfants l’image des adultes.

On reconnait, évidemment, qu’ici il n’est question que de ceux qui vivent dans des conditions d’extrême vulnérabilité, ceux dont le poids du corps ne dépasse pas la capacité des ailes. Ceux à qui le manque d’éducation et l’absence de politique éclairée ravissent le rêve de partager le rang des Einstein, Eddison, et le plus fameux de tous : Mandela.

Ceux qu’on tenterait d’appeler les fumiers par rapport à leurs actes répréhensibles. Pourtant, faut-il bien avoir le courage d’admettre que ces fumiers sont créés par des déchets adultes et qu’il est encore possible d’y faire pousser les meilleures roses de l’Ayiti-Quisqueya qui doit revenir.

 

Dr Valéry Moise

                                                                                    lyvera7@yahoo.fr


Dessalines-Pétion, le brouillon d’un dialogue avorté !

Ce n’est pas qu’un article de plus. Face aux avalanches de dangers imminents qui assaillent ma patrie de toute part, je ne saurais prioriser la cohérence du discours sur la multiplicité et l’ambiguïté des sentiments qui me traversent, me bousculent et m’étreignent. Pour cette fois, je n’ai pas le souci d’être impersonnel. Je prends position.

Quand l’abcès est mûr, l’économie du drainage est anti-thérapeutique. Aussi douloureuse que puisse être l’évacuation des pus, elle est incontournable pour le traitement. La volonté de l’homme n’est pas au-dessus des lois de l’univers. La vie sur terre a ses prérogatives et obligations. Le bonheur d’une nation ne se définira jamais par l’absence de problèmes et  de défis mais par sa capacité à les regarder en face et à les surpasser.

Je reconnais que la tactique du marronnage, pour une large part, a contribué à créer les conditions psychologiques nécessaires à la sublime révolution nègre de 1803. Mais nos ancêtres, autant Dessalines que Pétion, avaient eu l’adresse de comprendre que cette stratégie n’est valable que provisoire. Voilà pourquoi, en dépit des énormes différences qui caractérisaient leur itinéraire, ils se sont arrêtés au carrefour du dialogue pour prendre ensemble le chemin de l’union qui a abouti à la force du 18 novembre à Vertières.

210 ans plus tard, des défis occultés, esquivés auxquels s’adjoignent de nouveaux enjeux posent la nécessité d’un nouveau dialogue. Un dialogue tenant compte de tout. Du petit comme du grand, de l’épiderme comme du cœur, de la vérité comme du mensonge, de l’épopée comme de la réalité, du rêve comme du cauchemar. Ce n’est pas la frayeur de l’impopularité qui va comprimer ma position. Dessalines, le chef suprême de la nation, doit rencontrer Pétion, pas pour la casse, pas pour la violence, pas pour l’inversement des privilèges,  même pas  pour le procès posthume de son assassinat longtemps recouvert d’opacités mais pour le lancement du dialogue constructif qui doit rappeler à tous et à chacun que cette terre n’a qu’un seul propriétaire : La liberté.

Cette liberté élégante, pleine d’entrain qui allie les droits politiques et sociaux aux droits économiques, et ceci indépendamment de la création sociale à laquelle on s’identifie et on croit appartenir. Dessalines doit obligatoirement rencontrer Pétion comme il est permis entre   supérieur hiérarchique et  collaborateurs directs. Pas pour scander des slogans hostiles indignes de son rang ni pour poser comme scientifiques des pseudo-analyses limitant à l’épiderme la source des différends entre les diverses couches de la société haïtienne. Lui, qui 210 ans déjà comptait des Polonais parmi son personnel médical, lui qui avait le malheureux privilège de vivre dans sa chair les atrocités auxquelles peuvent conduire les préjugés de couleur. Oh non ! Arrêtez les blasphèmes, ce n’est pas à ces trivialités qu’il accorderait d’importance. Comme toujours, il traiterait le mal par ses racines. Il ne chercherait pas la motivation de nos actions à la surface de la peau. C’est de la bêtise humaine qu’il discuterait, du danger d’être habité par des intérêts mesquins, du mépris de l’effort méritoire,  du viol incestueux,  répétitif et collectif de la justice, du chômage hallucinant, de l’éducation désossée, du développement rachitique, et de la mainmise paralysante de la bourgeoisie boutiquière sur l’élan national. Le héros qui n’avait d’égal que sa capacité à transcender les mesquineries, n’imputerait jamais à une seule classe la cause de nos errements. Il n’oublierait certainement pas qu’aux grands pouvoirs incombent les grandes responsabilités mais il ne serait pas plus clément face à la masse électorale qui semble n’avoir jamais appris de ses erreurs, qui rarement  s’organise pour briser le joug de la dictature de l’émotif pour embrasser la raison. Voilà ce que serait l’essentiel de l’intervention  de celui qui a toujours su que les véritables ennemis sont l’absence de communication franche, l’ignorance, et les intérêts inavouables et inavoués qui peuvent être l’apanage des noirs, des blancs, des jaunes, comme des rouges.

La société haïtienne est en décomposition. Elle pue l’impérialisme de la médiocrité, de la myopie politique, de la propagande nauséeuse, du débridement excessif de la sexualité irresponsable, de l’aliénation mentale collective, et surtout de « L’excusite ». Cette maladie qui veut que l’haïtien soit une éternelle victime n’ayant jamais sa part de responsabilité dans son mal et malheur. Certes, la plus infime probité intellectuelle, recommande à tous de reconnaitre les méfaits encore actuels de la conspiration internationale contre cette poignée de nègres pourtant sublimissimes en dignité et en valeur, qui a osé rappeler aux tenants du colonialisme avilissant que l’homme est né pour vivre libre. Mais qu’importe, qu’il me soit encore permis de rappeler que le rôle du conspirateur c’est de conspirer, et le rôle du gouvernement c’est de protéger. Si le premier ne lésine pas sur les moyens pour accomplir son forfait, le deuxième devrait faire sinon mieux du moins autant. Il parait que nous sommes encore loin de comprendre que les mineurs ne chôment pas, c’est à nous de bien diriger nos pas. Malheur au pays dont le chef est un candide !

Nous sommes à peine en novembre, et déjà l’hiver nous frappe de toute sa rigueur. À l’Est de nos frontières, nos frères sont froidement abattus comme des chiens pour avoir commis le triple crime d’être haïtien, noir et pauvre. Et on appelle ça : Un incident. Ici, le soleil se couche tôt, sans avoir le temps de suffisamment réchauffer nos graines d’espoir. Ce n’est pas que ses rayons soient devenus paresseux mais  émus par nos misères, ils ferment les yeux et pleurent. Au printemps, il nous est fait la promesse que ces larmes fertiliseront nos terres car nous portons la marque du soleil sur notre peau et sa chaleur dans notre cœur éternellement conquis par la dignité.

Dr Valéry Moise, lyvera7@yahoo.fr


Cette démocratie qui établit la dictature de la misère !

Bientôt,  si la communauté internationale ne change pas d’avis, ils vont être à l’honneur ! Aussi la carte géographique ne sera plus autant squelettique. Des communes, des sections rurales et même des ravines vont retrouver leur place. La République de Port-au-Prince, loin d’être jalouse de cette anémie d’attention, s’en rit et s’en moque. Elle sait que c’est provisoire. Ce n’est que pour la période électorale. La période des promesses creuses basées sur l’ignorance, la candeur et surtout la misère. Oui, bientôt disions-nous, la population rurale va recevoir ses fils prodigues, leurs problèmes vont coloniser tous les discours avec une force inouïe. Des solutions, comme par magie, vont constituer les fonds d’écran de ces zones sans électricité, sans école, sans loisir, sans vie pour faire court. Mais qu’importe, elle a la démocratie, la liberté…

Liberté, ce mot cher aux Haïtiens. Ils en connaissent la valeur pour l’avoir payée au prix de leur sueur, leur chair et leur sang. Seulement comme des enfants trop émus de leur nouveau jouet, et trop empressés de l’utiliser, ils ne prennent jamais le temps de lire le manuel d’utilisation. Par de mauvaises manœuvres, le jouet se gâte et se casse…

A peine délivré des jougs infernaux de la dictature des Duvalier,  le peuple haïtien s’est vu plonger dans un vaste océan de licence qui s’apparentait étrangement à l’idéal de la liberté en se demandant à peine s’il y avait suffisamment  de sauveteurs qui pourraient l’aider à orienter sa barque vers le progrès et poser ses pieds sur un rivage plus sûr où il pourrait concevoir, planifier, construire et vivre. Profitant de cette frénésie collective où la raison avait baissé la garde, un homme dont l’appartenance et les prises de position inspiraient confiance, dans un élan de vengeance puérile et non contenue, a malencontreusement brûlé les ailes de cette démocratie naissante dont les balbutiements laissaient présager la plus fulgurante des évolutions.

Dans le champ de la démocratie, il a semé l’ivraie de la démagogie. A l’éducation, il a substitué l’alphabétisation. Des institutions publiques, il a fait un repaire de bandits. Sur le feu de la réconciliation nationale, il a versé le sable des rancœurs. Et du cœur des jeunes fragilisés par la pauvreté, il a brutalement, sauvagement enlevé le désir d’apprendre et la fierté de travailler, pour placer entre leurs mains des armes qui ont emporté des vies exemplaires que la nation pleure encore. Il n’est certes pas responsable de tous les maux du pays, mais il avait la chance unique et historique d’expliquer et d’instaurer la démocratie qui élève et ennoblit indépendamment des couches sociales. S’il avait instauré un système éducatif performant à une seule vitesse, tenant compte des besoins du pays, les masses populaires seraient mieux éclairées et au lieu des discours centrés sur leur personne, les candidats sentiraient l’exigence d’un bon programme électoral scientifiquement défendable.  S’il avait renforcé l’économie paysanne, un vote aurait le poids du mérite et non celui d’un sac de riz. Et si au Parlement, il n’avait pas placé, par des élections frauduleuses, des invertébrés incapables de se tenir debout devant les injonctions de l’exécutif, la pourriture d’une seule orange n’aurait pas gagné tout le panier. Mais l’épidémie s’est répandue, les hommes-mollusques sont maintenant devenus majoritaires. Des trois  pouvoirs qui devraient se contrebalancer, il n’en reste qu’un seul qui corrompt, dilapide, pille et mine les espoirs d’une jeunesse qui, pour la plupart, ne rêve que de s’envoler vers d’autres cieux où ils pensent  pouvoir s’affirmer, se réaliser et accomplir leur légende personnelle. Voici donc comment du rêve de démocratie, nous sommes passés sous la dictature de la misère et de « l’idiocratie ».

Oui, cette « idiocratie » rebelle à l’apprentissage  de l’histoire et qui n’ose évaluer la fragilité et l’illusion du pouvoir arrogant qui, toujours, promet fidélité, mais qui n’a jamais cessé de trahir même les plus grands tyrans. Que ceux dont la sagesse honore de sa parure se méfient du silence d’un peuple opprimé et bafoué. S’il est un désir inséparable de l’homme comme la lumière et la chaleur, c’est celui de vivre en toute dignité. Intelligenti pauca !

Dr Valéry Moise.


Bakara Vs Barbancourt, BICHA L’agneau Immolé.

Je comprends tout l’emballement autour de cette histoire. Le mobile de cette agitation n’est autre que la fraîcheur du conflit dominicano-haïtien.
Inconsciemment beaucoup d’entre nous prennent position pour Barbancourt en le substituant à Haïti qu’il faut à tout prix protéger du bourreau dominicain (Bakara). Je suis pro-chauvinisme et je suis pour toute action étatique pouvant faire comprendre aux dominicains ou à tout autre peuple que nous sommes une nation debout, digne et fière. Mais attention à ne pas laisser autrui nous manipuler en se cachant derrière un pseudo-patriotisme.

Détrompons-nous. Bicha n’est pas l’importateur du rhum Bakara. Il n’est que l’image publicitaire de la marque. Une frange de notre élite économique a choisi d’importer ce rhum et de nous le revendre. Comme tant d’autres produits d’ailleurs. A en juger par leurs actions, les importateurs de Bakara autant que les propriétaires de Barbancourt n’ont aucun sens du patriotisme. Ils font tous parti de ce même groupe d’individus qui préfèrent passer leurs fins de semaines à Miami ou de l’autre côté de la frontière alors qu’ils auraient les moyens d’investir et de créer des attractions dignes de ce nom sur le territoire national. Dépêcher un avion-ambulance depuis les Etats-Unis leur semble plus « classe » que de faire un don à un hôpital national, public ou privé, afin de standardiser ses services. Leurs enfants étudient dans toutes les universités de l’extérieur, même celles de la république dominicaine. Quant à nos universités, elles sont trop piteuses. Ils ne sauraient se rabaisser à un tel niveau. Voyons… Pourraient-ils les financer et les aider à s’améliorer? Bien sûr. Mais pourquoi le faire quand c’est si facile d’envoyer son enfant étudier à l’étranger?

A toute entreprise privée évoluant dans un quelconque pays, il incombe ce que l’on appelle les responsabilités sociales coopératives. J’ai 30 ans. J’ai toujours vécu dans le pays. Je n’ai jamais vu l’une de nos entreprises, y compris Barbancourt, assumer aucune de ces dites responsabilités. « Combien d’universités ont été sinon créées du moins financées? Sélection nationale? Salle de spectacle? Ecoles d’art? Avenue? Etc. » Attention il ne s’agit pas de sponsoriser un groupe musical à l’occasion du carnaval ou de patronner quelconque soirée mondaine. Il s’agit plutôt d’investir dans le développement DURABLE du pays duquel l’on se réclame. Qu’a fait le rhum Barbancourt pour que l’Haïtien moyen s’identifie à lui? Rien. Et j’insiste, en posant un des actes sus-cités, Barbancourt, l’une des entreprises au cœur de ce débat, n’aurait pas fait de faveur au pays, mais elle aurait plutôt assumé ses RESPONSABILITES SOCIALES.

D’un autre côté, on parle d’avilissement du vaudou. Primo, il s’agit d’un abus de langage. Le terme avilissement est carrément impropre au contexte. Ce n’est pas la première fois qu’une œuvre artistique touche à UNE religion ou à la notion de LA religion en elle-même. Gardons-nous donc de tout fanatisme. Deuxio, permettez-moi cette question: «  Depuis quand le vaudou était-il si sacré à nos yeux? C’est un exercice national que de dénigrer le vaudou. Nous en faisons carrément un sport. En public nous crachons sans hésitation aucune sur tout ce qui touche de près ou de loin à cette religion. Ce que nous faisons en privé c’est autre chose. Devrions-nous nous comporter de la sorte? C’est un autre débat.
Je comprends la position de Max Beauvoir. Lui au moins a toujours assumé sa fonction de grand Ati national et peut se sentir offensé par l’atteinte faite à son ministère. Mais quant à nous-autres, je vous en prie… trêve d’hypocrisie.

De ce conflit, mon ami, le Dr Valéry Moise dont je respecte profondément le sens critique, a dit ces mots, et je partage: « Je m’abstiens en général des débats relatifs aux éventuelles responsabilités de la bourgeoisie haïtienne dans le mal du pays. Préférant me concentrer sur les solutions, j’évite souvent de tourner le fer de la plaie encore béante de nos frictions sociales. Mais là je suis outré par la prétention de la bourgeoisie d’utiliser masse et classe moyenne dans son conflit d’intérêt personnel qu’elle ose présenter comme national. Qui, en complicité avec l’état corrompu et irresponsable, nous a rendus si dépendant par rapport à la république dominicaine? Qui a détruit la cimenterie nationale? Combien se sont soulevés contre le fait qu’un hélicoptère ait semé une poudre qui ait engendré la destruction d’une large part de cocotiers et de bananeraies à l’Arcahaie? Parlons national! »

En résumé, il ne s’agit que d’un conflit entre deux groupes d’investisseurs. D’ailleurs, pour eux (propriétaires de Barbancourt ou importateurs de Bakara) le choix est clair. Tout ce qui vient de l’étranger est meilleur. Ils nous le prouvent depuis des siècles. A présent, comme on nous l’a souvent fait – depuis la guerre de l’indépendance ou au temps des élections- on nous met devant pour défendre les intérêts particuliers en agitant le voile du patriotisme. Mais réveillez-vous mes frères. Ne vous laissez plus berner. Comme a dit l’autre: « Choisissons nos propres luttes. Ce, en toute lucidité ». A bon entendeur…

~Dr. Paul Evens Grégoire CHARLES —


Frappés de la dixième plaie d’Egypte centuplée, ils ne savent à quel Saint se vouer !

Comme la terre, l’histoire semble, à jamais, adopter un parcours circulaire. Elle part et, insoucieuse du temps, revient. Malgré les immenses progrès technologiques de l’humanité, on n’a pas encore réussi à lui imprimer une autre trajectoire, un autre itinéraire. Elle transporte encore sa cohorte macabre de racisme avilissant, d’injustice, de haine, d’obscurantisme, d’égoïsme et d’avarice.

Quand Joseph avait été vendu  aux égyptiens comme esclave par ses frères, c’est parce que ses rêves étaient trop étoilés. Quand les premiers haïtiens, affaiblis et désorientés par la misère, ont commencé à passer de l’autre côté de la frontière, c’est parce que les dirigeants avaient rendu le territoire impropre aux rêves polychromes. Seul le gris sale était autorisé à certains ô combien trop nombreux ! Ils sont donc partis. Pour la zafra…

En partant pour la république dominicaine, ces haïtiens savaient, du moins pressentaient, qu’ils allaient travailler pour le sucre en menant une vie des plus amères. Mais qu’importe, ils ne vivaient déjà plus, ils ne tenaient à  l’existence que pour  tenter d’assurer un peu de bien à leurs femmes et enfants laissés avec douleur de l’autre côté de l’île, là où ils ont commencé à être des étrangers de l’intérieur. Et pourtant, ils comptaient revenir. C’était entendu, du moins avec leurs familles. Ce qu’ils ignoraient c’était que les conditions de travail là-bas, étaient l’inverse de ce qui était écrit dans les contrats rédigés pour la forme et n’autorisaient que les adieux. On ne le dit pas assez, mais personne – y compris des nègres dont l’instinct de survie était exacerbé –  ne pouvait résister à l’atrocité de 6 jours de corvée, sous un soleil de plomb, avec un horizon uniformément vert de canne, s’étendant sur des milliers d’hectares et avec pour toute nourriture un certain repas de misère qu’il n’était permis de prendre que les soirs. Ces soirs trop brefs pour le repos de ces corps vidés de leur âme et substance,  et à la fois trop longs en regard de l’extrême promiscuité posée en règle absolue. «  Bèf ki gen ke pa janbe dife ». La haine centenaire les avait rattrapés ! Ils devaient payer l’affront de Jean-Pierre BOYER, chef d’état haïtien, qui a eu la maladresse de diriger l’ile entière pendant près de 22 ans en laissant derrière lui que peu de réalisations et beaucoup de ruines, de rancœurs et d’inimitiés.

La question des conflits haïtiano-dominicains est complexe et remonte à longtemps. Aucun compromis n’y mettra un terme tant qu’on continue à l’envisager sous un angle passionnel, ponctuel  et rétréci par le choc des vanités. L’heure n’est ni au nationalisme outrancier ni à l’étroitesse d’esprit qui,  en se combinant, ont pu accoucher de la décision de la cour constitutionnelle de la république dominicaine à l’encontre des descendants haïtiens.  Plus on y pense, plus on la verra comme un signal avertissant du déclin moral d’une frange non négligeable de l’humanité. Cette décision n’est pas sauvage, elle est tout simplement barbare. Elle renseigne sur les atrocités inimaginables auxquelles l’impérialisme économique peut conduire. Quand on ne pense qu’à ses intérêts financiers, quand l’argent est le seul maitre auquel on se soumet avec toute la sollicitude dont on est capable, sans effort on se dépouille de ce qui différencie des animaux des jungles. A quiconque veut s’élever à un certain niveau de  clairvoyance, il apparaitra que cette décision est consécutive à la mesure prise par le gouvernement haïtien d’interdire – suite au menace de la grippe aviaire dont quelques cas ont été recensés là-bas  –  l’importation des produits  avicoles  de la république dominicaine. Alors en guise de représailles, ils ont décidé de rendre apatrides tous les descendants haïtiens nés après 1929. C’est la dixième plaie d’Egypte centuplée ! La mort civique de tous les premiers-nés haïtiens, en prélude de la grande déportation. Oh mésintelligence, quand tu nous tiens, adieu raison !

Je constate avec beaucoup de respect toutes les expressions d’indignation des instances internationales face à cette décision frisant la démence mais à mes appréciations, je donne un autre sens. Je ne me vois pas essayer de contraindre à quelque niveau que ce soit, la cour suprême de revenir sur sa décision. Peut-être qu’il est écrit quelque part, dans le grand livre secret des fous furieux, qu’un organisme étatique, peut se réserver le droit d’enlever la nationalité à autant de citoyens qu’il veut en fonction de leur descendance ethnique. Le point sur lequel je voudrais fixer mon attention est l’indélébilité de la marque de la race et de l’origine. On ne se soustrait pas indéfiniment à son passé, et à son origine fussent-ils les plus humbles ou les plus sous-estimés. Renoncer à  qui on est n’a jamais réussi  à promouvoir celui qu’on  voudrait paraitre. S’il faut une seule goutte de sang noir dans ses veines pour susciter une amplification du système de sécurité dans un quartier  voire un pays étranger, il en faut une demie pour le sang haïtien. Pour avoir été rebelle et défié l’ordre esclavagiste qui prévalait avant 1804, on est devenu depuis longtemps la brebis galeuse de laquelle il faut s’éloigner  à chaque fois que l’occasion se présente. Et Dieu seul sait combien nous en donnons ! Des promoteurs des idéaux de liberté, d’égalité, et de  fraternité entre les peuples, nous sommes descendus au gouffre honteux des parias, des mendiants, des irresponsables, des corrompus et cette  liste non élogieuse pourrait à elle seule terminer ce texte.

Les  dominicains tirent  toute leur vanité de leur hypothétique descendance espagnole et nous haïtiens de la gloire de notre passé héroïque.  En vérité, nous sommes tous deux ridicules, pathétiques  et pitoyables ! Qu’avons-nous fait entre temps ? C’est à cette question qu’il nous est, haïtien,  donné l’occasion de réfléchir. Le bonheur ou le malheur haïtien nous suivra partout comme notre ombre. Autant nous demander tout de suite  s’il faut encore une autre humiliation pour qu’on se résolve à se mettre ensemble, demeurer ensemble et construire ensemble un meilleur avenir.  Ce n’est pas à l’étranger qu’il nous faut imposer notre présence mais à nous-mêmes de découvrir notre essence. Quand nous aurons compris pourquoi nous sommes si éprouvés, si résilients, nous nous mettrons au travail comme un seul homme pour renforcer notre production nationale, embrasser notre culture, discuter et résoudre nos différents, bâtir des universités de standard international, investir  dans le pays, redresser notre dignité de peuple souverain et comme l’aurait voulu Christophe et Dessalines, nous présenter face au soleil. C’est alors que Grand nous respectera et Petit nous vénèrera.

Nos pères nous ont appris à ne compter que sur nous-mêmes. Montrons-leur que nous sommes des fils dignes de leur sacrifice. Rallumons le feu sacré qui couve sous la cendre de notre déchéance. Cessons d’être le ver dans le fruit. Rendons nous fidèles à notre mission d’avant-gardistes des valeurs humaines. Offrons l’autre joue à nos ennemis traditionnels et tournons-leur le dos.  La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, deviendra la principale de l’angle !

Dr Valéry Moise