Will Cleas

Blogueur du « Tiers-Monde » : entre la migraine et l’envie d’écrire

Ceux qui le vivent ou l’ont déjà vécu connaissent très bien le supplice qu’on endure quand on est blogueur résidant dans un pays du « Tiers-Monde ». Le quotidien devient stressant. Surtout quand on brûle d’envie de donner le meilleur de soi-même mais que les conditions de vie en empêchent. De ce fait, on reste partagé entre l’envie d’écrire et le cumul de migraines qui se déclenchent à chaque frustration subie.

Je me rappelle encore ce soir… oui, ce soir où j’avais reçu le courriel de l’équipe de Mondoblog qui m’annonçait l’heureuse nouvelle de ma sélection pour la saison 5 de son concours. J’étais tellement fier de moi que j’avais jubilé pendant une bonne dizaine de minutes avant que… le froid s’installe.

Lapinou1Eh bien, non ! J’avais froid dans le dos, non pas à l’idée de ne pas pouvoir être à la hauteur mais plutôt, parce qu’en marge de la joie qui me comblait, j’étais aussi submergé d’inquiétudes. Je m’explique : donc pendant ce moment où je célébrais ma sélection dans Mondoblog, j’avoue que je ne réalisais vraiment pas les difficultés auxquelles je serai confronté pour remplir cette tâche qui m’est confiée, celle de poster régulièrement des billets dans mon espace afin de contribuer à l’émergence d’une blogosphère francophone internationale et dynamique.

Se réjouir de faire partie de la grande famille Mondoblog, ça valait la peine, bien sûr. Mais c’est quand mon esprit s’était détaché de moi pour me poser la question de savoir si j’avais assez de moyens  qui me permettront de mieux bloguer, que je m’étais tu immédiatement, laissant place aux cris des inquiétudes qui n’avaient pas tardé de m’envahir depuis ce soir là et qui persistent toujours jusqu’au moment où j’écris ces lignes.

Lapinou2Si ! J’ai des outils. J’ai la chance d’avoir un ordinateur personnel. Enfin, un vieil ordinateur âgé de cinq ans déjà. Même si sa batterie a déjà rendu l’âme, côté fonctionnement et état de mémoire c’est encore vivant. Donc, clairement, le plus gros problème ce n’est pas au niveau du matériel mais plutôt au niveau de l’environnement.

Tout comme dans la plupart des métropoles des pays en carence de développement, dans ma ville aussi, chaque jour, nous passons les trois-quarts de nos journées sans électricité. Et cela ne facilite pas la tâche à un blogueur, comme moi, qui a toujours quelque chose à écrire. D’autant que mon ordinateur n’a plus jamais eu de batterie, rappelez-vous. Donc, pour en faire usage, il faut insérer son cordon d’alimentation dans l’adaptateur ensuite brancher celui-ci sur une prise de courant. Même quand l’électricité est rétablie après une longue coupure, rien ne rassure le bon déroulement du travail car elle peut être recoupée à tout moment. Et si jamais cela arrive, vous savez ce qui se passe : mon laptop s’éteint directement, comme une télé, sans avertir. Ce qui provoque la perte de toutes les données non enregistrées. Bref, comprenez que la rédaction de mes billets, comme celui-ci que vous lisez, repose sur les caprices du courant électrique dans mon pays : source de migraine pour un blogueur qui a un tas de choses à raconter.

Loin de ce que l’on aura, peut-être, pensé, l’instabilité du courant électrique n’est pas l’unique cause qui déclenche la migraine chez un blogueur du « Tiers-Monde » comme moi. A cela, il faut ajouter, le difficile accès à internet qui est, évidemment, une autre source des soucis infestant un blogueur de P.M.A

En effet, dans beaucoup de pays qui représentent les niveaux les plus faibles de développement économique, l’internet reste encore un luxe dont la classe moyenne, au minimum, est susceptible de payer l’abonnement. Ainsi, les gens avec de maigres revenus en sont exclus. Voilà un handicap pour un blogueur ne faisant pas partie de la haute société.

Lapinou4A l’instar de ceux qui ne peuvent payer l’abonnement internet, je profite des offres spéciales qui découlent de la rude concurrence entre opérateurs. La plus utilisée c’est le « forfait-nuit ». Elle permet aux gens avec de faibles revenus d’acheter à moindre coût une importante quantité de forfait internet mais qui sera uniquement valide de minuit à 6 heures du matin. Voilà un véritable trésor pour un blogueur tiers-mondiste qui, malheureusement, doit troquer ses heures de sommeil contre cette offre spéciale pour pouvoir poster ses articles dans son espace web.

Hormis cela, il existe aussi des cybercafés dans ma ville qui aménagent des ordinateurs connectés pour que les gens, n’ayant pas assez de moyens de payer l’abonnement internet, puissent y avoir accès au grand réseau en échange de quelques sous seulement. Sauf que cette dernière méthode reste encore la moins appréciée pour un blogueur qui se respecte, c’est-à-dire, celui qui prend le temps nécessaire d’écrire, d’insérer des liens hypertextes, de lire et relire son texte avant publication afin de présenter à son lectorat un article de qualité.

Lapinou3En fait, ça dépend de la somme qu’on a prévue de débourser pour avoir accès à internet. Car dans les cybercafés de ma ville, la facture est calculée en fonction du temps passé devant un poste connecté. Plus vous y restez longtemps, plus l’addition à payer s’allonge. Cela est un désavantage pour un blogueur qui, au lieu de prendre le temps de bien passer au crible son texte pour éradiquer entre autres les erreurs de frappe, aura plutôt tendance à travailler à la va-vite dans le but d’échapper à une facture salée.

Voilà que la vie d’un blogueur de P.M.A n’est pas facile. Mais parce que l’on a juré fidélité à vous, chers voisins, ça ne vaut pas la peine de renoncer à cette belle aventure… même si j’ai déjà la migraine en ce moment même vu que je ne sais pas encore comment je ferai pour poster ce présent billet dans mon blog.


Quand la dispute engendre une bonne amitié

Tom et Jerry
Tom et Jerry
@dogoilpress

Jamais je n’aurais cru que l’on pouvait devenir de bons amis.

 Vu notre première rencontre sur twitter qui était émaillée d’une extrême dispute, tisser, par la suite, des liens d’amitié avec Josèphe Lordure, l’homme à l’insulte facile, était quelque chose d’inimaginable. Pourtant c’est ce qui s’est passé. Etonnant mais vrai !

Très connu dans la twittosphère congolaise à cause de son caractère grossier et ses insultes à l’effet de l’alcool à 90° dans la plaie, Josèphe Lordure est un twitto à l’identité inconnue qui passe son temps, non seulement à décrier la classe gouvernante congolaise, mais aussi à offenser quiconque s’opposant à son point de vue. Il n’a jamais eu peur. Il parle de tout et insulte n’importe quel individu qu’il croise sur son fil d’actualité. Il n’oublie jamais d’assaisonner ses propos de quelques gros mots. Et quand il te balance une vanne, tu as l’impression d’avoir découvert le coté misérable de ta personnalité. Nombreux dans mon entourage ont, déjà, été victimes de ses coups de gueule. Et je ne pensais jamais pouvoir tomber, moi aussi, un jour dans son filet. Malheureusement c’est ce qui est arrivé. Voulez-vous savoir comment ? Alors suivez l’histoire !

 Habitué à recevoir les réactions de mes abonnés quand ils débattent sur une information que j’ai tweetée, ce jour là je reçois, plutôt, des messages haineux dans lesquels on me traite d’imposteur, de journaleux…

 Choqué par ces propos truffés d’outrages, je décide de vérifier le profil de l’expéditeur, question de savoir un peu plus sur cette personne qui m’agresse verbalement. Mais je ne vois aucune information hormis les noms du profil et son avatar à la tête de mort en colère. « Bah, ça doit surement être un spammeur », me suis-je dit intérieurement tout en continuant mon activité.

 Après quelques minutes, l’inconnu me renvoie encore d’autres messages plus virulents cette fois. « Tiens ! Ça sent la provoc, on dirait », lui écris-je avec un air décontracté. « Ouais, tu l’as bien compris, connard », me répond-t-il aussitôt.

 « Mais pourquoi ne pas directement cracher sur cet insolent et le remettre à sa place ? Après tout, j’ai aussi une gueule, pas vrai ? Non ! Pas si vite », me suis-je dit. Contrairement à lui, je suis journaliste, moi. L’article 5 du Code de déontologie et d’éthique du journaliste congolais défend d’insulter. Soucieux, donc, de me conformer à cette règle, je décide de lui parler, malgré tout, avec beaucoup de sympathies pour ne pas céder à ses provocations. Mais… hélas ! Il lui suffisait juste de me relancer encore deux bonnes insultes vulgaires pour, enfin, me mettre les nerfs en pelote. J’ai fini par éclater. « Ça y est ! » m’écrit-il. Ses offenses ont fait mouche. Et il est content d’avoir réussi à m’irriter. Nous nous sommes, alors, livrés dans une empoignade musclée.

 Oui ! Il était urgent que je réagisse au plus vite. Essuyer des injures et médisances d’une telle gravité ne méritait pas que je me taise. ‘Qui ne dit mot consent’ dit-on, n’est-ce pas ? Erreur ! Je ne devrais pas.

 En effet, ça ne valait pas la peine de s’aboyer avec @tresinsolent (pseudo twitter de ce fameux Joseph Lordure). Il me fallait juste deviner ce qu’il pensait de moi pour échapper à ses provocations.

 Etant hostile au présent gouvernement congolais, Lordure pensait à tort que j’étais l’un de ces journalistes qui transforment leurs plumes en outil de propagande pour soutenir le pouvoir en place. Visiblement, il ne faisait pas confiance aux acteurs de médias. J’ai, par conséquent, pris soin de l’aider à appréhender la différence entre journalisme et fanatisme. Bien que, parfois, les deux mots riment dans certains organes de presse congolais. Notamment dans la chaine nationale où les journalistes, au lieu d’informer le public de façon objective, font l’apologie du Président de la République.

 Certes, avoir une dispute avec une personne c’est l’une des dures épreuves de la vie. Mais nul ne pouvait croire que la mienne avec Josèphe Lordure aurait pu déboucher sur une bonne amitié. Oui ! C’est ce qui s’est passé. Quand il a été persuadé que je ne soutenais aucun mouvement politique, Josèphe est devenu mon ami. Et aujourd’hui, je suis l’une des rares personnes qu’il respecte. Je suis « sa vraie source d’information » comme il le dit. Et maintenant je peux le dire haut et fort que… parfois, le malheur fait bien les choses !