Il est 14 heures à Conakry. La chaleur devient accablante. C’est l’heure que choisit Abdoul Diallo pour prendre une sieste et reprendre son souffle. Il est sur pied depuis 6 heures du matin. Il profite pour manger un petit morceau de pain en guise de déjeuner. La caisse en bois qu’il porte habituellement en bandoulière et qui contient ses outils de cireur de chaussures, lui sert de tabouret pour la circonstance.A seulement 14 ans, Abdoul est cireur de chaussures à Conakry depuis deux ans. Venu de la bourgade de Kakoni, dans la préfecture de Gaoual, il sillonne quotidiennement les quartiers de Kaloum à la recherche des clients. Son travail consiste à laver, cirer ou recoudre des chaussures. Il lui arrive de gagner 15 000 ou 20 000 francs guinéens par jour. Après avoir soutiré sa dépense journalière, il thésaurise le reste avec un seul rêve en tête : devenir « tablier » un jour. Pour dormir, ce jeune cireur passe la nuit dans le hall d’un département ministériel contre « un petit cadeau hebdomadaire » au gardien des lieux.
Comme Abdoul, ce sont des dizaines de jeunes Peulhs dont l’âge varie entre 9 et 17 ans, qui sont devenus cireurs de chaussures à Conakry. A la question de savoir d’où venez-vous, ils répondent invariablement « le Foutah » avec les préfectures de Gaoual, Télimélé et Mamou comme épicentres. Venus du village et déscolarisés, ils vivent de privation pour économiser et arrivent à envoyer régulièrement des petits présents aux parents. Souvent, ces cireurs s’équipent dès le début une tirelire qu’ils alimentent au jour le jour, pendant des années. En cassant cette tirelire, ils parviennent à remplir une table en articles divers, puis peu à peu se construisent une boutique pour, à la fin, la chance aidant, devenir importateurs ! De célèbres opérateurs économiques actuels comme Mamadou Aliou Barry, dit « Super Bobo », sont passés par là.
Aujourd’hui, le rêve du petit Abdoul, à l’instar de ses pairs, est de devenir un « Super Bobo » pour « envoyer ma mère à la Mecque et lui construire une villa », comme il le dit, entre deux bouchées de pain.
Alimou Sow
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