Vivre à Conakry : mode d’emploi (suite)

Banlieue de Conakry

« Conakry, c’est technique »

vous a-t-on dit. Après le précédent billet où j’ai abordé le problème du transport urbain, voyons comment, à Conakry, se comporter dans les lieux publics. Sans complaisance.

Au marché

Le plus grand marché de Conakry est incontestablement celui de Madina. Ici, clients, magasiniers, boutiquiers, vendeuses ambulantes à la criée et les impétueux Bana-Bana se côtoient quotidiennement dans une ambiance surchauffée. Du côté de Avaria, les vendeuses de chinoiseries, querelleuses à souhait, sont réputées avoir une langue de vipère. Demander combien coûte un article sans l’acheter peut vous valoir un méchant regard ou, pire, un nom d’oiseau. Tant pis, vous n’êtes pas le seul client. 

Mais les plus redoutables d’entre tous sont les Bana-Bana (débrouillards). Ils sont capables de vous revendre votre propre femme, à force d’arguments. Pourtant, ils ne possèdent aucune marchandise. Intermédiaires de commerce indélicats, ils pactisent avec les boutiquiers pour écouler leurs articles en quadruplant  les prix. Avant d’aller à Madina, tâchez de vous habiller modestement, d’abord pour la chaleur et les bousculades, ensuite parce qu’ils fixent souvent le prix sur la tête du client ! Prenez toujours le soin de diviser par quatre le prix proposé et de rester tenace. Cela ne vous garantit pas pour autant de ne pas être floué, à moins d’avoir une machine spéciale pour décoder leur langage crypté.

Dans les banques et cybercafés

Comme dans presque tous les services, c’est la queue. Pourtant comme dit l’adage, rien ne sert de courir, il faut partir à point.  Vous avez beau être matinal, le plus souvent vous n’êtes pas servi le premier. Injuste ? Ce que vous ne connaissez pas la combine.

Dans certaines agences bancaires, des tickets numérotés sont proposés. Vous tirez un, puis vous attendez patiemment l’appel de votre numéro. Mais si d’aventure quelqu’un venu après vous est appelé à la caisse avant votre numéro, ne vous offusquez pas. Une de ses « connaissances » arrivée plus tôt a tiré plus d’un ticket. Un secret : si vous entrez et trouvez du monde, décochez un large sourire à un homme posté dans un coin. Avec un peu de chance et d’amabilité, il vous refilera un ticket « lève tôt » ! A votre sortie refilez lui un billet de banque pour que l’opération se répète la prochaine fois.

Dans les cybers bondés de Kaloum, des « gentlemen » tirés à quatre épingle se faisant passer pour des affairés peuvent vous proposer de leur laisser « juste 5 minutes » pour consulter leur mail, contre le ticket de 5 000 FG qu’ils tiennent en main. Si vous acceptez, il est utile de vérifier la validité du ticket. Souvent, c’est un « chèque sans provision ».

Dans la rue

Dans les rues populeuses de Conakry, les anecdotes et surprises ne manquent guère. Des langues fourchues affirment qu’il ne faut pas serrer la main de n’importe qui. Des hommes et femmes d’âge respectable, correctement habillés, sont passés maîtres dans l’art de l’imposture. Ils vous abordent, sacoche en main, avec des arguments du genre : « j’étais à un séminaire, au retour j’ai perdu tout mon argent. Aidez moi à rentrer à la maison, je vous prie ». Pris de pitié, vous êtes parfois gêné de lui donner un petit montant, vu son allure.

On me l’a fait une fois. Un mois plus tard, au même endroit, le même type m’a abordé. Quand il a commencé à sortir son « séminaire », je l’ai envoyé paître ! Mais plus grave, on raconte souvent qu’après avoir donné quelque chose à un inconnu, celui-ci a réussi par un tour de magie d’envouter son bienfaiteur et de lui dépouiller tout son argent. Méfiance donc.

Méfiance aussi, lorsque que vous apercevez une grosse femme sortir péniblement d’un kiosque en bordure de route tenant une bassine d’eau. Vous risquez de prendre une douche à l’eau de vaisselle si vous ne vous écartez pas. La route se confond parfois au caniveau!

L’humanisme serait-il ailleurs,  dans la maison de Dieu ?

Les lieux de culte

Le moins que l’on puisse dire, ce que Conakry regorge de mosquées. A l’entrée de chacune, c’est marqué sur le mur ou sur une simple feuille de papier «Eteignez votre téléphone, sous peine d’une amende de 5 000FG ». Cependant, rares sont les prières qui s’achèvent sans qu’on entende le dernier de Akon ou de Takana dans la mosquée ! Personne n’a jamais payé d’amende. On se contente de blâmer. Cela se comprend, puisque éteindre les fameux téléphones « deux-puces », même dans la cour de la mosquée, revient à ameuter tout l’alentour ! En fait, beaucoup ne savent pas comment s’y prendre pour les mettre sous silencieux. Sacrés téléphones !

A côté de l’inscription concernant les téléphones on pourrait ajouter « prenez soin de vos chaussures », car il est fréquent de sortir de la mosquée et de chercher vainement vos mocassins achetés à prix d’or à Madina !  Le mieux c’est de les mettre dans un sac plastique et de prier à côté.

Dans les églises, on ne vole pas des chaussures. Puisque personne ne se déchausse. Par contre, à l’entrée, des frères bien « zango » demandent souvent une assistance financière pour un autre frère hospitalisé depuis belle lurette. Mon œil ! Pendant la messe, ayez une attention soutenue sur vos poches. Sinon un ange, emportera haut dans le ciel la dépense de madame et vos prières ! Alléluia.

Dans ce billet, comme dans le précédent, ce sont les aspects négatifs du quotidien des Conakrykas qui sont abordés. Il faut dire que ces faits se retrouvent un peu partout en Afrique, voire dans le monde. Aussi, il va sans dire que Conakry ne se résume pas à cette peinture caricaturale et qu’elle recèle bien de merveilles que j’éplucherai ici, sans doute !

Alimou Sow

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limsow

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