Mendicité ne fait plus recette à Conakry!

Mendiants

Il est 13 heures  dans la Haute Banlieue de Conakry. Sous un soleil cuisant, Mamadou Kaba, 29ans, est assis à même le sol au bord de la route, une casquette vissée sur la tête en guise de protection. Victime d’une  paralysie des membres inférieurs – séquelles d’une poliomyélite – dès l’âge de quatre ans, il est aujourd’hui obligé de faire la manche pour survivre. En encaissant un petit billet de 1000GNF, Mamadou Kaba se lance dans une longue récitation de Rabbanas (bénédictions) pour remercier le « bienfaiteur ». « Ça va ? Comment ça se passe pour vous depuis ce matin? », lui dis-je. « Ah mon frère, j’ai juste de quoi me payer le petit déjeuner », répond-il, en brandissant un petit sac poussiéreux, la poche béante.

A quelques mètres de lui, Houlémata, une vieille mendiante adossée à un poteau électrique – elle ne court aucun risque d’électrocution – tente de s’abriter du soleil à l’aide d’un parapluie loqueteux. Telle une statue, elle reste figée, un bras filiforme tendu à tout hasard. Le vrombissement des véhicules et les conversations des passants, boudeurs, couvrent presque entièrement les « Fi Sabii Lillahi » de la vieille Houlémata.

Ce que les guinéens, les Conakrykas plus particulièrement, sont devenus plus avares que tous les Harpagons de la terre ! En cause ? La politique et son cortège de malheurs. En effet, la dernière et rocambolesque élection présidentielle qu’a connue le pays a réussi à creuser un grand fossé entre les communautés. En s’identifiant aux deux candidats finalistes, leurs militants ont poussé le repli identitaire au-delà de l’impensable. Résultats : dans la rue, aux marchés, dans les transports, on se regarde en chiens de faïence.  Et  les premiers à trinquer sont les…mendiants. Désormais, on donne à son « parent », ou bien on s’abstient purement et simplement de faire œuvre de bienfaisance !

De quoi rendre Mamadou Kaba nostalgique. Il se souvient : « il y a un an, je pouvais gagner 100 000, voire 200 000GNF en une journée.  Après les élections, je trouve juste mon transport et le prix d’un plat de riz, soit 15 000 francs, du matin au soir ». L’occasion faisant le…polyglotte, les mendiants se sont mis à l’école des dialectes. Soussou, Poular, Malinké, chacun tente d’apprendre les rudiments de ces trois principales langues pour s’attirer la sympathie et la pitié de « l’autre » et éviter ainsi de se faire renvoyer comme un malpropre. Des situations tragi-comiques ne manquent guère, tel ce mendiant, sans doute à la « maternelle du Poular », qui tente de prouver qu’il est « Peulh de Dabola » dans un charabia à faire pouffer de rire : « MinPilloDabola ! ».

Situation bien paradoxale dans un pays à 100% croyant (5% chrétiens et 95% musulmans) où la misère pousse à la mendicité. Déjà en temps normal, la minorité très riche de Conakry, s’était depuis longtemps assise sur des valeurs comme : la morale, la solidarité, l’altruisme, la générosité et la sociabilité. Avec le pourrissement actuel de la situation, c’est « chacun pour soi ». Les voies de la politique sont bien insondables !  En chœur avec Blondy, je chante : « Politique Magnin ».

Alimou Sow

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limsow

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