Le Sénégal est un pays de téranga, c’est-à-dire d’hospitalité. De partout on le chante, et s’en enchante à l’envi. On veut en faire une marque de fabrique associée à l’image de l’entreprise « Sénégal ». D’autres pays comme le Burkina Faso affirment aussi n’être pas moins hospitaliers, mais les Sénégalais- du moins une bonne partie d’entre eux- n’entendent pas partager cette qualité. Ils veulent croire qu’ils sont les seuls sur cette terre à qui la nature a doté d’une obligeance. C’est difficile de démentir l’existence de cette tradition, mais nombre de faits m’amènent à émettre des réserves pour le moins prudentes.Elles sont nombreuses, ces scènes quotidiennes où cette « hospitalité sénégalaise » est mise à rude épreuve. Des gens sont atteints des plus virulentes maladies, on les fuit comme une peste. Quand ils décèdent, on accourt vers eux en disant que « s’ils ne manquaient que d’argent, tel ou tel n’allait pas mourir ». C’est alors qu’ils mettent la main dans la poche et en sortent nombre de billets de banque pour payer les funérailles où c’est l’occasion de se donner en spectacle, de se faire un nom et une renommée. Un très célèbre homme a rendu l’âme au Sénégal dans une pitoyable occurrence. Laissé à lui-même, oublié par ceux qui devaient lui venir en aide, abandonné par ses proches, le pauvre se débattait dans la plus cruelle des solitudes. Seul pour pleurer son triste sort, condamné à le subir loin de toutes sollicitudes, il est alors bien fondé de s’interroger sur le sens de ses relations avec les autres.
Hélas, il n’aura pas le temps de satisfaire à cela. Il mourra dans une totale indifférence que ses proches ont manifestée à son endroit. Lors de la prière mortuaire, des « monsieur » aux « gros bonnets » ont eu le culot d’affirmer au vu et au su de tout le monde que s’il n’était question que d’argent, ce malade n’allait pas les quitter. Un ami me mit dans cette confidence : « Lorsque ma mère était malade, un de ses proches n’a rien fait pour elle. Après le décès de sa maman, le proche a accouru pour dire qu’il est près à payer le prix du veau servant à assurer les funérailles.
Notre société serait-elle devenue sadique et indifférente à tout ? Et si nous développions en nous des « monstres sociaux » prompts à signer notre arrêt de mort ? Et si la société sénégalaise du XIXème siècle était-elle vouée à l’éclatement ?
Un auteur a parlé de la « fin de la société ». Dominée par l’individualisme, libérée de tout déterminisme, qu’adviendra t-il donc de cette grande masse dite « société » que nous formons et qui est entrain de nous échapper de plus en plus ?
N’est ce pas que c’est cette configuration subjective et objective de la société qui en crée les monstres, les blasés, les criminels, les frustrés, les terroristes, les sadiques à la lumière d’un personnage dans « Prison Break » qu’aucune émotion ne peut venir décourager le moindre méfait ? Demain, que personne ne s’étonne du produit des rapports sociaux. Nous en sommes responsables individuellement et collectivement.
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