Des enfants ramassant de l’eau sale dans ma rigole
Je ne mangerai plus jamais le poisson braisé de ma voisine. Non, plus jamais ! Un véritable crève-cœur. Dans ma rue, il y a trois grilleuses de poisson, installées depuis des lustres et ne nous donnant pas vraiment de choix car elles avaient tout en commun : elles ne braisaient que du maquereau, le faisaient toutes très mal et pratiquaient des prix proprement indécents. Puis, il y a six mois, ma voisine la plus proche s’est mise à faire du poisson braisé. L’un des plus exquis qu’il m’ait été donné de manger. D’abord, son poisson (du maquereau mais aussi du bar) était dodu, pas comme ceux émaciés que les autres vendaient. Ensuite son piment, le mets qui fait que le poisson cuit à la braise devienne le poisson braisé, était délicieux. Généralement, les grilleuses de poisson ne maîtrisent pas l’art du piment. Quelquefois, j’ai acheté du poisson et le piment qui l’accompagnait était préparé de la façon la plus archaïque qui soit : il était écrasé et servi au client tel quel, sans assaisonnement aucun. Et dans ce cas au lieu de savourer le poisson, on se retrouvait palais en feu, les larmes dégoulinant des yeux et la morve pendouillant au dessus des lèvres. Le piment de ma voisine par contre contenait un savant mélange de piment bien sûr, mais aussi de diverses épices et assaisonnements qui faisaient le ravissement des gourmets. Le prix de sa marchandise était plus qu’acceptable. Il aurait été plus élevé qu’il ne poserait aucun problème chez sa clientèle, vu le délice qu’elle en tirait et le prix qu’elle avait l’habitude de payer pour une qualité moindre. Non, c’était tout bénéfice, et le succès ne se démentait pas. Les autres grilleuses étaient carrément désertées alors que les rangs n’en finissaient pas devant la voisine. Parfois, j’étais de la partie. Mais ça c’était avant. Car je ne mangerai plus de son poisson.
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