Où on va après la compo?

Nous vivons une époque trouble. Très trouble. Et ce trouble s’en va crescendo avec la multitude des habitudes d’autres lieux qui nous sont inculqués à travers la télévision et le cinéma. L’un des points d’orgue de cette période trouble est, selon le cinéma américain, les bals de promo ! Aaah ! Le bal des finissants. Nous en rêvions déjà dès la classe de troisième, de devoir s’acheter un costume tout neuf, d’entrer dans la voiture d’un ami ou dans celle de nos parents, d’aller chercher la petite boutonneuse qui aurait accepté d’être notre cavalière, d’affronter la joie démesurée de sa mère et le regard plein d’avertissements de son père, de la voir déboucher tous sourires du haut de l’escalier. De la prendre dans les bras et de sourire pour la photo, de remonter dans cette voiture, de se rendre au lieu de la soirée, de danser avec elle en la regardant dans les yeux, de voir un ami se faire jeter par celle qu’il croyait en béate admiration devant sa personne, de voir un autre vomir à en perdre les boyaux. Et puis, au bout de la nuit, on se retrouverait avec la belle dans une chambre, elle prête à offrir le cadeau qu’elle n’avait jamais offert – enfin, on l’espérait. Rien de plus terrible pour un bleu que de tomber sur une nana déjà rôdée – et nous tout autant anxieux qu’excités à l’idée de le recevoir.

Autant mettre rapidement les choses au clair, ça ne s’est pas passé du tout comme ça. Alors pas du tout. On a eu entre-temps la lucidité de se rendre compte que le costume, en de pareilles circonstances, était réservé aux clowns. Et les cavalières, on n’en avait pas. Malheureusement, je faisais partie de la classe des nabots. Mon sex-appeal ne se révéla et ne fit énormément de dégâts que bien plus tard, mais ça c’est une autre histoire. Pour la voiture, nul besoin de rappeler que c’est une denrée inexistante chez le collégien ou lycéen camerounais. Mon père en possédait une, mais c’aurait été bien plus judicieux de se tirer soi-même une balle dans la tête que de lui poser la fatale question : « papa, est-ce que tu peux me prêter ta voiture pour le bal ? » Primo, aucun de mes coreligionnaires n’avait déjà son permis de conduire. Moi-même je ne l’ai obtenu cette année, vous vous en rappelez… Secundo : au niveau des notes, ça avait été loin, très loin d’être brillant. Du coup, on a évité le regard courroucé du père de la belle, la joie et les photos de sa mère après la scène de l’escalier. Mais pour le reste…

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Auteur·e

ntrjack

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