Quand Haïti pleure Nice

J’ai reçu la nouvelle comme tout le monde. Le 14 juillet, sur la promenade des Anglais à  Nice. Un camion fonce sur la foule, faisant au moins 84 morts, dont 10 enfants, et plus de 200 blessés. Une mauvaise nouvelle de plus, me suis-je dit. Une triste nouvelle, quand on pense que des touristes étrangers, des familles en vacances, des habitants de la zone, des enfants et des adolescents réunis pour admirer un feu d’artifice se retrouvent épinglés à une liste de  84 personnes morts.  Triste pour les niçois, pour les français, pour les victimes, Je retourne à ma fête. Je fêtais un anniversaire pendant que des vies trépassaient sur un autre continent. Des vies inconnues. Des vies pour qui je ne verse pas de chaudes larmes, car trop loin de mon quotidien et de mon quartier.

Cinq jours plus tard, un ami a annoncé sur sa page Facebook qu’il est dans le noir total. Son cri de désespoir m’assourdit. Il vient de confirmer la mort de sa femme et de son garçon de 9 ans : «  Je n’avais pas envie de sortir, je n’aime pas les feux d’artifices. Je l’ai vu pour la dernière fois laisser la maison avec mon garçon de 9 ans qui trépignait d’impatience. Elle souriait et embrassait notre fille de 3 mois que je tenais dans mes bras. J’ai dit ‘’ Je t’aime’’ à mon Léo. J’ai embrassé sa mère. Le camion de l’horreur ne les a pas ramenés. Ils sont restés sur la promenade des anglais. Je suis dans le noir total »

Les larmes sont là. Haïti pleure Nice. En 2009-2010, l’une de mes passions fut de jouer environ quatre heures par jour à un jeu que proposait Facebook. City Ville, la passion de construire sa ville avec l’aide d’une communauté. Il était de celui qui m’envoyait des légumes pour ma ferme, de l’énergie pour rester fonctionnels, des matériaux pour la construction. Quand je dis ami, ce sont des ‘’ likes’’ qu’on se donne. Des blagues qu’on partage. Des pensées positives qu’on se souhaite.  Mais mon désarroi n’était pas virtuel. Je pleurais réellement sa perte. Je connais Léo et sa maman. Ils sont affichés comme photo de profil.

Quand Haïti pleure Nice, ce ne sont pas des débats sur internet sur je suis Nice ou je ne suis pas Nice. C’est une plaie ouverte, un cœur blessé, une tragique perte. C’est traverser un continent et trainer  de la consolation pour un ami virtuel. C’est ne pas trouver le mot juste pour lui dire de tenir bon. C’est risquer de lui dire courage. Comment être courageux devant une telle atrocité ?

Les victimes de la haine sont nombreuses et proviennent de partout. L’insécurité est mondiale. Et l’amour doit trouver sa place aussi dans ce monde. L’amour n’est jamais vain. Nous en avons reçu durant ce moment catastrophique du 12 janvier 2010. Ne refusons pas d’en partager sous prétexte qu’à Port-au-Prince aussi des gens meurent tragiquement. Quelque soit ou les gens laissent leur vie, Orlando, Chad, Bagdad, Bruxelles, Haïti …quelque part sur la terre une âme pleure leur départ. J’en suis terriblement désolée pour mon ami dont j’ai choisi de taire le nom. Je suis donc Nice. Je suis partout où les crimes gratuites font des victimes.

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Auteur·e

meemshoomeatove

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