Au bal des élections africaines le Togo peut-il danser comme le Nigeria?
Les Togolais voudraient bien d’une élection à la nigériane sur leur territoire, mais ils ne sont pas pour autant naïfs. Ils sont conscients qu’en matière électorale le Togo reste égal à lui-même, indifférent à toute embellie qui tient à un scrutin exemplaire sous d’autres cieux. En ce qui me concerne, depuis le jour de délivrance de ma première carte d’électeur je n’ai jamais connu d’élection présidentielle sans contestations. Chaque scrutin présidentiel déchaîne les passions, fait l’objet de vives accusations de fraudes et parfois est émaillé de violences comme on en a connu en 2005. Une année noire qui continue de marquer les esprits et que personne n’est prêt de revivre. 259 735 doublons Aujourd’hui il est difficile d’appréhender pour la présidentielle togolaise un épilogue similaire à celui du Nigeria. Les conditions dans lesquelles cette élection se prépare prêtent au scepticisme. Nous nous acheminons vers un scrutin dénué de suspense et au verdict prévisible, car des obstacles à la transparence pointent déjà. La fiabilité du fichier électoral cristallise toutes les attentions de l’opposition qui relève certaines défaillances. En attendant le rapport des experts de l’OIF sollicités par le gouvernement, Alberto Olympio du Parti des Togolais estime que le fichier serait infesté d’au moins 259 735 doublons selon ses enquêtes. Ce dernier dont la candidature était pressentie a d’ailleurs justifié son refus de se présenter par la mauvaise qualité du fichier électoral. En dépit des cris d’alerte qui fusaient dans le pays il a fallu au gouvernement une proposition de la Cédeao pour décider d’un report de 10 jours du scrutin. Un délai insuffisant et qui risque de compter pour du beurre à en croire Judith. A quoi bon organiser une compétition dont des règles ne sont pas unanimement admises par les joueurs ? Depuis la modification unilatérale de la constitution en 2002 nous sommes passés du scrutin à 2 tours à un scrutin à un seul tour que le regretté général Eyadema a jugé bon de baptiser « un coup K.O ». Incapable de contraindre le pouvoir aux réformes prévues par l’accord de 2006, l’opposition qui a toujours décrié ce mode de scrutin continue quand même d’aller aux élections avec à la clé les mêmes résultats. Elle accompagne toujours le pouvoir à chaque élection en l’absence de règles électorales consensuelles pour en sortir bredouille. Des résultats connus d'avance Comment espérer un scénario à la nigériane alors que ce scrutin de par son organisation ne diffère pas de celui de 2010 qui a été contesté ? Qu’y a-t-il de particulier à attendre d’un scrutin qui ne repose pas sur de nouvelles bases, faute des réformes préalables désirées par 85 % de Togolais ? De l’issue du scrutin nigérian on a vite fait de déduire que désormais en Afrique un président pouvait organiser une élection et la perdre. Ah bon hein ?! Vous croyez vraiment que c’est pour rien que notre « papa Faure » s’est donné la peine de surseoir à ses voyages intempestifs pour enchaîner les inaugurations ? C’est mal connaître l’homme et le pays. D’ailleurs, ce n’est quand même pas une opposition divisée entre participationnistes et boycotteurs qui va le priver du sésame pour les délices d’un 3e mandat. Les choses prenant l’allure d’une formalité d’usage, je n’ai même pas besoin d’aller voter le 25 avril prochain. Je ferais mieux d’attendre tout bonnement devant mon petit écran la proclamation de ces résultats qu’on connaît déjà. En tout cas je ne demande qu’à être agréablement surpris. Au-delà de tout, le beau spectacle du Nigeria me fait penser que bon an mal an la démocratie en Afrique est en train de faire son chemin. On a vu survenir dans certains pays des changements positifs qu’on aurait difficilement imaginés jadis. C’est bien au Nigeria, ce pays gangrené par tant de divisions politico ethniques que s’est opéré une alternance dans des conditions pacifiques. C’est bien ce général Buhari ancien putschiste ayant assujetti le pays au pouvoir militaire qui revient aux affaires par une voie régulière et démocratique. La roue de l’histoire tourne, tout est possible en ce monde et bien malin qui pourra prédire les événements futurs avec exactitude.