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Tout doux le chien!

Un chien européen a une existence presque semblable à celle d’un humain. Nourri, promené, bichonné, il a un maître qui s’occupe de lui comme de son rejeton.

Chien paria en Inde © Mrs Hilksom Flickr – Licence Creative Common (by-nc-sa 2.0)

Au Cameroun, ce n’est pas le cas. La plupart des chiens sont des sans-abri qui hantent les rues. Discrets en plein jour car victimes des coups de pied et de pierre des passants qui leur imputent attaques traîtresses et autres coups de Jarnac, les chiens camerounais sortent de nuit. A ce moment là, il vaut mieux ne pas croiser leur route. Ignorant la prudence, je commis certain soir l’erreur de sortir vers deux heures du matin en quête de ces précieuses cigarettes qui ont la manie de finir en des moments inopportuns.

J’étais donc sorti pour trouver un bar-tabac. Mal m’en prit, car je ne m’étais pas éloigné de cent mètres de mon domicile que je fus immédiatement encerclé par une véritable meute sortie de l’obscurité. Vu la façon dont ils hérissaient le poil Il n’était pas difficile de deviner qu’ils en avaient après moi.

Ce n’est pas très héroïque, mais mon premier réflexe fut de prendre mes jambes à mon cou et si je ne le fis pas, ce fut à cause du fait que ces excellents chasseurs en m’acculant à un mur m’avaient coupé toute retraite. Pour tenter une sortie, j’allais être obligé de balader mes mollets près de leurs gueules. Ne connaissant aucun chien végétarien, je m’en abstins. J’éliminai aussi la fuite : on a rarement vu un homme plus rapide qu’un chien. J’en étais à maudire tous les cartels de tabac qui nous pourrissent la vie en même temps que les poumons lorsque je remarquai que le sol sur lequel j’évoluais était plutôt pierreux. Trois secondes plus tard, je mettais en déroute les rôdeurs et toute envie de nicotine passée, je rentrais me barricader. C’est un voisin de pallier qui le lendemain me conta l’histoire de ces chiens qui étaient me dit-il les descendants des « chiens de la dévaluation ».

Dans la première moitié des années quatre vingt-dix le Cameroun à l’instar de tous les pays de la zone franc -CFA s’entend- connut une dévaluation de sa monnaie. Ainsi pour 50FCFA équivalant à 1F français, on passa de 100FCA équivalant 1F français (remarquez, avec l’euro, les choses ont empiré). Le gouvernement pour tenter de combler le gouffre qui se formait dans les finances publiques, fractionna les salaires des fonctionnaires par deux et demi, voire trois. Dès lors, les camerounais se débarrassèrent de toutes leurs habitudes onéreuses : voitures, triple repas, vacances et… chiens ! En élever un devint un luxe car nourrir la bête alors que les maîtres avaient le ventre creux était tout simplement suicidaire. Les chiens à défaut de passer dans les casseroles -nombreux connurent tout de même ce sort- furent jetés à la rue et ainsi naquit une génération de toutous-clochards. Tous sont morts aujourd’hui mais leurs descendants n’ont pas oublié. A  chaque fois qu’ils en ont l’occasion ils nous font payer la rupture du pacte sacré. Ben quoi ? Le chien n’est-il pas le meilleur ami de l’homme ?

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Auteur·e

florian

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