La pauvre page Facebook de Faure Gnassingbé

Faure Gnassingbé sur sa page Facebook

Prologue

Créés pour permettre aux internautes de se retrouver, rester en contact, et s’échanger des infos de par le monde, les réseaux sociaux, Facebook et Twitter surtout, deviennent au jour le jour de véritables outils de soulèvement et de  résistance des peuples. Ayant fait leurs preuves en 2010 en permettant aux internautes de mettre ensemble leurs voix pour exiger la libération de journalistes arbitrairement interpellés comme l’Ivoirien Théophile Kouamouo, ces réseaux sociaux continuent de faire parler d’eux durant cette nouvelle année notamment dans le cadre des soulèvements populaires en Tunisie et en Egypte. Pour connaître l’effet que font ces véritables trublions sur les détenteurs des pouvoirs illégitimes dans le continent noir, nous interviewons, en qualité de blogueur pour Mondoblog, Faure Gnassingbé, président de la République togolaise, prototype du Président mal élu et rejeté par son peuple, qui se lâche complètement, et dit, sans détours, tout ce qu’il pense des réseaux sociaux.

Blogueur : Bonjour Monsieur le Président, en ces temps-ci où Internet commence sérieusement à rentrer dans les habitudes des peuples africains, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez des réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter ?

Faure Gnassingbé : Hum, permettez-moi, Monsieur le blogueur, de vous dire que le seul réseau social que j’aime, que j’adore, c’est le Rassemblement du Peuple togolais, le parti politique que m’a légué mon père en mourant en 2005, et dont je suis très fier, même si aujourd’hui il existe en son sein des vieillards irresponsables que je demande nuit et jour à Dieu de tuer parce qu’ils me mettent les bâtons dans les roues et…

Blogueur : Euh, Monsieur le Président, Facebook

Faure Gnassingbé (serrant la mine) : Bah, écoutez, je n’ai pas l’habitude de mâcher mes mots, je vous dis donc sans détours que je n’aime pas Facebook et tous ces réseaux sociaux dont vous me parlez. Eh bien, comment voulez-vous que j’aime ces trucs-là à travers lesquels on ne fait que raconter des cochonneries sur vous, hein ? Pétez dans votre chambre, vous verrez sur le Net la page Facebook de l’association « Le pet de Faure Gnassingbé » avec des dizaines de milliers de fans, arrachez à un footballeur sa nana, c’est Twitter qui vous sabote au monde entier, détournez un tout petit milliard, c’est le fan club « Faure escroc » qui voit le jour sur le Net ! Non, je déteste ces réseaux sociaux, je maudis leurs fondateurs, parce que c’est du pur terrorisme, vous comprenez, hein, Facebook c’est comme Al Quaïda, ça vous la fout la trouille à chaque seconde. Imaginez qu’il y avait Facebook et Twitter en 2005, croyez-vous que j’aurais pu devenir président du Togo avec toute cette fraude et tuerie, hein. C’est Facebook et Twitter qui allaient montrer au monde entier les images des militaires rentrant dans les bureaux de vote et détalant avec des urnes, des militaires tuant les militants de l’opposition, mes milices et rares sympathisants bourrant les urnes des bulletins de mon parti… et jamais la France n’aurait pu avoir la force de m’imposer, parce que tous les peuples du monde auraient crié haro sur moi, pauvre baudet. Et puis, vous voyez, ma page Facebook m’a particulièrement humilié, figurez-vous que moi qui suis Président très longtemps avant Barack Obama je n’ai qu’à peine cinq mille amis, alors que ce petit métis prétentieux qui est élu il y a deux ans a plus de dix millions d’amis, le double de la population de mon pays. Quelle injustice, hein, mon Dieu ! Non, Facebook et Twitter, c’est de vrais opposants, vous comprenez, hein, ces réseaux sociaux sont pires que mes opposants. Mon opposition s’appelle Facebook.

Blogueur : Mais, Monsieur le Président, Facebook n’est pas seulement utile pour divulguer les coups bas des dictateurs, ça permet aussi de faire des rencontres intéressantes, décrocher de belles filles par exemple, vous n’aimez pas ?

Faure Gnassingbé (subitement détendu et souriant) : Ah là ! Fallait me le dire ! On peut donc rencontrer des miss, des Top modèles, des stars de cinéma sur Facebook, hein ! Figurez-vous, Monsieur le blogueur, que jamais aucune de ces têtes vides de conseillers qui m’entourent ne m’en a parlé ! C’est intéressant alors ! Vous voyez, le problème avec Facebook, c’est que vous n’arrivez jamais à avoir les amis que vous voulez, parce que quand vous leur envoyez des invitations, ils ne les acceptent jamais, et c’est des pestiférés dont vous ne voulez pas qui désirent vous ajouter à leurs amis. Figurez-vous qu’il y a deux semaines, en ouvrant ma  boîte électronique, je tombe sur ce message : « Facebook, Silvio Berlusconi souhaite vous ajouter à ses amis. » Dites-moi, n’est-ce pas le comble de la poisse, hein ? Je vais faire quoi avec ce vieux tire-sur-tout à la bite toujours tendue, hein ! Vous imaginez une amitié entre moi et Berlusconi ? C’est des mineures qu’il va me présenter tous les jours alors que moi j’aime pas les petites filles, je suis pas un pédophile, je suis pas un prêtre, voyons. Je redoute même le jour où ce sera Jacob Zuma qui m’envoie une invitation. Là ce sera la mort, parce que lui c’est pas des mineures qu’il va me présenter mais des séropositives. Vous voyez le danger avec votre Facebook-là, hein ?

Blogueur : Monsieur le Président, vous auriez donc pu exiger le blocage de ces réseaux sociaux au Togo si vous en aviez eu le pouvoir ?

Faure Gnassingbé : Bien sûr que oui ! Mais vous voyez, Monsieur le blogueur, ces réseaux sociaux c’est comme un sac de porc-épic, le porter est un problème, ne pas le porter en est un autre. Même si vous les suspendez, le jour où le peuple en aura plein le cul et se soulèvera, vous êtes foutu, c’est le cas du pauvre Ben Ali de la Tunisie. Heureusement que les Togolais c’est de petits poltrons, ils sont pas comme les Arabes, quand ils se soulèvent et que les militaires tuent un parmi eux, eh bien, hi hi hi, le reste s’en va se cacher. Ah, mes pauvrets !

Blogueur : Que faites-vous donc, Monsieur le Président, pour lutter contre ces effets très néfastes des réseaux sociaux pour votre pouvoir ?

Faure Gnassingbé : Très bonne question, je contrôle les militaires, parce que vous savez que c’est grâce à eux que je suis au pouvoir. Je ne leur permets pas d’avoir des comptes Facebook et Twitter, et je contrôle leur accès à Internet. Mais on m’a raconté qu’il y en a parmi ces vieilles brutes qui se cachent pour tchatcher sur Facebook, on m’a aussi raconté que certains parmi eux envoient même des lettres d’invitation à mes copines sur Facebook, mais, wallahi, le jour où je mettrai la main sur l’un d’eux, eh bien, c’est agban agbodji, c’est-à-dire je vais le chasser sur-le-champ. Comment pouvez-vous comprendre cette trahison de ces vieux hommes de caste qui veulent m’assassiner avec votre Facebook-là, hein ?

Blogueur : Monsieur le Président, quelle est la personne que vous aimeriez le plus avoir comme amie sur Facebook ?

Faure Gnassingbé : Michelle Obama, la femme d’Obama. Ah, je la kiffe grave, celle-là, voilà plus d’un an que je lui envoie des messages d’invitation sur Facebook mais elle répond jamais. Qu’elle peut être suffisante, celle-là ! On dirait qu’elle est blanche, alors qu’elle est noire, noire comme moi. Pauvre de moi !

Blogueur : Quelle est la personne que vous n’aimeriez jamais avoir comme amie sur Facebook ?

Faure Gnassingbé : Abdoulaye Wade, le président du Sénégal, car être l’ami d’un vieux vieillard, c’est rien que des tas de problèmes, le jour où il va être hospitalisé, vous êtes tenu de lui rendre visite, alors que moi j’aime pas l’odeur des hôpitaux, et quand il va défunter, eh bien, vous devez vous occuper de ses enfants et de sa femme, mais dites-moi, Monsieur le blogueur, je vais faire quoi avec une si vieille femme comme celle de Wade, hein ! Même Moubarak, qui dispute le record de vieillesse avec Abdoulaye Wade en Afrique, ne voudrait pas d’une femme de cet âge.

Blogueur : Merci, Monsieur le Président

Faure Gnassingbé : Merci, Monsieur le blogueur, mais avant que vous ne partiez, montrez-moi comment on peut avoir de belles filles sur Facebook. Si j’arrive à décrocher une gonzesse canon, eh bien, je procède à un remaniement ministériel et je vous bombarde ministre de la Communication, parce que je…

Epilogue

« David, mais, tu parles avec qui dans ton sommeil, hein, dis, il est huit heures et quart, tu vas pas en cours aujourd’hui ? »

Je sursaute sous la main froide de Ruth ma fiancée étonnée de me voir toujours dans les bras de Morphée à cette heure, et parlant avec un interlocuteur imaginaire. Ah, je rêvais donc !

1- Titre inspiré du titre, Le pauvre Christ de Bomba de l’écrivain camerounais Mongo Beti.

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Auteur·e

davidkpelly

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