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Ses enfants qu’on initie à la prise de parole par le conte

Situé dans le 6ème arrondissement de la ville de N’Djamena, l’espace culturel dénommé cocotiti (collectif des conteurs titimé titimé), s’atèle depuis mars 2014 à initier les enfants à la prise de parole à travers les contes. Mais très vite, l’endroit grouille de monde et les échos débordent les limites de la circonscription.

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« Titimé titimé », ou conte en arabe tchadien, est une initiative née de la volonté d’un homme, Keïbar Toïngar Natar, célèbre conteur tchadien de l’hexagone aujourd’hui disparu. Dépêché à N’Djamena en 2012 par l’Institut Français du Tchad pour un atelier de conte avec les jeunes. A la fin de l’atelier, le diseur conseille alors aux jeunes bénéficiaires de mettre en place un collectif. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le collectif ainsi constitué se fixe un objectif aguichant : initier les enfants aux contes, à l’histoire de la société, celle du village, de l’homme tchadien et partant, de ses racines. Très, Cocotiti emballe et se fait une place sous la bonne garde de quelques têtes d’affiche à savoir : Guedim Djimbaye dit Razolo, directeur artistique, conteur, chorégraphe, danseur et bien d’autres. Au point où tous les mercredi, les portes de l’Institut français leur sont ouvertes sans oublier les écrans de la télévision nationale tchadienne, devenue trop friande des contes et devinettes que le collectif débite, pour le plaisir des téléspectateurs.

Le mois dedécembre 2013 marquera un tournant décisif dans la vie du collectif, car, il bénéficiera du soutien de l’Ambassade de France à travers le Fonds Social de Développement. Ainsi, dans le cadre du projet dénommé « Mutations Urbaines », le collectif devient partenaire dans la mise en œuvre et offre au public et plus particulièrement aux enfants des dix arrondissements de la capitale, des spectacles de contes et du théâtre forum sur l’hygiène et assainissement de la ville. A l’issue du projet, il est attendu un recueil d’au moins 2500 contes qui seront édités mais le collectif pour sa part décide de poursuivre l’aventure et signe un bail de location d’un espace pour ses activités.

Engouement du public qui en redemande

L’espace offre de spectacles les samedi le soir. Mais, vu l’afflux du public, deux séances sont retenues par semaine au public qui vient se ressourcer et se rappeler les historiettes et les contes. Parmi ce public, le Maire du 6ème arrondissement, les conseillers et le chargé des Affaires culturelles de la Mairie de N’Djamena, hommes, femmes, vieillards. Même des habitants d’autres communes de la capitale font le déplacement de l’espace Cocotitit. Comme en témoigne monsieur Mahamat Abdelkader, venu de l’autre côté de la ville, dans le 1er arrondissement. « C’est très excitant et participatif. Cela vous donne la sensation de revivre votre adolescence. Si les autorités municipales pouvaient se saisir de ce genre de cadre et les démultiplier dans tous les arrondissements ».

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Cet afflux, le collectif le doit à sa spécificité de conter dans les langues locales aux côtés du français, car, à l’IFT, l’on conte uniquement en français. Mais aussi, dans la demande méthodologique, les conteurs alternent avec le public dans les contes, les devinettes, les énigmes, les charattes. Un conteur passe, ensuite un enfant, un homme ou une femme dans le public passe. Et cela crée une pro activité et une symbiose dans les spectacles. Et l’espace s’est ouvert à d’autres disciplines à savoir : la danse contemporaine, la musique, les danses d’interprétation moderne, les danses traditionnelles et bien d’autres qui font leur entrée pour le bonheur du public.

Malheureusement, l’espace cocotiti n’a pas de matériels ni son propre terrain. Cocotitit est en location. Entre temps, les soutiens financiers promis par la commune du 6ème et la Mairie de N’Djamena à travers la direction des Affaires Culturelles sont toujours attendus.

Alain Djimassal


La société civile et le budget de l’Etat

Concevoir, élaborer, exécuter et contrôler les budgets publics et communaux. C’est le thème de l’atelier de formation des organisations de la société civile, organisé à Massakory, du 24 au 25 octobre 2014 par le Groupe de Recherches Alternatives et de Monitoring du Projet Pétrole Tchad-Cameroun (GRAMP/TC).

Massakory, chef lieu de la région de Hadjer Lamis. Ville située à 200 km au nord de N’Djamena la capitale. Difficile de trouver de l’eau pour la population que pour le bétail, car c’est une région d’élevage par excellence. A cela, s’ajoute, la pénurie de carburant, visible et déplaisante comme à N’Djamena. Massakory est aussi une ville stratégique. Elle est au carrefour des régions du Kanem, du Lac, du Batha et du Barh El Gazal. Raison pour laquelle, le GRAMP/TC, avec l’appui financier de l’Agence française de développement, CCFD-Terre solidaire et Cordaid, a choisi cette ville pour la formation des organisations de la société civile des régions du Kanem, du Lac, du Batha et de Hadjer Lamis. La cérémonie d’ouverture et de clôture a été présidée par monsieur Saleh Dahab, Préfet de Dagana, représentant le gouverneur de la région de Hadjer Lamis en présence de sa Majesté, le Chef de Canton Kanembou de Massakory, monsieur Abdelkérim Moussa Korom.

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Cette formation vise à outiller les responsables de la société civile de ces régions avec la participation des élus locaux, des autorités administratives et traditionnelles aux connaissances du processus d’identification des priorités budgétaires, à la conception et à l’élaboration ainsi qu’à l’exécution, au contrôle et à l’évaluation des budgets publics et communaux.

A terme, il s’agit d’amener d’une part, les bénéficiaires de cette formation, à lire et comprendre les budgets publics et communaux. D’autre part, ils doivent se familiariser avec les différents concepts, les phases du cycle budgétaire et les différentes décisions à chacune des phases du cycle budgétaire. Au bout du compte, les membres de la société civile seront dotés en techniques et outils d’analyse des budgets publics et communaux et de la collecte de données relatives. Il s’en est suivi après la formation, la mise en place des Comités Régionaux de Suivi Budgétaire de ces régions bénéficiaires. Ces comités auront la lourde mission d’informer, de sensibiliser et de conscientiser les populations de leur région respective sur le rôle qu’elles doivent jouer pour impulser le développement local. Pour le Coordonnateur du GRAMP/TC, Maoundonodji Gilbert, « c’est aux citoyens de veiller à ce que le budget reflète les priorités sociales et économiques sur la base des engagements politiques tels que, la Stratégie Nationale de Réduction de la Pauvreté ou encore, le Plan National de Développement-PND 2013-2015, etc.

Il s’agit également de contribuer de manière effective dans la gestion publique afin d’impulser un contrôle citoyen à la base de la gestion des ressources publiques et à l’appropriation par les populations, des actions de l’Etat. En effet, les citoyens en participant aux prises de décisions et en faisant entendre leurs voix, peuvent s’approprier les résultats budgétaires, dénoncer les détournements des fonds, la mauvaise gestion des ressources, la corruption et faire accroitre l’efficacité des politiques publiques.

Le Tchad est l’un des pays les pauvres de la planète et il s’est engagé très vite, dès le début de l’exploitation de son pétrole en 2003, dans la voie de son développement. Ainsi, il a dépensé l’essentiel des revenus tirés de l’exploitation de son pétrole dans les investissements au profit des secteurs prioritaires en vue de fournir les services sociaux économiques de base à la population.

De ce fait, entré dans sa dixième année d’exploitation du pétrole, le Tchad est passé d’un budget annuel de moins de 300 milliards de francs CFA en 2004 à plus de 1857, 740 milliards de francs CFA en 2013, sur la base de la Loi des Finances rectificative, adoptée en juillet 2014.

De façon générale, le budget de l’Etat tchadien s’est pratiquement multiplié par plus de 6 entre 2003, début des activités pétrolières et 2014.Ce qui a pour effet de multiplier par plus de 22, les dépenses d‘investissements sur les ressources intérieures en supplantant les ressources extérieures dont la part dans le budget de l‘Etat est devenue marginale.

Malgré cet accroissement de ressources et nonobstant les nombreux investissements infrastructurels et sociaux réalisés ça et là, les conditions de vie des citoyens n’ont pas changé de manière significative. En même temps, le débat sur la gouvernance économique et sociale a pris le dessus avec les nombreux cas de détournement des fonds publics, la corruption et la mauvaise gestion des ressources à différents niveaux. Les rapports de contrôle et de vérification du Ministère de l’Assainissement Publique et de la Bonne Gouvernance en constituent une bonne illustration.

Cette formation vient à point nommer car elle étaye les actions du GRAMP/TC depuis sa création en 2001, en matière de veille, de suivi et de surveillance de la gestion des revenus pétroliers à travers plusieurs activités de portée nationale et régionale.

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Déjà, en 2006, le GRAMP/TC a organisé un premier forum national sur la gestion participative du budget de l’Etat et a associé différentes institutions publiques et privées ainsi que les organisations de la société civile autour des questions liées à la participation des citoyens au choix des priorités budgétaires, la conception et la mise en œuvre des publiques au Tchad.

De l’avis des bénéficiaires, cette formation leur a ouvert les yeux sur les non dits autour du budget, car le budget est considéré par les autorités administratives comme un tabou. En termes de défis, il est attendu de la part des autorités et des élus locaux, une obligation de rendre compte et un changement de comportements dans la gestion publique.

Alain Djimassal


Trois cantons de la zone pétrolière se dotent d’un outil de développement

Dans le département de la Nya, région du Logone Occidental, les populations du canton Miandoum, Komé et Béro, sont dans la joie. En effet, leurs PDL (Plan de développement locaux) ont été validés par le CDA (Comité de développement et d’action), une structure technique départementale composée des services déconcentrés de l’Etat, à la suite d’une présentation faite par les ADC (Association pour le Développement du Canton) de ces trois cantons, en présence de la population sortie massivement pour la circonstance.

Cette session de validation des PDL a démarré par le mardi 16 septembre 2014 par le canton Béro, le mercredi 17  par le canton Komé et le canton Miandoum, le jeudi 18 septembre 2014. Les membres de l’ADC ont eut à présenter leur PDL devant l’équipe technique du CDA, présidée par le Secrétaire Général du département de la Nya, M. Alladoum Nadji Charles, représentant le Préfet de la Nya et le Sous préfet de Komé, M. Ngana Djékila.

Sur le visage des populations, l’on lit de la satisfaction et de la joie de voir les membres du CDA effectuer le déplacement de leur canton respectif pour valider leurs «boucliers». En principe, c’est plutôt aux membres de l’ADC de faire le déplacement de Bébedja, le chef lieu du département où siège le comité technique départemental pour l’audition de leur PDL.

Dans les questions réponses, l’équipe technique du CDA, constituée des responsables ou représentants des services déconcentrés de l’Etat dans le département de la Nya à savoir, l’inspecteur de l’éducation, celui des Eaux et Forêts, du Droit de l’Homme, de la santé et du représentant des producteurs, a posé de questions d’éclaircissement et a fait des propositions selon leur domaine respectif au bureau de l’ADC, relatives à l’identification des projets spécifiques, réalisables et de chercher les financements. L’exemple a été trouvé sur le Fonds en faveur de l’environnement qui est à son troisième appel à proposition.

Notons que le PDL des trois cantons de la zone productrice du pétrole est calqué sur le modèle mis en place par le gouvernement de la République du Tchad avec le concours des partenaires, est un outil de mobilisation des ressources pour le développement durable. Pour ces trois cantons, il est le vœu exprimé par toute la population après consultation.C’est un programme de développement élaboré dans 7 domaines : Agriculture et Elevage ; Gestion des Ressources Naturelles (GRN) et Tourisme, Economie, Santé et Assainissement ; Education, Jeunesse, Culture et Sport ; Affaires sociales-Genre et Sécurité, Paix et Gouvernance.

A l’issue de la délibération du Comité technique, quelques avis ont été recueillis. Il s’agit de celui notamment du Coordonnateur du GRAMP/TC, monsieur Maoundonodji Gilbert, qui a félicité l’équipe du CDA pour la qualité technique du travail qui permettra, une fois la validation du PDL, de ne pas connaître d’autres aléas. Il a en outre tenu à rappeler à l’assistance le questionnement qui a valu l’aboutissement des PDL. Pour lui, le pétrole n’a pas réellement contribué à assurer le développement des populations riveraines vu la dégradation de leurs conditions de vie. C’est pourquoi a-t-il poursuivi, depuis le début du projet pétrole et surtout depuis 2012, le GRAMP/TC a accompagné ces communautés à penser leur développement au delà de l’ère pétrolière, car, après le pétrole, comment vivront ces communautés riveraines? Par ailleurs, il a souligné que le plus dur reste à faire en matière de budgétisation de projets et le GRAMP/TC continuera l’accompagnement ces cantons à travers la recherche de moyens de financement des projets dans le cadre des PDL.

Le Secrétaire général, représentant le préfet qui a clôturé la séance de validation, il s’est réjoui du résultat auquel toutes les parties en sont parvenu. Pour lui, le travail abattu est inhérent à la mission dévolue au CDA. Il a par ailleurs salué l’initiative supplémentaire du GRAMP/TC qui s’inscrit à l’avant garde de la phase d’application de la politique de développement local si chère aux autorités du pays.

Dans l’ensemble, la session de validation des PDL à laquelle nous avons pris part a été une grande occasion du donné et du recevoir, doublée d’une parfaite réussite de l’approche participative de toutes les parties prenantes au projet comme en témoigne le résultat de chaque canton ainsi que les propos qui accompagnent : validation sans réserve avec une note de 16 sur 20 pour le canton Miandoum, 15 sur 20 pour celui de Béro et 14 sur 20 pour le canton Komé Ndolebé.

En somme, par cette validation, le CDA a autorisé la diffusion et la vulgarisation des PDL en vue de la réalisation des projets de développement sur les sites retenus par les cantons bénéficiaires. Vivement, que le développement s’enclenche !

Alain Djimassal