Kate H.E.

Mon cousin l’austronésien : D’où viens-tu ? (Partie 1)

On entend souvent, à tort, que les Philippins sont d’origine malaise. Venus du centre de l’Asie du Sud-Est, ce peuple malais se serait propagé dans le reste de la zone, dont l’archipel philippin. Grâce aux recherches linguistiques, on sait aujourd’hui qu’il en est tout autre.

Il y a 5 ans, je débutais l’apprentissage du Filipino, la langue officielle des Philippines. L’objectif étant de me rapprocher de mon autre culture et de me sentir un peu moins étrangère dans mon propre pays. La formation que j’ai suivie à l’Inalco étant bien faite, le programme comportait de l’histoire en plus des cours de langue. Pour le premier devoir que j’ai eu à rendre, le sujet étant libre, j’ai décidé de commencer par le début et de chercher l’origine des Philippins. Si on met à part les Negritos – appelés ainsi parce qu’ils sont petits de taille et noirs de peau – arrivés dans l’archipel il y a au moins 50 000 ans et aujourd’hui marginalisés et discriminésles Philippins appartiennent majoritairement au groupe ethno-linguistique austronésien.

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Village austronésien en Indonésie, Tropenmuseum, part of the National Museum of World Cultures, via Wikimedia Commons
L’Austronésien, un grand navigateur

Les Austronésiens naviguent loin et longtemps, bien avant la période des Grandes découvertes qui a duré du XVème au XVIIème siècle, et pendant laquelle de célèbres explorateurs ont découvert des « peuplades » qui elles, savaient déjà qu’elles existaient. Mais passons…

Avec les Austronésiens, on assiste à l’apparition des premiers grands navigateurs de l’histoire de l’humanité et leurs migrations vont couvrir de longues distances maritimes et insulaires en un laps de temps relativement court.(1)

Selon l’hypothèse admise par les chercheurs (2), les Austronésiens seraient originaires du sud-est de la Chine et auraient immigré à Taiwan il y a 5000-6000 ans. Ils y seraient restés un temps avant qu’un groupe, probablement originaire du sud-ouest, se rende vers les Philippines, dans la province de Luçon. De là, un groupe serait parti vers le sud-ouest, vers Bornéo puis Sumatra et Java. Parmi eux, certains se dirigent vers la péninsule Malaise ainsi qu’à l’est du Vietnam et du Cambodge. D’autre ont navigué plus loin encore, atteignant ainsi l’île de Pâques et Madagascar.

Comme on peut le voir sur cette carte, les Austronésiens se sont dispersés sur une large zone maritime. L’auteur a cependant daté les migrations selon le calendrier chrétien. Les austronésiens sont arrivés aux Philippines il y a 2000 avant J.C. soit, il y a 4000 ans.

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Expansion des langues austronésiennes, par Maulucioni, basé sur des travaux antérieurs de Christophe Cagé, via Wikimedia Commons

Aujourd’hui, il existe plus de 1000 langues austronésiennes, avec 270 millions de locuteurs. Et le Filipino en fait partie. Aux Philippines, en plus des langues, les austronésiens ont rapporté avec eux une organisation sociale très particulière qui, nous le verrons par la suite, façonne encore les relations entre les individus.

1- Des Austronésiens en Asie-Pacifique, Hubert Forestier et Dominique Guillaud, ASEANIE, N°16, décembre 2005.

2- Blust, R., Austronesian root theory : an essay on the limits of morphology, 1978.



Une bouteille à la mer

Pour mon premier article, je pensais parler des enfants nomades, des enfants de troisième culture, expliquer qui ils sont. Mais ce soir, j’ai envie de pousser un coup de gueule, un cri du cœur.

Avec les réseaux sociaux, on a vu naitre une nouvelle culture du paraître. C’est à qui montrera le plus de photos de voyages, les plus de photos de soi heureux, entouré d’un tas d’amis souriants. Et avec la mode du développement personnel, on a vu apparaître de véritables gourous de la réussite. Les états d’âme ne sont plus permis, l’échec encore moins. C’est la méthode Coué : à force de se dire que le monde est beau, et en le montrant au plus grand nombre, peut-être qu’alors, il le sera. Un bonheur affiché sur les écrans pour oublier que non, tout ne va pas bien. Oui, pourquoi se focaliser sur ce qui ne va pas quand il suffit de fermer les yeux sur ce qu’il se passe autour de nous ?

On se gave de belles images et en attendant, on oublie la vraie vie. Celle qui se vit, et non pas celle qui se montre. Car oui, quand je regarde les photos de Pierre à la plage, de Paul qui mange un hamburger dans le dernier restaurant à la mode ou de Jacques et de ses enfants si drôles, si intelligents, j’oublie la dizaine de sans-abris que j’ai croisés dans le métro aujourd’hui. Si tant est que je les ai remarqués. J’oublie qu’en ce moment, c’est la guerre en Syrie. Déjà 120 000 morts depuis le début des combats en mars 2011. J’oublie que depuis 2008, le Grèce est en faillite. Que plus d’un quart de sa population active est au chômage. J’oublie la folie de ces personnes aux Etats-Unis, qui un jour prennent une arme et tuent, sans distinction, tout ce qui bouge devant eux. J’oublie qu’en Russie, le Parlement veut débattre d’une loi pour retirer leurs droits parentaux aux homosexuels. J’oublie qu’il y a une dictature en Corée du Nord, et qu’à cause des pénuries alimentaires, les plus pauvres se sont nourris d’herbe ou d’écorces d’arbres pour survivre. Et j’oublie qu’en Somalie, c’est la sécheresse, et qu’entre 2010 et 2012, 258 000 personnes sont mortes de faim.

Alors, oui, je sais.  J’entends déjà les répliques : « Si on pense à tout ce qui va mal, on ne vit plus. Autant abandonner tout de suite ». Sauf qu’on oublie aussi beaucoup d’autres choses.

J’oublie qu’au Myanmar, une femme a passé 15 ans en liberté surveillée et en prison pour s’opposer à la junte militaire. En 1997, son mari, qui vit au Royaume-Uni avec leurs deux enfants est atteint d’un cancer. Aung San Suu Kyi n’a pas le choix, si elle quitte son pays elle ne pourra plus y revenir. Alors elle reste. Elle ne le reverra plus jamais. J’oublie qu’un homme, que son peuple appelle affectueusement Madiba a passé 27 années en prison. Son crime : vouloir lutter contre la ségrégation raciale. J’oublie qu’en Russie, deux femmes membres des Pussy Riot ont été condamnées à deux ans de travaux forcés pour avoir utilisé leur art comme forme de contestation. Et qu’une des deux, a disparu depuis 13 jours. J’oublie que depuis juin, les Brésiliens manifestent pour améliorer leur système. Oui, j’oublie toutes ces personnes qui font abstraction des choses du quotidien pour se consacrer à une plus grande cause, pour se consacrer aux autres. Et ça, c’est vraiment dommage.

Je ne dis pas qu’il faille oublier de vivre pour soi. Tout le monde n’a pas les épaules de ces personnalités citées ci-dessus. Moi la première. Mais c’est pour cette raison qu’il existe des gens prêts à nous rappeler tout cela. Ils nous informent, nous font lever la tête du guidon et nous font relativiser les petits tracas du quotidien. Ces personnes vont au plus près de l’information, parfois en risquant leur vie.

Rien qu’en 2013, Reporters sans frontières a recensé la mort de 43 journalistes et de 25 net-citoyens et citoyens-journalistes. Sans oublier les 184 journalistes et les 157 net-citoyens emprisonnés à cause de leurs activités. Et ces chiffres viennent encore d’augmenter. Aujourd’hui, le samedi 2 novembre, deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été enlevés à Kidal, dans le nord du Mali, puis exécutés peu de temps après. Leurs corps ont été retrouvés criblés de balles, à 15 km de la ville. Il n’y a pas de mots pour exprimer l’indignation que suscite cette terrible nouvelle. Sauf peut-être de rappeler que sans journalistes, il n’y a pas de démocratie. Et que cette dernière vient encore de perdre deux de ses porte-paroles.