Valéry Moise

Le défi d’être haïtien…

Le défi n’est pas nouveau. Il est lié à la variété raciale à laquelle appartient l’Haïtien et à son histoire. Le monde moderne ne s’est jamais résolu d’accorder le pardon à l’Haïtien pour son double péché d’être noir et d’avoir renversé l’ordre esclavagiste. Du moins tel qu’il a été initialement conçu et basé sur la déshumanisation brutale et violente de la variété noire. Depuis lors, les pitoyables instruments du mal se sont ingéniés à trouver d’autres moyens plus subtils, mais non moins efficaces et cyniques.

Au nombre des affreux mécanismes mis en œuvre pour rendre impossible l’existence dans la dignité de l’Haïtien, nous comptons, entre autres, l’embargo international de l’après 1804, l’occupation américaine de 1915 et récemment l’invasion onusienne de 2004.

S’il est évident qu’il existe des étaux externes toujours prêts à nous comprimer jusqu’à la moelle pour nous enlever notre humanité, nous devons aussi reconnaître que la complicité interne ne se fait jamais prier. L’histoire nationale ne tarit pas de Conzé (1). Ils sont militaires, médecins, prêtres, avocats, intellectuels, professeurs d’université et depuis récemment artistes et législateurs. Ils se prêtent tous, pour le prix le plus vil, à la comédie animale du colonisateur qui a seulement changé de stratégies, mais poursuit encore le même objectif.

Le 11 février 2015, dans un sursaut d’inhumanité collectif, des Dominicains ont brutalement assassiné puis pendu sur une place publique de Santiago un ressortissant haïtien. Cet acte d’un barbarisme rare est survenu dans un contexte général de campagne anti-haïtienne, de cambriolage en plein jour du domicile de l’ambassadeur haïtien en République dominicaine et de piétinement haineux et récurrent du drapeau haïtien. Cette horreur susceptible de faire trembler d’effroi le plus sadique des animaux fait partie du train quotidien de Haïtiens vivant en République dominicaine. Ils sont tous les jours pourchassés et battus comme des chiens. Paradoxalement, ils font la queue et se bousculent pour traverser en territoire voisin. À la vie d’ici, ils préfèrent l’enfer de l’autre côté. Mais pourquoi ? Illusion ? Dégoût ? Instinct suicidaire ?

Non, ils s’offrent en martyr ! Ils bravent la mort indigne, cruelle et publique pour ressusciter notre conscience. Nous qui sommes entrepreneurs, gouvernants, élites et directeurs d’opinions. Nous qui avons perdu le sens de l’essentiel et gaspillons toute notre énergie dans des luttes fratricides pour des lentilles. Nous qui avons malheureusement oublié qu’être haïtien dans ce monde de consommation est un défi.

Le défi n’est pas nouveau, disions-nous. Mais il requiert de nouvelles approches et de nouvelles stratégies. Les sacrifiés n’ont que faire de nos remords fugaces, nos rages impulsives et pire encore nos discours creux et vains invitant les autorités d’ici ou d’ailleurs à prendre leur responsabilité. La communauté internationale, pour sa part, se fout de notre gueule de pauvres et de nègres ! Tant que nous ne nous efforcerons pas de mériter le respect par le progrès économique et social, nous ne serons le bienvenu nulle part. Tant que nous laisserons la politique à des cancres et des intellectuels sans état d’âme qui ne jurent que par l’argent, la vie de nos citoyens ne vaudra pas celle d’un ver de terre.

Je suis profondément consterné par la répétition de ces affronts. Mais au lieu de m’en prendre à ces fous furieux, je préfère me tourner vers mes frères et les inviter à entrer dans des réflexions intenses autour du redressement de notre situation de misère. Nous devons parvenir au mépris de la République dominicaine. Mais, ce résultat passe d’abord par le réveil de la conscience nationale, la réforme de notre système éducatif, le choix d’un système économique viable et adapté, la codification et la valorisation des métiers techniques et intermédiaires, le renforcement de la justice et finalement la modernisation de la politique. Être ayisyen, est un défi qui nécessite qu’on se résolve à ne compter que sur soi-même, à avancer malgré l’adversité, à ne pas perdre foi en un lendemain meilleur et surtout à ne s’autoriser le loisir qu’après le travail rigoureusement accompli. Depi fèy la tonbe nan dlo, l’ap pouri kanmenm, jou va jou vyen !(2)

1- Traître ayant livré Charlemagne Péralte aux Américains

2- Le pourrissement suit toujours la feuille tombée dans l’eau, un jour succède à un autre.

 

Dr Valéry MOISE

lyvera7@yahoo.fr


La jeunesse et la politique en Haïti

Pour être honnête, la jeunesse haïtienne n’est homogène et n’autorise le pronom défini que dans le titre de ce texte. Si la vérité devait être rigoureusement honorée, la formulation la plus appropriée serait « Les jeunes et la politique en Haïti ».

Il me parait superflu de m’arrêter sur l’importance démographique des jeunes en Haïti. Le plus novice des politiciens décèle sans peine que c’est le premier refrain à mémoriser dans le cadre des campagnes électorales. Ensuite viendront les incontournables chansons d’accompagnement des paysans et la relance agricole. Et comme pour tendre un pont entre la parole et l’acte, quelques sacs de riz importés sont généreusement distribués aux paysans auprès de qui le vote est marchandé. Ce n’est pas chez nous que le ridicule va commencer par tuer !

Ici, il existe une option honorable au chômage et au désir d’enrichissement rapide et illicite : La Politique. Et le cheval de bataille reste inchangé à travers le temps : La jeunesse. Une jeunesse qui sert de slogan et qu’on s’efforce de maintenir dans la mendicité et la corruption. Une jeunesse peu à peu transformée en objets sexuels et instruments de violence. Une jeunesse fanatique détestant les livres et l’effort. Une jeunesse à qui échappent les vertus de la patience. L’heure est désormais venue pour l’opération de grands changements. La politique doit devenir une sphère réservée au plus capable ayant le sens du don de soi et de la primauté des intérêts de la Nation. De même que la jeunesse doit se faire l’obligation d’apprendre, d’observer, de se concerter, de s’entrainer dans la réalisation de projets communautaires avant de s’engager dans la chose publique. Ce n’est point parce que les ennemis du pays sont puissants qu’ils parviennent à garder la majorité dans cet état de crasse et d’indignité. Quand il y aura moins de barrières et de préjugés négatifs entre les jeunes ruraux et urbains, moins de méfiance entre les jeunes leaders, plus de transparence, d’honnêteté et d’esprit de service, les monstres disparaitront d’eux-mêmes. Mais tant que chaque jeune rescapé de la misère et de l’ignorance se prend pour un dieu capable de changer un système pourri à lui tout seul, tant que nous serons dans les rues pour crier ‘’Vive ou A Bas’’, nous demeurerons à la fois complices et artisans de nos malheurs.

La République n’a pas besoin de super héros mais de vrais citoyens laborieux conscients de leur mission historique. Aussi, le champ de la politique n’est-il pas le seul à devoir être alimenté en de meilleures semences. Soyons des éducateurs responsables, des entrepreneurs avisés, des professionnels compétitifs et créatifs, des acteurs valables de la société civile, des exemples vivants et le reste suivra. Quand le peuple sera suffisamment instruit, quand il travaillera et paiera des taxes, il demandera alors des comptes et il saura qui est réellement dans son intérêt. Ne combattons pas les discours mais les réalités qui leur permettent l’existence.

Jeunes de mon pays, vous qui constituez l’élite intellectuelle et économique, que vous soyez dans la diaspora ou l’amère patrie, vous avez une chance inouïe d’écrire de nouvelles pages d’histoire avec vos noms inscrits en lettres d’or et de gloire. Reconstituez l’itinéraire de vos parcours, comprenez pourquoi vous êtes encore à ce stade, découvrez pourquoi vous hésitez à éprouver de la fierté d’être haïtien et étonnez-vous, étonnez le monde !

 

Dr Valéry MOISE

lyvera7@yahoo.fr

 

 

 


La colonisation dont Haïti devra se défaire

Haïti est un pays de paradoxes. Le seul à n’avoir pas attendu d’être pubère pour enfanter la liberté des nègres. Quand le Noir était animal inférieur, le travail synonyme de corvée, l’oisif moissonneur, il était le porte-étendard du respect de la dignité humaine indépendamment de sa variété raciale. Mais 210 ans plus tard, nous sommes obligés d’admettre que nos lauriers contenaient le germe d’un poison mortel : l’exceptionnalisme.

Ce mode de pensée qui veut croire que l’Haïtien est un être exceptionnel. N’en déplaise à beaucoup, nous ne le sommes pas ! On n’est pas exceptionnel parce que des ancêtres ont accompli des prouesses extraordinaires. Tout peuple, indépendamment de son histoire, de son origine et de la richesse naturelle de son territoire, est soumis aux mêmes exigences de l’éducation, du travail et de la justice pour accéder aux sommets du progrès collectif. Et comme disait notre éminent Anténor Firmin, chaque être a ici-bas des conditions en dehors desquelles il lui est incapable d’accomplir sa destinée. Pendant longtemps nous nous sommes leurrés. Nous nous sommes posés en exception de toutes les règles pourtant immuables et intemporelles.

Nous avons choisi la trahison et l’individualisme quand l’union faisait notre force, nous avons célébré l’obscurantisme quand la lumière nous montrait la voie de la gloire. Pendant longtemps et aujourd’hui encore nous engageons des aveugles comme guide infaillible. Nous ouvrons nos portes à la démocratie, mais nous fermons nos esprits aux débats contradictoires. La démocratie n’est pas un slogan. Elle comporte un ensemble d’exigences et de privilèges incompatibles avec l’inculture et l’intolérance. C’est de cette ultime colonisation dont Haïti a besoin de se défaire. On n’élève pas les trônes d’une nation solide sur l’éducation abrégée et le fanatisme.

Haïti a besoin d’honorer la voix de la compétence et de la scientificité.  Le peuple doit s’efforcer de s’élever à ce niveau où est nette la distinction entre le progrès virtuel et réel, le souhait et le fait, l’image et la réalité. Trop longtemps nous nous sommes servis de l’aune du pire. Entre le pire et le mauvais, nous devons arrêter de choisir et exiger le bon à défaut du meilleur. Car comme disait Lévi : « La nature porte les imparfaits à s’entre-déchirer et la guerre est le résultat équilibrant de l’égoïsme féroce des amours des hommes et des nations ». Changeons le mal bien, élevons le bien au mieux !

Dr Valéry Moise

Email : lyvera7@yahoo.fr


Quand la jeunesse donne de l’élan à l’espoir…

Ils étaient venus de partout. Ce matin du samedi 15 novembre était pour beaucoup un pas en dehors de la zone de confort, un bond dans l’inconnu et une aventure dont seul l’égrènement des heures allait permettre de définir. Leurs points communs étaient la jeunesse et la volonté d’engager des discussions autour de quatre thèmes : Education, Environnement, Entrepreneuriat et Coopération Internationale. Cet appel au rassemblement et à l’engagement était parti du groupe Echo-Haïti, une organisation de jeunes  à but non lucratif qui a osé défier l’utopie en lançant le projet Elan-Haïti. Un projet singulier dans sa démarche, son approche, sa vision et sa mise en œuvre. Elan-Haïti est d’abord cette capacité de reconnaitre le mérite des autres et de le mettre en valeur. Il est ensuite ce remède aux paroles et promesses oiseuses qui caractérisent notre temps. Il est un point d’intersection entre la volonté exprimée et l’action engagée. On me pardonnera de célébrer la victoire avant la fin de la guerre, mais, après tout ce que je viens de vivre du 15 au 18 novembre dans le cadre de ce symposium international, je suis en droit de vanter le fruit déjà  présent dans la fleur.

Crédit photo: Elan Haiti 2014
Crédit photo: Elan Haiti 2014 : Panel sur la Coopération Internationale

De tous les remparts contre le désespoir en Haïti, il n’y a qu’un seul qui tienne encore : La jeunesse. Cette jeunesse qui refuse la facilité, cette jeunesse sourde au découragement, cette jeunesse qui se renforce à chaque chute, cette jeunesse qui n’est pas majoritaire mais qui s’implique, se responsabilise. La fin du symposium a vu l’accouchement de 4 projets qui constituent le ciment qui empêchera la dispersion de cette énergie dont la jeunesse présente a fait preuve. C’est aussi l’occasion pour moi de remercier tous nos frères et sœurs étrangers qui ont bravé les interdits et la conspiration anti-haïtienne pour venir prendre part à cet évènement. Notre hospitalité leur est garantie à jamais. Dans le petit village qu’est devenu le monde, le bien-être, la paix, la prospérité, l’humanisme, l’entraide, la tolérance doivent devenir un leitmotiv commun. Que Dieu renforce la jeunesse et bénisse Ayiti !   Dr Valéry MOISE lyvera7@yahoo.fr


À l’écoute des étoiles…

Il était loin de se douter que le décor était planté pour ce dialogue silencieux où le mot quel qu’il soit aurait été de trop. Seul, à la faveur d’une de ces coupures d’électricité un peu trop familières, il scrutait l’horizon. En quête de perspectives, de réponses et de paix. Pour rendre hommage à la vérité, les fardeaux de son pays et de sa génération pesaient particulièrement lourd, ce soir-là, sur son esprit de citoyen conscient et engagé. Il se demandait pourquoi !

Pourquoi sa terre tardait à faire renaître un Henry Christophe, un Anténor Firmin, un Charlemagne Péralte, un Rosalvo Bobo, un Emile St-Lot ? Pourquoi, malgré les multiples répétitions, son peuple ne parvient pas encore à assimiler l’essence de sa devise l’union fait la force ?  Pourquoi, malgré ses richesses, occultées et officiellement admises, Ayiti ne refuse d’être une terre d’honnêtes opportunités pour ses fils ? Pourquoi la plupart des Haïtiens ne brillent qu’à l’extérieur ? Pourquoi la sphère politique, domaine préalablement si noble et si important, est-elle devenue un repère de bandits, de scélérats, d’apatrides qui ne respirent qu’individualisme et corruption ? A peine allait-il être submergé par les flots du désespoir que ses yeux, on ne sait par quelle magie, ont été portés vers le ciel.

Dans un silence audible par lui seul, s’entama alors un monologue étrange. Un monologue qui semblait venir à la fois des étoiles et des entrailles de la Terre. Il était question d’espoir, de courage, de patience et de persévérance. Il disait que tous les grands progrès sont les œuvres d’humains laborieux qui ont osé rêver et défier le doute. Il y était reconnu que les nations développées n’étaient pas tombées du ciel, et qu’elles aussi ont eu leurs périodes de tâtonnement dans les ténèbres, jusqu’à ce que des citoyens conscients aient fait briller la Grande Lumière cachée au fond d’eux-mêmes. C’était un monologue étrange où il était aussi question d’aveux. Aveu qu’Haïti n’est pas un territoire maudit des dieux, mais un pays habité par des individus irresponsables, réfractaires à la raison et l’engagement citoyen, qui ne font pas honneur à leurs illustres ancêtres. À ceux-là qui avaient rétabli la dignité humaine de toute une race que des exécrables avaient choisie pour être des parias, des bêtes de somme. À ceux-là qui sont sortis des gouffres de l’inhumanité pour se dresser face au soleil.

Ce témoignage était trop beau. Il avait besoin de fermer ses paupières pour contempler de l’intérieur le parcours épique de ceux auxquels il succède de plusieurs générations. C’est alors que l’étoile la plus brillante, pour porter au comble son émotion, avoue, un peu gênée,  qu’elle était jalouse de tant de prouesses.

Reconnaissant et perplexe, le jeune professionnel se leva avec la détermination d’améliorer tout ce qui est soumis à son pouvoir, ne serait-ce que sa vision du monde et de son pays. Une fois debout, comme une invitation à l’action, comme une révolte face au désespoir, cette phrase de son ami Eliphas Lévi, s’imposa en maître absolu à son esprit : Dieu donne à chacun dans cette vie un animal à dompter. Les plus favorisés sont ceux qui luttent contre un lion : quelle gloire auront ceux qui n’auront eu à dompter qu’un agneau ?”.

 

Dr Valéry MOISE

lyvera7@yahoo.fr


Pourvu que cette dictature ne touche pas au sexe !

Il arrive toujours ce moment où la sécurité de sa bulle devient étouffante. Ce moment où un pas dans le vide apparaît comme acte de raison. Ainsi, laisse-t-on sa zone de confort pour aller vers l’autre, lui tendre la main, regarder à travers ses lunettes et accorder une oreille attentive à son histoire.

Alors on se rend compte qu’il n’y a qu’une façon d’embrasser la réalité dans sa globalité et qu’un moyen de modifier le destin : le dialogue intéressé.

Si le mot est facile d’utilisation, sa mise en œuvre ne s’inscrit pas dans la même veine. Dialoguer présuppose un minimum de cultures, de méthodes et de capacité d’élaboration de sa pensée. Voilà l’un des talons d’Achille de la génération à laquelle j’appartiens.

Depuis que certains journaleux et politiciens m’amènent à douter de notre appartenance à la même espèce qu’un Henry Christophe, un Steeve Jobs, un Einstein, un Kagame pour ne citer que ceux-là, j’ai arrêté de prendre ma dose quotidienne de « nouvelles ». La frontière était devenue trop mince entre l’information, la propagande, l’incontinence verbale et la promotion de la médiocratie.

Mais à la faveur de la dictature annoncée et programmée pour le mois de janvier 2015, il m’a paru important de surseoir à mon autocensure et de rencontrer quelques jeunes dans la perspective de recueillir leurs avis.

Je supposais déjà, vu l’accueil triomphal indéfectiblement accordé aux trivialités, qu’une tranche trop importante de notre jeunesse ne s’adonnerait qu’aux banalités. Mais je voulais quand même mettre en doute l’évidence et évaluer combien nous sommes vraiment réfractaires à la science, à la décence, au patriotisme et à l’engagement citoyen. La réponse a été sans équivoque : « Que le pays crève, que la dictature revienne, pourvu qu’on ne touche pas à notre libertinage et nos comportements sexuels dangereux et irresponsables ! »

Ce n’est pas le mal-développement qui détruit les peuples mais l’absence de mémoire collective et la fracture générationnelle. C’est à tort qu’on assimile le jeune âge à l’effervescence pulsionnelle. Dans un pays dévasté comme le nôtre, la jeunesse devrait être  cette catégorie qui ne s’autorise ni désespoir ni répit. Nous ne devons pas nous permettre le suicidaire loisir de ne mobiliser que nos hanches. Aussi devons-nous nous arrêter de nous emballer dans des niaiseries dignes des périodes obscures de la préhistoire. L’Internet est source de richesses et de connaissances, nous gagnerons davantage à y effectuer des recherches et de créer des réseautages utiles plutôt que de rendre célèbres des cancres heureux et de partager des photos et vidéos pornographiques.

Le chaos est à nos portes. Nos destructeurs sont à l’œuvre. Ils ont besoin que nous nous confondons à la nullité pour exécuter leurs sales besognes et assouvir leurs bas instincts. Aujourd’hui, je lance un appel solennel à la frange encore récupérable de la jeunesse. Dépassons les individualités, réunissons-nous, soyons enrichis de nos différences, convergeons nos forces, proposons un plan, et travaillons à sa réalisation comme si nous étions immortels ! Soyons les dignes défenseurs de la liberté et de la dignité humaine ! Et rappelons-nous que la terre est sans cesse mouvante autour de la fosse qu’on creuse pour enterrer la liberté, les fossoyeurs y tombent toujours !

 

Dr Valéry MOISE

Email : lyvera7@yahoo.fr

 


À ceux qui pleurent…

Les lignes qui vont suivre n’ont pas la prétention de s’aligner suivant les fils d’un mouchoir. Pas plus qu’elles ne prétendent pouvoir réussir l’ablation des glandes lacrymales. Elles auront peut-être le mérite de susciter  des regards nouveaux ou mieux d’établir la relativité de ce qui nous déçoit, nous déroute, nous dérange, nous blesse, nous bouscule, nous ronge et, au pire des cas,  nous tue ! Aussi, sentirions-nous utile de savoir qu’elles ont au moins servi de socle aux têtes et aux cœurs favoris des épreuves de la vie auxquels il manquait un peu de repos.

Il est de plus en plus reconnu qu’une échelle de douleur n’a pas la valeur d’un thermomètre. La perception de la douleur varie donc d’un individu à l’autre. Ce qui explique qu’une piqûre de moustique chez l’un suscite les réactions propres à une frappe nucléaire chez l’autre. Mais toute relativité mise à part, il demeure que la mort, la maladie, la séparation, la décadence appellent une émotivité tendant vers l’universel et qui se manifeste le plus souvent par la tristesse et les larmes.

Certains prétendent que la tristesse est souvent l’expression visible d’une peur dissimulée et parfois même inconsciente. Un des promoteurs du pouvoir de l’instant présent, Eckhart Tolle, assimile la peur à une identification au Mental donc au Moi. Mais qu’importe le courant philosophique ou spirituel auquel l’on s’identifie, nous pensons qu’il est valable de considérer la tristesse comme un amenuisement de la foi ponctuelle ou un défaut d’appréciation d’une perspective qui nous dépasse. Nous voulons croire qu’en dépit des contradictions apparentes, le mécanisme de la vie est réglé suivant une logique d’évolution et de perfection. Une intentionnalité harmonisante s’assure de l’importance de l’infime comme de l’infini. L’océan a besoin de la goutte comme la fourmi a besoin de la terre. Et la vie ne remet ses clés de bonheur qu’à ceux qui la voient comme un mouvement d’alternance, d’interdépendance et de confiance.

Les difficultés, même dans leurs pires aspects, ne peuvent avoir le dessus que quand nous cessons de les voir comme des occasions de développer nos ailes, et surtout comme un feu devant permettre à notre or de briller de tout son éclat.

Essayons de changer de perspectives. Suivons la barque à la nage et arrêtons d’opposer la mort à la vie, de réduire l’amour au désir de possession, de substituer passé et futur au présent. Ainsi, osons-nous croire, que le cercueil de la chenille deviendra le berceau du papillon, les affres de la séparation deviendront les ailes de la libération. Il nous semble qu’on nous prend nos bras lorsqu’on nous ôte nos béquilles, mais rappelons-nous que nous sommes les fils de l’Univers et les projets qui sont formés sur nous, sont des projets de Paix et non de malheur.

L’âme n’éteint jamais sa sublime clarté,

Et lorsqu’au changement nature la convie,

Ce n’est jamais la mort, c’est un pas dans la vie,

C’est un progrès de plus dans l’immortalité. (Eliphas Levi)

 

Dr Valéry Moise

lyvera7@yahoo.fr


Soyez parents si c’est votre métier !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le monde semble être imperturbable dans sa marche vers la consécration du négligeable et la banalisation de l’essentiel. Là des enfants sont gazés, peu de voix s’élèvent, ici l’anniversaire de naissance de l’héritier d’un certain trône suffit à mobiliser l’énergie de mille volcans. La mode épouse l’indécence, la cacophonie détrône la symphonie et les écrans remplacent les visages. Dans cet univers tumultueux où les belligérants partent sans cesse à la chasse des rares îlots de paix, les maladies livrent une concurrence farouche aux meilleures avancées scientifiques. Elles deviennent foudroyantes et rapidement envahissantes. Par rapport à ces tristes constats, nombreuses sont les questions adressées mais peu d’interlocuteurs s’arrêtent. La conjugaison est bloquée à la première personne du singulier : Je.

Je ne suis pour rien dans l’injustice qui ronge le monde, je n’ai pas déclenché ces guerres qui fauchent des enfants en plein terrain de jeu, je suis loin de l’Ebola, j’ai aussi mon lot pour faire bref.

On cherche dans les conséquences la solution aux causes. On dilapide des fonds colossaux pour passer des heures dans des réunions où tout ce que l’on parvient à faire est de remplacer un mot par un autre pensant par là changer la dure réalité des populations. Je vous le dis en vérité, tant qu’on ne reviendra pas à l’unité fonctionnelle de toute société, tant qu’on ne revalorisera pas l’équilibre familial, tant qu’on ne pèsera  suffisamment pas la portée du mot « Parents », on va continuer à se foutre le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

J’accuse la famille désintégrée et la religion fanatique. J’accuse les géniteurs irresponsables et les prédicateurs imposant le salut de leur Dieu à coup de baïonnettes et de bombes. J’accuse l’école qui crée des gagnants qu’on glorifie au détriment des perdants qu’on détruit au lieu de les réhabiliter.

Je le répéterai jusqu’à ce qu’on l’intègre : « Les premières années durent toute la vie ». Le changement prôné ne sera accouché ni des sommets, ni des conventions, ni des résolutions stériles des pompeuses organisations internationales mais par la révision et l’amélioration de l’éducation de nos enfants. Le roi Salomon, dans un magnifique élan de sagesse, l’avait dit et je cite : « Instruis l’enfant selon la voie qu’il doit suivre et quand il sera vieux, il ne s’en détournera pas ».

Apprenez à l’enfant que la violence n’est jamais justifiée, que la différence est la norme, que toute vérité est relative, que l’intolérance est criminelle, que les biens matériels sont illusoires et éphémères, que toute vie est sacrée, et que le bien-être réside dans l’équilibre et le mouvement.

Être parent doit devenir un métier et un droit dont seul l’accomplissement des devoirs permet la jouissance. Il est destructeur de confier à un mal voyant qui tourne son voile suivant le vent du quotidien, le destin d’une âme dont l’énergie est bouillonnante et pas suffisamment canalisée. Par contre, on doit évidemment reconnaître que des politiques font tout ce qui est leur pouvoir pour garantir l’usage des prisons. Quand ils augmentent les heures de travail et diminuent parallèlement les salaires, ils volent aux enfants le temps d’un échange fructueux avec leurs parents, ils substituent l’influence néfaste des gangs prédateurs aux conseils familiaux et contribuent à l’alimentation des comportements marginaux subséquents à des épisodes chroniques de dépression.

À l’heure où l’Internet amenuise de plus en plus les frontières, la procréation doit être plus que l’expression de deux cœurs qui s’emballent, pour intégrer l’union de deux têtes qui pensent et de deux épaules qui se soudent pour planifier et exécuter un projet d’éducation tenant compte de tous les enjeux du monde et de toute la complicité de cette tâche. Soyez parents si c’est votre métier !

Dr Valéry Moise

lyvera7@yahoo.fr


Pour rappeler à la Digicel que l’enfer haïtien regorge de dieux déchus

Si le succès fulgurant était bon pédagogue et la mémoire fidèle, je ne serais pas en train de rendre ce service gratuit à la Digicel. Après avoir eu le grand mérite d’introduire la téléphonie mobile en Haïti, la Haitel, compagnie maintenant défunte, avait la maladresse de mordre à l’hameçon du capitalisme anthropophage. Au lieu de démocratiser cette facilité de communication, elle avait préféré offrir aux riches et aux arrogants rescapés de la pauvreté, le loisir de nourrir plus de vaine prétention en tenant un cellulaire. Vendu aux pris d’or à ce moment là. Et comme pour porter un toast à l’injustice et à l’abus, les appels entrants et sortants étaient également payés. C’était le coût du privilège de pouvoir accrocher à sa ceinture un petit appareil qui clignote! On se sentait élégant. L’ivresse de cette hypothétique élégance avait longtemps gardé les utilisateurs inconscients du manque de couverture du réseau et de la cherté du « service ». La bêtise se faisant contagieuse et le mal attrayant, Comcel et par la suite Voila se sont vite mises de la partie pour continuer à « plumer » la poule qui mettait une pointe de fierté paradoxale dans le fait de ne pas crier.

C’est dans cette atmosphère lourde en frustrations non exprimées et en espoirs inavoués que le pavillon rouge sang de la Digicel apparut au peuple haïtien comme l’étendard de la victoire. L’illusion avait pourtant quelques éléments d’objectivité. Le prix des appareils mobiles avaient drastiquement chuté, la couverture élargie comme jamais auparavant, le coût des appels entrants annulés, créations d’emplois en masse, salaires plus raisonnables par rapport aux autres operateurs et mieux encore la démocratisation de la téléphonie mobile. On ne demandait pas mieux. Des deux côtés les attentes ont été comblées au-delà des espérances. Le peuple avait son service à bon prix, et la Digicel sa grande part de marché et la reconnaissance d’un peuple longtemps maintenu dans la médiocrité des services. Consciente de cet état euphorique où toutes les gardes sont baissées, la Digicel en a profité pour infiltrer tous les espaces vides, coloniser les pouvoirs et finalement engloutir les piètres compétiteurs mais compétiteurs quand même. Et fidele à sa vocation, la foule sans âme a acclamé. Vive la Digicel, vengeresse des bourreaux de nos bourses.

Ces cris ont eu leurs effets. La Digicel ne s’est fait pas longtemps prier. Elle a étendu ses tentacules. Elle est maintenant partout. Sport, internet, éducation, marché public, activités festives et sournoisement la politique puisque voie royale de communication du Président. Toutes les conditions de l’impérialisme commercial sont réunies. Trêve de convenance. La comédie a assez duré. L’appétit du gain à tout prix ne saurait être bridé. La Digicel laisse tomber son masque et sort ses griffes. Facturation sans appels  émis, bombardement de publicités, que dis-je de propagande, retard de livraison de messages, réduction de la marge du maigre profit des vendeurs de « pappadap », service à la clientèle injoignable sans frais et récemment vol d’argent pur et simple. Pour l’abonnement internet payé au prix fort, on ne reçoit que censure d’application et indisponibilité de service sans remboursement.

Le Conseil National des Télécommunications CONATEL, étant à la solde de son grand patron répond aux abonnés absents pour la réception des plaintes. Personne ne protège les consommateurs. Les abonnés bafoués se réfugient soit dans l’expression de leur  indignation via les réseaux sociaux soit dans la résignation. C’est de cette deuxième catégorie qu’il faut se méfier. Elle a l’énergie du désespoir. Si elle a épargné les bâtiments de la Digicel lors de l’émeute de la faim en avril 2008, c’est parce qu’alors cette compagnie donnait un écho positif à leurs espoirs. Il serait fort imprudent d’oublier ce petit détail. Le peuple haïtien, je le rappelle, est capricieux et imprévisible. Dans son enfer, gît un nombre incalculable de dieux hier encensés et glorifiés. Duvalier et Aristide peuvent en témoigner.

L’erreur la plus fatale de l’homme en général et des systèmes qu’il forge en particulier, est de méprendre les limites de la force et du pouvoir. Loin de garder ce dernier sous leurs bottes, il lui crée un trône sur leurs têtes. Du coup, il oublie que le véritable pouvoir, celui qui dure, est celui dont on ne fait pas usage. Aux haïtiens aussi, ces comportements prédateurs doivent rappeler que les multinationales, de même qu’elles n’ont pas de frontières géographiques définies, n’ont, certaines fois, pas de limite morale. Le gain est leur seule boussole. Il faut que la société civile s’organise, réponde à sa vocation de groupe de contrôle et de pression. Les associations de consommateurs doivent cesser d’être considérées comme l’apanage des pays industrialisés. Exigez plus et refusez l’extraordinairement médiocre et injuste !

 

Dr Valéry Moise

lyvera7@yahoo.fr


De ces prisons, Mandela sortirait dieu ou rien du tout !

À côté, et peut-être même au-delà des règles de conduite personnelle, il y a les lois que personne n’est censé ignorer et sous le joug desquelles tous doivent se soumettre. Du législateur au plus vulgaire des quidams. C’est en vertu de ce principe que Nelson Mandela s’était vu offrir une place non désirée en marge de la vie sociale.

Tout en se laissant couler dans le creuset des plus puissants, les lois se permettent toujours la grossière moquerie de prétendre protéger les plus faibles. D’abord d’eux-mêmes et de leurs envies mal placées, ensuite de l’avidité des plus forts. Mais comme rien ne peut exister sans son contraire, il est des sociétés où les lois se placent au-dessous des caprices sans cesse changeants de certains citoyens. Proches du pouvoir en place dans la plupart des cas. Ils décident alors de ce qui est légal ou condamnable. Ainsi, est-il commode que les déviants par rapport aux principes de l’arbitraire, de l’injustice, de l’animalité, de l’exploitation se révèlent être dignes d’un seul mérite : la prison.

En Haïti, ce que nous appelons « prison » a de commun avec les autres que le nom. Tout le reste n’est que particularité. Singularité, dirais-je. Aussi loin de l’illégalité qu’on s’ingénie à poser, il peut toujours exister une voie magique menant à la porte trop accueillante de nos prisons. Lieu où les procédures de remise en liberté sont semblables à un bout d’entonnoir. Toujours très restreintes.

Mais pire que l’aspect aléatoire des circonstances de dépôt, il y a les conditions infrahumaines de détention. Le surpeuplement, les châtiments corporels, la carence de nourriture, l’absence d’hygiène, la privation de visites et les violences et perversions sexuelles constituent les principales politiques appliquées par nos centres de détention. Et c’est par le truchement de ces éclipses d’humanité que brillent les plus répréhensibles actes de violence. Violence qui distingue, qui procure respect, qui accorde faveur et qui prédispose à la libération en période pré-électorale. Vous comprenez la logique !

Quand les prisons cessent de répondre à leurs vocations de neutralisation, d’isolement et de réhabilitation du fautif, elles se transforment alors en bouillon de culture propice à la pullulation de tous les actes de banditisme.

Ici, par voie de conséquence, nous fabriquons des monstres que les jungles les plus barbares seraient incapables de contenir. Ici, seuls les attributs divins permettraient à Mandela de triompher des assauts du désir de vengeance. Sinon il ne serait rien. Pas plus qu’une loque humaine. A peine serait-il un élément rongé de maladies et rempli de rancœurs prêt à dévorer tout ce qui lui rappelle, un tant soit peu, les horreurs de l’injustice.

Alors mes chers concitoyens, comprenez que la bêtise est toujours insistante et métastatique. N’attendez pas que la peste s’abatte sur vous ou un membre de votre famille pour dénoncer l’inacceptable. Car, chez nous, quand Madame Justice se bande les yeux, ce n’est point pour ne pas avoir égard à l’apparence, mais pour s’assurer d’une conscience tranquille et se dédouaner quand elle accorde à l’innocent, la place qui revient au coupable.

Dr Valéry Moise

lyvera7@yahoo.fr


Entre fleurs et larmes

Perdue dans ses pensées, elle caressait avec une tendresse débordante son fils qui a de la fièvre. Elle attendait que je lui pose les questions devant me permettre de bien prendre soin de sa progéniture. Mais mieux que mon thermomètre qui évaluait la hausse de température de l’enfant, je prenais à travers ses yeux toute la mesure de sa déficience en amour. Elle en avait pourtant à revendre. Je l’ai vu. Pas un seul mouvement de ses doigts sur son enfant n’a été exécuté sans laisser une marque indélébile d’affection. Elle aime son fils. Mais aussi, à travers lui, son père.  Un père absent. Apparemment comme d’habitude. Et on ne serait pas loin de la vérité en pensant qu’il n’est souvent présent qu’à travers les douleurs qu’il cause à sa femme.

(suite…)


La lettre trouvée dans la poche du manifestant abattu

A mon fils qui veut être Président,

Si tu lis cette lettre, c’est que la lâcheté a encore triomphé du courage, la violence de la liberté, la tyrannie de la démocratie et surtout les mots des actes.

Quand je suis sorti ce matin, ce n’était pas pour aller déposer un nouveau CV. Les employeurs ne recrutent plus sur l’unique base du mérite. Je ne suis pas non plus sorti pour me dérober à mes responsabilités. J’étais sorti pour rappeler au gouvernement que moi aussi je suis un citoyen, que j’ai le droit de vivre dans la dignité. Que tant que j’aurai des diplômes valides et aucun handicap physique m’empêchant de me nourrir à la sueur de mon front, je n’accepterai aucune aide déshumanisante fut-elle peinte sur un tableau d’aide sociale. J’étais sorti pour dénoncer le copinage, la médiocratie, le règne des stupéfiants, l’inversement de la morale,  l’attentat quotidien des valeurs et surtout la corruption qui commence à laisser une dette bien trop lourde pour tes frêles épaules.

Mon fils, j’ai lu dans tes yeux et j’ai compris combien tes rêves sont grands. J’ai observé tes mouvements et j’ai deviné le sens de tes prises de position future. J’ai entendu tes silences et j’ai senti le tourbillon de tes réflexions précoces. Tu as déjà beaucoup vécu, mais laisse-moi te donner quelques conseils que tu ne dois jamais te permettre d’oublier.

Tu es né sur une terre qui a produit de sublimes héros et leurs justes contraires. Le peuple ici, apparemment beaucoup plus que ceux d’ailleurs, est émotif et capricieux. Il a souvent la regrettable habitude de préférer les promesses creuses des idiots aux propositions bien pesées de ceux qui ont péniblement gravi les pentes raides du travail pour se hisser aux plus hauts sommets de la compétence. Ici, les grandes révolutions sont patricides. Voilà, pour être bref, les défis qui t’attendent. Avant de vouloir être Président, apprends d’abord à être un citoyen modèle. Avant de prétendre connaître les autres et leurs aspirations, connais-toi toi-même et triomphe de ton ego. Ne te limite jamais à ta pointure et aux sentiers battus, chausse les souliers des autres et parcours leurs chemins. Comprends pourquoi ils sont tombés, honore-les et relève-toi. Mon fils, quand tu seras Président, rappelle-toi que tu redeviendras simple citoyen. Le monde est complexe et parfois violent, mais ne te prête jamais à la comédie animale de l’humanité, car il y aura toujours un retour de bâton. Méfie-toi des conseillers-renards et des amis parachutés. Et par-dessus tout, ne perds jamais ton cœur d’enfant !

Je sais que tu pleureras longtemps mon assassinat, mais je t’en prie, mon fils, à la vengeance de mon sang,  préfère la concrétisation de mon rêve d’une société siamoise de la justice. Et garde en mémoire ces mots d’Eliphas Levi : « La foi est le levier d’Archimède, lorsqu’on a un point d’appui dans le ciel, on remue et on déplace la terre ».

Ton père qui t’aime !

Dr Valéry MOISE

lyvera7@yahoo.fr


Cher policier, as-tu un fils lycéen ?

Il serait évidemment plus pertinent de demander au ministre de l’Education nationale si ses fils ou petits-fils reçoivent le « pain », ne le lisez pas en anglais, de l’instruction haïtienne. Pour peu que l’on se réfère aux habitudes, on sait qu’à cette question le ministre répondrait positivement si « les circonstances » ont permis que ses progénitures soient encore en Haïti. Pays à multiples facettes où pour être gentil le voleur sert un verre de lait pour chaque vache volée. Où la violence est condamnable et sévèrement réprimée seulement quand elle est exercée par les plus faibles.

Je n’ai pas besoin de savoir pourquoi des élèves sont dans les rues aux heures de classe, tout ce qui importe c’est qu’ils sont là en uniforme, sans arme, et qu’ils sont violemment chassés par des policiers. Ceux qui ont pour mission de protéger et de servir. Et si on n’appuie pas trop sur la liaison, ceux qu’on pourrait appeler les « forces des ordres ».

Il n’est nullement nécessaire de souligner que les ficelles autant des écoliers que la plupart des étudiants sont exercées, fort souvent, par des mains qui ne jurent que par fourrer leurs doigts dans l’œil de l’Etat. Mais le propre d’un individu manipulable est qu’il répond, avec à peu près la même inclination, aux sollicitations de nuisance et de construction durable. C’est à l’Etat de canaliser les énergies dégradées et indisciplinées de ses citoyens. Et un Etat force le respect et l’admiration quand il anticipe sur les causes de crise, y propose des solutions et évite de tomber dans les bassesses des réactions. On ne s’improvise pas chef d’Etat tout  comme, en l’espace d’un cillement, on ne fabrique  des forces de l’ordre. Si vous êtes fascinés par le bruit des tendres vertèbres sous vos bottes, si vous aimez les situations de panique déclenchée par les gaz « apnogènes[1] », si votre mission est de libérer votre stock de munitions toujours trop bien pourvu, si vous vous sentez monarque quand vous occupez seuls la voie publique, alors votre place n’est pas dans la police payée avec le sang et la sueur des dignes contribuables.

On sait que vous ne faites qu’exécuter des ordres venus de haut, mais l’évangile est connu de tous. A un principe injuste, personne n’est tenu d’obéir. Encore moins des individus doués de raison et de liberté. Il est toujours bon de garder en mémoire ce sage avertissement d’Eliphas Lévi stipulant : « Quand le pouvoir, semblable au rocher de Sisyphe, échappe aux bras qui veulent le pousser trop haut, il retombe et roule de nouveau au bas de la montagne ; c’est ce qu’on appelle une révolution. »

Ce n’est pas ce dont le pays a besoin pour le moment. Si nos rivières sont asséchées, nos cimetières regorgent de sang imprudent qui nous invite à la tolérance et à la résolution pacifique de nos conflits, si nos salles de classe sont vidées, nos prisons explosent d’individus à qui la dernière parcelle d’humanité a été enlevée. Haïti est un filet dont les mailles ont la détestable habitude de retenir les petits poissons et de laisser passer les gros.

Chers policiers, souvenez-vous d’où vous venez. Rappelez-vous ce que vous êtes venus chercher. Combien d’entre vous n’ont pas un fils, un petit cousin, un neveu, un frère au lycée ? S’ils manquent de jugement dans leurs comportements, c’est qu’ils ont manqué de professeurs dans leurs établissements, s’ils courent par tous les vents, c’est qu’ils n’ont pas suffisamment de bancs, s’ils vous empêchent d’avoir la paix, c’est que leurs directions ne disposent pas de suffisamment de craies.

D’audace et de pouvoirs qu’un méchant soit armé

                        Quand l’heure sonne, il faut qu’il épie et qu’il mesure

                        Et la raison de l’opprimé

                        Devient tôt ou tard la meilleure. (Le loup pris au piège, Eliphas Levi)

 

 

Dr Valéry MOISE

lyvera7@yahoo.fr

 


[1] Entendu comme substance ayant la propriété de provoquer des apnées (Arrêt de la respiration).


Et si le raciste Donald Sterling lisait un peu ?

Si j’étais sûr que Donald Sterling lisait beaucoup et en plusieurs langues, je n’utiliserais pas « l’encre noire » pour écrire ce billet. Mais ayant déjà compris que sa fortune est en équilibre avec sa pitoyable ignorance, j’estime qu’il serait inapproprié de lui accorder plus d’attention dans ces réflexions. Processus qui d’ailleurs semble lui être étranger !

Je reconnais avec tristesse que certains éléments de l’espèce humaine ont le don rare de pouvoir enjamber d’un seul pas rétrograde tous les progrès des différentes civilisations. Leur vision en tunnel n’obéit qu’à la loi de la pesanteur. Ils ne s’autorisent aucune analyse rigoureuse et personnelle. C’est trop éprouvant. Ils se disent, avec raison, qu’on ne peut introduire dans un petit esprit de trop grands concepts comme l’égalité des races humaines.

S’étant habitués à seulement glisser à la surface des choses, leur jugement ne s’arrête qu’à la peau. Soit que l’autre est de la même nuance épidermique soit qu’il n’est rien du tout. Ce comportement bassement instinctif, ô combien dangereux, a déjà écrit, avec des lettres de sang, des pages d’histoire dont le plus sauvage des animaux serait peu fier. Les plus redoutables jungles n’ont pas encore expérimenté toute l’horreur que peuvent contenir ces deux mots : Génocide et Esclavage !

Je n’ai pas connu Auschwitz, je n’ai pas connu la traite des Noirs d’Afrique, mais j’entends encore l’effroyable cri silencieux des mères qui s’efforcent de protéger leurs enfants, l’appel à l’oxygène et à la nourriture des gazés et des rebelles jetés par-dessus bord. Si certains Noirs et d’autres minorités exploitées tiennent aujourd’hui une démarche altière, ce n’est point parce qu’ils ne sentent plus les ravages des coups de fouet du colon d’hier et d’aujourd’hui, s’ils ne réclament pas le fruit des corvées atrocement inhumaines de leurs ancêtres, ce n’est point parce qu’ils sont lâches, mais parce qu’ils sont mus par la noblesse du pardon qui est l’apanage des Grands. Il aurait été beaucoup plus facile de se laisser séduire par la violence dont ils ont été hier victimes.

Pour le bonheur de l’humanité et surtout pour sa sauvegarde, Jésus de Nazareth, Toussaint Louverture, Martin Luther King Jr, Mahatma Gandhi, Nelson Mandela pour ne citer que ceux-là ont tué les germes d’homicide plantés dans chaque acte d’injustice. Ils ont amené une bonne part de l’humanité à comprendre que seule la diversité est richesse, que l’individualité est illusoire, que la supériorité est ignorance, que la complémentarité est absolue, que violence est faiblesse et surtout que la vengeance ne reste jamais invengée.

Fort de ces considérations, quand j’entends des propos racistes, j’entends un appel au secours d’un individu inculte qui a le dégoût de lui-même, quand je perçois une attitude hautaine, je sens la détresse d’une âme en mal d’élévation, quand je vois des systèmes fabriquer l’injustice, je vois des instruments de guerre.

L’humanité a besoin d’évoluer et de revenir aux choses simples en libérant les âmes captives de l’égoïsme brutal. La richesse économique et l’abondance du cœur ne sont pas mutuellement exclusives. Puisse l’Etre suprême permettre à ceux prétendant posséder une supériorité liée à la couleur de la peau et aux cerveaux atrophiés de comprendre que tout ce qui est divisé aux pôles est uni au centre !

Dr Valéry MOISE

Lyvera7@yahoo.fr


Peuples, marchez-vous selon la foi ou selon la vue ?

« Mache non pitit mwen [1]», lança tendrement la mère à son fils qui s’impatiente de devoir encore marcher. « Ah se jènjan w genyen, l’ap mache [2]»  rétorquai-je à la mère. « Li di l’ grangou, men m’ konnen Bondje pap kite jounen an pase san l’ pa manje [3]», face à la conviction de la mère, aucune réaction, du moins visible, ne vint de ma part. Les interrogations étaient trop nombreuses pour pouvoir être sorties d’une seule bouche.

C’aurait dû être un jour consacré au repos et à la prière. Il n’était pas encore 8 heures du matin, je me dirigeais vers l’hôpital où je devais assurer quelques heures de travail, je n’ai pas su où se rendaient la dame et son fils, tout ce qui ne m’échappe pas, c’était qu’ils marchaient selon la foi. La vue devait-être trouble. Et certaines phrases ont le don de coloniser la pensée dans certaines situations. « À l’homme qui marche, il n’appartient pas sa voie » me semble avoir été la  favorite de la dame ce matin-là.

Je ne voulais pas m’arrêter sur le sentiment qui anime une mère qui se voit incapable de donner à manger à son enfant. Je sais déjà que la douleur de l’enfantement est de loin préférable à celle-là. Quand on est préoccupé à donner la vie, les récepteurs de l’absinthe semble moins bien fonctionner, mais comment se soustraire aux atrocités de la culpabilité quand l’assiette qui maintient la vie est rarement chez soi ? Ceci ne fut pas l’objet de mes réflexions. Je me demandais de préférence jusqu’où Dieu ou Satan pouvait-il être impliqué dans les affaires humaines. À quelle proportion étaient-ils coauteurs ou spectateurs du bonheur ou du malheur des hommes.

Il faut évidemment de la profondeur pour pouvoir s’élever à certaines hauteurs. Celles où la science pas plus que la religion ne règne en maîtresse absolue. Celles où l’on comprend que l’on ne s’appuie que sur ce qui résiste, celles où l’on réalise que la stabilité est indispensable au mouvement, celles où l’on met bout à bout ce qu’en général on place face à face. Dans certaines sociétés, Dieu est à la Genèse et à l’Apocalypse de tout, dans d’autres la causalité lui ravit cette faveur. Mais force est de constater que la main de Dieu est partout dans les sociétés où la responsabilité humaine n’est nulle part.

Mon ami Pascal Adrien m’a dit un jour que la misère n’est pas un accident. Il m’a laissé entendre qu’il est programmé par l’inaccessibilité des masses à une éducation de qualité, la rareté des soins de santé, par le chômage pour être bref.  Je dois avouer que ces arguments ne m’ont pas laissé de glace. Ils se sont révélés vrais dans certains cas de figure. Après m’être penché sur la responsabilité des victimes dans leur sort, et extrapolé un peu, il m’a paru que le Créateur intervient très peu dans les affaires humaines et laisse presque toujours le sens du premier pas à la discrétion du voyageur. Et ce n’est pas la chronologie des miracles de Jésus et des prophètes qui l’ont précédé qui en disconviendra. Moise avait un bâton, les serviteurs à la noce de Cana avaient déjà de l’eau disponible pour remplir  les outres quand le vin venait à manquer, les disciples avaient déjà des pains et des poissons avant la multiplication et les exemples sont légions.

Quel est le rapport de toutes ces considérations et la faim d’un garçonnet à qui l’on demande de marcher, se demande probablement le lecteur impatient et exigeant ? Qu’il me soit permis de rappeler, une fois de plus, que la conception d’un enfant est soumise à un certain nombre de principes. L’enfant est source de richesse et de satisfaction seulement quand sa nutrition, son éducation et son support  affectif sont garantis. Aussi, voudrais-je écarter la conclusion rapide et facile de croire que je suis en train d’enlever aux pauvres leurs droits de procréation. Je veux seulement qu’ils soient conscients du cercle qui les maintient dans la pauvreté.  Je ne suis pas non plus en train de dédouaner l’industrie qui fabrique la misère du prolétaire dans le but de mieux l’asservir,  qui le maintient par les tripes au bas de l’échelle sociale,  qui tue son individualité et sa créativité dans les travaux en chaine, qui le garde dans l’ignorance pour qu’il ne pose pas de questions dérangeantes pour l’oligarchie, qui le bombarde de superflus pour qu’il perde de vue l’essentiel.

Peuples, si  je vous demande pourquoi avez-vous faim, les gouvernants me répondront parce que vous ne travaillez pas, mais si je vous demande pourquoi vous ne travaillez pas, on me traitera de communiste. Que votre foi vous sauve !

 

Dr Valéry MOISE

                                                                                                Email : lyvera7@yahoo.fr



[1]  Marche donc mon enfant.

[2]  C’est un grand garçon que tu as, il va marcher.

[3] Il dit qu’il a faim mais je sais que Dieu pourvoira à son besoin avant la fin de la journée.


Le droit des femmes de vivre libre de violence et de discrimination.

Ce n’est pas sans hésitation que j’ai accepté cet honneur  de me présenter ici à l’occasion de la Journée Internationale de la Femme pour parler de leurs droits de vivre libre de violence et de discrimination. Je me demandais comment allais-je pouvoir me soustraire de ce paradoxe qui ne risque  pas d’échapper  à l’attention des  féministes évoluant aux extrêmes : Un homme venant exposer aux femmes leurs droits !

Je n’attendrais pas leurs protestations pour solliciter clémence et l’opportunité d’expliquer ce qui peut paraitre très audacieux. Qu’il soit clair et compris de tous que je ne suis pas là en tant qu’homme. Je suis là en tant que fils, en tant que frère, et en tant qu’amoureux. Je suis là pour ma mère, mes sœurs et mes amours. Je suis là en tant que défenseur de la personne humaine à quelque genre qu’elle appartienne.

Droit des femmes est le premier thème autour duquel nous nous réunirons aujourd’hui.  N’attendez pas de moi les définitions savantes et compliquées. Pas même les articles. Encore moins les conventions et les décrets.

J’entends par Droit de la femme, l’obligation qu’elle a de se connaitre, de s’aimer, de s’éduquer, de s’instruire, d’oser,  de se respecter,  et  par-dessus tout de demeurer égal à elle-même, et de ne jamais se comparer à personne. Car, je vous le dis en vérité, aucun droit n’est à réclamer mais à protéger. Quand vous réclamez, vous rendez légitime l’illégal. Quand vous cherchez l’égalité avec les hommes, vous corrompez votre nature, vous niez votre importance.  Votre force est dans votre différence. Votre faiblesse est dans l’uniformité, la monotonie, la peur des nouveaux sentiers. Souvenez de votre pouvoir, c’est vous qui concevez les hommes, les nourrissez, orientez leurs premiers pas selon le sentier qui vous parait être le meilleur et comment ne trouvez vous pas anormal qu’après vous êtes broyées, humiliées, sous payées, et sous estimées ? Regardez vous en face futures mères, regardez en arrière épouses accomplies et réalisez que vous cherchez la solution dans l’effet en ignorant la cause.

Tant que, sous l’ordre stupide de vos maris, vous acceptez de garder les petites filles à la maison pendant que les petits garçons vont à l’école, tant que les travaux domestiques demeurent  l’apanage des filles pendant que les garçons sont traités en prince, an ti kòk, tant que vous estimez que le sport n’est pas fait pour les filles, tant que les poupées sont  tout ce que vous leur offrez comme cadeau, tant que vous craignez de leur parler de leur féminité, de leur expliquer les changements qui surviennent à la puberté, tant que vous les estimez trop jeunes pour les notions de sexualité, tant qu’elles ne sont pas aussi libres que les garçons dans le choix de leurs amis, tant qu’ elles sont vues seulement comme infirmières, religieuses, couturières, administratrices, secrétaires, enseignantes, cuisinières, décoratrices, vous commencerez à peine à réclamer une égalité qu’on ne vous accordera jamais.

Soyez  aussi des entrepreneures, des femmes politiques, des ingénieures en informatique, des astronautes, des ingénieurs mécaniques, des avocates, des militaires et j’en passe et seront disparues la violence, la discrimination et les inégalités.

Observez l’eau qui  désagrège la pierre et vous comprendrez que la puissance ne tient ni aux pantalons ni aux bras de fer. Arrêtez de voir le châtiment corporel comme une excellente forme d’éducation des enfants, et ceux-ci comprendront combien le corps est sacré et combien il est inhumain et inutile de recourir à la violence pour exprimer des désaccords ou infliger une punition.

Quand je vois un ministère à la condition féminine, je vois un danger pour l’union de la famille et un handicap à sa propension naturelle de trouver des solutions à des problèmes dont la compréhension est quasiment impossible à tout élément placé en dehors de son cercle. Aussi utiles que puissent être les mains au corps, elles ne sont jamais sollicitées dans les accidents qui interviennent assez souvent entre la langue et les dents. L’équilibre à rechercher est interne et dynamique.

Et pour mettre un terme à ma présentation de ce matin, je vous dirais, chères écolières, de prioriser vos études, d’aimer la lecture, d’apprivoiser l’écriture seules capables de vous aider à élaborer et coordonner vos pensées. Respectez votre corps et valorisez-le. Je n’irais pas jusqu’à vous exiger un esprit  sain dans un corps sain mais je m’en voudrais de ne pas vous exhorter à tenir vos perles loin des pourceaux. Vous ne gagnerez rien à résumer cette créature merveilleuse que vous êtes  en vos 5 sens. Inspirez vous d’Angela Merckel, de Michelle Obama, de Claire-Heureuse, de Catherine Flon, de Michaelle Jean,  d’Emeline Michel, réalisez en vous l’alliance rare de la beauté et de l’intelligence et devenez l’idéal de ce que pourrait exprimer le mot : Femme !

Je vous en remercie !

 

Dr Valéry MOISE

Email : lyvera7@yahoo.fr

 


Ces routes qui conduisent à la tombe

Dans une certaine mesure pourtant, ils font partie des chanceux. De ceux qui « travaillent », des rescapés du chômage. De ceux dont les photos retouchées ou les salaires réels amplifiés font dire qu’Haïti avance.  Vers quelle destination ?  Pour ceux-là, il s’agit de la  tombe !

Des traits de jeunesse sont encore perceptibles sur leurs visages. Ceux qui s’en douteraient, seraient vite rassurés par la vigueur de leurs bras. Au sein de la même équipe, ils sont répartis suivant les tâches. Certains sont affectés au transport de l’eau, d’autres du sable, et la plupart au mélange du ciment. L’inhalation et l’ingestion de la poussière de ce ciment qui, au fil du temps, affectera leurs fonctions respiratoires et tenant ainsi hors de leurs poumons, le souffle de vie.

La sécurité, même dans son sens le plus général, est un terme ésotérique en Haïti. Il est réservé aux initiés du gouvernement, de leurs proches et des « experts » de la communauté internationale. Pas besoin de le rechercher dans les contrats et conditions de travail. Cela n’intéresse personne. Pas autant les employeurs que les employés. A quoi cela servirait-il d’ailleurs dans un pays où le chômage règne en maitre absolu et où la justice est la raison ou mieux le caprice du plus fort ?

Sans masques, sans bottes, sans casques, sans gants, le travail doit être fait. Le choix est simple. Mourir tout de suite de faim ou souffrir à long terme de maladies pulmonaires. Par une simple observation, on verra qu’aucun  brave ne jette le dévolu sur la première option. Il y a une famille nombreuse à nourrir. Et ce qui manque aux femmes de ces ouvriers dont la vie subit chaque jour un attentat, ce n’est pas des mains de velours. Elles n’ont jamais connu ni les gâteries ni les caresses de la vie. Leur quotidien est fait d’ouragans qui les culbutent de problèmes en problèmes, pas de brises qui les caressent le visage. Elles sont habituées aux mains rocailleuses sur leurs peaux. Elles ne sont pas touchscreen !

Et pourtant cette peau-bouclier que la vie leur a imposée, cache et protège une mine de sensibilité et d’amour à l’égard de ces sacrifiés dont la vie ne risque pas d’être longue. Ces jeunes sur qui devaient reposer la  « reconstruction » du pays. Ces futurs invalides que l’Etat créent et aux besoins desquels il sera à la fois insensible et impuissant. Cette main d’œuvre bon marché que l’Etat gaspille et sous-estime. Cette aubaine dont la disparition va handicaper le développement de la classe moyenne et du coup favoriser l’importation des travailleurs dominicains et philippins comme c’est déjà le cas.

Chaque vie a besoin d’être revalorisée en Haïti. Aucune n’en vaut une autre. On a déjà réussi à provoquer le dégoût des  intellectuels conséquents, on est déjà parvenu à rendre le pays trop petit pour les grands idéaux, il est  donc criminel de ne pas assister la classe ouvrière, de ne pas forcer le Ministère des Affaires Sociales et du Travail à s’acquitter de son boulot dans les meilleurs termes dont il doit être capable.

On a déjà saisi qu’Haïti est ouvert aux médiocres, aux corrompus, aux invertébrés et fermé aux soucis du travail bien fait, aux standards internationaux et à la sécurité du travail.

Mais ce qui continue à soulever  l’interrogation c’est de savoir où vont cacher les colons quand le sang des  esclaves modernes  demandera des comptes.  Quand la sueur des travailleurs trop peu rémunérés ressusciteront  les rêves enfouis qu’on croyait à jamais  enterrer. On ne brise pas impunément la branche sur laquelle on s’assoit quand on n’a pas des ailes. Que la raison enseigne aux incrédules ce que la force du désespoir s’impatiente de faire pénétrer violemment dans leurs microscopiques cerveaux !

Dr Valéry MOISE

Email : lyvera7@yahoo.fr


La victoire qui manque aux Titans !

Ils en avaient marre de n’être que des numéros sur les listes électorales. Ils refusaient de continuer à se voir comme des marchepieds à des pouvoirs dont ils ne bénéficiaient presque jamais des privilèges. Ils ont décidé de partir. Sans itinéraire. Un point de départ clandestin et quel que soit le point d’arrivée pourvu qu’ils arrivent à échapper à cet enfer dans lequel ils devaient continuellement gémir pour avoir commis le péché mortel d’être prolétaire.

L’eau salée qu’ils battaient pour en tirer du beurre, ils avaient décidé de la traverser. Peu importe le moyen. L’essentiel est qu’ils passent de l’autre bord. Les risques sont énormes et ils en sont conscients. S’ils ne sont pas arrêtés par les garde-côtes, ils peuvent mourir dans d’affreuses conditions de faim et de naufrage. Mais à une mort lente, certaine, sur terre, ils ont préféré le risque de la mer. La foi de certains et la complicité de la nature émue devant leur misère et leur courage ont permis à certains d’atteindre leurs objectifs.

Les voici donc étrangers à la langue locale, sans papiers, sans contacts majeurs et sans qualifications la plupart du temps. Et pourtant, ils sont là en conquérants.  Pas des terres des autres, ni même de leurs richesses. Mais de leurs rêves d’une vie meilleure.

Une vie meilleure à gagner au prix des travaux pénibles faiblement rémunérés, des préjugés de toute sorte, du racisme et de la reconnaissance muette. Une vie loin de l’amour familial et de la culture dans laquelle ils étaient pétris. Une vie loin de la patrie à laquelle ils devaient appartenir. Mais miracle ! Même coupés de leurs racines, la sève héroïque continue à couler dans leurs veines. Le destin n’abat pas les Titans. Ils sont comme le café haïtien. Ils ne résistent pas à la dissolution dans l’eau bouillante, mais ils imposent leur couleur et leur saveur !

Ils s’intègrent à leur manière, prospèrent, soutiennent leur famille, et permettent la création de biens et de richesses dans leur communauté d’origine. Et la pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle !

Cependant, à l’envers de la médaille, le soleil semble s’obscurcir. Sous les toits de beaucoup de Titans évoluent des Nains. La douleur et la difficulté quotidiennes ayant capitulé devant leur ténacité, certains Titans ont cru bon de déposer les armes. Ils ont trop souvent oublié l’ultime devoir du combattant qui est de passer le flambeau.

Il se produit alors une cassure brutale, entre les «  immigrés » et leurs enfants nés en terre étrangère. On est même porté à croire qu’il y a, certaines fois, une perte systématique de l’héritage culturel. Serait-ce par souci d’adaptation à la culture hôte, serait-ce le fruit d’une certaine honte inappropriée de la différence, serait-ce la peur d’un poids historique trop lourd à porter, serait-ce le fait qu’ils se sentent anonymes dans toutes ces mégapoles cosmopolites,  serait-ce un défaut de transmission adéquate ou une conjugaison de tous les précédents ? Nous croyons qu’il s’agit là d’un important sujet de recherche pour les sociologues.

Tout comme on se sent fier quand des citoyens d’origine haïtienne réalisent un exploit, on se sent tout aussi déçu et humilié quand ils affichent des comportements qui les placent en marge des sociétés civilisées. Et l’on est souvent tenté de croire que l’éducation de la famille haïtienne traditionnelle comporte des digues qui ont le don de contenir les élans de vagabondage des adolescents. Et une comparaison superficielle entre les jeunes nés et élevés en terre étrangère et ceux immigrés à un âge adulte plaiderait en faveur d’un tel argument.

Qu’on ne me prête pas des intentions que je suis loin de soutenir. Il ne s’agit pas ici d’enclencher une division entre ces deux groupes qui ne le sont pas d’ailleurs tant ils ont des points communs, mais essayons plutôt de voir dans quelle mesure la force de l’un pourrait compenser la faiblesse de l’autre dans une coopération à bénéfice réciproque.

L’union qui fait la force ne doit pas être seulement prônée au niveau national, mais elle doit être portée le plus loin que possible. Pourquoi pas une structure d’échanges culturels et de soutiens entre les différentes franges de la diaspora ? Notre culture, tout en étant ouverte aux autres, doit se renforcer pour ne pas mourir. Les notions de courage, d’honneur, d’éthique, de respect, de mérite qui tendent à disparaître dans notre société de plus en plus consommatrice des déchets internationaux, doivent être réappropriées et transmises aux jeunes Haïtiens d’ici et d’ailleurs comme des traits culturels majeurs de nos ancêtres qui ont osé réhabiliter le statut de l’homme noir en particulier et de tout homme en général. Ils ont affronté le passage de la tombe pour créer une société moderne.  Soyons des fils dignes !

Dr Valéry Moise

                                                                                                           Email : lyvera7@yahoo.fr