artcontemporainafricain




Joséphine Baker envoûte le Théâtre la Scène Parisienne

A deux pas des Folies Bergères, où elle a dansé et trône toujours fièrement sur le somptueux fronton doré style Arts Déco du théâtre historique, c’est au 34 rue Richer au Théâtre la Scène Parisienne, que la compagnie Chiquita composée de deux jeunes excellents interprètes Thomas Armand et Clarisse Caplan sous la direction de Xavier Durringer rend un hommage vibrant et vivant à Joséphine Baker.




Diane Fardoun, réalisatrice de l’Appel à la Danse au Sénégal nous présente son film et son équipe

Le 27 avril dernier j’ai assisté à la première parisienne au Cinéma Les Batignolles du sublime film L’Appel à la Danse, réalisé par Diane Fardoun, franco-libanaise, qui est aussi une danseuse professionnelle. Diane, directrice artistique de ce magnifique film d’1 heure 20 est partie à la rencontre des danseurs sénégalais, accompagnée d’une belle équipe (images Hugo Bembi, investigation Pierre Durosoy, et  bande-son Julien Villa). Nous avons rencontré Diane émue, à l’issue de la projection présentée par Accent Parisien qui a reçu un standing ovation du public. Un moment de grâce pour cette équipe bénévole depuis 5 ans

Diane Fardoun, tu es la directrice artistique du film l’Appel à la Danse au Sénégal, mais tu es aussi une danseuse, peux-tu te présenter et nous expliquer ton parcours ?

Racontes-nous les débuts de ce magnifique projet …

Expliques-nous cette façon si particulière qu’a Hugo de filmer les danseurs ?

Comment as-tu découvert la musique de Julien Villa et expliques-nous ta rencontre avec Hugo Bembi ?

Et donc la troisième personne de ton équipe (très masculine) c’est Pierre Durosoy, dit Paya, qui a rejoint ton équipe. Expliques-nous ta rencontre avec Paya et comment tu manages ton équipe ! 

Une fois la somme de 3500 euros récoltée, vous partez immédiatement au Sénégal pour le tournage racontes-nous ce départ immédiat. 

Quelle a été la réaction des danseurs suite à la projection du film au Sénégal ? 

Enfin, Diane, comment peux-tu expliquer ton appel personnel à la danse ?

Teaser du film 

https://vimeo.com/307527315

Suivez Diane Fardoun et son équipe sur leur page facebook 

https://www.facebook.com/SCREENSKINfrance/


Petite histoire du wax : décolonisons la mode

A l’occasion de la Fashion Week, Les Etats généraux de la mode se sont tenus à la Colonie à Paris, les 19 et 20 janvier 2019. Lors de ce week-end spécial sous forme de séminaire expérimental, la thématique générale était : décolonisons la mode. Les nombreux intervenants organisés sous forme de tables rondes ont débattu avec passion. Revenons sur l’histoire du Wax, star des podiums. 

De toutes les matières c’est la wax qu’on préfère !

De Douala à Bamako, d’Abidjan à Cotonou, de Paris Barbès ou Château Rouge à New-York, le wax est depuis quelques années devenu une star incontournable de la mode occidentale. A la une des magazines de mode et des défilés, mais aussi des magazines de déco, le wax s’invite partout dans nos gardes robes et nos appartements par petite touche ou en total look. Wax caméléon, tantôt espadrilles, cravates, nœuds paps, sac à mains, valises ou parapluies. Wax d’ameublement : coussins, lampes, caches-pots pour cactus, tabourets ou tables basses. Attention toutefois à l’accumulation de motifs et de couleurs et surtout attention à ne pas frôler l’overdose !

Parapluies en wax. Image libre de droit (CC)

Comme dirait l’anthropologue Anne Grosfilley dans son ouvrage Wax and Co paru en 2017 aux éditions de la Martinière : « Trop de Wax tue le wax ! « 

Le wax est devenu sociologiquement l’étendard d’une africanité pour toute une génération et notamment pour des stars afro-américaines comme Beyoncé qui le portent fièrement comme signe d’appartenance à une communauté et revendique par ce vêtement identitaire leur descendance africaine.

Mais, le wax est devenu bien plus qu’un simple vêtement, il peut revêtir des symboliques religieuses, publicitaires ou politiques.

Un des exemples les plus emblématiques est celui de Mobutu, qui dans sa folie mégalomane, a fait imprimé des milliers de yards d’un wax imprimé léopard avec son portrait en médaillon. En effet, il aimait lors de sorties publiques que toute la population lui rende hommage.

Plus récemment, à l’élection de Barack Obama, le pagne présidentiel à son effigie a fait un carton international. Le sac à main de Michele Obama, est quant à lui, un motif de pagne très prisé, notamment par les femmes au Nigéria qui se l’arrachent et plus largement plébiscité sur tout le continent. Le motif du sac à main de l’ex-première dame est d’ailleurs répertorié dans les imprimés de Vlisco la référence hollandaise.

Le Wax est aussi souvent le garant d’une tenue sympa et colorée pour les occidentaux qui rêvent d’ailleurs et d’exotisme. Les sappeurs du Congo, rêvent eux aussi d’ailleurs en portant des vêtements des grands couturiers, français, anglais, italiens ou japonnais.

Les créateurs occidentaux l’utilisent comme un vocabulaire nouveau qui vient enrichir leur univers. Un souffle d’exotisme  sur la mode occidentale. Et ce n’est pas nouveau. Déjà en 1967, Yves Saint Laurent consacrait une collection à l’Afrique intitulée Bambara.

Tous en wax !

Jean-Paul Gaultier, Louis-Vuiton, Agnès. B, Balmain, Stella Jean, Dries Van Noten, ou plus récemment la styliste britannique Stella Mc Cartney (par ailleurs fille de Paul Mc Cartney des Beatles) dont le défilé à la dernière fashion week a fait polémique et suscité de vives réactions et enflammé le débat autour de la réappropriation culturelle, tous ont utilisé plus ou moins grossièrement ces dernières années du wax dans leurs collections.

Défilé Stella Mc Cartney, Fashion week 2018. © Stella Mc Cartney, Catwalk/ Getty Images

Ainsi, on a pu voir Anna Wintour, en 2012, la grande prêtresse de la mode, rédactrice en chef du magazine VOGUE USA arboré un imper’ tout en wax signé Burberry. Très vite imitée par d’autres stars comme les chanteuses Lady Gaga ou Gwen Stefani.

Tous en wax comme nouveau slogan de la branchitude poussée au paroxysme du cool. En France, c’est la comédienne Blanche Gardin qui à la cérémonie des Césars en 2018 est apparue toute de wax vêtue ! Si elle n’a pas repartie avec un César, sa robe en wax, a en revanche, elle été sacrée plus belle robe de la cérémonie par le magazine ELLE, son secret : By Natacha Baco, une marque en vogue qui surfe aussi sur la tendance wax.

La même année, le chanteur Mathieu Chédid en tournée avec ses musiciens maliens pour l’album Lamomali ne quitte plus ses zizis Repetto en wax, modèle unique conçu pour la star, vendues en boutique environ 300 euros la paire. De même dans ses clips et sur scène, M ne se sépare jamais de sa panoplie de vestes en wax griffées Jean-Paul Gaultier !

Histoire du wax : son ancêtre le batik indonésien

Mais revenons sur l’histoire de ce petit bout de tissu en coton nommé wax, dont l’ancêtre le batik indonésien est inscrit au patrimoine immatériel de l’Humanité de l’Unesco depuis 2009. Petit bout de tissu très convoité, le wax est l’objet de beaucoup de fantasmes sur l’identité africaine, alors que paradoxalement sa production et sa commercialisation sont historiquement et majoritairement européennes, sans parler de la concurrence chinoise qui est une menace sévère à prendre très au sérieux aujourd’hui à l’heure de la globalisation où les copies bon marché peuvent tromper l’œil des clients les plus avertis qui ne jurent que par « le véritable wax hollandais ».

Wax, cire en anglais désigne le procédé technique de tampons sur tissus hérité du batik indonésien, puis commercialisé par les hollandais et les anglais. Certains historiens remontent plus loin dans ses origines et affirment qu’un procédé similaire existait déjà en Egypte pharaonique. 

À qui profite cette folie wax ?

Le marché du wax est lucratif : il représente plus de 300 000 millions d’euros à l’heure où la maison hollandaise de luxe Vlisco a fêté ses 170 ans d’existence. A qui profite cette folie wax quand la production chinoise représente 90% du marché et celle sur le continent seulement 10% ? Comment survivent les créateurs qui ont fait le choix de produire exclusivement sur le continent et permettent par leur engagement de maintenir cette faible statistique de 10% ?

Les jeunes créateurs issus de la diaspora, sont de nouveaux entrepreneurs qui mettent un point d’honneur à développer économiquement leur pays d’origine grâce à leur marque de vêtements.

Shade Affogbolo créatrice de Nash Prints depuis 2013 nous explique que si elle a utilisé du wax jusqu’à maintenant ce n’est pas la fin du projet mais juste un moyen pour se faire connaitre.

Faute de moyens elle reconnaît avoir acheté du wax chinois car le Vlisco reste trop onéreux pour sa marque en plein développement. Mais l’atelier de son couturier Parfait au Bénin à Cotonou permet de faire vivre et travailler une dizaine de personnes.

Sa collaboration avec la marque de prêt-à-porter Pimkie a permis de faire connaitre la marque à plus grande échelle. Elle a été un tremplin pour vendre des collections à des boutiques américaines, françaises, et bruxelloises. Tout cela a permis de réinvestir les bénéfices et d’acheter des machines et équiper davantage l’atelier béninois à Cotonou.

Lorraine Koné, créatrice de la marque Korry Wade depuis 2015, a également un fort engagement social car pour chacune de ses ventes via son e-shop : un euro est reversé à des associations de jeunes mères et à leurs enfants en Côte d’Ivoire et au Ghana.

Un article paru dans Le Monde le 12 janvier 2017 intitulé : Comment le wax fait croire qu’il est africain et étouffe les vrais tissus du continent ? pose une autre polémique.

En effet, comment lutter contre le monopole du wax et faire connaître les autres textiles made in Africa ?

La starification du wax se fait au détriment des autres textiles encore trop méconnus. Comment les stylistes travaillent pour inverser cette tendance et faire connaître l‘immense panel des autres textiles africains ?

Lorraine Koné, créatrice de la marque Korry Wade envisage la problématique ainsi«  Le wax est africain culturellement même s’il a son histoire complexe. Donc il n’est pas question de décoloniser ce tissu mais plutôt de se le réapproprier. Nous sommes encore en plein processus de décolonisation donc on ne peut pas parler de décolonisation de ce tissu alors que le processus n’est pas encore terminé. Je me suis réapproprié le wax pour son côté affectif. Pour moi le wax a été un pied à l’étrier pour me faire connaître sur le marché comme marque africaine, mais je suis profondément inspirée par tous les autres textiles du continent et j’ai envie de créer une renaissance de tous ces tissus traditionnels africains en valorisant tous ces savoir-faire !  « .

Le bogolan, le kenté, le bazin, l’indigo connaîtront-ils un jour la même success story que le wax ?

 


L’Afrique c’est chic : décolonisons la mode

Deuxième journée du séminaire expérimental : Les Etats Généraux de la mode, à la Colonie. Il a été question de luxe, de jeunes créateurs, de stratégies marketing et de commercialisation. Comment faire sa place sur internet, dans les fashions weeks, ou dans les grands magasins afin de capter ses cibles en vue de conquérir la planète et rendre sa mode universelle ?

Campagne de pub Vlisco. © Vlisco

Jean-Marc Chauve, enseignant à l’IFM (Institut Français de la Mode) et à l’IFA (International Fashion Academy) à Paris, introduit le débat et revient sur la thématique de la décolonisation. Il témoigne :

« Dans les années 90, Lamine Kouyaté plus connu sous le nom de Xuly Bët, n’était pas présenté comme un créateur africain, aujourd’hui effectivement il y a cette thématique de la mode africaine qui permet à beaucoup de devenir visibles, mais il est très difficile pour eux d’échapper à cette étiquette qui les enferme et qui est très réductrice ! Décoloniser la mode ne semble pas être tout à fait la bonne stratégie car la mode européenne a imposé ses codes à l’ensemble du monde aujourd’hui et il est assez difficile d’aller contre. La bonne stratégie ça serait plutôt l’inverse : c’est-à-dire ça serait à la création africaine de coloniser la mode internationale institutionnelle. L’idée est de s’y introduire pour pouvoir la transformer. Et cela suppose d’avoir les codes, la formation… »  

Internet comme stratégie pour acquérir une notoriété dans le monde de la mode en terme d’image

« Même si les logistiques d’import-export, de douanes et de taxes, sont encore parfois très complexes, Internet a complètement aplani la carte du monde, tout est accessible partout grâce au web, les déserts numériques ont largement reculé. Certains pays sur le continent ont eu la 4G bien avant la France. J’ai eu la 4G à Lomé avant de rentrer en France en 2015« , s’enthousiasme Stéphanie Prinet-Morou, franco-togolaisecréatrice du cabinet de conseils Metis Insights qui se décrit sur son linkedin comme une « actrice de la transformation digitale en Afrique ».

Stéphanie Prinet Morou. Fondatrice du cabinet de conseils Metis Insights. © Metis Insights

« Internet permet à des nouvelles marques même reculées géographiquement de se faire connaître à l’international à condition d’avoir un talent pour créer de l’image. La difficulté est de réussir à avoir une certaine notoriété en terme d’image et de transformer cela en business. » explique Jean-Marc Chauve.

Petits créateurs et grandes maisons : des collaborations plus ou moins heureuses

« Là où on a vécu un véritable tournant en 2018 c’est avec l’arrivée des collaborations, des collections capsules produites en petite séries comme par exemple Maison Château Rouge X Monoprix, CSAO X Cyrillus, Aïssa Dione X Louboutin. Ces marques ont pactisé avec des maisons de grande diffusion et de grande visibilité rendant accessibles en prêt-à-acheter ce que l’on trouve d’habitude en exemplaires uniques. La singularité de cette mode made in Africa est de faire du sur-mesure et ces collaborations ont permis de franchir des sphères, jusqu’à présent réduites à des cercles d’amateurs », constate Stéphanie Prinet Morou.

Campagne de pub. Collab Maison Château Rouge X Monoprix © Maison Château Rouge.

Collab CSAO X Cyrillus. © CSAO

« Si vous faites le choix de la collaboration avec les plus gros acteurs de diffusion comme les grands magasins et que vous n’êtes pas capables de répondre à leurs demandes de production en terme de volume, ça peut être fatal pour votre marque, en tant que jeunes créateurs« , met cependant en garde Stéphanie Prinet-Morou.

Campagne de pub Africa Now aux Galeries Lafayette. © Galeries Lafayette

Pour la créatrice Kate Mack, présente sur la table rondeces collaborations avec des grandes enseignes sont à manier avec extrême précaution : « Attention autant ce genre de collaborations avec les Galeries Lafayette ou le Bon Marché peut véritablement vous propulser en tant que jeunes créateurs, autant cela peut littéralement vous enterrer. On va vous demander des volumes colossaux, pour lesquels vous allez être obligés de faire des emprunts pour répondre à cette production massive. Cela peut vous ruiner… »

La mode comme nouveau secteur d’investissement prometteur sur le continent

Alors que le métier de styliste est encore trop souvent dévalorisé sur le continent, il y a cependant pour Stéphanie Prinet-Morou une récente prise de conscience pour certains gouvernements de voir la mode et la création comme des potentiels leviers de développement, des alternatives aux énergies fossiles qui s’épuisent : « Il y a de vraies fortunes, des millionnaires sur le continent qui investissent dans les fashion weeks, dans la production ou l’achat de collections. C’est grâce aussi à ce genre d’initiatives privées que l’on fera bouger les lignes. »

Stéphanie Prinet Morou est d’ailleurs la créatrice du premier e-concept-store d’articles de luxes made in Africa et internationaux sur le continent. Un pari certes audacieux, mais pas si fou.

Restons donc optimistes ! Une autre histoire de la mode est en train de s’écrire …


A Paris Malick Sidibé fait twister la Fondation Cartier

Exposition Mali Twist à la Fondation Cartier 

Façade de la Fondation Cartier. Expo Mali Twist. Copyright photo : Claire Nini
Façade de la Fondation Cartier. Expo Mali Twist. Copyright photo : Claire Nini

La photographie contemporaine malienne est de nouveau à l’honneur à Paris. On se souvient de la grande rétrospective consacrée à Seydou Keïta au Grand Palais l’année dernière, qui avait été inaugurée par un concert exceptionnel de la chanteuse Inna Modja. Cette année, c’est Malick Sidibé qui est à la une. La Fondation Cartier pour l’art contemporain célèbre le talent de celui que l’on surnomme « l’œil de Bamako », dans une exposition inédite de 250 photographies.  

Autoportraits de Malick Sidibé jeune. Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini
Autoportraits de Malick Sidibé jeune. Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini

Malick Sidibé est né dans une famille de paysans peules dans le sud du Mali à Soloba, proche de la frontière guinéenne. Il raconte que c’est sa mère qui avait fait un rêve prémonitoire. Alors qu’il était encore un jeune garçon, elle s’était levée un matin en lui faisant part de sa vision nocturne:

« Malick tu punaiseras toute ma chambre de photographies » lui avait-elle dit.

Un vœu exaucé, car Malick Sidibé est le premier photographe africain à recevoir le Lion d’Or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière à la Biennale d’art contemporain de Venise en 2007.

Reproduction du studio photo de Malick dans l'expo à la Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini
Reproduction du studio photo de Malick dans l’expo à la Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini

Replongeons-nous dans le contexte historique : nous sommes dans les années soixante à Bamako, la capitale du Mali qui vient d’acquérir son indépendance. Tout le pays est en liesse, il y a un souffle de liberté ! La jeunesse bamakoise danse aux sons des musiques américaines à la mode. Bamako ne dort pas ! Le jeune Malick Sidibé est alors de toutes les surprises parties, où il est convié pour saisir cette effervescence nouvelle et immortaliser cette jeunesse éternelle dans ces clichés de fêtes aujourd’hui célèbres.

« J’étais le seul jeune reporter de Bamako à faire des photos dans les surprises parties. Les jeunes de Bamako se regroupaient en clubs. Ils empruntaient les noms à leurs idoles : les Spotnicks, les chats sauvages, les Beatles, les chaussettes noires… J’étais toujours informé directement par les jeunes par des « prieries » : prière de nous honorer de votre présence. On avait beaucoup d’occasions de s’amuser ! » Tel est le témoignage du reporter de la jeunesse inscrit directement sur les murs de l’exposition à la Fondation Cartier.

Planches contacts des photos de soirées. Copyright photo : Claire Nini
Planches contacts des photos de soirées. Copyright photo : Claire Nini
Planches contacts des photos de soirées. Copyright photo : Claire Nini
Planches contacts des photos de soirées. Copyright photo : Claire Nini

Un film documentaire de 64 minutes intitulé « Dolce Vita Africana » nous livre un portrait touchant de Malick Sidibé dans toute sa spontanéité et simplicité. On comprend que si Malick est une star en Europe, il est avant tout une figure emblématique de son quartier bamakois et un homme attachant par sa modestie.

On le voit travailler dans son studio ou jouer avec ses quinze enfants dans sa maison (Malick avait quatres femmes !).

Quotidiennement, les voisins et amis d’autres quartiers de la capitale malienne viennent lui rendre visite dans son modeste studio. On feuillette alors avec nostalgie les albums de ces folles soirées bamakoises.

 » En Europe, on dit que je suis un grand photographe, mais ce sont les gens de ma génération, tous ces jeunes qui m’ont rendu célèbre. Ce sont eux qui m’ont inspiré, c’est de là que vient mon talent ! Nous avons grandi ensemble », témoigne modestement Malick.

Et en effet, près de trente ans plus tard, on retrouve dans le film documentaire les personnages charismatiques de l’époque affublés de surnoms rivalisant d’originalité : le cubain, l’américain…

A l’époque, chaque groupe avait son idole ou sa musique préférée : de la rumba à la salsa en passant par le rock’n’roll et le twist.

« Je crois, mais ça n’engage que moi, que la jeunesse de cette époque a beaucoup aimé les musiques twist, rock, afro-cubaine car elles permettaient aux garçons et aux filles de se rapprocher, de se toucher, de se coller. C’était impossible avec la musique traditionnelle », raconte Malick.

Un de ses amis, nuance le propos : « Il y avait une liberté mais aussi une pudeur. On amenait les filles danser après avoir demandé la permission à leur père ou à leur mari, mais ça n’allait jamais plus loin… »

L'artiste JP Mika devant la chronologie de l'expo Mali Twist à la Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini
L’artiste JP Mika devant la chronologie de l’expo Mali Twist à la Fondation Cartier. Copyright photo : Claire Nini

L’exposition présente également des peintures de l’artiste JP Mika dont on avait découvert le travail à la Fondation Cartier lors de « Beauté Congo ». La composition picturale des toiles de ce jeune artiste congolais est un hommage à la tradition photographique de studio et plus précisément au photographe Malick Sidibé.

« J’aimais la photographie en mouvement. Pendant les soirées, les jeunes influencés par la musique sont excités, déchaînés, comme en transe. Quand je les regardais gesticuler avec tant de ferveur, je me disais : Danser c’est bon, dans la vie il faut s’amuser, après la mort c’est fini ! », avait pour habitude de dire Malick.

Aujourd’hui, Malick n’est malheureusement plus de ce monde, mais grâce à son oeuvre photographique la vie et la fête continueront éternellement ! De nombreux artistes de la nouvelle génération continuent d’être inspirés par ce photographe de génie.

L'artiste JP Mika pose devant ses tableaux. Copyright photo : Claire Nini
L’artiste JP Mika pose devant ses tableaux. Copyright photo : Claire Nini
Cercueil Appareil Photo. Copyright photo : Claire Nini
Cercueil Appareil Photo. Copyright photo : Claire Nini

 


Conversations aphrodisiaques avec Pascale Marthine Tayou et Jérôme Sans

L’artiste Pascale Marthine Tayou et le commissaire d’exposition Jérôme Sans se sont rencontrés en 1998 lors de la Biennale d’art contemporain de Sydney. Depuis, une belle complicité s’est tissée au fil des projets et des années. Pour les 10 ans de l’implantation de Galleria continua en France sur le site des Moulins (à une heure de Paris) Jérôme Sans est le commissaire de l’exposition Voodoo Child, il met en lumière des installations monumentales inédites et des œuvres plus anciennes de Pascale Marthine TayouOn célèbre aussi les 20 ans d’amitié et d’échanges artistiques entre le commissaire et l’artiste dans un livre intitulé : L’interview afro-disiak. Rencontre avec l’artiste, qui préfère se définir comme un « faiseur », et son commissaire d’exposition qui se sont prêtés au jeu de l’interview croisée.

Pascale Marthine Tayou et Jérôme Sans devant l'arbre à palabresà la Galleria Continua Les Moulins. Copyright photo : Claire Nini

Pascale Marthine Tayou et Jérôme Sans devant l’arbre à palabres à la Galleria Continua Les Moulins. Crédit photo : Claire Nini

Pouvez-vous nous raconter votre première rencontre ?

Jérôme Sans : C’était en 1998 à la Biennale de Sydney. Je me suis retrouvé face à l’installation « Cameroon Soccer Open »  qui ressemblait à l’évocation d’un match de football après la partie. Les éléments étaient disparates et je ne comprenais pas les règles du jeu de cette œuvre. J’étais interloqué par le vocabulaire de cette installation qui ne ressemblait à rien de ce que j’avais pu voir jusqu’alors. Voulant dénouer l’énigme de cette œuvre, j’ai posé une question à l’artiste qui, par chance, se trouvait en face de moi. Sa réponse était très originale, avec une approche très poétique, différente du décryptage analytique et théorique que développent les artistes en parlant de leur travail. Sans que nous nous en rendions compte, notre relation a commencé à ce moment précis et depuis, nous sommes en dialogue perpétuel, même s’il est sporadique.

Pascale Marthine Tayou : Notre première rencontre a eu lieu à Sydney, Jérôme retient mieux les dates que moi. Ce fût une rencontre forte. Depuis, nos moments de conversations sont plus importants que les temps d’expositions qui sont comme des pauses. Ce qui est intéressant dans ma relation avec Jérôme, ce sont nos conversations.

Le livre « L’interview afro-diziak : Pascale Marthine Tayou et Jérôme Sans » sort aujourd’hui et sera disponible à travers la Galerie Continua, pouvez-vous nous raconter cette aventure ?

PMT : Le livre est une introduction à toutes nos conversations depuis toutes ces années.

JS : Nous avons depuis cette première rencontre une relation assez intime. Nous nous retrouvons de manière assez récurrente pour discuter de nos différents projets ensemble ici et là. L’idée de ce livre était de faire la somme de nos discussions au cours des vingts dernières années et de les nourrir de nouveaux questionnements.

Vue de l'expo Voodoo Child de Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua Les Moulins. Copyright photo : Claire Nini
Vue de l’expo Voodoo Child de Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua Les Moulins. Crédit photo : Claire Nini

L’exposition Voodoo Child, dont le commissariat est assuré par Jérôme Sans, présente à la fois des nouvelles pièces et des anciennes œuvres, pouvez-vous nous en dire davantage ?

PMT : L’expo Voodoo Child est un nouveau display dans lequel j’ai essayé de créer des modules ludiques. Jérôme a distribué ces éléments comme s’ils étaient des applications sur un système. Nous invitons le public à y plonger et à créer son propre système.

JS : Ce terme de display correspond en effet assez bien à cette exposition. Pascale joue avec les mots, l’art, les situations, la vie… En tout cas, il n’était pas du tout question de faire une exposition scientifique, historique ou linéaire. Nous avons plutôt cherché à créer un dialogue entre ces œuvres très différentes (sculptures, tableaux,installations) qui développent un territoire à la fois rugueux, bruyant, chaleureux et coloré. Relier tous ces éléments ensemble peut parfois créer des courts-circuits. Ce ne sont que des propositions de cartographies que chacun peut reconfigurer, redénouer en imaginant de nouvelles histoires.

Vue de l'expo Voodoo Child de Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua Les Moulins. Copyright photo : Claire Nini
Vue de l’expo Voodoo Child de Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua Les Moulins. Crédit photo : Claire Nini

Qu’entendez-vous par ce titre, Voodoo Child ?

PMT : C’est un titre que j’ai validé. Le commissaire en parlera certainement mieux que moi. C’est un projet de commissariat qui suppose ou conçoit que je sois l’enfant du vaudou. Mais qu’est-ce que le vaudou aujourd’hui (puisqu’on parle d’un vaudou contemporain et pas passéiste) ? Le titre n’est qu’une proposition… Ce qui m’intéresse dans la vie c’est l’humain au sens global.

JS : Bien sûr, s’il y a dans ce titre d’abord un clin d’œil à Jimi Hendrix, c’est aussi un hommage à la virtuosité singulière et à la dextérité artistique de Pascale qui passe tour à tour d’un élément trouvé dans la rue à un autre élément acheté dans une boutique ou rencontré sur son chemin. Il y a une fraîcheur dans son travail, une excitation du premier accord joué, un appel à rester ouvert sur le monde, à rester positif : une sorte d’éternelle jeunesse. Pascale, qui ne se prend jamais au sérieux, recherche en nous tous les enfants que nous avons été et que nous sommes. Nous sommes tous des enfants du vaudou, des voodoo children, nous sommes tous africains quelque part. Je rejoins Pascale dans cette affirmation d’un vaudou ultra contemporain, ultra connecté, voire futuriste…

Portrait de Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua Les Moulins. Copyright photo : Claire Nini
Portrait de Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua Les Moulins. Crédit photo : Claire Nini

Pascale Marthine Tayou, j’aimerais que l’on revienne sur votre relation particulière avec la Galerie Continua en France, qui fête ses 10 ans. Vous êtes l’un de leur artistes phare avec Daniel Buren ou Anish Kapoor… 

PMT : Ma relation avec la Galerie Continua a commencé justement au moment où je cherchais à me défaire du système des galeries. Ça ne m’intéressait pas de collaborer avec des galeries, et un des trois directeurs m’a interpellé pour me proposer une production. Vous dites que je suis un artiste phare de la galerie, je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire d’être un artiste… Mais si vous le dites c’est que vous savez pourquoi vous le dites (rires). Peut-être c’est ce que je fais qui suppose cela.

Dans ce cas Pascale, tentez de nous donner votre définition :

PMT : Je fuis beaucoup la scène même si la scène est paradoxalement mon lieu de travail, c’est une protection, je préfère raser les murs… (rires) La définition d’artiste est trop fourre-tout. J’ai un certain parcours, mais je ne pense pas que ce soit ma personne dans la chaîne qui soit importante mais plutôt comment donner la place aux émotions, aux sensations. Je préfère dire que je suis un « faiseur », un « proposant »… Mes propositions doivent permettre de faire réfléchir. Ce sont des pistes…

Jérôme, Pascale n’aime pas qu’on le définisse comme un artiste, comment le définiriez-vous ? 

JS: Je crois que ce qui fait peur à Pascale dans cette définition d’artiste c’est son cadre trop limitatif. Le mot artiste le campe dans un contexte qu’il refuse. Il préfère effectivement le terme de « faiseur » que son père lui a donné un jour pour définir sa pratique. Le faiseur prend des risques. Le qualificatif d’artiste ne lui convient pas car cela sous-entend celui qui regarde le monde à distance. Or, Pascale regarde le monde de l’intérieur, il regarde avec le monde. Il n’est pas celui qui juge,qui regarde l’autre, il est véritablement avec l’autre dans le monde.

Quels sont vos prochains projets ?

PMT : Je reviens de la Biennale de Milan. J’ai récemment fait partie d’une exposition collective sur la nouvelle scène contemporaine cubaine car je suis aussi un peu cubain ! La semaine prochaine, je vais à Miami pour une exposition personnelle. J’ai peur d’aller au-delà d’une semaine dans mes plannings. (rires)

JS : Effectivement, ce livre n’est que le premier chapitre, une introduction au volume 2 qui sortira dans quelques années. Ce qui m’intéresse, c’est de travailler dans la durée avec les artistes et avoir la chance de pouvoir les accompagner dans le temps. Être en dialogue avec un artiste en plein cheminement dans des discussions personnelles et artistiques.

Vue de l'expo Voodoo Child de Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua Les Moulins. Copyright photo : Claire Nini
Vue de l’expo Voodoo Child de Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua Les Moulins. Crédit photo : Claire Nini

Pour conclure, avez-vous une anecdote à nous raconter ? 

PMT : Je me souviens d’une anecdote à propos de l’installation de la colonne Pascale dans le quartier de New Bell à Douala au Cameroun. Cela faisait seulement une journée que la colonne était en place et je rencontre un riverain qui ne savait pas que j’en étais l’auteur et qui me donne son explication.

Il me dit ceci : « C’est le siège d’une confrérie ésotérique. Pendant que la ville dort, les magiciens viennent ici toutes les nuits et font un festin après avoir descendu une par une les casseroles. Dès que l’aube arrive ils remettent tout en place et disparaissent. »

Le lendemain lors du vernissage officiel avec Doual’art autour de ma colonnen alors que je fais un discours, je repère dans la foule cette même personne qui entend une autre version de l’histoire.

Ce qui m’intéresse dans cette anecdote, c’est comment cet homme s’est approprié l’œuvre en fonction de sa localité, de sa pensée locale.

Vue de l'expo Voodoo Child de Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua Les Moulins. Copyright photo : Claire Nini
Vue de l’expo Voodoo Child de Pascale Marthine Tayou à la Galleria Continua Les Moulins. Crédit photo : Claire Nini

JS : Je me souviens avoir eu la chance de me retrouver au Cameroun à Douala avec Pascale dans ce même quartier, non loin de l’endroit où fût installée ensuite la colonne Pascale. Pascale m’avait emmené déguster un poisson grillé dans un modeste restaurant fait de bric et de brocc, qui s’est avéré être l’un des meilleurs poissons que je n’ai jamais mangé. Nous repensions à tout ce que nous avions fait ensemble partout dans le monde. Avoir cette réflexion dans ce lieu précis : c’était vraiment un moment de grâce !

Le livre l’interview Afro Disiak est  édité par la Galleria Continua, et disponible à Galleria Continua/Les Moulins (Boissy-le-Châtel)


Stop Ma Pa Ta : les artistes béninois s’exposent à la Villa Arson à Nice

Quatorze artistes béninois du Centre Arts et Cultures Lobozounkpa de Cotonou s’invitent à la Villa Arson – Centre d’art à Nice, le temps de l’exposition « Stop Ma Pa Ta » jusqu’au 17 septembre 2017. Grand mécène, à l’initiative de ce projet inédit : c’est la Galerie Vallois (Paris) qui a fait le lien entre les deux centres d’art. Visite guidée des œuvres et retour en images et en citations d’artistes sur cette très belle exposition à la fois poétique et politique.

Entrée de l'exposition Stop Ma Pa Ta - Villa Arson Nice - Copyright photo : Claire Nini
Entrée de l’exposition Stop Ma Pa Ta – Villa Arson Nice – Copyright photo : Claire Nini

Jean-Pierre Simon, actuel directeur de la Villa Arson et ex- directeur du Centre Culturel français de Cotonou s’enthousiasme :

« Je souhaite par cette exposition à la Villa Arson faire connaître et partager la puissance de la création béninoise. J’y retrouve aujourd’hui le même esprit, les mêmes signes qu’il y a quarante ans lorsque je programmais les expositions au CCF. L’esprit de dialogue entre les générations, les cultes traditionnels, l’inspiration des ancêtres, l’invention plastique des artisans jouant avec la tradition et la modernité,la profondeur d’une pensée politique…Cette exposition inaugure, je l’espère, un cycle de collaboration entre la Villa Arson et le Centre Arts et Cultures Lobozounkpa de Cotonou, notamment au travers d’un programme de résidences croisées. »

Le titre de l’exposition « Stop Ma Pa Ta » emprunté à l’oeuvre éponyme de l’artiste Benjamin Déguenon peut se traduire par : Ma matière première n’est pas ta matière. Cette interjection donne d’emblée le ton à cette exposition qui met en scène des sujets politiques et sociétaux. Elle illustre avec ironie la lucidité de l’artiste et du pays tout entier sur l’exploitation abusive des ressources africaines par les pays occidentaux.

« Avec Stop Ma Pa Ta, je veux dénoncer la manière dont les ressources, en particulier minières, du continent africain, sont exploitées dans le mépris des peuples par les compagnies étrangères. A quand la fin d’une telle manipulation des africains comme des marionnettes ? C’est aussi pour moi, à travers cette installation, une occasion de rendre hommage aux victimes passées de l’esclavage. » explique Benjamin Déguenon.

Dès le jardin de la Villa Arson, les œuvres et installations « Bienvenue en Afrique France » d’ Edwige Aplogan aux couleurs des drapeaux africains colonisent les oliviers et accueillent les visiteurs dans un nouveau territoire.

Un peu plus loin, à l’entrée de l’exposition dans le Centre d’art, autre installation de l’artiste : des billets de francs CFA des anciennes colonies en pagaille inondent le sol et interrogent sur la légitimité de cette monnaie produite en France pour des pays pourtant indépendants depuis plus de cinquante ans. Oeuvre percutante et immédiatement efficace .

« Cette monnaie arrimée à l’euro et donc à la France, maintient les pays africains francophones dans une relation dominant/dominé et reste un des derniers vestiges d’une colonisation qui tarde à être abolie » confie l’artiste Edwidge Aplogan.

Edwige Aplogan - Installation billets francs CFA. Copyright photo : Claire Nini
Edwige Aplogan – Installation billets francs CFA. Copyright photo : Claire Nini
Edwige Aplogan - Installation billets francs CFA. Copyright photo : Claire Nini
Edwige Aplogan – Installation billets francs CFA. Copyright photo : Claire Nini

Quand les œuvres ne traitent pas de la France Afrique ou des relations diplomatiques et monétaires, il est largement question dans cette exposition de la problématique migratoire évoquée par de nombreux artistes béninois. En effet, ce sont souvent des problèmes économiques qui motivent ces personnes à quitter leur pays et à tenter l’aventure. Cette thématique tristement d’actualité est aussi un clin d’œil historique car le Bénin fût un pays très marqué par l’esclavage.

A travers une série de douze dessins réalisés à l’encre de Chine, Didier Viodé rend hommage à tous ces voyageurs de l’impossible et à leur lutte quotidienne pour leur survie dans des eldorados qui s’avèrent souvent hostiles.

Didier Viodé - Dessin de la série Migrants. Encre de chine sur papier. Copyright photo : Claire Nini
Didier Viodé – Dessin de la série Migrants. Encre de chine sur papier. Copyright photo : Claire Nini
Richard Korblah - Installation Des ponts, pas des murs. Copyright photo: Claire Nini
Richard Korblah – Installation Des ponts, pas des murs. Copyright photo: Claire Nini

Les quatre personnages sculptés de Richard Korblah sont dans un voyage qui semble s’être figé dans le temps. Depuis combien de temps sont-ils là ? Où vont-ils ? Combien de kilomètres ont-ils déjà parcouru ? Combien de kilomètres à parcourir encore jusqu’à la destination finale ?

 » Mon installation parle des déplacés, victimes des conflits armés, des religions, de la politique ou des problèmes économiques. Quatre personnages sont entourés de leur colis, immobiles, comme dans l’attente d’une liberté incertaine. » raconte Richard Korblah.

Gérard Quenum, entasse des têtes de poupées aux cheveux cramées dans son installation en forme de pirogue qu’il a baptisé, non sans ironie : « Voyage vers Mars » pour illustrer le côté surréaliste de cette situation migratoire absurde qui persiste et semble être sans fin.

« Bateaux, immigration de masse, j’appelle aussi cette installation Voyage vers mars. Quand on voit des gens qui quittent leur pays pour aller sur un autre continent, c’est comme s’ils quittaient la terre pour aller sur une autre planète car la terre est devenue invivable. Alors, ils auraient l’espoir que sur une autre planète, sur Mars, ce serait mieux. Cette fiction devient réalité avec ceux qui essaient par tous les moyens de traverser les mers pour échapper aux guerres, à la pauvreté, à la violence, à l’avancée des déserts. Les gens sont désespérés. Ils risquent leur vies pour aller vers Mars ». affirme Gérard Quenum.

Dominique Zinkpé - Installation - Le Voyage. Copyright photo : Claire Nini
Dominique Zinkpé – Installation – Le Voyage. Copyright photo : Claire Nini

Les figurines « hôhô » de Dominique Zinkpé forment elles aussi une embarcation de fortune entourée de tongs multicolores de toutes les tailles, vestiges d’un voyage réel ou fictif où il ne reste plus que cette trace de vie humaine.

 » La pirogue que je montre ici, symbolise le voyage. Il y a des voyages qui ne sont pas choisis, qui nous sont imposés. Tout en restant des voyages. Le sujet de l’esclavage est souvent traité avec des chaînes, des êtres en souffrance. Je veux le traiter de façon plus légère, plus poétique, avec des personnages debout, parés. Le voyage à notre époque suppose des passeports numériques, des moyens de transports sophistiqués. Dans cette oeuvre au contraire, il y a dépossession de l’identité, destination inconnue, perte de repères. » commente Dominique Zinkpé, artiste et directeur du Centre d’art de Cotonou depuis 2014.

Dominique Zinkpé - Installation - Le Voyage. Copyright photo : Claire Nini

Dominique Zinkpé – Installation – Le Voyage. Copyright photo : Claire Nini

Ce sont les mêmes statuettes que l’on retrouve dans l’oeuvre intitulée « Globe » de Dominique Zinkpé.

« Quant au globe, c’est le monde qui contient tous les éléments, la terre, l’air, les mers. Il a été donné en partage à l’homme, à tous les hommes. Mais le partage des territoires n’est pas équitable. Il faut œuvrer pour plus d’harmonie. Il faut réveiller les consciences. » s’indigne Dominique Zinkpé.

Dominique Zinkpé - Globe. Copyright photo : Claire Nini
Dominique Zinkpé – Globe. Copyright photo : Claire Nini
Dominique Zinkpé - Globe - détail de l'oeuvre. Copyright photo : Claire Nini
Dominique Zinkpé – Globe – détail de l’oeuvre. Copyright photo : Claire Nini

Enfin, la tradition vaudou et la vie quotidienne sont également largement illustrées par les œuvres des artistes béninois.

Les masques en bois peints de Kifouli Dossou sont autant de scènes familiales, culturelles, rituelles ou sociétales. Mais derrière l’apparente naïveté de ces personnages, il y a toujours beaucoup d’humour et matière à réflexion sur des sujets aussi variés que la polygamie, l’éducation, la chasse, ou la dépigmentation de la peau.

« Je suis un sculpteur de Gélédé. Dans ma tradition, le le Gélédé est sacré. Il est montré lors des cérémonies pour des rituels. Je m’inspire de ma tradition pour essayer d’éduquer, de sensibiliser. » déclare Kifouli Dossou.

Kifouli Dossou - Masque Glélé. Copyright photo : Claire Nini
Kifouli Dossou – Masque Glélé. Copyright photo : Claire Nini
Kifouli Dossou - Masque Glélé. Copyright photo : Claire Nini
Kifouli Dossou – Masque Glélé. Copyright photo : Claire Nini

La sculpture Coiffe paysanne universelle de Richard Korblah dénonce le problème du manque d’eau en Afrique.

« Il y a des régions où on voit des femmes chargées de bidons pour aller puiser de l’eau au loin, à longueur de journée. Il y en a tellement qu’on ne voit plus leurs cheveux. » explique Richard Korblah.

Richard Korblah - Coiffure paysanne universelle. Copyright photo : Claire Nini
Richard Korblah – Coiffure paysanne universelle. Copyright photo : Claire Nini

Dans le texte du catalogue d’exposition, Eric Mangion, co-commissaire de cette exposition, mettait en garde contre plusieurs écueils en ces termes :

 » L’Afrique devient un marché, elle est donc bankable. Ce constat est certes un peu cynique, mais il a pour but de rappeler que l’Occident n’a toujours pas fini d’entretenir avec l’Afrique des relations ambiguës. Ce que l’on nomme conceptuellement « post-colonialisme » pourrait se résumer plus prosaiquement par  » colonialisme tardif ». Il est donc difficile d’organiser une exposition d’artistes africains sans avoir toutes ces idées en tête. Comment éviter la carte de la fausse candeur, l’exotisme sympathique, les discours manichéens ou tout simplement les jugements raccourcis, qu’ils soient sociologiques ou esthétiques ? » 

Eric Mangion peut être rassuré. Pari réussi pour cette très belle exposition qui donne à voir une scène artistique plurielle et vibrante loin des clichés misérabilistes sur l’Afrique. Cette exposition est un véritable hommage à tous ces artistes béninois et à leur talent dans un pays où il n’y a pas d’école d’art.


Kettly Noël, la performance comme espace d’exposition du corps et des sentiments

Samedi 1er juillet, a eu lieu le vernissage de l’exposition « A quoi rêvent les forêts ?  » à la galerie des filles du Calvaire sous le commissariat de Lucie Touya. L’exposition collective rassemblait 7 artistes dont deux artistes performeuses : Olya Kroytor et Kettly Noël. 

Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire Nini
Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire Nini

Née à Haïti,  Kettly Noël d’abord vécu quelques années au Bénin,  avant de s’installer au Mali à Bamako où elle vit depuis plus de 20 ans maintenant. Elle y créé la structure de formation Donko Seko, et dirige le festival Dense Bamako Danse. Cet après-midi-làl’artistedanseuse, chorégraphe, actrice, qui s’amuse à ne jamais être là où on l’attend, réalisé dans la galerie parisienne une performance inédite. Rencontre avec une artiste iconoclaste.

Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire Nini

Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire NiniKettlypouvezvous revenir sur la création de « Panser les arbres »  et nous éclairer sur ce titre à la fois poétique et énigmatique ?

Suite à une invitation de Lucie Touya, la performance a été conçue spécialement pour l’exposition et crée directement dans la galerie avec la complicité de Michel Meyer le scénographe avec lequel j’ai travaillé. Bien sûr, avant d’arriver à Paris, j’avais déjà des idées assez claires sur ce personnage de fétiche et de chamane que j’interprète. L’idée de travailler avec un arbre dans l’espace est une proposition de la galerie que nous avons développé avec Michel en recomposant un arbre pansé. Je me souviens d’un petit endroit en Haïti où tous les cocotiers étaient en train de mourir, ils étaient malades et avaient besoin d’être soignés, donc c’est panser au sens de soin. Mais on peut aussi comprendre penser au sens spirituel : à quoi rêve la forêt ? À quoi pensent les arbres aujourd’hui ?  C’est une question qui a toute sa place quand on voit ce qui se passe actuellement sur la planète … Penser les arbres c’est aussi les chérir …

Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire Nini
Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire Nini

On vous connaît comme actrice, vous avez notamment incarné le personnage de Zabou dans le film Timbuktu d’Abderrahmane Sissoko,  danseuse et chorégraphe, mais aussi directrice artistique du Festival Danse Bamako Danse …  Votre pratique de la performance est-elle récente et qu’est-ce qu‘elle vous apporte que les autres disciplines artistiques ne vous permettent pas ? 

J’ai toujours fait des performances depuis Haïti, même si à l’époque je n’appelais pas cela performance.  A force d’expériences, de questionnements, de recherches, des envies nouvelles  naissent,  et je me suis tout naturellement imposée au fil du temps comme une artiste performeuse.  Depuis une dizaine d’années, je questionne ces deux espaces que sont l’espace du spectacle vivant et celui de la performance.  J’aime la performance qui est un autre espace d’exhibition et d’exposition du corps et des sentiments.  J’aime ce rapport plus direct au public, moins guindé, moins sous le contrôle de ses émotions, et toujours curieux de voir jusqu’où je peux l’emmener. L’idée qui me plait aussi beaucoup avec le performing art  c’est de travailler de façon instantanée. Je peux vraiment aller au bout de ce que je ressens, chercher les limites, vivre des choses très fortes et partager des moments uniques. J’aime beaucoup les surprises , je ne sais jamais où je vais. C’est très fatigant de travailler ainsi, mais en même temps ça m’amuse beaucoup, alors j’accepte toujours des nouveaux projets de performances.

Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire Nini  
Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire Nini

A ce propos, vous vous êtes récemment illustrée à la Documenta 14  à Athènes, avec une performance qui a été très remarquée et appréciée du public. Pouvez-vous nous en dire davantage sur « Zombification«  ? 

Dans la culture haïtienne, la zombification est un état dans lequel se trouve une personne dépossédée d’elle-même, dans une mort apparente. La personne zombifiée est manipulable à souhait, et obéit à tous les ordres sans résistance . Un zombi, est un revenant devenu esclave sur une plantation. Il est non seulement lié aux racines africaines mais également à l’esclavage et à l’oppression dans l’île :  c’est un mort vivant .

« Zombification » est un projet d’installation/performance que j’ai réalisé une fois de plus avec la complicité du scénographe Michel Meyer. Je suis très contente du résultat car il a réalisé au plus près ce que j’imaginais en terme de décor et de costumes.

J’ai travaillé avec deux danseurs ivoiriens :  Sanga Ouattara et Léonce Allui Konan de la compagnie Yefimohah, un danseur malien : Ibrahima Camara et deux danseuses grecques: Martina Kokolaki et Ioanna Aqqelopoulo.   Dans une lumière conçue par Samuel Dosière et sur une création musicale d’Hugo Maillet,  « Zombification » est un ballet  macabre de corps déshumanisés. Pendant 45 minutes, d’étranges croques morts aux allures de « sonderkommandos » d’Ebola affublés de blouse aux dessins des divinités vaudous déplacent inlassablement les cadavres dans un chantier de l’absurde.  Seule personnage à la frontière entre les morts et les vivants, j’incarne une Orphée contemporaine, qui tente de survivre dans ce chaos.

La pièce est née de ma révolte  par rapport à la “Zombification” globale à laquelle on assiste, cette insensibilisation et indifférence aux drames, massacres, tortures, guerres. Nous vivons un lavage de cerveau planétaire, une oblitération globale destinée à éliminer tout libre arbitre, conscience, et compassion.

https://www.youtube.com/watch?v=gv1yhymfhx0&spfreload=10

Dans la pièce chorégraphique  » Je ne suis plus une femme noire » dont vous êtes à la fois la chorégraphe et la danseuse , on retrouve le même dispositif scénographique, avec un arbre déraciné, couché sur la scène, dans cette performance que vous venez de présenter aujourd’hui à la galerie on retrouve un arbre, est-ce un hasard, une coïncidence ou un clin d’œil à « Je ne suis plus une femme noire ? »

Cela s’explique surtout par la thématique de l’exposition de Lucie Touya « A quoi rêvent les forêts ? ». C’est vraiment un nouveau projet et absolument pas une redite de « Je ne suis plus une femme noire ».  Pour la commissaire de cette exposition , il était évident de voir un arbre se matérialiser dans l’espace, ce qui peut évidemment rappeler l’arbre de « Je ne suis plus une femme noire ». C’est un clin d’œil involontaire …

Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire Nini
Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire Nini

Pourquoi cette mise à nu au sens propre comme au sens figuré est-elle indispensable dans votre pratique artistique et votre processus créatif ? 

La question d’être nue sur scène interroge toujours. Surtout lorsqu’on travaille sur le continent africain où existent beaucoup de tabous liés au corps. Pour ma part, mon corps est mon outil de travail. Il est transformé, maquillé, déguisé,  sanglé, balloté … Dans cette performance, je suis pansée comme une momie avec des bandes de tissus puis je m’en défais complétement. A des moments la nudité s’impose, cette mise à nu permet d’enlever toutes les barrières. L’espace scénique me permet de me libérer de toutes ces entraves.

Justement, c‘est votre corps de femme qui est mis en scène dans votre performance Vous considérez vous comme féministe ? 

Je ne peux pas nier que mon corps est féminin. J’ai un corps de danseuse, qui a eu un enfant, et qui est traversé par le temps. Et c’est justement ce corps que je souhaite exposer.  Je suis femme et être femme veut dire se battre pour exister… et en plus je suis une femme noire (rires) ! Je suis femme donc forcément féministe.

Quels sont vos projets dans les prochains mois à venir ? 

Je suis invitée au Festival d’Avignon du 9 juillet au 15 juillet. J’y  présente une pièce qui date de 2002. « Ti Chelbé » : c’est un huit clos entre un homme et une femme: un vrai rapport de force qui exprime toute la violence entre les deux genres. Cette pièce est interprétée par  Oumaïma Manaï (Tunisie)  et Ibrahima Camara (Mali). Auparavant, je jouais le rôle féminin, aujourd’hui je passe le relais et c’est très important pour moi.  C’est une autre possibilité de faire exister le travail en le faisant interpréter par des jeunes danseurs.

Ensuite il y a la Documenta, après Athènes, où j’ai présenté Zombification, je suis invitée à Kassel avec la pièce Errance.

Et ensuite ce sont les vacances !

Les vacances finies, il faudra préparer votre festival Dense Bamako Danse qui se tiendra comme c’est toujours le cas en même temps que les Rencontres de la photo de Bamako. Quelle surprise nous réservezvous pour cette édition 2017 ? Quel pont faites vous avec la Biennale de la photo, qui est une manifestation culturelle que vous appréciez tout particulièrement ? 

Nous allons organiser une soirée de performances avec la commissaire Marie Ann Yemsi pendant Dense Bamako Danse du 30 novembre au 4 décembre. On est en train de travailler ensemble et d’imaginer une programmation qui se déroulera au Fali Fatô qui est lieu de création et de rencontres que j’ai créé et intégré au Donko Seko.

J’aime beaucoup programmer et concevoir des nouvelles choses et surtout concocter des surprises pour ce public malien que je connais bien !

Kettly Noël : Performance Panser les forêts à la Galerie des Filles du Calvaire. Copyright photo : Claire Nini

 Exposition  » A quoi rêvent les forêts » à la Galerie des Filles du Calvaire jusqu’au 29 juillet.  

Commissariat : Lucie Touya

Performance : Kettly Noë

Scénographie : Michel Meyer

Maquillage : Isabelle Théviot

Crédits photos : Claire Nini

 

 


Carte Blanche à Alain Mabanckou à la Fondation Louis Vuitton

En résonance à l’exposition Art/Afrique, le nouvel atelier imaginé par la commissaire d’exposition et directrice artistique Suzanne Pagé, la Fondation Louis Vuitton a donné carte blanche à Alain Mabanckou.

Ambianceur des esprits il a concocté un programme exceptionnel les 24 et 25 juin intitulé « Penser, dire, raconter et jouer l’Afrique » mettant à l’honneur la poésie et la littérature francophone.

Pendant le temps d’un weekend, les visiteurs de la Fondation Louis Vuitton ont été gâtés. Ils ont eu la chance de rencontrer des personnalités artistiques de renom comme le journaliste Soro Solo, animateur de l’émission L’Afrique en Solo sur RFI, Daniel Laferrière, premier auteur haïtien à siéger à l’Académie française, ami de longue date d’Alain Mabanckou ou encore le slameur Marc Alexandre Oho Bambe plus connu sous le nom de Capitaine Alexandre.

Ce billet propose une promenade à travers la programmation de la journée du samedi 24 juin à laquelle j’ai assisté avec grand plaisir, après avoir gagné une invitation suite à un jeu concours organisé par la radio France Culture.

Ce fût facile : il suffisait de savoir qui était l’architecte de la Fondation Louis Vuitton. Il ne s’agissait pas de Jean Nouvel à qui on attribue, en revanche, la somptueuse Philarmonie de Paris, ni de Christian de Portzampac, mais bel et bien de Franck Gehry.

Alain Mabanckou, animant le débat à l’auditorium de la FLV en compagnie de Kidi Bebey (la fille de Francis Bebey) Crédit photo : Claire Nini
Alain Mabanckou, animant le débat à l’auditorium de la FLV en compagnie de Kidi Bebey (la fille de Francis Bebey) Crédit photo : Claire Nini

Mon billet gagnant fièrement retiré, je m’apprêtais à vivre un voyage inoubliable de 15h à 21h allant de surprise en surprise au fil de cette riche programmation imaginée par Alain Mabanckou.

Alain Mabanckou, est un auteur, poète et essayiste originaire du Congo Brazzaville, que j’apprécie tout particulièrement pour sa personnalité et son esprit libre et critique. Professeur de littérature francophone à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA),  élu à la Chaire de création artistique du Collège de France (2015 2016), j’avais suivi à Paris tous ces cours au Collège de France avec grand enthousiasme avec le sentiment à chaque fois de vivre des moments historiques.

Semaine après semaine,  un professeur aux allures de sapeur congolais, nous dispensait des cours de littérature francophone avec un humour qui décoiffait les habitués des bancs de cette vieille institution datant de François 1er.

Une décolonisation des esprits en bonne et due forme …

https://www.college-de-france.fr/site/alain-mabanckou/

Je fus très heureuse de retrouver ce même vent de fraîcheur dans cette programmation spécialement conçue par ce génie des mots qui a également le don de réunir autour de lui de belles personnalités.

Gabriel Kinsa, le conteur devant une photographie de Seydou Keita.Crédit photo : Claire Nini  
Gabriel Kinsa, le conteur devant une photographie de Seydou Keita.Crédit photo : Claire Nini

L’après midi commença  avec les contes Kongo du comédien et metteur en scène Gabriel Kinsa, reconnu comme l’un des meilleurs conteurs francophones.

Pendant plus d’une heure, il nous plongea dans son univers et nous étions suspendus à ses lèvres. Une ballade plaisante à travers les légendes et croyances ancestrales.

Au fil de l’évolution de l’histoire, nous déambulions dans les espaces de l’exposition Les Initiés présentée au sous sol, avec la curieuse soif de connaître la suite. Un enchantement fait d’intrigues et de mystères mais aussi d’humour, d’interludes musicales, de moments de poésies et de chansons.

La prestation de Gabriel Kinsa a été chaleureusement saluée par un public transgénérationnel sous le charme.

Criss Niangouna déclamant sa poésie dans la cascade. Crédit photo : Claire Nini
Criss Niangouna déclamant sa poésie dans la cascade. Crédit photo : Claire Nini

C’est ensuite le comédien et auteur Criss Niangouna qui a fait résonner les œuvres poétiques de Tchicaya U Tam’si et Bernard B.Dadié dans un dialogue qu’il  a intitulé  » Frères de rimes. »

Une expérience sonore inédite où les mots claquent et se confondent avec les clapotis de la cascade et les sons du musicien Pierre Lambla.

  • Débat : Voix de femmes et diasporas africaines à l’auditorium. Crédit photo : Claire Nini
    Débat : Voix de femmes et diasporas africaines à l’auditorium. Crédit photo : Claire Nini

    La suite des événements s’est poursuivie dans l’auditorium de la FLV. Alain Mabanckou a donné la parole à quatre femmes puissantes autour du débat « Voix de femmes et diasporas africaines » avec un panel composé de Kidi Bebey (auteure et journaliste), Caroline Blache (historienne, documentariste et photographe), Nadia Yala Kisukidi (Docteure en philosophie) et Lucy Mushita (Professeure de Littérature à l’Université). Tour à tour, elles ont expliqué comment en tant que femmes vivant et exerçant leur profession en Europe, elles contribuent à écrire et raconter l’Afrique en fonction de leurs histoires personnelles de diasporas.

Un extrait du web documentaire « Noire Amérique » de Caroline Blache a été projeté ouvrant la réflexion aux comparaisons avec la communauté afro américaine.

https://creative.arte.tv/fr/noireamerique

Le comédien Modeste Dela Nzapassara dans Black Bazar. Crédit photo : Claire Nini
Le comédien Modeste Dela Nzapassara dans Black Bazar. Crédit photo : Claire Nini

Les quatre femmes puissantes ont ensuite laissé la parole au comédien Modeste Dela Nzapassara qui s’est illustré dans une adaptation théâtrale du roman Black Bazar d’Alain Mabanckou, nous offrant plus d’une heure des savoureuses aventures d’un sapeur congolais vivant dans le quartier de Château Rouge dans le 18ème arrondissement de Paris.

Le sapeur de Black Bazar très applaudi s’est éclipsé en cédant la place au dandy et poète Abl Al Malik.

Abl Al Malick slame à l'auditorium. Crédit photo : Claire Nini
Abl Al Malick slame à l’auditorium. Crédit photo : Claire Nini

 

La soirée s’est en effet terminée en beauté avec la prestation très attendue du rappeur slameur qui nous a narré avec sa diction et son phrasé inimitable sa rencontre adolescente avec l’écrivain Albert Camus. Fasciné par les mots du prix Nobel, le jeune Abd Al Malik commence à son tour à écrire des textes puis des films …

«  Avec mes invités, nous voulons délivrer le message suivant : l’Afrique est à reconsidérer aussi bien dans les méandres de l’Histoire que dans les lacis du présent. » Tel est le pari réussi avec brio pour Alain Mabanckou et ses illustres invités qui ont donné à voir et à entendre une Afrique vibrante.

La programmation d’excellence pensée par Alain Mabanckou a redonné toutes ses lettres de noblesse à la littérature francophone.

 » Etre un écrivain francophone, c’est être dépositaire de cultures, d’un tourbillon d’univers. Etre un écrivain francophone, c’est certes bénéficier de l’héritage des lettres françaises, mais c’est surtout apporter sa touche dans un grand ensemble, cette touche qui brise les frontières, efface les races, amoindrit la distance des continents pour ne plus établir que la fraternité par la langue et l’univers. La fratrie francophone est en route. Nous ne viendrons plus de tel pays, tel continent, mais de telle langue. Et notre proximité de créateurs ne sera plus celle des univers. » a conclu le maître de cérémoniel à la fin de cette première journée.

Une fois de plus Alain Mabanckou nous a donné une leçon d’élégance doublée d’un message de paix universel …


Enfin après tant d’années, nous sommes nous aussi dans des musées

Enfin après tant d’années, nous sommes nous aussi dans des musées .. peut-on lire dans un message inscrit dans le tableau du peintre congolais Chéri Samba présenté dans l’exposition « Les initiés » rassemblant un choix d’œuvres de la collection Jean Pigozzi, actuellement à la Fondation Louis Vuitton à Paris jusqu’au 28 août 2017.

Chéri Samba - Enfin après tant d'années, détail du tableau
Chéri Samba – Enfin après tant d’années, détail du tableau

Enfin … est le mot approprié. Paris se réveille tardivement et pour combler toutes ces années où l’art contemporain africain n’a guère été visible dans la capitale française, s’engouffre dans une frénésie artistique africaine à en donner le tournis.

L’Afrique et ses artistes sont partout à Paris en ce moment : l’Afrique a été l’invitée d’honneur de Paris Art Fair cette année, l’exposition « Afriques Capitales » à la Villette, l’exposition « le jour qui vient » à la Galerie des Galeries Lafayette … et pas une mais deux expositions à la Fondation Louis Vuitton qui n’a pas pu échapper à cet engouement africain soudain …

La première exposition intitulée « les Initiés » rassemblent les œuvres de quinze artistes emblématiques de la collection Jean Pigozzi  : Frédéric Bruly Brouabé, Seni Awa Camara, Romuald Hazoumé, Rigobert Nimi, Chéri Samba, Malick Sidibé, Seydou Keita, Moke, JD Okhai Ojeikere …

Vue de l'exposition - Les Initiés - Fondation Louis Vuitton
Vue de l’exposition – Les Initiés – Fondation Louis Vuitton

Certes, l’écrin de l’architecte Franck Gehry qui abrite la Fondation offre de nombreux mètres carrés pour sublimer les œuvres dans des espaces vastes, mais lorsque l’ on est déjà justement un peu « initiés » à l’art contemporain africain, on en ressort quelque peu déçus car la découverte n’est pas au rendez-vous : beaucoup de ces artistes ont déjà été montrés lors de l’exposition Beauté Congo à la Fondation Cartier en 2015.

Les visiteurs néophytes venus nombreux à l’occasion de la Nuit européenne des musées en ce samedi 20 mai, ou les fashionnistas japonaises adeptes de la marque française de maroquinerie de luxe aux hologrammes, y trouveront peut- être leur compte et repartiront avec quelques notions et quelques noms d’artistes nés sur le continent africain.

Vue de l’exposition – Les Initiés – Fondation Louis Vuitton

L’exposition « Les Initiés » met à l’honneur les pionniers et les grands marronniers, la plupart des artistes présentés sont nés entre les années 1920 et 1950. Ce qui rend l’appellation de contemporain quelque peu anachronique … Une présentation nécessaire cependant dans les sous-sols de la Fondation de tous ces artistes « ancêtres » comme racines solides et essentielles à l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes.

Vue de l’exposition – Etre là – Fondation Louis Vuitton 

La nouvelle scène contemporaine d’ artistes nés après les indépendances entre les années 1970 et 1980 est quant à elle mieux représentée dans les étages supérieurs de la Fondation dans l’exposition  « Etre là » qui consiste à une mise en lumière de la scène contemporaine sud africaine et dans la sélection d’œuvres de la Collection de la Fondation présidée par Bernard Arnault. On y retrouve notamment Omar Victor Diop né en 1980 ou encore Kudzanai Chiurai artiste originaire du Zimbabwé née en 1981.

Oeuvre vidéo de Wanchegi Mutu – La Collection

Si les œuvres sont beaucoup plus contemporaines dans les étages supérieurs : installations monumentales, œuvres vidéos, on regrette cependant le manque de prise de risque de la collection Vuitton qui reste très conventionnelle …


Le musée Dapper rend hommage au géant Ousmane Sow

Né à Dakar au Sénégal en 1935, le sculpteur de génie Ousmane Sow a tiré sa dernière révérence le 1er décembre 2016 à l’âge de 81 ans.

Ousmane Sow et le Guerrier debout (série « Masaï ») (détail) © Béatrice Soulé / Roger Viollet / ADAGP
Ousmane Sow et le Guerrier debout (série « Masaï ») (détail) © Béatrice Soulé / Roger Viollet / ADAGP

Samedi 29 avril 2017, le Musée Dapper situé dans le 16 ème arrondissement parisien, premier musée à lui avoir consacré une exposition, lui a rendu un hommage ému avec la projection de deux films documentaires signés Béatrice Soulé, le grand amour de sa vie.

Ce fût un hommage international, puisque les projections de ces mêmes films ont eu lieu simultanément dans le théâtre de verdure de l’Institut français de Dakar au Sénégal en présence de la réalisatrice Béatrice Soulé, qui inaugurait également l’exposition « Il faut tenir compte de la stature du sculpteur » au Centre socioculturel Joseph Babacar Ndiaye à Gorée.

L’après-midi parisienne au Musée Dapper a commencé avec le premier documentaire de Béatrice Soulé intitulé « Ousmane Sow ».

Pendant 26 minutes de ce documentaire écrit comme une lettre d’amour de Béatrice à son bien-aimé Ousmane, on observe la créativité de ce génie de la sculpture, célèbre pour avoir imaginé des statues géantes plus vraies que nature aux regards puissants. Ousmane, de ses doigts de kinésithérapeute habitués à manipuler les muscles dans son cabinet parisien, a fait naître d’incroyables familles : les Zoulous, les Peuls, les Masaïs, les Noubas…  aujourd’hui dispersées dans des collections particulières au quatre coins de la planète, que l’on a plaisir à voir réunies dans ces images de 1996.

Il façonne des silhouettes en ajoutant sans cesse de la matière, contrairement aux traditionnels sculpteurs qui créent en taillant et en enlevant de la substance. Avec ses recettes de mélange de matières qui assurent un rendu exceptionnel parfois proche du bronze dont lui seul détenait le secret (macération parfois pendant plus de quatre longues années) Ousmane nous surprend par sa technique et la dextérité de son geste. Tel un embaumeur de momies, il fige ses géants universels dans le temps et écrit à sa manière l’histoire de ces peuples.

Ousmane Sow dans son atelier, 1998 – © Béatrice Soulé / Roger Viollet / ADAGP.
Ousmane Sow dans son atelier, 1998 – © Béatrice Soulé / Roger Viollet / ADAGP.

Ousmane est libre comme ses statues ! Lui qui tient tellement à sa propre liberté de travailler dans son atelier en plein air sans contraintes de dimensions, n’aime pas emprisonner ces corps dans les musées, cela le plonge dans une profonde tristesse et le contrarie ! On ne peut que lui donner raison quand on admire majestueuses ces fières statues dans leur environnement naturel, participant à la vie des villages où elles sont implantées, et respirant la vie !

Plantées à la Biennale de Venise dans des salles d’exposition étriquées, leur expression a changé. Les visages se sont durcis et renfermés comme celui d’Ousmane dont l’excitation de participer à cette grande foire internationale de l’art contemporain et de présenter ses œuvres à côté de celles de Giacometti (son sculpteur préféré) ne suffit pas à lui donner le sourire. Il s’ennuie le grand Ousmane, lui qui a toujours refusé les ghettos des expositions d’art contemporain africain…

Son sourire franc et fier, il le retrouvera à la fin du second film de Béatrice « Ousmane Sow, le soleil en face » (2000). Béatrice a filmé pendant de longs mois de labeurs un visage anxieux et concentré à la préparation de l’installation monumentale des guerriers indiens et des chevaux de la bataille de Little Big Horn.

La tension est palpable, et nous spectateurs, tremblons quand la pluie se déclenche sur les statues inachevées ou quand les manutentionnaires les déplacent une fois terminées, en les arrachant à leur maître qui assiste à ce spectacle silencieux, inquiet de les voir se briser.

Le visage d’Ousmane Sow se détend enfin à la fin de ce documentaire de 55 minutes quand il découvre ébloui et ému l’installation sur l’île de Gorée de tous ces personnages qui prennent enfin vie pendant la Biennale de Dakar.

Ousmane Sow est le premier artiste originaire d’Afrique à être entré à l’Académie des Beaux Arts en 2013 pour l’ensemble de son oeuvre artistique. Une reconnaissance à la mesure de son talent immense… Lui qui mesurait plus de deux mètres, n’était pas un géant que par sa taille…

 

 

 


Afriques Capitales : une exposition signée Simon Njami

Fronton de l’exposition « Afriques Capitales » de Simon Njami à la Villette
Fronton de l’exposition « Afriques Capitales » de Simon Njami à la Villette

On ne présente plus Simon Njami !

Né en 1962 au Cameroun cet homme de lettres et de culture est tour à tour écrivain, essayiste, critique d’art et commissaire d’expositions.

En matière d’art contemporain africain son curriculum vitae est un parcours sans faute : Directeur artistique des Rencontres de la photographie de Bamako de 2001 à 2007, co-commissaire du premier pavillon africain de la 52 ème édition de la  Biennale de Venise en 2007, directeur des Triennales de Luanda et de Douala en 2010, Directeur artistique de la 12 ème édition de Dak’art, Biennale d’art contemporain à Dakar en 2016 …

Basé à Paris où il a fondé la Revue Noire dans les années 1990 avec son acolyte de toujours Jean-Loup Pivin, Simon Njami travaille essentiellement à l’international et sur le continent africain car la capitale française peine à se mettre à l’heure de l’art contemporain africain.

Commissaire de l’exposition  « Africa Remix » à Beaubourg à Paris en 2005, Simon Njami a attendu plus de douze ans avant de pouvoir enfin présenter à nouveau en France l’incroyable étendue de son talent à rassembler des artistes et à sublimer leurs œuvres dans des scénographies où il excelle.

Désigné par la galeriste Dominique Fiat à l’initiative d’une manifestation plus globale intitulée Africa Aperta, Simon Njami est le commissaire de l’exposition  « Métropolis Afriques Capitales » qui se tiendra dans la Grande Halle de la Villette à Paris jusqu’au 28 mai 2017.

17553481_10155100929853427_5441692472370152327_n.jpg

Simon Njami entouré des artistes de l’exposition dans le salon marocain imaginé par l’artiste Hassan Hajjaj.

Inaugurée le 28 mars dernier, elle rassemble les œuvres pluridisciplinaires ( photographies, vidéos, installations, peintures … ) d’une cinquantaine d’artistes originaires du continent africain ou de la diaspora que le public parisien aura loisir à découvrir pendant presque deux mois à la Villette, avant de retrouver certains de ces artistes dans un deuxième volet de l’exposition qui se tiendra à Lille jusqu’en septembre 2017.

DSC_0170

Vue de l’exposition « Afriques Capitales » de Simon Njami à la Villette

Presque 30 ans après « Magiciens de la Terre » première exposition d’art contemporain africain à Paris proposée par Jean-Hubert Martin dans cette même hall de la Villette, Simon Njami a relevé le défi de présenter une Afrique résolument contemporaine soutenue par des artistes avec des propositions artistiques puissantes qui reversent en un coup d’œil tous les préjugés que le visiteur non averti peut avoir du continent !

DSC_9409

Africa Untitled – Installation d’Ato Malinda, 2017

L’exposition conçue comme une ville imaginaire invite à une déambulation curieuse dans une lumière douce et nocturne où il est plaisant de se perdre et de flâner en écoutant la Symphonie urbaine, création sonore crée pour l’occasion par Lucas Gabriel, à la découverte du dynamisme de l’art contemporain africain qui réunit pas moins de 50 artistes.

DSC_0171

Installation Labyrinth de Youssef Limoud, 2017

Le parcours de l’exposition est construit comme un labyrinthe qui se dessine à partir de l’installation monumentale en pierre au cœur de l’espace de l’artiste égyptien  Youssef Limoud,  intitulée non sans hasard : Labyrinth.

 « Entre ordre et chaos, structure et ruines, la fragilité du corps humain et la violence de la réalité à la fois dans ses aspects métaphoriques et littéraux, ce travail parle de la destruction qui nous entoure et qui ne cesse jamais de menacer notre existence qui, en elle-même, constitue également une manière de labyrinthe » précise Youssef Limoud.

DSC_0177

« Notre pari a été d’inventer la ville de toutes les villes. Une ville qui n’appartiendrait à personne, mais dans laquelle chacun pourrait trouver des repères qui lui soient personnels. Certains chercheront à reconnaître telle ville en Afrique ou telle ville dans le monde, lorsqu’en réalité nous serons plongés dans une fiction dont le but est de faire surgir l’essentiel et de plonger l’audience dans une vérité différente » nous confie Simon Njami.

DSC_0181

Falling Houses (1,2,3), Sculptures de Pascale-Marthine Tayou, 2014

En effet, à l’image des maisons qui tombent  « Falling Houses » pensées par l’artiste camerounais Pascale Marthine Tayou, nous sommes complètement déboussolés et perdons nos repères dans cette ville imaginaire.

« Cette maison suspendue au plafond est la maison des dogmes, des joies, du répit, des peurs, des frustrations, du malheur, du bonheur. Cette maison c’est nous, l’espèce humaine » résume l’artiste Pascale Marthine Tayou.

Cet événement important à l’échelle locale où il est rare de voir des expositions consacrées aux artistes venus du continent africain, trouve tout son écho à l’échelle internationale.   Grâce à la puissance des œuvres les esprits voyagent dans une géographie réinventée avec brio par le commissaire d’expositions où les frontières s’effacent …

 « En perdant le visiteur dans un monde qu’il serait incapable de revendiquer totalement,  nous entendons le contraindre à se penser autrement et à penser l’altérité en des termes nouveaux  » conclut Simon Njami.

DSC_0161

Négociations sentimentales acte V, Joël Andrianomearisoa, 2014