Baba MAHAMAT

Est-ce que les services de santé mentale pour les jeunes sont adéquats dans ton pays? Quel est l’état et comment l’améliorer?

En Centrafrique, de nombreuses personnes souffrent de maladies mentales. Même s’il est difficile de trouver des chiffres exacts vu la vétusté des services publics et le manque d’efficacité de la Direction de l’Institut des Études Démographiques et Statistiques, tout porte à croire à travers les nombreux cas qu’on peut rencontrer en ville et dans les quartiers ainsi que dans les marchés, que ces personnes sont de plus en plus nombreuses, et par conséquent, leur prise en charge doit interpeller toutes les couches sociales car elles ont besoin de notre aide.

Communément « cabano » en Centrafrique, le lieu où sont soignées les personnes atteintes de maladie mentale laisse à désirer. L’état de fonctionnement est très critique, l’hygiène y est presque inexistante. Ce qui peut obliger à croire que les personnes atteintes de cette maladie sont exclues de la société. On les appelle souvent des fous, des personnes qui n’ont plus d’importance dans la société et pourtant ce sont des êtres qui traversent une crise et qui peuvent remonter la pente. Leur prise en charge est négligée par le gouvernement qui n’y voit pas d’avantage. Dans certains pays, lorsqu’on fait son passage dans un centre hospitalier pour maladie mentale, l’on a beaucoup de chance de s’en remettre à cause du sérieux et de l’attention qu’on leur accorde. Pourtant, en Centrafrique, c’est bien le contraire. Le comble réside dans le fait que cette exclusion devient discriminatoire lorsque la plupart des personnes pensent qu’avoir cette maladie est la conséquence d’actes et de faits de la victime. L’on ignore le plus souvent que la dépression peut amener une personne à séjourner dans un centre pour malade mental.

Ainsi, il faut changer cette vision qui consiste à voir une causalité justifiée de ceux qui souffrent, souvent malgré eux de maladie mentale. La solidarité doit avoir sa place dans la prise en charge de ces personnes qui ont besoin de plus d’attention. L’État centrafricain doit pouvoir réfléchir sur la possibilité d’améliorer la prise en charge des malades mentaux en formant le personnel, et en mettant du matériel adéquat ainsi que des locaux rénovés, sans oublier un budget adéquat pour le fonctionnement de ces centres. Les organisations ainsi que des associations doivent plus se pencher sur cette problématique afin de palier au problème de prise en charge. N’oublions pas, avant d’avoir cette maladie mentale, la plupart des victimes ont été comme nous, nous pouvons alors contracter cette maladie; il faut que nous aidions ces personnes à revivre avec leur faculté mentale.


Que pouvons-nous attendre du sommet Etats-Unis/Afrique ?

 

Barack Obama au sommet USA-Afrique(Photo crédit:https://www.lavoixdelamerique.com)
Barack Obama au sommet Etats-Unis-Afrique(Photo crédit:https://www.lavoixdelamerique.com)

Washington abrite du 4 août au 6 août 2014, le sommet le plus important qui réunit plus d’une cinquantaine de chefs d’État africains. Mais que peut apporter réellement à l’Afrique ce premier sommet ? Changera-t-il grand-chose à la situation de ce continent? Que doivent en attendre les Africains ?

Le sommet regroupe une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement. Convoquée par le président américain Barack Obama, cette rencontre a pour objectif d’offrir aux pays africains la possibilité de présenter les potentialités de leur continent. Le président américain a été clair à ce sujet : il ne s’agit pas de débloquer une enveloppe pour l’Afrique, mais surtout de faire découvrir les richesses de ce continent qui attire les convoitises. Des contrats pourraient être signés entre les pays participants et les grandes firmes américaines. C’est d’ailleurs une très bonne chose pour notre continent.

Pour la plupart des présidents, l’invitation à cette rencontre prouve qu’ils sont considérés par l’oncle Sam comme étant des représentants légitimes. Les dictateurs, qui ont accaparé le pouvoir en Afrique, surtout en Afrique francophone n’ont pas été inquiétés. Si John Kerry, le secrétaire d’État américain a fustigé les présidents qui sont restés longtemps au pouvoir, rien de concret n’a été dit afin de les contraindre à quitter leur fauteuil. Il convient pourtant d’attirer l’attention des chefs d’États africains sur la nécessité de laisser le pouvoir à la jeune génération afin de proposer une nouvelle alternative. Les présidents aspirant à la modification de la Constitution de leur pays doivent être dénoncés.

Pour l’Africain que je suis, ce sommet doit nous permettre d’aller vers des propositions concrètes pour faire face aux problèmes africains que sont le chômage, la pauvreté, les maladies, l’environnement, l’éducation… Nous devons apprendre cependant, à compter sur nos propres efforts. Nous devons savoir que nous avons beaucoup de potentialités et qu’il nous faut nous mettre au  travail pour sortir de cette pauvreté endémique qui caractérise notre continent. Nous ne devons pas attendre qu’un sommet puisse résoudre tous nos problèmes. Nous sommes responsables de notre destin. Nous avons assez tendu la main aux autres et ce geste nous a assez affaiblis. Il nous faut coûte que coûte renverser la tendance.

Barack Obama a été élu par les Américains et pour les Américains

 En tant que jeunes, nous devons demander des comptes à nos dirigeants pour toutes leurs actions. Nous devons nous poser la question de savoir pourquoi nous vivons sur un sous-sol riche et que nous demeurons toujours pauvres… Nous devons prendre notre destin à main. Nous devons nous dire que nous ne sommes pas nés en Afrique juste pour accompagner les autres, nous devons vivre aussi, vivre décemment en profitant de notre richesse et de nos potentialités.

 Les Africains ont toujours cru que Barack Obama étant originaire du Kenya devrait faire plus pour ce continent. Plusieurs personnes ont d’ailleurs versé quelques larmes lors de sa première élection, en tant que premier noir à être investi à la magistrature suprême américaine, le pays le plus puissant du monde. Le rêve de Martin Luther s’est finalement réalisé ce jour et sa mémoire peut reposer en paix. Mais on n’oublie souvent que si Barack Obama est devenu président, c’est pour les Américains. Il a été élu par les Américains et pour les Américains.

 En tant que président d’une grande puissance, il pourrait intervenir dans certains dossiers, mais c’est à nous de prendre le taureau par les cornes et de faire changer la vision que les gens ont de l’Afrique. Voulons-nous que les gens nous voient comme ces habitants d’un continent pauvre, rempli de maladies, avec un manque criant de créativité, sous-développé, une zone de crises et de guerres ? Non. Il faut du changement maintenant et venant de chez nous, pas de l’extérieur. Souvent nous attendons un changement qui doit venir des autres, du ciel ou je ne sais de quel dieu. C’est justement cette conception du changement qui fait que rien ne change.

Ce billet s’inspire de la discussion que j’ai eue avec mes amis sur Twitter. Il fait suite au débat lancé par Cyrille Nanko et le titre lui n’est que du copier-coller de sa question. La contribution de Josiane Kouagheu a été nécessaire pour l’édition de ce billet.


Interview, Cédric Ouanekpone:«En tant que jeune, donner l’exemple est la première chose à faire»

Il fait parti des rares jeunes centrafricains à avoir un regard objectif sur les tragiques événements du pays. Son nom est Cédric Ouanekpone, leader des jeunes, apolitique et fervent croyant, il nous livre ici son analyse de la crise

Cédric Ouanekpone(Photo crédit: Facebook)
Cédric Ouanekpone(Photo crédit: Facebook)

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Cédric Patrick Le Grand OUANEKPONE, Je suis né le 08 mars 1986 à Bangui, j’ai actuellement  28 ans. Je réside à Fatima dans le 6ème arrondissement de Bangui. Je suis étudiant en 7ème année de médecine à la faculté des sciences de la santé (FACSS) de l’université de Bangui. Je suis également le président du Club RFI Bangui FONONON qui est une association culturelle et éducative en milieu jeune. J’ai fondé également  en 2007 l’UASCA (Union des Anciens Séminaristes Carmes) qui est une association réunissant des jeunes anciens séminaristes autour des valeurs humaines. Je suis enfin co-fondateur et vice président des ONG JFDDH (Jeunes et Femmes pour le Développement et les Droits de l’Homme) et FEED (Femmes et Enfants pour l’Environnement et le Développement).

La République centrafricaine traverse depuis plusieurs mois, exactement le 12 décembre 2012, une tragédie, quelles sont, selon vous, les causes profondes de cette crise qui est loin d’être terminée ?

Permettez-moi tout d’abord de saluer la mémoire de tous ceux et celles qui ont perdu la vie ou le sens de leur vie dans cette indescriptible tragédie que les mots ne sont pas assez forts pour condamner. Les causes profondes de cette tragédie sont légion et réelles, même les experts ne sauraient donner une liste exhaustive. A mon humble avis, tout cela est parti d’un conflit structurel. En effet, une partie du territoire a été pendant longtemps délaissée, abandonnée à la merci des prédateurs de tout genre par les pouvoirs qui se sont succédés à la tête du pays avec en toile de fond la pauvreté et le sous-développement. Manque d’écoles, d’infrastructures routières, de cadres (enseignants, médecins…) dans certaines parties du pays est une bien triste réalité que personne ne peut nier tout comme la gestion clanique auréolée de népotisme, de corruption et de gabegie des régimes antérieurs. Seulement, fallait-il nécessairement toute cette foudre de violence pour revendiquer ces droits ? Et pire encore à des gens qui sont tout aussi victimes que les autres ? A cela, j’ajouterai la perte du sens du patriotisme, la médiocrité et l’égoïsme  des hommes politiques centrafricains qui se font manipuler et assujettir  par tour de bras, le mercenariat, l’impunité, l’analphabétisme, la perte de la culture du mérite et le manque d’un dialogue sincère qui a permis à la haine de s’accumuler dans les cœurs pour finir par s’exploser avec tous les impacts que nous connaissons aujourd’hui. Je ne parlerai pas de l’immensité de nos richesses qui suscite bien des convoitises des spoliateurs et prédateurs qui ont tout intérêt à ce que nous nous divisons, nous nous entre-tuons leur permettant ainsi de tirer leur épingle du jeu…

Je n’en parle pas parce que c’est à nous de leur dire non car comme disait Martin Luther King : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon, nous allons mourir ensemble comme des idiots ».

Toi qui es chrétien, que dis-tu aux personnes qui continuent de clamer haut et fort qu’il s’agit d’un conflit inter-communautaire en Centrafrique?

C’est archi faux. J’ai beaucoup de respect pour les médias car j’ai toujours considéré cela comme le meilleur métier du monde. Malheureusement, j’ai été horriblement choqué par cette campagne médiatique autour d’un prétendu conflit interreligieux qui a fini par devenir un endoctrinement pour la majorité analphabète du pays. Je comprends que la RCA a toujours été méconnue du reste du monde depuis l’empereur BOKASSA, méconnue même de la plupart des journalistes qui sont arrivés pendant la crise et je sais aussi que parler de la crise de cette manière tout comme parler du pré-génocide est peut être l’un des moyens forts pour attirer l’attention et obtenir des résolutions. Mais tout cela a été fait dans le grand mépris des valeurs et réalités centrafricaines, cela ne signifie pas que je veux ignorer les crimes et massacres inacceptables, odieux et déshumanisants que nous avons connus.

Je crois simplement qu’un vrai musulman comme ceux que j’ai connus ne peuvent pas toucher à un seul cheveu d’un chrétien et vice versa. Ce n’est pas parce que quelqu’un est muni d’une croix ou d’un chapelet qu’il a dérobé quelque part qu’on doit conclure qu’il est chrétien ou musulman, même un aveu de sa part ne suffit pas et les leaders des communautés religieuses ont prouvé à suffisance qu’ils étaient unanimes et solidaires contre cette dérive.

Une chose que les gens oublient aussi c’est que théoriquement en RCA nul n’est athée ou animiste en dehors des autochtones (Pygmées) même si en réalité très peu de gens  pratiquent  réellement la foi en Dieu pour la simple raison que clamer son athéisme comme on le voit ailleurs est encore stigmatisant ici en général. Cette histoire de conflit interconfessionnel est ce qu’on veut nous faire croire, nous inculquer et nous faire faire tout comme on essaie de nous faire comprendre que la partition est la panacée aux problèmes de notre pays.

En tant que jeunes, qu’est-ce que tu as fait ou que tu comptes faire pour participer à la résolution de cette crise ?

En tant que jeune, donner l’exemple est la première chose à faire.

Dans notre situation actuelle, il n’y a plus de temps d’hésiter ni d’épiloguer mais il faut agir concrètement à chaque minute de chaque jour. Ne pas s’investir dans les manigances qui tendent à élargir le fossé et à éloigner la paix. Ne pas céder à la manipulation et à la corruption de l’innocence. Diffuser des ondes de paix autour de soi. J’ai d’abord mis ma connaissance médicale au service des patients dans les sites de déplacées sans discrimination même à la mosquée du KM5 (où j’ai accompagné à deux reprises une ONG musulmane, Miséricorde, pour consulter des malades et leur administrer des soins) et vous savez qu’en soignant vous écouter et vous communiquer aussi, une occasion souvent idéale d’envoyer des ondes de paix. Ensuite au niveau du Club RFI, j’ai organisé une session de formation sur « la participation de la jeunesse à la résolution pacifique des conflits » où une cinquantaine de jeunes responsables dans leur lycées et facultés ont bénéficié d’une formation sur la communication pacifique, la non violence, la vérité, la justice, le pardon et la réconciliation avec une phase pratique sur un site de déplacés internes. Au niveau du JFDDH, nous réaliserons dans les jours qui viennent un projet dénommé : « Les noyaux de paix » qui seront créés dans les arrondissements autour des chefs du quartier avec qui les jeunes et les femmes entretiendront des cellules de paix avec des activités concrètes… Au niveau de l’Église, dans ma paroisse Notre Dame de Fatima qui été terriblement attaquée fin mai, nous les jeunes avons produit un film sur la cohésion sociale entre chrétiens et musulmans dénommé «  la Colombe » qui sortira d’ici peu et dont j’ai eu l’honneur d’être le réalisateur. C’était un acte concret pour la paix car lors du tournage et des répétitions, les coups de feu nous accompagnaient et il fallait parfois se cacher autour d’une maison ou se plaquer au sol quelques minutes avant de reprendre. ..

Lors de la journée Internationale des Réfugiés le 20 juin dernier, votre association le Club RFI Bangui FONONON a organisé en collaboration avec ses partenaires, une manifestation culturelle qui a vu la participation de centaines d’élèves et d’étudiants, quels ont été les partenaires ? Et quels messages voulais-tu faire passer?

Il s’agit d’un concours de création artistique (dessins, textes, poèmes…) que nous avions organisé le 20 juin dernier en partenariat avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) à l’occasion de la journée mondiale des réfugiés autour du thème : « Une seule famille déchirée par la guerre, c’est déjà trop ». Les messages étaient simples. D’abord, permettre aux jeunes élèves et étudiants de compatir et de témoigner leur soutien aux réfugiés et déplacés prouvant ainsi que la jeunesse n’est pas insensible à leur douleur. Ce qui n’est pas faux car 2 participants sur 3 des 212 candidats étaient eux aussi des déplacés ou des réfugiés, du moins ils  l’ont été quelques mois plus tôt. Ensuite pousser les jeunes à réfléchir sur comment tout cela est arrivé et comment faire pour que cette tragédie ne se répète plus.

Cédric Ouanekpone lors de son discours du 20 juin 2014
Cédric Ouanekpone lors de son discours du 20 juin 2014

A travers leurs récits pittoresques et combien émouvants ainsi que leurs images palpitantes, les jeunes nous ont prouvé ce jour-là qu’ils sont au rendez-vous et qu’il ya une petite raison de garder espoir. J’ai été très satisfait et encouragé.

En tant que jeune qui a beaucoup milité dans les associations, pense-tu que la jeunesse centrafricaine est-elle manipulée  dans ce conflit? Si oui, quels conseils donnes-tu  à ces jeunes?

Oui, il est clair net et limpide que la jeunesse a été manipulée, instrumentalisée au service des intérêts égoïstes. J’ai été très malheureux de voir combien les gens ont osé profiter de l’ignorance et de la misère d’une jeunesse sans défense et abandonnée à elle-même, sans repère ni modèle à suivre.

Il ne faut pas aussi minimiser la colère et la haine de ces jeunes qui ont voulu coûte que coûte venger parce qu’ils ne savaient pas pourquoi on leur voulait tant alors qu’ils étaient aussi que des victimes. Je dirai à la jeunesse centrafricaine de se ressaisir, d’identifier ses forces et de recenser ses faiblesses pour y travailler et aller de l’avant car l’avenir du pays ne dépend que de nous. Ne soyons pas candides car personne ne nous sauvera de cette situation si ce n’est nous-mêmes et nous avons déjà expérimenté combien les forces manipulatrices sont incapables de sécréter le bonheur. La faiblesse patente des forces internationales présentes dans le pays nous le confirme suffisamment. Nous ne sommes pas différents des autres jeunes du monde, ils nous dépassent certainement en moyens et en possibilités mais à leur différence nous ne sommes pas nés dans un pays où on a déjà tout construit. Cela veut dire que nous avons l’immense chance de construire notre pays à notre manière de telle sorte que les générations futures se souviennent à jamais de nous comme eux se souviennent de leurs ancêtres. Allons-nous laisser cette chance nous échapper ? Si la réponse est non alors formons-nous, cultivons la solidarité qui a tant manqué à nos pères qui ont lamentablement échoué. Retroussons nos manches  et allons de mains calleuses en mains calleuses  vers la réalisation de cette aspiration profonde au bonheur et au développement humain intégral qui est ancrée en nous tous.

Quelles sont les critères pour être un bon leader ?

Je ne saurais le dire avec exactitude. De mon humble expérience en milieu jeune, je crois qu’il faut tout d’abord être exemplaire. Les jeunes ont besoin de croire et de suivre celui qui fait ce qu’il dit, qui donne l’exemple, qui est crédible, qui prend des initiatives lorsque tout est bloqué et qui agit là où beaucoup préféreraient s’abstenir. Il y a dans cet « être exemplaire » un mélange d’honnêteté, de créativité, de détermination et de renoncement. Ensuite, un bon leader doit savoir être proche des autres, les comprendre et surtout les écouter notamment lorsque son point de vue diverge du leurs.

J’ai toujours apprécié cette définition d’un jeune d’Afrique australe reprise il y a quelques années par Barack OBAMA : « Si tes actions inspirent les autres à rêver davantage, à faire davantage et à se dépasser davantage alors tu es un leader ».

Qu’est-ce que les jeunes peuvent faire pour changer le monde actuel caractérisé par les tueries, les guerres, la mauvaise gouvernance, la dictature, l’analphabétisme, le chômage endémique, …

La première chose c’est de prendre conscience et de  bien se former car sans formation ni professionnalisme, rien ne peut changer. En effet, l’amateurisme est pour beaucoup dans la plupart des échecs du moment surtout dans les pays en voie de développement. Ensuite, les jeunes doivent se réapproprier la valeur de l’être humain qui doit être au centre de toute décision et de toute action. Le déclin du monde d’aujourd’hui est dû aux calculs d’intérêts, géostratégiques et à l’appât du gain. La dignité, le respect de la personne ainsi que le développement humain intégral sont sacrifiés au profit des avancées économiques et des intérêts lugubres quitte à bouleverser la quiétude de la planète. C’est là où nous les jeunes d’aujourd’hui devons proposer des alternatives concrètes.

Quel est le dirigeant du monde pour lequel tu veux ressembler ?

Nelson MANDELA sans aucun doute ! En effet, Madiba est pour moi le meilleur dirigeant que le monde en général et l’Afrique en particulier ont connu. En effet, il a su transcender les considérations personnelles, égoïstes, claniques et vindicatives que tout le monde aurait jugé légitimes pour ne faire valoir que l’intérêt national même si en le faisant il a dû consentir encore plus de sacrifices au-delà de ce qu’il a déjà subi. Il a prouvé à suffisance que tout le monde n’a toujours pas raison et qu’on a le droit de voir les choses différemment pourvu que l’intérêt d’un plus grand nombre possible compte. En quittant le monde le 05 décembre 2013, une journée particulière pour la Centrafrique, j’ai toujours eu la forte conviction qu’il veut nous léguer un héritage et qu’il nous faut un MANDELA à la centrafricaine, une « madibalisation » des esprits et des cœurs.

Quels sont les cinq (5) mots qui peuvent mieux te qualifier ?

Je ne le sais pas. Mais comme Je sais que ces cinq mots ne vous convaincrons  pas, alors je me livre au fastidieux exercice de te proposer  humblement les cinq mots qui traduisent les valeurs auxquelles j’aspire profondément, au risque de me déifier : Honnêteté, Audace, Altruisme, Discrétion, Indépendance.

–   Quels sont tes projets d’avenir (immédiat, à long terme et à moyen terme) :

Ils sont très nombreux. Immédiatement, je compte achever mes longues mais passionnantes études médicales qui absorbent une bonne partie de mon temps et si possible avec une spécialisation. Je compte aussi achever le travail de formation de la relève au niveau de mes associations car je travaille avec beaucoup de jeunes pleins de bonne volonté qui continuent d’apprendre et mon rêve est de les voir d’ici quelques mois et années  prendre la relève efficacement car une des choses qui a tué notre pays est que les leaders ne préparent jamais de relève liant les institutions à leur personne. Dès qu’ils meurent, c’est le désastre…

A moyen terme, je compte renouer avec l’écriture qui a toujours été pour moi une passion que j’ai dû mettre en veilleuse à cause des études et toutes les autres charges associatives. Le début dans le cinéma en tant que réalisateur me tente aussi de progresser un peu dans le domaine si les possibilités le permettent.

A long terme, je pense ouvrir un centre d’expertise pour l’accompagnement des structures des jeunes. J’aimerai aussi ouvrir un grand complexe de formation de qualité pour les jeunes filles et garçons avec internat et centre hospitalier pour les pauvres.


Mon expérience en tant que journaliste citoyen à la conférence Fin4Ag14 à Nairobi

Reporters sociaux de la conférence Fin4Ag14 en salle(Photo crédit: Lorento Khen)
Reporters sociaux de la conférence Fin4Ag14 en salle(Photo crédit: Lorento Khen)

C’est avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai pris part à ma première expérience en tant que journaliste citoyen d’une conférence internationale. Chaque jour qui passait m’approchait de cette rencontre et mon impatience s’agrandissait. Les travaux en amont qui avaient commencé plusieurs jours avant la rencontre, avec les débats ainsi que des échanges autour de la conférence étaient animés nous préparant à la conférence. J’avais vraiment hâte de me rendre à Nairobi afin de contribuer à la réussite de cet important événement ainsi que faire la connaissance de nouvelles personnes.

Originaires de Fidji, Guyana, Belize, Zimbabwe, Zambie, Bénin, Sénégal, Cameroun, République Centrafricaine, Kenya, Trinité-et-Tobago, Madagascar, Burkina Faso, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Nigeria et Malawi, nous avons été choisis par le CTA en raison de notre intérêt pour l’agriculture, le développement rural et leurs connaissances des médias sociaux.

Les Jeunes reporters a la FIN'Ag14(Photo crédit: Housseini)
Les Jeunes reporters a la FIN’Ag14(Photo crédit: Housseini)

La conférence sur le thème : « Révolutionner le financement des chaînes de valeur agricoles » qu’avaient organisé la CTA et ses partenaires est un véritable tremplin pour les acteurs du monde agricole. C’est tout d’abord un grand rendez-vous que se sont donnés ces acteurs qui ont tous un mot en commun, l’agriculture. La mise en œuvre de cette conférence doit permettre de trouver des solutions à travers des réflexions que mènent les différents participants, aussi bien les organisateurs, les intervenants, les invités que les différents reporters, …à travers des sessions de discussions. Si la plupart des pays s’accordent à dire que l’agriculture est un domaine qui nécessite un financement conséquent, il y a matière à se poser de question quant au financement des chaines de valeurs et des petits agriculteurs.

Comme les quatorze autres jeunes reporters sélectionnés pour participer sur place à Nairobi et une centaine d’autres jeunes reporters en ligne, j’ai eu la chance de participer à cette grande conférence dont les atouts sont indéniables. D’abord, cette expérience est unique en son genre et trouve sa richesse dans les débats et les échanges menés au sein du groupe, la capacité de réflexion des jeunes engagés dans la promotion de l’agriculture ainsi que leur implication aux problèmes de développement de l’agriculture au sein de leur pays/communauté sans oublier la pertinence des points de vue de chaque participant. J’ai pu apprécier cette début d’expérience qui m’a fourni que des avantages et m’a permis d’accroitre mon engagement dans la promotion de l’agriculture en donnant le meilleur de moi-même pour la réussite de ce grand rendez-vous. J’ai appris quasiment chaque jour des autres reporters ainsi que de l’équipe de coordination.

Les reporters francophones à la Fin4Ag14(Photo crédit: Harrison)
Les reporters francophones à la Fin4Ag14(Photo crédit: Harrison)

Plus qu’un simple rédacteur et/ou promoteur de Tweetts et de messages Facebook ainsi que d’articles, ma vision de mon rôle a complètement changé avec des taches aussi intéressantes qui m’ont été assignées. J’ai pu découvrir au fur et à mesure, qu’il existe véritablement des opportunités dans ce travail qui offre plus de satisfaction. Apprendre aussi de chaque personne, faire de nouvelle connaissance, côtoyer de nouvelles personnalités, discuter avec des ressortissants de différents pays sur des problèmes liés à l’agriculture m’a beaucoup apporté. J’ai pu me rendre compte à travers ces échanges que, malgré quelques différences près, la plupart des pays ACP ont les mêmes réalités dans ce domaine. L’agriculture est un domaine qui doit être promu, il est le socle même du développement et il est regrettable de constater qu’il n’y ait véritablement pas de politique de promotion de financement afin que les résultats des récoltes permettent une autosuffisance alimentaire.

A noter que lors de cette conférence, les lauréats du prix YoBloCo Awards! organisé annuellement par le projet ARDYIS de la CTA ont été récompensés. Le père spirituel de Mondoblog Philippe Couve, l’un des membres du jury de ce prix avait annoncé les noms des gagnants au public.

Philippe Couve et Baba Mahamat à la Fin4Ag14
Philippe Couve et Baba Mahamat à la Fin4Ag14(Photo credit: Ariel Djoko)

Cette collaboration n’a été possible que grâce à la coordination de l’équipe des reporters qui a mis tous les outils à notre disposition. J’ai pu me familiariser avec de nouveaux outils notamment de collaboration avec Google, l’utilisation de Flicker, …. Ce travail de reportage social a réveillé en moi de nouvelles perspectives, celles de m’orienter dans le monde de la communication et du rapportage.
Ces nouvelles expériences acquises viennent consolider mon expérience de blogueur et m’offre une nouvelle forme d’expression et de collaboration. Je tiens à témoigner ma reconnaissance à la CTA les partenaires de la conférence qui ont permis à des jeunes comme nous de nous exprimer et de montrer ce à quoi nous sommes capables. Le fait de nous associer, comme jeunes reporters à la conférence Fin4ag est une chance dont chacun de nous, doit se l’approprier en donnant le meilleur de lui-même.
Liste des journalistes citoyens sur site ici
Site de la conférence #Fin4Ag14 ici


Centrafrique : que s’est-il passé à Bossemptele le 18 janvier 2014?

Le vendredi 25 avril, je devrais aller rencontrer un prêtre togolais qui venait de Bossomptele, une ville située à un peu plus de 250 Kilomètres de Bangui, la capitale centrafricaine. Sous un soleil aplomb, vers 15h, je savais que l’essentiel de nos conversions devrait tourner autour de ce qui se passe en Centrafrique mais je ne m’attendais pas à un récit aussi cruel. Il était à Douala pour ramener un container appartenant à l’unique hôpital opérationnel dans la ville de Bossomptele d’un peu plus de 11 000 personnes. Il s’agit de l’hôpital Jean Paul II opérationnel depuis 2011. Ce billet retrace notre conversation qu’il a bien voulu que je publie.

Le Père Bernard fait parti d’une communauté pour laquelle j’ai eu à intervenir comme consultant à un moment donné. Ce lien qui nous unit depuis 2010 a continué, même après voyage au Cameroun pour mes études universitaires. Sa visite à Douala pour ramener un container appartenant à l’hôpital dont il est le directeur, a été une occasion pour moi de m’enquérir de la situation de la ville de Bossemptele.  Mais grande a été ma surprise en écoutant ses témoignages. Il avait commencé par m’expliquer les difficiles médiations qui avaient lieu, avec aussi bien les responsables des Antibalaka (milice armée souvent de machettes mais aussi des armes qui règnent en maitre dans certaines villes dont Bangui avec cruauté) que ceux de la Seleka(coalition rebelle dont le chef Michel Djotodjia a pris le pouvoir en mars 2013, se caractérisant par des exactions sans précédente, des meurtres, des cas de viols, …). Mais ces médiations ont accouché de la souris. Les deux antagonistes n’entendaient pas en rester là. Chaque côté restait figé sur sa position.

La violence s’est imposée aux deux camps. Le dialogue a été rompu. Les différentes personnalités religieuses de cette petite métropole comme le père Bernard, un pasteur (qui, malheureusement a été tué, après avoir reçu une balle suite à une altercation entre la Misca de passage à Bossomptele et les caciques des antibalaka) et un imam, qui avec la complexité de la situation assuraient la médiation avaient ressenti ce manque de volonté des antagonistes  refusant de revenir à de bons sentiments afin d’épargner à la population civile une violence inutile. La Misca, alerté par les religieux sur une possible et imminente confrontation entre les deux camps n’a pas répondu favorablement à l’appel au cri de cœur lancé par ces représentants religieux. Cause : manque de logistique et d’effectifs.

Le 18 janvier 2014, tôt le matin, un chef des rebelles Seleka venu de Bangui, lourdement armé avec des renforts a donné l’ordre d’attaquer  les positions des Antibalaka se trouvant sur l’axe Bossemptele- Bozoum. La riposte a commencé de l’autre côté et la confrontation qui jusqu’à là, pouvait être évitée devient inévitable. Ce jour était triste pour cette  petite conglomération où s’entassent environ 11 000 personnes en symbiose. La division s’est installée et les victimes se font compter par dizaines. Rien que le 18 janvier, selon Père Bernard qui a pu avec sa communauté et quelques personnes de bonne volonté travaillant à la-croix-rouge, ramasser plus de 80 corps sans vie, essentiellement des musulmans peuls selon le prélat. Mais, le bilan était bien plus lourd car certains quartiers restés inaccessibles à cause de la violence, comptaient aussi des victimes. Les éléments de la Seleka ont dû quitter cette ville en regagnant des villes telles que Batangafo, Sibut ou Kaga Bandoro plus au Nord. Mais les quelques rares autochtones musulmans qui étaient encore restés à Bossemptélé, certainement des malchanceux n’ayant pas véritablement de liens avec la Seleka sont piégés et ont trouvé comme seule refuge les locaux des religieux de la communauté carmélite de Bossomptele.

Ils étaient un millier selon le prêtre. Des blessés, il y en eu et ils étaient transportés dans les poussettes pour des soins à l’hôpital Jean Paul II. Des check points sont installés à chaque ruelle par élements des antibalaka et les franchir était presqu’une mission impossible. Mais secourir ces personnes était une nécessité. Parfois, les blessés étaient enveloppés dans des draps pour donner impression à des morts. Fait paradoxal mais ayant retiré l’attention du Père Bernard, un des chefs antibalaka  de Baossomptele est le fils d’un imam de la ville. Cette progéniture qui n’a fait qu’attirer déshonneur et désolation au sein de la famille toute sa vie a quand même épargnait la destruction des biens familiaux. Mais malgré le mal qu’on disait de lui, il avait parfois imposer son veto dans les check points pour laisser passer les blessés musulmans menacés d’exécution par les radicaux antibalaka.

Dans une ville où l’Etat a disparu bien avant même ce triste événement du 18 janvier, les prêtres carmes de Bossemptele se sont  constitués en négociateurs, un travail bien difficile en ces temps, souvent au prix de leur vie comme nous l’a confié Père Bernard « Par deux reprises, j’ai failli être tué. Mais Dieu était avec moi. La première fois, quand j’étais allé pour rencontrer un groupe antibalaka sur l’axe Bozoum à une quarantaine de kilomètre, j’ai été pris à parti par les radicaux qui voulaient s’en prendre à moi. Ils étaient catégoriques, ils ne voulaient pas de dialogue avec les Selekas. Il a fallu que je les amené sur un autre terrain, celui humanitaire en les demandant s’ils ne possédaient pas de blessés. J’ai d’abord cherché à gagner leur confiance avant de passer au point sensible. Ce qui a marché ce jour mais les jours précédents l’attaque du 18 janvier, les choses ont été plus compliquées».

Il continue à ces termes : « Et puis il y a eu ce jour où un chef antibalaka m’a menacé avec une grenade en m’accusant de cacher les musulmans ». Il racontait qu’une fois, ils ont fait exfiltrer un jeune musulman, vendeur de crédit qui s’était refugié dans leur communauté. L’homme était obligé de s’habiller en femme afin de sortir profiter d’une occasion de la Misca grâce à la négociation de son grand frère. Mais si pour ce jeune les choses se sont passées plutôt bien, cela n’a pas été le cas pour Mahamat Saleh, le chauffeur des sœurs catholiques. Lui, après l’avoir exfiltré la nuit, il s’était fait capturer par un premier groupe d’antibalaka qui l’a complètement dépouillé, ensuite un deuxième groupe qui l’avait fait prisonnier. Après rudes négociations, la rançon fixée à 3 000 000 de FCFA pour sa libération a été réduite à 100 000 FCFA (environ 152 euros). Récupéré par les prêtres comme un colis, il sera par la suite exfiltré vers le Cameroun où il réside actuellement ».

Actuellement, les musulmans se sont vidés de cette ville où ils ont passé pour certains toute leur vie. Ils ont perdus des souvenirs, des proches, des biens et leurs maisons, …mais sortir sain et sauf de cette enclave représente une terrible chance pour la plupart. Car, rester en vie après avoir subi cette violence est synonyme d’un retour à l’enfer. Beaucoup garderont des séquelles de cet enfer. Mais si la majoritaire s’appose pour le moment, à l’idée de repartir un jour dans cette ville, certains le conditionnent surtout au retour de la paix et de la sécurité, un retour qui n’est pas pour demain au vu du développement de la situation.


RCA, encore et toujours à la Une des médias

Il y a bien longtemps que cette fameuse question sur comment sommes-nous arrivés à cette situation m’a intrigué. Depuis plus de deux mois, jours et nuit, je ne cesse de me poser cette ultime question sans pour autant entrevoir de véritables réponses. En fait, la réponse est relative, car elle dépend de chaque Centrafricain vivant la crise. Progressivement, je me suis fait cette idée, celle de comprendre que, peu importe la personne, il faut bien se garder en tête que sans l’implication des Centrafricains, tous les efforts seront vains.

La crise centrafricaine la plus médiatisée est loin de se faire oublier. Elle est là, et fera encore couler beaucoup d’encre. Une crise oubliée au départ a resurgi et tout le monde en parle grâce à une campagne importante médiatique. Le hic de tout cela est l’illusion que chaque observateur s’est faite en croyant à tort ou à raison que le juste fait de changer l’étiquette des forces internationales Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine) à la place de la Fomac Force d’Afrique centrale) puisse changer la donne. L’intervention tant attendue de l’opération française Sangaris n’aura pas permis d’enrayer une spirale de violence sans précédent. Le passage du droit de violence de la Seleka aux milices anti-balaka aussi violentes et n’ayant aucun respect des droits fondamentaux de l’homme ne fera qu’envenimer une situation déjà très volatile depuis plus d’une année.


Centrafrique: la jeunesse doit être le levier du changement

Crédit: Frédéric Bisson (FlickR)
Crédit: Frédéric Bisson (FlickR)

« Nous avons toujours vécu en proximité, jeunes musulmans et chrétiens et nous le resterons toujours quoi qu’il en soit ». Telle est la phrase anecdote qui a alimenté une discussion sur ma page, discussion qui a motivé cet article. Les contributions de Arnaud Mboli Fatran, de Tiburce Yafondo et de Djamal Lamine ont été essentielles dans l’édition de ce billet qui retrace la vision de ces jeunes Centrafricains mais aussi leur apport quant à la résolution de ce conflit qui n’en finit pas malgré l’implication et la mobilisation de plus en plus croissante de la communauté nationale et internationale. Fruit de la collaboration de 4 jeunes dont deux chrétiens et deux musulmans, ce billet vient prouver que malgré ce drame, les jeunes veulent montrer aux yeux du monde qu’ils sont toujours unis et qu’ils peuvent parler de leur pays en faisant profil bas de leur différence religieuse.

  • Musulmans et Chrétiens ont toujours été des frères depuis des décennies. Il est d’autant plus difficile d’avoir une famille sans pour autant y voir le brassage de membres appartenant aux deux religions. Quels sont alors ces prévaricateurs spirituels qui veulent nous diviser se demande Djamal Lamine. Ce dernier voit mal la cause religieuse de cette crise qui secoue tout le pays. Pour lui, les politiques ont manipulé la crise en leur faveur.
  • Pour Tiburce Yafondo nous avons toujours eu des mariages mixtes musulman/chrétien célébrés en Centrafrique. Pendant des années, la cohabitation entre ces deux communautés n’a jamais été mise à rude épreuve. Mais aujourd’hui, à cause des intérêts politiques, la crise centrafricaine a été instrumentalisée de toute pièce afin de faire croire à l’une ou l’autre communauté qu’il y a des clivages.
  • Pour Arnaud Mboli Fatran, les actes commis aussi bien par les milices que par certaines parties de la population doivent nous interpeller et nous plonger dans de sérieuses réflexions quant au degré de violence qui prévaut dans notre pays. Le lynchage d’un élément des FACA (Forces des Armées Centrafricaines) accusé par ses coéquipiers d’appartenir à la Seleka montre qu’au delà de la gravité de la crise, il faut reconnaître que le suivi psychologique de la population est plus que jamais d’actualité. Ces événements viennent mettre en lumière le terrible changement de la population entre des régimes, dont ceux de François Bozize et les autres présidents, et celui de Michel Djotodia.  Le fait qu’un centrafricain n’ait plus peur de tuer, de décapiter ni de brûler son semblable doit conduire à se poser des questions et à trouver des réponses appropriées et durables pour ne plus retomber dans les mêmes erreurs qui nous poursuivent depuis des années.
  • Pour Baba Mahamat, il faut croire à une nouvelle société basée sur le changement comportemental de chaque centrafricain, même si nous sommes tombés très bas, même si la cohésion entre ces deux communautés est terriblement affectée à cause des exactions commises par des milices sur la population civile, même si les victimes se comptent par milliers, même si les cœurs sont brisés. Il faut croire que la situation ne demeurera pas inchangée. Oui, la croyance est la seule chose qui nous anime lorsque, nous avons tout perdu. Elle est la nourriture des pauvres. Il y a une prise de conscience réelle d’une partie de la jeunesse et de la population. Cette prise de conscience se manifeste à travers des discussions animées aussi bien physiquement que virtuellement. Cependant, ce n’est pas assez.Il y a beaucoup à faire. Le chemin est indiscutablement long. La jeunesse centrafricaine consciente n’est pas encore unie. Il y a beaucoup de velléités et de différends de la part de cette jeunesse qui doit être le levier du changement. La prise de conscience n’est pas effective du moment où nous continuons de recourir à des structures rappelant la géométrie classique. Nous croyons toujours à une organisation de la société de nature pyramidale, à agir de manière systématique et linéaire « une chose après l’autre ». Nous continuons à croire en un leader. Comme l’avait dit Rolland Marshall sur Kto : « La Centrafrique n’a pas besoin d’un leader providentiel ». Il faut rompre avec cette société archaïque dans laquelle le pouvoir est hiérarchisé et conduit à un rapport de force. L’organisation de la société centrafricaine est toujours symbolisée par la rigidité, la solidité et la force plutôt que la souplesse. Pour diriger, nous nous appuyons souvent sur la force avec une organisation sociale figée or le monde moderne est très complexe.Il est malheureux que notre pays continue à se développer sur le mode de l’affrontement, de l’expression de la puissance, des intérêts personnels, des dominations et des inégalités. Arrêtons de croire en un leader et évoluons vers une nouvelle société en formant un réseau compact au delà des égoïsmes traditionnels. Il faut faire naître une société altruiste qui privilégie l’intérêt commun et supérieur de la nation au détriment de l’intérêt personnel. Un rapport de flux rapprochant tous les centrafricains. Cela nécessite d’avoir accès en permanence à des informations contextuelles, sur l’échange et le partage de ces informations, c’est-à-dire l’adaptation et la solidarité, une relation avec les autres et son environnement.  A ces conditions citées ci-haut et ajouté à cela, les efforts de chaque centrafricain, la jeunesse centrafricaine, de la diaspora, de la Présidente, du premier ministre, des membres du gouvernement, des acteurs politiques, sociaux et religieux, grâce à l’appui de la communauté internationale, de l’ONU, de l’Union européenne, de la France, des pays frères, des partenaires internationaux, nous sortirons sûrement une fois pour toute de cette tragédie. Comme un peuple fort, nous nous relèverons même si les défis auxquels nous faisons face sont immenses, ils ne sont pas insurmontables.


Je suis centrafricain, la haine est mon principal ennemi

Les derniers événements qui ont commencé début décembre en Centrafrique avec des attaques perpétrées aussi bien par les éléments de la Seleka que par les éléments de la milice anti-balaka ont mis de l’huile sur le feu. A l’origine, l’attaque contre les positions de la Seleka principalement à Bangui puis dans les provinces a fait exploser une situation déjà très volatile. Mais quelle est la cause réelle de l’explosion de la situation qui était pour autant jugée stable?

Malgré l’intervention des forces africaines de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique) et de la force française Sangaris, le pays est loin de trouver la quiétude qui était la sienne. Mais si les exactions de la Seleka ont été en grande partie les causes immédiates de cette confrontation à connotation religieuse, la haine n’est-elle pas une cause lointaine de ce conflit dont la fin n’est pas pour bientôt? Les faits sont là. Ils parlent d’eux-mêmes : des véhicules brûlés, des habitations pillées, des lieux de cultes (églises et mosquées) dépouillés et mis à sac, … et de la chair humaine mangée par un être humain, jamais je ne pouvais imaginer qu’on en arrive à une telle situation.


Centrafrique : Catherine Samba-Panza à la présidence

Il était 14 h 55, heure de Bangui,  lorsque la présidente par intérim du Conseil national de Transition a pris la parole pour proclamer les résultats définitifs du scrutin à la présidence de la Transition. Pas moins de  8 candidats étaient en lice  pour succéder à l’ancien président Michel Djotodia, contraint à la démission le 10 janvier 2014 à Ndjamena par ses pairs de la CEEAC (Communauté des Etats de l’Afrique centrale) après 10 mois de violence dans le pays. Faut-il voir dans la désignation de Catherine Samba-Panza à la présidence un symbole de la rupture et du changement ?


Centrafrique : Djotodia a démissionné, la population est en liesse et après ?

La décision de Ndjamena est tombée en milieu de la journée ce vendredi 10 janvier 2014 à l’issue de la deuxième journée du sommet extraordinaire des pays de la CEEAC (Communauté économique des Etats d’Afrique centrale). La démission du président de la Transition et de son premier ministre a toutefois surpris même si elle circulait depuis plusieurs jours. Certains observateurs de la scène politique centrafricaine redoutaient le pire scénario : un compromis de la CEEAC afin de laisser le chef de l’exécutif centrafricain finir la transition. Finalement, le peuple centrafricain a eu ce qu’il voulait.

 


Centrafricains, évitons la désinformation sur les réseaux sociaux

La crise centrafricaine a mobilisé un nombre important de compatriotes notamment sur les réseaux sociaux. Une autre manière d’informer est née depuis la tragédie centrafricaine : la presse citoyenne. Les internautes centrafricains grâce  aux réseaux sociaux se tiennent informés régulièrement à travers Facebook, Twitter, … Ce qui est d’ailleurs très important. Seulement, certains en abusent pour publier des informations erronées et non vérifiées. La situation en Centrafrique est déjà très tendue, nous n’avons pas besoin de l’envenimer.

 


Centrafrique : sur fond de violence, une crise humanitaire sans précédent se profile à l’horizon

Alors que la crise sécuritaire est loin d’être résolue, la République centrafricaine doit faire face à une crise humanitaire sans précédent. Les chiffres avancés par les organisations des onusiennes font froid au dos. En plus de milliers de personnes qui ont été contraintes de se réfugier dans les pays voisins notamment au Tchad, au Cameroun, à la République Démocratique du Congo et au Congo, à l’intérieur du pays, plus de 150 000 personnes sont obligées de quitter leur domicile après l’attaque du 05 décembre 2013 perpétrée par des éléments d’une milice appelée les Anti-balaka contre les éléments Seleka et la communauté musulmane. Ils se retrouvent par milliers à l’aéroport International Bangui M’poko, dans les structures religieuses, des écoles pour échapper aux représailles des éléments de l’ex-Seleka et des milices Anti-balaka.

 



Centrafrique : il fallait une intervention française

La tragédie centrafricaine est sortie du silence depuis que l’Assemblée générale des Nations Unies a voté une résolution pour soutenir Bangui, fin septembre. Le Conseil de sécurité des Nations Unies, dont la présidence est assurée depuis décembre par la France, a ainsi voté la résolution 2127 pour soutenir la force MISCA (Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique) et pour autoriser la France à intervenir en Centrafrique. Au même moment, des Centrafricains mal intentionnés, assoiffés de pouvoir et n’ayant aucun respect pour la dignité humaine ont frappé de plein fouet Bangui. Il a fallu attendre encore quelques heures pour que la résolution adoptée puisse permettre un début d’opérations afin de rétablir la sécurité dans le pays. Cette décision du Conseil de sécurité, favorablement accueillie par la population centrafricaine, s’explique par le fait que le nouveau régime, malgré d’innombrables discours, ne parvient pas  garantir la sûreté des personnes.

 


Centrafrique : pourquoi la recrudescence de la violence dans la ville de Bangui

Une semaine marquée par la violence, c’est ce que les habitants de Bangui viennent de vivre et retiennent de la semaine du 11 au 18. Principalement dans la capitale centrafricaine, ces violences qui sont encore présentes dans les provinces ont montré combien la situation sécuritaire s’est considérablement détériorée dans ce pays passé sous le commandement de la Seleka depuis le 24 mars 2013. Autant de raisons peuvent expliquer ce regain de violence et l’instauration d’un climat de terreur dans la capitale centrafricaine, Bangui. Assassinat d’un ancien élément de la Force Centrafricaine(FACA) à Miskine, Braquage d’une moto vers le quartier Sara, enlèvement d’un jeune au quartier Fatima, exécution sommaire d’un magistrat et son garde-de corps, les centrafricains sont obligés de se promener chaque jour que Dieu fait, avec leur certificat de décès au coup. Mais tiendront-ils encore pour combien de temps ?

-Le désarmement de septembre, une parodie  

Les débuts de désarmement ont commencé avec les Forces de la Fomac après l’accrochage entre la population du quartier de Gobongo et les éléments la Seleka suite à l’assassinat d’un jeune dudit quartier faisant plusieurs victimes fin juillet 2013. Après la triste opération de désarmement dont s’est greffée une musclée opération de  pillage perpétrée contre les civiles de Boye Rabe, un quartier réputé proche de l’ancien président François Bozizé évincé depuis le 24 mars 2013, la force de l’Afrique centrale a décidé de prendre les choses en main. Si ces opérations ont été appréciées par toute la population, elles se sont éloignées de leur objectif qui est celui de pacifier la capitale afin de l’étendre dans les provinces. On se souvient encore que le 18 aout 2013, le Général Nouredine Adam, le numéro de la Seleka a été enlevé de son poste de Ministre de la sécurité publique et remplacé par Josué Binoua. Ce dernier, considéré comme un Judas par certains membres de KNK et surtout les proches de l’ancien président François Bozizé, a su se rendre compte que seul le désarmement effectif peut permettre de sauver une situation déjà très volatile. C’est ce qui a justifié début septembre, les opérations de désarmements menées par les forces de l’ordre public et la Seleka.

La Seleka sera exclue après les bavures dans certains quartiers tel que Boeing qui ont fait fuir la population en se refugiant dans le seul endroit jugé fiable pour eux, le tarmac de l’aéroport Bangui M’Poko. Même si un décret du chef de l’état de Transition Michel Am Non Drocko Djotodia a exclu les éléments de la Seleka de la suite des opérations suite à sa dissolution, leur présence est restée visible dans les rues de Bangui et des autres villes centrafricaines occasionnant un climat de terreur absolue.

Apprécié par toute la population dont l’initiateur Josué Binoua a été considéré comme l’homme de la situation, le désarmement se fera à deux poids deux mesures et épargnera certains caciques de l’ex Seleka. Il est un secret de polichinelle que les éléments de la Seleka pour la plupart gardent par devers eux, plusieurs armes récupérées lors de la prise de Bangui. Ils ont juste remis quelques unes et un stock important est resté caché soit déplacé. La Seleka étant un mouvement rebelle hétéroclite, ses éléments ne devraient normalement pas être impliqués à ces opérations, ce qui se justifie également par la fraternité qui pourraient exister entre ses éléments empêchant sans doute le sérieux pour le désarmement. Tout le monde sait que seules les opérations de désarmement bien organisées et efficaces peuvent permettre de ramener l’ordre dans ce pays.

-L’absence du général Moussa Assimet, une cause probable

On se souvient encore du transfert du général Moussa Assimet, l’un des chefs de la Seleka le plus influent, le 18 octobre dernier au Soudan son pays natal. Celui qui se réclamait centrafricain d’originaire était parti seulement avec une dizaine de ses hommes à bord de l’avion qui l’avait amené. Pourtant, une source militaire à Bangui expliquait qu’il dispose encore de quelques 500 éléments à Bangui et qu’il avait demandé à ce qu’ils soient incorporés dans l’armée centrafricaine. L’absence de ce chef peut avoir des conséquences sur ses éléments qui pourraient être les instigateurs de la violence à Bangui. Sans leur chef, ils se croiraient biaisés et décideraient de se faire payer sur la peau de la bête. Le cantonnement de tous les éléments de la Seleka y compris ceux du Général Moussa Assimet doit être une priorité pour le gouvernement et le président de la  Transition s’ils veulent absolument ramener l’ordre sur le territoire centrafricain.

Le gouvernement de transition est-il incapable de faire appliquer ses décisions ?

A en croire, le problème financier avec l’état piteux où se trouvent les caisses du trésor centrafricain n’arrange pas la situation. Même si tout le monde sait que ce problème est essentiellement dû à la non-opérationnalisation des services de douanes et d’impôts notamment dans les provinces qui alimentent essentiellement les caisses de l’Etat afin de garantir les dépenses de l’État. La suspension de l’aide par certains partenaires de la République centrafricaine telles que la Banque Mondiale, le FMI et autres n’a fait qu’amplifier la descente aux enfers. Mais le problème le plus grave est sans doute le respect des décisions prises par les autorités de la transition. En mai dernier, l’ancien Ministre de la Sécurité, également le numéro de l’ancienne Seleka avait pris des décisions interdisant aux ex-Seleka de se promener dans la ville de Bangui lourdement armés comme si, ils partaient en guerre. Cette décision avait accouché d’une souris. Il en va de même des décisions prises par le Chef de l’Etat interdisant les éléments de l’ex Seleka de prendre part aux opérations de désarmement. Tout porte à croire que même les décisions du président de la transition ne font pas l’unanimité parmi les responsables de ce mouvement.

-L’aide internationale tarde à venir

Tous les pays y compris les pays du conseil de sécurité des Nations-Unies se sont rendus compte de la dégradation de la situation sur le terrain. Plusieurs « lieutenants » de Ban Ki Moon, le secrétaire général des Nations-Unies l’ont confirmé lors de leur visite dans ce pays. La visite de Laurent Fabius alors ministre français des Affaires étrangères le 12 octobre et sa déclaration ont fait comprendre au monde entier combien les centrafricains souffrent. La résolution de l’ONU visant à renforcer le Binuca (Bureau Intégré des Nations-Unies en Centrafrique) et le renforcement de la Misca (Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique) a été une décision saluée par les uns et les autres même si l’envoi des casques bleus n’est pas d’actualité pour les Américains et les Anglais. La promesse des partenaires ainsi que celle de l’Union européenne et des Etats-Unis ont été des signes qui expliquent la prise de conscience de la situation centrafricaine. Mais l’aide promise, dans l’ensemble tarde à se concrétiser face à l’urgence de la situation sur le terrain. L’opérationnalisation de la Misca et son soutien apparaissent inévitablement comme une solution incontournable. Mais les défis restent présents dans la mise en place de cette force africaine dont la date du 19 décembre est décidée pour son effectivité.

Un constat amer fait l’unanimité : la République centrafricain est au bout du chaos, elle est en situation de pré-génocide comme le disent les Américains, au bord du génocide comme l’explique la position française et un état défaillant comme l’affirment certains  responsables des Nations-Unies. Mais si tout le monde sait que ce peuple qui a commencé à souffrir depuis plusieurs mois et continuent de subir des atrocités sans précédent a besoin qu’on le fasse sortir de ce trou dont la sortie semble impensable, pourquoi ne pas voler à son secours ? Que fait-on de la solidarité humaine? Et pourquoi ignorer l’appel et le cri de détresse d’un peuple au bord de l’irakisation? Comme le dit certains responsables de l’ONU dont le sous-secrétaire de maintien de la paix, il faut agir maintenant et vite pour éviter un génocide.


Centrafrique : sommes-nous obligés de passer par un autre dialogue national inclusif ?

Quelques semaines après son annonce dans le communiqué final de la réunion extraordinaire de la CEEAC (Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale) , sur la crise centrafricaine tenue le 21 octobre dernier et le discours du président de Transition Michel Djotodia en début de semaine donnant son accord, les avis des centrafricains restent divisés sur le projet de Dialogue National Inclusif qui a également eu le soutien du GIC (Groupe Internationale de Contact sur la RCA) lors de sa 3e réunion tenue à Bangui le 8 novembre dernier. Les centrafricains se rappellent encore du nombre incalculable de dialogue, accords, concertations et autres regroupements qui se sont toujours soldés par un échec cuisant.

Dialogue politique Inclusif en 2008 en RCA - Photo(Crédit: sangonet.com)
Dialogue politique Inclusif en 2008 en RCA – Photo(Crédit: sangonet.com)

Même si un adage dit « La main qui donne est toujours au dessus de celle qui reçoit », les centrafricains ne sont pas prêts à se lancer dans un autre dialogue demandé par la CEEAC. Le dernier en date s’appelle les accords de Libreville signés en janvier 2013 entre d’une part le pouvoir en place dirigé par François Bozize alors président de la République et d’autre part la Seleka, une coalition de rebellions dirigée par Michel Djotodia, l’opposition démocratique, les mouvements politico-armés, les représentants religieux  et de la société civile. Même si beaucoup d’observateurs continuent à croire à ces accords dits de Libreville, le centrafricains et les observateurs de la scène politique centrafricaine ne se voilent pas la face : ces accords sont caduques depuis le renversement du président François Bozize. Il n’est pas important de revenir sur les responsabilités étant donné que nous en avons largement parlé dans nos précédents articles mais le constant reste le même, le dialogue n’a jamais été le fort des Centrafricains.

 

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce scepticisme chez les centrafricains à revivre encore un dialogue de plus. Le mal centrafricain n’a jamais été ébranlé, malgré les concertations qui ont commencé depuis les années 90. Le vulgaire citoyen se dit que ces assises sont surtout des moments qui profitent à une classe, laquelle ne représente pas forcement les aspirations du peuple car sa situation n’est jamais prise en compte. Depuis plus de 30 ans, la République centrafricaine est dirigée par les mêmes hommes, ces mêmes aussi qui sont aussi des acteurs des dialogues.

 

Du régime du feu Président André Kolingba à celui du feu  Ange Félix  Patassé en passant par celui du Général François Bozize, les mêmes personnes qui ont verrouillé le système sont toujours à la commande. L’avènement de la Seleka qui avait d’abord été salué par certains compatriotes et surtout la diaspora dont certains membres ont été contraints à l’exil pour éviter une fin malheureuse n’a pas fait l’exception à la règle, au contraire les dégâts parlent d’eux-mêmes. Les même personnes reviennent comme des grenouilles qui coassent dans les marres d’eau après le passage de la pluie. Le constat amer du centrafricain est sans détour : ces personnes peu importe leur affiliation (partie politique, société civile, religieux, …) ne visent que leur intérêt. La preuve, après les concertations, il est toujours recommandé de former un gouvernement dont le nom varie -gouvernement de consensus, gouvernement d’union nationale- et qui permettent à de pseudo-représentants du peuple de se retrouver les pieds et la tête dans les affaires.

 

La situation que traverse la Centrafrique  ces derniers temps est grave. Cette gravité s’explique par la dégradation sans précédent de la situation sécuritaire laquelle oblige tout un peuple mis à genoux par les graves violations humaines dont l’humiliation, les exactions, les tortures, les assassinats et j’en passe font des centrafricains des animaux devant une force de la Seleka guidée par le mal. La priorité pour le centrafricain est la restauration de la sécurité sur toute l’étendue du territoire ainsi que sa dignité bafouée depuis belle lurette et ce, en restaurant de l’autorité de l’Etat qui est un mot vain il y a bien longtemps dans ce pays, à cause des intérêts mesquins des uns et des autres. On ne peut parler de dialogue lorsque, dormir ne fut-ce qu’une nuit sans être chatouiller par des tirs à l’arme lourde est un rêve que chaque centrafricain n’a pas eu l’occasion de côtoyer depuis la difficile cohabitation avec la Seleka.

 

Faire le dialogue ? Mais avec qui ? Lorsque nous savons que la crise centrafricaine a été entretenue par les hommes politiques qui ne se gênent pas à utiliser la souffrance du peuple pour assouvir leur besoin. Il ne s’agit pas de réunir cinq cent (500) ou mille (1000) personnes qui passeront leur temps à parler comme des sourd-muets car au lendemain, tous reviendront à la case du départ, ni de faire des recommandations qui accoucheront d’une souris à l’accoutumée. Les recommandations, les centrafricains en ont encore en mémoire. Ils ne sont pas prêts à écouter encore d’autres recommandations qui ne seront jamais tenues. Le peuple centrafricain éprouve de sérieux problèmes, de problèmes que les dirigeants doivent prendre à bras-le corps au lieu de passer leur temps à se morfondre comme des petits-enfants qui se disputent un morceau de gâteau.  Le pouvoir doit appartenir au peuple et c’est lui qui délègue et pas aux pseudo-politiques.

 

Les nombreuses violations des droits humains ne doivent pas restés impunies. Hors, que constatons-nous ? Habituellement, le dialogue national est une occasion de laver les coupables et de saper le mémoire des victimes des atrocités. A l’exemple de la République Démocratique du Congo où le M23 qui a longtemps régner en  maitre dans une importante partie du Congo a demandé l’amnistie pour ses membres en dépit des dégâts qu’ils ont causés sur la pauvre population. Que consolera les victimes et parents de victimes après tant d’humiliation? Il faut que les auteurs des crimes et de violation puissent être inculpés et jugés, la justice doit faire son travail.

 

Ce n’est pas lors de quelques jours de débats pour se voiler la face que le changement viendra. Détrompons-nous. Le changement doit être moral. Il est l’aspiration de la collectivité à rompre avec les pratiques néfastes du passé. Il est comportemental. Nous devons en tant que centrafricains prouver que nous voulons faire une scission d’avec le passé en tournant la page et en regardant le futur en face.  Ne nous leurrons pas la réalité, ce n’est pas du fait que la CEEAC et la communauté internationale nous imposent un dialogue national inclusif que nous sortirons de l’ornière. Nous devons apprendre de nos différences en les transformant en forces puis en les complétant pour rendre ces  forces collectives. La dynamique du groupe doit prôner. Il est la voie du salut centrafricain, en conséquence du développement socio-économique.

 

Le dialogue ne doit pas être imposé, il doit être éprouvé, le peuple doit le sentir, il doit l’appuyer s’il est venu de lui afin de mettre clairement ses aspirations sur la table pour son bien-être. S’il est imposé, il ne sera qu’une formalité et nous tomberons dans les mêmes erreurs. Il faut que nous apprenons des erreurs de notre passé pour jaillir de nouvelles idées pour le renouveau centrafricain.

Peace en Centrafrique


Centrafricains, partageons-nous la responsabilité dans le drame de notre pays ?

Tant de questions ont effleuré mon esprit ces derniers temps me poussent à rédiger cet article. Des questions qui sont pour la plupart légitimes vu leur importance. Pour se relever de cette crise endémique, il faut repartir à la source. « Pour tuer un serpent, il faut couper sa tête ». Les Centrafricains de toutes les couches partagent-ils la responsabilité collective de notre drame ? Le conflit centrafricain est plus profond qu’il en à l’air. Il est béant. Il doit être vu et expliquer dans tous ses contours. Dans ce billet, nous tenterons d’expliquer un certain nombre de choses qui ont permis de creuser davantage notre tombe.

 Quelques compatriotes avaient déjà abordé ces constantes qui méritent d’être soulignées. Dans un article de notre confrère blogueurCentro, la crise centrafricaine résulte d’un complot international et la solution ne viendrait pas de cette communauté internationale, ces personnes qui se disent politiciens, de l’Union africaine ni de la CEEAC qui ne font que tergiverser. Le scénario est semblable à celui du Mali où plusieurs réunions avaient été convoquées (plus d’une dizaine) sans vraiment avancer dans résolution de la crise malienne. Il a fallu que la France intervienne et qu’aux côtés des troupes françaises, un contingent tchadien se décident de lancer l’assaut pour libérer le nord Mali des groupes djihadistes. En Centrafrique, déjà 5 réunions extraordinaires, plus de 6 mois et une force qui n’existe que sur le papier car le contour financier reste discutable. Les organisations sous-régionales, régionales et internationales se regardent sans se concerter réellement sur le financement de la Misca. Je partage cette analyse du fait que nous avons largement contribué en tant que Centrafricains à arriver à cette déconfiture où passer une nuit sans une mauvaise nouvelle du genre attaque à Bossangoa, pillage à Boye-Rabe, assassinat à Combattant devient quelque chose de normale.

La vie de chaque Centrafricain ne tient qu’à un fil qui peut être fendu à tout moment par la volonté d’une tierce personne. L’humain est animalisé, dépouillé de toute sa dignité. Qu’à cela ne tienne, la faute nous incombe, car en tant que patriotes, notre responsabilité première consiste à nous unir pour barrer la route à tous ceux qui s’opposent de quelque façon que ce soit, au développement de notre cher et tendre pays, un pays qui a brillé dans le passé. Nous avons non seulement assisté à cette lamentable situation, mais nous y avons largement contribué par la mauvaise foi, par nos sales besognes, par le manque de patriotisme. Chacun quel que soit son travail, a jeté l’huile sur le feu. Notre ignorance a été constante et elle est un effet boomerang.

Des faits qui parlent d’eux-mêmes

  • Lorsque nous avons décidé volontairement d’opter pour un régime basé sur le népotisme, le favoritisme, le clientélisme, le clanisme, ce n’est pas la faute à la communauté internationale.
  • Lorsque nous avons volontairement sacrifié l’éducation des Centrafricains en détournant les fonds destinés à réformer les systèmes éducatifs, à corrompre un système éducatif qui n’existait plus depuis plus d’une décennie, ce n’est pas la faute à l’Unesco.
  • Lorsque nous avons décidé volontairement de détruire l’armée, en favorisant le recrutement des proches et parents en son sein au lieu de réaliser un recrutement digne de ce nom en mettant en devant, les compétences et la bravoure, ce n’est pas la faute à la Fomac ni à la Misca.
  • Lorsque nous avons décidé d’aider ces étrangers qui se sont mis à piller, tuer, détruire les maisons par notre complicité en pointant du doigt les maisons, en profitant pour régler nos comptes, ce n’est pas la faute aux Tchadiens ni aux Soudanais;
  • Lorsque nos frontières sont d’une porosité extrême et que des groupes armés étrangers circulent en toute liberté sans pour autant être inquiétés, ce n’est pas la faute aux pays voisins ;
  • Lorsque nous avons décidé d’escroquer, en tant que chef militaire, les candidats au recrutement des militaires sous l’ancien régime et que ces candidats malheureux se retrouvant dans la Seleka en profitent pour se venger, ce n’est pas la faute d’une tierce personne ;
  • Lorsque nous avons décidé de créer les partis politiques pour ensuite sauter sur la première occasion pour entrer dans le gouvernement et rallier à la majorité présidentielle et perdre le chapeau de l’opposition en acceptant certaines pratiques non démocratiques et en privilégiant remplir nos poches au détriment du peuple que nous avons juré sur la tombe de nos ancêtres lors des discours creux et dénués de sens que nous allons le servir, ce n’est pas la faute au peuple qui a placé en  nous son espoir ;
  • Lorsque, au lieu de créer des entreprises afin d’embaucher des jeunes sans emploi, favoriser le développement socio-économique, nous avons jugé utile de créer des partis politiques qui « polluent » l’atmosphère politique en Centrafrique, ce n’est pas la faute à la France ;
  • Lorsque nous avons décidé d’aller vivre à l’étranger et de nous fier juste à des fameuses déclarations qui ne changent en rien la situation au lieu d’emboiter le pas aux initiateurs de URGENCE236 qui sont venus en aide aux populations affectées, ce n’est pas la faute aux organisations humanitaires.
  • Lorsque, nous avons décidé volontairement de regarder nos frères, peu importe leur région, leur ethnie, leur religion comme des étrangers, alors que ce sont aussi des Centrafricains comme nous, ce n’est pas la faute à la communauté internationale ;
  • Lorsque nous avons décidé d’aller voter pour un candidat parce qu’il est de notre ethnie, notre région, ou que nous avons reçu de l’argent et du matériel de sa part, ce n’est pas la faute aux observateurs internationaux ;
  • Lorsque nous acceptons de percevoir un billet de 5000 F Cfa pour endurer 5 ans de souffrance à raison de 1000 F Cfa par an, ce n’est pas la faute à l’Union européenne. Alors que nous pouvons opter comme Stephen King,  « La confiance de l’innocent est le meilleur atout du menteur», ôtons cette confiance aveugle aux politiciens et leur masque tombera toute seule.
  • Lorsque nous avons décidé d’ignorer ce qui se passe dans notre pays et vivre comme si de rien n’était en laissant nos pauvres parents pourrir comme des animaux, ce n’est pas la faute à la communauté internationale.

Alors Centrafricains, chers frères et sœurs, pourquoi renvoyer la responsabilité sur les autres lorsque nous sommes, nous-mêmes à l’origine de notre drame. Nous avons toujours opté pour la facilité en rejetant la responsabilité sur les autres puisqu’il est facile d’accuser que de s’accuser.

Quand est-ce que nous allons ouvrir les yeux et comprendre que nous sommes responsables de ce qui se passe et que c’est par nos propres efforts que de la solution idoine et définitive jaillira la joie dans nos cœurs. Il est temps que nous changions, car « Les erreurs ont toujours été les plus grands professeurs» affirme François Gervais.

Si nous ne voulons pas que notre pays revive la même tragédie, c’est à nous de décider de tourner cette sombre page de notre histoire et décrire une autre page dont la base doit être la démocratie. Ce combat ne doit pas être solitaire, il faut qu’il y ait une révolution morale, car c’est elle la vraie révolution, ce n’est pas les armes qui vont faire changer les choses et là, nous avons eu suffisamment de preuves pour ne plus nous en dissuader.


Centrafrique : l’internationalisation de l’aide, une bonne nouvelle pour les centrafricains

Près d’un mois après la réunion sur la crise centrafricaine qui a eu lieu en marge de la 68e assemblée générale des Nations-Unies, des progrès ont été remarquées dans la résolution du conflit centrafricain. Ce dernier qui a longtemps été ignoré a fait son apparition sur l’agenda international grâce notamment au plaidoyer de la France qui a décidé finalement de réagir.

Laurent Fabius et la chef de la diplomatie centrafricaine à Bangui, le 13 octobre 2013(crédit:https://www.acap-cf.info)
Laurent Fabius et la chef de la diplomatie centrafricaine à Bangui, le 13 octobre 2013(crédit:https://www.acap-cf.info)

Le 26 septembre dernier lors d’une réunion co-présidée par la France et l’Union européenne, un pas important a été fait en lançant un appel à contribution à l’encontre de la communauté internationale afin d’aider à l’éradication du mal centrafricain. Quelques jours avant, à l’occasion des travaux de l’assemblée générale, certains présidents à l’instar du français François Hollande, du tchadien Idriss Deby et du Gabonais Ali Bongo sans oublier le plaidoyer du chef du gouvernement centrafricain de transition Nicolas Tiangay ont essayé de peindre une situation peu reluisante que vivent les centrafricains depuis plus de 6 mois au monde. Tous ces discours n’ont pas accouché d’une souris, la preuve, une résolution sous initiative française a été finalement adoptée à l’unanimité par les 15 membres du Conseil de sécurité sur le renforcement du mandat du Binuca (Bureau intégré des Nations-Unies en Centrafrique) et le soutien au déploiement rapide de la force africaine Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique).

La visite du ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius du 13 octobre dernier n’a été qu’une étape de plus dans la résolution de cette crise endémique que vit ce pays au centre du continent africain. Plus d’une qu’une visite de courtoisie pour remonter le moral des troupes françaises présentes à Bangui et visiter un centre hospitalier de Bangui, ce déplacement a permis au chef de la diplomatie français d’échanger avec les principaux responsables de la transition dont le président de la Transition Michel Djotodia, le premier ministre Nicolas Tiangay et le président du Conseil National de Transition Ferdinand N’guendet sur la nécessité de travailler ensemble et de laisser de côté les querelles intestines qui les opposent. Il a encouragé les nouvelles autorités de Bangui à faire davantage d’efforts dans la pacification du pays et surtout respecter la feuille de route de la Ceeac notamment la tenue des élections au plus tard début novembre et a rassuré les centrafricains qu’ils ne sont pas oubliés.

Le triplement de l’enveloppe européenne à la Centrafrique, est une autre bonne nouvelle pour ce milliers de victimes de du conflit qui ont besoin d’une aide conséquente surtout l’aide humanitaire. L’Union européenne est le principal bayeur du pays et reste la seule institution qui n’a pas suspendu réellement son aide malgré le repli d’autres institutions. On se rappelle que les salaires du mois d’avril avaient été payés grâce au déblocage de l’aide européenne. Le Fmi, la Banque mondiale et la BAD qui avaient suspendus leurs activités ainsi que leur aide sont revenus sur leur décision, ce qui est une action encourageante pour ce pays meurtri.

L’envoi de troupes supplémentaires par les pays de la sous-région Ceeac à l’instar du Tchad (quelques 400 éléments), du Congo Brazzaville (150) et de 200 militaires de la Guinée Équatoriale -pays qui n’avait jusqu’à lors pas de troupe par les forces de la Fomac en Centrafrique- et très prochainement du Burundi sont des mesures qui doivent être bien accueillies. Cette force africaine ou Misca contiendrait quelques 3000 hommes et doit être rehaussés à 3500 selon la résolution de l’Union africaine.

Le récent sommet extraordinaire – le 5e du genre sur la crise centrafricaine- dont le communiqué final lu par le secrétaire général de la Ceeac, a exhorté la communauté internationale à accroitre son aide, demander que la force africaine présente en Centrafrique fasse appel à la force si possible pour mettre hors d’état de nuire ces ex-éléments de la Seleka qui ont animosité la population. La mise à la disposition de la force des moyens aériens pour permettre de traquer ces ex-Seleka et les booster hors de la Centrafrique en les traquant reste aussi une très bonne résolution.

Enfin, dernière nouvelle, la demande envoyée par le secrétaire général au conseil de sécurité pour l’envoi de quelques 250 militaires de l’ONU et avec à terme son renforcement à 560 hommes afin de protéger la mission de l’ONU qui devraient se répandre dans l’arrière pays et la décision autorisant le Binuca d’aider pour la réussite du processus des élections prochaines sont autant de choses dont les centrafricains doivent se réjouir.