Ruben BONI



Réseaux sociaux en période électorale : les bloquer est une bêtise

Depuis une décennie maintenant, on connaît bien le disque des démocratures africaines pour couper internet ou les réseaux sociaux. Morceau choisi, lutter contre les infox en période électorale et préserver l’ordre public. Mais ce que l’on connaît moins, c’est que des acteurs sociaux importants paraissent légitimer de telles pratiques. Décryptons !



Migration clandestine de jeunes africains

Aujourd’hui, la question de la migration reste l’un des défis majeurs au niveau mondial. Les initiatives pour résorber cette crise migratoire sont nombreuses. Cependant, il faut reconnaître que la plupart des initiatives menées tendent à dissuader de migrer. Face au repli et à la logique sécuritaire qui gouverne souvent les questions migratoires, de nouvelles propositions doivent être envisagées.


DJ Arafat, victime des réseaux sociaux?

Le 12 août 2019, la Côte d’Ivoire apprenait incrédule la mort de sa star du coupé-décalé. Ange Didier Houon, dit « DJ Arafat », tirait sa révérence à la suite d’un tragique accident de moto. Dans la foulée d’un hommage national, des actes de vandalisme et de profanation de la tombe de l’artiste seront commis. Quelle est la responsabilité des réseaux sociaux ?


Que vive le cinéma ambulant en Afrique !

En Afrique, le cinéma ambulant a longtemps joué un important rôle de promotion du film noir, et pas seulement. Aujourd’hui, ce beau projet, en grande partie porté par les missionnaires religieux et l’Association Cinéma Numérique Ambulant, tend à disparaître. Au travers de mon souvenir d’enfance, je démontre toute la nécessité de continuer à faire vivre ce projet humaniste.

« La solution », une projection du cinéma ambulant

Des fois, des détails de mon jeune passé refont surface de manière assez curieuse. Cette fois, a surgi de nulle part le souvenir heureux d’un film de mon enfance. Il s’agit du film d’évangélisation intitulé « La Solution ». Je précise, il n’a carrément rien à voir avec le prétentieux slogan de campagne d’un personnage politique ivoirien.

Ce film, tous les gamins des années 2000 de mon quartier d’alors de Bouaké – ville de Côte d’Ivoire – le connaissent très bien. La nuit tombée, dans l’une des nombreuses ruelles sombres du quartier, il avait été projeté sur un vulgaire tissu blanc.

Mon esprit d’enfant avait été marqué par deux choses. D’abord, l’excellent jeu de rôle d’un personnage du film appelé « Nato ». Pourquoi ? Prenant très au sérieux son rôle de féticheur-épouvantail, « Nato » avait contribué à me donner un esprit fertile et alerte à chaque fois que je devais m’engager dans une pénombre. Lol, pauvre enfant que j’étais !

La seconde chose est que j’avais été admiratif de ces gens qui assemblaient le matériel de projection du cinéma ambulant. J’avais été marqué par le fait qu’ils offraient, à ciel ouvert, un spectacle cinématographique entièrement gratuit. Un rare spectacle qui avait permis à de nombreux autres enfants et leurs parents de bénéficier, le temps d’une soirée, d’une des grâces de la télé. Car pour ne rien manquer de l’événement annoncé, plusieurs habitants des villages périphériques non électrifiés avaient spécialement fait le déplacement.

Que d’émotions et de spiritualités partagées ce soir-là !

Quel est le sort du cinéma ambulant aujourd’hui ?

A l’heure de ces souvenirs qui m’ont arraché de fous sourires, j’ai eu l’envie de revisiter la production. Quelques clics vite fait sur Youtube m’ont permis de savourer le nectar cinématographique de mon enfance.

La solution, un film de production ivoirienne. Ici traduit pour les besoins du public Haïtien

Au fil des séquences du film, mon esprit d’antan, seulement vieilli de quelques années, ne pouvait s’empêcher de s’interroger. Qu’est devenu le cinéma ambulant diffuseur de belles émotions ? Pourquoi ce film m’avait-il autant marqué ? Pourquoi bon nombre des récentes productions n’ont pas le même effet de séduction sur moi ?  Autant de questions auxquelles je crois maintenant avoir un soupçon de réponse.

Premièrement, le développement du numérique et la facilité d’accès aux contenus vidéos fait croire en l’inutilité du cinéma ambulant. Mais en réalité, c’est à tort que cette pensée se développe et empêche ce genre d’initiatives. Parlant de l’Afrique, malgré l’essor du digital, il ne faut pas oublier que le continent reste encore sous éclairé. Environ 640 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité, à fortiori aux grâces des productions cinématographiques. Ainsi, il faut reconnaître que le cinéma ambulant a toute sa place. Car il est aussi un outil de promotion des films locaux, notamment africains. Et, même si toute l’Afrique venait à être électrifiée, rien ne remplace ces moments collectifs de partage d’émotions, en dehors des salles payantes de cinéma.

Deuxièmement, si cette expérience de cinéma ambulant m’avait autant marqué, c’est sûrement à cause de l’excellente qualité du film projeté. Bien qu’aujourd’hui vieux de plusieurs décennies, le film de mon enfance est comme intemporel. Il n’a rien perdu de son charme, de son actualité et de sa profondeur en instruction. Richesse proverbiale, mise en avant de la culture, discours structuré et bien articulé des acteurs démontrent clairement le sérieux et le professionnalisme de l’équipe de réalisation. Un exemple à copier pour les jeunes générations africaines de réalisateurs. La plupart des récentes productions, certes belles visuellement, manquent cruellement de scénarios cohérents.

Clin d’œil au cinéma ivoirien

Ce souvenir des pages de mon enfance me permet de rendre hommage à de belles productions cinématographiques de Côte d’Ivoire. De mon avis, elles sont comme le bon vin qui se bonifie avec le temps. Cela me permet d’évoquer l’année 1968, considérée par beaucoup comme l’année de naissance du cinéma ivoirien. Cette année-là a vu le jour « Sur la Dune de la Solitude », un film écrit et réalisé par Timité Bassori, jeune ivoirien à l’époque.

Depuis lors, de fabuleuses productions rythment et influencent encore aujourd’hui le quotidien de plusieurs milliers d’ivoiriens. Qui ne se rappelle pas du film série dénommé « SIDA dans la cité » ? Un film de sensibilisation sur la maladie de l’immunodéficience. Qui d’autre n’a pas le souvenir du film « Bal poussière, 1989 », « Au nom du Christ, 1993 », « Le sixième doigt, 1990 », « Run, 2014 », « Caramel, 2005 », « Adanggaman, 2000 », « Roues libres, 2002 », « Bronx Barbès, 2000 »,  et j’en passe. Personne ! Ils sont comme faisant partir de l’identité même de l’ivoirien, tant leur renommée demeure grande.

En somme, retenons que le cinéma ambulant doit continuer d’apporter sa pierre à la promotion cultuelle, surtout en Afrique. Quand l’on sait toute l’influence que le cinéma a sur les masses, il faut encourager ce genre d’initiatives et la diffusion de films africains. Car, mine de rien, la production cinématographique est le fruit de la conception spirituelle et philosophique d’un peuple, d’un continent. Sinon quoi, nous peuples africains, très ouverts au monde (ce qui n’est pas mauvais en soi), risquons l’acculturation totale.

Tout ce que je souhaite au travers de ce billet, c’est que brille davantage le cinéma africain ! Et que vive le cinéma ambulant ! Avec peut-être un meilleur modèle de diffusion, qui contribue à la rémunération des ayants droits des films. Comme le fait si bien l’Association Cinéma Numérique Ambulant (CNA).

Trêve de bavardage, merci de m’avoir écouté ! J’ai bien fait mon cinéma !

« Le cinéma n’est pas un spectacle, c’est une écriture. » Robert Bresson


Dix (10) qualités qui font le grand leader, selon Thierry Tanoh

Pour le gala marquant ses 30 années d’existence, la JCI Abidjan Ivoire a vu grand. L’homme politique, l’économiste et ex-étudiant d’Harvard, Thierry Tanoh, a été invité à prononcer un discours sur le leadership. J’ai suivi l’élégant exposé de cet exceptionnel leader. Je vous fais le résumé.

Samedi 06 avril 2019, il est 21h45 en Côte d’Ivoire, à Abidjan, où se tient le gala. Thierry Tanoh, modeste dans son allure, malgré son parcours professionnel et politique exceptionnel, s’installe humblement au pupitre. Après de brefs mots d’usage, il entame son speech.

Dix (10) qualités d’un grand leader

Pour l’orateur, « le leadership, ça ne court pas les rues ! Etre un leader nécessite d’avoir certaines qualités qui ne se trouvent pas chez certaines personnes.». Il les décline en dix (10) points qu’il explique comme suit :

1- L’honnêteté et l’intégrité

Etre honnête et intègre est une qualité indispensable du leader. Un leader est en général une personne à qui les autres veulent ressembler. C’est pourquoi, dit-il, il est très rare que l’on veuille ressembler à quelqu’un qui n’est ni honnête, ni intègre. Et, précise-t-il, personne n’a envie de suivre dans une aventure quelqu’un de malhonnête.

2- La confiance en soi

Pour l’ex-ministre, les grands leaders sont des gens qui affichent une confiance en eux. Une confiance en soi sans que cette confiance ne devienne une arrogance vis-à-vis des autres. Ainsi, en général, les gens préfèrent suivre quelqu’un qui démontre une certaine assurance dans ce qu’il dit et ce qu’il fait.

3- Une source d’inspiration

Un leader est une personne qui arrive à inspirer. Dans les situations critiques, quand la tension monte, le leader est celui dont tout le monde a besoin.  En fait, selon l’orateur , c’est quelqu’un qui met en confiance et qui pousse à se surpasser.

« Si vos actions inspirent les autres à rêver plus, apprendre plus, faire plus et devenir plus, vous êtes un leader », John Quincy Adams.

4- L’engagement et la passion

Un leader est une personne qui montre l’exemple en donnant le meilleur de lui-même et en travaillant avec conviction. Il montre de l’engagement et de la passion dans ce qu’il fait. Il transmet ainsi sa passion aux autres et les pousse à donner le meilleur d’eux-mêmes.

5- La communication efficace

Selon Thierry Tanoh, le leader est un grand communiquant. Il doit arriver à clairement communiquer sa vision à ses collaborateurs. Car, il serait extrêmement difficile aux personnes de suivre s’ils ne comprennent pas le but poursuivi. Aussi, aujourd’hui, le leader doit tirer avantages des TICs et des médias sociaux.

6- La prise de décision

Un leader, c’est une personne qui sait prendre des décisions. Suivant l’expérience de l’orateur, « il y a les bonnes décisions et les mauvaises décisions. Mais, il n’y a rien de pire que pas de décision ». Un leader, c’est quelqu’un qui arrivera toujours à prendre une décision en ne tergiversant pas.

7- La responsabilité

Un bon leader, est une personne qui est comptable de ce qu’elle fait. Le leader assume donc la responsabilité de ses actes. En général, il accepte de prendre un peu plus de responsabilités quand les choses vont mal et un peu moins quand tout va bien. Ceci, pour ainsi faire la part belle à ses collaborateurs en temps favorable.

« Un bon leader, prend un peu plus que sa part de responsabilité, un peu moins que sa part de crédit », Arnold H. Glasow.

8- L’aptitude à déléguer

« On a souvent tendance à nous-même tout contrôler », affirme Thierry Tanoh. Arriver à déléguer, c’est donner une partie de ses responsabilités à d’autres personnes. C’est une chose qui se travaille et qui n’est pas instinctif. Il faut encourager les collaborateurs à prendre des responsabilités et les soutenir afin qu’ils les réussissent.

9- La créativité, l’innovation et la prise de risques

Comme une parfaite explication de ce point, l’ex pensionnaire d’Harvard cite l’égérie de Apple,  sans plus rien y ajouter.

«  L’innovation est ce qui distingue un meneur d’un suiveur ». Steve Jobs

10- L’empathie

Le leader doit montrer à son équipe une certaine proximité et une certaine compréhension quant à leurs préoccupations. Ainsi, il doit témoigner aux autres du respect et de la considération dans leur entité humaine.

Si vous réunissez tous ces dix (10) ingrédients, pour Thierry Tanoh, vous avez toutes les qualités pour être un grand leader.

Cependant, en guise de conclusion, ajoute-t-il, le bon leader est nécessairement placé à une position de leadership. A cette position, il produit des résultats car il sait installer les bonnes personnes aux bonnes places. Ainsi, le bon leader continuera aussi d’inspirer admiration et respect.


La calebasse du boss ou l’obésité abdominale masculine : signe d’aisance ou alerte de santé ?

Bien souvent, l’embonpoint masculin fait apparaître une bien curieuse forme à l’abdomen. En Côte d’Ivoire, on l’appelle « la calebasse du boss ». Mais contrairement aux idées reçues dans le pays, avoir la calebasse ou être obèse n’est pas toujours d’un bon présage.

Le boss et la calebasse

En Côte d’Ivoire, l’emploi du terme « boss » est monnaie courante. Du débrouillard des villages ou des villes au haut cadre de l’administration, tous aiment à adopter ce terme. La raison est simple. Dans le pays, on lui accorde une compréhension bien particulière.

Dans le milieu professionnel, bien entendu, le terme « boss(e) » désigne le/la chef(fe) ou le/la supérieur(e) hiérarchique. Cependant, dans le langage usuel ivoirien, on appelle « boss », l’individu mâle supposé appartenir à la classe moyenne émergente.

En clair, quand on t’appelle « boss » en Côte d’Ivoire, c’est que tu sembles avoir dépassé le stade de l’extrême galère. Tu sembles satisfaire tes besoins primaires. Tu t’habilles mieux, tu te loge mieux et tu manges mieux. En fait, cela signifie que tu travailles, tu gagnes de l’argent et que tu peux résoudre bien des problèmes de la grande famille et de tes amis.

Et pour le citoyen lambda, le signe apparent et évident du changement de statut social, ce sont les rondeurs qu’affiche le boss. Il a les joues bien arrondies et luisantes au soleil. Surtout, à la place du ventre, comme avec fierté, le boss arbore une belle et grosse calebasse qu’il apprécie caresser.

La calebasse, en Afrique de l’Ouest, c’est un fruit épais vidé et séché qui sert de récipient ou même d’instrument de musique. Elle a la forme concave ou ovale. La calebasse permet de caricaturer le ventre bedonnant du boss.

Une calebasse à problèmes…

Parce qu’un individu affiche des joues et un ventre joyeux, on le range dans la classe sociale des gens aisés. Et ainsi, autour de cette personne, la société construit un château de sable.

Pourvu qu’il porte des vêtements propres et soignés, on accordera au boss respect et considération. Ceci, pour le transformer en une vache à lait. Presque à chaque fois qu’il sera appelé « boss », il devra sortir les feuilles de banque pour maintenir le statut social (réel ou apparent) qu’on lui prête. Alors qu’en clair, « la calebasse du boss » peut être le signe évident d’un malaise de santé chez l’homme : l’obésité.

L’obésité, on le sait tous, est la prise d’un surplus de poids dû à une surabondance de graisses corporelles. Alors que chez les femmes, la graisse est de répartition gynoïde (hanches, cuisses essentiellement), chez l’homme l’embonpoint se manifeste autrement. La prise de graisse s’accumule le plus souvent au niveau de l’abdomen. Ainsi, apparaît et se développe la calebasse du boss. Et, avec la prolifération des fast-foods, en Côte d’Ivoire comme ailleurs, il est a craindre une augmentation exponentielle d’obèses.

Aux dires des spécialistes de la santé, un ventre bedonnant augmenterait le risque de maladies cardio-vasculaires et de diabète de type 2. Car pour eux, la répartition des kilos définit le risque cardiovasculaire. Une obésité abdominale multiplierait par deux le risque d’avoir une maladie cardiaque dans les dix ans. Selon de nombreuses études, l’élévation du tour de taille augmente le risque d’infarctus du myocarde.

En fin de compte, la fameuse calebasse du boss n’est pas tant que ça le signe d’une aisance sociale. Elle témoigne généralement de mauvaises habitudes alimentaires et d’une hygiène de vie négligée. Des moyens de lutte contre l’obésité abdominale existent. Il suffit juste de les connaître et de se les approprier.

Brisons la calebasse !

Casser la fameuse calebasse du boss n’est pas une mince affaire. Car perdre a toujours quelque chose de particulièrement difficile. Mais avant d’en arriver à sueur et sang, lutter contre l’obésité abdominale doit provenir d’un déclic psychologique. Dans le contexte ivoirien, il faut d’abord se rendre compte qu’un ventre bedonnant n’est pas le symbole d’une bénédiction matérielle. Ensuite, il faut savoir que l’enjeu n’est pas réellement esthétique. C’est une question de santé.

Cela étant acquis, suivant les conseils des spécialistes de la santé, il faut pratiquer une activité physique régulière. À cela, il faut bien se nourrir, sans trop se nourrir. C’est-à-dire avoir une alimentation adaptée, ajouter à ses deux repas des fruits et des légumes. Tout ceci observé sans excès, car on le sait maintenant fort bien que tout excès nuit.

Ces conseils suivis, vous pourrez dire : au revoir la calebasse du boss et bienvenues les tablettes de chocolat !

Bonus pour vous, de courtes vidéos super instructives…

Pourquoi y’a-t-il de plus en plus de gens obèses dans le monde ? 

Comment lutter et prévenir l’obésité ?


Médias sociaux, bons ou mauvais pour la démocratie?

Depuis le printemps arabe et les révolutions populaires au Sénégal et au Burkina Faso, les médias sociaux sont apparus comme des outils de pouvoir. A eux seuls, ils peuvent chambouler la vie sociale et politique d’un Etat. En Côte d’Ivoire, à l’occasion d’une expérience professionnelle au sein de la Friedrich-Ebert-Stiftung, je me suis posé une question sur le sujet. Celle de savoir quelles sont les influences des médias sociaux sur la démocratie.

De mon modeste travail de recherche, j’en ai tiré des réponses aussi bien positives que négatives. Je pense que les conclusions et les recommandations de ce travail peuvent être utiles au-delà de la Côte d’Ivoire.

Pour rappel, dans le pays, le taux officiel de pénétration de l’internet s’élève à 21,96%. Taux à contrebalancer quand l’on sait que le nombre d’abonnés à la téléphonie mobile est de 27 451 250 abonnés. Soit un taux de 115,26% pour 17 083 416 utilisateurs de l’internet mobile. Et selon l’Autorité de régulation des télécommunications de Côte d’Ivoire, « l’activité régulière des internautes ivoiriens est la consultation des réseaux sociaux à 81%. ».[1]

Influences positives des médias sociaux sur la démocratie

Depuis leur apparition, les médias sociaux ont eu des effets bénéfiques sur l’expression de la démocratie en général. En Côte d’Ivoire, cet impact positif sur le jeu démocratique est à observer à plusieurs niveaux.

  • La facilité d’accès du citoyen à l’information

Ce n’est plus un secret. Les médias sociaux sont devenus une source privilégiée d’information pour les internautes. Et, l’on peut aisément observer que Facebook, Twitter et YouTube sont le trio de tête de la nouvelle information sur l’actualité au détriment des médias traditionnels. Car ceux-ci offrent une solution nouvelle pour toucher le citoyen.

Ainsi, par le moyen du smartphone, les médias sociaux se montrent plus performants que les médias traditionnels pour amener les utilisateurs vers des contenus d’information. En plus, l’accès à l’information est simple et gratuit. Sans attendre, les utilisateurs peuvent avoir accès aux contenus 24H/24.[2]

  • La démocratisation de la parole et la participation au débat public

Les médias sociaux ont libéré la parole. Ils ont permis au citoyen, quelle que soit sa position géographique ou son rang social de participer au débat public, de partager son opinion, d’exprimer ses idées au-delà des clivages partisans et ainsi aider au jeu démocratique dans son pays. Dans tous les domaines de la vie de la Nation, le citoyen a la possibilité de faire entendre sa voix et qu’elle soit prise en compte. Il peut ainsi se prononcer sur les conditions de vie sociale, la gouvernance locale, l’alternance démocratique, etc.

  • Le rôle d’éveil des consciences et de mobilisation sociale

Les médias sociaux de par leur utilisation de plus en plus répandue et de leur dimension planétaire, participent à l’éveil de la conscience démocratique. Les groupes marginalisés ou opprimés peuvent par le biais de ce canal comparer leur situation socio-politique avec celle d’autres peuples et réagir en conséquence. Le printemps arabe et la révolution burkinabé sont des exemples qui viennent à propos. En Côte d’Ivoire, la bastonnade du journaliste-blogueur Daouda Coulibaly a suscité la colère des internautes ivoiriens. Ceux-ci qui n’ont pas hésité en masse à rappeler au gouvernement que la liberté de la presse est l’un des principes fondamentaux des systèmes dits démocratiques.

  • L’interaction avec les politiques

Les médias sociaux offrent aux acteurs et aux institutions politiques, ainsi qu’à la population, des possibilités d’interaction novatrice. Grâce aux médias sociaux, la communication n’est plus uniquement verticale. C’est-à-dire de l’institution ou du politique au citoyen. Désormais, la communication est horizontale. Elle permet donc au citoyen de réagir directement à l’information ou au point de vue du politique. Ainsi, pour les politiciens, c’est un moyen privilégié de diffusion de leurs messages politiques. Mais aussi, de découvrir les domaines d’intérêt, les besoins des populations et de constituer des réseaux de soutien.

  • Une réponse à la crise de la représentation

En Côte d’Ivoire, il faut l’avouer, la politisation des débats même sociaux économiques, a conduit les populations à se rebeller contre les autorités publiques en qui ils ont perdu confiance. Désormais, les populations ou les personnes cherchent de plus en plus à se faire entendre par elles-mêmes. Elles outrepassent ainsi les élus et autres autorités administratives pour se faire entendre. Les médias sociaux servent désormais de canal pour remonter directement leurs préoccupations aux hauts gouvernants. Des maternités ont été rénovées, des couveuses pour bébé prématuré ont été obtenues, des travaux de réparation et d’assainissement ont été effectués grâce à l’action interpellatrice directe des populations via les médias sociaux.

A noter tous ces aspects positifs, il ne faut surtout pas penser que les médias sociaux sont la panacée à tout. Et bien au contraire, ils peuvent être eux-même sources de problèmes quand ils sont mal utilisés.

Influences négatives des médias sociaux sur la démocratie

Avec la crise post-électorale ivoirienne de 2010-2011, l’on a observé que les médias sociaux pouvaient servir de bien lugubres desseins. Desseins ayant pour finalité la mise à mal du système démocratique du pays. Divers indicateurs révèlent cette influence négative.

  • Les fausses informations

Le phénomène des « fake news » ou « fausses informations » n’est pas nouveau. Sous la forme de folles rumeurs ou d’informations montées de toute pièce, il a toujours existé dans l’horizon socio-politique ivoirien. Avec les médias sociaux, le phénomène s’est simplement aggravé par la diffusion virale et large qu’elle offre. De plus en plus, la lutte contre les fausses nouvelles s’organise. Car, c’est aujourd’hui un enjeu crucial pour la démocratie.

Les fausses informations peuvent ainsi influer sur l’issue d’une élection par exemple. Le cas de l’implication supposée de la Russie dans l’élection américaine est parlant. Selon Facebook, près de 80 000 messages politiques créés par des acteurs russes ont été vus par quelque 126 millions d’Américains à l’occasion de la campagne électorale de 2016.

  • Le buzz et la viralité de l’information

Sur les médias sociaux, un phénomène nouveau a cours en ce moment. Il s’agit du buzz, c’est-à-dire la course au partage d’une information inédite. Cette technique a le bénéfice de toucher en un laps de temps un nombre important de personnes et susciter une réaction. Mais cette technique à un revers désastreux. Il permet le relais d’informations erronées ou manipulatrices non-vérifiées. Celles-ci peuvent avoir des conséquences irrémédiables.

Twitter puis Facebook sont les champions en la matière. Grâce aux hashtags, retweets et partages, l’information non-vérifiée se répand comme une traînée de poudre. Surtout, qu’à l’ère des médias sociaux, on lit très peu. Les titres et les textes descriptifs sont retenus comme l’information elle-même. En témoigne la chute des ventes des journaux en Côte d’Ivoire[3]. Tout ceci n’est pas sans conséquence sur la vérification des faits et la responsabilité qui caractérise le journalisme de qualité.

  • La manipulation politique et les débats stériles

Sur les médias sociaux en Côte d’Ivoire, il n’est pas rare de voir une information vraie détournée pour servir une cause politique malsaine. De banals faits divers sont commentés pour servir des intérêts politiques au détriment de la paix et de la cohésion sociale. L’irrévérence vis-à-vis des personnalités de l’Etat, les injures gratuites et les attaques personnelles polluent les débats. Elles sont rares les plateformes offrant des débats d’opinions construits et utiles pour la démocratie.

Bien souvent, aidé par les algorithmes des réseaux sociaux, l’internaute demeure dans une sorte de bulle de confort (filter bubble)[4]. Il ne reçoit que les informations proches de ses propres convictions. Ainsi, il ne participe pas vraiment à un débat d’opinion contradictoire. Car, rien ou presque ne le met en face d’un contradicteur, surtout si ce dernier ne veut pas débattre. Or, en démocratie, la discussion libre et le respect de l’opinion de l’autre (même si on ne la partage pas) est fondamental.

  • Les discours haineux, ethnicisés et xénophobes

Presque des conséquences absolues du débat stérile, les discours haineux, ethnicisés et xénophobes sont observables sur la toile ivoirienne. Ils sont de toute évidence liés à un manque criard d’arguments pour défendre les positions. Et, l’anonymat au travers notamment des faux profils encouragent la pauvreté des discussions en ligne. Pire, il favorise une parole plus violente ou davantage d’écarts de conduite sur le web.[5]

On a pu le voir dans la crise post-électorale ivoirienne. Les réseaux sociaux ont servi à exacerber les tensions. Avant, les gens n’avaient pas le courage de dire leur haine en public contre tel groupe ethnique ou tel autre groupe de non-nationaux. Mais avec l’usage des réseaux sociaux, les gens se sont tout permis sans plus se fixer de limites. Ils ont bénéficié d’une large audience de diffusion de leurs messages abjects. Dans une certaine mesure, l’on pourrait dire que les médias sociaux ont joué le rôle de la tristement célèbre « Radio mille collines » au Rwanda. Le résultat, on le connaît fort bien. Plus de 3 000 morts officiellement dénombrés.

  • L’incitation au fanatisme religieux, au crime et à la révolte

Avec l’émergence de l’idéologie religieuse totalitaire en Afrique, de nouvelles menaces à la démocratie ont fait leur apparition sur les médias sociaux. Ces derniers sont utilisés pour promouvoir des idées extrémistes contraires aux valeurs et principes de la démocratie, notamment la liberté de religion. Aussi, des appels au crime et à la révolte pour des convictions politiques ou personnelles sont relayés via les réseaux sociaux. Le cas de l’interpellation par la police criminelle ivoirienne d’un internaute ivoirien appelant « au meurtre des enfants de gendarme » est évocateur.

Les arguments sus évoqués témoignent bien des différentes influences que peuvent avoir l’utilisation des médias sociaux sur la démocratie en Côte d’Ivoire. Elles sont tantôt positives, tantôt négatives.

Quelques recommandations pour améliorer l’usage des médias sociaux

Dans l’intérêt de la société, il convient de faire des recommandations pour profiter des aspects positifs mais aussi juguler les effets négatifs que peuvent avoir les médias sociaux. Je me permets donc de partager mes quelques recommandations.

Aux gouvernants
  1. Veiller à la prise de mesures législatives spéciales liées aux médias sociaux et veiller à leur application effective ;
  2. Renforcer la communication institutionnelle sur les médias sociaux en accordant davantage d’attention aux préoccupations des administrés ;
  3. Impliquer les acteurs clés des médias sociaux dans les activités de communication ;
  4. Prévoir un régime de promotion transitoire de la presse en ligne ;
  5. Eviter la censure gratuite des opinions et la traque des cyber-activistes ;
  6. Eviter de céder à la facilité intellectuelle en taxant l’utilisation d’internet et les médias sociaux ;
  7. Insérer dans les programmes académiques des modules sur l’éducation aux nouveaux médias et à l’information.
Aux organisations de la société civile
  1. Davantage renforcer leur présence sur les médias sociaux ;
  2. Faire l’observation régulière des médias sociaux et rédiger des rapports en ce sens ;
  3. Contribuer à la sensibilisation et à l’information pour une utilisation positive des médias sociaux.
Aux acteurs des médias traditionnels et des nouveaux médias
  1. S’adapter au changement en renforçant la présence des médias traditionnels sur les médias sociaux ;
  2. Résister à la tentation du buzz sans vérification préalable des informations à diffuser ;
  3. Faire preuve d’éthique et de responsabilité lors de la diffusion de contenus ;
  4. Assurer une réelle modération et l’administration des pages et forums en supprimant les commentaires contraires aux principes démocratiques ;
  5. Donner au cyber citoyen les moyens de vérifier les informations reçues ;
  6. Rédiger un manuel d’éthique et de responsabilité du communicateur des nouveaux médias.
Aux internautes
  1. S’auto-réguler en évitant les pratiques contraires à la démocratie ;
  2. S’exprimer librement en respectant les droits des autres ;
  3. Participer utilement aux débats en avançant des arguments construits ;
  4. Signaler les contenus qui paraissent contraires aux principes et valeurs de la démocratie ;
  5. Vérifier les informations reçues avant de les diffuser ou d’en faire l’écho et bien qu’utiles, évitons d’être accros aux médias sociaux.

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Références : 

Pour plus d’infos, retrouvez l’intégralité de notre étude (pages 20 à 29) en cliquant ICI.

[1] Les chiffres clés de l’Internet en Côte d’Ivoire : 22% de la population connectée en 2016, novembre 2016 https://urlz.fr/6R4D

[2] Les réseaux sociaux : un accès à l’information, Offre Digitale, février 2018 https://urlz.fr/6R45

[3] Médias : la vente des journaux a chuté de 17 % en 2017 en Côte d’Ivoire (CNP), Abidjan.net, avril 2018 https://urlz.fr/6T8E

[4] Bulles de filtre et démocratie, Christelle CURCIO, janvier 2017

[5] https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Numerique/Application-Sarahah-dangers-messages-anonymes-2017-08-24-1200871555


Côte d’Ivoire : qui veut être élu(e) ménage sa communication

En Côte d’Ivoire, la campagne électorale pour les élections régionales et municipales est lancée depuis le 28 septembre 2018. Overte pour 14 jours, elle ne laisse presque personne indifférent tant les dieux de la communication se sont invités dans l’arène politique. Promesses mirobolantes, affiches et vidéos séduisantes, bains de foule abracadabrantesques, etc. Autant de faits et d’astuces pour recueillir le suffrage des reines et des rois d’un seul jour : les électeurs.

Ce n’est absolument pas insolite de constater des duels entre des candidats en campagne. Cela s’inscrit dans l’ordre naturel des choses en politique. Ainsi, les élections locales en Côte d’Ivoire ne dérogent pas à cette règle.

Les duels de communication entre candidats

Et comme pour bien faire les choses, certains candidats ou du moins certaines zones électorales en Côte d’Ivoire se sont démarquées plus que d’autres. Les élections pour deux zones stratégiques de la ville d’Abidjan, la capitale économique, déchaînent toutes les passions. Tout d’abord celle de la commune du Plateau et ensuite celle de la commune d’Abobo.

  • L’élection du maire de la commune du Plateau

Pour ceux qui ne le savent pas, la commune du plateau à Abidjan est le centre des affaires. Elle abrite la plupart des institutions nationales, les sièges des banques, des grandes entreprises, mais aussi les sièges de plusieurs institutions internationales. Cette commune est donc d’une grande importance stratégique et économique. Et, pour les élections dans cette zone, deux candidats titanesques s’affrontent.

Le premier est Fabrice Sawegnon, patron du groupe Voodoo communication. Il entend envoûter les électeurs avec ses talents de communicateur. Talents qui lui ont valu son surnom de « faiseurs de rois ». En effet, il a assuré la communication de la campagne présidentielle de personnalités comme Ali Bongo, Patrice Talon, Alassane Ouattara et j’en passe. Son slogan de campagne #AgirAvecLeCoeur est évocateur. Il promet l’assurance-maladie à chaque habitant, des emplois à chaque jeune et de hisser le Plateau au rang de labels comme Paris ou New-York. Pour parvenir à ses fins, il n’hésite pas à sortir le grand jeu. Dans la commune, ses affiches démesurément grandes font de très loin écran à celles de son challenger. Sur internet, il n’hésite pas à se mettre en scène pour séduire.

Fabrice Sawegnon, #AgirAvecLeCoeur

Le second, Jacques Ehouo, est présenté comme le candidat de l’espoir face à celui qualifié de « candidat du pouvoir ». En effet, Jacques Ehouo, jeune député, a été propulsé par son parti dans la campagne après la destitution de l’ancien maire. Ce dernier, juste quelques semaines avant le début de la campagne électorale, a été poursuivi pour une affaire de détournement de fonds. En contre-attaque à la politique de son adversaire, Jacques Ehouo rétorque que les actions qui viennent véritablement du cœur ne font pas trop de bruits. Son slogan et son hashtag sont ainsi trouvés #SansBruit. Dans des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, des habitants de la commune témoignent des actions de leur champion.

Jacques Ehouo, #SansBruit
  • L’élection du maire de lacommune d’Abobo

Abobo est de loin la commune la plus atypique d’Abidjan voire de Côte d’Ivoire. Deuxième commune la plus peuplée après Yopougon, Abobo est qualifiée de commune des « bramôgôs », des « grouilleurs ». Bref, des personnes qui luttent chaque jour pour exister et s’en sortir dans la vie. Dans cette commune, la campagne électorale doit nécessairement se faire autrement. A cet exercice, deux poids lourds se font face. Derrière chaque candidat, c’est une formation politique en scission qui mesure ses forces.

Le premier candidat à présenter n’est nul autre que le ministre de la Défense, Hamed Bakayoko ou « Hambak » de son surnom. Militant convaincu et officiellement soutenu par le parti au pouvoir, Hambak n’a pas attendu le début de la campagne pour faire parler le lui. En fin stratège, il s’est lancé quelques semaines avant dans la cause dite humanitaire et sociale. Il a commencé par offrir des véhicules aux communautés, des centaines de machines à coudre, des denrées alimentaires, etc. Plusieurs personnes ont également reçu des sommes d’argent pour, dit-on, financer leurs projets. Lui aussi ne reste pas en marge du monde de la communication. Ses affiches, ses vidéos et autres supports démontrent son envie de gagner.

Une vidéo de campagne du candidat Hamed Bakayoko.

Le second candidat, plus modeste dans sa prestance, est un inconnu aux yeux du grand public. Mais à Abobo, il semble être une pop star. On l’appelle Koné Tehfour. Il est qualifié de Soroïste, référence faite à son soutien indéfectible à son mentor Soro Kibafori Guillaume, président de l’Assemblée nationale, ex chef de la rébellion armée et probable candidat aux élections présidentielles de 2020. A entendre ses partisans, Koné Tehfour est leur sauveur. Car semble-t-il, il n’a pas attendu qu’il y ait des élections pour s’intéresser aux populations dites pauvres. Son slogan tiré du langage de rue pratiqué à Abobo et devenu viral traduit justement cette dernière idée : #OnTchounPasAbobo.

Koné Tehfour, #OnTchounPasAbobo.

Elections, ce n’est pas palabre !

Comme dit le proverbe africain, « Même si tu n’aimes pas le lièvre, reconnais au moins qu’il court vite. » Ces jeux de duels de communication entre candidats ont le don de booster la participation des populations à l’action publique. Cela est à saluer.

Cependant, il convient d’alerter sur les fortes passions que déchaînent ces stratégies de communication. On le sait trop bien en Côte d’Ivoire, les passions restent difficiles et peuvent parfois conduire à des actes regrettables si elles ne sont pas vite maîtrisées.

Ainsi, à l’approche du 13 octobre 2018, journée de scrutin, il faut insister sur le fait que les élections ne doivent pas être des sources de violences. C’est pourquoi, les candidats doivent s’abstenir de propos et d’actes de violence comme on a déjà pu le constater.

le duel de communication

Il y a donc lieu d’en appeler à la conscience et à la responsabilité des candidats. Car ils ont la charge d’éduquer leurs partisans à accepter les résultats des urnes. Et à tout le moins, de recourir aux moyens légaux pour se faire entendre en cas de suspicion de fraude.

Car il faut le rappeler, la Commission électorale (CEI) actuelle a été déclarée illégitime et illégale par une décision de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Sa réforme avait même été présentée comme une condition sine qua non de participation de la plateforme des partis de l’opposition.

Ceci dit, tout de même, nous souhaitons un franc succès à tous les candidats ! Que le meilleur gagne, démocratiquement !


Un concours Génies en Herbe pour promouvoir la lutter contre l’impunité

Le vendredi 20 juillet 2018, a eu lieu à Abidjan la finale du concours génies en herbe sur la justice internationale et les Droits de l’Homme dénommé Open Rights. Il s’agit d’un projet du Centre d’Education pour une Société Durable (Centre ESD) soutenu par la fondation Open Society Initiative for West Africa (OSIWA) et son partenaire la Représentation de la Cour Pénale Internationale (CPI) à Abidjan. L’objectif affiché du projet était de développer chez les étudiants la culture du Droit pour une promotion durable de la lutte contre l’impunité.

Le concours Génies en Herbe pour sensibiliser les jeunes

Au cours du siècle dernier, ont été commis des crimes qui comptent parmi les pires atrocités de toute l’histoire de l’humanité. La majeure partie de ces crimes est malheureusement restée impunie. Pour prévenir et réprimer de tels actes à l’avenir, plusieurs Etats du monde se sont réunis et ont décidé de la mise sur pied d’une Cour pénale internationale permanente et indépendante. Sa vocation, juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crime de guerre.

Pour mieux faire connaître cette dernière institution, ses missions et les raisons objectives de sa présence en Côte d’Ivoire aux jeunes étudiants, le Centre ESD et ses partenaires ont tenu à organiser le concours dénommé Génies en Herbe. Il s’agit en fait d’un jeu de questions-réponses sur les thématiques liées au Droit International Humanitaire, aux Droits de l’Homme et à la Cour Pénale Internationale. Une journée de formation sur ces thématiques a été préalablement organisée en vue de renforcer les capacités des équipes participantes.

14 équipes composées chacune de trois personnes dont 2 équipes venues de la ville de Daloa (une ville de l’intérieur du pays) se sont affrontées pour les places en finale. Par une succession de phases éliminatoires, deux équipes se sont magistralement démarquées du lot. Il s’agit de l’équipe « Assemblée des Etats parties » et de l’équipe « ESK », toutes deux venues de la ville des antilopes – Daloa.

Plus qu’un trophée, gagner le prix de la réconciliation nationale

Organisée le jour de la commémoration des 20 ans du Statut de Rome, la finale du concours a vu la présence de M. Nouhoun Sangaré, Représentant/chef de bureaux de la Cour Pénale Internationale en Côte d’Ivoire et au Mali. Cette activité a été pour lui l’occasion de féliciter le Centre ESD pour l’initiative prise et souhaiter un partenariat durable pour toucher un grand nombre de jeunes dans le milieu universitaire.

A l’issue d’un match âprement disputé, l’équipe dénommée « Assemblée des Etats parties » s’est vue couronnée du sacre de champion du concours pour l’édition 2018. Elle a eu droit à un trophée, trois ordinateurs portables, des livres, des t-shirt et 3 mois de stage au Centre ESD.

Mais bien plus que des récompenses, comme l’a rappelé au terme du concours et en guise de conclusion M. Arsène Konan, Directeur Exécutif du Centre ESD, « le concours génies en herbe dénommé Open Rights est aussi une occasion d’aborder les questions de justice internationale afin de décrisper l’atmosphère autour des procès qui se tiennent à la Haye et contribuer à la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire ».

Pour rappel, l’ex Président Ivoirien Laurent Gbagbo et son Ministre de la Jeunesse Charles Blé Goudé comparaissent à la CPI. Ils sont accusés de quatre chefs de crimes contre l’humanité perpétrés dans le contexte des violences post-électorales de 2010-2011 en Côte d’Ivoire.

Le résumé des activités du projet en Image. Félicitations à tous les participant(e)s !


Côte d’Ivoire au Mondial 2006 : jouer collectif dans un pays divisé ou comment le football unit

En Côte d’Ivoire, qui ne se souvient pas de la mémorable qualification des Éléphants au mondial 2006 ? Pour la première fois de son histoire, la bande à Didier Drogba obtenait son ticket pour la coupe du monde de football ! Retour sur cet événement qui restera dans l’Histoire ivoirienne non seulement sur le plan sportif mais aussi politique.

Ce billet a initialement été publié sur lepetitkettinois.mondoblog.org.

4 septembre 2005 : avant-dernière journée des éliminatoires, la Côte d’Ivoire accueille à Abidjan le Cameroun en match retour. Si l’équipe ivoirienne remporte le match, elle est qualifiée d’office pour la coupe du monde en Allemagne. Tous les pronostics sont en sa faveur. Malgré cela, quelques illuminés appellent à la méfiance vis-à-vis de l’équipe Camerounaise, expérimentée et non sans talents.

Dans le pays tout entier, c’est la fête avant l’heure. Du nord au sud, malgré la rébellion armée qui divise le pays, on s’unit autour du drapeau ivoirien. À la télévision nationale, Didier Drogba et ses compagnons promettent de ‘’mouiller le maillot’’. Samuel Eto’o, leur affectueux beau-frère, garantit que les Ivoiriens dormiront à 17 heures, allusion faite à une victoire Camerounaise.

15 heures, le coup d’envoi du match est donné. Galvanisée par un stade Félix Houphouët-Boigny archi-comble, l’équipe ivoirienne se sent pousser des ailes et se met à découvert. Les Lions indomptables du Cameroun, maîtrisant assez bien la pression de ce genre de rencontre, en profitent pour ouvrir le score. Dès lors, les Eléphants de la Côte d’Ivoire ne cesseront plus de tenter de rattraper leur retard.

Malgré un Didier Drogba survolté par la présence de José Mourinho (son entraîneur à Chelsea) dans les tribunes, ses deux épileptiques buts seront insuffisants. Le match s’achèvera sur le score de 3 à 2 pour les visiteurs. Et le pays s’endormira bien trop tôt ce jour-là.

Mais tout n’était pas encore perdu. Pour acter la qualification de l’équipe ivoirienne au Mondial, il fallait qu’une difficile probabilité se réalise. A la dernière journée des éliminatoires, le Cameroun fait face à L’Egypte et doit être tenu en échec sur sa pelouse. La Côte d’Ivoire, elle, doit remporter à l’extérieur sa confrontation.

Et bien, aussi improbable que cela puisse paraître, c’est ce qui arriva trait pour trait. Le Cameroun a été tenu en échec par les Pharaons et ne verra jamais l’Allemagne (pays organisateur en 2006). La Côte d’Ivoire toute entière est aux anges. Elle se permettra même de rêver à la paix.

Le sport, un vecteur de la paix

Du sport à la paix, il n’y a qu’un pas. Devant la liesse générale en Côte d’Ivoire, l’équipe ivoirienne a fait une chose inattendue : dans une vidéo, les joueurs se sont tous mis à genoux et ont appelé à la réconciliation et à la paix en Côte d’Ivoire.


Le jour où la Côte d’Ivoire s’est qualifiée pour le Mondial 2006, Téléfoot

 

A cette époque-là, les tensions politiques étaient encore très vives. Une année plus tôt, une tentative de reconquête du territoire national par l’armée régulière avait échouée. Le pays restait donc coupé en deux : le sud tenu par les Forces armées nationales de la Côte d’Ivoire (FANCI) et le nord tenu par les Forces armées des Forces nouvelles (FAFN)

Novembre 2004 marque un changement net de ton dans le conflit ivoirien. La mission des soldats français consistait à faire respecter le cessez-le-feu en application des accords de paix. Mais le 4 novembre, les bombardiers Sukhoï de l’armée ivoirienne (Fanci) bombardent les positions françaises de l’opération Licorne à Bouaké. Quelques heures plus tard les autorités ivoiriennes expriment leurs regrets en affirmant que les bombardements ont atteint par erreur les cibles françaises. Quelques heures plus tard, les deux avions bombardiers Sukhoï 25 revenus au sol à l’aéroport de Yamoussoukro après leurs attaques, sont immédiatement détruits par les forces françaises.


Bombardement de Bouaké. Vidéo de « Jeune Afrique » sur Dailymotion

Dans la ville d’Abidjan la tension monte. Le 9 novembre, l’armée française, force impartiale en Côte d’Ivoire, s’était sentie contrainte à intervenir en plaidant la « légitime défense élargie » dans le cadre de la protection et de l’évacuation des ressortissants français de Côte d’Ivoire. A Abidjan, encerclée par des milliers d’Ivoiriens en colère, les soldats français ouvrent le feu sur la foule. Plusieurs dizaines de morts et de blessés seront enregistrés. Dès lors, une ambiance de quasi-guerre règne dans tout le pays, les tensions sont extrêmes.

Dans cette atmosphère délétère, le football a réussi l’exploit de redonner de l’espoir à tout le pays, au sud comme au nord, dépassant tous les conflits. Autour du ballon rond, les Ivoiriens oubliaient la réalité quotidienne et commentaient chaleureusement chaque sortie des Eléphants. L’Ivoirien du Nord et celui du Sud regardait ensemble la télévision. Le Français et l’Ivoirien se chahutaient de nouveau à l’issue d’un match amical France – Côte d’Ivoire.

Tous ces événements attestent que le sport est fédérateur, c’est un moyen extraordinaire de promotion de la paix. Il abaisse tensions et conflits et lève les barrières géographiques et sociales. C’est un puissant outil de partage des idéaux de fraternité, de solidarité, de non-violence, de tolérance et de justice. En témoigne la récente détente politique entre la Corée du Sud et la Corée du Nord lors des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang.

Ainsi, pour le Mondial de football qui s’ouvre le 14 juin 2018 en Russie, je souhaite une chose en particulier : que cette fête du football mondial apporte les prémices de la réconciliation et de la paix dans les pays divisés. Particulièrement au Sénégal, au Nigéria et dans tous les pays qualifiés qui vivent une situation similaire à celle qu’a connue la Côte d’Ivoire.

Football, unité et réconciliation !


Au football, trop d’enjeux tuent le jeu

Dans les dictatures, l’enjeu fait le jeu. Car le sport est détourné pour servir comme un outil de propagande. Une simple compétition sportive telle que la coupe du monde de football 2018 en Russie peut devenir une véritable affaire d’Etat. Le retour à la maison sans l’ombre du prestigieux trophée peut être interprété comme une grande trahison. À grande trahison, terribles châtiments exemplaires. Quelle honte !

Cet article a été publié sur lepetitkettinois.mondoblog.org.

Le football, outil de propagande des dictatures

Dans les régimes autocratiques, tout est pris ‘’très très très’’ sérieusement. Il faut tout et bien faire, comme si sa propre vie en dépendait. Et ce n’est pas qu’une métaphore. Se faire éliminer à la phase de poules du mondial 2018 en Russie, par exemple, peut déclencher le courroux des dieux.

Les dieux, ce sont ces hommes d’Etat autoritaires dont la passion pour le sport n’a d’égal que leur folie narcissique, totalitaire et leur rêve d’hégémonie mondiale. Pour eux, l’occasion d’une compétition sportive nationale ou internationale a un intérêt politique démesurément grand. C’est une tribune pouvant servir la cause de diffusion de l’infecte philosophie de leurs régimes haineux vis-à-vis des droits humains. Voilà un exemple concret, lu sur Vice Sports :

« (…) La dictature [espagnole de l’ère Franco] s’est assurée d’estomper les valeurs propres au sport pour les substituer par celles du régime. L’éducation physique est ainsi devenue une méthode de propagande en plus, un moyen d’atteindre le fameux citoyen « parfait » de la philosophie fasciste classique – « l’homme fonctionnel » de Mussolini ou le « surhomme » hitlérien, avec toujours dans le tas la composante ethnique. Au moyen d’outils comme le Front de la Jeunesse, la Section Féminine et le Syndicat Espagnol Universitaire, le sport s’est plus orienté vers la préparation de potentiels membres de l’armée ou de la Phalange que vers la formation d’individus sains. »

Les joueurs punis, humiliés, torturés

Quand les enjeux sont hyper élevés, la désillusion est comme un coup de poignard de Judas. Alors, forcément, voir ces athlètes ou son équipe nationale de football rentrer prématurément et sans la récompense suprême fâche. Ainsi, comme souvent, quand un autocrate est mécontent, les conséquences se ressentent dans la chair du ou des concerné(e)s. En effet, les exemples foisonnent, même dans l’histoire récente.

    • Deux jours et deux nuits à la caserne : en Côte d’Ivoire, les joueurs de l’équipe nationale de football ont été mis au pas à la suite de l’élimination en phase de poules à la CAN 2000. Le général aura ces mots durs : « La prochaine fois, vous resterez pendant la durée de votre service militaire, c’est-à-dire dix-huit mois, et nous allons vous mettre en treillis. (…) A bon entendeur, salut !». A lire dans Libération
    • Goulags ou travaux forcés : en 2010, en Corée du Nord, l’élimination de l’équipe nationale de football au premier tour du mondial a fait des victimes. Convoqués au Palais du dirigeant de l’époque Kim Jong-Il, les joueurs auraient été humiliés. L’entraîneur, lui, aurait eu moins de chance. On le dit transféré dans un camp de travail forcé pour « trahison de la confiance de Kim Jong-Il », rapporte le Parisien.
    • Torture de sportifs : Dans les années 1990, Uday Hussein, le fils aîné de Saddam Hussein, est en charge de l’équipe nationale d’Irak de football. A chaque contre-performance, l’équipe et son staff sont emmenés en séjour à Al Radwaniyah, une prison tristement réputée. En effet, la torture de prisonniers y était pratiquée. Uday Hussein en personne aurait participé à certaines de ces séances. Plus d’infos dans The Guardian.

Au Burundi, le président Pierre Nkurunziza fait arrêter des immigrants congolais après un match de football. Reportage de RFI.

Le sport doit être au service d’un but positif

Cette année, la plus haute compétition du football mondial se tient en Russie. Sur cette terre, plusieurs sportifs ont aussi ‘’bavé’’. En effet, dans les années soviétiques, les frères Starostine, footballeurs du Spartak Moscou, ont été envoyés au Goulag.

L’affaire du dopage d’athlètes russes aux Jeux olympiques ne finit pas non plus de faire jaser et d’inquiéter. Certains spécialistes dénoncent un vaste système de dopage institutionnalisé tandis que d’autres y voient une similitude avec les pratiques fascistes.

Alors, vu la qualification au mondial d’équipes dirigées par des gouvernements autoritaires et les suspicions de retour aux périodes sombres du sport, il y a lieu d’interpeller. Que les dirigeants du monde sachent que le sport est avant tout à considérer comme un jeu. Il doit être tenu loin des guéguerres politiques, car les compétitions sportives sont une occasion de célébrer l’amitié et la fraternité entre les peuples. C’est un moyen de démontrer notre humanité. Tout au plus, le sport pourrait servir la cause d’un but politique positif : celui d’unir et de contribuer à la paix entre les Hommes.

Vive le sport, vive la fraternité, vive l’esprit fair-play !

« Dans la considération dont [les peuples] jouissent à l’étranger, les performances sportives entrent pour une proportion non-négligeable. » Léopold Senghor, 1961.

« Nous devons construire la nation… Je prendrai un soin jaloux à faire en sorte que tout parte du sport. » Joachim Bony, ministre ivoirien de la Jeunesse et des Sports, mars 1966.


Au football, trop d’enjeux tuent le jeu

Dans les dictatures, l’enjeu fait le jeu. Car le sport est détourné pour servir comme un outil de propagande. Une simple compétition sportive telle que la coupe du monde de football 2018 en Russie peut devenir une véritable affaire d’Etat. Le retour à la maison sans l’ombre du prestigieux trophée peut être interprété comme une grande trahison. À grande trahison, terribles châtiments exemplaires. Quelle honte !

Le football, outil de propagande des dictatures

Dans les régimes autocratiques, tout est pris ‘’très très très’’ sérieusement. Il faut tout et bien faire, comme si sa propre vie en dépendait. Et ce n’est pas qu’une métaphore. Se faire éliminer à la phase de poules du mondial 2018 en Russie, par exemple, peut déclencher le courroux des dieux.

Les dieux, ce sont ces hommes d’Etat autoritaires dont la passion pour le sport n’a d’égal que leur folie narcissique, totalitaire et leur rêve d’hégémonie mondiale. Pour eux, l’occasion d’une compétition sportive nationale ou internationale a un intérêt politique démesurément grand. C’est une tribune pouvant servir la cause de diffusion de l’infecte philosophie de leurs régimes haineux vis-à-vis des droits humains. Voilà un exemple concret, lu sur Vice Sports :

« (…) La dictature [espagnole de l’ère Franco] s’est assurée d’estomper les valeurs propres au sport pour les substituer par celles du régime. L’éducation physique est ainsi devenue une méthode de propagande en plus, un moyen d’atteindre le fameux citoyen « parfait » de la philosophie fasciste classique – « l’homme fonctionnel » de Mussolini ou le « surhomme » hitlérien, avec toujours dans le tas la composante ethnique. Au moyen d’outils comme le Front de la Jeunesse, la Section Féminine et le Syndicat Espagnol Universitaire, le sport s’est plus orienté vers la préparation de potentiels membres de l’armée ou de la Phalange que vers la formation d’individus sains. »

Les joueurs punis, humiliés, torturés

Quand les enjeux sont hyper élevés, la désillusion est comme un coup de poignard de Judas. Alors, forcément, voir ces athlètes ou son équipe nationale de football rentrer prématurément et sans la récompense suprême fâche. Ainsi, comme souvent, quand un autocrate est mécontent, les conséquences se ressentent dans la chair du ou des concerné(e)s. En effet, les exemples foisonnent, même dans l’histoire récente.

    • Deux jours et deux nuits à la caserne : en Côte d’Ivoire, les joueurs de l’équipe nationale de football ont été mis au pas à la suite de l’élimination en phase de poules à la CAN 2000. Le général aura ces mots durs : « La prochaine fois, vous resterez pendant la durée de votre service militaire, c’est-à-dire dix-huit mois, et nous allons vous mettre en treillis. (…) A bon entendeur, salut !». A lire dans Libération
    • Goulags ou travaux forcés : en 2010, en Corée du Nord, l’élimination de l’équipe nationale de football au premier tour du mondial a fait des victimes. Convoqués au Palais du dirigeant de l’époque Kim Jong-Il, les joueurs auraient été humiliés. L’entraîneur, lui, aurait eu moins de chance. On le dit transféré dans un camp de travail forcé pour « trahison de la confiance de Kim Jong-Il », rapporte le Parisien.
    • Torture de sportifs : Dans les années 1990, Uday Hussein, le fils aîné de Saddam Hussein, est en charge de l’équipe nationale d’Irak de football. A chaque contre-performance, l’équipe et son staff sont emmenés en séjour à Al Radwaniyah, une prison tristement réputée. En effet, la torture de prisonniers y était pratiquée. Uday Hussein en personne aurait participé à certaines de ces séances. Plus d’infos dans The Guardian.

Au Burundi, le président Pierre Nkurunziza fait arrêter des immigrants congolais après un match de football. Reportage de RFI.

Le sport doit être au service d’un but positif

Cette année, la plus haute compétition du football mondial se tient en Russie. Sur cette terre, plusieurs sportifs ont aussi ‘’bavé’’. En effet, dans les années soviétiques, les frères Starostine, footballeurs du Spartak Moscou, ont été envoyés au Goulag.

L’affaire du dopage d’athlètes russes aux Jeux olympiques ne finit pas non plus de faire jaser et d’inquiéter. Certains spécialistes dénoncent un vaste système de dopage institutionnalisé tandis que d’autres y voient une similitude avec les pratiques fascistes.

Alors, vu la qualification au mondial d’équipes dirigées par des gouvernements autoritaires et les suspicions de retour aux périodes sombres du sport, il y a lieu d’interpeller. Que les dirigeants du monde sachent que le sport est avant tout à considérer comme un jeu. Il doit être tenu loin des guéguerres politiques, car les compétitions sportives sont une occasion de célébrer l’amitié et la fraternité entre les peuples. C’est un moyen de démontrer notre humanité. Tout au plus, le sport pourrait servir la cause d’un but politique positif : celui d’unir et de contribuer à la paix entre les Hommes.

Vive le sport, vive la fraternité, vive l’esprit fair-play !

« Dans la considération dont [les peuples] jouissent à l’étranger, les performances sportives entrent pour une proportion non-négligeable. » Léopold Senghor, 1961.

« Nous devons construire la nation… Je prendrai un soin jaloux à faire en sorte que tout parte du sport. » Joachim Bony, ministre ivoirien de la Jeunesse et des Sports, mars 1966.


Côte d’Ivoire au Mondial 2006 : jouer collectif dans un pays divisé ou comment le football unit

En Côte d’Ivoire, qui ne se souvient pas de la mémorable qualification des Eléphants au mondial 2006 ? Pour la première fois de son histoire, la bande à Didier Drogba obtenait son ticket pour la coupe du monde de football ! La Côte d’Ivoire vivait alors une grave crise politique mais le sport est fédérateur et cette qualification a rassemblé le peuple ivoirien malgré les graves tensions entre le nord et le sud du pays. Retour sur cet événement qui restera dans l’Histoire ivoirienne non seulement sur le plan sportif mais aussi le plan politique.

Une qualification au mondial de football mémorable

4 septembre 2005 : avant-dernière journée des éliminatoires, la Côte d’Ivoire accueille à Abidjan le Cameroun en match retour. Si l’équipe ivoirienne remporte le match, elle est qualifiée d’office pour la coupe du monde en Allemagne. Tous les pronostics sont en sa faveur. Malgré cela, quelques illuminés appellent à la méfiance vis-à-vis de l’équipe Camerounaise, expérimentée et non sans talents.

Dans le pays tout entier, c’est la fête avant l’heure. Du nord au sud, malgré la rébellion armée qui divise le pays, on s’unit autour du drapeau ivoirien. À la télévision nationale, Didier Drogba et ses compagnons promettent de ‘’mouiller le maillot’’. Samuel Eto’o, leur affectueux beau-frère, garantit que les Ivoiriens dormiront à 17 heures, allusion faite à une victoire Camerounaise.

15 heures, le coup d’envoi du match est donné. Galvanisée par un stade Félix Houphouët-Boigny archi-comble, l’équipe ivoirienne se sent pousser des ailes et se met à découvert. Les Lions indomptables du Cameroun, maîtrisant assez bien la pression de ce genre de rencontre, en profitent pour ouvrir le score. Dès lors, les Eléphants de la Côte d’Ivoire ne cesseront plus de tenter de rattraper leur retard.

Malgré un Didier Drogba survolté par la présence de José Mourinho (son entraîneur à Chelsea) dans les tribunes, ses deux épileptiques buts seront insuffisants. Le match s’achèvera sur le score de 3 à 2 pour les visiteurs. Et le pays s’endormira bien trop tôt ce jour-là.

Mais tout n’était pas encore perdu. Pour acter la qualification de l’équipe ivoirienne au Mondial, il fallait qu’une difficile probabilité se réalise. A la dernière journée des éliminatoires, le Cameroun fait face à L’Egypte et doit être tenu en échec sur sa pelouse. La Côte d’Ivoire, elle, doit remporter à l’extérieur sa confrontation.

Et bien, aussi improbable que cela puisse paraître, c’est ce qui arriva trait pour trait. Le Cameroun a été tenu en échec par les Pharaons et ne verra jamais l’Allemagne (pays organisateur en 2006). La Côte d’Ivoire toute entière est aux anges. Elle se permettra même de rêver à la paix.

Le sport, un vecteur de la paix

Du sport à la paix, il n’y a qu’un pas. Devant la liesse générale en Côte d’Ivoire, l’équipe ivoirienne a fait une chose inattendue : dans une vidéo, les joueurs se sont tous mis à genoux et ont appelé à la réconciliation et à la paix en Côte d’Ivoire.


Le jour où la Côte d’Ivoire s’est qualifiée pour le Mondial 2006, Téléfoot

 

A cette époque-là, les tensions politiques étaient encore très vives. Une année plus tôt, une tentative de reconquête du territoire national par l’armée régulière avait échouée. Le pays restait donc coupé en deux : le sud tenu par les Forces armées nationales de la Côte d’Ivoire (FANCI) et le nord tenu par les Forces armées des Forces nouvelles (FAFN)

Novembre 2004 marque un changement net de ton dans le conflit ivoirien. La mission des soldats français consistait à faire respecter le cessez-le-feu en application des accords de paix. Mais le 4 novembre, les bombardiers Sukhoï de l’armée ivoirienne (Fanci) bombardent les positions françaises de l’opération Licorne à Bouaké. Quelques heures plus tard les autorités ivoiriennes expriment leurs regrets en affirmant que les bombardements ont atteint par erreur les cibles françaises. Quelques heures plus tard, les deux avions bombardiers Sukhoï 25 revenus au sol à l’aéroport de Yamoussoukro après leurs attaques, sont immédiatement détruits par les forces françaises.


Bombardement de Bouaké. Vidéo de « Jeune Afrique » sur Dailymotion

Dans la ville d’Abidjan la tension monte. Le 9 novembre, l’armée française, force impartiale en Côte d’Ivoire, s’était sentie contrainte à intervenir en plaidant la « légitime défense élargie » dans le cadre de la protection et de l’évacuation des ressortissants français de Côte d’Ivoire. A Abidjan, encerclée par des milliers d’Ivoiriens en colère, les soldats français ouvrent le feu sur la foule. Plusieurs dizaines de morts et de blessés seront enregistrés. Dès lors, une ambiance de quasi-guerre règne dans tout le pays, les tensions sont extrêmes.

Dans cette atmosphère délétère, le football a réussi l’exploit de redonner de l’espoir à tout le pays, au sud comme au nord, dépassant tous les conflits. Autour du ballon rond, les Ivoiriens oubliaient la réalité quotidienne et commentaient chaleureusement chaque sortie des Eléphants. L’Ivoirien du Nord et celui du Sud regardait ensemble la télévision. Le Français et l’Ivoirien se chahutaient de nouveau à l’issue d’un match amical France – Côte d’Ivoire.

Tous ces événements attestent que le sport est fédérateur, c’est un moyen extraordinaire de promotion de la paix. Il abaisse tensions et conflits et lève les barrières géographiques et sociales. C’est un puissant outil de partage des idéaux de fraternité, de solidarité, de non-violence, de tolérance et de justice. En témoigne la récente détente politique entre la Corée du Sud et la Corée du Nord lors des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang.

Ainsi, pour le Mondial de football qui s’ouvre le 14 juin 2018 en Russie, je souhaite une chose en particulier : que cette fête du football mondial apporte les prémices de la réconciliation et de la paix dans les pays divisés. Particulièrement au Sénégal, au Nigéria et dans tous les pays qualifiés qui vivent une situation similaire à celle qu’a connue la Côte d’Ivoire.

Football, unité et réconciliation !


Comment vous réconcilier avec votre collègue de travail à la suite d’un conflit

Si vous vous êtes amouraché de votre sympathique collègue de bureau, et si vous n’avez d’yeux que pour cette belle personne, alors là désolé, je risque de vous décevoir assez vite.

Mon présent article ne va pas traiter de « comment conquérir l’amour de votre collègue de travail », non. Il va aborder la question complexe des conflits entre collègues. Ainsi, après un couac, une discussion houleuse sur des questions professionnelles, voire un vrai conflit, il est très souvent difficile de se rapprocher à nouveau de ce/cette collège sympa que l’on porte en estime mais qui est désormais en froid avec vous.

Je propose des clés simples pour résoudre le problème en prenant comme base mon expérience personnelle et mes lectures ici et là. Un peu comme un expert en cœurs blessés, j‘ai dressé 5 clés infaillibles pour reconquérir sa/son collègue de travail !
Bon, vous l’aurez deviné, je ne fais qu’une adaptation des techniques utilisées pour les relations amoureuses, mais bien adapté, ça peut vraiment marcher !

  1. Silence radio : prenez de la distance

Après une grosse dispute professionnelle avec une personne que vous respectez comme collègue, il est bien de faire silence. Il s’agit de prendre de la distance avec la personne pour lui laisser le temps de digérer sa colère. Et vous aussi, profitez de ce moment pour réfléchir à votre part de responsabilité dans la cause de la dispute. Car la responsabilité dans un tel cas de figure est toujours partagée. Trois jours de silence radio seraient un temps raisonnable avant de passer à la phase 2.

  1. Technique de la lettre manuscrite

Ici, il ne s’agit pas de rédiger une si longue lettre pour se faire comprendre et justifier chacune de ses positions. Il s’agit de faire intervenir, avec comme moyen la lettre, une tierce personne pour la résolution du problème. Cette personne doit être respectée et appréciée autant de vous que de votre collègue.

Elle doit avoir la capacité de recul vis-à-vis du problème et une nature à rechercher la conciliation. Généralement, on recommande de vous adresser à votre supérieur hiérarchique. Cependant, je préconise de régler le problème comme des grands sans l’implication d’un supérieur. Cela montre davantage votre volonté de résolution pacifique du problème sans que vous ou votre collègue ne soit négativement touché.

  1. La résurrection : revenez avec une meilleure version de vous

Cette étape suppose qu’un intermédiaire a réussi à désamorcer les tensions entre votre collègue et vous. Généralement, le médiateur expose clairement les attitudes qui ont créé des tension et des frustrations de part et d’autre. Cette médiation vous conduira à plus de recule vis-à-vis de ce genre de situations.

Ensuite, il s’agira pour vous de reprendre contact (tout en douceur) avec votre collègue. Soyez simple, sérieux, calme et ayez un timbre de voix qui témoigne une volonté de ne plus frustrer quiconque. Adressez-lui la parole uniquement pour des questions strictement nécessaires dans le cadre du travail. Ne vous irritez plus si votre collègue semble persister dans son énervement. Soyez conciliant ! Affichez une meilleure version de vous : vous mais mieux que ce que vous étiez auparavant !

  1. L’arme fatale : faites sourire votre collègue

« Un sourire est la plus courte distance entre deux personnes » Victor Borge.

Pour définitivement tourner la page des frictions, il vous faut impérativement obtenir un petit sourire de votre collègue. Bien sûr, cela est d’autant plus important si vous aviez toujours eu une relation proche avec votre collègue. Mais je pense que faire sourire n’importe qui apporte du bonheur dans les relations. Mais attention, n’en faites pas trop, et pas tout le temps.

Essayez d’obtenir le sourire de votre collègue de manière indirecte, c’est plus facile pour commencer. Racontez par exemple une bonne blague à un(e) autre personne en présence de ce collègue. S’il / elle sourit, même retenu, vous avez été pardonné ! On peut alors passer à la dernière étape.

  1. Pensez à votre développement personnel

Eh, oui, on revient à ce thème d’actualité. Pensez à développer vos relations interpersonnelles. Parce qu’avant de transformer son environnement, il faut d’abord opérer une transformation intérieure.

Votre collègue n’est pas forcément la seule personne affectée par votre agissement. Il se peut que bien d’autres personnes en aient été, de loin ou de près, des victimes. Elles pourraient avoir des idées préconçues sur vous et vous ‘’pourrir’’ les relations professionnelles.

Apprenez donc la maîtrise de soi et la tempérance. Privilégiez le tête-à-tête pacifique dans un cadre paisible. Essayez de trouver le meilleur moment, où votre collègue sera détendu. Un moment de relaxation morale et intellectuelle sera plus facile pour aborder la situation fâcheuse. Pensez à réviser les techniques de gestion de conflit en équipe. Tout cela vous aidera à mieux gérer ce genre de situations à l’avenir.

Voilà donc mes cinq clés supposées infaillibles que je me suis dressées intérieurement. Reste maintenant à les appliquer : demain, dès les premières heures de ma reprise de service !

GESTION DES CONFLITS : La gestion de la colère par l’Institut François Bocquet


Aïcha, la Lara Croft noire : passion pour l’archéologie

Le sujet de l’archéologie que je m’apprête à aborder me trottait dans la tête depuis longtemps. Et à dire vrai, mon intérêt pour cette discipline n’est pas un fait anodin. Il part de ma rencontre avec une jeune demoiselle lors d’une illustre formation organisée par la fondation allemande Friedrich-Ebert-Stiftung.

Aïcha Touré, la Lara Croft Africaine

Avant de parler de mon héroïne du jour, faisons un constat. En Côte d’Ivoire, l’archéologie est une discipline très peu connue. Dans les choix de carrière, quasiment personne n’a à l’esprit d’en faire sa profession future. On préfère se tourner vers les métiers les plus en vue de la société. Et, dans les médias, on ne traite presque jamais du sujet de l’archéologie. Ce qui évidemment n’aide pas à susciter plus d’intérêt pour la discipline.

Moi aussi, j’ignorais que l’archéologie était enseignée dans mon pays et que des fouilles étaient régulièrement menées par des équipes ivoiriennes. Mais ça, c’était avant que je ne côtoie celle que j’ai nommé la Lara Croft Africaine.

Aïcha Touré, du haut de ses 1 mètre 69, me faisais penser à l’héroïne du jeu vidéo de mon enfance : Tomb Raider. Cela, autant pour sa silhouette athlétique et sa beauté africaine sempiternelle que pour son intelligence, sa détermination et sa passion pour l’archéologie. Un peu comme Lara Croft, elle parcourt le pays et l’Afrique subsaharienne en quête des précieuses reliques du passé. Car selon elle, « pour comprendre le présent et mieux appréhender l’avenir, il faut d’abord connaître le passé ».

Son accoutrement sur ses terrains de recherches est typique de l’archéologue des fictions : chapeau, chaussures fermée, gants et vêtements couleur sombre. Sa besace est, elle aussi, spéciale. Elle est remplie de petits outils de fouille: pinceaux, sécateurs, mètre, matériel de dessin, sachets zippés, etc.

Le 16 Avril 2018, devant ses pairs, Aïcha exposait le résultat de ses fouilles sur le thème de « L’art de la terre cuite à Korhogo/Côte d’Ivoire du XVIIIe siècle à nos jours ». Son brillant travail a été sanctionné du doctorat d’Etat. Elle est une fierté pour l’archéologie en Côte d’Ivoire.

l'archéologie une passion pour Aïcha
Crédit photo : Kra Ferdinand

L’archéologie, une discipline à pertinence sociale indéniable

La passion d’Aïcha interroge pour moi l’importance réelle de l’archéologie dans une société, surtout africaine. Souvent négligée et reléguée au second plan, l’archéologie permet de reconstituer l’origine, le développement et les activités de l’homme. Ainsi, par la découverte des traces d’un passé enfoui, elle permet d’éviter de répéter les erreurs d’antan.

Une autre utilité de l’archéologie, particulièrement intéressante pour l’Afrique, est qu’elle permet le rétablissement de la vérité historique. On le sait, de multiples idées fausses ont été injectées dans l’histoire contemporaine pour satisfaire des ambitions racistes et impérialistes. Au moyen donc de découvertes archéologiques et plus encore, l’on a pu ainsi faire taire les détracteurs d’une Afrique civilisée. Les travaux de Cheikh Anta Diop sur l’antériorité des civilisations nègres est un exemple éloquent.

Extraits de discours de Cheikh Anta Diop, un afrocentriste de la première heure.

Enfin, en passant, notons que les découvertes archéologiques peuvent avoir des retombées économiques importantes. Aujourd’hui, nul n’ignore que chaque site de découverte ou d’exposition archéologique devient systématiquement un lieu de pèlerinage pour touristes. Partant de ce fait, de multiples emplois peuvent se créer.

Les quelques raisons ainsi dressées démontrent toute la nécessité de protéger les découvertes et les sites archéologiques. Car, ils constituent une richesse culturelle pour l’humanité entière.

De la nécessité de protéger notre patrimoine culturel

Ces dernières années, plusieurs sites historiques ont été victimes de graves détériorations par des groupes armés. Il en est ainsi, du site de Palmyre en Syrie ou des mausolées à Tombouctou au Mali. Heureusement, d’ambitieux projets de restauration sont achevés ou en cours de réalisation, une fois les insurgés chassés.

Ces incidents doivent donc obliger à la prise de mesures strictes de protection. Au plan international, il faut arrêter et juger les hauts commanditaires des actes de destruction. A ce sujet, la condamnation par la CPI d’Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi est un signal fort et une initiative à rééditer. Il faut en outre, penser à définir un seuil critique autorisant de facto une intervention préventive de l’altération des sites historiques.

Au plan national, les Etats africains comme la Côte d’Ivoire devraient prendre des mesures spécifiques pour encourager les recherches archéologiques. Il faut penser à insérer des études archéologiques complémentaires à l’étude d’impact environnemental et social avant tout grands travaux. Egalement, il faut penser à la création de laboratoire archéologique pouvant servir de musée spécialisé. Il faut enfin prendre des lois spéciales protégeant les sites archéologiques et leurs découvertes. Ceci, sans toutefois oublier de promouvoir dans les médias les travaux scientifiques locaux.

Le 17 août 2017, la CPI prononçait ainsi une ordonnance de réparation et au dédommagement des victimes de la destruction des mausolées de Tombouctou. Le montant de la réparation s’élève à 2,7 millions d’euros.