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Egypte : La révolution vue par les médias, les égyptiens et par le monde

Que l’on soit en France, en Egypte où ailleurs, l’actualité n’a pas toujours les mêmes contours. Nous en avons eu la preuve ces derniers jours, dans la couverture des événements en Egypte. Tour d’horizons et analyses…

Crédit image : Amandine Marie
Manifestations à Alexandrie. Crédit image : Amandine Marie

Ici, je vois des médias qui crient au coup d’Etat militaire, là bas je vois des scènes de liesse 

« Après quatre jours d’intense mobilisation populaire en Egypte, un ultimatum lancé par l’armé au président Morsi, des nouveaux martyrs, le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi à annoncé à annoncé mercredi 3 juillet la mise à l’écart de Morsi. Dans le même temps, la feuille de route rédigée par l’armée pour amorcer la transition à été mise en place et un président de transition nommé, le président de la haute cour constitutionnelle Aldy Mansour.

Mais les prises de position sur ce qui s’apparente à une seconde révolution en Egypte ne sont pas si claires. Ici, je vois des médias  qui crient au coup d’Etat militaire, là bas je vois des scènes de liesse, de la joie, de la fièreté, qui n’a rien à voir avec les réactions que l’on peut attendre d’un peuple qui s’est fait voler le pouvoir. De ce pouvoir là, les millions d’égyptiens qui étaient dans la rue n’en voulaient plus. Car il a été incapable de répondre à leurs demandes depuis la révolution du 25 janvier 2011, à savoir « pain, dignité et justice sociale ». Et pour eux, ce n’est pas l’armée qui a fait tomber Morsi, mais elle n’a fait que mettre en œuvre la volonté du peuple. Plus je cherche à m’informer, plus j’ai la sensation que les informations qui nous parviennent à tous ne sont pas les même. J’ai la curieuse impression de revivre les rumeurs et la désinformation en temps de manifestations en Egypte, alors que je ne suis plus dans le pays.

Alors, est-ce une manipulation de la révolte populaire ? Une récupération du mouvement par l’armée à son compte ? Ou bien une manipulation de la part des médias occidentaux face aux intérêts économiques et politiques dans la région ? Pour me faire un début d’idée sur la question, j’ai demandé à mes amis du bout du monde, de me donner leur avis sur la situation depuis leurs pays respectifs. J’ai choisis de publier les avis de toutes les personnes qui m’ont répondu (par ordre chronologique), sans prendre position pour laisser au lecteur la possibilité de se faire un opinion, en apportant un maximum d’informations.» Pascaline, France, 4 juillet 2013.

Fière d’être égyptienne

« Pendant les quatre derniers jours a Sidi Gaber, Alexandria (« Tahrir » d’Alex) j’ai sentis que je suis très fière d’être égyptienne! Un peuple simple, determiné et qui veut juste bien vivre! C’était vraiment le beautiful Chaos!! Mais j’ai peur parce que je n’ai pas une confiance en l’armée! J’espère pour le mieux dans les prochains jours qui vont être critiques! Yarab (je demande à Dieu)!! » Rana Elsadek, Egypte, 3 juillet 2013

Peur d’un retour à l’injustice et au manque de liberté

« Concernant mon opinion et mes sentiments maintenant, en premier lieu je ne suis pas supportrice de Mohamed Morsi ou des frères musulmans, mais je pense que ce qui se passe en ce moment n’est pas la démocratie. Je suis contente que les gens soient heureux maintenant mais j’ai peur que l’injustice puisse revenir, comme j’ai entendu l’avocat défenseur de Moubarak (Farid El Deed) dire que maintenant, chacun saura que Mubarak était innocent ! Et malheureusement, le procureur général de Mubarak est de retour (Abd- El Majeed Mahmoud). Il était contre la révolution depuis le premier instant et il à jugé que Khaled Said (l’un des initiateurs de la révolution) était mort à cause d’une overdose de drogues alors qu’en fait il avait été tué par la police !

Donc pour conclure, j’ai juste peur d’un retour à l’injustice et au manque de liberté. J’espère que les gens se lèveront encore de la même manière qu’ils l’ont fait devant les frères musulmans. Donc à la première vue, vous verrez que c’est positif mais après réflexion, ça ne l’est pas. Je ne veux pas revoir Mubarak et son partie, je ne veux pas voir la police envoyer les gens en prison car ils expriment leur propre opinion.» Hasnaa, Egypte, 5 juillet 2013

Crédit image : Amandine Marie
Hélicoptère de l’armée survolant la ville. Crédit image : Amandine Marie

Morsi, Collor et Bonaparte

« Raymond Aron a dit en son temps qu’un vrai politologue devait être un bon historien. Il montrait par cette affirmation toute l’importance de l’analyse historique dans la compréhension des faits politiques contemporains, et même dans l’implantation des politiques publiques. Je vais donc me livrer à cet exercice pour le cas de la « destitution » de Mohamed Morsi en Egypte créant un parallèle avec le Brésil des années 1990.

En 1992, le parlement brésilien, motivé lui aussi par la clameur populaire parachevait la cassation – impeachment -du mandat du premier président élu au suffrage universel après plus de trente ans d’une atroce dictature militaire. Fernando Collor qui avait adopté une dure politique d’austérité économique bloquant les comptes courants et l’épargne des citoyens (ça ne vous rappelle pas la Grèce ?) fut éjecté de la présidence pour éviter la prison. La différence avec l’Egypte (hormis le contexte socio-culturel qui n’est pas musulman mais latin) c’est que le peuple connaissant parfaitement ce dont était capable l’armée confiait son destin au congrès. Un président fut démis de ses fonctions, mais la constitution ne fut en aucun cas suspendue. Au contraire, elle fut appliquée à la lettre. Le jeu démocratique fut respecté. Le Brésil comme l’Egypte sortait d’une dictature de plus de trente ans. En Egypte, et je conclurai sur ce point, le président a été destitué, le parlement dissous, la constitution suspendue. La légitimité des urnes usurpée.

Ne jouons pas avec les mots, car il s’agit bel et bien d’un coup d’Etat. Napoléon aussi fut porté par le peuple de France. Les médias brésiliens (Rede Globo) ont d’abord appuyé le « coupe d’Etat » disant que le président Morsi « avait appliqué les mêmes méthodes que ses collègues sud américains qui concentre le pouvoir », et donc, ils ont fait une forte apologie du coup d’Etat… par la suite, ils ont commencé à traiter cela comme un coup d’Etat s’alignant sur le reste des médias occidentaux. Mais je rappelle tout de même qu’il y a une différence entre médias occidentaux et stratégie internationale des pays de l’OTAN. » Serge, Brésil, 6 juillet 2013. 

Les acteurs extérieurs s’emploient a tuer dans l’œuf ce mouvement pour leurs propres intérêts

« Finalement (à Beyrouth) l’ensemble des communautés sont satisfaites et encouragent le soulèvement populaire égyptien. Deux mouvances sont contres ici: les salafistes qui, on peut s’y attendre, sont par principe contre toute autorité « temporelle » et les frères musulmans (ils sont peu nombreux au Liban) bien sur ! Une remarque toutefois, qui peut déboussoler un « occidental » : le Hezbollah s’est prononcé en faveur du peuple égyptien alors que par ailleurs il soutient le régime d’Assad face aux rebelles. Pourquoi? Parce que le Hezbollah se dit par principe contre un gouvernement musulman intégriste, ou même musulman tout court. aussi ne pas oublier que Hezbollah est chiite et les frères musulmans sunnites […]  Et puis il y a un autre point de vue plus large mais que tu connais sûrement si l’Occident ( USA/ Allemagne….) semble remettre en doute le coup d’Etat et son caractère « anti démocratique « , c’est que ce sont les USA qui ont armé les frères musulmans, et pas qu’en Égypte d’ailleurs … Ils se retrouvent par conséquent bien embêtés … Sans leur allié sous marin…

Et d’autres choses très très sympathiques : les autres pays arabes type Qatar, Jordanie, et la Turquie seront les derniers a approuver le soulèvement car ça veut dire que leur peuple bien opprimé pourra réagir de même. Ça va être difficile pour que le mouvement dure parce que les acteurs extérieurs s’emploient a tuer dans l’œuf ce mouvement pour leurs propres intérêts. […] je pense qu’il y a un réel risque de guerre civile, mais on dit que oui (le ramadan peut calmer les choses). C’est compliqué, quand on vit dans le pays sous le feu des projecteurs , on « vit » tout simplement et du coup bon, on dédramatise. Ici a Beyrouth ce n’est pas joli non plus, mais « tout va bien. » Leïla, une jeune franco-libanaise (dont les propos n’engagent qu’elle seule), Liban. 8 juillet 2013.

Résultante de la politique de l’Islam radical

« La révolution égyptienne Acte 2 ou l’été arabe comme certains l’appelle est la résultante de la politique de l’Islam radical. Il s’agit là d’une preuve de l’échec de l’islamisation dans un pays pourtant très religieux. Ceci devrait nous aider à nous poser des questions importantes comme l’islam et la démocratie sont-ils compatibles ou quelle devrait être le rôle de l’armée dans une nation. Dans tous les cas de figures, il serait difficile pour les frères musulmans dont les branches s’étendent partout dans le monde d’accepter à long terme un état purement laïque. Raison pour laquelle, tout consensus serait dur à trouver avec des parties plus libérales. Par ailleurs, il serait souhaitable que l’armée s’ingère moins dans les décisions politiques et retrouve sa place originaire. Cependant, si les médias tentent de ressortir l’image d’une Egypte divisée avec des populations très incertaines, l’exemple tunisien est un exemple à suivre car je l’espère réussira un processus normal.» Sinatou Saka, Bénin, 9 juillet 2013. 

Je pense que l’Egypte a raté son chemin démocratique

Y’aura-t-il encore la démocratie en Egypte? J’en doute. Avec un peuple qui sait déjà qu’il peut faire partir un président quand il veut et comme il veut, je pense que l’Egypte a raté son chemin démocratique. Depuis le début de ce «coup d’Etat militaire», je me demande vraiment où va ce pays. François Hollande, le président français, a eu un bilan catastrophique après sa première année au pouvoir. Mais, les français ne sont pas pour autant descendus dans la rue pour exiger son départ. Il y a eu des critiques, des manifestations « pour un changement ». Comment comprendre donc ce qui est arrivé à Mohamed Morsi, un président élu démocratiquement ?

Je suis dans un pays où le président à déjà passé plus de 30 ans au pouvoir. Je vous jure, je donnerai beaucoup pour avoir un Mohamed Morsi chez moi. Un nouveau président avec de nouvelles idées. S’il était au Cameroun, nous l’aurions laissé jusqu’à la fin de son mandat, pour voir ce qu’il pouvait faire. Au Sénégal, Ghana, les nouveaux élus doivent faire leurs preuves. Une année n’est jamais suffisant pour juger quelqu’un, surtout dans un pays de plus de 85 millions d’habitants comme l’Egypte. Maintenant, avec ce qui se passe dans la rue, les nouveaux dirigeants doivent faire le double, voire le triple de Morsi…
Josiane Kouagheu, Cameroun, 14 juillet 2013.

Crédit image : Amandine Marie
Manifestations à Alexandrie. Crédit image : Amandine Marie

Les prises de positions à l’intérieur et à l’extérieur de l’Egypte sont donc très divergentes. Même lorsque l’on prend le soin de les interroger, elles ne nous apportent pas toutes les réponses. J’ose espérer que la fête demeurera dans les rues égyptiennes, et que le peuple réussira encore à faire de grandes choses. Car la construction et le maintien d’une démocratie n’est pas un long fleuve tranquille et Rome ne s’est pas faite en un jour… 

 

 


Happy birthday mister président ou anécdote d’une soirée à la police égyptienne

Alexandrie, le 30 juin (Crédit photo : Corinne Grassi)
Alexandrie, le 30 juin (Crédit photo : Corinne Grassi)

Dimanche 30 juin 2013 sonnait la première année au pouvoir pour le président égyptien Mohammed Morsi. Dimanche fut un jour de protestation dans tout le pays, au bord de l’implosion. Pénuries d’essence, d’eau, d’électricité paralysent le pays, frustrent ses citoyens et rendent leur humeur morose. Certains annoncent la guerre civile, d’autre les suites de la révolution, ou des manifestations qui prendront sans doute fin pour le mois sacré du ramadan. Le compte à rebours à donc commencé. La journée de mobilisation a fait descendre des millions de personnes dans les rues, ressortir les drapeaux égyptiens comme au 25 janvier 2011. Mes amis ont aussi entendu des klaxons toute la nuit et vu des gens danser dans les rues comme « s’ils avaient gagné le superbowl ». On a aussi vu brandir des cartons rouges en signe de mécontentement, à l’adresse du président, dont le peuple (et la campagne Tamarrod, « rébellion ») demande le départ avant mardi  et promet de rester dans la rue jusqu’à ce qu’il « dégage » ( comme on pouvait le lire sur les pancartes).  

Dimanche, je me suis rappelée une soirée à la police égyptienne qui pourrait bien illustrer l’une des raisons de la colère des égyptiens. Elle fait état de pratiques policières occultes et d’intimidation pour que l’image de l’Egypte à l’étranger ne soit pas ternie. J’ai pourtant décidé de les mettre en lumière, car c’est le peuple égyptien qui en est la première victime. 

Alexandrie (Crédit Photo : Caroline Grassi)

C’était en avril dernier, quelques semaines avant mon départ d’Egypte. J’avais dû, suite à une mésaventure d’un sac volé, me rendre à la police égyptienne pour faire constater l’infraction et obtenir un document nécessaire pour les démarches administratives. J’étais avec une amie française, ma compagne d’infortune et un ami égyptien qui s’était gentiment porté volontaire pour nous accompagner et nous faciliter les démarches. Il aura fait les frais de sa bonne volonté.

Nous avons tout d’abord été reçus par un officier qui, en anglais, nous a fait subir ce qui ressemblait à un interrogatoire, à nous faire douter sur notre statut de victime.

« Où habiter vous ? Avec qui ? Vous habitez avec votre petit ami ? Où se trouve votre colocataire en ce moment ? Que faisiez-vous dehors à cette heure là ? » sont quelques unes des premières questions auxquelles nous avons dû répondre. Puis, la conversation s’est tournée vers notre ami égyptien, et a pris une tournure inattendue. Le policier était persuadé que celui-ci nous avait dit que la police du pays ne faisait pas son travail. Il s’est évertué à nous dire que ce n’était pas vrai, que la police faisait son travail et que ce qui nous était arrivé était exceptionnel. La conversation s’est ensuite poursuivie avec notre ami en arabe, et elle allait s’éterniser ainsi tout au long de notre folle soirée.

Moment de la déposition, le policier nous tend un papier et un crayon, et nous indique de noter ce que nous voulons, que notre ami traduira ensuite en arabe. Prises au dépourvu, nous notons en anglais que notre sac a été volé avec des papiers d’identité à l’intérieur et que nous avons besoin d’une déposition pour les déclarer volés. La tournure des événements qui suivront nous échappera un peu…

On nous présente un nouvel officier de police qui va devoir nous accompagner sur la « scène du crime » pour une reconstitution des faits. Nous objectons un peu, en disant qu’il nous faut juste un papier officiel, que nous avons fait le deuil de nos effets volés. Mais sans succès, nous serons bon pour un épisode digne de l’inspecteur Derrick ou des Experts.

Nous voilà tous les quatre partis, mes deux amis et le policier à l’air un peu gauche, qui parlera sans relâche jusqu’à notre retour au poste. Il nous faudra d’abord le déposer, avec notre voiture, pour une petite course auprès d’un de ses amis qui n’est pas trop loin de notre route. Yallah ! On n’a pas vraiment le choix de toute façon. Une fois ses affaires faites, nous voilà repartis dans le quartier où notre mésaventure a eu lieu, et le cow-boy nous fera son show. »C’est ici ? », demande-t’il. « Où exactement ? Y avait-t-il des commerces ouverts à cette heure là ? » Non, nous lui affirmons que tout était fermé et qu’il n’y avait pas âme qui vive dans les environs. Bien tenté, mais il en faudra plus pour décourager l’agent d’aller sonner aux portes des maisons ! Ouf, nous l’arrêtons à temps et nous rentrons enfin, persuadés que cette « reconstitution » n’aura servi qu’à nous faire perdre notre temps. Mais nous ne serons pas au bout de nos peines…

De retour au poste de police, nous sommes baladés de bureaux en bureaux et sans comprendre pourquoi, on nous informe que le grand chef veut s’entretenir avec nous. Yallah ! C’est reparti donc, dans le bureau du grand chef ! Il prendra tout de même la peine de nous demander brièvement en anglais notre histoire qu’il connaît déjà, puis nous ignorera à son tour, parlant en arabe avec notre ami sur des sujets n’ayant l’air en rien de concerner notre affaire. Il cherchait à priori à savoir qui il était et ce qu’il faisait avec deux occidentales, peu convaincu par la notion d’amitié.

Nous sommes à ce moment là toutes les deux assises sur le côté, essayant de capter quelques bribes de conversation, d’avoir une idée de ce qui se dit. Le ton du grand chef n’est pas très amical. Il fait aussi subir un interrogatoire à notre ami. Nous sommes finalement renvoyés vers un autre bureau où nous perdrons totalement prises avec la réalité. Assises à nouveau sur un banc, mon amie et moi sommes cette fois écartées du bureau des agents de police qui rédigeraient, nous l’apprendrons plus tard, une nouvelle déposition. Les autres policiers défilent quant-à eux, un à un dans la salle pour voir ce qui se passe et nous regarder de plus près…

Puis on nous explique qu’il n’y a pas de photocopieur au commissariat et que nous devons aller faire une copie de la nouvelle déposition si nous en voulons une chacune, et revenir ensuite la faire tamponner pour qu’elle soit « officielle ».

Nous revoilà dehors donc à la recherche d’un magasin de photocopie. Il est vers 21h et cela fait environ trois heures que nous sommes entrés. L’opération aura en tout et pour tout durée environ 4h. Après avoir finalement photocopié notre précieux sésame, nous nous remettons en route pour le commissariat et nous commençons à comprendre ce qui se passe.

 Notre ami égyptien nous explique qu’ils ont voulu avoir des informations sur lui, qu’ils voulaient savoir ses liens avec nous et qu’ils l’avaient plus ou moins accusé d’avoir discrédité la police à nos yeux. Nous réalisons peu à peu que notre présence ici, en tant qu’étrangère n’est pas anodine et que la plus grande peur des officiers est qu nous racontions dans notre pays nos mésaventures, que nous disions que le pays n’est pas sûr ou pire, que la police ne fait pas son travail. Nous comprenons alors l’attitude du premier agent à qui nous avons parlé, ou plutôt le seul à qui nous avons réellement parlé. Il a insisté sur le fait que le quartier où nous nous sommes faites volées était très sûr, qu’il vivait là bas et que c’était la première fois qu’il entend une histoire comme la nôtre. Il à aussi essayé de nous persuader que la police faisait son travail en Egypte et que nous n’avions aucune raison de penser le contraire.

Nous apprendrons aussi que le fond du problème est que nous repartions avec un papier indiquant que nous avons été volées, en Egypte. Ce « détail » sera donc omis sur la seconde déposition, qui indiquera seulement que nous avons égaré nos sacs, contenant nos papiers d’identité.

Puis un coup de théâtre viendra nous rappeler que l’aventure n’est pas terminée : le grand chef en personne appellera notre ami pour lui demander très cordialement où nous sommes, et ayant peur que nous repartions chez nous en renonçant à nos démarches devant de telles pratiques. Il lui signifiera que s’il a besoin de lui plus tard, il n’aura qu’à lui passer un coup de fil.

« Nous avons fait la révolution et rien n’a changé » nous dira finalement notre ami en rentrant de cette interminable soirée, une fois nos deux dépositions à la main. Nous avons alors à peine perçu ici ce que les égyptiens pouvaient ressentir face à de telles pratiques dans leur pays. Et pourtant, le malaise était déjà grand pour nous et le sentiment de ne rien maîtriser, d’être totalement dépassé par des enjeux que nous ne connaissions même pas étaient bien là.

 Entre Moubarak et Morsi, le système à changé mais les méthodes sont les mêmes. C’est ce que dénonce aujourd’hui son peuple à un an de son arrivée au pouvoir.

Il faut noter que les forces de sécurité avaient annoncé pour les  manifestations prévues le 30 juin, de ne pas prendre position pour le parti au pouvoir, mais pour le peuple, « tirant les leçons de leurs erreurs passées » (Club des officiers).