Réndodjo Em-A Moundona

Mes élections allemandes

 

Mon dimanche d’avant-hier 22 septembre est particulier. J’ai pu être témoin pour la première, de l’élection allemande. Les bureaux de vote ont ouvert dimanche à 6H00 GMT pour une élection législative qui devrait confirmer Angela Merkel à son poste de chancelière pour les quatre prochaines années. Et ce fut chose faite. Seulement je veux revenir sur ce dimanche bien particulier pour moi.

Comment par une malchance, c’était moi qui devrait travailler ce jour. Fini ce long week-end dont j’ai rêvé loin des bulletins de vote, des décomptes des voix et compagnies. Moi et les élections c’est le désamour total. L’histoire remonte à 2001 où, j’ai participé pour la première fois de ma vie aux élections présidentielles tchadiennes et j’ai vu la victoire de mon candidat favori Yorongar Ngarledji usurpée. Ce fut la première et dernière fois que j’ai eu une carte d’électeur et un bulletin de vote en main.

Me voici donc zigzaguant entre les files de voitures pour rattraper mon bus, arriver à temps au travail et découvrir que nous avons un bureau de vote dans notre maison de retraite. A 15h, ma collègue de l’Abteilung Beschäftigung m’envoie un mail pour me dire que le vote est fini. Pourtant pour mes retraités les choses sérieuses ne font que commencer. A mi-voix, je perçois leurs inquiétudes, certitudes et assurances sur les résultats. Ils attendaient tous comme moi les résultats mais chacun avec ses raisons. Eux, ils verraient bien un candidat qui payerait toujours leurs frais de pensions, ne diminueraient pas les impôts. Bref, ils étaient plus ou moins pour la chancelière sortante et le CDU (l’Union des Chrétiens Démocrates). Moi j´attendais les résultats pour que le calme revienne, le dernier accepte de se coucher, de se laisser suspendre sa perfusion.

À 10h30, les premiers résultats sont annoncés donnant le CDU donc Angela Merkel vainqueur. Entre deux activités je m’attable avec mes patientes. Oui, de la situation il faut en tirer le meilleur et une pause supplémentaire ne fait du mal personne. Je profite pour savoir ce qu’ils pensent des partis politiques allemands et celui de leur préférence. A 19h, le CDU et le SPD se sont démarqués. Angie comme on l’appelle doit de nouveau diriger l’Allemagne avec ses rivaux du Parti social-démocrate (SPD), comme elle avait dû le faire lors de son premier mandat, entre 2005 et 2009. Frau S. se lève alors sur ces mots : « Le futur est à présent garanti. Je m´en vais me coucher mes chères dames ». Je me lève à sa suite signifiant par-là aux autres qu’il est l’heure d’aller au lit.

« Apres tout, Merkel, Steinbruck ou Rössler, ils ont tous quelque part une ligne de conduite et de lobbys bien tracés et cela ne changera pas grand-chose à la situation actuelle de l’Allemagne », renchérit Frau D. Moi en tant qu’immigrée que dois-je dire? Ah, j’oubliais, le premier noir peut enfin siéger au Parlement allemand. Karamba Diaby, bon vent! Ça au moins je peux le crier fort.


Je suis chinois et je consomme tout

 

Que voulez-vous ? Des partenaires? Voici les moins chers ou moins regardant question des droits de l´homme, la bonne gouvernance, la justice sociale, la sécurité,… Bienvenue dans la Chinafrique où tout est permis et tout est occulté au point qu´on se demande que cache cette absence de conditionnalités. A mon avis, la Chine peu respectueuse des engagements et autres discours relatifs aux conditions de production de ces marchandises, ne conditionne pas ses aides afin d´avoir la main libre.

Je crois que je vais devoir ne plus suivre les informations. A chaque fois que je l’essaie, il faudrait bien qu’il y ait une nouvelle qui me fâche, me fasse pleurer ou rire. Et ça, je n´aime pas trop. Voilà, comme ça j’ai observé une grève de faim, que dis-je, une grève de l’information pendant une semaine. Et comme si les dieux de l´information sont contre moi, ils attendent le premier jour où, je me remettais, pour me filer ce reportage sur les cornes d’Antilope saisies. Ces défenses étaient destinées à la médecine chinoise. Il ne manquait plus que ça pour ressortir mes critiques acerbes contre la coopération chinoise avec le monde et surtout, cette Chinafrique que j’ai toujours vue d´un bon œil mauvais œil.

Il fut un temps où, la coopération sino-africaine a suscité un vague d’espoir d’attente et de rêve.  Enfin un partenaire avec les mêmes réalités que celles d’Afrique. Mais c’était il y a bien longtemps, car la gourmandise, l’appétit sans borne et la négligence en matière de droits environnementaux des exploitants chinois commencent par révulser. Non,  il n’y a trop de disparités entre les deux mondes sauf une : l’Afrique bazarde ses richesses comme de la pacotille et la Chine amasse, disperse et détruit le peu qu’elle n’en veut pas. Puissance naissante, la Chine opère avec une véritable culture de razzia et une gourmandise sans limite de tout sauf rien. Elle exploite même l’inexploitable, rase l’Afrique de tout. Je sais que la médecine chinoise est fanatique des cornes de nos rhinocéros, férue de l’ivoire de nos éléphants, mais sa dernière trouvaille, l’objet de ce billet me laisse encore pantois : des cornes d’antilopes. Même si l’origine de ces cornes n’a pas été dite, qu’elles proviennent d’Afrique ou non, moi je crois qu´elles ne seront pas loin de l’Afrique. Bois et pénis de cerfs, fagots de serpents, vins à base d’os de tigres, poudres de cornes de rhinocéros et autres philtres tirés de carapaces de tortues … On n’est pas dans le scénario d’une séquence d’Harry Potter. Toutes ces parties d’animaux sont réputées soigner le cancer, la fièvre, et tous les maux bénins dans la médecine chinoise. Comprenne donc qui pourra la fascination subite de la Chine pour l’Afrique le réservoir de ces animaux recherchés. il faut bien assurer une source lorsque les autres parcs seront vidés de leurs faunes.

Non-respect et inexistence de clauses de contrat

Hier c´était l’ivoire, le pétrole, le ciment. Aujourd’hui, les cornes d’antilopes auxquelles on attribue des pouvoirs aussi mystiques que mystérieux pouvant soigner tout. Rien ne se jette chez le Chinois. Tout se consomme donc. Je m’imagine déjà un thé au venin de serpent d’Afrique dans les rayons des supermarchés chinois ! La Chine est le second partenaire de l’Afrique après les Etats-Unis et avant la France. Contre routes, bâtiments mal bâtis et quelques chinoiseries assorties de bourses d’études, elle impose une coopération pour se garantir un positionnement sur le continent, sécuriser ses approvisionnements de matières premières, offrir des débouchés privilégiés à ses multinationales, consolider son statut de nouvelle puissance mondiale. Malheureusement, il est souvent prouvé qu´elle a de ces légèretés quand il s´agit de respecter les clauses de la bonne coopération. Il y a deux mois l’affaire de la pollution l’environnementale du site pétrolier de Ndjamena a fait la Une des médias tchadiens. Du pétrole brut rejeté dans la nature à l’air libre par l’exploitant qui est une compagnie chinoise. Un vrai gâchis des ressources énergétiques du Tchad après des centaines de cadavres d’éléphants trouvés dans le parc national de Zakouma. Les braconniers revendaient les défenses aux Chinois qui les attendaient de l’autre côté de la frontière soudanaise.

Photo Tous les Tchadiens du monde
Du brut déversé dans des trous à l´air libre à Ndjamena/Photo Tous les Tchadiens du monde

L’Afrique est un continent vaste,  mystérieux, mais très attirant aussi à cause de son sous-sol. Alors pourquoi laisse-t-on ces ressources se dilapider de la sorte par un partenaire ? Je n’ai rien contre la Chinafrique au contraire, j’aime la cuisine chinoise. Mais les autres chinoiseries qui nous étouffent, je dis bah, doit- il en être ainsi ?

J´aurais aimé intituler mon billet douloureuse coopération, car c’en est vraiment une !


Dis-moi quel animal tu es, je te dirai quelle femme tu fais

Une chaîne est une chaîne même dorée/Photo
Une chaîne est une chaîne même dorée/Photo Rendodjo.

Ce billet est le premier tandem –si je peux le nommer- ainsi que je réalise avec René Mouna, mondoblogueuse tchadienne, après à une publication qu’elle a faite sur Facebook et qui m’a fort intéressée : en Afrique, il arrive de donner des noms d’animaux à des femmes selon leur comportement.

Oui, Faty la malienne a raison, ceci est mon premier billet commun avec une mondoblogueuse. Tout est parti d´un fait qui aurait été banal si cela ne m´a pas interpellée. Je suis allée rendre visite à une famille amie à la mienne. Le fils aîné rentré des études est venu lui aussi dire le bonjour à ses parents. Au moment de partir, le père le bénit en ces termes :  « Mon fils, que Dieu te donne une femme-mouton ». Le fils transformé par l´école des Blancs demande à son père avec un air ébahi : « C’est quoi une femme-mouton papa ? », et la mère tout calmement de répondre :  «Oui mon fils, ton père a raison. Il te faut une femme-mouton qui te sera soumise, car une femme cabri est très indocile ». J’aurais pouffé de rire si je ne connaissais pas l’état de santé mentale de la famille. Je ne pouvais imaginer que de grandes personnes raisonnables, respectées et saines d’esprit que je connais tiennent de tels discours dans leur intimité.

Une femme dans la conception traditionnelle de l’Africain et du Tchadien doit être le mouton de Noël ou de Tabaski qui subit coups, injures, injustices et inégalités sociales sans broncher pour dire qu’elle est brave d’où le sens même de l´excision (endurcir sans crier ni pleurer). Elle doit être le mouton du Nouvel An qui suit son maître qui lui dicte ses humeurs, humours, lui sert ses caprices qu’elle, en bonne femme, assumera sans répondre. Elle doit accepter les infidélités du mari-dieu sans demander les explications avec la sagesse d’une femme respectueuse. Elle doit bon gré mal gré en bonne femme-mouton se plier aux exigences malsaines de la belle-famille qui fait la pluie et le beau temps dans son foyer, la réprimande pour un rien, se plier et avaler leurs messes basses.

Dépassée, je postais la phrase sur mon Facebook. L´article a ainsi germé

Faty répondit en premier avec bien d’autres noms d’animaux que jusque-là je ne pouvais imaginer qu´on puisse l’attribuer à la femme ; cet être sensible et plein de douceur. Selon Faty, la femme joue un rôle important dans la société africaine. Si dans certaines de nos contrées, elle jouit d’un respect, dans d’autres, nous remarquons surtout un comportement réducteur à la maternité et au mariage. Au Mali, la place et le concept du rôle de la femme dans la société dépendent fortement de l’ethnie, n’empêche, ces sobriquets peu glorieux sont présents un peu partout. Ils sont présents parfois dans les langues, certaines femmes même les utilisent contre d’autres femmes, sans se rendre compte qu’une généralisation est fort facile. Elle raconte :

« Mon plus lointain souvenir sur le sujet remonte au Niger et à un prêcheur- dont j’ai oublié le nom- qui parlait de l’importance du choix d’une campagne est délicat pour un homme, car il affirmait « le meilleur  « objet » qu’un homme puisse posséder est sa femme, le pire est aussi sa femme ». Il conseillait ainsi de prêter attention au choix et  comme indication il donnait les types de femmes qu’on rencontre en se donnant des noms d’animaux.

–            La femme-chèvre  est cette dernière qui parle haut

–            L’ânesse celle  qui n’avancera qu’avec le bâton

–            La chienne  est une femme dévergondée qui appartient à tous les hommes et qui te trompera toujours

–            La poule est cette ingrate qui ne sera jamais satisfaite

–            La  femme-mouton toujours docile

Mon premier réflexe a été de me renseigner sur la véracité de ces propos une fois rapportés à l’islam. Je suis enseignante dans un institut de formation de maitre franco-arabe.  Même si je fais l’objet de discrimination de la part de certains de mes collègues par ma seule présence dans leur salle de profs, je peux me vanter de disposer d’un chapelet de connaisseurs de l’islam qui répondent aisément à mes questions sur l’islam.

La femme dans les religions monothéistes

J’ai choisi le plus démocrate parmi eux, mon ami et collègue Youssouf Mossa, professeur de littérature qui est également imam d’une mosquée à l’hippodrome (un quartier de Bamako) en plus d’être aussi blogueur.

–              «  Youssouf, est qu’on traite la femme de noms d’animaux dans le coran ? »

–              «  NON !, la femme est fortement  respectée dans le Coran. Ce respect est tel qu’on ne donne même pas son prénom que lorsque c’est fortement nécessaire. Pour protéger son honneur. Dans beaucoup de cas, tu remarqueras qu’on écrit « une femme », pas parce que le nom n’était pas connu, mais par respect.  Ce n’est que lorsque c’est extrêmement nécessaire et en bon exemple qu’on donne les noms comme celui de Aïcha (la femme du prophète Mohamed, paix et salut sur lui) ou Mariam (Marie, la mère de Jésus). Elle ne peut être confondue ou traitée par un nom d’animal.

Faty a raison de chercher la place de la femme dans le monde croyant. Il est vrai que la religion accorde une place importante à la femme, et ce, depuis la création avec Eve comme l’aide semblable à Adam. Cependant beaucoup d´hommes aujourd’hui se basent sur les livres religieux pour assujettir la femme. Même les chrétiens ne s’en privent pas. Leur verset favori est « femme soit soumise à ton mari (… ) » et aucun homme ne va jusqu’à fin de ce verset qui recommande à l’homme de respecter et d’aimer sa femme au point de pouvoir se sacrifier pour elle. Que c’est merveilleux de lire sa Bible ou son Coran avec un ciseau en main. Les textes deviennent des prétextes et la soumission de la femme un devoir religieux.

Au final, il  faudrait juste comprendre que ces comparaisons animalières viennent surtout de la tradition africaine. Que dis-je ? Pas seulement africaine, ces expressions sont présentes aussi dans la langue française.

–              La grue n’est-elle pas une prostituée?

–              La  bécasse = une  sotte, nigaude, véritable buse (encore un autre animal)

 

 

 


Du football à la cuisine chinoise : le parcours d´un chercheur du meilleur

 

Une causette et un verre/ Credit photo Rendodjo
Une causette et un verre/ Credit photo Rendodjo

Stephan Attah est un jeune Ghanéen venu à la rencontre d´un monde nouveau. Il avait espéré faire de son rêve une réalité : tout petit il voulait devenir un footballeur professionnel. Il débarque donc en Allemagne par un matin d´été en quête de son Eldorado. La vie lui sourit avant que tout ne bascule par une soirée hivernale.

Je crois que  j´ai un petit faible pour la cuisine chinoise parce qu´il y´a quelque chose en elle qui attire mon palais. Peut-être son côté moins cher qui est une aubaine pour tout porte-monnaie. En fait, je n´en sait pas trop mais une chose est sûre, j´aime la gastronomie chinoise. Cet amour guide toujours mes pas vers tout restaurant chinois qui se trouve sur ma trajectoire. Je m´en délecte toujours sans arrière-pensée, sans me poser de questions jusqu’à ce qu´un soir, un dessert m´interpelle : la bouillie de tapioca au lait de coco. Le serveur me rassura sans trop me convaincre que c´était bien un mets asiatique et chinois. À la première bouchée je réalise qu´il s´agit bien d´un goût africain. Je presse tant le serveur de questions qu´il finit par m´avouer que le cuisinier est un Africain. Eurêka! Je l´avais su. Ce petit instinct qui nous dicte toujours le flair. Stephan le cuisinier se montra donc à moi, avec  l´accord de son chef, le temps d´une causette. Et comme tous les Africains qui se croisent en Allemagne (Les Africains de Paris se frottent sans se saluer il paraît), nous voici en train de nous raconter comment chacun est arrivé ici.

Stephan a  posé sa valise au nord de l´Allemagne un jour d´été et s´était dit que les rayons de ce soleil estival illumineront à jamais sa vie. De petits boulots en training, il fut découvert par un sélectionneur grâce auquel il sera admis dans la Oberligua Oldenburg. Se voyant au bout de ses rêves, il fit venir du Ghana sa femme et son fils. Tout allait bien jusqu’à ce qu´un jour, sa femme décida de l´abandonner. Elle divorça et partit. Les raisons de cette séparation, Stephan ne veut pas en parler. J´ai osé demander et pour toute réponse, il baissa la tête et inspira profondément. Certainement une histoire douloureuse car ce divorce changea le cours de sa vie. Il partit de la ville tout en quittant la ligue pour se retrouver à Bremen. « Comment vivre dans un même environnement avec quelqu’un qui a joué avec nos sentiment pour finir par nous briser nous-même ? »

L´histoire de Stephan est commune à celle de bien de jeunes Africains. Certains finissent par perdre espoir mais Stephan l´homme des superlatifs comme il se définit lui-même garde toujours espoir de trouver un meilleur emploi. Peut-être renouera-t-il avec son premier amour le football ? Il n´exclut rien pour l´instant. En attendant, on s´est bien régalé de ses mets.

 

 


Tchad; Levée de fond contre un jugement liberticide

Alors que le monde célébrait le blogday, le Tchad condamnait un blogueur et deux journalistes à des peines de sursis avec une amende d´un million que doit payer Avenir de la Tchiré. Une consternation pour les lecteurs nationaux de son hebdomadaire Abba Gardi car, un million ce sont beaucoup d´argent pour une entreprise de presse tchadienne. Mais la diaspora tchadienne vient d´initier une quête pour payer la somme qu´exige la justice. Un acte contre la justice tchadienne qui devient de plus en plus liberticide. Nous avons rencontré l´initiateur de la quête, l´artiste et l´auteur-compositeur Kaar Kaas Sonn.

Relévé bancaire du Compte abritant la quête/ Ph KKS
Relévé bancaire du Compte abritant la quête/ Ph KKS

1- Kaar Kaas Sonn, comment vous portez-vous aujourd’hui après votre grève de faim et surtout après la libération des journalistes pour qui, vous avez observé cette grève?

Bonjour et merci!

Je me porte très bien après l’épreuve de la grève de la faim. C’est l’occasion de remercier toutes celles et tous ceux qui se sont sentis concernés par ce geste de désespoir et m’ont apporté leur soutien !

Par ailleurs, je suis soulagé, en partie, de la libération des journalistes. Soulagé en partie seulement, car le sursis est une vraie menace contre la liberté d’expression, une épée de Damoclès qui pend au-dessus de la tête des acteurs de l’information. En analysant ce sursis au regard des chefs d’inculpation -« complot d’atteinte à l’ordre public n’ayant pas abouti », « diffamation », etc.-  cela trahit expressément la volonté des autorités d’intimider les journalistes. C’est aussi une manière détournée d’imposer l’autocensure aux journalistes. Cela est inacceptable et n’est possible que dans un système de tyrannie. J’emboîte le pas à ceux qui demandent aux autorités d’abandonner toutes les charges contre les journalistes ainsi que l’annulation de l’amende, qui n’est qu’un autre moyen d’affaiblir un journal qui éprouve déjà des difficultés pour survivre.

Enfin, c’est un contresens à ce que le président de la république lui-même prétend mettre en place en matière de démocratie. Il n’échappera à personne que des journalistes et des opposants mis en prison n’est nullement l’apanage des démocraties. Ou alors, il cautionne ce recul et l’effacement de ses propres efforts pour construire des institutions démocratiques au Tchad. Vous remarquerez que depuis quelques temps, le Tchad recule en matière de liberté de la presse. À moins d’accepter le principe qu’il n’y a qu’au Tchad où l’on avance en reculant!

Pensez-vous que le peuple tchadien est assez mature aujourd’hui pour participer activement à cette levée de fonds? Quel message voulez-vous d´ailleurs transmettre par cette action?

Aucun peuple n’est plus mâture qu’un autre. Il se trouve que nous n’avions pas eu des Gandhi, des Mandela au Tchad pour nous donner le courage et l’envie de faire des choses positives. Dès l’indépendance, nos dirigeants avaient clairement choisi la querelle -peut-être pour masquer quelque scrupule- au lieu de la construction de la paix. Et cet héritage, très lourd, est un vrai boulet pour nous. Il est tellement omniprésent et gouverne presque tous nos gestes. Or, les Tchadiens sont un peuple chaleureux, valeureux et hospitalier et parfaitement en mesure de participer à une telle action. Il faut savoir que ce sont des Tchadiens eux-mêmes qui ont suggéré l’idée de collecter les fonds pour soutenir la liberté d’expression. C’est peut-être du jamais vu, mais les circonstances forgent les hommes et cela est hautement appréciable.

Oui, des Tchadiens apportent aujourd’hui leur contribution à ce fonds ; je les en remercie infiniment. N’oubliez pas que des initiatives de ce genre ne sont pas souvent relayées et restent dans l’ombre. Souvenez-vous que lorsque de Gaulle allait se cacher en Angleterre pour lancer l’appel du 18 juin contre les occupants allemands, il ne faisait pas l’unanimité. Mais cet embryon de résistance à réussi à donner ce que l’on sait. C’est la foi à la liberté qu’il s’agit de défendre ; c’est une valeur que tout homme épris d’amour, de paix et de lucidité porte en lui. La liberté, c’est ce qui fait la beauté et la bonté de l’Homme. Comme disait Mandela « un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de la haine, des préjugés et de l’étroitesse d’esprit »

La portée, la signification de cette collecte, c’est de dire aussi -avec les mots du discours de Mandela de 1994- que « aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès ». Et que si la liberté est respectée au Tchad, c’est un succès, une victoire de tous.

Kaar Kaas Sonn, vous êtes aussi citoyen français, quels sont vos rapports avec le Tchad votre pays d´origine?

Je suis très attaché au Tchad. C’est pourquoi tout ce qui est de nature à écorner l’image de ce pays me touche éperdument.

KKS

Ne craignez-vous pas des représailles en réponse à votre engagement?

Dire que je ne crains pas ce type de représailles serait mentir et inconscient. Mais il s’agit d’un combat pour la liberté et non pas un combat contre quelqu’un. C’est une lutte positive. L’histoire montre que s’en prendre à quelqu’un qui se bat pour une cause juste ne fait que renforcer la cause pour laquelle il se bat. Rappelez-vous de Jésus, de Gandhi, de Mandela. Toutes ces figures défendaient une cause juste. Les représailles sur eux n’ont eu qu’un seul effet, les rendre universels, intemporels.

Vous êtes écrivain et chanteur, auteur-compositeur, quel accueil ont vos oeuvres au Tchad? Personnellement je n´ai lu aucun de vos livres.

Je ne sais pas ce qu’on fait de mes livres au Tchad, la lecture n’est pas une culture chez nous. Pour ce qui est de la musique, rares sont les radios qui la diffusent. Le système mis en place au Tchad depuis 23 ans fonctionne en affamant ceux qui parlent. Du coup, les gens ne cherchent qu’à manger en se plaçant clairement dans le sillage de l’orientation des pouvoirs politiques, en suivant l’adage « la bouche qui mange ne parle pas »! Ne soyez pas étonnés si la seule info qu’on diffuse sur la radio c’est « Le président de la république » ; il va sans dire que des voix discordantes ne soient pas bienvenues. Mais cela ne m’impressionne guère. La dernière fois que j’étais au Tchad, en 2011, cela me rappelait étrangement la période Habré. Où le pays entier était devenu une sorte de grande chorale qui diffuse les louanges du président de la république, les chefs de chorale étant les ministres de la république. Où les gens sont devenus délateurs pour le compte de la police politique. Or, je continue d’écrire. Pour témoigner de mon époque. Pour capter ces moments afin de les figer dans des pages et sur des disques pour la postérité.

Vous êtes un enseignant extrêmement qualifié, or l´école tchadienne se porte très mal aujourd’hui. Les principaux acteurs se rejettent mutuellement le tort. Où se trouve le mal? À qui la faute?

Petit rappel , je ne suis pas issu du corps enseignant. J’ai fait des études administratives et techniques. Il va sans dire que mon analyse de l’école tchadienne ne sera pas totalement objective.

La faute est partagée. Les Tchadiens sont en grande partie responsables que ce qui arrive à l’éducation nationale. Tout silence est une prise de position dans cette question. Il y a sûrement des gens qui savent et ne disent rien en laissant faire.

La première difficulté est d’ordre institutionnel. On a l’impression que rien n’est préparé et que les choses se passent sans préparation ; surtout sans suivi. Comme la bonne ou mauvaise marche des affaires repose presque exclusivement sur l’épaule du chef de l’État, c’est possible que les choses ne fonctionnent pas comme il se doit. Par exemple, pour faire l’état des lieux de l’enseignement, on en appelle au chef de l’État. Ensuite, lorsque des recommandations et décisions issues de ces états des lieux sont actés, on demande encore au chef de l’État la possibilité de les appliquer. Les nominations ne prennent pas compte des compétences et les pesanteurs nocives du clientélisme n’y sont pas étrangères. Même l’école est politisée. Ce n’est pas normal.

Le second hic doit se trouver au niveau des programmes qui sont inadaptés au contexte socio-économique et culturel du Tchad. Nous apprenons la géographie de l’Urss, des Usa, du Japon, comme pour mieux nous mystifier. Les programmes de la colonisation doivent être remplacés, réadaptés. Quand vous trouvez aujourd’hui encore des séries A, C, D, G etc. cela craint. Qu’est-ce qui nous empêche d’adapter l’école à nos réalités d’aujourd’hui, de demain? Aux réalités d’un monde sans cesse changeant? Prenez par exemple les horaires de cours. Tout le monde sait qu’il fait très chaud au Tchad. Or, nous faisons des cours à 45 degré et plus. Comment peut-on être productif avec une telle chaleur. Nous pourrions par exemple faire commencer les cours un peu plus tôt le matin. Ou mettre les vacances scolaires entre avril et mai où il fait trop chaud, etc.

Un troisième écueil pourrait se trouver dans le non transfert des études. Voyez-vous, nous étudions à l’étranger des programmes propres aux pays dans lesquels ces études sont menées. Une fois de retour au pays, il n’y a pas une transformation, une adaptation de ces études au contexte local. Combien de Tchadiens rentrent avec une thèse rédigée à l’étranger et débarquent directement dans l’administration, en total déphasage avec la réalité du terrain? Peut-être que l’État pourrait exiger, avant toute nomination, une espèce de petite thèse de la thèse principale qui soit adaptée aux besoins du Tchad.

Une dernière difficulté à soulever ici est certainement le fait que des gens s’évertuent à aller apprendre des choses à l’école pendant que d’autres occupent des postes dans l’administration sans en avoir la moindre compétence, juste parce qu’ils sont pistonnés. Personne ne peut empêcher le piston, mais qu’on pistonne des gens compétents, le pays en bénéficierait. Tant que nommer une personne qui est de votre parti -le seul parti État qui existe!-, qui est votre parent, votre cousin restera la norme, on n’en sortira pas. Les pouvoirs politiques le savent. C’est pourquoi on peut légitimement dire que c’est un choix politique délibéré de laisser ces choses en l’état.

Avez-vous déjà pensé à apporter votre contribution pour pallier aux maux qui gangrènent le système éducatif tchadien?

Je n’ai aucun mandat officiel. Il se trouve simplement que je suis artiste et j’essaie par le canal des arts d’attirer l’attention sur ce qui ce fait au Tchad. Vu le niveau de politisation extrêmement médiocre -excusez le pléonasme!- du pays, on a l’impression que les Tchadiens ont clairement fait le choix de la médiocrité et pensent qu’un pays se développe juste en accumulant des diplômes, en construisant des infrastructures en tous genres, en nommant des gens par affinité. Un pays, ce n’est pas une famille, un village!

Je suis effaré de constater combien de grosses têtes tchadiennes il y a à travers le monde! Il suffirait de trouver le moyen de les impliquer dans la construction d’un système éducatif performant, en les mettant en contact avec les acteurs sur le terrain. Le Pnud, l’Unicef sont là pour donner le coup de pouce nécessaire.

Par ailleurs, j’ai fait des demandes pour intervenir à l’université mais je n’ai pas toujours une suite.

Le développement c’est le changement. Or tout changement est un risque. J’ai l’impression que nous avons peur de prendre le risque d’aller de l’avant et campons sur nos acquis parfaitement désuets.

Dans dix ans, ce que je viens de dire sera encore d’actualité! Ce n’est pas une prémonition, j’en conviens.


Je suis noire mais je suis belle

Teint1
Le prix, une injustice/ Ph Réndodjo
Teint2
Le double du prix des éclaircissants/Ph Réndodjo

Sur ce coup-ci, je ne peux me taire. Je ne fais pas l´éloge du bronzage. Je dénonce ces produits dépigmentants qui envahissent les boutiques et font monter les enchères sur les crèmes pour peaux noires. Je vous raconte mon malheur de femme qui veut conserver sa peau naturelle.

S´il y´a bien une chose qui me turlupine ces temps-ci, ces bien l´essor des produits dépigmentants qui ont la cote chez la femme noire. Il paraît que les Tchadiens sont noirs. Pas grave, même si je suis persuadée qu´on a plus de 30% de la population qui a une peau claire. Bon eux au moins ne l´ont pas grâce à l´eau de javel, et autres substances toxique de du marché Mokolo. Ils sont juste arabes, métissés ou consort. Ce qui est sûr le restant noir comme charbon comme nous taxe nos voisins de l´Ouest, aime son noir. Et moi avec. Donc voilà, je viens vous dire ma peine lorsqu´il s´agit de me trouver ma crème. J´ai dû souvent me pavaner d´une ville à une autre pour me la trouver, une gamme à base de karité d´une marque suisse. Cela m´a toujours coûté 9.99 Euro la boîte de 500ml. Aucune différence avec le prix sur le marché tchadien. Seulement le mois dernier j´ai décidé de faire mes emplettes. Je me trace mon chemin dans ce shop clair de monde. Je dis bien clair de femmes africaines que je dû me regarder trois fois moi l´unique noire de la boutique. Je me plante devant mon rayon habituel que je ne manque d´étouffer un cri. Désormais, mon Otentika me reviendrait à 15.90 Euro la boîte à prendre ou à laisser hein. On ne discute pas le prix dans un shop de cette classe. Je ramène l´une des vendeuses éthiopiennes qui dans un allemand anglicisé ne peut me dire le pourquoi. Madame pensant m´aider (puisque j´étais la seule dame foncée de sa boutique), me vante alors les merveilles de ces nouveautés et autres arrivages.

Les nouvelles gammes qui font In

Carotone, CaroMagic, Carowhite, softwhite, Organic beauty … Entre marketing réussi, ignorance et complexe de la femme africaine, tout passe. Je surprends alors la vendeuse qui bavarde depuis une demie heure pour me convaincre qu´Otentika noirci (c´est aujourd´hui qu´elle a compris que le Karité n´éclaircit pas), entrain de vouloir me vendre des crèmes à base de Carotène, ou plus précisément la Bêta-carotène, l´AHA ou l´acide lactique actuels ingrédients magiques de ces produits de beauté. Je ne manque de lui crier dessus que  la Bêta-carotène n’a jamais eu d’effet éclaircissant. Que ni l´AHA ou l´acide des fruits et l´acide lactique non plus ne blanchissent. Donc cette effet blanchissant est dû à l’hydroquinone caché bien sûr, une composante dangereuse interdite de vente  l’Union Européenne depuis 2001. Madame ignore que je sais que la Bêta-carotène a un effet bronzant et que les femmes, en été, la consomme sous toutes les formes pour forcer leur bronzage. Je compris d’ailleurs, qu´à dire vrai, dans la vie nous n´avons toujours pas le même problème. Les femmes européennes cherchent à se noircir un peu, se tapent des heures au solarium, ingurgitent des potions de carotènes et compagnies pour forcer leur production de mélanine pour le malheur de leur portemonnaie; si elles ne vident pas les rayons légumes de tous leurs stocks de carottes. Entretemps, les africaines, elles, abîment leurs peaux avec des produits cancérigènes. Toujours au coup de leur portefeuille.

S´il paraît que ce que femme veut, Dieu le veut, je demanderais volontiers au bon Dieu si cette fois-ci c´est son desir que la femme africaine rejette ainsi sa propre personne, ce qui la caractérise, cette peau d´ébène muse de nos grands poètes? J´en ai marre de cette dictature de la beauté des épidermes. Je grogne contre cette dictature de la dépigmentation et ce marketing qui profite de l´ignorance et du désir de séduire des femmes. Si rien ne se fait, j´entrerai en grève. Je retournerai à la source comme ma grand-mère. Un filet d´huile d´arachide ou de karité me suffirait tous les matins. Au moins le beurre de karité, il est moins cher et aucune femme n´en veut à l´état bio. Je me passerai aussi bien des commentaires de ma cousine qui est surprise de me revoir chaque année toujours noire moi une expat´ ou diaspora (noms désignant un Tchadien vivant en Europe). Je me taperais de ses soucis sur ma misère européenne. Il semble que le teint clair, tout comme la bonne mine, est un signe d´aisance matérielle chez le Tchadien. Moi, je suis noire et je suis belle. Est-ce de ma faute si le soleil m´a brûlé?

Titre inspiré du Cantiques des Cantiques 1 verset 5.


Les 10 raisons de croire en le Tchad

Heimat
Oasis dans le Tibesti/ Credit photo LBT

Merci Limoune. Ton commentaire m´a donné l´idée de cet article parce que m´ayant poussé à la réflexion. Oui je me cherchais une idée de mon top 10, nouvelle tendance sur la Plateforme. Oui comment rester en marge? Beaucoup d´idées me trottinaient dans ma tête en même temps je voulais écrire quelque chose de positive sur le Tchad (je sais que je suis dure envers mon pays c´est juste parce que j´aime ce pays qui m´a tout donné). Ces derniers jours notre image n´est guère brillante et surtout lors que le Premier Tchadien à savoir le Président en personne enfonce le clou en accusant la jeunesse. J´ai pensé qu´on devrait vendre ce pays pour de bon. Tu m´as rendu optimiste le jeu de citron en vaut le coup. Ici sont mais dix raisons de ne pas vendre le Tchad.

1-      La Plaque tournante de l´Afrique

C´est d´un pays qui est un parfait trait d’union et un point de passage entre l’Afrique du Nord et l’Afrique noire en tant que pays-carrefour des caravanes transsahariennes et berceau des civilisations nomades, ce pays cristallise en lui tous contrastes du désert du Nord septentrional et la savane méridionale. Le peuple tchadien a toujours balloté entre les ascétiques traditions musulmanes, les rites animistes ou chrétiens élaborés et selon l´humeur des populations nomades vivant au rythme de leur chameau et au gré de pâturages et des cultivateurs sédentaires par nature. Politiquement, le Tchad même si très peu présente sur la scène africaine, constitue rien que par sa situation, le centre du continent mais aussi la plaque tournante de certaines opérations militaires (Mantra et Serval). Et depuis plus de dix ans, il est devenu incontournable dans certains conflits sous régionaux comme la crise darfourienne et centrafricaine. Reconnu comme berceau de l´humanité, le Tchad est aussi le refuge des déplacés de guerres et réfugiés centrafricains et soudaniens avec des camps de réfugiés à l´Est et au Sud du pays. Du coup N´Djaména est devenu le siège des ONGs d´aide aux réfugiés (EUFOR, MINURCAT, OCHA, UNHCR…) et le passage obligé des peoples et autres personnalités ambassadeurs de bonne volonté pour l´ONU. On verra Angelina Jolie, Georges Clooney, Barrack Obama en sénateur de l´illinois, Angélique Kidjo et bien d´autres.

2-      Diversité culturelle

Un Turc a été surpris de voir que les mariages interreligieux au Tchad ne posaient pas vraiment un problème et que dans une famille on pouvait avoir des musulmans et des chrétiens sans subir des rejets. Pays de contraste avec une population métissée allant des négro-africains arabisés au négro-soudanais et des arabes de souche, le Tchad est la parfaite illustration d´une diversité qui fait son charme. Ce qui se ressent tant dans sa culture vestimentaire, gastronomique que musicale. Le Tchad a été le siège de trois grands royaumes sahéliens : le Kanem-Bornou, le Baguirmi et le Ouaddaï. L’espace tchadien possède une histoire riche et relativement bien connue. Il est sans doute un des berceaux de l’Humanité depuis la découverte récente de Toumaï. Une diversité qu´on remarque déjà sur les documents officiels. Je garderai encore longtemps la question de ce policier de frontières qui voulait savoir si tous les Tchadiens parleraient couramment les trois langues présentes sur leurs passeports. Je lui fis remarquer que seule le Tchad est trilingue.

3-      Le potentiel de la jeunesse

La population tchadienne est très jeune dans son ensemble. Peu importe le secteur dans lequel elle évolue, la jeunesse tchadienne fait la fierté de ce pays même si elle manque peut-être de repère et ne peut encore canaliser son potentiel. Sosthene Moguenara, Horta Syvly Aliba, Kaltouma Taibé, H´Sao, Beral Mbaikoubou. Ils ont porté et portent encore le flambeau de autres pays mais ils se reconnaissent tchadiens.

4-      Une diaspora toujours présente

Même si elle est peu visible, la diaspora tchadienne se sent dans toutes les sphères des affaires du pays. C´est une génération qui a survécu aux années sombres du Tchad, la guerre civile, l´élimination de cerveaux et à l´exil. Koulsy Lamko, Nocky Djedanoum avec Fest’Africa sous les étoiles, Mahamat Saleh Haroun qui porte le cinéma tchadien, Kaar Kaas Soon qui s´illustre par ses écrits et récemment sa grève de faim pour la cause des journalistes emprisonnés.

5-      Le potentiel touristique

Le Tchad est le résumé de l´Afrique au mieux, toute l´Afrique se retrouve dans un seul pays. Du coucher du soleil dans le désert aux fraîcheurs moites des nuits équatoriales, le lac Léré et ses lamantins. Le visiteur trouve ce qu´il désire admirer s´il ne veut profiter des sources géothermales du Septentrion tchadien, les lacs Ounianga et leurs oasis, les palmerais de l´Ennedi, les grottes et leurs peintures rupestres datant de la préhistoire. On peut faire vivre le Tchad rien que par les recettes de son tourisme.

6-      Le sous-sol

Peu importe le lieu et l´endroit où on se trouve, le Tchad a un sous-sol immensément riche en minerais : l´or, le pétrole, la bauxite, pierres ornementales, diatomites, l´Uranium. L´utilisation rationnelle de ces ressources sortirait le Tchad de son marasme économique.

7-      Une génération consciente

Ils sont convaincus que le Tchad s´en sortira. Beaucoup de travail, un peu d´unité, de l´amour et l´humilité sont leurs devises. Ce sont ceux qui, s´ils devraient retourner à l´école de la vie, ils apprendraient à aimer, s´aimer afin de bannir la division et l´injustice sociale qui minent le pays. Ils sont jeunes. A peine la trentaine et avec un CV bien longue et certains des œuvres sur le marché, des chefs d´entreprises. Ils n´hésitent pas de décrier les maux avec leurs mots à eux. Ils exhortent la jeunesse, l´appellent au travail et à l´excellence. Mawndoé, l´ex chanteur de Yeleen en est le flambeau. Il le chante à juste dans son avant dernier Album Daari, tôt ou tard on arrivera.

8-      La religion

La religion au Tchad peu bien être un facteur d´unité. De plus en plus de jeunes désespérés se tournent vers la religion sans verser dans le radicalisme. Un regain de spiritualité est en cours. Le processus de download est lent comme la connexion tchadienne mais elle est sûre.

9-      Les femmes

Les femmes tchadiennes sont braves et belles. Je veux parler de leur beauté de cœur. Très pudiques, effacées mais présentes même si elles sont très peu visibles dans les instances de décisions. Elles sont 52% de la population et leurs voix comptent énormément. Elles sont la voix dissuasives dans des moments de grandes tensions. Certaines n´ont pas encore compris leur force véritable. Hommage à maître Jacqueline Moudeina qui, malgré les intimidations, s´est constitué avocat des victimes de Hissein Habré.

10-   La gastronomie

Loin d´être un assemblage d´ingrédient dans une marmite, la cuisine tchadienne est un art et véhicule toujours un message. Elle est un facteur d´unité vu l´unicité des plats où que l´on se retrouve. La cuisine tchadienne est une cuisine typiquement sahélo-soudanienne avec une essence parfois orientale. À base de céréales essentiellement, la boule, les crêpes ou les fécules s’accompagnent de sauce de viandes ou de poissons avec de légumes frais ou secs. Si vous êtes un jour de passage sur le sol tchadien, n´oubliez pas de goûter aux 14 préfectures. Mes favoris sont la sauce longue et le Kissar au Daraba.


L´exemple vient d´en haut!

Et si on vendait ce pays? Sérieux, l’idée ma déjà effleuré plusieurs fois. Chaque Tchadien prendra sa part et ira se chercher un autre chez soi. Un pays comme le nôtre avec son sous-sol, on trouvera certainement preneur. En fait on a  ce qu’il faut pour qu ´une nation s’épanouisse. Et il vrai que nous avons aussi amorcé un développement quelconque. La place de la nation, les universités de Toukra la cité des affaires et bientôt le N´Djamena II. Tout a changé très positivement. Seul bémol, on fait un petit pas en avant pour effectuer un grand bond en arrière. On construit pour détruire. On souhaite bâtir une démocratie tandis que le pouvoir obnubile et détruit ce qui lui confère cette démocratie : la liberté de la presse et le dialogue. En parlant de dialogue, elle manque tant au point que deux hautes personnalités qui font la République puisse s´en venir aux mains? Le peuple tchadien leur en dit merci de faire la Une et d´alimenter ainsi la presse à scandale. On veut la paix mais tout est prétexte d’exhibition de notre arsenal de guerre. La fête de l´indépendance, la fête de la démocratie. Comme si le ciel a décidé de ne jamais être bleu et clair dans ce pays. On veut le développement mais on affame la grande partie de la population et on se réjouit lorsque La misère gangrène des couches sociales. A peine se débrouille-t-on a obtenir un petite voiture question d’échapper à l’arrogance de ces petits apprentis de bus qui pour un cinq francs te gifle, t humilie, que le lendemain une bande armée te l´arrache. Pourquoi nous nuire? La diversité est un cadeau une richesse. Chez nous elle est prétexte de division. On avance et on fait des efforts côté structures tandis que l’aspect droit de l’homme piétine. Qui dirigerait-on si on doit emprisonner tout le monde? Penses-y cher dirigeant. Oublie ton rang pour descendre au niveau du sol goûter la vie comme ton peuple. Nous sommes tous humains, on rit on pleure, on respire le même air. Alors ne nous fais pas de là-haut des promesses et critiques qui, vu de nos rues et cases délabrées semblent étranges. Ne nous racontez pas des fables chers dirigeants car,seule la grenouille se trompe de fable. Vous vous trompez souvent. Malheureusement. Le discours présidentiel pour l´Aid el Fitr le prouve:

«Vous savez que nous assistons aujourd’hui à un phénomène assez inquiétant qui risque de faire perdre la force essentielle de notre pays qui est la jeunesse. Nous observons une situation inquiétante en ce qui concerne la dépravation de nos mœurs, la dérive de notre jeunesse soit dans son comportement social, soit dans sa culture, l’avenir de la jeunesse.» Quand j´écoute un discours pareil, je me dis mais à qui la faute? Quand on a passez vingt ans à nous inculquer le vol, le détournement, l´impudicité, l´inégalité et l´injustice comme des valeurs morales.

« Nous devons préparer ces jeunes pour les sortir de cette situation actuelle de dépravation de mœurs quel que soit la religion à laquelle nous appartenons. Nous avons aussi nos us et coutumes ; nous observons des choses que nous ne pouvons pas les taire ; nous devons agir de manière à ce que notre société soit une société propre qui puisse garantir à la jeunesse, un avenir serein, radieux. (…) La dérive actuelle de notre jeunesse n’est pas un bon signe. (…) Et c’est aussi par l’acquisition des connaissances qu’ils peuvent assurer, l’avenir du Tchad de demain ». (Fin de l’extrait). Je suis assez paresseuse pour faire une analyse de ce discours phrase par phrase mais disons, mais je m´y reconnais un peu dedans comme une jeune tchadienne. Je me vois comme cette jeunesse qu´on accuse de dépravée. Qui a appris à cette jeunesse à aimer l´ailleurs? Quand ceux qui sont censés être les modèles prennent le panier pour aller faire du shopping ailleurs, se chaussent et s´habillent Outre-mer, ne savent même pas combien coûte le tas de Gombo ou de Kawal sur le marché parce qu´ils se nourrissent de conserves venues d´ailleurs. Tout ce qui fait l´identité d´un peuple, ils ignorent.

Je ne parlerai pas de connaissance. Il est bon de construire des universités mais il serait mieux de doter ces bâtiments universitaires du personnel enseignant, des bibliothèques universitaires et revoir les conditions de recrutement des enseignants. Et avant que je ne l´oublies, qu´on tâche de bien payer ces enseignants. On les rendra ainsi incorruptibles s´ils survivent à l´insolence de ces fils à papa. Fils donc de nos faiseurs de moral qui ne respectent personne. Comme quoi, il faut ôter d´abord la paille dans vos yeux. Autrement, de là-haut donnez nous l´exemple.

Euh, j´oubliais. Mabrouk al Aid!


Femme : mon corps, mon curriculum vitae

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De Bangui à Berlin en passant par N’Djamena, la promotion canapé a fait beaucoup de parvenue dans le tissu socio-économique de nombreux pays. La beauté d’une femme est tout son Curriculum Vitae. Elle n’a nul besoin de se tracasser pour s’offrir un boulot de luxe. Vous les femmes vous avez de la chance, disent les hommes avertis. Vous souffrez beaucoup moins que nous. Soit belle et tu as la réussite à tes pieds. Description d’un curriculum vitae très particulier par une Rendodjo et Salim, deux blogueurs de la plateforme Mondoblog de RFI (Radio France Internationale).

Inouïe que je peux l’aimer. Ce corps parfait, de fois aux rondeurs démesurées. Harmonieuse symétrie physique, ils ne déplaisent à aucun mec, ces nibars provocateurs. Le corps de la femme est très souvent, tant pis si je tombe dans des subtilités, la clé de son succès en entreprise. La beauté de la femme, son corps, est un sésame parfait. Une clé universelle qui ouvrirait tant peu soit elle la cave d’Ali Baba et même ce mystérieux baobab des contes africains. Passons plutôt au fait.

N’Djamena, juin 2004. Je composais le Bac, juste derrière moi était une très belle fille. Une métisse, une peau caramélisée comme en raffole les jeunes tchadiens. Le sujet était coriace pour la plus part des candidats. De bonnes exercice de probabilité qui mettait en scène les possibilités de panne de générateurs de la défunte STEE (Société Tchadienne d’Eau et d’Electricité). Il y avait aussi de lourdes séries d’équations différentielles. Entre ma copie et le plafond de la salle, je ne me souviens plus combien de fois mon regard a fait de va et vient. Ma concentration s’est volatilisée par une voix. Celle d’un homme qui parlait à une fille. Vous la connaissez non ? Cette voix qui tente son tour de Charme. « Ça va ma sœur ? Comment tu t’appelles ? Ça va le sujet ? Ne t’en fais pas. Ton frère est là. Il va t’aider car tu es très belle». Sésame ! La suite vous arriverez à la deviner j’en suis sûr. Une Note Sexuellement Transmissible (NST) est en germination.  Alors combien de pareilles situations sont-elles arrivées ce jour-là ?

A Bangui, on se souvient encore des histoires de ces députées, votées n’importe comment et porter à la défense des intérêts du peuple centrafricain. Mieux encore, qui a eu échos de ces filles centrafricaines qui refusent d’écarter les jambes aux luxurieux responsables RH (Ressources Humaines) et qui échouent mystérieusement au test de recrutement ? En tout cas, des anonymes souffrent et des CV se remplissent.

Derrière chaque femme riche, il y a un homme au compte bancaire bien garnis. Une pensée que je confronte de plus en plus ces temps-ci lors que je bavarde avec les jeunes hommes. Messieurs, vous ne pouvez savoir les peaux de bananes qu’une femme déjoue si elle veut réussir honnêtement. Ma réponse me ramène toujours cette boutade de féministe. Classique lorsque l’homme veut se défendre vaille que vaille.

Je ne sais pas si je suis une féministe parce que je refuse cet adjectif qui est aujourd’hui un fourre-tout, une poubelle de vices. De la défense des droits louches de femmes à l’exhibition de sa nudité devant une ambassade et déjà on reçoit l’étiquette. Ce féminisme pro-sexe qui voit en la sexualité un domaine qui doit être investi par les femmes et les minorités sexuelles utilisant leurs corps, le plaisir et du travail sexuel des outils politiques je ne le partage pas. Il dénude le sens du vrai combat des pionnières du féminisme. Aussi lorsque je vois en la femme une victime du harcèlement sexuel, affectueusement appelé promotion canapé, je ne veux pas faire du féminisme. Je ne défends pas aussi cette prostitution nouvelle classe qui condamne les autres femmes qui se battent, transpirent et apprennent dur pour obtenir leur diplôme ou promotion. Quand on est une femme, soit on a un époux qui fait écran, ou le chef qui te fout les bâtons dans les roues. Personne ne veut voir ton intelligence. On te conditionne mentalement à dépendre de l’homme, de ta beauté en tant que femme en lieu de compter sur tes compétences et tes aptitudes personnelles et intellectuelles.

« Si tu acceptes de m’embrasser, tu passes à l’antenne pour le journal de 14 heures ». Cette phrase, Manu la jeune stagiaire en journalisme s’en souviendra longtemps pour l’avoir écouter souvent de son mentor. Des filles ou femmes comme elle on en croise beaucoup dans tout le Tchad. Sylviane elle n’obtiendra jamais sa licence alors qu’elle a validé toutes ses unités de valeurs et ainsi vont les facultés des Université tchadiennes. Elle quitta la Faculté pour avoir osé dire non à un de ses enseignants qui lui faisait la cour.
Mais la promotion canapé et le harcèlement qui en découle ne sont pas seulement un problème africain. Les étudiantes et travailleuses européennes le subissent aussi. Des interrogatoires à des heures tardives sur le campus, une main qui va trop loin lors d’un entretien avec l’étudiante, un travail à finir chez le supérieur le week-end … Les propositions sont énormes pour les jeunes et jolies femmes. De Berlin à Bruxelles, aucun milieu n’échappe à la règle. Peut-on dire que toutes ces femmes le veulent. Non. Ruth a dû abandonner ses études, tandis que Régine a quitté son Université à la recherche d’une autre Université. Les enseignants eux, sont inamovibles. Ces deux jeunes filles font partie des 55% d’étudiantes et d’employées qui sont harcelées par leurs hiérarchies parce qu´ayant refusé la promotion canapé ou les NST d’après une enquête publiée en début 2013 en Allemagne.

Peut-on encore me taxer de féministe si j’accuse l’homme d’user de son pouvoir ? Il est clair que certaines acceptent, subissent et en profitent. Mais ces ne sont pas toutes les femmes. D’autres sont belles et bien des victimes. Et elles souffrent souvent en silence et parfois elles compromettent leurs avenirs en abandonnant faute de soutien. Alors j’accuse et mon index est pointé vers l’homme. Féministe ou pas, j’assume.


Appelez-moi l’épouse héritée

Credit photo Google.de

L’héritage des veuves ou lévirat est une pratique sociale répandue dans certains groupes ethnique du sud-ouest du Tchad.  Cette pratique oblige les veuves à se remarier avec les parents directs de leurs défunts maris si non les enfants de l´époux s´il a un fils ainé en âge de se marier. Je vous fais le témoignage de Marie, une victime qui fut obligé de marier le fils aîné de son mari. 

L´idée de cet article est née d´une de nos nombreuses discussions nocturnes une amie et moi.  Elle s´inquiétait pour son père qui, à la fin des funérailles de son grand frère devrait selon la coutume s´occuper des femmes de ce dernier ; entendez par là, en prendre au moins la plus jeunes pour épouse. Or connaissant son père en chrétien moderne et médecin, il refusera au risque de s´attirer la colère des gardiens de la tradition. On était sûr qu´il dira non, mais on craignait aussi pour lui et les conséquences pour sa famille resté à N´Djaména. Surtout sa femme que la famille taxera d´égoïste refusant de partager son homme. À la fin de la conversion, je pensais à cette femme de trente ans à l´époque, Marie. Elle venait aussi de Pala cette ville du Sud-Ouest du Tchad.

Je veux juste vous parler d´une réalité africaine qui persiste encore dans le Tchad moderne, aux confins des villages reculés : le lévirat. Une pratique qui tire sa source des temps bibliques et dont certains religieux pour ne pas dire louvoyeurs d´héritages défendent encore bien. Si la raison première est de conserver le nom du défunt par le moyen des enfants qui naitront de sa femme et qui, porteraient son nom ; la seconde est la plus importante est de maintenir les héritages dans la même famille et dans la même tribu. Et ici se trouve la véritable raison. Car la réalité a montré que très peu de beaux frères s´occupent vraiment de la femme et des enfants de son frère défunt.

Au Tchad, le lévirat se pratique encore chez les Moundangs torrock où, j´ai rencontré Marie qui fut obligée de marier en seconde noce le fils de son mari. Un enfant qu´elle a vu jouer dans la boue, courir en culotte et se moucher avec le dos de la main pour finir par les essuyer dans son pagne à elle. Un enfant qui jusqu´au décès de son père l´appelait encore maman. Elle finit par se résigner lorsque ces parents s´opposèrent à son refus. «  Mon père a promis me renier si jamais je ne suivais la coutume. Mais comment épouser le fils aîné de mon mari qui est comme un fils pour moi ? Je n´avais le support de personne. Voici comment je suis devenue un bien communautaire transmis sous forme de legs.» Ainsi le premier fils du défunt hérite de la femme de son père. Il conçu un enfant avec elle. Et pourtant, durant la période marquant la vie de son père, sa seconde épouse constituait une seconde mère pour lui.

Pourtant dans la Bible, le lévirat est prescrit par la loi dans le Livre de Deutéronome 25. 5-10. Chez les Hébreux, si deux frères demeurent ensemble et que l’un d’eux vienne à mourir sans laisser d’enfant  le plus souvent un enfant mâle, le frère survivant devait épouser la veuve du défunt, toute autre alliance étant interdite à la veuve ; en cas de refus de la part du frère, la femme pouvait néanmoins échapper à l’interdiction d’exogamie par la cérémonie de la ‘Halitsa durant laquelle elle devait cracher au visage de son beau-frère, lui voler l’une de ses chaussures, et le village le nommerait à toujours « l’homme sans chaussure ». Le lévirat, et la renonciation au lévirat, jouent un rôle important dans les histoires d’Er, d’Onan et de Tamar veuve des fils de Juda. Pardon, ce n´est pas un cours de Bible, je veux juste taire une quelconque discussion sur les arguments religieux qui en font une obligation : on peut renoncer au lévirat et bien prendre en charge ses neveux orphelins. Pour cela on n´a pas besoin de siffloter à l´oreille de la mère la nuit. Surtout qu´en Afrique et au Tchad, dans la plus part des cas, le défunt a déjà au moins deux enfants vivants.

Certaines traditions évoquent la seule mesure de protection sociale de la veuve qui serait sans ressource. Parlant alors de cette protection, on a vu des cas de lévirat où, la belle-famille l´a voulu parce que la veuve ne devrait pas être seule l´héritière du défunt mari. Il faut alors lui imposer le beau-frère comme second époux afin que les biens restent dans la famille. Ainsi l´argument socio-humanitaire qui revient souvent dans les discussions n´est pas valable si, on tient compte du nombre impressionnant de décès dus à l’infection dû au VIH/SIDA, on peut bien se demander comment des unions de ce genre sont encore acceptées au mieux encouragées voir exigées lorsqu´on ne sait pas de quoi est mort le grand frère.


Je suis tchadien et je suis hospitalier

2003-2013, il y a de cela dix ans que les premiers réfugiés Darfouris fuyant les Janjawid arrivaient au Tchad. Dix ans qu’ils sont là et se sont intégrés dans la société tchadienne. Et ça fait exactement aujourd’hui cinq ans que je mettais les pieds pour la première fois, dans l’un de leurs camps à l’Est du Tchad. Le camp de Gaga. Je veux avoir ici une pensée pour ces hommes, ces femmes et ces enfants qui, sans leur vouloir se sont retrouvés loin de chez eux.

Que le titre ne vous trompe pas. Je ne suis pas douée en publicité, je veux juste dire ceci : le Tchad n’est pas seulement cet Etat gendarme et pyromane, comme on le taxe souvent, prêt à envoyer ses mercenaires partout semer la terreur. C’est aussi un pays hospitalier où, il fait aussi bon vivre. La preuve ce sont les nombreux réfugiés que nous accueillons depuis plus des décennies tant au Sud qu’à l’Est du Pays. Le Tchad, ce sont quand même 1 284 000 km2 pour juste 12 millions d’habitants. De la place on en a donc et on la partage avec ceux qui souffrent. Et leur intégration est une réussite car il n’y a pas assez de problème avec la population locale et certains ont même pu avoir de la terre pour faire l’agriculture dans certains villages. Je me rappelle encore comme si c’était hier de Mariam, cette réfugiée qui m’a offert en cadeau il y a cinq ans, les feuilles de manioc cueillies dans son jardin potager. Elle venait, il y a à l’époque trois ans, d’un village du Darfour. Elle était une cultivatrice. Des cas de xénophobie de la part des tchadiens ? «Non, pas du tout étant donné que ces des gens qui sont unis par l’histoire certains ethnie des réfugiés se retrouvent également ici au Tchad même si sa existe c’est des cas rares,» me confirme un ami travaillant pour le PAM à Abéché, cette ville qui sert de base aux ONG travaillant dans ces camps.

Cette entente n’empêche tout de même pas que les populations locales se demandent si ces réfugiés de guerre envisagent-ils un jour rentrer chez eux. Ces derniers estiment qu’un retour est possible. La vision de beaucoup d’ONG, chacune dans son domaine d’intervention, est de faire ce qu’elles peuvent pour ces réfugiés sauf que, les ressources se tarissent peu à peu. Et avec la proclamation à la République du Soudan du Sud, l’espoir d’un retour possible est grandissant – et d’ailleurs c’est leur souhait de parvenir un jour repartir chez eux à condition que la situation sécuritaire soit garantie. Une sécurité qui est hypothétique dans la mesure où, la fin des conflits dans cette région n’est pas pour demain.

La situation socio-économique n’est pas toujours facile car n’ayant pas des activités de grande envergure, tout de même quelques ménages se débrouillent avec l’aide des ONG pour développer les activités génératrice de revenue à petite échelle. En effet, dans les camps, il y a des marchés tenus par les réfugiés eux-mêmes. Ils y vendaient du tout jusqu’au mets soudanais. J’ai eu la chance de manger le foie grillé saupoudré de la poudre des lentilles dans le restaurant de Moussa. Ce sont donc des hommes et des femmes qui reprennent goût à la vie après avoir tout perdu. Ils ont le sourire malgré tout. Mais rien n’est gagné d’avance.

Je me souviens encore de ces petits êtres frêles qui, au détour de la ruelle poussiéreuse qui tenait lieu d’axe principal du camp, agitaient les mains tout en criant Aféeeeeee, Afé Kourna. Je revois encore, après cinq ans aujourd’hui, cette lumière au fond des yeux du petit Nouri. Son rêve d’être un jour un médecin ou un grand journaliste-reporter. Et je crois qu’au fond de moi, j’aurais bien voulu savoir ce qu’il est devenu et lui redire Afé Kourna (« salutations » dans la langue darfourie, se traduit aussi comme la paix ou le souhait du meilleur à quelqu’un).