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Mon agression par une folle furieuse, en pleine rue, à Madagascar

Je n’aurai jamais cru rédiger un autre article sur ce sujet… Six mois après la sortie de mon premier article sur mon agression par un fou furieux, je me fais à nouveau agressée, cette fois-ci à Ambondrona, un quartier en plein centre-ville.

La folle furieuse

Je me suis faite à nouveau agresser par une folle furieuse, à Ambondrona, un quartier de la capitale. Il est environ 17 heures, les rues sont encore bondées et comme des queues-monstres se forment aux arrêts de bus, je décide de faire un certain bout de chemin à pieds. Sûrement pas la meilleure décision du jour…

Alors que je marche, une femme noire, les cheveux cours, vêtue d’un manteau noir – je doute que ce soit la couleur d’origine du vêtement – à peine reconnaissable, pieds nus, un sein à l’air, me barre le passage. Elle fait un geste pour m’arrêter et tend la main avec un regard menaçant. « Omeo vola ah !” (« Donne moi de l’argent ») Ah, il ne manquait plus que ça ! Une folle qui mendie, donc qui pense… Une demi-folle… Mais pourquoi c’est tombé sur moi?

folle furieuse
J’avais cette tête, quand elle me rackettait! Cc: Pixabay

Je réponds : “Tsisy vola!” (« Je n’ai pas d’argent ») Elle me menace avec son poing. Je me sens plus perplexe qu’apeurée… Je force le passage mais elle continue à me suivre en menaçant de me frapper. What the hell ? Et pendant tout ce temps, les gens regardent tranquillement le « spectacle ». Je suis d’ailleurs plus outrée par l’attitude des « spectateurs » que par celle de la folle furieuse.

Comme elle continue à me suivre, je lui dis de partir. Elle refuse fermement. Elle tire sur mon sac que je porte à l’épaule, et je tire aussi. La situation devient critique, et personne ne bouge le petit doigt pour venir à mon secours… Et alors, alors… La folle brandit son poing pour me frapper!

L’intervention

Je ne sais plus trop si je dois fuir pour éviter que la folle ne me frappe et lui laisser mon sac – qui contient toute ma vie – ou si je dois me battre peu importe ce qui risque de se passer. Euh… Mon cerveau fait une analyse à 360 degrés tandis que je continue à forcer sur mon sac. Et c’est alors qu’une femme, d’une quarantaine d’années environ, me tire le bras en disant : « Viens ! »

Un homme, d’une vingtaine d’années, apparaît derrière la folle qui, consciente qu’une menace arrive, part en courant. Et je me retrouve entre deux inconnus, longeant la rue dans le sens inverse alors que je devrais plutôt marcher dans la direction où la folle vient de fuir. Dilemme : si je prends la même direction, je risque de la recroiser et de revivre le même  drame. Mais si je prends le sens contraire, je dois faire la queue à l’arrêt-bus, ce qui prendrait toute la soirée. Il se peut même qu’il n’y ait plus de bus et que je doive rentrer en taxi en pleine nuit…

Je suis de plus en plus perplexe. Déjà parce que je me demande où je dois aller, mais aussi parce que pour la toute première fois de ma vie, après plusieurs attaques par des fous, des gens m’ont sauvée.

Un ange

Comme je semble complètement perdue, j’imagine, l’homme qui est intervenu me demande si ça va. Je me sens enfin soulagée que quelqu’un me pose la question. Non pas une question du genre « Fa ahoana e ? » (« Eh ben alors? ») comme la dernière fois, mais une question humaine. Oui, car pour la première fois depuis plusieurs mois, j’ai rencontré un humain. Un vrai humain, avec un regard simple et attendrissant, et non pas un regard qui juge et qui est rempli d’hostilité.

« – Ça va ?

–          Oui ça va. Merci. 

–          Je t’en prie. »

Comme j’ai l’air encore perplexe, il me demande :

« – Tu es vraiment sûre que ça va ?

–          Oui, enfin… Je dois aller dans la direction opposée en fait, mais, j’ai un peu peur au cas où la folle est encore dans les parages.

–          Ah bon ! Allez viens, je te ramène ! »

Je crois que je n’ai jamais été aussi franche en exprimant ce que je ressentais, depuis très longtemps, et je n’ai jamais autant fait confiance à un inconnu. Mais la nuit va tomber et je ne me sens pas du tout en sécurité.

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La nuit allait tomber et je ne me sentais pas du tout en sécurité…
cc: Maeva Roiz

Nous reprenons le chemin inverse. Quelques mètres plus tard, la folle, le regard toujours aussi menaçant, nous regarde. Elle vient dans notre direction, puis fait demi-tour. Mon cœur bat la chamade.

L’homme, que je considère comme mon ange-gardien, pendant ces quinze minutes, me ramène jusqu’au prochain rond-point. Je le remercie profondément et continue mon chemin, moins inquiète, après avoir une dernière fois sillonné le paysage derrière moi pour voir si la folle ne nous a pas suivis.

Humanité

Je ne reprendrai plus le paragraphe sur la sécurité publique et combien les fous sont mal considérés à Madagascar. Combien une insécurité croissante demeure dans la Grande île, en partie à cause d’eux. J’ai suffisamment palabré sur le sujet lors de la Partie I, et sachez que rien n’a changé depuis…

folle furieuse
Antananarivo vu du village d’Akamasoa, le village construit par le Père Pedro.
Cc: Tiasy

Je voudrais plutôt aborder la question de l’humanité. Pendant ces près de cinq minutes de combat avec une malade mentale, j’ai compris à quel point les sentiments constituaient l’être humain. Pendant que la folle me menaçait, je dévisageais son visage, son air enragé, pleine de haine, mais en même temps, son comportement était rempli de désespoir. Je n’ose imaginer ce que cette femme a dû subir pour en arriver à ce point.

Je me demandais où était sa famille, si elle avait eu un mari, des enfants… Je me disais que si elle mendiait, c’est qu’elle était consciente de sa pauvreté. Et si elle menaçait, c’est aussi qu’elle ne le supportait plus.

Je ne peux imaginer à quel point ces gens souffrent, mais aussi, à quel point ils sont libérés. En effet, un fou, ça marche dans les rues toute la journée, ça s’assoit sur le sol, ça chantonne, ça fait des grimaces, et ça vit comme ça. Ça s’amuse quoi, comme un être humain aux premières années de sa vie. Je donnerais tout pour m’amuser comme ça, en tant qu’être humain normal bien sûr ! Haha.

Toujours d’un point de vue humain, je ne comprends pas comment on peut laisser ces gens livrés à leur propre sort. D’accord, je comprends que la prise en charge de ces personnes nécessite une contribution financière, mais ce n’est pas comme si tout était à construire aussi. De mon point de vue, une aide à l’hôpital psychiatrique d’Anjanamasina de la part du gouvernement, que ce soit technique, matérielle ou financière, serait d’une grande utilité. Bien sûr, cela ne fait pas partie des « priorités », comme on le dit si souvent.

D’autre part, je suis reconnaissante de savoir que des gens sont encore assez humains à Madagascar pour vous venir en aide en cas d’attaque de pickpockets, de bandits armés et de fous furieux. Des gens prêts à protéger autrui, en pleine rue. Des personnes prêtes à mettre leur vie en danger. Des anges tombés du ciel…

 


Sauvons le Sohisika ! (Partie 2)

La conservation de l’arbre endémique Sohisika à Madagascar est entravée par des problématiques politiques, en particulier par une mauvaise gouvernance qui empêche le bon déroulement des activités de conservation de cette espèce. ONGs, société civile, techniciens employés des réserves naturelles, responsables étatiques, tous unissent leur voix pour dénoncer un manque de contrôle, malgré les stratégies adoptées par les autorités étatiques.

Collaboration étatique

Le Missouri Botanical Garden (MBG) est le partenaire principal de l’association Sohisika dans la conservation de l’arbre endémique Sohisika.

« MBG est partenaire de l’association dans différents domaines : conservation, sensibilisation, restauration écologique des zones dégradées, plantations, valorisation de la forêt pour les visiteurs mais aussi dans l’amélioration des moyens de subsistance des villageois par la formation en « Dynamic agroforesterie » dans leurs champs de cultures », a-t-on appris de la MBG lors d’une interview.

La MBG collabore également avec l’Etat, ils sont en lien avec le ministère de l’Environnement, de l’Ecologie et des Forêts mais aussi avec le Chef Cantonnement (Ceef) Ankazobe, représentant de la Direction régionale de l’Environnement, de l’Ecologie et des Forêts (Dreef) à Ankazobe,  et la Commune Ankazobe.
Selon le Code de gestion des aires protégées (COAP), dans le cadre de la création de la nouvelle Aire protégée Ankafobe, l’Etat sera le délégant et MBG sera le délégataire.

Dépendance et manque de moyens

D’après Jean-Jacques Solofonirina, Président de l’association Sohisika, la collaboration de l’association avec l’Etat est d’ordre purement technique et administrative.

Cette collaboration très distante crée une situation insatisfaisante pour les acteurs de la défense des espèces endémiques tel que le Sohisika, car les responsables étatiques ne sont pas toujours au courant des réalités sur le terrain. D’ailleurs, les techniciens des institutions étatiques qui travaillent dans le domaine environnemental disent eux-mêmes que l’Etat suit l’activité des ONGs présentes sur les lieux, sans être eux-mêmes sur place. La réalité c’est donc que les agents de l’Etat sont absents du terrain, ils se contentent d’un suivi à distance.

Selon le contrat de transfert de gestion (1) établi entre l’association, la Dreef Analamanga et la Commune Ankazobe, il revient aux agents de la Dreef d’effectuer le suivi des activités une fois par an.

Mais ce suivi annuel n’est pas suffisant, notamment dans le cas de la conservation du Sohisika, qui représente un véritable problème environnemental. Pour qui connait le dossier il y a urgence. Les recommandations du contrat de transfert de gestion ne sont donc pas en phase avec les besoins. Malheureusement, assurer un suivi sur terrain plus important (et donc plus fréquent) n’est pas évident pour les agents étatiques, et ceci, faute de moyens matériels et de ressources humaines, comme l’a avoué un technicien au sein du ministère.

D’après les aveux de ce technicien, les moyens alloués par l’Etat à la Dreef sont insuffisants. Mais il ne s’agit pas d’un manque de moyens financiers, le problème n’est pas là.

« Ce n’est pas que l’on n’a pas d’argent, c’est la volonté politique qui manque. Et cela se répercute sur toutes nos activités », a raconté ce fonctionnaire qui a souhaité conserver l’anonymat.

Sohisika
Le feuillage du Sohisika est abondant et peut servir de parasol naturel.
cc: Tiasy

Manque de contrôle et de volonté de l’Etat

La conservation de l’arbre endémique Sohisika à Madagascar fait donc face à un problème politique. Comme le dénonce un responsable au sein du village d’Andranofeno – village avoisinant la réserve d’Ankafobe et qui participe aux actions de conservation au sein de l’association Sohisika – l’Etat ne semble pas apporter une grande importance à la lutte contre les feux de brousse, au problème de la coupe illicite, aux suivis en matière de respect des lois ou encore aux suivi des « Dina »(2). Acteurs, militants… tous ceux qui oeuvrent à la sauvegarde du Sohisika font donc face à un manque criant de volonté politique, qui nuit à la bonne protection du bois.  De façon logique, ce manque de volonté de l’Etat se répercute sur la conservation du Sohisika.

Depuis l’instauration du « Dina » dans  les années 2005, pas un seul pyromane n’a été « attrapé ». D’après un habitant d’Ankazobe, le Fokontany refuse de les attraper car ce sont des « gens du village », « Fihavanana (3) oblige », a ajouté Jean-Jacques Solofonirina, Président de l’association Sohisika. Le « Fihavanana » protège les malfrats environnants, ils savent que, non seulement ils ne se feront pas prendre, mais qu’en plus ils finiront par se faire pardonner.

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Des « aroafo » ou protection contre les feux, mis en place par les techniciens de l’association Sohisika.
cc: Tiasy
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La coupe illicite a laissé des traces dans la réserve d’Ankafobe. Ci-dessus, un arbre coupé avant la création de la réserve en 2005.
cc: Tiasy

Quant au gouvernement, il ne souhaite pas intervenir car cette situation est sans grande importance à ses yeux. Ce que le gouvernement considère comme des « petits délits » sont pourtant à l’origine de la dégradation de tout un écosystème !

Cette situation est d’autant plus étonnante quand on sait qu’il existe un cadre légal qui régit la conservation des ressources naturelles à Madagascar, et pas des moindres : Politique forestière, textes sur la Gestion locale des Ressources Naturelles Renouvelables du 10 septembre 1996, textes sur la Gestion Contractualisée des Forêts de l’Etat du 14 février 2001, le COAP.

Des lois bien écrites sur le papier, mais peu appliquées dans la réalité.

On constate que certains textes sont relativement récents, une prise de conscience politique a donc eu lieu, mais visiblement sans aucun effets.

Selon Nanie Ratsifandrihamanana, Directrice du Fonds mondial pour la nature ou WWF à Madagascar « la mise en application du cadre légal est LA  faiblesse dans la conservation des ressources naturelles. Aussi, ce qui manque, c’est une réglementation plus moderne et plus à jour pour les secteurs forestiers productifs. Le manque de continuité des activités est également un problème : après la crise politique de 2009, des projets qui avaient bien avancé n’ont pas bien repris jusqu’à maintenant ».

A Madagascar, le WWF est une des principales ONGs qui travaille avec l’Etat pour la conservation des ressources naturelles. La conservation du bois précieux est une des principales branches dans laquelle l’organisation collabore avec l’Etat et la société civile.

Manque de transparence budgétaire

Sur le plan financier, le doute plane. Que ce soit en matière de conservation du Sohisika ou en matière de conservation des ressources forestières, les chiffres dédiés à ces sujets demeurent flous, tout comme les procédures pour le déblocage de fonds, essentiellement originaires des ONGs.

La Direction régionale de l’Environnement, de l’Ecologie et des Forêts de la région Analamanga tente d’apporter des éclaircissements :

« Il n’existe pas de ligne budgétaire allouée à la Dreef Analamanga pour la conservation du Sohisika à Ankafobe. En ce qui concerne la protection des ressources forestières, la DREEF Analamanga dispose de deux lignes :

–          le PIP (Programme d’Investissement Public), budget alloué par l’Etat destiné à des opérations courantes et d’investissement constitué par des ressources propres de l’Etat ;

–          le budget AFARB (Action en Faveur de l’ARBre) alimenté essentiellement par les recettes générées par les redevances sur les produits forestiers ligneux et les produits forestiers non ligneux »,

a clarifié la Direction.

Il faut aussi préciser que toutes les opérations financières de ces budgets s’effectuent au niveau de la Trésorerie Ministérielle et ce, conformément aux procédures de la gestion des finances publiques.

La Dreef a également insisté sur le fait qu’il fallait « être prudent et veiller à ne pas faire double emploi avec certaines associations, car la Missouri Botanical Garden (MBG) finance déjà cette activité». C’est ainsi que la Dreef justifie sa position et son action : la non-ingérence du ministère dans les activités de l’association Sohisika en général.

L’Etat malagasy se cantonne donc à un rôle de délégant. Cette attitude apparaît pour le peu laxiste quant à la question de la conservation de l’arbre endémique Sohisika à Madagascar, une attitude qui est un véritable handicap à la bonne gestion d’un écosystème déjà menacé d’extinction.

Il y a pourtant un enjeu important, le Sohisika représente un gros potentiel économique pour l’île : il fait partie des destinations touristiques de la Route nationale 4, les visiteurs sont nombreux chaque année, parmi eux des étudiants et des chercheurs venant de l’étranger, des Etats-Unis en particulier.

La réserve d’Ankafobe fait ainsi partie des sources de revenu de la Commune Ankazobe. Malheureusement, elle demeure peu connue des nationaux ainsi que des étrangers. Le manque de considération de l’Etat n’arrange rien à cette situation. Au final, les villageois essaient tant bien que mal de conserver ce patrimoine d’une immense valeur en espérant qu’à l’avenir ils verront une meilleure implication des autorités étatiques.

(1) Le contrat de transfert de gestion établi entre le VOI, la DREEF Analamanga et la Commune Ankazobe comporte les éléments suivants :

–          Le Contrat en lui-même

–          Le Cahier de charges qui stipule les rôles et responsabilités des parties contractantes

–          Le Plan d’aménagement qui prescrit les activités afférentes.

(2) « Dina »: système de paiement d’amende mis en place par les Fokontany, communauté de base à l’échelle administrative, chargée de prendre en charge les affaires administratives dans une petielocalité délimitée au préalable

(3)   « Fihavanana » : valeur culturelle malagasy, principe de base dans la vie de société malagasy, mettant en avant l’entraide et la solidarité en toutes circonstances


Sauvons le Sohisika ! (Partie 1)

Le combat pour la conservation du Sohisika dure depuis treize ans et cela continue encore aujourd’hui… Sohisika, ou Schizolaena tampoketsana, l’arbre endémique qui pousse à Madagascar, plus précisément à Ankazobe, à l’Ouest de la Grande île, sur la Route nationale 4, dans la région de l’Analamanga. Le Sohisika, c’est un spécimen insolite de la nature qui se réfugie dans la réserve d’Ankafobe, où il est protégé, car il est actuellement en voie de disparition, cet arbre fait d’ailleurs partie de la liste rouge de l’IUCN Red List of Threatened Species.

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La réserve d’Ankafobe est située au Nord-Ouest de Madagascar, à l’extrémité Nord de la région Analamanga, à plus de 100 kilomètres de la capitale, Antananarivo.
cc: Réalisé avec Google Map

Le Dieu Sohisika, menacé d’extinction

Plus de 10 mètres de long, feuillage abondant, solitaire, il se distingue par sa manie de s’enraciner sur des sols instables, des sols secs, pleins de trous, à peine entourés de verdure. Le Sohisika fait partie des espèces endémiques de Madagascar et des espèces emblématiques de la région Analamanga, selon la classification du ministère de l’Environnement, de l’écologie et des forêts. On compte 203 pieds de Sohisaka dans la réserve d’Ankafobe, ce sont les derniers survivants des feux de brousse et de la coupe illicite.

Sohisika
Le feuillage du Sohisika est abondant et peut servir de parasol naturel.
cc: Tiasy
Sohisika
Le Sohisika pousse dans des terres instables : sec, plein de trous, à peine entouré de verdures.
cc: Tiasy

Les feux de brousse et la coupe illicite des bois précieux font partie des causes principales de la déforestation à Madagascar. La déforestation dans la Grande île est devenue une problématique nationale, ce sujet fait aujourd’hui partie des priorités de l’Etat malagasy.

Le bois constitue une des ressources naturelles les plus abondantes à Madagascar, c’est donc un élément essentiel de l’économie. Mais, aujourd’hui, cette ressource est sur le point de disparaître à cause d’une exploitation forestière à grande échelle. Cette exploitation est faite par de grandes sociétés, nationales et internationales, mais aussi par des particuliers, de plus, elle est souvent illégale. Les particuliers exploitent le bois pour en faire du charbon ou pour réaliser des trafics, ou encore, ils le brûle pour pratiquer le « tavy ». Le « tavy » est une forme de culture-sur-brûlis, une pratique utilisée en agriculture à Madagascar pour convertir la forêt tropicale en rizières, qui consiste à couper et à brûler le bois avant d’y planter du riz. Après un à deux ans de production, la surface est laissée au repos pendant quatre à six ans, le procédé est répété une à trois fois. Au bout du cycle, les nutriments du sol s’épuisent et la terre est envahie par de l’herbe.

Le « tavy » est une tradition très suivie dans la localité d’Ankafobe où on ne trouve de forêt que dans la réserve protégée.

Réserve d’Ankafobe

La réserve d’Ankafobe est peu étendue, sa surface est de 133 hectares (33 hectares de forêt et 100 hectares de savane et de forêt secondaire). Malgré cela, elle abrite une large colonie d’espèces rares(1). Selon le dernier inventaire, on compte actuellement plus de 200 espèces rares, dont 5 espèces endémiques(2).

Malgré sa petite taille, cette réserve abrite des lémuriens : primate endémique et emblématique de la région de Madagascar (comme on en trouve dans le long-métrage « Madagascar » à travers le personnage de King Julian).

Sohisika
Un lémurien de Madagascar.
cc: Pixabay

La réserve accueille environ 30 groupes de visiteurs par an, notamment des étudiants et des chercheurs. Les responsables proposent des visites avec plusieurs circuits possibles, on peut aussi faire du camping.

Pour l’amour du Sohisika : rouge-sang, rouge-flammes

A Ankafobe, les nuits sont longues. Il est 23 heures, Jean-Claude, les yeux lourds, sort du lit. Il se lève, sa main tâtonne au hasard pour attraper ses jumelles, son outil de travail principal. Jean-Claude est patrouilleur au sein de l’association Sohisika – auparavant dénommée VOI Sohisika ou Vondron’olona ifotony Sohisika(3), il est responsable de la surveillance des feux de brousse.

Chaque nuit, avec ses deux collègues patrouilleurs, ils se réveillent pour faire le guet. Ils prennent le soin de régler l’alarme de leur téléphone portable à la bonne heure. Toutes les heures, à tour de rôle. Ce soir, c’est au tour de Jean-Claude, il se réveille pour observer la nature à travers ses grosses jumelles. Sa mission : vérifier qu’aucun feu ne s’est déclenché dans les alentours.

Sohisika
Les responsables de l’association Sohisika (de gauche à droite): Solofo, le président ; Haja, le pépiniériste ; Ando, secrétaire général ; Jean-Claude, patrouilleur.
cc: Lucas Rakotomalala

Il prend donc ses jumelles et guette le voisinage. Tout semble normal… Tiens, une petite lueur orange semble danser dans le noir, à quelques mètres de la maison. Jean-Claude plisse les yeux. Un feu se serait-il déclenché ? Battements de cœur. Il regarde de plus près, attentivement. La lumière reste la même, elle semble s’éclaircir puis s’affaiblir, mais elle ne se meut pas… Ah, c’est juste la bougie qui éclaire la maison des voisins, en contre-bas. Ouf !

Pour l’amour du Sohisika, chaque nuit, Jean-Claude et ses deux amis patrouilleurs doivent donc subir ces moments de doute, qui créent à chaque fois un peu de tachycardie. Leur travail semble à priori simple, mais il exige en réalité une attention à toute épreuve et des nerfs d’acier.

« Nous travaillons dix jours par mois, car nous sommes trois. Nous commençons à sept heures et nous travaillons jusqu’à dix-sept heures. Nous utilisons des jumelles, un téléphone et un sifflet. En cas de feux de brousse, nous appelons immédiatement le Président de l’association et les autorités locales. Nous sifflons aussi pour alerter le voisinage », explique Jean-Claude.

Combat contre les feux de brousse

A Ankazobe, pour lutter contre un feu, il vaut mieux se situer en hauteur (c’est-à-dire sur la route, car la forêt se trouve à plus de dix mètres au-dessous).

« D’abord on ne capte pas le réseau en bas, en plus on accède plus vite au bureau (cqfd : le bureau de l’association Sohisika se trouve près de la route), ce qui est important car c’est là-bas que se trouvent les sacs à eau et les arrosoirs », explique Jean-Claude.

Dans cette localité de l’île, comme dans tout coin éloigné de la capitale, les pompiers ne sont pas encore installés, rien n’est prévu pour lutter contre les feux. Deux raisons expliquent cet état de fait : il n’y a pas de moyens de transport à disposition – le dernier taxi-brousse passe à quinze heures – et la sécurité n’est pas fiable. Les villageois luttent donc seuls contre les feux de brousse, et cela presque tout au long de l’année.

Selon Ando, Secrétaire général de l’association Sohisika, « il n’y a pas de saison pour les feux de brousse, il y en a presque toujours… Cela est avant tout dû à une coutume locale, car la plupart des habitants de la région pratiquent le « tavy ». Par ailleurs, le climat ici ne permet pas de maîtriser le feu. C’est sec, et il y a souvent du vent, les flammes se propagent donc malheureusement très vite ».

Sohisika
Les matériels de secours utilisés en cas de feux de brousse.
cc: Lucas Rakotomalala

Intégration de la communauté locale

Ankafobe est connue pour ses feux de brousse depuis plusieurs années. Dès 2012, des mesures ont été prises par le gouvernement pour lutter contre les feux de brousse : la mise en place du « dina » dans les Fokontany(4), obligeant tout individu « attrapé » pour avoir mis le feu ou coupé un bois illicitement à payer une amende. Autre mesure prise : la mise en place de brigades de contrôles au sein des forces de l’ordre.

D’après le document réalisé par l’Alliance Voahary Gasy (AVG) sur l’état des lieux de la gouvernance forestière à Madagascar en 2012, le gouvernement possède des stratégies pour faire appliquer la loi, tant au niveau régional que national. L’intégration de la société civile et de la communauté locale dans la lutte contre les feux de brousse ou encore dans le contrôle d’exploitation est un des éléments principaux de cette stratégie.

« Pour cette raison, un élément important de la méthode utilisée est de faire participer un grand nombre de représentants d’intérêts divers: des exploitants, des représentants d’associations et ONG, des représentants de communautés de base, de l’administration forestière et d’autres administrations concernées par la forêt, comme la Justice, le Foncier, les Forces de l’ordre public, les Douanes, etc. », cite le document.

Malgré ces stratégies, des lacunes subsistent dans la protection et la conservation du Sohisika. Les autorités gouvernementales sont mises en cause, le ministère de l’Environnement, de l’écologie et des forêts en particulier.

A suivre…

(1) espèce rare : en écologie, espèce qui ne pousse et ne vit que dans des zones spéciales (par exemple : sèches et chaudes), et que l’on ne trouve que dans des zones possédant ces caractéristiques

(2) espèce endémique : en écologie, espèce qui ne pousse et ne vit que dans une localité bien déterminée sur la planète entière (dans le cas présenté ici, seulement à Ankafobe)

(3) Vondron’olona Ifotony Sohisika : communauté locale responsable de la protection du Sohisika à Ankafobe.
L’association Sohisika est devenue une association en décembre 2017, suite à la demande de la Missouri Botanical Garden, ONG partenaire de l’association. elle est liée à la Direction régionale de l’Environnement, de l’écologie et des forêts, issue du ministère de l’environnement, son objectif : protéger les Sohisika.

(4) Fokontany : à l’origine, village malagasy traditionnel. Actuellement, communauté de base à l’échelle administrative, chargée de prendre en charge les affaires administratives dans une petite localité délimitée au préalable


SOS ! Je suis malagasy et je cherche des ailes à acheter !

Avis. Urgent ! Jeune femme malagasy d’Antananarivo, Madagascar, recherche des ailes à acheter. Etat 9/10. « Made in n’importe où » tant que cela est fonctionnel. De n’importe quelle couleur sauf jaune (je n’aime pas le jaune !)

Oui, vous l’aurez compris, je veux acheter des ailes ! Voici pourquoi :

Pourquoi je veux des ailes ?

Nous sommes le 25 juin, veille de la Fête de l’Indépendance à Madagascar. Contrairement aux autres années, cette fois-ci la Fête de l’Indépendance s’annonce bien discrète. Il est 14 heures, je suis à Betongolo, un quartier de l’Est de la capitale, près du centre-ville. Dans la rue, les passants ont un air renfrogné rien qu’à l’idée de devoir acheter le kilo du riz à 1 700 Ariary , soit environ 0,44 Euro. Peu de sourires dans les rues alors que ce soir tous pourront admirer les feux d’artifice, mais en ont-ils seulement envie ? D’ailleurs, les gens pensent plus à regarder le football à la télévision  qu’à aller admirer le fameux feu d’artifice que l’on regarde chaaaaaaaaque année depuis 60 ans tous les 25 juin à 19 heures. C’est devenu teeeeeeellement habituel…

Et oui, je résume ici en quelques lignes à quel point l’atmosphère est devenue morose – et le mot est faible – à Madagascar. On souhaiterait bien que cela change, sauf qu’on ne voit même plus comment. Ou plutôt si ! Moi je sais ! En m’achetant des ailes ! A quoi cela va-t-il servir, me demandez-vous ?

Je ne veux plus sortir de chez moi – ni la plupart des malagasy d’ailleurs – sauf si j’y suis obligée. Genre vraiment vraiment vraiment obligée ! Parce-que je ne ne veux pas passer trois heures dans les embouteillages !

Rouler en moto, dites-vous ? Les rues d’Antananarivo sont tellement serrées que les motos roulent sur les trottoirs ! (Je ne plaisante pas, c’est bel et bien le cas !)

Marcher dites-vous ? Les trottoirs sont envahis, comme je l’ai dit, par les motos, mais aussi par les voitures et les marchands de rues !

A tout cela s’ajoute l’insécurité qui fait que je peux me faire voler mon sac dans ma voiture, dans le bus, et même en pleine rue en marchant, sous le regard incrédule des passants.

C’est pourquoi je pense que peut-être avec des ailes, je pourrai à la fois éviter les embouteillages, les voitures, les motos, les marchands de rues, les pickpockets… Car c’est dans ce stress constant que je vis, que les malagasy vivent.

Quelle indépendance ?

indépendance de Madagascar
Le feu d’artifice pour marquer la Fête de l’Indépendance à Madagascar a lieu tous les 25 juin de l’année à 19 heures, heure locale.  cc: Tiasy

Je me disais aussi que peut-être, avec des ailes, les malagasy pourraient devenir « réellement » indépendants. Cela fait 58 ans que nous avons obtenu notre indépendance, et chaque année on se sent toujours plus dépendants de quelque chose ; peut-être pas des anciens colonisateurs, mais d’autres phénomènes.

Dépendants des embouteillages, dépendants de l’inflation, dépendants de notre voisin, dépendant du prêtre, dépendants du pasteur, dépendants de la Communauté internationale, dépendants des aides extérieures… Et même pire : dépendants de cette indifférence et de cette  incrédulité face à tout ce qui se passe dans le pays. De tout cela d’ailleurs, la dépendance à l’indifférence est la pire de toute.

C’est dans la tête que cela se passe. Une fois conscient de cette dépendance à l’indifférence, nous pourrons peut-être enfin commencer à faire quelque chose de notre pays.


Comment on vit le Mondial à Madagascar : top 5 des situations insolites !

Comme la « planète Football » toute entière, tous les quatre ans, les malagasy sont en pleine effervescence à l’idée de vivre un mois centré sur le ballon rond grâce au Mondial. Oui, tout tourne autour du ballon rond depuis une semaine ! Même la pauvreté !

Ce billet a été initialement publié sur tiasyraconte.mondoblog.org.

Voici le top 5 des situations les plus insolites en cette période de Coupe du monde, à Madagascar.

A Madagascar : un Mondial dans la pauvreté

Cela fait une semaine que la Coupe du monde de football a commencé. Mais cette année, l’atmosphère est un peu tendue que d’habitude à Madagascar : d’abord à cause de la crise politique, mais aussi parce-que, que pour la première fois depuis plusieurs décennies, le Mondial n’est pas diffusé en intégralité sur la télévision et la radio nationale malagasy ! Ce sont pourtant les seuls médias qui couvrent tout le pays et qui ont les moyens de diffuser les matchs (enfin, ça c’est ce que l’on croyait). Auparavant, à défaut de regarder les matchs, on pouvait les « écouter »  et crier « victoire ! » devant la radio. C’était le dernier espoir de plusieurs millions de malagasy qui ne peuvent pas s’offrir un poste de télévision. Et zut ! On ne peut même plus s’offrir ce plaisir radiophonique : les seuls matchs diffusés par la radio nationale sont ceux qui impliquent les pays africains, presque tous battus lors des éliminatoires (j’ai dit presque !). Aujourd’hui, à la veille des 8e de finale, les malagasy n’ont que le choix de suivre le Sénégal, et, peut-être le Nigéria…

En tout cas, cela ne nous empêche pas de dégoter des moyens (financiers et matériels) pour regarder les 64 matchs de la Fifa, et cela ne nous empêche pas aussi de nous faire de l’argent !

1-      Queue-monstre chez les opérateurs de TV satellite

Mondial à Madagascar
Queue-monstre devant un kiosque d’opérateur de TV par satellite, à Antananarivo.
cc: Tiasy

A Madagascar, pour les ménages à revenus moyens, pas question de rater la Coupe du monde de football 2018. Surtout si papa est un grand fanatique ! Il va obligatoirement trouver un moyen pour regarder les matchs, même si la chaîne de TV nationale ne veut pas les diffuser… C’est dans cet esprit que les opérateurs de TV par satellite et ADSL ont décidé de faire des promotions ! Une promotion qui marche bien – et qui court même – car on voit des queues-monstres qui se forment devant les kiosques d’opérateurs TV satellite. Et cela, tous les jours ! Et pas question de partir avant d’être abonné !

2-      Achat d’un poste de télévision

Chez les ménages à revenus un peu moins moyens, la TV n’a jamais été une priorité. On pouvait s’en passer… ce n’est pas grave si la chaîne nationale ne diffuse pas tous les matchs, au moins on en verrait quelques bouts même dans le journal du soir. Mais ça, c’était avant que la Coupe du monde arrive. Donc papa et maman vont cotiser pour acheter un poste de télévision, au grand plaisir des enfants.

 « On le revendra dans un mois, si les moyens nous manquent ! », a dit un homme sortant d’un magasin d’appareils électroniques, à Tsaralalàna.

3-      Vente de calendriers

Mondial à Madagascar
Un calendrier à 1 000 Ariary.
cc: Tiasy

Pour les librairies, les cyber-cafés, les épiceries mais aussi les marchands ambulants, la Coupe du monde est toujours une source de revenus sûrs. Ici, à Madagascar, ce n’est pas tout le monde qui a accès à Internet. Le calendrier du Mondial est inaccessible à la majorité de la population, et seuls les réseaux sociaux et les médias fournissent les programmes, un jour avant les matchs. Ainsi, des commerçants ont eu l’idée de télécharger des calendriers des matchs, de les imprimer et de les vendre. Les prix sont différents selon la qualité d’impression, les couleurs, le papier et la taille du calendrier. Les prix des calendriers varient de 200 Ariary (environ 0,05 Euros) à 1 000 Ariary (environ 0,28 Euros).

4-      Lecture du match

Pour les moins chanceux, la lecture du match est la meilleure option. Comment cela se passe ? On se connecte sur Facebook et on regarde les pages d’actualités football, ou on regarde simplement son fil d’actualités – un ami féru de football finira toujours par publier le score !

5-      Paris

(Non, ce n’est pas Paris la ville! Lol) Ce dernier paragraphe concerne les trois catégories de personnes citées ci-dessus, les plus riches comme les plus pauvres. Comme partout dans le monde, les pronostics se font, et les plus passionnés font des paris. Dans l’espoir de gagner de l’argent et de devenir millionnaire en un clin d’œil, de nombreuses personnes se mettent à parier : dans les kiosques prévus à cet effet, dans les bars, mais aussi en famille ou entre amis. Il y a des gens qui attendent tous les quatre ans pour dévoiler leur talent de parieur (comme moi !) Lol…


Comment on vit le Mondial à Madagascar : top 5 des situations insolites!

Comme la « planète Football » toute entière, tous les quatre ans, les malagasy sont en pleine effervescence à l’idée de vivre un mois centré sur le ballon rond grâce au Mondial. Oui, tout tourne autour du ballon rond depuis une semaine ! Même la pauvreté ! Lol.
Voici le Top 5 des situations les plus insolites en cette période de Coupe du monde, à Madagascar.

A Madagascar : un Mondial dans la pauvreté

Cela fait une semaine que la Coupe du monde de football a commencé. Mais cette année, l’atmosphère est un peu tendue que d’habitude à Madagascar : d’abord à cause de la crise politique, mais aussi parce-que, que pour la première fois depuis plusieurs décennies, le Mondial n’est pas diffusé en intégralité sur la télévision et la radio nationale malagasy ! Ce sont pourtant les seuls médias qui couvrent tout le pays et qui ont les moyens de diffuser les matchs (enfin, ça c’est ce que l’on croyait). Auparavant, à défaut de regarder les matchs, on pouvait les « écouter »  et crier « victoire ! » devant la radio. C’était le dernier espoir de plusieurs millions de malagasy qui ne peuvent pas s’offrir un poste de télévision. Et zut ! On ne peut même plus s’offrir ce plaisir radiophonique : les seuls matchs diffusés par la radio nationale sont ceux qui impliquent les pays africains, presque tous battus lors des éliminatoires (j’ai dit presque !). Aujourd’hui, à la veille des 8e de finale, les malagasy n’ont que le choix de suivre le Sénégal, et, peut-être le Nigéria…

En tout cas, cela ne nous empêche pas de dégoter des moyens (financiers et matériels) pour regarder les 64 matchs de la Fifa, et cela ne nous empêche pas aussi de nous faire de l’argent !

1-      Queue-monstre chez les opérateurs de TV satellite

Mondial à Madagascar
Queue-monstre devant un kiosque d’opérateur de TV par satellite, à Antananarivo.
cc: Tiasy

A Madagascar, pour les ménages à revenus moyens, pas question de rater la Coupe du monde de football 2018. Surtout si papa est un grand fanatique ! Il va obligatoirement trouver un moyen pour regarder les matchs, même si la chaîne de TV nationale ne veut pas les diffuser… C’est dans cet esprit que les opérateurs de TV par satellite et ADSL ont décidé de faire des promotions ! Une promotion qui marche bien – et qui court même – car on voit des queues-monstres qui se forment devant les kiosques d’opérateurs TV satellite. Et cela, tous les jours ! Et pas question de partir avant d’être abonné !

2-      Achat d’un poste de télévision

Chez les ménages à revenus un peu moins moyens, la TV n’a jamais été une priorité. On pouvait s’en passer… ce n’est pas grave si la chaîne nationale ne diffuse pas tous les matchs, au moins on en verrait quelques bouts même dans le journal du soir. Mais ça, c’était avant que la Coupe du monde arrive. Donc papa et maman vont cotiser pour acheter un poste de télévision, au grand plaisir des enfants.

 « On le revendra dans un mois, si les moyens nous manquent ! », a dit un homme sortant d’un magasin d’appareils électroniques, à Tsaralalàna.

3-      Vente de calendriers

Mondial à Madagascar
Un calendrier à 1 000 Ariary.
cc: Tiasy

Pour les librairies, les cyber-cafés, les épiceries mais aussi les marchands ambulants, la Coupe du monde est toujours une source de revenus sûrs. Ici, à Madagascar, ce n’est pas tout le monde qui a accès à Internet. Le calendrier du Mondial est inaccessible à la majorité de la population, et seuls les réseaux sociaux et les médias fournissent les programmes, un jour avant les matchs. Ainsi, des commerçants ont eu l’idée de télécharger des calendriers des matchs, de les imprimer et de les vendre. Les prix sont différents selon la qualité d’impression, les couleurs, le papier et la taille du calendrier. Les prix des calendriers varient de 200 Ariary (environ 0,05 Euros) à 1 000 Ariary (environ 0,28 Euros).

4-      Lecture du match

Pour les moins chanceux, la lecture du match est la meilleure option. Comment cela se passe ? On se connecte sur Facebook et on regarde les pages d’actualités football, ou on regarde simplement son fil d’actualités – un ami féru de football finira toujours par publier le score !

5-      Paris

(Non, ce n’est pas Paris la ville! Lol) Ce dernier paragraphe concerne les trois catégories de personnes citées ci-dessus, les plus riches comme les plus pauvres. Comme partout dans le monde, les pronostics se font, et les plus passionnés font des paris. Dans l’espoir de gagner de l’argent et de devenir millionnaire en un clin d’œil, de nombreuses personnes se mettent à parier : dans les kiosques prévus à cet effet, dans les bars, mais aussi en famille ou entre amis. Il y a des gens qui attendent tous les quatre ans pour dévoiler leur talent de parieur (comme moi !) Lol…


A la rencontre de Fary, le faiseur de jus de canne-à-sucre

Du jus de canne-à-sucre, on peut en trouver à tous les coins de rue à Madagascar, notamment à Antananarivo, la capitale. J’ai goûté à ce délice pour la première fois de ma vie chez Fary, un faiseur de jus de canne-à-sucre qui vend sur la zone Est de la ville. Petite séance de dégustation à laquelle j’ajoute une séance d’interview !

Le jus de canne-à-sucre de Fary

« Fary ». En malagasy cela signifie « canne-à-sucre ». C’est également la dénomination dont a hérité ce jeune homme faiseur de canne-à-sucre. Son petit stand se trouve au terminus d’un bus, dans un quartier appelé « Mausolée », à l’Est d’Antananarivo. A Madagascar, on a l’habitude d’appeler les gens, notamment les vendeurs, par le nom du produit qu’ils vendent. Par exemple, « Mofo »(1) pour le vendeur de pain, « Ronono »(2) pour le vendeur de lait…

Fary fait du jus de canne-à-sucre et vend à Mausolée depuis cinq ans maintenant. Simple et modeste, ce jeune homme est consciencieux et serviable. En nous voyant arriver, mes amis et moi, il nous a accueillis avec un grand sourire. Cela me change de ces hôteliers et restaurateurs malagasy qui affichent un air aigri alors que vous leur demandez le menu…

« Bonjour ! Vous désirez ? », lança-t-il avec entrain.

Je ne suis pas très « jus-de-canne-à-sucre-bord-de-la-route », question d’hygiène et de propreté… mais j’avais trop soif ! En plus, mon ami m’avait recommandé le jus de « fary » de Fary, car il est vraiment très bon. J’ai donc décidé d’y goûter, et ce que je bus ne me déçut pas !

De plus, Fary était très accueillant, très ouvert, et la machine ainsi que la façon dont il l’utilisait pour l’obtention de ce juteux breuvage, me fascinaient.

Après trente secondes de pression, voici le jus de canne-à-sucre, prêt à être consommé !

fary
Fary, le faiseur de jus de canne-à-sucre.
cc: Tiasy

 

Faiseur de canne-à-sucre, un travail difficile

Fary travaille sept jours sur sept et plus de huit heures par jour. Il ne s’arrête que quand sa machine l’y oblige, question d’entretien.

La machine pour faire du jus de canne-à-sucre est importée d’Allemagne ou d’Inde, elle est vendue dans la Grande île 1 million d’Ariary, soit environ le triple du salaire moyen mensuel à Madagascar. Les faiseurs de jus de canne-à-sucre reçoivent heureusement une remise de 10%, comme l’explique Fary.

Cet investissement est amorti en quatre à cinq mois, « raha tena miafy be! »(3), comme le souligne Fary.

Le jeune homme gagne 50 000 Ariary à 60 000 Ariary par jour –  entre 10 et 17 Euros. Il vend son jus à 500 Ariary – 0,14 Euro- contre 300 ou 400 Ariary en centre-ville. Il justifie son prix par la très bonne qualité de son produit.

« Mon canne-à-sucre provient d’Ambohimanambola(4). J’en prends presque chaque jour de bon matin. Le « fary » est conservable, mais rien de mieux que du « fary » frais pour un bon produit », rapporte-t-il.

La canne-à-sucre possède de nombreuses vertus : elle contribue à la purification du sang, elle donne de l’énergie, elle stabilise la tension et, même si elle est sucrée, son sucre naturel permet de soigner le diabète ! Eh oui, c’est Fary qui m’a appris tout ça !

 

(1)    « Mofo » : mot malagasy pour désigner le pain
(2)    « Ronono » : mot malagasy pour désigner le lait
(3)    « raha tena miafy be ! » : expression malagasy qui signifie littéralement « si tu fais vraiment beaucoup de sacrifices ! »
(4)    Ambohimanambola : quartier au Sud-Est d’Antananarivo


Portfolio de la ville de Manakara!

Quelques photos de la ville de Manakara! Notamment de la plage. C’est peu mais vous pouvez avoir un avant-goût de cette contrée sauvage du Sud-Est de Madagascar. Vous pouvez également voir une vidéo sur ma page Facebook: https://web.facebook.com/Tiasy-Channel-823774704493299/


Internet, l’intouchable caverne d’Ali Baba pour les jeunes malagasy de Manakara

Manakara – Madagascar. Ici, on rêve de liberté, de richesse, d’aventures… Mais aussi de maîtriser l’internet, cette révolution qui a apporté un changement radical dans le monde.

Les jeunes de Manakara

[Découvrez le portfolio de la ville sur https://tiasyraconte.mondoblog.org/2018/04/30/portfolio-manakara/]

Manakara est une ville côtière située dans le Sud-Est de Madagascar, à 570 kilomètres de la capitale (Antananarivo). L’évolution de la technologie a du mal à franchir les frontières de cette contrée encore indomptée par l’homme, et le mot « internet », bien que connu et entendu de tous, et employé quotidiennement, n’est pas encore complètement compris. Pour les adultes comme pour les jeunes, la notion de l’Internet demeure vague… ici l’internet ne fait pas partie du quotidien, loin de là ! Entre « ordinateur » et « internet », seule une poignée de personnes pourrait expliquer la différence.

Depuis le mois d’avril, je participe bénévolement au projet « Voices Of Youth » initié par l’Unicef Madagascar. Ce projet donne aux jeunes l’opportunité de découvrir l’internet et d’utiliser les outils numériques pour s’exprimer sur les domaines qui leur tiennent à cœur. Dix jeunes ont été sélectionnés dans chaque lycée de quatre localités  de la Grande île : Antananarivo, Manakara, Ambatolampy et Ihosy. Les techniques de création de blog et d’écriture d’articles leurs ont été données grâce à cette formation. Ils ont pu s’exprimer à travers leur propre blog ! J’ai participé à la formation à Manakara, ma visite dans cette ville côtière a été une révélation.

jeunes malagasy de Manakara
La cour du lycée Sileny Manakara.
cc: Tiasy

Les jeunes Manakarois sont des personnes assez introverties mais très sympathiques. Au début ils ne sont pas bavards, mais une fois qu’on a fait connaissance et après les premiers échanges, leur timidité tombe et ils se mettent à parler beaucoup ! J’ai vraiment apprécié les dix lycéens qui ont suivi la formation la semaine dernière. Ils étaient réceptifs et écrivaient avec beaucoup de sensibilité. Mais la formation a été rude car très peu d’entre eux avaient des notions informatiques, et c’est compliqué de partir de zéro ! Mais la curiosité et la volonté d’apprendre se lisait dans leurs yeux.

A la découverte d’Internet

En voyant le mot « Google » projeté sur l’écran, les élèves découvraient une nouvelle réalité et demeuraient figés, comme incertains, face à cette nouveauté. Je ne saurai expliquer ce mélange d’étonnement et d’engouement qui se lisait dans leurs yeux. Découvrir l’Internet, pour ces jeunes, c’était comme découvrir la caverne d’Ali Baba.

Tout était merveilleux pour eux : menu Démarrer, recherche de programmes, Microsoft Office Word… Tout cela a pris un certain temps car il n’y avait pas d’ordinateurs pour pratiquer, le cours était donc surtout une leçon théorique. Aussi, la création d’un compte Gmail a été pour eux un grand pas en avant. Difficile à croire, mais parmi ces jeunes élèves, certains n’avaient jamais entendu parler de la notion d’e-mails, le courrier électronique était une chose inconnue. J’étais à la fois triste et pleine de compassion face à cette réalité choquante dans mon pays. Comment la fracture numérique pouvait-elle être aussi flagrante? Je leur ai donc expliqué le concept de l’e-mail, son utilité et sa différence avec Facebook – question que les élèves ont d’ailleurs posée. Parmi les modules à enseigner il y avait la création d’un compte Voices Of Youth sur le site du même nom, mais aussi la création d’un blog sur Internet, via des plateformes telles que WordPress et Medium. Nous avons vu tout cela ensemble.

jeunes malagasy de Manakara
Un membre de l’équipe de l’Unicef en pleine présentation du blog Voices of Youth.
cc: Tiasy

Les jeunes de Manakara ont été submergés et impressionnés face à l’opportunité qui s’offrait à eux. Tellement de possibilités pour s’exprimer et se faire entendre, c’est forcément impressionnant! Ces jeunes n’avaient pas une représentation réelle de ce qu’est l’internet : l’univers de l’internet leur semblait limité, notamment limité à Facebook (réseau social le plus utilisé à Madagascar). Mais grâce à la formation, l’internet était devenu une vraie caverne d’Ali Baba où tous les trésors de l’univers pouvaient être dénichés. Une véritable découverte ! Malheureusement, une certaine tristesse se lisait dans leurs yeux car ils savaient que,malgré cette possibilité illimitée sur la toile, ils étaient, eux, limités par l’argent…

Internet à Madagascar

Si à Antananarivo, le tarif minimum pour surfer dans les cyber-cafés – oui, les cyber-cafés existent encore à Madagascar et font partie des principaux moyens d’accès à l’internet – est actuellement de 15 ariary par minute, à Manakara, une minute coûte 50 Ariary ! Et, en plus d’être chère, la connexion n’est pas encore assez rapide. Dans une ville où l’argent de poche quotidien moyen d’un lycéen est de 1 000 Ariary (0,3 euro environ) et où un plat coûte au moins 1 200 Ariary, les jeunes économisent pour manger plutôt que pour se connecter dans les cybers. La connexion est donc moins facile d’accès dans cette partie de l’île, d’où leur retard dans le numérique. D’autre part, bien que les lycées publics malagasy soient tous dotés d’une salle numérique, la plupart n’ont pas assez d’argent pour s’offrir une connexion illimitée.

Moins de 5% de la population a accès à internet à Madagascar (d’après les statistiques 2016 de « Internet Live Stats »). Lors d’un sondage que j’ai mené sur une frange de lycéens, à Antananarivo comme dans les provinces, j’ai découvert qu’ils sont 7 sur 10 malagasy à consommer en moyenne 10 mégaoctets par jour, (cela correspond à la consommation minimale proposée par les opérateurs téléphoniques grâce à des tarifs de 100 ariary par jour (0,03 euro) et qui offre une connexion à Facebook uniquement). Dans un pays où la population vit avec moins de 1 euro par jour, ce coût est encore très élevé.

Voilà, entre autre, les raisons pour lesquelles Madagascar ne fait pas bon ménage avec Youtube, on comprend pourquoi les internautes malagasy utilisent plus Facebook que Twitter ou tout autre réseau social, pourquoi les sites web du pays n’enregistrent que 30 visites par jour, et pourquoi l’internet semble si merveilleux mais intouchable pour nos jeunes malagasy…

 


Top 5 des réponses les plus fréquentes quand on fait une interview à Madagascar

Savoir mener une interview fait partie du travail de journaliste. Bien que cette tâche paraisse simple de prime abord, c’est en réalité une tâche assez difficile. Une interview peut aussi parfois s’avérer tout simplement barbante et même franchement pas motivante… Surtout quand on fait une interview à Madagascar (oops!) Pourquoi ? Eh bien parce que les personnes qui répondent à nos questions peuvent afficher une froideur qui nous glace, ou une certaine réserve, et parfois même une totale indifférence… Pas facile de mener une interview dans ces conditions ! Depuis quelques mois que j’observe attentivement les réactions des malgaches, je suis arrivée à établir la liste des 5 réponses les plus fréquentes que les journalistes reçoivent suite à leurs questions. Attention, voici donc la liste exhaustive des réponses données aux journalistes à Madagascar ! (Et non, je ne vise personne !)

interview à Madagascar
Les interviews sont parfois difficiles à gérer.
cc: Pixabay

Top 5 des réponses les plus fréquentes données lors d’une interview à Madagascar

(Remarquez que cet article est rédigé dans un ordre décroissant).

5) La réponse « moment opportun » : Cette réponse vient en cinquième position. C’est la cinquième réponse la plus probable qu’un journaliste malagasy obtiendra s’il interviewe une personne moyennement bavarde. Si on fait cinq à sept interviews par jour en moyenne, on est sûr d’entendre ce type de réponse au moins une fois dans la semaine ! Celle-ci est souvent donnée par un officiel à une conférence de presse, en général au moment où l’on commence à lui poser des questions précises sur un sujet en particulier plutôt que sur le thème de la conférence.

« Euh… Ce n’est pas le sujet du jour. Veuillez me poser cette question un autre jour, quand le moment sera plus opportun ! »

C’est la réponse que vous aurez dans 80% des cas (estimations personnelles), et vous aurez moins de 10% de chance d’identifier ce fameux « moment opportun » dont il ou elle parle tant !

4) L’ignorance : Cette réponse vient en quatrième position. Sur 5 questions posées, une au moins des questions aura pour réponse un « je n’en sais rien, je ne sais vraiment rien sur ce sujet  ». Celle-ci est en général donnée quand une personne n’a pas le droit de divulguer l’information recherchée ou tout simplement lorsqu’elle n’est pas en mesure de le faire. Mais parfois, cette réponse est une bonne excuse pour les  officiels, cela leur permet d’échapper aux questions des journalistes qui ne leur plaisent pas.

interview à Madagascar
La presse à Madagascar, une presse qui se bat pour la liberté.
cc: Tiasy

3) Le refus : « Je ne peux pas répondre à cette question, je suis désolé(e) ». Cette réponse vient en troisième position. Sa fréquence, la probabilité qu’un ou une journaliste la reçoive, et les raisons pour lesquelles l’interviewé(e) la donne, sont exactement similaires à celles du cas n°4.

2) La réponse du donneur de leçons : Ah celle-là je l’adore ! Sur des milliers de personnes interviewées, il faut bien qu’à un moment donné, le ou la  journaliste tombe sur un donneur de leçons. Portrait type de l’interviewé(e) donneur de leçon : souvent en costume-cravate ou tirée sur quatre-épingles, souvent assez corpulent(e), souvent des lunettes, souvent dans la cinquantaine… Dès que vous commencez à parler il ou elle vous scrute scrupuleusement, regard perçant derrière leur lunette, et il/elle attend que vous finissiez votre question pour vous répondre directement par  :

 « Ce n’est pas la question que vous devriez poser. En tant que journaliste, vous devriez plutôt… / Vous devriez savoir que … »

Une réponse suivie d’une longue leçon de morale et d’un cours interminable sur le respect de l’éthique et de la déontologie du journalisme. Ce genre de personne, le journaliste la rencontre au moins une fois par an.

1) L’incompréhension : souvent, la première réponse donnée par les interviewés est « je suis désolé(e), je ne comprends pas votre question ». Réelle ou feinte, cette incompréhension nuit évidemment à l’interview. Heureusement, il suffit de reprendre la question et de la poser autrement pour continuer l’entretien. Mais, si cette incompréhension est feinte, la réponse donnée par l’interlocuteur à la question suivante sera probablement l’une des quatre réponses énumérées ci-dessus.

Eh oui… pour éviter certaines questions, les personnes interviewées peuvent trouver toutes sortes d’excuses ! Mais heureusement les bons journalistes sont rodés à ce genre de situations et ils ont appris à déjouer ces pièges afin de pouvoir faire correctement leur métier ! Cela fait du travail de journaliste un métier intéressant, plein d’obstacles (petits ou grands) et plein de surprises !


La « possible » dépénalisation de l’avortement à Madagascar bouleverse la bienséance

« Dépénaliser l’avortement à Madagascar ? Non mais vous êtes fou ?… Comment peut-on même y penser ? » C’est la première réponse que l’on pourra lire dans les commentaires sur les réseaux sociaux, que l’on entendra dans toute conversation publique, que l’on recevra de nos parents et grands-parents… Et pourtant, les murmures se font nombreux depuis quelque temps maintenant… Et oui, la société malagasy évolue. Des individus, femmes et hommes, souhaitent la dépénalisation de l’avortement.

7,69% des décès maternels dus à l’avortement

A Madagascar, comme dans beaucoup de pays d’Afrique, l’avortement et tout ce qui concerne la santé sexuelle et la sexualité en elle-même, demeure un sujet tabou. En parler est encore très difficile et les gens qui osent en parler brisent littéralement les règles de la société, très conservatrice en matière de sexualité. Pourtant, il faudra bien briser les règles, car la société évolue : les avortements clandestins sont devenus monnaie courante dans la Grande île. Or, l’avortement clandestin est très dangereux pour les femmes (qui risquent leur vie) et c’est devenu tellement courant que cela devient un fait alarmant pour les autorités (en terme de santé publique).

dépénalisation de l'avortement à Madagascar
Des solutions doivent être trouvées pour dépénaliser ou tout simplement atténuer l’avortement à Madagascar.
cc: Pixabay

Selon une étude menée dans des cliniques hospitalières publiques de la capitale (Antananarivo), 75 000 avortements clandestins sont pratiqués chaque année dans la Grande île. Sur ces 75 000 avortements, près de 575 décès sont enregistrés. Ces chiffres sont sous-estimés, car il s’agit des cas enregistrés auprès des hôpitaux que des femmes ont rejoints après avoir été victimes de complications suite à un avortement non sécurisé (1). En réalité, le nombre de décès dû aux avortements clandestins est bien plus important. D’ailleurs, toujours selon cette étude, 7,69% des décès maternels sont dus à des avortements non sécurisés dans la Grande île.

Des études de l’Institut national de santé publique et communautaire (INSPC) en 2013 intitulé « Interruption volontaire des grossesses clandestines » ont aussi démontré que 53,5% des jeunes femmes entre 15 et 24 ans en milieu urbain avaient fait au moins un avortement pour l’année 2007, à Madagascar.

« Cela n’est pas un cas particulier : environ 50% des femmes dans l’âge de la quarantaine ont déclaré avoir eu recours au moins une fois à l’avortement avant l’âge de 25 ans », lit-on dans la presse locale malagasy.

La majorité des femmes qui ont avorté n’ont pas eu recours à des méthodes contraceptives lors du rapport sexuel, elles ont choisi d’avorter essentiellement à cause des contraintes sociales et psychologiques qu’elles rencontrent : peur du regard de la société, menaces de la part de sa famille ou de celle du père de l’enfant, menaces directes de la part du père de l’enfant, contraintes religieuses, peur d’un avenir incertain… bref, pour ces femmes, le contexte dans lequel elles se trouvent à ce moment là les poussent à avorter.

Depuis plus d’un an maintenant, les cas d’avortement non réussis se multiplient à Madagascar. Plus la pratique de l’avortement est interdit dans la Grande île, plus celui-ci se fait incognito. Quand ce n’est pas un médecin – pas forcément un spécialiste – qui le fait, c’est la femme elle-même qui se cure l’utérus – oui, c’est arrivé ! Une femme malagasy s’est curée son utérus avec des aiguilles à tricoter… cette pratique peut paraître étonnante, mais elle se retrouve ailleurs, dans les pays où l’avortement est interdit.

Face à cette terrible réalité, des associations et plateformes, notamment féministes, appellent ainsi à la légalisation et à l’autorisation de l’avortement. Mais cette possibilité secoue la société, la religion et la culture malagasy.

Problématiques sociétales, culturelles et religieuses

dépénalisation de l'avortement à Madagascar
Les mères de famille ont haussé le ton lors de la conférence-débat qui a eu lieu à la Librairie Mille Feuilles Behoririka, hier.
cc: Tiasy (pour Book News Madagascar)

L’avortement est très risqué car la loi est sévère : quelle que soit la raison de l’avortement (qui peut aussi faire suite à un viol ou à un inceste), il est passible de sanction sévère pour la femme, pour le médecin et pour tout autre personne, ayant contribué de près ou de loin à cette action. La loi exige une peine, allant de 6 mois à 10 ans de prison, suivant la responsabilité des concernés, et une amende de 360 000 à 21 600 000 Ariary.

Face à une possible dépénalisation de l’avortement à Madagascar, la société malagasy confirme son rôle accusateur et hypocrite. Comme l’a expliqué Mbolatiana Raveloarimisa, activiste des droits humains, lors de son intervention à la Librairie Mille Feuilles Behoririka à l’occasion d’une conférence-débat sur l’avortement : la communauté malagasy aime faire porter le chapeau aux autres.

Une femme qui a avorté sera automatiquement qualifiée de « meurtrière » dans la Grande île, c’est l’état d’esprit de beaucoup de gens ici, d’autant plus que la législation malagasy soutient cette logique religieuse. La société malagasy est une société hypocrite. Elle se cache derrière la religion et la loi plutôt que de regarder la réalité en face. Pourtant la société est l’auteure de nombreux méfaits qui sont tout aussi punissables que l’avortement  : le viol, l’adultère – tellement mais tellement courant ! –  Comment les femmes peuvent-elles s’y retrouver ? Malheureusement, les sanctions sont plus théoriques que pratiques à Madagascar et, dans les faits, les condamnations sont presque inexistantes.

Certains individus avancent la théorie selon laquelle « l’avortement ne fait pas partie de la culture malagasy », et pourtant, selon un anthropologue, « l’avortement a été pratiqué à Madagascar bien avant que l’on ne sache même que cela s’appelait « avortement ». Tout comme aujourd’hui, à l’époque des femmes avortaient incognito, avec l’aide d’une tierce personne ». Cela a toujours existé, dans toutes les sociétés et depuis toujours. La dépénalisation de l’avortement est en général le résultat d’un long processus, d’une prise de conscience au sein d’une société. Et le dépénaliser ne signifie pas le banaliser, parce-que l’avortement restera toujours un acte douloureux pour les femmes, tant au niveau physique que psychologique. Il s’agira toujours pour les femmes de faire le maximum pour éviter à avoir à vivre un avortement. Mais au moins, lorsqu’il sera encadré, il pourra se faire dans des conditions médicalisées et donc sans risque de perdre la vie. Aussi, pour l’éviter le plus possible, les autorités n’ont pas d’autre choix que d’éduquer les femmes (et les hommes !). Eduquer et toujours éduquer, à la procréation mais aussi aux méthodes contraceptives pour éviter l’avortement clandestin.

une possible dépénalisation de l’avortement à Madagascar
Le foetus est un être vivant à part entière.
cc: Pixabay

Il faut savoir que la religion joue un grand rôle dans la possibilité de dépénaliser ou non l’avortement à Madagascar. Selon un docteur ayant travaillé de près avec le ministère de la Population au cours des dernières décennies, à un moment, un projet de dépénalisation de l’avortement avait été lancé par le Gouvernement malagasy de l’époque. Toutefois, les catholiques et plusieurs membres du gouvernement s’y sont fermement opposés.

« Ce qui a eu pour effet l’impossibilité de ratifier une Convention relative aux Droits de la femme », a rapporté la source anonyme.

D’autre part, sur le plan médical, le Code de déontologie médicale autorise l’avortement dit « thérapeutique » (interruption volontaire de grossesse pour motif médical), mais sur le plan législatif, celui-ci est strictement prohibé. Il y a donc pour les médecins une contradiction entre la déontologie médicale et la loi.

Des solutions à proposer

D’après Olivia Rajerison, juriste, la loi interdisant l’avortement doit être revue.

« La loi doit coller aux réalités qui existent dans le pays », a-t-elle souligné hier, à Behoririka.

Une loi qui ne colle plus aux réalités de la société n’en est plus une. Quand la société évolue, la loi doit accompagner cette évolution, sinon, la loi n’est plus adéquate aux réalités, elle n’a donc plus aucun sens. Est-ce que les autorités concernées sont conscientes de cela ?

Des solutions peuvent être proposées pour dépénaliser ou tout simplement atténuer l’avortement à Madagascar : plaidoyer, mouvement de manifestation pacifique, sensibilisation des jeunes filles, jeunes femmes et femmes, renforcement et application des sanctions pour les crimes et délits portant atteinte à la vie, mais aussi une meilleure éducation et une responsabilisation de tout un chacun (femmes ET hommes). Dans cette responsabilisation, il ne faut pas oublier les hommes, qu’ils soient des hommes politiques, des hommes d’églises, des hommes de bureaux ou du monde du business, ou de simples hommes qui vivent dans la société et donc en compagnie des femmes ! Car les hommes ont aussi une responsabilité dans la procréation et donc dans la contraception si un enfant ne peut être accueilli dans de bonnes conditions.

(1)avortement non sécurisé: un avortement effectué dans un milieu non spécialisé à cet acte: maison familiale, dans le cabinet d’un médecin généraliste, dans le cabinet d’un dentiste…, et réalisé avec des matériels non spécialisés


En quête d’inspiration, je rencontre Maitsoan’ala Vaky Sôva à Madagascar

Cinq jeunes hommes chantonnant du « sôva »(1) à tue-tête en plein milieu du jardin d’Antaninarenina, voilà ce qui m’a inspiré de bon matin. Ça change un peu de toutes ces émotions négatives qui me submergent en ce début d’année.

Maitsoan’ala Vaky Sôva

C’était un jeudi matin. La chaleur de l’été était étouffante et les embouteillages étaient intenses à Antananarivo. Je venais de sortir d’un hôtel quatre étoiles à Antaninarenina, un quartier de la capitale, après avoir découvert une salle vide où seuls quelques journalistes discutaient encore, au milieu de serveurs qui collectaient les derniers verres vides. J’avais raté la conférence de presse !

Je ressortais, assez embêtée et surtout déçue par les aléas de la vie, quand j’entendis un écho de chansonnette venant de l’autre bout de la rue, du côté du jardin d’Antaninarenina. Je traversai. J’aperçus cinq jeunes hommes en « malabary »(2) bleu et pantalon, dont un avec un « amponga »(3), un autre avec une « gitara kabôsy »(4) et un dernier avec un « korintsana »(5). Je vous présente le groupe Maitsoan’ala Vaky Sôva. Ils étaient cinq : cinq hommes en train d’interpréter à tue-tête un morceau assez singulier – que personne n’avait encore entendu, j’imagine, car c’était un de ces groupes de rue qui collectent de l’argent en chantant devant les arrêts-bus, « tohatoha-bato »(6) et autres lieux de la ville.

Cheveux longs pour certains, en rasta pour d’autres, les chanteurs évoquaient d’une simplicité sans pareille, mélangée à cette personnalité que l’on retrouve chez les petites gens des quartiers populaires de la capitale.

Maitsoan'ala vaky sôva
Maitsoan’ala Vaky Sôva. Désolée pour la mauvaise qualité de la photo, mauvais appareil…
cc: Tiasy

Avec un timing et une harmonie parfaite entre le chanteur et les choristes, les cinq hommes démontraient clairement qu’ils avaient le rythme dans la peau. Sans le moindre moyen de sonorisation, les voix et les instruments de nos musiciens étaient pourtant tout à fait audibles.

Une foule monstre était rassemblée devant le jardin d’Antaninarenina, attentive à la musique et aux paroles que ces hommes semblaient rapporter avec une détermination et un charisme que je n’aurai su nommer. C’était la première fois que je voyais autant de monde rassemblé devant un groupe de rue. Une foule cosmopolite d’ailleurs, mélangeant « Vazaha »(7) et « gasy »(8). Le public était ensorcelé par les chansons de Maitsoan’ala.

Maitsoan'ala vaky sôva
Le « tohatoha-bato » ou escalier d’Antaninarenina, un monument historique d’Antananarivo.
cc: madascope.com

Un brin d’espoir dans la pauvreté

Les chansons de Maitsoan’ala, mélangeant le genre reggae du bon vieux Bob Marley au genre traditionnel malagasy, le « sôva », parlaient de la vie du Malagasy dans son ensemble. Pauvreté, religion, amour de la patrie, corruption, magouilles politiques, tout y était dénoncé. Des chansons écrites et composées par les membres du groupe même, et pourtant incroyablement bien argumentés. Cela faisait un bail que je n’avais pas entendu des paroles de chansons aussi explicites et pertinentes, en parlant de chansons malagasy. Les artistes malagasy d’aujourd’hui ne trouvant rien d’autres à chantonner que cœur brisé, « chéri je t’aime » et « roule, ma poule ! »

Leurs textes incitaient les Malagasy à se protéger, à se battre contre l’injustice, à reprendre les rênes dans un pays ou le « gaboraraka »(9) faisait la loi.

En les écoutant, on sentait émerger en nous un sentiment de culpabilité, de mélancolie mais aussi de joie et d’espoir. De la culpabilité, parce que ces hommes étaient sûrement des pères de famille, des frères et des oncles, qui, suite aux aléas de la vie, se sont retrouvés au chômage et ont décidé de chanter dans les rues pour survivre. Et ils assumaient tellement bien leur rôle. Mieux, ils éduquaient leurs concitoyens en leur dédiant des chansons à texte qui incitent à la prise de conscience. De la mélancolie parce que vous ne pouvez rester de marbre devant leur simplicité à fleur de peau, avec leurs « kapa scoubidous » (10)  et leur sac-à-dos à la fermeture abîmée. De la joie parce et de l’espoir parce que vous vous sentez quand même plus optimiste en voyant que des citoyens malagasy osent encore hausser la voix et mener une lutte pacifique. De plus, ce sont des citoyens qui n’ont pas honte d’eux-mêmes et qui osent s’affirmer en toute honnêteté et transparence.

Je ne peux que tirer mon chapeau pour ces hommes aux talents extraordinaires et aux qualités exemplaires. Ils ont illuminé ma journée, et celle de beaucoup d’autres Malagasy !

 

(1) « sôva » : sorte de poésie traditionnelle de la tribu « Tsimihety » (celui qui ne se coupe  pas les cheveux) localisée dans le Nord-Ouest de Madagascar
(2)  « malabary » : vêtement malagasy traditionnel, destiné aux hommes ou tenue malagasy traditionnelle masculine principalement vêtue par les petits garçons lors de leur circoncision
(3) « amponga » : dénomination du tambour malagasy
(4) « gitara kabôsy » : dénomination de la guitare malagasy
(5) « korintsana » : dénomination d’un instrument traditionnel malagasy, sorte de grelot
(6) : « tohatoha-bato » : escalier en pierres
(7) : « Vazaha » : dénomination des étrangers à Madagascar
(8) : « gasy » : abréviation pour « malagasy »
(9) : « gaboraraka » : mot malagasy regroupant la débandade, le manque de savoir-vivre et le manque de discipline
(10) : « kapa scoubidous » : les sandales ou « kapa » sont fabriqués principalement en plastiques ou « scoubidous » à Madagascar


Une vie passée à se moucher

Il était une heure du matin. L’heure des allergies pour moi ! L’heure de me moucher, comme d’habitude, depuis presque un quart de siècle maintenant. Et oui, en cette fin d’année, alors que tout le monde est impatient d’accueillir la nouvelle année à Madagascar et ailleurs, je n’ai rien trouvé de mieux à écrire : les 22 années que j’ai passé à éternuer et à me moucher.

Je ne peux pas vivre sans me moucher

Je ne peux pas vivre sans me moucher ! Oui, c’est vrai. Ceci n’est pas une blague. Je suis une de ces personnes qui doit obligatoirement se promener avec un mouchoir dans son sac, et pas un mouchoir à jeter hein ! Ça ne suffirait pas du tout. Un vrai mouchoir en tissu, comme dans les films, autrement je risque de me salir tout le visage avec ma propre… Beurk ! Ok, on arrête ! Vous avez sûrement compris !

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Un mouchoir à jeter ne me suffit pas. Il faut un vrai mouchoir en tissu.
cc: Pixabay

Bref, c’est une vraie torture. D’ailleurs, je suis tellement « addict » au mouchoir que si j’oublie d’en mettre un dans mon sac en sortant, je me sens mal. Oui, c’est comme oublier ses écouteurs (la génération Y a compris !). C’est comme sortir de la maison sans slip ou sans caleçon…

Se moucher : l’histoire de toute une vie

Dès ma plus tendre enfance, j’ai été une habituée du mouchoir. Quand j’étais bébé, j’avais déjà le nez bouché au quotidien. Je n’arrêtais pas d’éternuer dans mon berceau, notamment la nuit. Ma mère passait son temps à m’essuyer le nez… En préscolaire, ma mère vérifiait toujours que j’avais un mouchoir dans mon sac-à-dos. En primaire, je me mouchais environ une dizaine de fois rien que dans la matinée. Lors des examens où l’on devait déposer nos cartables sur l’estrade ou dans une salle commune, je devais m’assurer d’avoir pris mon mouchoir avec moi. Au collège, beaucoup d’élèves me détestaient parce que, d’après eux, j’avais trop de microbes… Fallait pas trop pousser non plus ! J’avais autant de microbes qu’un être humain normal !

Au lycée, je ne me mouchais plus autant qu’avant mais il arrivait que j’aie la grippe pendant plusieurs semaines , avec le nez bouché… Et croyez-moi, ce n’était pas beau à voir. J’avais le nez tout rouge et même quelques cicatrices sur le bout. J’étais triste tellement j’adorais mon nez ! C’est une des parties de mon corps que j’aime le plus. (Oui, on peut aimer des parties de notre corps, ce n’est pas un péché !)

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« Il m’arrivait d’avoir la grippe pendant plusieurs semaines et d’avoir le nez bouché. »
cc: Pixabay

A l’université, grâce à divers traitements, la fréquence de mes éternuements et de mon nez bouché a diminué. Toutefois, je ne manquais pas d’emmener un mouchoir, au cas où… C’est devenu un véritable réflexe d’emmener un mouchoir et de se moucher à chaque petit incident nasal.

Mais le pire, c’est quand je pars en voyage. Que ce soit pour me déplacer à juste 100 kilomètres – j’habite à Antananarivo – ou pour partir à l’autre bout du monde – comme quand j’étais partie aux US – le besoin de se moucher chez moi demeure toujours le même. Dès que la température ou le climat diffère de mon habitat naturel, je suis automatiquement sujette au nez bouché et aux éternuements.

Je me souviens, dans l’avion, celui-ci ayant pris de l’altitude, c’était reparti ! « Atchoum ! », fis-je, à plusieurs milliers de pieds de la terre ferme… Et pourtant, j’avais pris mes médicaments avant le décollage.  J’étais incroyablement « vénère » d’ailleurs à ce moment précis.

Les origines de mon addiction au mouchoir

Certains d’entre vous se demandent sûrement pourquoi je suis sujette à ce genre de problème nasal. Je suis, depuis ma naissance, une personne particulièrement fragile. A part d’autres problèmes médicaux tout aussi déprimants, je suis depuis toujours allergique à toute sorte de choses : poussière, pollen, poils, parfum, fumées… En résumé, tout ce que je peux respirer est toxique pour moi ! (Je suis maudite !) Je suis aussi sensible au froid et à toute baisse de température, à la pluie, au tonnerre, à l’éclair,

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Je vis en permanence avec un mouchoir et un spray nasal.
cc: Pixabay

En première année d’université, après une grande crise de nez bouché pendant des mois, mélangé à des migraines et parfois même à des vomissements, on a diagnostiqué que j’avais une sinusite et une rhinite allergique… Ce que je savais depuis longtemps déjà, à force de surfer sur Doctissimo. Lol.

Bref, comment je vis ? Eh bien comme tout le monde, mais avec un mouchoir en permanence dans mon sac, et, depuis quelques temps un spray nasal. C’est sur cette conclusion touchante sur mon mode de vie que je vous souhaite à tous une très belle fin d’année 2017 et une incroyable nouvelle année 2018 !


Chez les Malagasy, le « Miandry fa gasy » devient une culture autodestructrice

A Madagascar, l’excuse que l’on donne aux personnes qui attendent, c’est le fameux « Miandry fa gasy« . Entre politesse, patience et non-respect, le  « Miandry fa gasy » chavire vers une culture autodestructrice.

« Miandry fa gasy »: la queue de l’autodestruction

« Miandry fa gasy » ou « On attend parce qu’on est gasy« . C’est l’excuse que tout le monde utilise à Madagascar pour justifier une attente. Mais pire qu’une simple excuse, c’est devenu une véritable culture. Une culture née à l’époque coloniale, car les Malagasy devaient faire la queue derrière les Vazaha, pour quelque raison que ce fut : pour la confection de papiers administratifs, chez le docteur, et même au petit coin… Les Malagasy étaient considérés comme les derniers de la liste, si l’on peut dire ça comme cela, sur leur propre terre. Aujourd’hui, cette coutume n’a pas changé. Sauf que ce sont des Malagasy qui font la queue derrière d’autres Malagasy. Eh non, ce n’est pas une queue normale! C’est une queue discriminatoire où les Malagasy « plus fortunés » peuvent passer devant. Et par « plus fortunés » on signifie surtout des gens au pouvoir, ou des gens qui, sans gêne, pratiquent la corruption.

« Tout le monde faisait la queue pour la Carte d’identité nationale (CIN) depuis des heures, quand une femme est arrivée et est passée en tête de file, sans la moindre gêne. Elle est ensuite entrée dans le bureau du responsable et je n’ai pu m’empêcher d’aller y jeter un coup d’oeil. Elle donnait un billet de 10 000 Ariary au responsable, alors que le montant pour la confection de la CIN est légalement de 5 000 Ariary« , a témoigné Josie, une jeune fille de 18 ans.

Voici une approche plus anthropologique de cet exemple. La jeune femme qui a dépassé la file se donnait le droit de faire attendre les « gasy » parce qu’elle était en position de force. La possession d’une somme d’argent plus élevée par cette femme ne justifie en aucun cas son acte, mais elle parait logique pour la société malagasy, malheureusement. Le fait le plus triste, aberrant et révoltant se situe dans le fait que les gens l’aient excusé parce qu’elle avait de l’argent, et donc du pouvoir, et que les autres « attendaient parce qu’ils étaient gasy ». Comme si la femme était moins gasy que les autres, ou les autres sont-ils plus gasy qu’elle? Le pire, c’est que personne ne réclame jamais quoi que ce soit dans ces circonstances. Cette culture de l’attente parce qu’on est moins prioritaire est tellement ancré dans les esprits qu’elle devient l’excuse bidon que tout le monde utilise, l’outil de discrimination et d’abus de pouvoir, l’outil d’une destruction initiée elle-même par un peuple qui fait exprès de se minimiser au lieu de prendre conscience des balises qui freinent la société. Et ce « Miandry fa gasy » en est un.

Miandry fa gasy
La file d’attente et la culture du « Miandry fa gasy » sont inséparables.
cc: Pixabay

J’ai récemment lu un débat sur un forum malagasy à propos des manies qu’ont certains responsables auprès des bureaux, publics comme privés. Ils font toujours attendre leur subordonné, client ou autre visiteur au sein de leur entreprise. Mais attention! Cela n’arrive qu’aux Malagasy!

Le fameux « Miandry fa gasy » dans les entreprises

S’il y a bien un fait fréquent dans les entreprises de la Grande île, c’est sûrement les attentes interminables que doivent subir les subordonnés, certains clients moins valeureux – oui, c’est exactement ça: moins valeureux! – et certaines personnes qui doivent passer un entretien d’embauche. Car il y a beaucoup à dire autour des entretiens d’embauche. J’ai déjà écrit sur les entretiens d’embauche qui tournent à l’arnaque dans un ancien billet, mais là je veux surtout parler de l’attente. Le « fiandrasana« , en malagasy. Oui, parce que pour un malagasy, un entretien d’embauche, c’est se préparer à attendre au moins quinze minutes après l’heure annoncée avant que le responsable de l’entretien ne daigne pointer son nom, et ça c’est vraiment dans le meilleur des cas. Durant ces quinze minutes d’attente, rarement quelqu’un vient vous prévenir du retard de Monsieur ou de Madame. Si quelqu’un vous annonce leur retard, parfois cela s’ensuit d’un « Miandry fa gasy e! » (1). D’ailleurs, le plus souvent, Monsieur ou Madame ne vient qu’une ou deux heures après… Oui, « Miandry fa gasy » ! Dans certains cas, si vous êtes incroyablement malchanceux ou malchanceuse, la personne ne vient qu’après six heures d’attente, comme j’ai pu le lire sur le débat au sein du groupe sur Internet. Et dans le pire des cas, on vous annonce que la personne est finalement indisponible et qu’on vous rappellera, ou que vous devez revenir le lendemain. Et toutes les excuses que les gens ont pu donner dans ces cas-là, c’est le « Miandry fa gasy« . Un entretien d’embauche est important, en effet, mais une attente de six heures, sans motif, sans mise au courant du travailleur, c’est du non-respect. C’est même jouer avec les nerfs de la personne. Il faut pourtant signaler que cette manie est loin d’être bonne et bénéfique. La première appréciation que la personne se fera du responsable de son entreprise sera son manque de ponctualité. Cette vision affectera également l’entreprise, comme l’a expliqué le Washington Post dans leur article What really drives you crazy about waiting in line (it actually isn’t the wait at all)” (2).

"Miandry fa gasy"
« Une personne passe un à deux ans de sa vie dans les files d’attente ».
cc: Pixabay

De plus, cela nuit à l’économie du pays. Une personne passe un an à deux ans de sa vie à attendre dans les queues, a affirmé Richard Larson, un professeur américain qui étudie la « Théorie de la queue ». Et si on prend en compte l’attente interminable lors des entretiens d’embauche à Madagascar, on passe surement bien plus que deux ans dans les queues au final ! Ma supposition après des cas recensés dans la Capitale.

Le stress lié au « Miandry fa gasy »

Un état de stress est aussi créé par l’attente et notre chère philosophie du « Miandry fa gasy ». Ce stress conduit à une torture psychologique, un véritable désespoir, mélangé à une incertitude inqualifiable pour les individus en quête d’emploi.  Car il faut attendre le Monsieur ou la Madame, mais il se peut aussi qu’il ou elle ne vienne pas, ou qu’il ou elle nous fasse revenir demain. Et cette supposition peut entraîner des troubles dans l’esprit car cela fera inévitablement penser que l’on a perdu du temps aujourd’hui, demain, et peut-être encore après-demain…  D’après les recherches de Behavioural Design, ce stress est normal. Si en plus une personne vient aussi à dépasser les queues, comme c’est le cas à Madagascar, ce stress et ce sentiment de désespoir sont des sentiments encore plus légitimes. Le plus triste, c’est que les pertes de temps dans les files d’attente sont provoquées, la plupart du temps, par les Malagasy eux-mêmes. Par la mauvaise foi, par l’envie de vouloir faire attendre, l’envie de tester les limites de tout un chacun…

 

(1) « Miandry fa gasy e! » : signifie la même chose que « Miandry fa gasy », le « e » désigne l’amplification de ce que l’on veut exprimer
(2)What really drives you crazy about waiting in line (it actually isn’t the wait at all)”:
signifie « Ce qui te rend vraiment fou quand tu attends dans une file d’attente (en fait, il ne s’agit pas du tout de l’attente)


A Madagascar, de jeunes africaines invitent les femmes à se rebeller

Sept jeunes femmes africaines, malagasy, ont tenu une conférence à l’American Center Tanjombato, vendredi dernier.  Leur conseil commun: « Vivez votre passion jusqu’au bout, et n’acceptez aucune injustice! »

Sept jeunes femmes malagasy prennent la parole pour une rébellion positive 


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Larissa, Christina, Claudia, Tiasy (moi-même), Josie, Antsa et Monica, étions les sept femmes de l’évènement « African Women Making History », à l’American Center Tanjombato.  cc: Antsa

Se rebeller n’est pas toujours mauvais. Non. Ce qui est négatif, c’est la connotation que l’on y a mis pour que toute personne tentant de se rebeller culpabilise, se sente mal dans sa peau et perde de vue son objectif. Une rébellion peut être positive, car elle peut être faite pour la bonne cause, et l’Histoire l’a prouvé plus d’une fois ! Sur les pas des grandes femmes noires de l’Histoire, sept jeunes femmes malagasy ont ainsi décidé de créer l’événement « African Women Making History » ou « Femmes africaines écrivant l’Histoire« .  L’événement s’est déroulé sous la forme d’une conférence-débat, il a eu lieu vendredi dernier à l’American Center Tanjombato, sept jeunes femmes ont fait des discours et des « motivational talks » sur des thèmes communs, qui touchent tous à la liberté d’être soi : la passion, l’inspiration, le but d’une vie ; mais aussi : le rejet et le manque de soutien de la part de certains de leurs aînés et de leurs proches face à leurs envies et leurs motivations.

« Mes parents n’ont jamais apprécié que je sois passionnée de sciences. Très conservateurs, ils me voyaient mal dans une blouse blanche dans un laboratoire, me disant que ça ne rapportait pas à Mada. Mais j’étais décidée à poursuivre mes études supérieures en mathématiques, malgré tout« , a témoigné Larissa.

De même, après avoir été persécutée maintes fois depuis son enfance par ses parents et ses proches à cause de ses cheveux frisés et qui refusaient tout coup de peigne, Antsa a décidé de s’assumer en tant que « curly hair » et de ne plus s’obliger à lisser ses cheveux.

« Quand tu t’assumes, tu commences à t’apprécier toi-même et à identifier tes potentiels », a-t-elle affirmé.

Ces petites persécutions du quotidien tournant autour de sujets tels que la filière choisie pour les études ou l’aspect physique (comme la nature des cheveux par exemple) sont à prendre au sérieux, car elles peuvent plus tard dériver en un vrai mal être et en de grandes injustices.

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Les jeunes femmes africaines étaient à l’honneur, vendredi, à l’American Center.
cc: Christina

 

Sensibilisation des jeunes et des femmes

Plus grave encore, chaque jour des milliers de femmes sont victimes de harcèlement sexuel, de viol, ou sont battues par leurs maris… Face à ces persécutions, Mónica, Mónica, Claudia, Christina, Antsa, Larissa, Josie, et moi-même, Tiasy, nous souhaitons parler sensibiliser la société à ces phénomènes et pour les combattre. Il s’agit surtout d’une sensibilisation pour les jeunes, et notamment pour les jeunes femmes malagasy, trop souvent maltraitées et minimisées au sein de la société. Dès leur enfance, l’entourage pose sur les jeunes filles des stéréotypes : la bonne fille « posey »(1) qui se mariera et deviendra femme au foyer, ou tout au moins qui exercera une profession stable, avec une vie sédentaire. Mais les femmes ne servent pas qu’à enfanter et faire le ménage ! Elles ne méritent pas d’être moins rémunérées que les hommes au travail. De même pourquoi accepte-t-on que les femmes soient battues voire violées ?

Nous, représentantes de la gente féminine, nous réclamons une meilleure considération de la part de la société et de nos aînés envers les femmes et les jeunes, entrepreneur(e)s ou pas, africaines ou pas. Les femmes, comme les hommes, peuvent faire de grandes choses et mener de grands combats, il est temps que la société accepte cette idée ! Toute femme est destinée à un grand avenir, à moins qu’on ne la décourage à croire en elle…  Les femmes et les jeunes aussi peuvent être passionnées et devenir un atout pour le développement d’un pays. C’est le thème qu’a abordé Book News dans un article sur le même sujet, et c’est aussi un sujet qui a été abordé par de nombreux entrepreneurs durant la Semaine mondiale de l’entrepreneuriat, la semaine dernière. En toute logique, l’événement « African Women Making History » a coïncidé avec la fermeture de cette semaine mondiale.

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Les femmes sont l’incarnation de la vie, la source de la création.
cc: Pixabay

De nombreux jeunes et femmes dans d’autres continents (autres que l’Afrique) font également face au manque de soutien, au manque de considération, à la discrimination, au racisme, à l’oppression, à la violence et bien d’autres injustices encore… Il est temps de se rebeller, de hausser le ton pour se faire entendre et de réclamer des droits, comme l’ont fait les grandes femmes de l’Histoire: Oprah Winfrey, Marie Curie, JoanneRowling…  Qu’on ne le veuille ou non, les femmes  représentent la moitié de l’humanité et elle sont indispensables à la vie humaine. Comme l’a dit Pierre Reverdy, “pour les femmes, le meilleur argument que l’on puisse invoquer en leur faveur, c’est qu’on ne peut s’en passer.

 

(1) »posey »: terme signifiant calme, tranquille, serein


A Madagascar, la réincarnation de Michael Jackson provoque une vague de nostalgie

Michael Jackson s’est réincarné à Madagascar, plus précisément à Analakely, Antananarivo, samedi dernier. Le jeune Mandresy, membre du groupe The Jackson Boys Mada, a provoqué une vague de nostalgie en interprétant un live presque identique à ceux vus dans Dangerous World Tour et Bad World Tour.

Mandresy. C’est le nom du jeune homme que je qualifierai de « réincarnation » de Michael Jackson. Membre et fondateur du groupe The Jackson Boys Mada, un groupe d’interprétation scénique qui reprend les chorégraphies et live de Michael Jackson, Mandresy a provoqué une vague de nostalgie chez de nombreux fans malagasy venus voir le concert ayant pour thème « Hommage à Michael Jackson », samedi dernier, au Tranompokonolona Analakely.

« Même si je n’ai jamais eu la chance de voir Michael Jackson pour de vrai en concert, je peux à peu près comprendre ce que ces gens qui regardaient ses concerts ressentaient. Et tout d’un coup, j’ai du mal à réaliser qu’il est décédé », a témoigné Maeva, une jeune fan de 16 ans, à sa sortie de la salle de spectacles.

« J’ai vraiment pris du plaisir à regarder le show. C’était extraordinaire ! Ils sont vraiment doués. C’était comme si Michael Jackson s’était réincarné », a également affirmé Elodie, une fanatique.

S’étant surpassé, le jeune homme et son groupe ont interprété des chorégraphies copies conformes aux originales, avec des mises en scène inimaginables comme c’était le cas lors de l’interprétation du tube-culte « Thriller ». Des tenues exactement comme celles que le King Of Pop portaient lors de ses concerts lors des Dangerous World Tour, Bad World Tour, ou encore dans ses clips « Bad », « Beat it », « Smooth Criminal », etc. Il y a même eu des interprétations de chansons : « Billie Jean » et « Human Nature ».

réincarnation de michael jackson jackson boys mada
Les Jackson Boys se sont surpassés, samedi, au Tranompokonolona Analakely.
cc: Mandresy
Interprétation des Jackson Boys sur Smooth Criminal.
cc: Tiasy

C’est comme si on regardait un vrai live du chanteur décédé – bien que je n’en ai jamais vu en direct mais seulement à la télévision ! Le public, à la fois composé de jeunes et d’adultes, a littéralement été en transe, notamment durant l’interprétation de « Thriller » où des zombies apparaissaient de partout sur scène après le troisième couplet. Celui-ci a d’ailleurs été repris une deuxième fois suite à la demande du public, et cette deuxième interprétation a vu la montée de petits garçons fans de Michael Jackson sur scène ! Ils ont fait du « moonwalk », à la grande surprise des spectateurs qui, ébahis pendant trois secondes, ont ensuite crié et applaudi.

Hommage et remerciements

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Michael Jackson, the King Of Pop. cc: Pixabay

Etant moi-même une grande fan du chanteur, j’ai été fortement surprise et impressionnée par l’interprétation des Jackson Boys. C’était comme un retour de plusieurs années en arrière. Toute une vie à écouter et à regarder les clips cultes « Remember the time », « Man in the mirror », « You are not alone »… J’avais même un cahier de chant spécial MJ que j’avais créé avec amour, si bien que les paroles de chaque chanson étaient écrites par ordre alphabétique. Je me souviens aussi du 25 juin 2009, jour de la mort du chanteur, et également veille de la fête de l’Indépendance dans mon pays. J’ai écouté du Michael Jackson en boucle pendant plus d’un mois, revu et découvert d’autres live. C’est grâce à ses chansons que j’ai aimé et appris l’anglais, car oui, on nous apprenait l’anglais à l’école, mais cela ne suffisait pas. Et actuellement, je suis totalement trilingue en grande partie grâce à la musique du King Of Pop. C’est aussi grâce à des chansons telles que « Man in the mirror » ou encore « Heal the world », « Earth song » et « We are the world » que je suis consciente des problèmes de mon pays et des combats qu’il faut mener par rapport à tous ces problèmes. J’ai pris conscience que le changement ne commençait que par moi et que si je voulais vraiment apporter un changement, je devais d’abord changer certains traits de ma personnalité. J’ai aussi appris à aimer le théâtre, la guitare et la guitare basse, grâce aux scénarios de clip de Michael Jackson et grâce à ses arrangements musicaux hors du commun.

Grand vide

réincarnation Michael Jackson
Hommage des américains à Michael Jackson. Etoile de Michael Jackson sur l’Hollywood Boulevard. cc: Pixabay

Aujourd’hui, j’écoute encore « Another part of me » et « Say say say » dans le bus, quand je vais au travail. La paix que ces chansons procurent est indescriptible. Michael Jackson a laissé un héritage musical et culturel incommensurable dans la vie de nombreux individus. Sûrement, moins de 10% des malagasy – et peut-être moins de 2/3 des humains vivant sur cette Terre, lol – connaissent vraiment cet héritage. D’où ce grand vide culturel dans la musique de par le monde actuellement, avec des paroles incompréhensibles et répétitives, des clips musicaux sans la moindre touche artistique. Et oui je ne mâche pas mes mots… Il faut que quelqu’un dise haut ce que tout le monde pense tout bas, ou au moins, ce que la majorité des gens qui réfléchissent pensent tout bas. Des musiciens essaient de remettre cette culture de l’art musical, eux aussi influencés par les grands chanteurs tels que MJ, PrinceElvis PresleyJames Brown… Toutefois, le vide actuel est loin d’être comblé. Les élites musicales disparaissent petit-à-petit. C’est triste.

 


Mon agression par un fou furieux, en pleine rue, à Madagascar

J’ai été agressée par un fou furieux hier, littéralement, en pleine rue, à Ankadindramamy. Je ne sais pas pourquoi, sur 22 millions de malagasy, il a fallu que ça tombe sur moi ! Grrrr…

Agressée par un fou furieux

Il était environ 18 heures. Je venais de descendre de cet horrible bus, essayant de rester zen face à tant de problématiques : peur de la peste, circulation sauvage, zéro rentrée d’argent à cause d’un problème technique et financier au sein de l’actuelle société où je travaille… J’essayais de me remettre tant bien que mal les idées en place, j’allais accélérer le pas, quand un fou furieux a surgi de nulle part et m’a donné un coup de poing en plein sur le visage. Je l’ai évité de justesse mais son poing est retombé sur mon bras.

fou furieux agression
Une folle de Diego filmée en direct par la Youtubeuse malagasy Makoa Mena. Cliquez sur son nom pour voir la vidéo! Elle est super!

En l’évitant et sous la pression de son coup, j’ai atterri sur le sol, le choc amorti par mon cartable. Non.. Par l’ordinateur dans mon cartable. Je suis restée immobile deux secondes en pensant à combien de probabilités il existait pour que j’ai cassé mon PC… Comme les gens à l’arrêt du bus me regardaient – sans même penser à me secourir – je me suis décidée à me relever. J’aperçus une personne qui semblait courir – il faisait déjà plus ou moins noir – à près de cinq mètres de là où j’étais. Il brandissait son poing et une autre personne le reçut de plein fouet, quelques secondes après. Tout le monde semblait tétanisé mais personne ne réagissait. Même pas un petit signe pour dire de faire attention. C’était bien les malagasy, ça ! Tous amorphes devant les faits réels mais tellement « activistes » et « révolutionnaires » sur Facebook… Pfff… Un idiot de chauffeur m’a encore lancé un « Fa ahoana e ? » (1) J’ai failli lui lancer mon poing dans la figure mais je me suis dite que je ne pouvais pas moi aussi devenir folle.

Je lui ai répondu: « Le fou m’a poussé ! »…

Aaaaah… », fit-il en faisant ronfler son moteur pour démarrer.

« Oui », murmurais-je, en regardant à nouveau vers le fou qui disparaissait dans l’obscurité. J’ai repris de la vitesse et marché jusqu’à la maison, qui se trouvait à cinq minutes de l’arrêt de bus.

Et mon PC ?

Une fois arrivée, j’ai couru dans ma chambre et j’ai essayé de démarrer mon PC. Les larmes me sont montées aux yeux quand j’ai vu que l’écran affichait plein de traces de fissures, dont une tâche d’encre à l’intérieur, sur le côté droit. L’écran s’est fendu de l’intérieur… Ce qui me rendait triste, c’était que je tenais à mon ordinateur comme à la prunelle de mes yeux. Ça fait sept ans que je l’utilise. Depuis la classe de première. Il représente toute ma vie : mes devoirs de lycée, mes mangas, mes exposés et speechs à l’université, mes articles quand je travaillais encore dans les journaux locaux l’Express de Madagascar et la Vérité, mes billets pour Mondoblog... Je n’ai pu retenir mes larmes. Je ne pouvais plus penser à autre chose qu’à le réparer. Comment ? Où ? Combien ça coûterait… J’ai failli ne pas trouver le sommeil. C’est tout mon travail d’écriture qui est en jeu. Mais bien sûr, j’ai pu le réparer. Autrement, je n’aurais pas pu écrire cet article aujourd’hui.

Madagascar, l’île aux fous furieux

Je tiens à souligner que cette agression par un malade mental n’est pas une première. Il y a de cela quelques années, j’ai été insultée et failli me faire abattre par une folle qui passe son temps à insulter les gens qui se trouvent sur son chemin dans les rues de la Capitale, et notamment dans notre quartier, Ankadindramamy. Oui. Les fous courent les rues à Madagascar, littéralement. Les autorités compétentes ne s’en occupent plus depuis des années. Les quelques hôpitaux psychiatriques de la Grande île « ne reçoivent plus », comme ils disent, à cause de difficultés financières et techniques. Nombreux fous et folles sont rejetés par leur famille et errent dans les rues, de jour comme de nuit. Certains, très dangereux – comme celui qui m’a agressé – font des dégâts considérables : lancers de pierres sur des voitures, port d’objets métalliques en pleine rue, crise de folie en pleine milieu d’autoroute, cris assourdissants…

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Antananarivo Sud vu d’Ambanidia. cc: Tiasy

Mais voilà. Personne ne s’en occupe. Dans les autres provinces, que ce soit Toamasina, Mahajanga, Antsiranana ou encore Toliara, les fous errent dans les rues et, parfois, terrorisent la population. Des plaintes sont déposées auprès des autorités mais restent sans suite… Ben oui ! Ce n’est sûrement pas la priorité de l’Etat. Il n’arrive déjà pas à s’occuper des mendiants, que va-t-il bien pouvoir faire de fous furieux ? Le pire, c’est que chaque année, le nombre de malades mentaux croît dans la Grande île, et en grand nombre.

« Le nombre de malades hospitalisés pendant la période de l’étude est de 15 368 dont 2,45 % seulement (n = 376 ) sont des cas psychiatriques, comprenant 264 hommes et 112 femmes (sex-ratio = 2,35). L’âge moyen des malades est de 31,24 ans, avec les extrêmes de 2 et de 76 ans. »

Les troubles psychiatriques à Madagascar : étude clinique de 376 cas répertoriés à Mahajanga (2)

Selon les affirmations d’un spécialiste des maladies mentales au sein de l’Institut d’hygiène Analakely, de plus en plus d’individus présentent des formes de démence. En effet, les dépressions, schizophrénies et autres troubles mentaux peuvent conduire à la folie. Et d’après les informations obtenues auprès de l’établissement sanitaire, la prévalence de ces maladies mentales est en hausse constante à Madagascar. Toutefois, faute de moyens, peu d’individus sont traités. Outre les médicaments qui coûtent considérablement cher, une seule séance de psychothérapie coûte moins de 25 000 ariary, soit environ 8 euros. Un tarif qui reste inaccessible à 90% des malagasy vivant à moins d’un euro par jour. Sinon, si vous êtes vraiment curieux de voir comment ces fous vous terrorisent, regardez cette vidéo de Makoa Mena sur Youtube. C’est très intéressant et le moment où la folle surgit est à mourir de rire ! Et elle fait également une réflexion sur les fous qui courent les rues à Madagascar.

(1) « Fa ahoana e? »: expression malagasy qui signifie littéralement « Comment? », mais ici signifie plutôt « Eh ben alors? »
(2) M. Andriantseheno (1), T. F. Andrianasy (a) & D. S. Andriambao (b)
  • (a) Service de neuropsychiatrie, CHU de Mahajanga, Madagascar.
  • (b) Clinique neuropsychiatrique, CHU de Befelatanana, Antananarivo, Madagascar.
       Manuscrit n°2458.“Clinique”.Reçu le 9 septembre 2002.Accepté le 2 septembre 2003.


Face à la peste, une crise sociale attend Madagascar au tournant

Trois mois qu’une épidémie de peste sévit à Madagascar, et elle ne semble pas prête à mettre les voiles. La psychose de la peste est sur le point de conduire à une crise sociale. Tous les problèmes auparavant enfouis ont refait surface : conflits entre les institutions publiques et les particuliers, inégalités sociales et religieuses. Des faits qui pourraient conduire vers une crise sociale.

Face à la peste, crise sociale au tournant

L’épidémie de peste qui sévit depuis trois mois à Madagascar devient un véritable phénomène social, et une crise sociale attend au tournant si les dirigeants ne se hâtent pas de prendre des mesures plus « efficaces ». Entre petites dératisations par-ci et petites désinfections par-là, les mesures prises par l’Etat semblent loin d’avoir un impact sur l’éradication de la peste. Pire, le nombre de victimes ne cesse de s’accroître. De quoi attiser les flammes déjà allumées et alimenter le charbon déjà installé dans la société. Exemple concret : la rébellion de la Direction diocésaine de l’enseignement catholique, ou Didec, face à une prolongation sans fin de la fermeture des écoles, alors que tous les autres secteurs continuent de tourner. C’est ainsi que la Didec a décidé de reprendre les cours hier, 25 octobre, si les cours ne doivent officiellement commencer que le 6 novembre prochain.

peste désinfection
Des désinfections ont eu lieu dans la Capitale, mais moindres.
cc: Cua Serasera

« Le gouvernement utilise tout simplement la peste comme excuse pour sanctionner l’enseignement. Alors que les lieux de travail, bureaux, zones franches et autres continuent d’ouvrir chaque jour. L’épidémie ne sera pas éliminée avec des mesures aussi alternatives. Cela devient seulement une punition pour des établissements qui auraient dû donner des cours depuis plusieurs semaines », a-t-on appris d’une source bien informée.

En effet, les membres de l’éducation catholique soupçonnent une stratégie politique pour mettre à mal le système éducatif malagasy, déjà fortement fragile, et tenter de repousser la rentrée scolaire au mois de janvier 2018 pour quelques sordides raisons, dont notamment des intérêts politiques et des magouilles dans le secteur éducatif. Face à cela, la Didec peste. Malheureusement, cette décision de la Didec a aussi remis à la surface les inégalités sociales et religieuses.

Peste : remontée des inégalités sociales et religieuses

Les contestations de la décision de la Didec ont été vives, notamment sur les réseaux sociaux. Parmi ces contestations, le fait que les « Catholiques » veulent se distinguer. En effet, on en parle peu mais les Catholiques ont toujours été pointés du doigt pour les différents événements organisés qui rassemblent le plus important nombre de fidèles dans la Grande île : visite des reliques de la Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de ses parents en 2015, et du Cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Vatican, en janvier dernier. Et dans cette distinction, le fait que les élèves des écoles catholiques – parmi les meilleurs établissements à Madagascar et reconnus pour leur discipline, leur rigueur dans le partage des connaissances et dans l’éducation – se verront encore plus hissés au premier rang car ils pourront rattraper ces semaines de retard scolaire. Tandis que les élèves des écoles  privées moins avantagées et ceux des écoles publiques devront attendre que le gouvernement décide de leur sort. Et tout le monde sait que les écoles publiques sont loin de pouvoir – et vouloir – offrir cette qualité d’enseignement que les parents malagasy rêvent d’offrir à leurs enfants. D’autre part, il existe d’autres écoles religieuses protestantes, luthériennes, adventistes, anglicanes et musulmanes qui ne sont regroupées nulle part et qui ne font ni partie des privés simples ni de la Didec. Qu’en est-il de ces écoles et des enfants qui y étudient ? Pourraient-ils eux aussi hausser la voix et pousser le gouvernement à prendre des mesures plus radicales contre la peste?

La peste mène vers une crise sociale. Outre le secteur éducatif, de nombreux secteurs en pâtissent. Le secteur du transport a observé un certain déclin.

« Le nombre de voyageurs ne cesse de baisser depuis le mois d’août. Cela a fortement régressé en ce mois d’octobre, si bien qu’on arrive à peine à tenir jusqu’à la fin du mois », explique un chauffeur de taxi-brousse à la gare routière Ambodivona.

Toujours suite à la peste, la consommation d’essence a fortement baissé. Le prix du riz ne cesse d’augmenter, et cela depuis le début de l’année 2017. Aussi, face au bruit qui court selon laquelle la peste pourrait être « injectée », de nombreuses personnes refusent d’aller se faire ausculter même s’il est atteint de maladie autre que la peste, peu importe la nature et la gravité de la maladie. La majorité des foyers se serrent ainsi la ceinture dans tous les sens du terme, et pourtant, les fêtes de fin d’année approchent. A ce rythme, les sapins, jouets et autres caprices pourraient être jetés aux oubliettes pour de nombreuses familles.