Yanik

Vidi, legi, amavi #3

 

Comme tous les vendredis, je vous livre dans cette chronique mes coups de cœur de la semaine. Au menu de cette fournée : une réflexion sur une problématique de société, des invitations (sonores et écrites) au voyage, des installations artistiques d’un nouveau genre et une régalade de mon pays. Bonne dégustation !

Musique : MNDSGN

L’artiste californien dont le nom signifie Mind Design, est un architecte musical, bâtisseur d’envolées électroniques léchées et lyriques. Son dernier album « Yawn zen » est une ode au prélassage et à la rêverie. Idéal pour chiller par un dimanche ensoleillé.

Exposition : Patricyan à Biarritz

En septembre dernier, je rencontrais cette artiste attachante et vous faisais découvrir son univers unique. Reprenant ses thèmes de prédilection (identité féminine, enveloppe des corps…), Patricyan délaisse cette fois ses matériaux d’acier pour mettre en scène ses personnages dans des installations miniatures captivantes.

Il ne vous reste que trois jours pour vous laisser aspirer par une série de créations foisonnantes, présentée par la galerie Get Arty au restaurant Philippe à Biarritz.

Patricyan, La métamorphose de Io (crédit: Get Arty)
Patricyan, La métamorphose de Io (crédit: Get Arty)

Revue : Bouts du monde

Disponible en librairie, cette revue trimestrielle en est déjà à sa 21ème parution. Depuis 2010, elle publie des récits issus d’expériences aux quatre coins du globe. Ici, la star n’est pas l’image mais le texte, souvent issu de carnets de voyages. L’important est bel et bien le vécu, le ressenti, l’émotion retranscrite, à même d’agiter notre imaginaire. Parcourant le numéro 20, je suis tombé sous le charme d’écrits ayant pour décor le Viet Nam, le Lesotho ou le Kazakhstan. Autant de pages propices à l’évasion, une invitation à parcourir d’autres routes.

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Gourmandise : Basquella

Bien que l’on connaissent tous les méfaits du Nutella, il reste notre compagnon fidèle pour les chaleureux goûters d’hiver. Car, il faut bien l’avouer, c’est tellement bon !

Cela va peut-être changer avec une concurrente qui, en plus d’être basque, a le grand mérite ne pas inclure d’huile de palme dans sa composition.

Plus crémeuse et moins compacte que la célèbre pâte transalpine, l’outsider concocté par l’entreprise Miguelgorry, fond finement en bouche avec un goût finalement peu éloigné du produit Ferrero.

Disponible en supermarché pour environ trois euros, cette excellente alternative ne demande qu’à accompagner vos prochaines crêpes, gaufres ou autres gourmandises.

Basquella (Copier)

Radio / Société : Les mamans voilées

Ce lundi, branché sur France Culture, j’ai entendu le témoignage de mères voilées, privées de participer à certaines activités scolaires. Leurs paroles sincères, frustrées de femmes investies dans la vie des écoles, étaient relayées par le micro de l’émission « Les pieds sur terre ». Ce document radiophonique offre un déroulé passionnant avec un final surprenant. A écouter jusqu’au bout absolument.


Vidi, legi, amavi #2

 

C’est désormais le vendredi que j’ai décidé de positionner cette nouvelle rubrique initiée en début de semaine.

Au menu de ce deuxième opus : une exposition engagée, de la mythologie chinoise animée, une comédie douce amère, de la pop entraînante et de la musique classique. Bon week-end !

Musique : Shamir

A seulement 20 ans, le talent de ce gosse qui en paraît 15 est indécent. Le kid de Las Vegas touche à tout et élabore une musique au croisement des genres ; pop, électro, rap, dance…

Sa voix androgyne et ses rythmes enjoués constituent une base idéale pour démarrer le week-end avec le sourire 🙂

Cinéma : Birdman

Majestueux come-back de Michael Keaton, dans la peau d’un personnage qui tente d’effectuer son retour sur les planches de Broadway, en tant qu’acteur et metteur en scène, vingt ans après avoir interprété au cinéma le super héros Birdman qui lui colle à la peau.

Parfait dans son interprétation de looser mégalo en quête de gloire, l’ex Batman est bien épaulé par un ingérable vaniteux, merveilleusement incarné par Edward Norton.

La rançon du succès et la quête de célébrité tourmente le néo réalisateur au point d’en perdre la raison. La pièce sera-t-elle un succès ? Je ne vais quand même pas vous racontez la fin…

Expo : Isaac Cordal à la galerie Space Junk

Le plasticien espagnol met en scène ses figurines au service d’un propos engagé à la faveur de la protection de l’environnement ou contre les méfaits de nos sociétés.

Actuellement visible à la galerie Space Junk de Bayonne, vous ne pouvez pas rater l’exposition « Moments de solitude », en place jusqu’au 04/04.

Isaac Cordal, Follow the leaders, résine de polyuréthane, béton, acrylique, débris, dimensions variables (photo de l'auteur)
Isaac Cordal, Follow the leaders, résine de polyuréthane, béton, acrylique, débris, dimensions variables (photo de l’auteur)

Cinéma Jeunesse : 108 rois démons

Vacances scolaires obligent, j’ai emmené mon fiston en salle obscure. Loin des blockusters américains habituellement de sortie lors de ces périodes, nous choisissons une production franco-belgo-luxembourgeoise dont le récit se déroule dans la Chine du XIIème siècle. Bonne pioche !

La différence est assurée et assumée. Derrière des personnages aux fins traits animés par ordinateurs, des magnifiques paysages et ciels de peinture défilent dans la plus pure ligne esthétique de l’art classique chinois. Ajoutez à cela l’introduction (sporadique) d’acteurs filmés et vous obtenez un objet totalement atypique.

L’histoire quant à elle, décrit le parcours initiatique d’un jeune prince parti à la reconquête de son trône sous la protection d’un moine aveugle et d’une bande de marginaux hors la loi. Quand la mythologie de l’Empire du milieu est si joliment orchestrée, le fiston apprécie et le papa aussi !

Musique Classique : Chilly Gonzalez

Le chef d’œuvre « Solo Piano II » de Chilly Gonzalez a définitivement placé le musicien canadien au firmament de ma discothèque. Et je ne suis pas le seul à voir l’engouement que ces futurs concerts à la Philharmonie de Paris provoquent.

En attendant de le voir sur scène…ou pas, je vous propose de découvrir les morceaux qu’il a livrés ces derniers jours sur son compte Sound Cloud.


Isaac Cordal, moments de solitude

Elles sont nombreuses mais pourtant bien seules, les créatures conçues par Isaac Cordal. Mises en scènes au travers de plusieurs installations, elles attendent votre visite pour briser leur solitude, dans les murs de la galerie Space Junk à Bayonne, jusqu’au 04 avril 2015.

Isaac Cordal, The family, résine de polyuréthane, acrylique, béton, 180x75x115cm (photo de l'auteur)
Isaac Cordal, The family, résine de polyuréthane, acrylique, béton, 180x75x115cm (photo de l’auteur)

Fait suffisamment rare pour le souligner, le premier sens sollicité en pénétrant dans la galerie n’est pas la vue mais l’odorat. Ça sent le sapin, au sens du propre du terme. En effet, à droite de la porte d’entrée, les petits hommes sculptés par l’artiste espagnol surmontent des miradors au pied desquels des sapins coupés dorment pêle-mêle. Le propos est fort et l’on comprend vite que ces figurines se trouvent au service d’une action engagée.
Si la protection de l’environnement se place parmi les thèmes de prédilection du plasticien, on retrouve aussi au fil de la visite une œuvre narrative et critique de notre société. En costume gris et cravatés, les hommes courbent l’échine sous le poids d’un rouleau compresseur invisible. Tel le roseau, ils plient mais ne cèdent pas, farouchement accrochés à leur attaché case.

Isaac Cordal, Follow the leaders, résine de polyuréthane, béton, acrylique, débris, dimensions variables (photo de l'auteur)
Isaac Cordal, Follow the leaders, résine de polyuréthane, béton, acrylique, débris, dimensions variables (photo de l’auteur)

Dispersées aux quatre coins de l’espace d’exposition, ses miniatures fonctionnent parfois à l’unité, parfois en groupe pour représenter des métaphores de divers maux qui pèsent sur nos têtes. Des êtres seuls dans un monde connecté ou les relations n’ont jamais été aussi décousues, où tout le monde adoptent la politique de l’autruche face au enjeux majeurs pourtant connus de tous. Quand je vous dis que ça sent le sapin…


Vidi, legi, amavi #1

 

Initiée aujourd’hui, cette nouvelle rubrique « Vidi, legi, amavi » (j’ai vu, j’ai lu , j’ai aimé) apparaîtra de façon hebdomadaire sur ce blog.

De toutes mes sorties, lectures et expériences, je ne retiens que l’essentiel de la semaine écoulée afin de partager avec vous mes coups de cœur.

TheGoodLife#17

Cinéma : It follows, le film qui fait peur avec style

Les films d’horreur ne sont pas vraiment mes favoris. Tout simplement parce que dans ce genre cinématographique, rares sont les œuvres de qualité. Je me laissai néanmoins convaincre par une critique positive et filai à l’Autre Cinéma pour ne pas rater une des dernières projections du long métrage sorti le 04/02/15.

Dès les premières minutes, immergé dans les années 1980, le spectateur se laisse happer dans un suspense rondement accompagné par une bande-son rétro-futuriste au rôle prépondérant. Quant à la mise en scène, elle affiche un parti pris esthétique exigeant et chaque plan est le résultat d’un souci plastique évident.

Vous comprendrez donc que tous les ingrédients sont réunis pour transformer une histoire somme toute assez banale, en œuvre qui fera date dans un genre qui n’avait pas offert une telle pépite depuis fort longtemps.

Musique : Benjamin Clementine

Repéré dans le métro parisien ce britannique de 25 ans a livré le mois dernier son premier album. Une œuvre toute en émotion dans laquelle le minimalisme est sublimé par l’incroyable voix du pianiste d’origine ghanéenne.

En tournée un peu partout en France, on pourra notamment se laisser chavirer par son charisme du coté de Toulouse (le 12/03 au Bikini) ou de Bordeaux (le 13/03 au Krakatoa).

Presse : The Good Life #17

Déjà le 17ème numéro pour ce titre dont je ne me lasse pas. Bimestriel masculin au format mook (contraction de magazine et book), ses 324 pages affichent un ton résolument optimiste, faisant de sa lecture une réelle parenthèse de positivisme.

Bien sur, la publicité y est omniprésente et certains articles sentent un peu trop le publi-reportage, mais cela est compensé par des reportages de fond sur les problématiques mondiales actuelles, ainsi que par un prix appréciable de six euros.

Au menu de cette nouvelle édition : Mexico, le dessalement de l’eau de mer, le design belge, Art Paris Art Fair…

 


Nigeria ou la trilogie des liquides

Terre de contrastes, le Nigeria abrite en son sein des faces bien distinctes. Champion économique en proie à de graves problèmes sécuritaires, sa situation actuelle peut s’analyser par un détonant trio de liquides ; pétrole, champagne et hémoglobine.

champagne

Au pays de l’or noir

On l’a souvent lu : le plus grand malheur de l’Afrique, c’est sa richesse. Le Nigeria ne fait pas exception à cette maxime puisqu’il est plutôt gâté par la nature en termes de ressources énergétiques. Classée parmi les douze plus gros producteurs mondiaux de pétrole, l’ancienne colonie britannique occupe la première place du continent dans ce domaine.

L’abondance de cette richesse se traduit dans les performances économiques du géant d’Afrique de l’Ouest. Première économie du continent, le pays affiche une croissance moyenne de 7 % sur la période de 2008 à 2013. Pour autant, les retombées ne sont pas perçues par tout le monde et 91 % de la population vit avec moins de 2$/jour.

Dans l’Etat fédéral, l’inégalité est également forte entre les Etats fédérés. Si celui de Lagos (capitale économique) affiche un PIB égal au triple du PIB du Sénégal, la majorité des 36 Etats sont loin des canons occidentaux parfois présentés à Lagos, Ibadan ou Abuja.

La principale raison de ces déséquilibres réside dans un seul facteur : la corruption. En la matière, les élites locales du pays sont championnes, avec la complicité de diverses multinationales qui usent et abusent de cette faiblesse.

Barils et caisses de champagne

Pour sceller les accords entre corrupteurs et corrompus, il faut bien un breuvage à la hauteur des sommes détournées. Et pour le nectar à bulles, le gratin nigérian ne lésine pas et classe le pays au deuxième rang de la consommation mondiale de champagne !

Dans les clubs houses privés ou les adresses chics de Victoria Island, la boisson champenoise est absorbée sans modération pour enfermer un peu plus leurs consommateurs dans une tour d’ivoire à des années-lumière de la réalité du quotidien.

Le futur quartier Eko Atlantic à Lagos, symbole du dynanisme économique de la mégapole
Le futur quartier Eko Atlantic à Lagos, symbole du dynamisme économique de la mégapole

La concubine de l’hémoglobine

C’est qu’il faut une sacrée dose d’ivresse pour oublier ce qui se passe loin des lieux de pouvoir. Bientôt six ans que Boko Haram sévit principalement dans l’Etat de Borno. Plus de 13 000 morts à ce jour.

Officiellement, le pouvoir central se donne bonne conscience, allouant de forts budgets à la lutte contre le terrorisme, en sachant pertinemment que ces sommes ne serviront jamais à combattre les hordes sanguinaires. L’ONG Global Financial Integrity, a pointé du doigt les fuites illégales de capitaux qui pour ce pays approchent la centaine de milliards de dollars depuis les années 1970.

Comptes bien garnis et bulles plein la tête sont certainement des ingrédients efficaces pour provoquer l’amnésie de la classe dirigeante, et cela jusqu’au président du pays. Au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo, Goodluck Jonathan adressait ses plus sincères condoléances au chef de l’Etat français sans même oser tourner les yeux vers la ville de Baga où venait de se perpétrer un massacre hors de commun.

Cela explique la circonspection de ses homologues africains, ainsi que la retenue des diplomaties occidentales. Pourquoi se mêler d’une affaire interne quasiment ignorée par le président Jonathan ?

Malgré les déclarations de principes du dernier sommet de l’Union africaine sur la question, la mise en place d’une force armée capable de faire front à Boko Haram paraît loin d’être aboutie. Loin des populations locales victimes, on continuera à faire l’autruche en plongeant la tête dans des seaux à champagne. Ne manque plus que de l’eau pour s’en laver les mains.

 


Super Bowl : Top 5 des publicités

Finale du championnat de football américain, le Super Bowl qui se déroulait dans la nuit de dimanche à lundi est bien plus qu’une rencontre sportive. Événement de tous les superlatifs, cette grand-messe médiatique réunit toute la famille devant l’écran, et pour l’occasion les publicitaires ne manquent pas d’imagination pour concevoir des spots presque aussi attendus que le score final.

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Pour vous offrir un aperçu de ce qui a été vu, je vous ai sélectionné cinq publicités parmi les dizaines qui ont été diffusées avant, pendant et après le match.

N°5 – Mtn Dew Kickstart, la plus énergisante

Une gorgée de cette boisson revitalise un trio de jeunes hommes avachis devant un jeu vidéo et transforme le salon en dancefloor!

N°4 – Always, la plus égalitaire

Que ce soit pour les races, le sexe ou la religion, un enfant ne voit pas les différences, la preuve une fois de plus.

 

N°3 – Toyota, la plus motivante

Un spot sur le dépassement des limites accompagné par la voix du légendaire Mohamed Ali. Galvanisant.

 

N°2 – Doritos, la plus drôle

Un gag digne d’une comédie hollywoodienne.

 

N°1 – Loctite, la plus décalée

Un casting de choix et une chorégraphie à tomber pour ce spot qui remporte sans hésitation mon premier choix.

 


Je suis Charlie : après l’émotion, les questions

Nous avons vécu une semaine historique. Des jours qui resteront gravés à jamais dans les mémoires de tous nos contemporains. Après avoir été la cible de plusieurs attaques terroristes quasi simultanées, la France a réagi de la plus belle des manières. Pourtant, derrière ces torrents de bons sentiments et après ces heures passées sous le signe du « tout le monde il est beau, tout le monde il est Charlie », de nombreuses questions restent en suspens.

Il me semblait important de bien les lister, car se poser les bonnes questions, c’est se donner une chance de trouver les bonnes réponses.

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Comment améliorer le traitement médiatique des catastrophes ?

Mon premier sentiment du mercredi passé fut la tristesse. Comme presque tous les jours serais-je tenté de dire. Car il faut bien l’avouer notre quotidien est bercé par les attaques terroristes. Chaque matin devant mon petit déjeuner, j’entends de macabres décomptes en Syrie, en Irak, au Pakistan… Ceux-ci ne durent guère plus de dix secondes à l’antenne alors que l’attentat de Charlie Hebdo monopolise l’attention médiatique depuis près d’une semaine.

C’est bien connu, l’empathie ne fonctionne qu’avec ses semblables. Trois morts lors d’un marathon bostonien font plus de bruit que des milliers de victimes au Nigeria. Du cynisme de la hiérarchisation des victimes…

Il ne faut pas le nier, les vies n’ont pas toutes la même valeur dans le traitement journalistique. Alors il est bien beau de manifester pour les valeurs de la France, mais l’égalité de notre devise nationale est ici sérieusement écornée par ce constat aussi affligeant qu’imparable.

Combien de temps les musulmans devront-ils s’excuser?

A tous les musulmans, amis ou inconnus, je leur dis sans crainte : vous n’avez pas à vous justifier, encore moins à vous excuser des actes commis par ces monstres. Dire que vous condamnez ces atrocités « en tant que musulman » est de trop, car en tant qu’êtres humains nous sommes tous choqués par cette ignominie.

Quel suivi pour les condamnés dans des affaires de terrorisme ?

Qu’il s’agisse des frères assassins de Charlie Hebdo, du preneur d’otages du supermarché casher, mais aussi du meurtrier toulousain de l’école juive, tous étaient connus des services de police et suivis par les renseignements généraux. Alors que fait la police ?

Elle fait ce qu’elle peut certainement, mais à catégorie de crimes exceptionnelle (le terrorisme), mesure de justice exceptionnelle. Il serait temps de mettre en place des systèmes de contrôle post-carcéral contraignants pour des individus dont on n’ignore pas qu’ils constituent une menace pour l’ensemble de la société.

Quel rôle pour nos prisons ?

Tous étaient connus des services de police et tous étaient passés par la case prison. La prison pour punir c’est bien, quand elle peut recadrer et rééduquer s’est encore mieux. Les geôles françaises sont loin de cet objectif. Il est évident qu’au lieu de casser les ailes aux délinquants et aux criminels de tous poils, elle est devenue un catalyseur de réseaux.

Dans ces zones de non-droit, des prisonniers se moquent des règles et de la loi en se prenant en photo avec des liasses de billets, des substances illicites… Pire encore, des prisonniers entrés pour des faits de droit commun se retrouvent sous la coupe de fanatiques « religieux » qui voient en ces brebis égarées des cibles idéales pour leur litanie mortifère. Des mesures d’isolement strictes pour ce genre d’individus éviteraient qu’ils ne contaminent des personnes déjà suffisamment violentes.

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Pourquoi le modèle républicain n’est-il plus efficace ?

Les attaques sont perpétrées par des Français, nés sur le territoire hexagonal, élevés sur les bancs de l’école républicaine. Comment les enfants d’une nation peuvent-ils ainsi se retourner contre elle avec une telle haine ?

La mauvaise réponse apportée par des raisonnements simplistes consiste à pointer les origines des personnes en démontrant que l’intégration des populations (de culture musulmane) n’est pas possible dans nos pays européens. Cette approche est totalement fausse et ne tient pas compte de la réalité du problème. La vérité est que, parmi les embrigadés du terrorisme islamiste, nombre d’entre eux sont des convertis, ils portent les prénoms tels que Nicolas, Jean-Daniel, Raphaël, Émilie, Maxime, Flavien

Les thèses xénophobes tombent à l’eau et c’est bien plus compliqué, car il faut trouver les causes beaucoup plus profondes et plus sérieuses. La perte de repères en fait partie. Nous vivons dans un monde où les grands hommes politiques ne sont pas légion, l’avenir est incertain et beaucoup de jeunes ont (trop tôt) perdu espoir. Certains cherchent alors des causes pour donner un sens à leur vie. Et c’est ainsi que des paumés du monde entier sont ralliés par d’habiles parleurs auprès de qui ils se sentent importants, eux, les délaissés de la société.

Doit-on divulguer le nom des terroristes ?

Andy Warhol l’avait prédit, chacun aura son quart d’heure de célébrité. Je reste convaincu ql’autre se faisait filmer en trainue ces individus en quête de gloire sont aussi à la recherche de la lumière médiatique. On a tous en tête les images d’eux (avant leur célébrité) se mettant en scène devant une caméra ou un objectif. L’un fait l’objet d’un article dans Le Parisien,  de frimer dans sa voiture, enfin un autre rêvait de gloire derrière un micro.

Aux États-Unis les violentes pulsions de jeunes marginaux s’expriment dans de spectaculaires fusillades de lycées ou le but de l’auteur est double : faire un maximum de victimes et être à la une des journaux. En France, ceux-ci se tournent vers des sectes terroristes avec des objectifs finalement pas si éloignés. La célébrité à tout prix.

Voilà pourquoi je déplore que l’on divulgue le nom des ces personnes et j’ai veillé à ne pas les citer dans ce billet. Penser qu’ils deviennent des sortes de modèles ou de références pour d’apprentis fanatiques m’impose cette réserve. Ne devrait-on pas l’ériger comme une règle ?

Faut-il pactiser avec les financiers du terrorisme ?

Si une fraction des revenus provient de trafics en tout genre (stupéfiants, armes, humains), une partie des financements proviendrait d’Etats devant lesquels nos dirigeants déroulent le tapis rouge. En pôle position on retrouve l’Arabie saoudite et le Qatar dont les liens avec plusieurs organisations terroristes seraient établis. En dépit de cela, nous ouvrons grand nos portes aux capitaux de ces pays dont les pétro et gazeo-dollars ont tendance à rendre aveugle nos gouvernants. Pactiser avec le diable a un prix, et la facture s’avère salée.

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Quelles sont les valeurs de la France ?

Lorsque les gens défilaient hier, ils mettaient en avant les valeurs de la république. Mais quelles sont-elles au juste ? Chacun ne voit-il pas midi à sa porte en la matière ?

Tout d’abord il s’agissait de défendre la liberté d’expression. Le manifestant sait-il que la France est loin d’être une championne dans ce domaine ? Selon le classement annuel établi par Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, la France se place en 39e position entre Le Salvador et Samoa, bien loin du Ghana (27e), de la Jamaïque (17e) et de la Finlande (1ère). Alors, pour résumer, on descend dans la rue pour défendre un droit que l’on croit intangible mais qui en réalité est bafoué depuis fort longtemps dans notre douce France. Combien de médias sont réellement indépendants et libres de dire ce qu’ils veulent ? Les Charlie Hebdo, Mediapart et autre Monde diplomatique ne sont pas la règle, ils sont des exceptions.

Et que dire de longue liste des états représentés aux côtés de François Hollande. Quel bonheur d’y voir des pays comme la Russie, Israël ou encore le Tchad pour ne citer qu’eux…tous d’ardents défenseurs des libertés fondamentales! 

Voilà pour la liberté. Pour l’égalité, outre ce que j’écrivais quant à la différence de traitement médiatique selon les victimes, j’ajouterais un deux autres exemples qui me reste en travers de la gorge. En 2012, des enfants étaient froidement abattus devant le portail de leur école. Aucune réaction populaire, peut-être parce qu’ils étaient juifs… En 2014, une ministre était comparée à un singe à cause de la couleur de sa peau. Aucune réaction de la société civile, peut-être parce qu’elle est noire…

Enfin pour la fraternité, nous avons vu de belles images d’accolades hier, sans distinction de races, de religions ou de nationalités. Le soir venu, un collectif se relayait pour porter des lettres qui formaient le mot SOLIDARITE. Quand je les ai vus, je me suis alors demandé combien de personnes dormiraient sous les ponts la nuit tombée. Car elle est peut-être ici la plus grande violence (silencieuse et meurtrière) ; des gens meurent dans la rue faute d’endroits où dormir dans la sixième puissance économique mondiale.

 

Ces millions de personnes rassemblées ont participé à un événement exceptionnel par son ampleur et par sa cohésion apparente. D’un moment tragique est née en quelques heures, passant de la psychose à l’euphorie générale, une ferveur extraordinaire, un espoir dont on ne sait s’il aura des répercussions à long terme dans les comportements et la conscience collective française? Réponse en 2017… et gare à la douche froide!

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Rioja, Alcorta, Crianza 2009

Avec ce nouveau flacon, on poursuit l’exploration des vins de Rioja dont les bonnes surprises se succèdent, parfois à des prix qui renforcent le plaisir.

(photo de l'auteur)
(photo de l’auteur)

Le premier contact visuel offre au regard de brillants reflets cerises au sein d’une robe claire annonciatrice d’un vin plutôt léger pour cette appellation d’outre Pyrénées.

Dans les narines, les effluves sont classiques pour cette production fondée à 100% sur des vignes de cépage Tempranillo. Le fruit rouge domine le nez, accompagné par le bois dont la présence est justifiée par un vieillissement d’une année en tonneaux de chêne.

Le passage en bouche inonde le palais d’arômes forestiers parmi lesquels les fruits des bois. Ces impressions premières sont ensuite emportées par des notes de vanille et de douces épices.

La finale affiche une longueur surprenante, prolongeant le plaisir de façon persistante et étonnante pour un corps aussi léger.

Vin agréable et facile d’accès, ce crianza des bodegas Alcorta est le partenaire idéal pour un repas convivial entre amis. Il saura être apprécié des connaisseurs comme des novices, des hommes comme des femmes, le tout pour un rapport qualité/prix très attractif (4-6€).


Théâtres et cafés au musée Paul Dini

Jusqu’au 8 février 2015, le musée Paul Dini de Villefranche-sur-Saône se penche sur les lieux de divertissement que fréquentaient les citadins cent cinquante ans en arrière. Une exposition focalisée sur la ville de Lyon, reflet de la vitalité artistique du moment.  

Albert Maignan "Adagio Appassionato", 1904  (photo de l'auteur)
Albert Maignan « Adagio Appassionato », 1904 (photo de l’auteur)

 

Au tournant du 20e siècle, la vie culturelle et intellectuelle lyonnaise n’a rien à envier à la capitale, nous affirme le fascicule de l’exposition. Témoins de ce bouillonnement, témoins de leur temps, les artistes contemporains ont accompli un prolifique travail attestant ce propos. En rassemblant des œuvres de divers horizons, le musée Paul Dini nous immerge dans une belle époque où l’art régit les codes de la bonne société.

Entre 1840 et 1930, les cafés et théâtres se multiplient dans la ville, devenant les incontournables de la vie citadine. On s’y croise, se rencontre et l’on se doit d’y être vu. Balayant le vaste panel de ces endroits, l’exposition nous mène de bars en opéras, de salles de bal en vestiaire de danseuses. Extrêmement riche le parcours circulaire à l’étage promène le visiteur dans les divers décors au travers des années et des styles.

Albert André "A l'affût", 1912 (photo de l'auteur)
Albert André « A l’affût », 1912 (photo de l’auteur)

 

Dans les cafés, on se parle, on rêve ou l’on tue le temps. Dans cette section, les pastels signés Henriette Deloras ne laissent pas indifférents, dans un style qui rappelle celui de Kees van Dongen. Le natif de Lyon, Albert André, est largement représenté avec des scènes de café, de restaurants, mais aussi avec des huiles dépeignant le thème favori d’Edgar Degas ; les danseuses.

Plus loin dans la visite, on observe les bals auxquels participe l’élite, un siècle plus tard on revit sur les toiles les ballets et autres œuvres musicales depuis la salle ou dans les coulisses. De ce point de vue, une des pièces les plus passionnantes est sans doute celle d’Albert Maignan sur laquelle on épie le compositeur Gabriel Pierné, totalement imprégné par sa création jouée quelques mètres plus bas.    

Au cours de la boucle, on croise aussi de nombreux musiciens ainsi que des affiches de spectacles, de différentes époques. A la fin de la période appréhendée, le music-hall fait rage et les œuvres inspirées par cette tendance font preuve d’une grande modernité notamment sous les pinceaux de Pierre Combet-Descombes ou par le graphisme d’Emile Malespine largement influencé par le courant Bauhaus.

 

Jules Flandrin "La Pavlova et Nijinski", 1909 (photo de l'auteur)
Jules Flandrin « La Pavlova et Nijinski », 1909 (photo de l’auteur)

  

Une partie consacrée aux décors de bâtiments publics laisse un peu circonspect. Si la présence de travaux préparatoires pour un théâtre ou un musée parait totalement appropriée, la cohérence est plus discutable lorsqu’il s’agit d’études pour un tribunal ou une université…

On ne pouvait pas terminer la ronde sans un moment dédié à la star locale ; Guignol. Mais tout ne s’arrête pas sur le célèbre bouffon car au centre du cercle, un espace médian accroche des œuvres, dont certaines de grand format, reprenant les thèmes évoqués. Un véritable bouquet final, explosif. L’œil y est chatouillé par les couleurs vives de Jacqueline Marval, puis adouci par les lignes fluides de Jules Flandrin. Enfin, comment ne pas s’attarder devant ce « Pierrot jouant de la mandoline » d’un irrésistible romantisme ? La science de la lumière et la maîtrise du drapé de Léon Comerre laissent admiratif.

L’exposition savamment orchestrée se veut un hommage à une époque dorée, mais malgré les décennies qui nous séparent des artistes affichés, elle devient à son terme une belle incitation vers la sortie, l’ouverture et la rencontre.     

Léon Comerre "Pierrot jouant de la mandoline", 1884 (photo de l'auteur)
Léon Comerre « Pierrot jouant de la mandoline », 1884 (photo de l’auteur)

 

Théâtres et Cafés

Musée Paul Dini, 2 place Faubert, 69400 Villefranche- sur-Saône

Entrée: 5€ en plein tarif, avec accès à l’accrochage de la collection permanente du musée

 


L’autocritique du bodybuilder

« Martial Cherrier : du corps rêvé au corps de rêve ? », ainsi est baptisée l’exposition qui se déroule jusqu’au 29 novembre au Passage Sainte Croix à Nantes. Parcours d’un bodybuilder sur le chemin de la repentance. 

Martial Cherrier "Planche abdominaux"
Martial Cherrier « Planche abdominaux »

Avant de découvrir le travail de Martial Cherrier, je m’attarde dans le patio de cet ancien prieuré bénédictin, transformé en lieu d’expositions et d’échanges. Vieilles pierres et ardoise y cohabitent de bien belle manière avec des charpentes métalliques et du béton brut. Au cœur du centre historique de Nantes, ce pari architectural réussit un parfait mélange entre patrimoine et modernité, un symbole à l’image de toute la ville.

Après l’observation du bâtiment, il est temps de s’intéresser à l’humain, et plus précisément à son enveloppe charnelle, obsession de l’artiste représenté ici. Malingre à l’adolescence, l’apprenti boulanger décide alors de soulever la fonte. Sa pratique intensive de la musculation n’est pas dénuée de réflexion sur ce qu’il considère comme une expression artistique, son corps en étant l’œuvre. Sans marteau ni burin, mais à coups d’haltères et de régimes draconiens, il sculpte et dessine les lignes de sa silhouette, insatiable.

Dans la série « Hérédité », il se met en scène aux côtés de son père et de son fils. On comprend vite que le combat est perdu d’avance. Mince il était, mince il redeviendra. L’anomalie qu’il constitue aujourd’hui dans la lignée familiale s’estompera dans le temps.

Dans ce même esprit, des découpages de culturistes auxquels des ailes de papillons sont accolées rappellent la dimension éphémère de ces créatures.

Martial Cherrier, série  "Mask Therapy" 2012
Martial Cherrier, série « Mask Therapy » 2012

 

La deuxième salle s’avère encore plus critique envers la passion qui anime sa vie. Une installation composée d‘un miroir suspendu à une barre de musculation nous renvoie à notre propre image, au rôle prépondérant de ce qu’elle dégage. Autour de cette interrogation, cachets, gélules et aliments diététiques se retrouvent en photographies ou sur des photomontages, comme autant de sacrifices à subir dans cette quête du Graal.

Lucide sur le statut passager de sa masse, Martial Cherrier nous démontre comment la volonté humaine peut influer sur le cours de la vie…avant que la nature se reprenne ses droits.

 

« Martial Cherrier : du corps rêvé au corps de rêve ? »

Passage Sainte Croix, 9 rue de la Bâclerie, Nantes

Jusqu’au 29/11/2014

Entrée libre  


Lieu Unique et ligne hétéroclite

A Nantes, le Lieu Unique met à l’honneur l’expression artistique primaire : le dessin. Au travers d’une exposition intitulée « Fragments de l’inachevé », on peut y admirer jusqu’au 9 novembre, des talents qui démontrent que cette pratique première a encore de beaux jours devant elle.   

Vue de l'exposition "Fragments de l'inachevé" au Lieu Unique (photo de l'auteur)
Vue de l’exposition « Fragments de l’inachevé » au Lieu Unique (photo de l’auteur)

Quand j’ai dit que je me rendais à Nantes, on m’a immédiatement répondu : « tu vas manger des petits beurres ! ». En effet, il n’y a pas plus lié à l’image de cette ville que le célèbre  rectangle doré. Ce que je ne savais pas, c’est que l’ancienne usine de biscuits est devenue un centre culturel. Les initiales LU (pour Lefèvre-Utile) signifient désormais Lieu Unique, un bouillonnant point de rencontre et de mélange. Théâtre, danse, concerts, expositions s’y déroulent tout au long de l’année dans un bâtiment qui abrite également un bar, un restaurant, une librairie, une boutique, un hammam et une crèche. Le genre de spot qu’on rêverait tous d’avoir près de chez soi !

La Tour LU, la face visible de l'iceberg (photo de l'auteur)
La Tour LU, la face visible de l’iceberg (photo de l’auteur)

 

Après la phase de découverte, je gravis l’escalier pour pénétrer dans l’espace investi par l’exposition « Fragments de l’inachevé ». Première surprise, l’accueil est fort agréable, assuré par un médiateur exerçant sa tâche au mieux. En introduisant le contexte d’une part, puis en répondant aux questions sur un sujet qu’il maîtrise sur le bout des doigts. Une véritable médiation, bien loin de certains plantons qui se cachent derrière leur écran d’ordinateur pour tuer le temps.   

Je me vois alors expliqué que l’exposition vient de Lausanne où elle se tint dans un hangar de locomotives abandonné, voué à destruction pour ériger un musée des beaux-arts. Contre cette volonté des pouvoirs publics, l’association Visarte se leva pour exprimer son souhait de voir promus des artistes vivants. Et ceux-ci ne manquent pas sur la scène suisse, preuve en est cette compilation provenant d’une soixantaine de dessinateurs, parvenue jusqu’au bord de Loire.

Quelques pièces de Richard Aeschlimann (photo de l'auteur)
Quelques pièces de Richard Aeschlimann (photo de l’auteur)

 

Disposés sur de grandes planches, sous verres, les crayonnages démontrent l’extrême variété du domaine du dessin. L’acte que nous avons tous pratiqué enfants, prend des formes inattendues. Du classique au novateur, du figuratif à l’abstrait, il se déploie en utilisant des techniques variées. Mine de plomb, fusain, pastel, aquarelle, stylo, plume, feutre, fil, encre de Chine, trous…autant de moyens de s’exprimer sur du papier.

Lors de ce parcours posé à même le sol, mes chaussures se sont souvent arrêtées pour mieux déguster l’étendue des talents en place. Parmi eux, restent particulièrement en mémoire les incroyables paysages de Richard Aeschlimann dont le trait charbonneux saisit à merveille les reliefs de la nature. Dans un registre totalement opposé, Jacqueline Benz trace des lignes par des points de feutre ou des croix. Une simplicité aussi déconcertante qu’efficace, à la fois graphique et militante.

Jacqueline Benz (photo de l'auteur)
Jacqueline Benz (photo de l’auteur)

L’attention se fige également sur deux œuvres abstraites féminines. Lorna Bornand utilise l’une de ses couleurs favorites pour nous aspirer dans un mouvant tourbillon de rouge, alors que Virginie Jacquier livre une pièce au relief aussi saisissant qu’élégant.

Enfin, un coup de cœur pour la démarche de Frédéric Clot dont les pointillés, que l’on imagine percés par une aiguille, créent des vides dont l’assemblage constitue une œuvre précieuse.  

Frédéric Clot (photo de l'auteur)
Frédéric Clot (photo de l’auteur)

 

 

Fragments de l’inachevé

Lieu Unique à Nantes

Du mardi au samedi de 14h à 19h

Entrée libre


Un CV en brique

Au Brésil, le traditionnel curriculum vitae quitte le papier pour l’emballage alimentaire. Quand le CV en béton devient brique. 

Un CV nouvelle génération (Samuel Profeta)
Un CV nouvelle génération (Samuel Profeta)

Indispensable dans notre vieille France,  le CV n’a pas le même caractère sacré dans toutes les cultures. S’il n’est pas un passage obligatoire dans les pays anglo-saxons, toutes les méthodes sont bonnes pour sortir du lot et attirer l’œil du recruteur. Graphisme, présentation vidéo, packaging sous forme de boite compartimentée, les candidats font parfois preuve d’une remarquable audace.

Dans notre pays, nous avons déjà vu des panneaux publicitaires de bords de routes, loués par des cadres supérieurs en mal de poste à la hauteur de leurs ambitions.

Chez l’oncle Sam, on utilise depuis des décennies les briques de lait pour afficher les visages d’enfants disparus. Quel meilleur moyen pour toucher le plus grand nombre de citoyens, que de se placer sous leurs yeux à la première heure matinale ?

Sur ce même produit, des étudiants des beaux-arts de l’université de Sao Paolo ont conçu un emballage laitier adapté à la promotion de la personne en quête de job. Sous l’impulsion de leur professeur, Samuel Profeta, ils ont créé un habillage coloré et dynamique, détaillant l’ensemble des informations sur le candidat. Sa formation, ses diplômes, son cursus professionnel…rien n’est oublié y compris les coordonnées personnelles : numéro de téléphone, adresse email, compte Twitter et profil Linkedin.

L’amusante innovation, plutôt agréable à regarder, ne s’étale pas sur le financement de ce genre d’opération. Une telle action devrait-elle être payée directement de la poche du demandeur ? Une sorte d’investissement sur l’avenir me direz-vous. Des agences en communication et/ou en coaching s’empareront-elles du phénomène ?

Au-delà de ces questions pratiques, je ressens une réelle gêne face à cette initiative, plaisante de prime abord. Nous vivons dans un monde concurrentiel et la compétition est partout. Encouragée par ce genre de promotion, elle ne ferait que creuser des inégalités entre ceux qui pourront s’offrir de tels services et les autres.

Se montrer sous son meilleur jour est une chose, s’afficher comme un canapé sur un prospectus de boite aux lettres est en une autre. Un pas de plus vers la marchandisation de l’être humain, avec son consentement qui plus est…

Et vous ? Seriez-vous prêt à vous mettre en scène à côté d’un paquet de céréales ?


Avant que les gestes ne deviennent paroles

Jusqu’au 8 novembre, la BF 15 accueille à Lyon les recherches artistico-sociologiques de Mireia c. Saladrigues. Une exposition silencieuse qui en dit long.

Le regardeur regardé...par Mireia Saladrigues
Le regardeur regardé…par Mireia Saladrigues

En vadrouille dans la capitale des Gaules, j’apprends la tenue d’une exposition atypique à la BF 15. Je quitte alors les rues pavées du Vieux Lyon pour traverser la Saône et pousser la porte du centre d’art contemporain.

Je pénètre dans une installation de Mireia c. Saladrigues, au cœur même de son travail. L’espace d’accueil, une vaste salle, a été repensé de telle sorte que le public ne soit pas qu’un simple spectateur, mais un véritable acteur au sein du lieu d’exposition. Je ne peux pas vous en dire plus, car je gâcherais tout le plaisir de la découverte ainsi que l’effet de surprise, alors si vous passez par Lyon, vous savez ce qui vous reste à faire. Ce qui est certain, c’est que les premières interrogations face à ce dispositif laissent place à une totale compréhension après le  visionnage du film projeté dans le second volet du parcours.  

Dans cette production vidéo, des danseurs rejouent des postures de visiteurs lors d’expositions. Dans une salle où les œuvres sont invisibles, les déplacements, les mimiques, les comportements diffèrent d’un regardeur à l’autre. Et ce sont ces réactions qui intéressent l’artiste catalane. Pas lourds ou légèreté du déplacement, attitude détachée ou contemplative, chaque geste est le reflet du ressenti à travers le corps. Ils sont également les traductions de modes de vies, d’habitudes, d’acquis. Quand le bagage socioculturel est confronté à l’art, cela donne forcément des réactions physiques diverses. Certains croisent les bras et froncent les sourcils tandis d’autres passent en une fraction de seconde, alors que certains se penchent, d’autres s’accroupissent…

Au bout des huit minutes du court métrage, on remet en perspective la célèbre réflexion qui veut qu’une œuvre d’art n’existe que dans les yeux du spectateur. Dans ses gestes aussi, serait-on désormais tenté d’ajouter.  

 

BF15-Lyon

 

Mireia c. Saladrigues, « Avant que les  gestes ne deviennent paroles » Jusqu’au 8/11/14 à La BF 15, 11 quai de la pêcherie à Lyon Entrée Libre


Rémi Groussin, l’exagérateur d’anomalies

En résidence cette année au domaine d’Abbadia à Hendaye, Rémi Groussin présente son travail au sein de la villa Beatrix Enea à Anglet. Intitulée « Ecran total », l’exposition y est visible jusqu’au 31 octobre. 

Rémi Groussin "Wall Over" 300x300cm (photo de l'auteur)
Rémi Groussin « Wall Over » 300x300cm (photo de l’auteur)

 

Comme d’habitude dans ce lieu, l’exposition se déroule dans les trois salles du rez-de-chaussée, un parcours en trois temps affichant des pans très variés de la pensée du plasticien.

Le premier regard est accroché par une sculpture en parpaing, une structure en quatre parties, chacune surmontée d’une crête animale. Matériau de construction peu habitué aux musées, le bloc grisâtre trouve ici des honneurs inattendus. C’est bien là que se trouve l’une des clés de la démarche du diplômé des Beaux-arts de Toulouse.  La méprise, le lapsus sont au cœur de cette salle dont les œuvres constituent des extrapolations basées sur un point de départ erroné.

A même le sol, un projecteur diffuse une courte vidéo (à quelques centimètres du plancher) ; un crépitement dans une lueur blanche, à côté duquel sont posées deux inscriptions sur panneaux de plexiglas. Là encore, l’ordre des choses n’est pas respecté. Par une faute de frappe, une inversion des rôles, la petite installation immerge le spectateur dans un brouillard matinal où les idées sont confuses.

Pour compléter le trio de cet espace, un étrange ciel est représenté sur des carrés d’aggloméré sous verres. Percée par des rivets métalliques, cette carte céleste, couleur carton, brouille les pistes. Les têtes métalliques ont-elles été disposées fidèlement, de manière à reconstituer les constellations ? Mes connaissances limitées en astronomie ne permettront pas d’élucider ce mystère.

Le parpaing anobli par Rémi Groussin (photo de l'auteur)
Le parpaing anobli par Rémi Groussin (photo de l’auteur)

Pour la suite, le visiteur est plongé dans l’obscurité. Accueilli par un aquarium contenu dans des téléviseurs cathodiques, l’ambiance est radicalement différente ici.  Face à ces obsolètes écrans disposés sur une étagère métallique, l’effet anachronique est immédiat est d’autant plus étonnant de la part d’un artiste âgé de vingt-sept ans.  Alors que d’inquiétantes sonorités résonnent, on tourne la tête vers une projection déroutante.  Points de vue inhabituels, contrepieds et contrechamps forment la matière de cette vidéo face à laquelle le regardeur a bien du mal à trouver ses repères. Si déstabiliser est la mission de cette œuvre, elle est pleinement accomplie tant l’interrogation demeure ténue à l’issue du visionnage.

La troisième vidéo est pour le moins surprenante. Elle tient en haleine pendant trois minutes. Pas moins de 180 secondes de suspension qui offre un questionnement plus riche qu’il n’y paraît. L’attente, l’attentisme et le marché de l’art y sont triturés…je n’en dis pas plus, il faut aller voir pour se faire sa propre idée.

La dernière partie du triptyque se révèle une véritable montagne russe. D’un support à l’autre, d’un matériau à l’autre, l’œil rebondit de pièce en pièce sans toujours trouver une logique d’ensemble. Sur un vaste contreplaqué peint en noir, des traces d’affiches arrachées constituent une amusante pixellisation qui peut évoquer le graphisme d’un jeu vidéo des années 1980. A ses pieds, une composition de verres brisés dont le titre « Unbreakable » fait écho au mouvement surréaliste.  En face, un géant chandelier cancérigène puis des cartes à jouer surdimensionnées sont posées sur le parquet. Au fond de la salle trône une sculpture dont les pièces sont emboitées pour former un monstre aussi grand que fragile.

C’est sur « Volcano », que je m’attarde le plus longtemps. Assemblage de quatre écrans plats, cette composition vidéo nous immisce dans un parc d’attractions désert. Le sentiment d’abandon est sublimé par les effets optiques résultants de la symétrie de l’image diffusée. La même séquence ainsi miroitée instaure un tableau mouvant dont l’esthétisme est renforcé par le souffle du dépouillement.

Rémi Groussin "Volcano" (photo de l'auteur)
Rémi Groussin « Volcano » (photo de l’auteur)

 

En quittant les lieux, on a du mal à trouver le fil conducteur dans la production de Rémi Groussin. Très diversifié, son travail repose néanmoins sur quelques idées conductrices parmi lesquelles le malentendu, la contradiction et la remise en question sont en tête.  

 « L’œuvre d’art est une idée qu’on exagère », pensait André Gide. Et quand l’assise est volontairement faussée, le trouble amplifié provoque une profonde confusion, génératrice de nombreuses interrogations sur l’ordre établi.


Street Art Requiem

Quand l’artistique s’empare de l’immobilier, de lisses parois gagnent immédiatement en relief. Avant sa fermeture définitive, le Carré de Bayonne s’est ainsi vu paré de riches ornements pour l’accompagner vers la postérité. Vous n’étiez pas à cette exposition d’adieux ? Suivez le guide. 

Niark 1 (photo de l'auteur)
Niark 1 (photo de l’auteur)

La culture semble ne plus avoir droit de cité dans le cœur de nos villes. Depuis deux décennies désormais, les cinémas ont emménagé sous les structures métalliques de zones commerçantes. Aujourd’hui les libraires et les galeries d’art ont bien du mal à se maintenir dans des rues où le prix des loyers les chasse inexorablement. Les lieux d’exposition n’échappent pas à la règle et Bayonne ne fait pas exception. Ici comme ailleurs les sirènes de la spéculation sonnent. Elles font valoir des arguments très souvent jugés imparables…

Le Carré Bonnat a vécu, un hôtel de luxe lui succédera, mais pas question d’enterrer cette entité sans lui offrir une fin de vie digne de sa réputation. Dans le prolongement du festival Black & Basque, ses organisateurs, accompagnés du collectif 9ème concept, avaient invité une vingtaine d’artistes à venir s’exprimer sur les parois du bâtiment. Le résultat de cette « Résidence avant destruction » était visible du 1er au 5 octobre dernier et restera sans aucun doute gravé dans les mémoires.

Jules Hidrot (photo de l'auteur)
Jules Hidrot (photo de l’auteur)

 

Sur les murs, des univers et des styles différents se succèdent, se côtoient, se complètent, se répondent. La visite débute par une œuvre en finesse et transparence signée Alexandre d’Alessio, dont l’élégance du trait laisse deviner un grand talent de dessinateur. Trois pas de plus et me voila devant des affiches déchirées par les mains de Landry. Une discussion avec la médiatrice plus tard, je comprends qu’il s’agit en réalité de cinq photographies XXL prises lors des funérailles de la grand-mère de l’artiste, au Bénin. Superposées les unes sur les autres, des morceaux arrachés, recollés, déplacés donnent vie à un étrange et émouvant kaléidoscope.

Landry (photo de l'auteur)
Landry (photo de l’auteur)

On poursuit la visite avec deux travaux accolés (et légèrement enchevêtrés) et pourtant si opposés. A droite, les rondeurs et sourires de joyeux poissons imaginés par Hervé Di Rosa dans un océan orange, contrastent avec la gravité et le classicisme déployé par Jean Faucheur. Ce dernier accomplit un remarquable exercice de style en exécutant sa version de la bataille d’Anghiari jadis inachevée par Léonard de Vinci dans le Palazzo Vecchio de Florence.

Jean Faucheur et Hervé Di Rosa (photo de l'auteur)
Jean Faucheur et Hervé Di Rosa (photo de l’auteur)

Le fond de la salle est occupé par une joyeuse composition-décomposition de laquelle se détache un féroce chien aux dents acérées dont le maitre est Niark 1. Son œil excité s’explique par la scène qui se déploie sur sa gauche. A cet endroit un couple de géants, plaqué par Pedro, s’étreint sans gêne aucune. Sur le ventre de l’amant (comme sur plusieurs autres œuvres) sont collées des demi-sphères de plâtres formant des phrases en braille. Leur auteur est The Blind, l’inventeur du graffiti pour non voyants.

Pedro & The Blind (photo de l'auteur)
Pedro & The Blind (photo de l’auteur)

 

La suite dévoile le don d’illustrateur de Clément Laurentin aux cotés d’une composition locale de Jules Hidrot dont le travail photographique s’est concentré sur les fenêtres bayonnaises.

L’accession à l’étage se fait par un escalier déstructuré suite aux juxtapositions géométriques de LX One. Dans le premier espace de ce second niveau, on déambule au milieu des motifs du tatoueur Veenom, d’un canidé volant d’influence asiatique produit par Jeykill, de totems d’Amérique du Nord érigés par Grems, d’une vaste fresque aux motifs tribaux projetés par les bombes de Romain Froquet, d’un lettrage étiré d’influence surréaliste apposé par Ned, et d’un cimetière. C’est face à ce lieu funéraire que je m’attarde le plus longtemps. Un vaste puzzle assemblé avec des clichés de Patxi Laskarai qui embarque le regardeur pour une intrigante promenade vers le souvenir. Complétée d’une installation conçue par Iker Valle, l’œuvre emmène une réflexion sur l’effet du temps, tant sur les matériaux que dans les mémoires. Le duo (qui n’en est pas un habituellement) déjà présent l’an passé offre ici l’une des pièces les plus profondes de l’événement.

Patxi Laskarai & Iker Valle (photo de l'auteur)
Patxi Laskarai & Iker Valle (photo de l’auteur)

Avant de pénétrer dans la dernière salle, il faut traverser un interstice végétal. Sur un sol noir et une herbe toute aussi sombre, ont poussé d’étranges plantes grimpantes. La nature a horreur du vide et elle vient combler ce recoin avec l’aide de Lapinthur pour jardinier.

Lapinthur (photo de l'auteur)
Lapinthur (photo de l’auteur)

Après cet intermède, un monde imaginaire coloré à la craie par Gilbert Mazout est arrosé par un taureau hybride modelé par Jerk 45. Lamelles de bois, peintures et autres matériaux divers structurent cet animal tricéphale. Pour leur faire face, une nébuleuse semi abstraite de Gonzalo Etxebarria ainsi qu’une riche production de Theo Lopez dont le coeur tribal laisse échapper des éclats picturaux évoquant les maîtres Miro et Kandisky. Enfin, le regard se pose sur une création de Stéphane Carricondo, l’un des trois créateurs (avec Jerk 45 et Ned) du 9ème Concept. Sur un fond bleu nuit se détachent des silhouettes amérindiennes dont certains traits ou attributs sont surexposés par de vifs coloris. Surgissent alors dans mon esprit les célèbres néons de Martial Raysse.         

Stéphane Carricondo (photo de l'auteur)
Stéphane Carricondo (photo de l’auteur)

 J’ai tout vu mais ne peux pas me résoudre à débarrasser le plancher. Prolongeant la visite au maximum, je passe et repasse, échange avec la médiation et des visiteurs. Difficile de faire ses adieux et c’est pourtant ce que nous faisons tous, artistes et spectateurs, au travers de cette exposition. L’hommage est réussi sans être solennel, sérieux tout en demeurant gai. Le genre de moment et d’initiative dont on se souviendra encore dans quelques années en pouvant dire avec fierté: « j’y étais ! ».    

 

Jerk 45 (photo de l'auteur)
Jerk 45 (photo de l’auteur)


Patricyan, sculptrice d’imaginaires

Grillage, aluminium, fil de fer… Patricyan modèle les matériaux pour composer sa sculpture lyrique et captivante. Rencontre et découverte d’une artiste à l’univers foisonnant, au sein duquel cohabitent des mondes divergents.   

Patricyan "Mue de vache" (courtoisie de l'artiste)
Patricyan « Mue de vache » (courtoisie de l’artiste)

J’ai approché l’univers de Patricyan lors de la neuvième édition de Mont de Marsan Sculptures. Au fil du parcours, je pénétrais dans un musée d’histoire naturelle au sein duquel l’artiste investissait tout un étage. Dans un environnement difficile, ses créations animales et autres curiosités dynamisaient les bêtes taxidermisées et composaient une atmosphère fascinante.

Un an plus tard, j’ai l’occasion de rencontrer la personne à l’origine de cet intrigant travail.  Pour arriver chez elle, il faut remonter l’Adour jusqu’au village basque de Guiche, puis gravir une colline au sommet de laquelle un splendide panorama sur la campagne environnante s’offre au visiteur. Devant une bâtisse du quatorzième siècle, Patricyan m’accueille, enjouée, et m’accompagne dans son atelier qui faisait jadis office d’étable.  

Moins désireuse de parler d’elle que de son œuvre, nous parcourons ses productions à la lumière de ses principales sources d’inspiration. Parmi celles-ci, elle évoque la danse dont elle est passionnée depuis l’enfance. Comme pour la sculpture, le souci primordial dans cet art gestuel est l’occupation de l’espace. Le questionnement permanent du rapport à l’environnement et aux volumes, omniprésent dans les deux disciplines, est au cœur de ses préoccupations.

Patricyan "Habitacle libre" 110x55cm (courtoisie de l'artiste)
Patricyan « Habitacle libre » 110x55cm (courtoisie de l’artiste)

 

Pour autant, il ne s’agit pas de dessiner des courbes dans le seul souci de l’esthétisme. Tout ce qu’elle conçoit se doit d’avoir un sens, un lien avec la réalité. Et la réalité première de notre monde c’est d’abord la nature. C’est en elle que la petite fille a grandi, et que la femme vit aujourd’hui. Les hommages rendus à la terre mère infusent l’œuvre de Patricyan.

Derrière les verres de ses lunettes rouges, l’œil pétillant n’est pas avare d’enthousiasme et bondit de création en création pour mieux tisser une toile invisible qui relie entre elles les productions d’une artiste en perpétuel renouvellement. Dans la série « Le bestiaire » (2008-10), elle réinterprète la sculpture animalière en imaginant des mues dont les corps se seraient échappés. Elle met en volume une histoire, racontée avec du métal, du tissu, des broderies, et divers matériaux qui forment de chatoyantes compositions poétiques,  une ode aux figures représentées tout autant qu’une invitation à stimuler l’imagination du regardeur. 

Patricyan 'Mue de cheval" (courtoisie de l'artiste)
Patricyan « Mue de cheval » (courtoisie de l’artiste)

 

Un autre thème récurrent dans l’univers de la basco-landaise est celui de la foi. Celle qui cite Jérôme Bosch, Marc Chagall mais aussi les surréalistes parmi ses influences, fut bercée par une éducation religieuse. Mais au-delà du culte chrétien, l’artiste se passionne pour toutes les formes de croyances. Religion, mythologie,  contes populaires, la prolifique les passe au moulinet de son esprit pour générer de précieuses madones, des talismans provocateurs ou d’émouvants emmaillotages affublés d’ornements à caractère rituel.    

Sans cesse en éveil et ouverte sur le monde, la sculptrice semble posséder de multiples antennes invisibles, à même de capter au vol un mot, un son, une image, une idée qui servira de matériau incorporel dans son atelier. Dans ce lieu où elle passe la majorité de son temps, Patricyan prépare une nouvelle série qui sera dévoilée lors d’une exposition en décembre à la Minoterie de Nay. En attendant, celle dont les œuvres ont voyagé jusqu’en Belgique, Italie, Lituanie, Mexique, Canada et Colombie, montrera une partie de son travail dès le mois prochain dans le cadre d’une exposition collective dans la Crypte Sainte Eugénie à Biarritz (du 25/10 au 16/11/14). L’occasion pour vous d’effectuer un premier pas dans un univers enveloppant et envoûtant.

Patricyan "Déesse rouge" 70cm (courtoise de l'artiste)
Patricyan « Déesse rouge » 70cm (courtoise de l’artiste)

 


Rioja, Coto de Imaz, Reserva 2008

La Rioja est une des meilleures régions viticoles d’Europe et la découverte du jour ne vient que confirmer cette réputation avec un vin qui a parfaitement réussi le mariage de la finesse et du caractère.

Rioja_CotoDeImaz-Reserva

 

Jamais deux sans trois ! Après vous avoir présenté un bon Muriel Crianza 2008, puis être tombé sous le charme de l’excellent Roda Reserva 2006, c’est au tour d’un autre Reserva de glisser sous mes papilles examinatrices.

Sur une terre où la culture de vignes est historique, la Bodega El Coto est relativement novice puisque fondée en 1970. Basée à Oyon, c’est sur ses champs situés à Cenicero (à 40mn de la capitale régionale Logroño) que poussent les raisins utilisés pour l’élaboration du nectar dégusté aujourd’hui.  

Profonde et sombre, sa robe intense laisse échapper de scintillants reflets rubis. Contrairement à la majorité des cépages tempranillo où le fruit rouge est généralement dominant, le nez dégage une intéressante variété aromatique avec des notes boisées, des touches épicées et même une pointe de cacao pour accompagner le fruit mûr.  

Rond en bouche, la douceur coule sous le palais et enrobe la cavité buccale d’une agréable sensation veloutée. Cette suavité se voit ensuite relevée par une note d’alcool qui, bien qu’arrivant en second plan, finit par prendre le dessus et dynamiser l’ensemble.

Dans ce subtil mélange se retrouvent les différentes composantes décelées à l’odorat qui rendent le breuvage si élégant. Un vin aromatique et charnu, savant équilibre entre acidité, rondeur et tonicité qui  trouvera grâce auprès de nombreux amateurs.

S’il s’achète facilement chez le caviste espagnol, il peut être un peu compliqué à trouver en France. Pas de panique Coto de Imaz, Reserva 2008 est référencé sur Vinissimus, le site français spécialisé dans les vins d’outre Pyrénées.    


Black & Basque réveille le négro qui est en toi !

Bayonne, samedi 13 septembre 2014. Dans le cadre du Black & Basque, le groupe FFF se produit sur scène quand, entre deux titres, son chanteur Marco Prince harangue ainsi la foule : « On a tous un négro qui sommeille en nous, l’important c’est de le Ré-veil-ler !!! ».

B&B2014-logo

A elle seule, cette phrase résume bien l’état d’esprit d’un jeune festival qui s’est fixé pour ligne de conduite de mélanger les cultures basque et afro dans une ambiance décontractée et sans prise de tête. S’ouvrir et se lâcher dans la rencontre et la diversité, voici le programme d’un évènement désormais bien ancré dans la vie culturelle bayonnaise.  

Pour y prendre part, je me rends le deuxième jour sur le site de la Poterne où se déroulent les réjouissances. Par une fin d’après-midi ensoleillée, j’observe une certaine ébullition aux abords, dans la zone d’animations gratuites. Des enfants expriment leur créativité en dessinant sur de vastes panneaux sombres, des adultes s’intéressent au travail photographique de Mehdi Nédellec ou au graphisme sur le stand tenu par 9e Concept.

Passé les barrières de sécurité, c’est au son de l’euskara (langue basque) que je pénètre dans l’espace concerts où le groupe Damba ouvre la programmation musicale de la soirée. Si le chant sonne local, les rythmes sont quant à eux latino-américains, un des membres du combo étant originaire de Cuba. Il y a de la joie dans cette musique festive dont les influences ne sont pas à chercher bien loin, tant les ombres de Fermin Muguruza, Manu Chao, Sergent Garcia et surtout d’Amparanoia planent au-dessus de leur micro.

 

Art Melody sur la scène du Black&Basque à Bayonne (Yanik)
Art Melody sur la scène du Black&Basque à Bayonne (Yanik)

 

Le prochain artiste à investir les planches vient de plus loin. Art Melody a parcouru 6 000 km depuis le Burkina Faso pour laisser éclater ici sa joie, sa colère et son indignation. La joie tout d’abord pour celui qui ne cache pas son plaisir d’être présent et remercie dès son entrée en matière par le titre « Barka, barka » (merci en langue moré). Soutenu par un duo de musiciens live (un batteur et une percussionniste), le rappeur délivre une prestation débordante d’énergie. Sa voix rugueuse et son charisme ne tardent pas à conquérir le public. Même si l’on ne comprend pas les textes écrits en moré ou en dioula, on devine une vraie rage de vivre chez cet artiste sans concession. Une saine colère couplée à des références historiques qui rendent son verbe conscient, en témoigne l’extrait du discours de Patrice Lumumba entendu à la fin d’une chanson, ou la citation de son illustre concitoyen Thomas Sankara.   

Un rap brut et authentique, obscur dans le style, mais clair dans son esprit, aride par la voix, mais tellement rafraîchissant dans son exécution. Une belle découverte (pas pour moi) à laquelle les spectateurs semblent adhérer, tout comme Angélique Kidjo, la marraine de l’évènement, qui le rejoint au micro pour un instantané burkinabèbéninois des plus rafraîchissants.  

 

Flox face à son bassiste uruguayen (Yanik)
Flox face à son bassiste uruguayen (Yanik)

 

L’intensité descend d’un cran avec Flox dont le reggae électro envahit la nuit étoilée. Entre le rap punchy d’Art Melody et la funky fusion de FFF, programmer cet artiste à ce moment est peut-être la seule petite erreur de la soirée. Un léger bémol cependant compensé par la qualité des compositions du Britannique résidant en France dès son plus jeune âge. Derrière ses lunettes noires, il se partage entre le chant et une console de bidouillage depuis laquelle il distille un dub élégant et exigeant. Accompagné d’une formation complète (guitare, basse, batterie, synthé), Flox dandine son bonnet et triture les boutons pour teinter le reggae instrumental de notes électroniques flirtant par moment avec le trip-hop.  

 

Marco Prince, le rayonnant leader du groupe FFF (Yanik)
Marco Prince, le rayonnant leader du groupe FFF (Yanik)

 

Treize ans après sa dernière production discographique, le souvenir de FFF reste vivace et les amateurs de concerts fougueux n’ont pas oublié le point fort qui fit jadis la réputation de ce groupe : le live.

Venu en masse pour applaudir la tête d’affiche, le public ne sera pas déçu du voyage. Dès la première minute, on comprend que Marco Prince et ses acolytes n’ont rien changé à la formule qui les rendit célèbres. Folie et amplis à fond sont les ingrédients clés de cette formation bouillante comme un chaudron d’où sort une potion euphorisante. Une tromboniste à la silhouette d’Ayo, un autre à chapeau melon, un clavier à casquette, un batteur créole rasta, un bassiste en robe de chambre, un gratteux bondissant et un chanteur ondulant, voici la dream team tant attendue. Non seulement l’équipe n’a scéniquement pas pris une ride, mais en plus ils se la donnent comme des minots de vingt ans. Les textes aussi n’ont pas vieilli, certains étant malheureusement plus que jamais d’actualité comme « Assez de haine ».

Dans la foule, les visages sont radieux et les corps frétillent, prêts à répondre à la moindre requête. Après les avoir invités à libérer leurs instincts, Marco Prince fait de ses ouailles ce qu’il veut ; ça saute, ça lève les bras, ça va à gauche, puis à droite… bref ça s’éclate sans calcul et sans retenue. Mission accomplie !

Le groupe FFF de nouveau sur scène (Yanik)
Le groupe FFF de nouveau sur scène (Yanik)