aidara

Arterial Network Mauritanie : Arterial Day et le premier Fonds Mauritanien pour la Culture

Arterial Network Mauritanie a célébré le 8 mars 2018 le «Arterial Day» au siège du Festival Assalamalekoum Cultures qui représente la structure continentale dans le pays. Cette manifestation s’est déroulée en présence du président Kane Limam dit Monza, de ses collaborateurs ainsi que de quelques membres, avec la participation de Son Excellence M.Ahmed Hamza, ancien Maire de Nouakchott et Ambassadeur du Fonds Africain pour l’Art et la Culture de Arterial Network. Plusieurs partenaires du Programme de gestion et de la prévention des conflits et pour le dialogue interculturel de l’Union Européenne avaient également pris à l’évènement.

Ahmed Hamza (au centre) et Monza (extrême droite)

Au cours de la rencontre, un débat a été ouvert sur le thème Arterial Connexion. Ce qui a permis d’enregistrer l’adhésion d’une dizaine de personnes au programme. Au cours des discussions, Kane Limam dit Monza a échangé avec l’assistance sur les défis qui se posent au secteur culturel en Mauritanie. Il a mis l’accent sur la nécessité d’investir l’espace public, avec de nouvelles innovations, mettant l’accent sur la priorisation du développement des lieux et des espaces de création.

Arterial Mauritanie a, par ailleurs, par le biais de son président, soutenu au cours de l’année, le Festival Benichab. Un évènement qui a été présidé par Aminetou Mint Abdel Aziz. Cet évènement a abouti à la mise sur pied de l’Union des Festivals de Mauritanie et l’institution du Grand Concours national de Poésie. Cela a permis d’amener les autorités publiques à implémenter le premier Fonds Mauritanien pour la Culture, dont le lancement a eu lieu le 8 mars 2018, en présence du Ministre de la Culture et de l’Artisanat, porte-parole du gouvernement.

D’autre part, l’Appel à candidature au tremplin Assalamalekoum Découverte 2018 a été lancé et sera clôturé le 30 mars courant. La compétition qui en est à sa 8ème édition, se déroulera dans 10 villes mauritaniennes. Elle permettra de départager plus de 500 candidats inscrits sur l’ensemble du territoire national.

Assalamalekum Découverte bénéficie du soutien de l’Institut Français de Mauritanie, du Service de Coopération et d’Actions Culturelles (SCAC) de l’ambassade de France, de la Délégation Alliance Française, de l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), ainsi que celui de ZAZA Productions. Il est aussi accompagné par la Ville de Nouakchott et le Ministère de la Culture et de l’Artisanat.

Cheikh Aidara


Esclavage : la cour criminelle de Nouadhibou prononce des peines de dix et vingt ans de prison

La Cour criminelle de Nouadhibou a condamné, aux termes de son audience du mercredi 28 mars 2018, le nommé Saleck Ould Amar et son fils, Hamoudi Ould Saleck à une peine de 20 ans de prison et une amende de 500.000 MRU (soit 5 millions anciennes ouguiyas) pour pratiques esclavagistes. Par contre, la nommée Ravea Mint Mohamed a écopé de 10 ans d’emprisonnement et 250.000 MRU (2,5 millions anciennes ouguiyas) d’amende pour le même crime esclavagiste.

Tribunal de Nouadhibou

Le site atlasinfo.info qui rapporte l’information précise que les assises se sont déroulées au milieu d’un dispositif sécuritaire renforcé. Toutes les voies menant au tribunal étaient quadrillées par les forces de l’ordre et une fouille systématique montée à l’entrée de la salle d’audience.

Cette session de la Cour criminelle de Nouadhibou chargée de juger les faits d’esclavage et de ses pratiques est la deuxième qui se tient en Mauritanie depuis l’adoption de la Loi 2015-031 criminalisant ces faits. La première session s’est déroulée le 16 avril 2016 devant la Cour criminelle de Néma. Elle mettait en cause les nommés Hanena Ould Bouna et Ikhalihina Ould Haimad et leurs esclaves Bouta Mint Hemedi et Vatma Mint Zaida. Le juge avait condamné en première instance les deux mis en cause à 5 ans de prison dont une année ferme et 1 million d’amende. Des peines que les antiesclavagistes avaient dénoncé pour son laxisme et pour sa violation des dispositions de la Loi 2015-031 qui prévoit une peine minimum de dix ans et une amende de 250.000 à 5 Millions d’anciennes ouguiyas (25.000 MRU et 500.000 MRU) et 1 million UM de dommages et intérêts pour les victimes. Les avocats de la partie civile feront appel et les dommages et intérêts accordés  aux victimes ont été relevées. L’une d’elle, Bouta Mint Hemedi,  6 millions d’UM, alors que Vatma Mint Zaida et son frère se sont suffis de l’accord passé avec leurs anciens maîtres, en percevant la moitié du montant (déjà perçue) et le reste en août 2016.

Plusieurs autres dossiers sont en instances, dont plusieurs enrôlés auprès des tribunaux ordinaires avant la nouvelle loi sur l’esclavage, mais sous l’emprise de l’ancienne Loi 2007 dont les dispositions étaient plus flexibles, car l’esclavage y était érigé comme un simple délit et les dossiers susceptibles d’être soumis aux transactions pénales.

Tous ces dossiers en instances devront être transférés auprès des nouvelles cours criminelles. La prochaine séance de jugement est prévue fin mars début avril à Néma.

Cheikh Aïdara


La caravane des bailleurs du Partenariat de Ouagadougou est de retour avec des étapes au Sénégal, en Guinée et en Mauritanie

PLANIFICATION FAMILIALE
PARTENARIAT DE OUAGADOUGOU

Communiqué de Presse

Dakar, le 25 Mars 2018

 

La caravane des bailleurs du Partenariat de Ouagadougou est de retour avec des étapes

au Sénégal, en Guinée et en Mauritanie

 

La caravane des bailleurs du Partenariat de Ouagadougou (PO), répond à la demande des pays,

d’élargir, au-delà de la Réunion Annuelle, les moments d’échanges entre les parties prenantes

du PO. Elle constitue une opportunité pour soutenir les équipes techniques dans leurs efforts de

mise en oeuvre des plans et faire un plaidoyer auprès des autorités pour le respect des

engagements pris.

Cette édition sera la 4ème après celle de 2015 où les pays visités étaient le Sénégal, le Burkina

Faso, le Mali et le Niger, celle de 2016 qui a concerné la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Togo et

celle de 2017 où le Niger, le Burkina Faso et le Bénin ont accueilli les caravaniers.

Pour cette année, la tournée commencera par le Sénégal du 09 au 11 Avril, puis la Guinée du 12

au 16 Avril et enfin la Mauritanie, du 17 au 20 Avril. Le groupe des bailleurs composé des

représentants des principaux partenaires et bailleurs de fonds du PO (UNFPA, Canada,

Fondation Bill & Melinda Gates, Fondation William et Flora Hewlett, le Ministère de l’Europe et

des Affaires Etrangères de la France, l’Agence Française de Développement, l’USAID, le

Royaume des Pays Bas et l’Organisation Ouest Africaine de la Santé séjournera pendant 3 jours

dans chacun des 3 pays pour y avoir de larges concertations sur les progrès, les défis et

perspectives dans la mise en oeuvre des diverses composantes des Plans d’Action Nationaux

Budgétisés de PF.

Il s’agira pour eux d’échanger sur les activités en cours et des progrès réalisés par chaque pays

au regard des recommandations issues de la réunion ministérielle de 2015 relatives à la phase

d’accélération, celles du Sommet de Londres de Juillet 2017 et de la Réunion Annuelle du PO de

Décembre 2017. La délégation rencontrera plusieurs ministres, un large éventail d’acteurs de la

santé reproductive et de la planification familiale (SR/PF) dans les pays, et visiteront des projets

sur le terrain, pour apprécier l’adéquation entre les politiques et les activités de mise en oeuvre et

évaluer la coordination. Elle fera également le plaidoyer pour une plus grande prise en compte

de la PF dans les stratégies et politiques multisectorielles des gouvernements ; pour la

mobilisation de ressources internes pour la PF et pour davantage d’alignement des ressources

disponibles sur les priorités définis dans les PANB. Enfin, ces visites permettront de renforcer la

collaboration entre acteurs pour refléter l’esprit et les principes du PO au niveau pays.

Près de 50 personnes participeront à cette caravane parmi lesquelles des représentants des

bailleurs de fonds, des partenaires techniques, des organisations de la société civile et des

représentants des gouvernements.

A propos du Partenariat De Ouagadougou

Le Partenariat de Ouagadougou a été lancé lors de la Conférence Régionale sur la Population,

le Développement et la Planification Familiale tenue à Ouagadougou au Burkina Faso en février

2011 par les 9 gouvernements des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest et leurs partenaires

techniques et financiers pour accélérer les progrès dans l’utilisation des services de planification

familiale au Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Togo.

Le Partenariat de Ouagadougou est basé sur deux principes. Il mise sur une meilleure

coordination entre les bailleurs de fonds pour optimiser leurs soutiens aux pays et également sur

une collaboration et coopération aux niveaux national et régional pour remédier au taux élevé des

besoins non satisfaits en matière de planification familiale.

L’Unité de Coordination du Partenariat de Ouagadougou (UCPO), basée à Dakar (Sénégal),

facilite la communication entre les pays et les bailleurs actuels et potentiels, aide à suivre les

progrès par rapport aux objectifs du PO, et partage des informations entre les parties prenantes

du Partenariat et d’autres publics.

 

Contact Presse

Marie Ba, Chargée du Plaidoyer et des Relations Externes
Tel : (221) 33 869 70 29
Email: mba@intrahealth.org
Rodrigue Ngouana, Chargé de Relations avec les pays du PO
Tel : (221) 33 869 74 70
Email : mailto:rngouana@intrahealth.org


Bouillonnement pré-électoral : le pouvoir prépare une sale mayonnaise

Alors que la succession de Mohamed Abdel Aziz, auto-succession ou par défaut, continue de s’entourer d’un lourd mystère, la majorité prépare une sale mayonnaise, sous couvert de restructuration du parti Union Pour la République (UPR) avec un grand marché à ciel ouvert de vente et d’achat de conscience, tandis que timidement, l’opposition tente de se réorganiser.

Aziz lors de sa dernière campagne référendaire

Le cas Mohamed Abdel Aziz n’est pas encore totalement soldé. Partira, partira pas ? La question reste d’actualité, malgré les nombreuses sorties de l’intéressé, déclarant à tout vent qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Pour nombre d’observateurs, cette profession de foi de Mohamed Abdel Aziz ne peut convaincre que les crédules, tellement elle sent à plein nez le venin du cobra, destiné à endormir la postérité pour frapper au dernier moment. A ce propos, les analyses et suppositions vont bon train.

1er scénario : Aziz ne partira pas en 2019

Alors qu’une nouvelle structure dénommée «Awviya Al Watan» ou littéralement «Les Loyaux de la Nation» formé par les partisans de Mohamed Abdel Aziz qui œuvrent pour un 3ème mandat s’implante peu à peu dans les régions du pays, l’idée d’une alternance en 2019 semble de plus en plus improbable.

Beaucoup d’analystes pensent ainsi que Mohamed Abdel Aziz ne quittera pas le pouvoir. A voir les actes qu’il pose à tout bout de champ chaque jour, à travers  notamment cette perfide émergence d’une pseudo «Nouvelle Mauritanie», hymne nouveau, drapeau nouveau, monnaie nouvelle, hommes d’affaires et hommes politiques nouveaux, la question se pose sur son départ, pensent-ils en substance. «On ne pose pas une telle architecture pour rien» avancent ses plus virulents détracteurs.

Jusque-là, c’était la peur d’un Occident pourvoyeur d’aides et banques à ciel ouvert des finances, mais aussi traqueur des présidences africaines à vie qui poussait insidieusement certains candidats-dictateurs à céder le fauteuil à contrecœur, selon leurs arguments. Et de soutenir qu’aujourd’hui que  ce même Occident semble avoir baissé les bras et fermé les yeux devant la dérive autoritaire de certains présidents africains et leur forcing anticonstitutionnel, citant à ce titre Sassou Nguessou du Congo, Nkurunziza du Burundi, Kagamé du Rwanda ou un Eyadema du Bénin, ils croient qu’un Ould Abdel Aziz peut bien brûler lui-aussi les verrous constitutionnels des deux mandats. Ainsi, beaucoup de Mauritaniens trouvent incongru que le double tombeur de Taya et de Sidioca, puisse se faire bâtir un empire économique et politique sur un terrain conquis, puis laisser les fruits de ces deux décennies d’efforts à son effigie s’effriter, alors qu’en face, nulle résistance ne se dresse.

La refondation de l’UPR, suite à une restructuration menée ces derniers temps, est suivi ces jours-ci par une réimplantation du parti sous fond de fraude à ciel ouvert, avec un marché des cartes d’identité qui en dit long sur le respect des règles démocratique et de la morale tout court. Cela avec la complicité d’une partie des ténors de l’UPR et d’une administration domestiquée. Un de ces trafiquants arrêté à Rosso par la gendarmerie,  avec en sa possession plusieurs centaines de cartes d’identité appartenant à des Mauritaniens résidant en Guinée Bissau, a été tout simplement relâché sur intervention, alors que l’acte qui lui est reproché est pénalement réprimé par la loi.

Ce toilettage du parti-Etat, accompagné d’un vil commerce des consciences, sous l’appât du gain, de pressions tribales ou de chantage économique sur les plus pauvres, annonce déjà les couleurs d’une triple  consultation électorale en vue, courant 2018-2019, notamment les municipales, les législatives et les conseils régionaux. Qui se dressera devant cet empire du milieu, si l’on sait que l’administration civile et militaire, chargée de réguler le jeu démocratique et de veiller à la transparence des scrutins à venir, est toute acquise à l’UPR. En effet, les administrateurs, les magistrats et les corps constitués confondent Etat et Parti-Etat, leur promotion étant tributaire de leur dévouement à ce dernier. C’est donc l’UPR, sous sa forme englobant le parti et l’administration publique, qui fera face à une opposition fragilisée par cet accaparement des instruments de l’Etat par son principal adversaire. Elle aura en face d’elle une entité politique qui sera à la fois juge et parti, sans compter cette Commission électorale nationale indépendante (CENI) déjà fin prête sans que l’opposition ait eu son mot à dire sur sa composition et son fonctionnement. En Côte d’Ivoire, l’opposition démocratique s’est dressée contre une CENI montée selon le même modus vivendi, dans un marché africain de la duperie électorale, où les règles de la démocratie ont partout épousé les contours de la dictature.

Une fois que l’UPR aura achevé sa mainmise sur le corps électoral, d’une manière virtuelle plus que réelle, les scénarios pour la pérennité du pouvoir actuel s’ouvriront. La machine sera assez puissante pour devenir soit un tremplin pour la réélection de Mohamed Abdel Aziz ou un cheval de Troie qui lui permettra de contrôler l’exercice du pouvoir à travers un dauphin qu’il se sera lui-même choisi.

2ème scénario : Aziz hors du pouvoir

Si malgré tout, Mohamed Abdel Aziz,  respectant sa parole donnée, décide de quitter le pouvoir en 2019, plusieurs scénarios s’offrent, celui d’un Ould Abdel Aziz gouvernant par procuration à travers un dauphin, ou Abdel Aziz chef du gouvernement après révision de la Constitution qui lui donnerait les pleins pouvoirs d’un Premier ministre dans un régime parlementaire, ou un Abdel Aziz définitivement éjecté hors du pouvoir.

Aziz a répété à plusieurs reprises qu’il ne briguera pas un troisième mandat, mais qu’il restera dans les rouages du jeu politique, allant jusqu’à affirmer qu’il soutiendra le candidat qui lui succédera. L’expérience de Sidi Ould Cheikh Abdallahi qu’il avait soutenu en 2007 et qu’il renversera quelques mois plus tard est encore présente dans les esprits. Tout le monde sait qu’au cours de la présidence de Sidi, les bureaux de Mohamed Abdel Aziz étaient contigus aux siens, qu’il contrôlait ses moindres gestes, ses courriers, ses visiteurs et avait même installé un système d’écoute qui lui permettait de suivre les audiences du président de la République. Cela donne un aperçu de ce que sera le calvaire du dauphin que Mohamed Abdel Aziz décidera de choisir au cas où il se prêtera au jeu de l’alternance politique en 2019. Un président entièrement sous contrôle et qui viendra certainement prendre ses consignes auprès de lui. Il faut se rappeler que le BASEP reste un butin de guerre qui lui est entièrement dévoué et qui lui permettra en cas de coups foirés, de s’en servir pour reconquérir le pouvoir sous prétexte d’un complot qui vise la pérennité de l’Etat, Ould Abdel Aziz ayant fait depuis longtemps de sa personne, l’incarnation personnifiée de l’Etat et du peuple mauritanien.

Sur le choix de ce dauphin, certains avancent le nom du maire de Zouerate, cet ancien colonel de l’armée qui s’est illustré par la vidéo où il affirme gagner chaque année des milliards d’ouguiyas sur le dos de la direction de pêche qu’il contrôlait et qu’il contrôle toujours malgré sa mise à la retraite, avec en prime sa mission informelle de ministre de la Pêche et négociateur en chef des accords de pêche de la Mauritanie. C’est aussi l’un des complices attitrés de Mohamed Abdel Aziz, son confident et l’ami auprès de qui, il passe ses vacances dans ce vaste Bir-Moghreïn où les deux hommes, dit-on, possèderaient de vastes champs d’or, gardés par l’armée. Un Ould Baya à la présidence, ce sera comme si lui-même y était toujours.

A côté de Ould Baya, le nom qui revient souvent est celui du général Ould Ghazwani, un fidèle ami de Mohamed Abdel Aziz, celui qui risque le moins de le trahir un jour. N’a-t-il pas conservé intact et pendant trois mois de convalescences, le fauteuil présidentiel alors que Mohamed Abdel Aziz était en France entre le vie et la mort suite à la fameuse balle de «Twela» ? Ould Ghazwani n’a-t-il pas été sollicité pendant cette période de vacuité du pouvoir par certaines puissances pour la succession de Mohamed Abdel Aziz et qu’il a fermement refusé de telles propositions, refusant de trahir un ami ?

Dans les rangs des civils, certains ont cité Mohamed Ould Laghdaf, l’ancien Premier ministre tombé un moment en disgrâce mais repêché par la suite pour redevenir un des confidents de Mohamed Abdel Aziz. A part lui, les civils semblent peu probablement visés par les militaires qui semblent vouloir encore garder la main sur le pouvoir politique en Mauritanie.

Cette persistance des analystes à fixer le choix du futur président de la Mauritanie au sein du corps de l’armée en dit ainsi long sur la mainmise de la Grande Muette sur les rouages de la politique. Depuis qu’elle s’est emparée du pouvoir en 1978, l’armée mauritanienne ne compte pas ainsi lâcher les rênes de la gouvernance aux civils, d’autant qu’à l’heure de la lutte antiterroriste au Sahel, les grandes puissances y semblent entièrement favorables.

Ce qui laisse peu de chance à l’accession d’un civil au pouvoir en 2019 dans un contexte international marqué par la chute des valeurs qui ont fondé le mythe de la légalité et du droit, sous le coup de boutoir de ces plus grands défenseurs, les grandes démocraties occidentales.

Et le FNDU dans tout ça ?

En effet, l’opposition au pouvoir de Mohamed Abdel Aziz, symbolisé par un conglomérat de partis politiques réunis au sein d’un Front national pour la démocratie et l’Unité (FNDU), boycottiste à l’envie et peu combative sur le terrain des revendications, semble constituer un faible rempart face à l’ambition démesurée d’un régime qui compte encore bien perdurer au pouvoir.

Ainsi, l’implantation en cours de l’UPR, après une restructuration qui rappelle celle de son ancêtre, le PRDS de Ould Taya qui lui a légué toutes ses têtes pensantes, supplante par son ampleur, les moyens limités du FNDU.

Jusque-là confinés dans des manifestations annuelles, entrecoupés de communiqués d’indignation par moment, le FNDU semble vouloir cependant récupérer la grogne sociale de plus en plus importante qui se lève le pouvoir actuel. En effet, jamais la masse de colère populaire n’a été aussi grande face au désastre social, à l’injustice, à la corruption généralisée, au népotisme, au racisme et à la discrimination raciale, à la spoliation des biens publics et aux détournements tous azimuts des bien sociaux, ajoutés à la paupérisation galopante, à la misère grandissante. Ce capital de mécontentement qui ferait baver toute opposition à travers le monde, est cependant peu exploité par le FNDU qui a débuté ces derniers jours une tournée régionale pour faire entendre son discours.

Mais il faudrait encore plus, selon plusieurs observateurs, pour que le FNDU parvienne à contrer la grosse machine du pouvoir. Parmi ces choix techniques, la possibilité d’une double ou triple candidature qui pourrait donner une chance à un second tour et une coalition contre le candidat du pouvoir. Le combat s’annonce déjà rude et tout pourrait se joueur dès les  élections partielles qui se dérouleront probablement au courant de 2018.

Cheikh Aidara


Semaine de la Francophonie : Ahmed Hamza répond aux ennemis du français

Lors de la clôture de la Semaine de la langue française et de la francophonie dont les rideaux sont tombés ce dimanche 25 mars 2018 au Centre culturel marocain, le président de l’Association mauritanienne pour la francophonie (AMF), M.Ahmed Ould Hamza a répondu aux détracteurs de la langue française, en précisant que le français n’est pas venu pour remplacer l’arabe, qui est la langue officielle et la langue de notre religion, mais que n’en déplaise aux unilinguistes qui cherchent à ostraciser le français en Mauritanie, «cette belle langue est en forte progression dans le pays».

Cérémonie de remise de prix (Photo : Me Diallo Moctar)

La 32ème édition de la Semaine de la langue française et de la francophonie s’est achevée comme elle avait débuté, le 17 mars 2018 à la Chambre de commerce de Nouakchott. Dans l’ambiance,  l’allégresse, de belles prestations et beaucoup de récompenses, aux élèves, aux partenaires et aux sponsors, cette édition a été clôturée dimanche 25 mars au Centre culturel marocain. C’était en présence de hautes personnalités, dont le nouveau président du Patronat mauritanien et plusieurs de ses membres, des diplomates, des écrivains, et un public scolaire jeune.

La cérémonie de clôture a été marquée par le mot de bienvenue prononcé par le Directeur du Centre culturel marocain, M.Jawad Ramoni, qui s’est réjoui de l’honneur fait à son institution pour abriter un tel évènement et surtout devant un parterre aussi relevé.

Puis, place à deux pièces de théâtre scolaire. Le premier, présenté par les élèves de l’école «Les Sablettes» a particulièrement  séduit l’assistance, par le talent de ses acteurs, surtout de ses actrices, qui ont raconté dans une fresque inédite, «La Voix de Toumbarma». Il s’agit de l’histoire d’une femme dont le vent a volé la voix mélodieuse et que son fils va tenter de faire retrouver à travers un périple qui va le conduire auprès d’un sage à Atar, d’un érudit à Chinguitty, d’un griot dans une autre contrée et d’une vieille femme. Le tout, en chevauchant un nuage à qui il a promis de le sauver du souffle du vent. Chacun lui confiera une partie du remède qui l’aida enfin à faire retrouver à sa mère sa belle voix. Cette pièce a été introduite par l’élève Zeinebou Mint Brahim, et la scène jouée par une dizaine de jeunes élèves de l’établissement, dans un décor magnifique.

Une partie du public (Photo : B.M.Coulibaly)

La deuxième pièce est un solitaire, présenté par MBarka Ndiaye de l’Ecole Diam Ly. C’est l’histoire d’un homme qui avait épousé une ogresse et qui, malgré les avertissements de son père, choisira de s’exiler avec elle, plutôt que de s’en séparer à cause de ce qu’il prenait pour des ragots. Mal lui en sera pris, car découvrant que sa femme est réellement une ogresse, décida de fuir. Mais elle le pourchassa et il se réfugia sur un arbre, alors que sa femme persuadée qu’il descendra tôt ou tard, promettait de le manger. Finalement, c’est un oiseau qui portera son message de secours à ses parents, et c’est comme cela qu’il fut sauvé.

Ces deux spectacles ont été longuement ovationnés, ajoutant du ludique dans une cérémonie où les discours furent relégués au second plan.

D’ailleurs, le public était loin des speechs ennuyeux et emplis de solennité. La première qui détendra l’atmosphère fut Mme Aîssata Kane, Invité d’honneur de la Semaine, présidente de l’Association internationale des femmes francophones et ancienne ministre. Son association dira-t-elle, est ouverte aux hommes qui le désirent, avant de lancer dans une boutade, «je sais que les hommes aiment les femmes, et j’espère qu’ils aimeront aussi mon association».

M.Ahmed Ould Hamza prendra ensuite la parole pour remercier d’abord l’assistance qui a bien voulu faire le déplacement, mais aussi les sponsors de la Semaine, notamment le Patronat mauritanien, le Service culturel de l’ambassade de France (SCAC), Mauritel, entre autres. Les partenaires ne furent pas en reste, mais aussi les établissements scolaires qui ont participé activement à cette semaine de la langue française et de la francophonie.

Ahmed Ould Hamza, avec son franc parler habituel, n’a pas manqué de répondre à cette flambée d’hostilité qui a fleuri dans la presse mauritanienne contre la langue française, précisant que la langue française n’est pas en concurrence avec la langue arabe et n’a nulle prétention de la remplacer. Selon lui, l’Arabe est la langue officielle de la Mauritanie et la langue de notre religion, mais que le français est la deuxième langue la plus parlée en Mauritanie. Il prônera d’ailleurs que l’ambition est d’élargir cette fourchette de langues. Selon lui, ceux qui cherchent à ostraciser la langue française en Mauritanie doivent savoir que cette langue est en pleine progression dans le pays.

Beaucoup de récompenses ont été distribuées au cours de la soirée, des livres, des chèques et plusieurs cadeaux de valeurs.

Ainsi, deux lauréats du Prix Yahya Ould Hamidoun, Ahmed Mohamed Moctar en Mathématique et Ahmed Mohamed Yahya Abd Sid’Ahmed en Informatique ont gagné un séjour de deux mois à l’Ecole Polytechnique de Paris. Leurs prix leur ont été remis en présence du Pr.Toka Diagana.

«Vivement la 33ème édition !» ont lancé en écho les nombreux invités qui avaient fait le déplacement.

Cheikh Aidara

 


Matchs préparatoires CAN : la Mauritanie bat la Guinée (2-0)

Bonne opération et belle prestation des Mourabitounes face au Sylli National de Guinée, en match préparatoire de la CAN 2019 Cameroun. Le match qui s’inscrit dans la journée FIFA s’est soldé, samedi 24 mars 2018 sur la pelouse du stade Cheikha Ould Boidiya de Nouakchott, par la victoire des Mourabitounes sur le Sylli par 2 buts à 0. Les deux buts ont été inscrits dans la deuxième période, après une première mi-temps vierge (0-0).

Equipe du Silly National de Guinée

 

Le premier but de la rencontre a été marquée à la 51ème minute par Hacen El Id, le joueur de Levante UD d’Espagne sur une belle passe de Diakité Ismaël. Deux minutes auparavant, à la 49ème minute, les Guinéens avaient raté une occasion nette d’ouvrir le score.

Les Guinéens avaient entamé la seconde période réduits à 10 après l’expulsion de Diallo Abdoulaye (N°9) après un échange salé pimenté avec le directeur du parti, le Malien Harouna Coulibaly.

Blessé en cours du match, Adama Bâ sera remplacé par Ely Cheikh El Voulany, qui mettra le feu dans la défense guinéenne dès son entrée avant d’aggraver le score pour la Mauritanie à la 69ème minute.

Corentin Martins qui avait aligné dans les buts le 3ème gardien, Namori, fera tourner son équipe avec les sorties d’Adama Bâ sur blessure à la 60ème minute, Alassane Traoré à la 70ème, Khassa Camara et Hacen El Id également sur blessure, a fait entrer Ely Cheikh Voulany, Homoya Tanji, Thiam Abdoulaye sociétaire de l’AS Monaco et Abdoulaye Gaye dit Pallaye.

Les Mourabitounes ont raté plusieurs occasion qui auraient aggravé le score, surtout ce face-à-face entre Tanji, puis Ely Cheikh avec le gardien de la Guinée, Naby Moussa Yattara.

Le nouveau coach de la Guinée, le Belge Paul Put dont c’est le premier match avec le Silly National, essuie ainsi sa première défaite. Il n’a procédé à aucun remplacement et a terminé le match avec les mêmes joueurs de départ.

Alors que la Guinée a battu la Côte d’Ivoire (3-2) lors de la première journée des éliminatoires de la CAN 2019, la Mauritanie avait dominé le Botswana (1-0) au cours de la même phase. Toutes les deux équipes préparent ainsi leur prochaine sortie, la Guinée contre la République centrafricaine et les Mourabitounes contre le Burkina Faso en septembre 2018.

A noter que la Guinée est 72ème au classement FIFA et la Mauritanie 104ème.

Cheikh Aïdara

 


Amical U-20 : la Mauritanie et la Tunisie se neutralisent 3-3 avec un arbitrage maison

Le match international qui a opposé en amical les U-20 de la Mauritanie à ceux de la Tunisie, le dimanche 18 mars 2018 à Nouakchott, avait un goût amer d’inachevé, tellement l’arbitrage mauritanien, sous le sifflet de Diabel Mathioro, avait les relents d’un arbitrage maison. Même si la configuration du match donnait l’avantage sur le terrain aux jeunes protégés du Malien Baye Bâ, les deux pénalties sifflés en leur faveur ne semblaient pas très évidents, pour beaucoup de spectateurs qui avaient fait le déplacement.

Dominés en première période par 2 buts à zéro, deux buts banals, l’un sur pénalty à la 13ème minute transformé par l’avant-centre tunisien, Rahmani Neeman et le second sur une erreur défensive à la 18ème minute par Ben Ramdan Med Ali, les Mauritaniens avaient mal à mettre le pied sur l’étrier, malgré une reprise en forme dans les toutes dernières minutes de la première mi-temps.

Il faudra attendre la seconde période pour voir les U-20 mauritaniens poser le ballon et déployer un football rayonnant et percutant, contraignant les Tunisiens à se cramponner dans leur dernier carré. A coups de maladresses devant les cages du gardien de but tunisien, Allegui Ayoub, ils se feront surprendre à la 56ème minute sur le troisième but tunisien signé Yousri Hamza. Entre-temps, les Tunisiens avaient changé de gardien, Allegui Ayoub cédant ses gants à Yarmani Aziz et le N°13, Khemessi Samed se faisant expulser après deux cartons jaunes.

Ce fut par la suite une valse de remplacement, le coach tunisien, faisant entrer au cours du match Ben Mliha, Nouali Ghoufrane, Mortadha, Ramez, à la place de Hakim, Yousri, Jebali et Gatfi. Côté mauritanien, Baye Bâ avait également fait asseoir Mahmoud Mohamed Salem (N°9) pour faire entrer le défenseur Brahim, puis Thiam Idrissa à la place de Mohamed Jiyid, Nouh Mohamed Abd en lieux et places de l’excellent Mohamed Lejouad, Moulaye Mohamed Moulaye Idriss, et enfin Taleb Salem à la place de Mhaimid.

Alors que les U-20 de la Mauritanie étaient menés par 3 buts à 0, Camara Cheikh Tidjane qui s’était infiltré dans la défense des Tunisiens s’écroule. L’arbitre siffla le pénalty, alors que plusieurs personnes parmi le public estimaient qu’il n’y avait pas pénalty, alors que d’autres soutenaient le contraire. L’action n’était en tout cas pas si évidente. Mais la sentence de l’arbitre fut exécutoire et le premier but mauritanien intervient sous les pieds de Abdou Id MBareck qui transforma la sentence.

Les U-20 mauritaniens avaient désormais pris le match à leur compte, acculant les Tunisiens par des jeux de passe millimétrés et une distribution de balle au milieu et en profondeur sous la férule du virevoltant Teguedi à donner le tournis à la défense tunisienne. Le deuxième but mauritanien sur pénalty transformé par Teguedi, interviendra dans les mêmes circonstances que le premier. Toujours cette vive polémique, autour de la validité ou pas de ce deuxième penalty, intervenu à la 93ème minute et qui porta le score à 3 à 2.

Alors que les 5 minutes d’arrêt de jeu étaient achevées, et que le banc de touche tunisien réclamait la fin de la partie, l’arbitre central Diabel Bathioro laissa le match couler. A la 96ème minute, sur une belle introduction de Teguedi, les U-20 mauritaniens inscrivirent le but de l’égalisation. Trois buts partout, c’est le score au sifflet final, mais la polémique continuera de faire rage sur les gradins et même à la devanture du stade.

Ce test grandeur nature des jeunes Mauritaniens face à des U-20 tunisiens formés en majorité de professionnels évoluant dans des championnats européens,  donne cependant un aperçu du potentiel qui devra croiser le fer le 31 mars prochain, en éliminatoires de la Coupe d’Afrique des moins de 20 ans, contre les Lions de l’Atlas juniors. De belles empoignades en perspectives.

Cheikh AIdara


Le Français, cette viande du cou qu’on mange et qu’on cache

La Semaine de la Francophonie a été lancée ce samedi 17 mars 2018 en Mauritanie dans un contexte marqué par une guerre menée contre le français par la frange radicale et bien assise au sein du pouvoir, ces ultranationalistes arabes qui envoient pourtant leurs progénitures dans les plus prestigieuses écoles françaises. A eux s’appliquent l’adage bien connue, «ils mangent la viande du cou tout en la cachant» ou autrement, critiquer une chose ouvertement et l’approuver en secret.

Malgré le discours marronnier du président de l’Association mauritanienne de la francophonie (AMF), Ahmed Hamza, qui se plaît à répéter à l’envie, à chaque lancement officiel de la Semaine de la francophonie en Mauritanie, que le français n’est pas en concurrence avec l’arabe, et qu’il vient juste en complément pour participer à la riche diversité linguistique du pays, rien n’y fait. Les radicaux et chantres de l’arabité pure et dure exigent de bouter le français hors des frontières, se plaisant à le décrire comme la langue du colonisateur et usurpateur, quitte à s’inventer une «résistance coloniale» portée jusqu’à la balafre du drapeau national, désormais barré de deux traits rouges, symboles à leurs yeux du sang versé par leurs aïeuls au nom de la cause nationale. Un délire paranoïaque qui a gagné même les plus francophiles de la frange, emportés par la terreur de la horde tribale ou confessionnelle, mais qui ouvertement fourguent leurs rejetons, et les ultraconservateurs arabophones avec, dans les écoles où le français s’apprend le mieux.

Car, malgré cette haine du Français, donc du Négro-africain de quelque bord qu’il soit, du pays ou de la sous-région ouest-africaine contre lesquels des mesures xénophobes ont été prises ces dernières années, à travers un enrôlement biométrique génocidaire et une carte de résidence sélective et draconienne, l’administration mauritanienne continue dans certains aspects de dépendre du français. D’où la quadrature du cercle. Un apprentissage entièrement en arabe du primaire jusqu’à l’université, puis un recyclage en français par cours du soir interposé, cours à l’Institut français ou dans une des alliances, pour espérer se faire recruter dans certains secteurs de l’administration.

Les moins doués préfèrent apprendre l’anglais que le français. Et le nombre des jeunes Mauritaniens qui ont entrepris cette reconversion sont nombreux, sous-prétexte que le français est une langue en recul à travers le monde et pourrait même disparaître. En dessous se cache toujours cette haine contre le français, même si l’aventure est peu payante parfois, les secteurs demandeurs de locuteurs en anglais n’étant pas florès.

En tout état de cause, il paraît clairement que la guerre déclenchée contre le français ne serait que l’une des facettes d’un pouvoir dictatorial qui cherche à exaspérer tous les syncrétismes et toutes les dichotomies pour diviser davantage les Mauritaniens, fusse-t-il, par des querelles de peu d’intérêt comme celles cultivées entre les langues.

Cheikh Aïdara


Célébration du 8 mars : honneur aux femmes vétérans de l’enseignement, ces oubliées de la Nation

Plus d’une cinquantaine de femmes, parmi lesquelles plusieurs qui ont contribué à la formation de beaucoup de générations de cadres en tant qu’enseignantes, ont été honorées lors d’une soirée organisée le samedi 10 mars 2018 par l’ONG ASPOM et l’initiative «La Mauritanie D’Abord». Une soirée qui a permis de dépoussiérer un pan important de l’histoire nationale, oubliée et méconnue des nouvelles générations, celui des femmes vétérans de l’enseignement en Mauritanie.

Table des panélistes (Photo ASPOM)

Entièrement tournée vers des questions exclusivement liées au développement, et rien que le développement, l’initiative «La Mauritanie D’Abord» née d’une idée lancée par  plusieurs cadres et activistes de la société civile, notamment la présidente de l’ONG ASPOM, Mme Seyide Mint Yenge, vient de planter un autre grain dans le sillon des multiples actions concrètes qu’elle a engagées depuis son lancement sur son groupe Watsap. Après avoir participé à la mobilisation lors de la Caravane médicale organisée en début mars par une équipe pluridisciplinaire médicale de l’hôpital Ibn Rochd de Casablanca (Maroc) sous la férule du Dr. Ould Sneïba au profit des malades indigents mauritaniens à Atar, l’ONG ASPOM et l’initiative «La Mauritanie D’Abord» ont animé samedi 10 mars 2018 à l’hôtel Halima de Nouakchott une table-ronde sur l’éducation.

Le thème sur la situation de l’éducation et le système éducatif en Mauritanie a été entièrement épuisé par d’éminentes figures de l’enseignement, au cours d’un panel animé par Mme Coulibaly, Mme Hindou Mint Aînina, ancienne ministre de la Culture et professeur de formation, Seyide Mint Yenge, Marième Moulaty, Vatimetou Mint Mohamed Saleck, Mme Bâ Sokhna Ly, Mme Sarr Djewol Diop, El Ghalya Mint El Vil, Lalla Aicha et Cissé Mint Cheikh Ould Boyde, ancienne ministre de la Culture.

Plus d’une centaine de femmes avait assisté à ce Think Thank qui a permis de poser les difficultés actuelles du système éducatif mauritanien, tout en esquissant des solutions pour leur résolution.

Des attestations ont été par la suite distribuées à une soixantaine de femmes et d’hommes, pour leur engagement et leur apport dans le développement de la Mauritanie.

Ci-dessous, la liste non exhaustive des lauréats :

PRIX DES CITOYENNES MODELES

1-Mme Cheikh Ould Boyde dite Roberte

2-Marieme Mint Moulaye Ely

3-Zoubeyda Boughourbal

4-Vatma Boughourbal

5-Mme Fall Malick

6-Mme Bilal Yamar

7-Mme Fall Thierno

8-Chigve Mint Sidi Mohamed, mère du grand homme d’affaires Nejachi

9-Moulaty Mint Ahmedou, mère de la famille Ehel Aida

10-Soueivya Min Homody, soeur de Feu Mohamed Said Homody

11-Mana mint Lehbib, petite fille de l’Emir du Trarza

12-Zeynabou Min Yaabade, mère de Vatimetou Min Abdel Maleck, maire de Tevragh-Zeina

13-Mariemou Min Boubacar

14-Vatima Min Mohamed, mère de Ehel Abeiderrahmane

15-Lala Mint Samba Nour

16-Sokhna Ly

17-Djewol Diop

18-Toutou Mint Khatry

19-Kadiatou Malick Diallo

20-Aichetou Mint Mélainine Nour

21-Vatimetou Mint Khairy, mère de Ehel Noueigued

22-Saviya Mint Abdatt, mère de Ehel Abdallahi

23-Vivi Mint Foiji

24-Lemat Mint Mogueya

24-Izza Mint Hamam

25-Minetou Mint Boukhary,  mère de Maaloum Ould Barhan

26-Leghle Mint Ahmed khalifa

27-Moimetna Mint Abidine

28-Ghlana Mint Abdel Wahab, mère de Ehel Bouamatou

29-Coumba Sy

30-Salka Mint Edouba

31-Oumelkheir Mint Soueid Ahmed, mère de Ehel Yessa

32-Aissata Kane

33-Marieme Diallo

34-Mana Mint Tarvaya

35-Khadija Mint Mboirick, mère de Ehel Sidi El Mehdi

36-Maimouna Mint Mineya

37-El Ghaliya Mint El Vil

38-Mme Coulibaly

39-Maimouna Diallo

40-Boiba Mint Brahim

41-Khadijetou Mint MHamdi

42-Oumou Kane

43-Lalla Aïcha Ouedraogo

44-Toutes les femmes Kadihines ont été honorées

45-Ehel Ahmed Zeidane famille d’artistes

 

PRIX DES CITOYENS MODELES

1-Dr. Ould Sneiba

2-Moussa MBareck

3-Hassane Ould Taleb

4-Diallo Moctar

5-Abass Boughourbal

 

PRIX DES INSTITUTIONS MODELES

1-Fondation Attyoullah

 

Cheikh Aïdara


Les femmes du Brakna et du Gorgol et l’accès à la terre

Jusque-là, la terre appartient aux hommes et les femmes n’ont qu’un faible accès à la propriété foncière et domaniale, tout au long de la Vallée du Fleuve Sénégal. Une injustice que les femmes ont toujours dénoncé, d’où l’importance de la mission que le Fonadh, l’Union européenne et le Ministère de la Femme viennent d’organiser du 27 février au 7 mars 2018 dans les régions du Brakna et du Gorgol dans le but d’expliquer aux femmes les procédures d’accès à la terre et les techniques de leur mise en valeur.

Une séance d’explication aux femmes (Photo Sakho)

Le Forum  des Organisations Nationales  des Droits de l’Homme (FONADH) en partenariat avec Oxfam, l’Union Européenne et en collaboration avec  le Ministère de l’Action Sociale de l’Enfance et de la Femme(MASEF) a  choisi la première semaine du mois de mars 2018 pour mener à l’endroit des femmes de l’intérieur du pays une campagne d’information, de sensibilisation et de vulgarisation sur les procédures d’obtention de titres fonciers.

Ainsi les communes de Thétiane, Djéol, Guiray, Silla, Woloum, Néré Walo, Aéré M’Bar, Médine, Niabina et Garlol, relevant des wilayas du Brakna et du Gorgol ont été visitées.

Ces  localités à vocation agrosylvopastorales se caractérisent par la bravoure des femmes, fortement engagées dans les travaux champêtres, bien que ces dernières années  soient  marquées  par une faible pluviométrie, rendant les récoltes quasi inexistantes  et le couvert végétal peu fourni pour la survie du bétail et des habitants.

Le Wali du Gorgol (Photo Sakho)

Durant le déplacement de la délégation dans les différentes localités, des causeries, des débats  et plusieurs réunions ont été organisés avec les femmes regroupées  en associations villageoises, en coopératives et  en groupement d’intérêt économique (GIE) par des facilitateurs-genre du FONADH,  sous la conduite de Mme Coumba Diop, Coordinatrice du projet.

L’objectif visé dans cette mission était de rencontrer, entre le 28 Février et le 7 Mars 2018, toutes les sensibilités de la société civile, en particulier les femmes, pour leur apprendre les procédures pour l’accès à la propriété foncière et les méthodes de mise en valeur des terres de culture.

La mission a  également fait un  plaidoyer auprès des services déconcentrés de l’Etat pour la sécurité foncière, l’accès et le contrôle de la terre par les femmes.

Pour clôturer leur tournée,  la mission du FONADH  a choisi la capitale du Gorgol, pour la commémoration de la fête internationales des droits de la femme, en organisant en marge des activités prévues dans le programme de cette journée, une conférence sur le thème «Autonomisation des femmes, Accès des  femmes à la terre » présidée par le Wali du Gorgol.

M.S
Rosso


Aliments de bétail et pâturage : cheptel et éleveurs menacés par une longue soudure

Au Guidimagha, chaque tronc d’arbre compte plus d’excréments d’animaux que de touffes d’herbes sèches. Preuve d’une forte pression sur les maigres et pauvres pâturages. Des centaines de têtes de chameaux, de vaches et de petits ruminants poussés par des dizaines de familles d’éleveurs, certains provenant des confins de Maghta-Lahjar, d’autres du Gorgol, errent, déboussolés, ne sachant comment terminer une soudure qui s’est déjà installée.

D’habitude, la période de soudure commence au mois de juin, deux mois environ  avant l’hivernage. Même dans ce court délai en attendant les premières gouttes de pluie de fin juillet-août, le monde rural souffre. Que dire d’une soudure qui risque de durer cette année, cinq à six mois, au milieu d’une désolation totale consécutive à un hivernage 2017 fortement déficitaire.

Là, c’est un vieil homme et sa petite famille, poussant des chevaux tannés par la faim. «Je viens de Ouad Lebyadh, près de Gleita (diminutif de Foum Gleita : Ndlr) avec ma famille, poussé par la sécheresse. Sincèrement, je ne sais pas où aller, certainement là où on pourra trouver de la nourriture pour nos animaux » déclare-t-il.

Aux portes de Sélibaby, Tahar Ould Boya et son frère. Deux petites tentes et une quarantaine de vaches ainsi qu’une bonne trentaine de petits ruminants. A leur compagnie, des femmes et des enfants, tous en provenance de Sangrava, Moughataa de Maghta-Lahjar au Brakna.

«Cette année, nous n’avons pu obtenir que 2 sacs de blé des magasins de l’Etat, payés à 3.000 UM l’un, mais le stock s’est épuisés. Nous ne savons pas si l’Etat va alimenter les boutiques Emel pour la vente d’aliments de bétail ou pas, ni quand. Nous avons payé hier deux sacs, sur le marché, à raison de 5.500 UM l’unité. Nous ne pouvons continuer à débourser une telle somme chaque jour. Nous n’en avons pas les moyens.  Pour l’instant, nous faisons tout pour sauver le cheptel d’une mort probable, en l’absence de tout apport des pouvoirs publics. Nous profitons des rares herbes ici, et de l’eau que nous amenons d’un puits pas loin d’ici » affirme Tahar.

«Dans ces conditions, comment exiger des enfants des éleveurs d’aller à l’école, ou des femmes, qu’elles se rapprochent des postes de santé, quand la survie devient la priorité », lance son jeune frère, Mhaimid. Lui et ses sœurs ont été obligés d’interrompre leurs études pour la survie du cheptel.

Cheikh Aidara


Juge Bâ Aliou : «Pourquoi, il n’y a que 3 dossiers d’esclavage depuis 2015 sur l’ensemble de la Mauritanie ? Est-ce qu’on a créé des tribunaux et engagé un personnel judiciaire pour rien ? Où sont les associations des droits de l’homme ? »

Le Juge Bâ Aliou, Président de la Cour spéciale de justice chargée des crimes esclavagistes de la Zone Est qui regroupe les deux Hodhs, l’Assaba et le Guidimagha, a largement expliqué le contenu de la Loi 2015-031 criminalisant les pratiques esclavagistes. C’était au cours d’une communication faite  lors de la Journée nationale de lutte contre l’esclavage et ses séquelles le 6 mars 2018 à Sélibaby, et la veille, le 5 mars, devant les Imams du Guidimagh.

Le juge Bâ Aliou explique la Loi 2015-031 contre l’esclavage aux Imams du Guidimagha (Photo Aidara)

Selon le juge Bâ Aliou, l’esclavage a été aboli pour la première fois en Mauritanie par un décret colonial datant de 1905. En 1981, il fut aboli et en 2007, il est criminalisé. Mais d’après Bâ Aliou, tous ces textes juridiques manquaient de cadres pour leur application, rappelant que la France a aboli l’esclavage en 1848, mais ne l’a criminalisé qu’en 2013 avec la Loi Taubira.

Les bienfaits de la Loi 2015-031

Bâ Aliou de rappeler que la Loi 2007 criminalisant l’esclavage considérait le phénomène comme un simple délit passible de 6 mois à 5 ans d’emprisonnement et soumis aux tribunaux régionaux. Sous cette loi de 2007, souligne-t-il, les cas d’esclavage pouvaient se régler par des transactions pénales et en cas de retrait de la plainte, le dossier était classé sans suite. Cette loi ne permettait pas ainsi de combattre efficacement l’esclavage, a-t-il conclu en substance.

Vue partielle des Imams (Photo Aidara)

Sous la pression de la société civile, la Mauritanie qui avait ratifié plusieurs conventions internationales, notamment la Convention  supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage du 30 avril 1956, va adopter la Loi 2015-031, modifiant et abrogeant la loi de 2007, explique-t-il.

Cette loi a l’avantage, selon le juge Bâ Aliou, de donner une définition précise, claire et exhaustive de l’esclavage (esclavage domestique, travail forcé, servage, mariage forcé, etc). Elle élève les pratiques esclavagistes en crime, mais surtout en crime contre l’humanité, avec des conséquences juridiques importantes. La première est que la loi rend les crimes esclavagistes imprescriptibles et  deuxièmement, universels. Un crime esclavagiste peut être jugé même après 100 ans, et n’importe quelle juridiction internationale peut la juger si toutes les voies de recours au niveau national ont été épuisées, sans que les victimes ne trouvent réparation.

Troisième conséquence, les sanctions sont aggravées. Elles passent de 5 à 20 ans d’emprisonnement et une amende de 250.000 à 7,5 millions de MRO, sans compter les dommages et intérêts à verser aux victimes (laissés à l’appréciation du juge). Il a cité dans ce cadre une affaire déjà jugée à Néma et où les victimes avaient reçu 6 millions de dommages et intérêts.

Intervention d’un Imam

Selon lui, la décision du juge, avec la Loi 2015-031, est exécutoire instamment nonobstant appel ou opposition. Autre innovation introduite par la loi, selon le juge Bâ Aliou, dès qu’il y a plainte ou dénonciation d’un cas d’esclavage, l’autorité auprès de laquelle le cas a été transmis doit immédiatement engager les procédures y afférentes sous peine de poursuites pénales pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à 1 millions de MRO.

Dès qu’un cas est signalé, le juge doit se déplacer sur les lieux et prendre les mesures conservatoires nécessaires pour préserver le droit des victimes.

La loi, d’après Bâ Aliou, offre la gratuite des frais de justice aux victimes (frais de justice, avocats, etc). La loi permet également à toute ONG des droits de l’homme reconnus d’accompagner et d’assister les victimes. Les associations reconnues d’utilité publique et ayant une existence de plus de 5 ans peuvent ester en justice en se constituant partie civile. Mais elles n’auront pas droit à des dommages et intérêts.

Obstacles à la mise en œuvre de la Loi 2015-031

Le juge a mis cependant en exergue certaines difficultés liées à la mise en œuvre de la Loi 2015-031. La première difficulté est selon lui la rareté des cas qui sont soumis aux trois cours spéciales mises en place. Depuis qu’il préside la Cour spéciale de la Zone Est de Néma, le juge Bâ Aliou déclare n’avoir reçu qu’un seul dossier d’esclavage. Idem pour les Cours spéciales de la Zone Nord et de la Zone Sud, Nouadhibou et Nouakchott, qui n’en ont également reçu chacun qu’un seul.

«Pourquoi, il n’y a que 3 dossiers d’esclavage depuis 2015 sur l’ensemble de la Mauritanie ? Est-ce qu’on a créé des tribunaux et engagé un personnel judiciaire pour rien ? Où sont les associations des droits de l’homme ? » Telles sont les questions que le juge Bâ Aliou a lancé à l’assistance, ajoutant à l’intention de la société civile «remuez-vous, les juges sont là, assis à se tourner les pouces et attendent que vous leur amenez des cas d’esclavage !» C’est un véritable défi qui est lancé aux organisations anti-esclavagistes qui parlent de milliers de victimes de l’esclavage en Mauritanie, selon ses propos.

Il a cependant esquissé quelques entraves qui pourraient expliquer cette rareté de cas soumis aux tribunaux, notamment, l’absence d’habitude chez les Mauritaniens d’ester en justice et les règlements à l’amiable qui se font loin des tribunaux et de la société civile.

Evoquant les difficultés liées au fonctionnement des tribunaux, il a cité l’étendue des territoires couverts par rapport aux moyens dérisoires accordés. «Moi j’ai 4 régions, qui vont du Hodh Chargui au Guidimagha en passant par le Hodh Gharbi et l’Assaba » a-t-il illustré. Se pose aussi selon lui le problème de compétences des procureurs. Dans son cas, il a cité l’exemple d’un fait d’esclavage signalé à Sélibaby, se demandant si cette affaire doit relever de la compétence du Procureur de Sélibaby dans le territoire duquel les faits ont eu lieu ou le Procureur de Néma dont relève la Cour spéciale. Dans la pratique actuelle, dit-il, «c’est le Procureur de Néma, qui ne connaît rien au dossier, qui va défendre un dossier entièrement ficelé par le Procureur de Sélibaby».  Se pose dans ce cadre, dit-il, les problèmes liés au transfert des dossiers qui se fait d’une façon informelle et qui aboutit souvent à des pertes d’une partie du dossier. «Nous avons proposé que le tribunal se déplace sur les lieux du crime esclavagiste, pour que le Procureur qui a diligenté l’enquête puisse défendre son dossier en toute connaissance de cause et pour que les éléments du dossier ne courent le moindre risque de perte. Outre ces deux avantages, l’audience sera ouverte devant les populations du Guidimagha qui ont plus besoin de savoir que les populations de Néma qui ne seraient probablement nullement autant intéressés par des faits qui ont eu lieu dans une autre région» a expliqué le juge Bâ Aliou.

Autre problème, celui lié à la saisie conservatoire des biens, souvent constitués de cheptels. «Qui doit en assurer la garde ? Avec quoi payer les gardiens et assurer l’alimentation du bétail saisi jusqu’au jugement de l’affaire ?» se demande le juge Bâ Aliou qui évoque les moyens dérisoires accordés aux Cours spéciales. Jusqu’en 2016, souligne-t-il, ces cours n’avaient pas de budget propre et puisaient dans le budget de fonctionnement du Ministère de la Justice un montant annuel de 1,5 million MRO pour leur fonctionnement. Aujourd’hui les juges des tribunaux spéciaux disposent de moyens plus importants, souligne Bâ Aliou, citant la possibilité qui leur est désormais conféré de réquisitionner tout véhicule appartenant à l’Etat ou à des particuliers ainsi que la possibilité de réclamer auprès du Trésorier régional tout fonds jugé nécessaire dans l’exécution d’une mission.

En plus des dossiers constitués depuis la loi de 2015, trois au total, les juridictions créées pour les affaires d’esclavage ont hérité d’anciens dossiers tombant sous la loi de 2007. Le nombre de ces dossiers est de 29, selon le juge Bâ Aliou, 11 à Néma, 6 dossiers à Nouakchott et 6 dossiers à Nouadhibou.

La prochaine session pour le jugement d’une affaire pendante devant le tribunal de Néma est fixé fin mars-début avril 2018, selon le juge Bâ Aliou.

Cheikh Aîdara

 


Les Imams du Guidimagha à l’école de la Loi et de la Fatwa sur l’esclavage

Le 5 mars 2018, à la veille de la Journée nationale contre l’esclavage, plusieurs centaines d’Imams du Guidimagha issus de toutes les composantes de la région, Maures, Peulhs et une écrasante majorité de Soninkés, ont eu droit à un cours magistral sur la Loi 2015-031 criminalisant l’esclavage, en plus de cours théologiques sur l’Imamat et la Prêche, en particulier la Fatwa émise par les Erudits de Mauritanie. Cette journée a été organisée par l’Association pour le développement intégré du Guidimagha (ADIG) en collaboration avec le Bureau International du Travail (BIT).

Hamada Bneijara debout au milieu des imams réunis en groupe de travail (Photo Aidara)

En partenariat avec le BIT, l’ONG ADIG a organisé le 5 mars 2018 à Sélibaby, une Journée uniquement réservée aux Imams de mosquée du Guidimagha. Près d’une centaine de participants, dans une région majoritairement peuplée de Soninkés en bute à des défis sociaux énormes liés à la persistance des castes et les privilèges de naissance pour la conduite des prières. Une situation que les classes serviles cherchent aujourd’hui à renverser.

C’est donc dans un contexte tendu, exacerbé par des heurts sociaux qui ont secoué quelques localités du Guidimagha, notamment Dafor et Coumba Ndaw, que la journée du 5 mars a été ouverte par le Wali du Guidimagha, Diallo Oumar Amadou, en présence du Hakem et du Maire de Sélibaby, ainsi que les représentants des autorités sécuritaires.

Contexte du Guidimagha

Ouvrant les travaux, après les discours officiels, le président de l’ONG ADIG, M.Hamada Ould Bneijara a débuté sa communication sur la contextualisation de la table-ronde en lien avec la sensibilité du sujet sur l’esclavage au Guidimagha, en remontant loin dans l’histoire sociopolitique et économique de la Mauritanie, pour aboutir à la coexistence pacifique qui a toujours régné dans la société mauritanienne et son expression égalitaire exprimée par la mosquée, là où toutes les différences sociales s’estompent. «Le Wali ici présent, lorsqu’il se rend à la mosquée pour la prière, peut arriver qu’il prie derrière son planton, ou son garde » a-t-il illustré. Il a mis dans ce cadre l’accent sur le rôle central que joue la mosquée et les Imams dans la prise de conscience sur les vraies valeurs prônées par l’Islam, fraternité, tolérance, égalité de tous devant Allah, ni caste, ni privilège de naissance.

Marc Ninerola, chef du Projet Brige-Mauritanie lors d’un mot prononcé en présence des autorités (Photo Aidara)

D’ailleurs le verset de la Sourate Al-Houjourat sur la prééminence de la foi sur les considérations sociales a été beaucoup cité par les différents intervenants.

La Fatwa sur l’esclavage

Abordant le sujet, le Dr.Yahya Ould Barar, professeur de lettres à l’Université de Nouakchott va distinguer, lors de sa communication sur la Fatwa interdisant l’esclavage, deux sources qui fondent toute fatwa, à savoir la recherche de l’intérêt général et l’obstruction de toute voie qui mène vers le pêché. Selon lui, l’esclavage qui a existé en Mauritanie, a été unanimement reconnu comme illicite et contraire aux préceptes de l’Islam. Ce dernier ne reconnaît, selon lui, comme mode d’asservissement que celui découlant d’une guerre sainte décrétée par le détenteur d’une forte autorité politique ou religieuse reconnue et exercé sur des prisonniers non musulmans refusant de prononcer la Chahada. Il a rappelé dans ce cadre l’avènement du Prophète Mohamed (PSL) dans une société Koreïcihite profondément esclavagiste. Selon lui, l’Islam a ouvert 19 voies pour l’affranchissement des esclaves, par la Kafara et le rachat notamment, et qu’il n’a ouvert qu’une seule voie licite pour l’esclavage, celle citée plus haut (le Jihad vi Sebili Lah ou guerre sainte). Et même dans ce dernier cas, précise-t-il,  trois choix sont laissés aux musulmans pour traiter les prisonniers mécréants refusant de prononcer la Chahada : être passés par les armes, enseigner aux musulmans l’écriture et la science qu’ils détiennent, ou l’esclavage. «El Asl hiya El houriya » a-t-il dit, autrement, «la primauté, c’est la liberté».

Il a cité dans ce cadre les guerres saintes menées par Cheikh Oumar Foutiyou, ou encore Traoré Touré, soulignant que seuls les esclaves capturés par ces deux hommes sont considérés dans cette région comme des esclaves licites, car découlant de guerres saintes contre des animistes vaincus et refusant la Chehada.

Abordant la réalité de l’esclavage en Mauritanie, Dr.Yahya Ould Barar a cité deux dates : 1981 et la première abolition de l’esclavage sous Haidalla (Chef de l’Etat 1980-1984) et 2015, avec la loi abrogeant et remplaçant la Loi de 2007 sur la criminalisation de l’esclavage. Ces lois,décrétées ont puisé leurs fondements, selon lui, dans trois principes de la Charia.

Les Imams en face des autorités du Guidimagha (Photo Aidara)

Le premier principe, l’Intérêt général qui prône l’égalité des citoyens dans une société à la quête de la stabilité, de la cohésion sociale et de l’unité nationale.

Le deuxième principe est le «Sed Ezeria » ou l’obstruction de toute voie menant vers le Haram (La Taghrabou Zina-Ne vous approchez pas de l’adultère). Il n’est pas dit «ne faites pas» mais «ne vous approchez même pas » de tout ce qui peut conduire à l’adultère.

Enfin, troisième principe, le «Tekrime» ou l’honneur rendu par Allah à l’être humain (Laghad Karamna Beni Adama-On a honoré le fils d’AdamCoran) qui fait de l’homme son Vicaire sur TerreDr.Yahya Ould Barar a souligné que selon le rite Malékite, le corps de l’être humain, quel que soit sa religion ou sa mécréance, devient pur à la mort.

Dans les questions-réponses qui ont suivi la communication, la question qui a été la plus récurrente fut celle liée à l’exclusivité de l’Imamat en milieu Soninké, cette fonction étant l’apanage d’une famille qui la transmet de père en fils en toute exclusivité, même si l’héritier est inculte sur le plan religieux.

En réponse, Dr.Yahya Ould Barar a mis en exergue la difficile mutation de certains faits sociaux, qui demandent du temps pour se résorber, lançant un appel aux médias, à la société civile, aux enseignants, aux érudits, pour qu’ils contribuent tous aux changements des mentalités par la sensibilisation et la communication pour un changement en douceur loin de toute rupture brutale source de crises graves.

Par la suite, les Imams ont été dispatchés dans quatre groupes de travail pour donner des exemples concrets en lien avec chacun des thèmes développés et formuler des recommandations opérationnelles. Celles-ci, après synthèse, ont largement été adoptées par les participants.


Cheikh Aïdara

 


Journée nationale de lutte contre l’esclavage : démonstration de force des «Komo à Sélibaby

Ils sont venus de toutes les localités de Sélibaby, mais aussi d’Europe, notamment de France, pour célébrer la Journée nationale de lutte contre l’esclavage qui a eu lieu cette année, le 6 mars dernier, à Sélibaby. Quelques 150 invités, en majorité «Komo», esclave en Soninké, qui se sont fortement mobilisés pour se faire entendre par le gouvernement mauritanien, représenté à l’occasion de l’ouverture officielle par le Commissaire aux droits de l’homme et à l’action humanitaire, un chargé de mission à la Présidence de la République, deux cadres de l’agence Tadamoun, ainsi que les autorités administratives et sécuritaires, sous l’égide de l’Association des Maires du Guidimagha, en collaboration avec le Bureau International du Travail (BIT) à travers le Projet Bridge et l’Association pour le développement intégré du Guidimagha (ADIG).

Table officielle avec le Wali, le Commissaire et le Maire au centre (Photo Aidara)

L’immense salle de l’Immeuble «Guidimagha», un complexe construit récemment à l’entrée Est de Sélibaby par les populations pour servir de lieu de manifestations et de résidence de passage, a refusé du monde ce 6 mars 2018, Journée nationale de lutte contre l’esclavage et ses séquelles dont la première édition a eu lieu l’année dernière à Kiffa, capitale de l’Assaba. Le choix de Sélibaby, au Guidimagha, pour cette journée a été entourée de beaucoup d’appréhensions, au regard des tensions qui couvent depuis quelques temps, sur les réseaux sociaux, mais aussi sur le terrain de la confrontation sociale, entre les «Komo» révoltés par leur condition sociale et la noblesse soninké.

Aussi, les dirigeants des puissantes associations mises en place depuis quelques années par les descendants d’esclaves notamment en France, se sont mobilisés pour faire le plein, convoyant des centaines de personnes de tous les villages et hameaux soninkés du Guidimagha. Les deux plus grandes associations, l’AMEES (association mauritanienne pour l’éradication de l’esclavage et de ses séquelles) dont l’un des dirigeants, Ladji Traoré de l’Alliance Populaire Progressiste (APP)  a fait le déplacement, et le Forum Ganbanaaxun Fedde (Association des volontaires pour le développement Soninkara UVDS) ont ainsi fait le plein de la salle, où les autres communautés, Peuls et Arabes, étaient largement minoritaires.

L’engagement du gouvernement contre l’esclavage et ses séquelles
Ouvrant les travaux de la Journée nationale de lutte contre l’esclavage et ses séquelles, le Commissaire aux droits de l’homme et à l’action humanitaire, Cheikh Tourad Ould Abdel Maleck, a mis en exergue l’engagement du gouvernement mauritanien à mettre fin à toute forme de servilité ou d’exploitation de l’homme par l’homme, citant comme arguments, l’adoption d’un arsenal juridique pénalement répressif, la Loi 2015-031 criminalisant les pratiques esclavagistes, l’inscription de l’esclavage comme crime contre l’humanité dans la Constitution, la création de l’agence Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, la lutte contre la pauvreté et l’insertion, la création de trois tribunaux spéciaux chargés de juger les affaires d’esclavage.

Il semblerait que c’est le président Mohamed Abdel Aziz lui-même qui a tenu à ce que cette journée soit célébrée à Sélibaby, malgré la réticence de certains parmi son entourage qui craignaient un clash communautaire, sur la base des évènements récents, notamment dans les localités de Dafor et de Coumba Ndaw, qui ont failli mettre le feu à la poudre des dissensions sociales en rapport avec la question de l’esclavage. Ainsi, aurait-il sommé le Commissaire aux droits de l’homme qui revenait tout juste d’un voyage à Genève de se rendre immédiatement à Sélibaby, dépêchant par la même occasion son chargé de mission, Sidney Sokhna de la noblesse soninké, et souvent pris à partie par les associations «Komo» lui et le ministre de l’Environnement, Hamedi Camara, tous les deux ressortissants du Guidimagha.

Les maires du Guidimagha et la société civile

Auparavant, le maire de la commune de Sélibaby, Hadrami Ould Wedad, président de l’Association des Maires de Guidimagha, maître d’œuvre de la journée, et Vice-président de l’Association des Maires de Mauritanie, avait souligné que la Loi 2015-031 criminalisant l’esclavage traduit les orientations claires du président Mohamed Abdel Aziz et de son gouvernement, relatives à l’éradication du phénomène en faisant de la loi un outil de rapprochement entre les communautés et les citoyens. Il a promis que les maires du Guidimagha, dès la fin de la journée consacrée à la vulgarisation de la loi et l’explication de son contenu, s’empresseront de la divulguer auprès de tous les habitants de la région.

S’exprimant au nom de la société civile, fortement représentée au cours de la journée, Amadou Bocar Bâ, membre de l’association AMEES et du Forum national des droits de l’homme (FONADH) ainsi que Salifou Diarra, membre de AMEES, ont fustigé un fléau qui divise les populations, demandant aux autorités de veiller à la stricte application des dispositions de la Loi 2015-031, tout en engageant une vaste campagne de sensibilisation pour la faire connaître aux populations, de mettre fin au monopole des mosquées et de la chefferie traditionnelle par des lignées traditionnelles et de régler les questions de la propriété foncière.

Le rôle du BIT

A son tour, Jean-Marie Kagabo, du BIT Genève dans son allocution, a félicité les autorités pour l’instauration d’une telle journée et l’honneur de l’institution qu’il représente d’y être associée et d’être impliqué par le gouvernement mauritanien pour l’accompagner dans la mise en œuvre de la Loi 2015-031. Il a remercié le Premier Ministre, Yahya Ould Hademine, d’avoir reçu en février 2015 une délégation du BIT à Nouakchott et d’avoir apporté son soutien, à travers une lettre adressée au Directeur général du BIT, à la mise en œuvre d’un projet d’appui  technique sous la tutelle de la Direction du Travail. Ce projet est, selon lui, «une composante d’un programme mondial qui s’appelle Bridge », implanté dans plusieurs pays et financé par les Etats-Unis. L’apport du Premier ministre s’est confirmé, dira-t-il en substance, par la ratification du Protocole relatif à la Convention 29 sur le travail forcé en janvier 2016, faisant de la Mauritanie le 2ème pays à l’avoir ratifié. Enfin, Jean-Paul Kagabo a appelé à la mise en place au niveau national, d’une alliance dénommée «Alliance 8.7», qui s’alignera sur l’alliance mondiale dont l’objectif est de fédérer toutes les forces pour l’atteinte de la cible 8.7 des ODD relative à la lutte contre le travail forcé, l’esclavage moderne, la traite des personnes et le travail des enfants.

Diallo Issa, représentant l’Agence Tadamoun a déroulé à son tour les principales réalisations de son institution (Voir https://cridem.org/C_Info.php?article=708631).

L’esclavage en milieu Soninké

Partie de l’assistance (Photo Aidara)

Pour Sidney Sokhna, chargé de mission à la Présidence de la République, la spécificité de la société soninké rend difficile la compréhension des rouages de son fonctionnement, mettant en exergue les contradictions qui veulent qu’un tel Traoré, considéré comme esclave ici, soit au Mali un dignitaire de la grande noblesse, expliquant également au passage cette persistance à fixer les individus selon leur nom dans une compartimentation sociale immuable. Les choses doivent changer, dira-t-il, mais avec le temps, la douceur et le dialogue. «Ceux qui pensent que le changement, c’est ici et maintenant se trompent, et ceux qui pensent qu’une telle situation de rigidité dans les rapports sociaux peut continuer, se trompent également » dira-t-il. Sidney avoue s’être rendu en France sur instruction de la Présidence pour démêler l’épineux problème de l’esclavage en milieu soninké qui a atteint son paroxysme ces derniers temps et d’avoir rencontré les représentants des principaux dirigeants d’association qui font bouger aujourd’hui le Guidimagha. Il leur a demandé de lui consigner leurs principales doléances. Celles-ci n’ont pas dépassé quatre points, a-t-il déclaré : la chefferie traditionnelle, l’Imamat, la question du mariage et les terres agricoles. Selon lui, la question de la chefferie traditionnelle et de l’Imamat ne sont pas des questions de castes, car certains nobles ne peuvent pas accéder à de tels postes dans tel village ou l’autre. Selon lui, ce sont des questions qui pourront se résoudre avec le temps et la concertation. Sur la question foncière, il dit qu’il y a des esclaves qui ont des terres et des nobles qui n’en possèdent pas. Selon Sidney Sokhna, il y a des gens qui ne veulent pas que les choses changent, ceux qui en font un fonds de commerce et ceux qui s’agrippent encore à des privilèges ancestraux. Mais pour lui, le changement est inéluctable.

Passage en revue

S’exprimant au nom de la communauté maure du Guidimagha, le maire et notable des Ehel Mhoimid dont la tendance règne sur 9 communes de la région, a déclaré que l’esclavage pur et dur n’existe plus dans cette communauté qui serait fortement métissée, soulignant que lui-même est le fruit de ce métissage, sa mère appartenant à la communauté harratine.

Plusieurs intervenants ont par la suite chauffé la salle, tels que Abderrahmane Traoré, Secrétaire général de l’AMPS (association mauritanienne contre les pratiques esclavagistes et ses séquelles) dont l’organisation réclame selon lui l’application de la loi contre l’apologie de l’esclavage et contre les usurpations de terres appartenant à des «Komo» sous la menace, l’intimidation et le chantage des milieux féodaux. Parmi également les intervenants qui ont secoué la salle, le Cheikh Demba Diarra, qui a connu récemment des démêlées avec la justice pour ses positions antiféodales, mais aussi,  Yacoub Baghayoko de l’UVDS, l’imam Abdallahi Cissé, l’Imam Zakarya, des passes d’armes entre activistes et membres de la féodalité, mais passes d’armes aussi entre les religieux, dans une langue Soninké qui a échappé à une grande partie de l’assistance, mais dont la vigueur dénotait d’un grand engagement à coups d’argumentaires sociologiques ou religieuses.

Enfin, Hamada Ould Bneijara, président de ADIG a contextualisé la journée en lien avec la sensibilité du thème au Guidimagha, tandis que le président de la Cour spéciale chargée des crimes esclavagistes de la Zone Est qui couvre les deux Hodhs, l’Assaba et le Guidimagha, le juge Bâ Aliou a fait un exposé exhaustif sur le contenu de la loi et les défis qui se posent pour sa mise en œuvre.

Cheikh Aïdara

 


AMDH : tortures, apatridie, disparition forcée… les signes d’une dégradation des droits en Mauritanie

Même reconnue officiellement depuis 2005, l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH) a déploré, lors d’une conférence de presse organisée vendredi 2 mars 2018, son incapacité à mener sa mission en Mauritanie, à cause des obstacles administratifs.

Comment la Police mate les manifestations pacifiques

«Nous sommes dans l’impossibilité de venir en aide aux populations mauritaniennes, notamment les enfants, les femmes et les personnes vulnérables, mais aussi les familles de migrants résidant dans le pays, qui sont toutes confinées aujourd’hui  dans des espaces de non droit » a déclaré M.Ousmane Chérif Touré, Coordinateur du Projet Etat de droit au sein de l’AMDH, à l’ouverture d’une conférence de presse organisée par son organisation le vendredi 2 mars passé. Il a évoqué un recul grave de toutes les libertés en Mauritanie, avec  l’usage de la force publique pour mater toute manifestation pacifique et le refus systématiques des autorités à accorder la moindre autorisation de réunion.  L’AMDH, à l’instar des autres défenseurs des droits de l’homme est aussi, selon lui, confronté à des blocages pour mener son terme les plaintes pour torture conformément aux dispositions de la Loi 2015-033 fixant ses éléments constitutifs. «En contradiction avec les instruments nationaux et internationaux ratifiés par la Mauritanie, les plaintes concernant les allégations de torture ne sont pas prises en compte par les autorités  judiciaires compétentes et font souvent l’objet d’un classement sans suite » indique le communiqué de presse publié à cet effet.

Rafles dans les quartiers périphériques

Le conférencier a aussi mentionné les entraves à la libre circulation des populations, citant les rafles nocturnes dès 20 heures qui ciblent les garçons comme les filles sans que leur famille ne sache par la suite les lieux où ils ont été conduits. La peur et la panique s’installent dans les quartiers périphériques à chaque tombée de nuit, fait-il remarquer, ajoutant que les plaintes pour maltraitance et tortures au cours des rafles sont restées jusque-là lettres mortes. Fut cité dans ce cadre, un cas d’intrusion suivie de coups de feu de la part d’un garde qui avait suivi jusque dans la concession de ses parents un jeune qui fuyait une rafle. La plainte déposée par la suite par le père du gosse, douille que l’Etat-major de la Garde avait cherché en vain à récupérer, à l’appui et présentée au Procureur. L’affaire, selon Me Fatimata MBaye a finalement été classée, suite à un arrangement arraché sous la pression. Elle a aussi cité le cas d’un prisonnier mort en détention à la prison d’Aleg et qui aurait succombé à des tortures, et dont l’affaire ne fut jamais démêlée.

Selon Me MBaye, le Mécanisme contre la torture mis en place par l’Etat mauritanien ne jouit pas de tous les instruments de sa mission, limité qu’il est dans ses actions. Selon elle, son organisation est actuellement en possession de 3 cas avérés de torture selon la Loi 2015-033.

Réquisition à médecin

Première pièce dans tous les cas d’allégation de tortures, la réquisition à médecin constitue selon  l’AMDH un autre problème de blocage, la Police refusant le plus souvent de la délivrer. Des fois, c’est l’hôpital national qui refuse de délivrer un certificat médical pour un complément de dossier judiciaire. Et si malgré tout, le certificat est délivré, l’incapacité de travail ne dépasse pas, dans la majorité des cas 5 jours, ce qui signifie le classement systématique et sans suite de l’affaire, quelle que soit la gravité des dommages subis par la victime. S’ajoute à cela, l’absence d’éthique parmi certains médecins et personnels de santé.

Pas d’accès aux lieux de détention

L’AMDH, selon Ousmane, attend depuis plus d’une année une demande restée sans suite pour la visite des lieux de détention pour s’enquérir des conditions de détention des prisonniers et leur apporter une aide judiciaire. «L’accès des organisations aux lieux de détention est désormais impossible pour les différents acteurs de la société́ civile mauritanienne. Depuis 2017, l’AMDH n’a pas obtenu  l’autorisation d’accès aux lieux de privation de liberté́ et cela malgré ses multiples démarches et courriers adressés aux services compétents des ministères de la Justice et de l’intérieur » indique l’organisation.

Enfants apatrides mauritaniens

Le nombre d’enfants mauritaniens empêchés de passer les concours nationaux pour défaut de pièces d’état-civil, notamment pour les concours d’entrée en 1ère année du collège, au Brevet et au Baccalauréat est alarmant, selon l’AMDH. «Rien que dans un collège de Dar-Beida, un des quartiers périphériques et déshérités de Nouakchott, plus d’une centaine d’élèves ne passeront pas cette année le brevet » selon le directeur de l’établissement cité par les enquêteurs de l’AMDH. Idem pour les enfants migrants qui n’ont pas d’accès à l’enrôlement.

Disparition forcée

Le cas de Mohamed Ould M’Khaïtir qui a purgé sa peine et qui a disparu depuis son dernier procès le 9 novembre 2017 sans que sa famille, ses avocats et les ONG de défense des droits humains ne soient informé sur son sort, constitue le cas le plus symptomatique de disparition forcée dans le pays. Les autorités mauritaniennes refusent toute indication à ce sujet. Me MBaye qui l’avait défendu soutien ignorer où il est. «Tant que l’on me l’a pas présenté en chair et en os ou son cadavre, ou me faire visiter son lieu de détention, je ne saurais me prononcer », a-t-elle indiqué lors de la conférence de presse.

62ème session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples à Nouakchott

C’est à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, lieu de toutes les violations des droits de l’homme et théâtre d’une dégradation avancée de l’Etat de droit tels que décrits plus haut, que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) compte tenir en juillet 2018 sa 62ème session ordinaire. Quoi de plus banal si l’on sait que cette commission a pour siège Banjul de l’ancien dictateur Djamé et qu’elle a pour parrain les chefs d’Etat et de gouvernement africains dont la plupart gouverne leur pays selon le même standard répressif des droits de l’homme en vigueur en Mauritanie.

C’est durant le symposium de la société civile, qui sera organisée deux journées auparavant en marge de la session, où cela risquera de faire chaud.

Cheikh Aïdara


Journée nationale de lutte contre l’esclavage : démonstration de force des «Komo » à Sélibaby

Ils sont venus de toutes les localités de Sélibaby, mais aussi d’Europe, notamment de France, pour célébrer la Journée nationale de lutte contre l’esclavage qui a eu lieu cette année, le 6 mars dernier, à Sélibaby. Quelques 150 invités, en majorité «Komo », esclave en Soninké, qui se sont fortement mobilisés pour se faire entendre par le gouvernement mauritanien, représenté à l’occasion de l’ouverture officielle par le Commissaire aux droits de l’homme et à l’action humanitaire, un chargé de mission à la Présidence de la République, deux cadres de l’agence Tadamoun, ainsi que les autorités administratives et sécuritaires, sous l’égide de l’Association des Maires du Guidimagha, en collaboration avec le Bureau International du Travail (BIT) à travers le Projet Bridge et l’Association pour le développement intégré du Guidimagha (ADIG).

L’immense salle de l’Immeuble «Guidimagha», un complexe construit récemment à l’entrée Est de Sélibaby par les populations pour servir de lieu de manifestations et de résidence de passage, a refusé du monde ce 6 mars 2018, Journée nationale de lutte contre l’esclavage et ses séquelles dont la première édition a eu lieu l’année dernière à Kiffa, capitale de l’Assaba. Le choix de Sélibaby, au Guidimagha, pour cette journée a été entourée de beaucoup d’appréhensions, au regard des tensions qui couvent depuis quelques temps, sur les réseaux sociaux, mais aussi sur le terrain de la confrontation sociale, entre les «Komo» révoltés par leur condition sociale et la noblesse soninké.

Aussi, les dirigeants des puissantes associations mises en place depuis quelques années par les descendants d’esclaves notamment en France, se sont mobilisés pour faire le plein, convoyant des centaines de personnes de tous les villages et hameaux soninkés du Guidimagha. Les deux plus grandes associations, l’AMEES (association mauritanienne pour l’éradication de l’esclavage et de ses séquelles) dont l’un des dirigeants, Ladji Traoré de l’Alliance Populaire Progressiste (APP)  a fait le déplacement, et le Forum Ganbanaaxun Fedde (Association des volontaires pour le développement Soninkara UVDS) ont ainsi fait le plein de la salle, où les autres communautés, Peuls et Arabes, étaient largement minoritaires.

L’engagement du gouvernement contre l’esclavage et ses séquelles
Ouvrant les travaux de la Journée nationale de lutte contre l’esclavage et ses séquelles, le Commissaire aux droits de l’homme et à l’action humanitaire, Cheikh Tourad Ould Abdel Maleck, a mis en exergue l’engagement du gouvernement mauritanien à mettre fin à toute forme de servilité ou d’exploitation de l’homme par l’homme, citant comme arguments, l’adoption d’un arsenal juridique pénalement répressif, la Loi 2015-031 criminalisant les pratiques esclavagistes, l’inscription de l’esclavage comme crime contre l’humanité dans la Constitution, la création de l’agence Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, la lutte contre la pauvreté et l’insertion, la création de trois tribunaux spéciaux chargés de juger les affaires d’esclavage.

Il semblerait que c’est le président Mohamed Abdel Aziz lui-même qui a tenu à ce que cette journée soit célébrée à Sélibaby, malgré la réticence de certains parmi son entourage qui craignaient un clash communautaire, sur la base des évènements récents, notamment dans les localités de Dafor et de Coumba Ndaw, qui ont failli mettre le feu à la poudre des dissensions sociales en rapport avec la question de l’esclavage. Ainsi, aurait-il sommé le Commissaire aux droits de l’homme qui revenait tout juste d’un voyage à Genève de se rendre immédiatement à Sélibaby, dépêchant par la même occasion son chargé de mission, Sidney Sokhna de la noblesse soninké, et souvent pris à partie par les associations «Komo» lui et le ministre de l’Environnement, Hamedi Camara, tous les deux ressortissants du Guidimagha.

Les maires du Guidimagha et la société civile

Auparavant, le maire de la commune de Sélibaby, Hadrami Ould Wedad, président de l’Association des Maires de Guidimagha, maître d’œuvre de la journée, et Vice-président de l’Association des Maires de Mauritanie, avait souligné que la Loi 2015-031 criminalisant l’esclavage traduit les orientations claires du président Mohamed Abdel Aziz et de son gouvernement, relatives à l’éradication du phénomène en faisant de la loi un outil de rapprochement entre les communautés et les citoyens. Il a promis que les maires du Guidimagha, dès la fin de la journée consacrée à la vulgarisation de la loi et l’explication de son contenu, s’empresseront de la divulguer auprès de tous les habitants de la région.

S’exprimant au nom de la société civile, fortement représentée au cours de la journée, Amadou Bocar Bâ, membre de l’association AMEES et du Forum national des droits de l’homme (FONADH) ainsi que Salifou Diarra, membre de AMEES, ont fustigé un fléau qui divise les populations, demandant aux autorités de veiller à la stricte application des dispositions de la Loi 2015-031, tout en engageant une vaste campagne de sensibilisation pour la faire connaître aux populations, de mettre fin au monopole des mosquées et de la chefferie traditionnelle par des lignées traditionnelles et de régler les questions de la propriété foncière.

Le rôle du BIT

A son tour, Jean-Marie Kagabo, du BIT Genève dans son allocution, a félicité les autorités pour l’instauration d’une telle journée et l’honneur de l’institution qu’il représente d’y être associée et d’être impliqué par le gouvernement mauritanien pour l’accompagner dans la mise en œuvre de la Loi 2015-031. Il a remercié le Premier Ministre, Yahya Ould Hademine, d’avoir reçu en février 2015 une délégation du BIT à Nouakchott et d’avoir apporté son soutien, à travers une lettre adressée au Directeur général du BIT, à la mise en œuvre d’un projet d’appui  technique sous la tutelle de la Direction du Travail. Ce projet est, selon lui, «une composante d’un programme mondial qui s’appelle Bridge », implanté dans plusieurs pays et financé par les Etats-Unis. L’apport du Premier ministre s’est confirmé, dira-t-il en substance, par la ratification du Protocole relatif à la Convention 29 sur le travail forcé en janvier 2016, faisant de la Mauritanie le 2ème pays à l’avoir ratifié. Enfin, Jean-Paul Kagabo a appelé à la mise en place au niveau national, d’une alliance dénommée «Alliance 8.7», qui s’alignera sur l’alliance mondiale dont l’objectif est de fédérer toutes les forces pour l’atteinte de la cible 8.7 des ODD relative à la lutte contre le travail forcé, l’esclavage moderne, la traite des personnes et le travail des enfants.

Diallo Issa, représentant l’Agence Tadamoun a déroulé à son tour les principales réalisations de son institution (Voir https://cridem.org/C_Info.php?article=708631).

L’esclavage en milieu Soninké

Partie de l’assistance (Photo Aidara)

Pour Sidney Sokhna, chargé de mission à la Présidence de la République, la spécificité de la société soninké rend difficile la compréhension des rouages de son fonctionnement, mettant en exergue les contradictions qui veulent qu’un tel Traoré, considéré comme esclave ici, soit au Mali un dignitaire de la grande noblesse, expliquant également au passage cette persistance à fixer les individus selon leur nom dans une compartimentation sociale immuable. Les choses doivent changer, dira-t-il, mais avec le temps, la douceur et le dialogue. «Ceux qui pensent que le changement, c’est ici et maintenant se trompent, et ceux qui pensent qu’une telle situation de rigidité dans les rapports sociaux peut continuer, se trompent également » dira-t-il. Sidney avoue s’être rendu en France sur instruction de la Présidence pour démêler l’épineux problème de l’esclavage en milieu soninké qui a atteint son paroxysme ces derniers temps et d’avoir rencontré les représentants des principaux dirigeants d’association qui font bouger aujourd’hui le Guidimagha. Il leur a demandé de lui consigner leurs principales doléances. Celles-ci n’ont pas dépassé quatre points, a-t-il déclaré : la chefferie traditionnelle, l’Imamat, la question du mariage et les terres agricoles. Selon lui, la question de la chefferie traditionnelle et de l’Imamat ne sont pas des questions de castes, car certains nobles ne peuvent pas accéder à de tels postes dans tel village ou l’autre. Selon lui, ce sont des questions qui pourront se résoudre avec le temps et la concertation. Sur la question foncière, il dit qu’il y a des esclaves qui ont des terres et des nobles qui n’en possèdent pas. Selon Sidney Sokhna, il y a des gens qui ne veulent pas que les choses changent, ceux qui en font un fonds de commerce et ceux qui s’agrippent encore à des privilèges ancestraux. Mais pour lui, le changement est inéluctable.

Passage en revue

S’exprimant au nom de la communauté maure du Guidimagha, le maire et notable des Ehel Mhoimid dont la tendance règne sur 9 communes de la région, a déclaré que l’esclavage pur et dur n’existe plus dans cette communauté qui serait fortement métissée, soulignant que lui-même est le fruit de ce métissage, sa mère appartenant à la communauté harratine.

Plusieurs intervenants ont par la suite chauffé la salle, tels que Abderrahmane Traoré, Secrétaire général de l’AMPS (association mauritanienne contre les pratiques esclavagistes et ses séquelles) dont l’organisation réclame selon lui l’application de la loi contre l’apologie de l’esclavage et contre les usurpations de terres appartenant à des «Komo» sous la menace, l’intimidation et le chantage des milieux féodaux. Parmi également les intervenants qui ont secoué la salle, le Cheikh Demba Diarra, qui a connu récemment des démêlées avec la justice pour ses positions antiféodales, mais aussi,  Yacoub Baghayoko de l’UVDS, l’imam Abdallahi Cissé, l’Imam Zakarya, des passes d’armes entre activistes et membres de la féodalité, mais passes d’armes aussi entre les religieux, dans une langue Soninké qui a échappé à une grande partie de l’assistance, mais dont la vigueur dénotait d’un grand engagement à coups d’argumentaires sociologiques ou religieuses.

Enfin, Hamada Ould Bneijara, président de ADIG a contextualisé la journée en lien avec la sensibilité du thème au Guidimagha, tandis que le président de la Cour spéciale chargée des crimes esclavagistes de la Zone Est qui couvre les deux Hodhs, l’Assaba et le Guidimagha, le juge Bâ Aliou a fait un exposé exhaustif sur le contenu de la loi et les défis qui se posent pour sa mise en œuvre.

Cheikh Aïdara

 


Convention sur le travail forcé : une première étude vers la promotion du travail décent en Mauritanie

Pendant deux jours, du 28 février au 1er mars 2018, une table-ronde  sur les relations de travail pouvant entraîner un risque de travail forcé en Mauritanie, a réuni plusieurs acteurs du gouvernement et de la société civile, ainsi que quelques experts, sous l’égide du Ministère de la Fonction Publique, avec l’appui du Bureau International du Travail (BIT) et  le Département d’Etat américain.

Travailleurs agricoles (Photo Aidara)

Deuxième pays africain à ratifier le Protocole de 2014 de la Convention n°29 (C29) sur le travail forcé, la Mauritanie est aujourd’hui contrainte de bannir toute forme de «travail ou de service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel le dit individu ne s’est pas offert de plein gré » (Article 2 définissant le travail forcé). C’est dans ce cadre que le Ministère de la Fonction Publique, du Travail et de la Modernisation de l’Administration, en collaboration avec le BIT à travers sa composante du Projet Bridge, a organisé une table-ronde, le 28 février et le 1er mars 2018, pour la réalisation d’une étude qualitative pour analyser des relations de travail pouvant entraîner un risque de travail forcé.

Cette table-ronde a été marquée par le discours du Secrétaire général du ministère de la Fonction Publique dans lequel il a mis en exergue la volonté politique de l’Etat mauritanien à lutter contre toute forme de travail forcé dans le pays, citant dans ce cadre la ratification par le pays de la C29 en 1961 et son Protocole de 2014 ratifié en 2016, la C 105 sur l’abolition du travail forcé de 1957, l’adoption de la loi 2015-031 abrogeant la loi de 2007 ainsi que la Feuille de route des Nations Unies incriminant et éradiquant l’esclavage et ses pratiques.

Lui succédant, Frederico Barroeta, Point Focal du BIT, a reconnu les efforts accomplis «pour lutter contre l’esclavage et le travail forcé en Mauritanie», citant la récente mission de contact qui a, selon lui, permis de mesurer les efforts tendant à abolir effectivement le travail forcé dans le pays, tout en identifiant les défis qui se posent, soulignant que «la lutte contre le travail forcé est un combat de tous les instants ». Il a cité dans ce cadre la persistance d’un phénomène qui touche le monde entier, évoquant le Rapport de 2017 sur le travail forcé et les 40 millions de victimes d’esclavagisme moderne, dont 25 millions livrés au travail forcé et 15 millions au mariage forcé, soulignant que 71% de ces victimes sont des femmes et 25% des enfants, avec 50% de cas liés à la servitude pour dettes.

Pour sa part, Mme Carolyn Huang du Département d’état américain au Travail, a salué les efforts consentis par la Mauritanie dans le domaine de la lutte contre le travail forcé et l’esclavage, soulignant au passage que l’étude envisagée ainsi que les discussions qui se noueront au cours de la table-ronde, permettront certainement une meilleure compréhension du phénomène.

Sur la compréhension de la C29

Les participants ont suivi par la suite plusieurs communications, dont celle présentée par vidéoconférence à partir de Genève (siège du BIT) par Mme Rosinda Silva, qui a rappelé les trois conventions ratifiées par la Mauritanie sur le travail forcé, avant de développer le contenu de la C29 et sa définition, formulée en 1930 mais toujours d’actualité, selon elle. Elle a souligné d’autre part, que ratifier une convention en est une, mais l’appliquer présente toujours des difficultés, notamment celles auxquelles sont confrontés les organes de contrôle (Direction du travail). Elle a toutefois évoqué les progrès importants réalisés par la Mauritanie dans le domaine de la lutte contre les formes de travail forcé, dont l’esclavage, malgré les défis liés à l’application de toutes les dispositions juridiques y afférent.

Mme Stephen Mcleland, Directrice du Projet Bridge qui s’est déplacée de Genève pour assister à la table-ronde de Nouakchott, a approfondi la compréhension de la C29 en détaillant l’absence ou non du consentement, citant différents cas pouvant conduire à un recrutement involontaire, dans quels cas un travail et des conditions de vie peuvent finir par être imposés par l’employeur, ainsi que les différents types de coercition et de peine pour imposer un travail forcé à un employé.

A son tour, Marc Ninerola qui représente la composante mauritanienne du Projet Bridge «Du Protocole (C29) à la pratique : une passerelle pour une action mondiale sur le travail forcé » a présenté les activités menées jusque-là dans le domaine de la sensibilisation autour de la loi 2015-031 et sa collaboration avec les parties prenantes, autorités publiques, élus nationaux et locaux, acteurs de la société civile, et autres partenaires.

La législation nationale

Me Thiam Malal Guissé, cadre au Ministère de la Justice, a de son côté présenté l’arsenal juridique adopté par la Mauritanie pour lutter contre l’esclavage et toutes les formes d’exploitation au travail, de la loi de 1980 abolissant l’esclavage jusqu’à la loi de 2015 l’incriminant ainsi que son adoption dans la Constitution comme crime contre l’humanité, en passant par l’instauration de trois cours spéciales chargées de juger les cas d’esclavage et la ratification de tous les textes internationaux sur les droits humains et leur intégration dans le corpus juridique national.

Lui succédant, le Directeur général du Travail, M.Hamoud Ould T’Feïl, a cité la C 81 sur l’indépendance du corps des Inspecteurs et Contrôleurs du Travail, ainsi que le Code de Travail mauritanien qui, selon lui, a intégré dans son corpus les dispositions de la C29, jusqu’ au maintien de la définition qu’elle donne au travail forcé.

De son côté, M.Rassoul Ould Khal, Commissaire Adjoint aux droits de l’homme, a énuméré les 29 recommandations de la Feuille de Route des Nations Unies de 2011 sur les séquelles de l’esclavage et leur éradication, mettant en exergue l’exécution de la quasi-totalité de ses recommandations, sous l’égide du Comité interministériel présidé par le Premier Ministre.

Filets de protection sociale

Evoquant les Filets de protection sociale mis en place par l’Agence Tadamoun pour l’éradication des séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté, le Coordinateur du Programme «Takavoul », M.Mohamed Ould M’Haimid, a cité les différentes réalisations accomplies à ce jour par son programme en milieu défavorisé, énumérant les 36 écoles à cycle complet, ainsi que les 15 collèges et les 24 Mahadras déjà construits, mais aussi les 15 établissements primaires et les 4 collèges en cours, indiquant que ces réalisations ont profité à quelques 62.471 élèves en âge de scolarisation. Il a aussi évoqué les 216 micro-projets générateurs de revenus qui ont bénéficié, selon lui, d’une ligne de crédit de plus de 40 Millions d’ouguiyas, dont la plupart aurait bénéficié aux familles rapatriées, sans compter la création de 20.230 emplois. Il a aussi évoqué le Cash Transfert qui profite aux familles les plus démunies pour les inciter à scolariser leurs enfants, moyennant un revenu trimestriel par famille de 15.000 UM. «L’objectif du Programme Takavoul, qui répond au levier 2 de la SCAPPP (Développement du capital humain) est de contribuer à l’augmentation de l’investissement dans le capital humain des familles les plus pauvres par l’accès à la santé et à l’éducation » a-t-il précisé. En contrepartie des interventions du Programme «Takavoul», les familles bénéficiaires doivent, selon lui, assister aux séances de promotion sociale pour le changement de comportement organisé tous les trois mois, tout en inscrivant et maintenant leurs enfants à l’école. Il a rappelé que le Programme «Takavoul» cible depuis 2016, quatre Moughataas considérées comme les plus vulnérables du pays, Ghabou et Sélibaby au Guidimagha, Mbout au Gorgol et Kankossa en Assaba, pour 36.178 bénéficiaires et un investissement global de 608 millions MRO.

A son tour, Mohamed Ould Taghra, cadre au Ministère de l’Economie et des Finances, a présenté l’outil de ciblage du Registre Social qui sert à identifier les ménages les plus pauvres en Mauritanie. Il a rappelé dans ce cadre le contexte national marqué en 2014 par la baisse de la pauvreté de 42 à 31% et l’objectif visé qui consiste à réduire l’extrême pauvreté d’ici 2030 par la mise en place de filets sociaux. Selon lui, le ciblage à travers des données fournies par le RGPH 2013 et la dernière enquête sur les conditions de vie des ménages (EPCV) de 2014, passe par le ciblage communautaire, puis l’affinement des données statistiques et enfin, l’introduction des informations dans une base de données qui servira de Registre Social. Aujourd’hui, selon lui,  150.000 ménages ont été ciblés, dans 14 grandes localités du pays. La fiabilité du Registre Social est attestée, dira-t-il en substance, par le fait qu’il constitue d’ores et déjà une référence utilisée par le Commissariat à la sécurité alimentaire (CSA), la Société de distribution du poisson (SDP), des organismes comme Oxfam ou encore le PAM, dans leur programme d’activités visant les ménages les plus nécessiteux. Il se base sur l’outil STR (suivi à temps réel) dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’hygiène, de la vaccination, et l’accès à l’eau…

Par la suite, les participants se sont scindés en trois groupes de travail pour aider le groupe de chercheurs dans l’identification des objectifs et les questions de recherche (I), dans la méthodologie de la recherche, ses outils, les secteurs prioritaires, les cibles, les régions et les sites à privilégier (II),  et enfin, le rôle et les responsabilités d’un Observatoire opérationnel sur les conditions de travail, sa composition, sa mission et ses attributions (III).

Enfin, l’objectif final de l’étude qualitative envisagée sur les secteurs de l’économie à risque est d’aider à la formulation du Programme Pays de Promotion du Travail Décent (PPTD) prévu en 2018.

Cheikh Aidara

 


SUN-Mauritanie : la société civile mauritanienne élabore son plan d’action

L’hôtel Azalaï de Nouakchott a abrité lundi 26 février 2018, un atelier de planification organisé par la Plateforme de la société civile Scan-Up Nutrition Mauritanie «Agir ensemble pour la croissance de la Nutrition » (Réseau OSC SUN Mauritanie).

Une partie de l’assistance (Photo Aidara)

Pendant toute une journée, le 26 février dernier, la Plateforme de la société civile SUN-Mauritanie a passé en revue les expériences de certains de ses membres sur leurs actions dans la lutte contre la malnutrition, un fléau qui est devenu un véritable problème de santé publique, avec des taux alarmants, largement au-dessus de la norme internationale, tels ceux de la malnutrition aigüe grave (MAG) supérieur à 15% dans 7 régions du pays.

L’atelier a été émaillé par plusieurs communications, dont celle présentée par Dr.Moulaye Mehdi Ould Moulaye El Arbi, président du Réseau SUN-Mauritanie de la société civile et président de l’ONG AMAMI sur l’expérience de sa structure dans le domaine de la résilience dans la Moughataa de Koubenni (Hodh Gharbi), mais aussi sur l’historique du Mouvement SUN en Mauritanie. Les expériences des ONG internationales, telles que Action Contre la Faim et World Vision ont été également présentées, tout comme l’expérience du secteur privé, en l’occurrence AGP-Nutrival et Andi-Agro. Le Réseau des Femmes Parlementaires Mauritaniennes (REFPAM) a aussi présenté sa structure ainsi que les caravanes de sensibilisation et de prise de contact qu’elle a menées sur toute l’étendue du territoire national pour s’imprégner des problèmes des populations.

Les participants se sont par la suite scindés en deux groupes de travail pour l’élaboration d’un plan d’action, où le plaidoyer occupe une place prépondérante, dont notamment celui envisagé pour la signature par le gouvernement du décret validant le Plan stratégique multisectoriel de nutrition 2016-2025, ainsi que le Code de commercialisation des produits de substitution du lait maternel.

A noter que l’ouverture officielle de cet atelier s’est déroulé en présence d’un représentant du Ministère de l’Economie et des Finances, un représentant du Ministère de la Santé et la directrice de l’ONG internationale Action Contre la Faim en Mauritanie. Il y avait également des représentants de l’UNICEF et du Ministère de l’Elevage.

Cheikh Aidara