Didier Makal

« Nous mourons comme des chèvres »

Lubumbashi vient de célébrer pour la première fois, la journée des anciens combattants le 11 novembre dernier. Une dizaine, les militaires retraités se sont inclinés sur les tombes de leurs frères d’armes qui s’en sont allés. Cette sobre célébration a eu la particularité de faire découvrir les conditions de vie assez difficiles que vivent ces gens qui ont servi sous le drapeau. Surtout, ont participé à la seconde guerre mondiale. Cela ne donne pas droit à grand-chose, on dirait.

Mardi 11 novembre, la division provinciale des anciens combattants au Katanga a le loisir d’organisé un événement peu suivi en l’honneur des retraités. Une première dans cette province qui protège tant bien que mal la mémoire de deux guerres mondiales auxquelles des congolais ont participé pour le compte de la Belgique, pays colonisateur.

Des anciens combattants de Lubumbashi. Kyondo tv
Des anciens combattants de Lubumbashi. Kyondo tv

Ils étaient seuls à leur fête

Pas d’autorité politique, pas de chef de l’armée… le chef de la division des anciens combattants se trouve seul avec ses retraités. On les attend jusqu’à trois heures près. Mais ces absences déçoivent et, quelqu’un ne manque pas de noter qu’il s’agit là d’un sabotage et un manque de considération. Finalement, tout démarre.

L’équipe va s’incliner sur les tombes des autres combattants de la seconde guerre mondiale, au cimetière Sapin, au Nord-Est du centre-ville de Lubumbashi. « On nous a amenés au cimetière sapin. Si je meure, où serais-je enterré ? Nous devrions avoir un cimetière réservé aux anciens combattants comme souvenir », estime un ancien combattant.

Pourquoi pas ? Il devrait être un monument, ce cimetière, s’il était créé. Avoir combattu durant la guerre mondiale, et surtout après les victoires de Gambela en Abyssinie (actuelle Ethiopie), n’est-ce pas un honneur dont se targuent les forces armées congolaises ? En réalité, on a besoin de gloires, de références pour doper les esprits de jeunes soldats et même flatter l’orgueil des congolais qui, depuis leur naissance, n’ont fait qu’assister à des défaites de leurs armées.

Un ancien combattant nonagénaire (40-45) à Lubumbashi. Kyondo tv
Un ancien combattant nonagénaire (40-45) à Lubumbashi. Kyondo tv

Si Lubumbashi a immortalisé cette victoire qui a surtout servi aux Belges, en baptisant Gambela, un quartier de la ville, ou Kenya cette commune des plus célèbres en mémoire du Kenya, pays par où les combattants congolais sont passés de retour de la campagne d’Abyssinie,… pourquoi ne pas immortaliser des gloires vivantes : les combattants encore en vie ?

Pas de gloire pour les anciennes gloires

Le quotidien de ces retraités est difficile. Loin du rêve vendu par les télévisions étrangères à propos des anciens combattants des colonies françaises, par exemple, ces retraités ont 1796 FC, soit environ 2 USD mensuels comme rente de la part de l’Etat. Cela a été confirmé par le chef de la division des anciens combattants.

« Nous ne vivons pas bien, notre vie  n’est pas heureuse, dit un retraité de 81 ans. Notre rente est insuffisante. On ne peut même pas se payer un sac de farine avec cet argent. On a pourtant servi le pays, mais aujourd’hui on n’a rien d’important. » Un autre ajoute :

« Nous n’avons pas accès aux soins de santé, je te le dis. Il n’y a aucun hôpital qui nous soigne. Nous mourons comme des chèvres sur la route. »

Un jeton sur lequel est inscrit le montant de la rente des anciens combattants
Un jeton sur lequel est inscrit le montant de la rente des anciens combattants

La plupart de ces retraités de l’armée congolaise qui plus sont des anciens combattants de la seconde guerre mondiale, vivent grâce à leurs familles.

Les monuments disparaissent

Les tombes des anciens combattants à Sapin, Lubumbashi. Kyondo tv
Les tombes des anciens combattants à Sapin, Lubumbashi. Kyondo tv

La signature de l’armistice, la fin de la première guerre mondiale devenue depuis la fête des anciens combattants dans plusieurs pays du monde, est aussi une fête de l’armée, des retraités en RDC. Si à ce jour il n’y a plus de survivant de la grande guerre à Lubumbashi, les monuments disparaissent progressivement eux aussi. Les avenues qui portaient les noms des victoires de la Force publique sont débaptisées. C’est le cas de l’avenue Tabora, qui rappelle le succès enregistré à Tabora, une ville du Nord-Ouest de la Tanzanie. Le monument dédié à un élève, mineur, enrôlé dans la force publique pour la première Guerre mondiale au collège Imara a simplement disparu. Seuls les plus anciens peuvent s’en souvenir encore.

Au centre-ville, Place de la Poste, un autre monument à la gloire des combattants congolais de cette guerre a été déboulonné sous le Zaïre. Il n’y a pas non plus de trace à son propos. Seul demeure à cet endroit, le socle qui avait porté ce monument : « il reste le même sur lequel est bâti celui de Moïse Chombe », renseigne un historien.

Il n’y a pas plus grand monument que l’homme qui a vécu l’histoire de son temps. A propos des guerres mondiales, ici la seconde plus proche de nous, Lubumbashi garde encore 13 monuments: des retraités. Parmi eux, un compte 90 ans, l’autre 81 ans, et les autres viennent juste après ce dernier. Ils sont tous fatigués, et par la forte de la précarité de leurs conditions économiques, ils risquent de partir dans la tristesse. Ce serait alors triste de n’avoir pas rendu justice à l’histoire. Vers le centenaire de la Grande Guerre: qu’apportera la RDC comme monument? Si l’on n’y prend garde, en 2018, on risque de célébrer le centenaire sans vrai ancien combattants à Lubumbashi.


Ces Mamans bien-aimées des écoliers de Lubumbashi

Comment les écoliers consomment-ils l’argent qu’ils reçoivent des parents à Lubumbashi ? Il y a des aliments qui ne sont prisés qu’à l’école : le manioc, les arachides, etc. Voilà où va leur argent. Certaines vendeuses sont devenues fidèles et ont fidélisé écoliers et responsables d’écoles ou enseignants. Et ce n’est pas fini. Même au-delà des écoles, ces muoko (maniocs) circulent dans des bureaux. Ils sont bon marché, mais aussi sont inoubliables tant qu’ils résistent au temps.

C’est décidément un phénomène social, de tous les âges. Je le crois bien. Un jour, pour marquer sa proximité avec sa société et surtout dire qu’il est des conditions ordinaires, celles de tous les citoyens, un ministre arrivé à l’entrée d’une école célèbre s’arrête : « Où est partie la maman Fifi (je choisis ici un faux nom) qui rôtissait du manioc ici ?» demanda-t-il. La question, aussi vague qu’elle vous paraisse, était malgré tout précise. Qui pouvait ignorer cette brave maman Fifi ! « Elle était la meilleure. Nous venions acheter des tranches de manioc et des cacahuètes chez elle, puis on repartait pour les cours » conclut le ministre. Ses anciens camarades d’école parmi ses conseillers et sa délégation se rappelèrent les bons vieux moments.

Un bassin de maniocs et arachides
Un bassin de maniocs et arachides

Ces habitudes qui durent

Non ! Il est toujours là, ce beau moment. Seulement il a changé, il change avec les âges. Aujourd’hui, bien plus qu’à l’époque du ministre, elles sont devenues nombreuses. Dans certaines écoles, elles ont obtenu des coins bien connus de tous. Tous : officiels et écoliers. Parfois tout le monde y descend. Parfois aussi, quand cela semble gêner, ce sont les élèves qui achètent pour leurs enseignants ou directeurs.

C’est un sacré casse-croûte, ces tranches de manioc. Il y en a à tous les goûts : du manioc rôti, frit, préparé à l’huile de palme et à l’huile végétale, cuit sur du charbon de bois et même à l’état naturel, mangé comme carottes. Et cette dernière catégorie (manioc consommé comme carotte) aurait des vertus aphrodisiaques. Les vendeuses le savent tout autant que les acheteurs hommes. Les tout-petits ne s’y hasardent pas du tout. Et les cacahuètes, c’est aussi varié : torréfiées, crues-sèches, crues-trempée donc rafraichies, et même préparées à l’eau et salées. Il faut en manger !

Voir ici la vidéo : Ces recettes bien-aimées des écoliers lushois

Loin des écoles, dans des bureaux, ils circulent fort ces maniocs. Tout le monde a consommé du manioc à l’école. Et lorsqu’on voit passer les vendeuses, rebelote ! Bonjour les souvenirs. Et elles sont les bienvenues, ces vendeuses qui renvoient chacune à une maman Fifi bien particulière! Un employé d’une des régies financières de l’Etat établi à Lubumbashi raconte :

« Il y a des femmes qui venaient avant vendre ces maniocs à notre bureau. Moi, j’achetais chaque jour (…) D’abord parce que cela coûte moins cher :500 FC (environ 0,5 UDS) ou le double y  compris avec de l’eau de boisson. Ensuite, parce que j’aime vraiment ces maniocs… Je n’ai jamais compris comment tout le monde est devenu accro. Finalement, les chefs ont décidé que ces femmes en apportent tous les jours et pour tout le monde. Aujourd’hui, elles arrivent le matin, et celui qui veut reçoit sa part. À la fin du mois, elles sont payées bien plus que ce qu’elles gagnaient avant en circulant à travers la ville. »

Un moyen de survie

Des élèves achètent du manioc. M3 Didier
Des élèves achètent du manioc. M3 Didier

Ce lundi 10 novembre 2014 dans la matinée, je les ai trouvées encore dans une des grandes écoles de Lubumbashi. Leurs marchandises sont variées. Outre les gammes de manioc et arachides, il y a des beignets, des croquants, du pop-corn, des jus divers, de l’eau,  des biscuits aussi. Ces femmes sont rejointes par des jeunes gens qui vendent des œufs et des cervelas qu’ils découpent en petites tranches. Dans d’autres écoles, même dans les institutions supérieures et universitaires, si elles ne sont pas installées quelque part, elles s’installent à l’entrée ou se créent des espaces en face.

Les prix sont bon marché. Tout part de 100 FC, environ 0,1 USD. Arrivées chargées des marchandises, souvent ces vendeuses repartent presque délestées. Mais malgré cet apparent succès, plusieurs reviennent chaque année à la même activité. Une preuve que cela ne prospère pas du tout ? Une femme confie :

« Je ne gagne pas grand-chose. Mais il faut que je vienne chaque jour ici et que les responsables d’écoles ne me chassent pas. Il faut aussi que je ne tombe pas malade. Alors je peux payer les frais d’études pour mes enfants. Il faut qu’ils étudient eux aussi, vois-tu ? Et ce qui va rester, je mangerai avec les miens ».

La maman Fifi, bien-aimée du ministre ci-haut cité, avait réussi elle aussi à envoyer même son fils à l’université avec ce petit boulot, mais ce sont là des succès marginaux. Principalement, ce commerce est un moyen de survie dans une ville où la population et la pauvreté s’accroissent.

Des risques des maladies

Des jeunes gens achetant des œufs dans une école à Lubumbashi. M3 Didier
Des jeunes gens achetant des œufs dans une école à Lubumbashi. M3 Didier

Les écoliers sont friands de ces aliments, surtout à l’école. Parfois, à voir les conditions physiques de certaines vendeuses et vendeurs il y a à craindre des maladies. Un jeune homme explique qu’il ne peut pas manger des aliments. « Papa me l’interdit. C’est sale, ce n’est pas bien cuit », précise-t-il. Mais allons, « Sais-tu d’où vient tout ce que tu manges ? Qui te rassure que ce que tu paies dans les supermarchés est toujours propre ? » rétorque un autre écolier. Pas toujours évident.


On piège de l’eau à Lubumbashi

Lorsque l’eau se fait rare, on la piège dans l’espoir de la retenir durant un temps, lorsqu’elle réapparaît. C’est ce qui se passe à Lubumbashi ce dernier temps. Même le centre-ville n’est pas épargné. La ville est confrontée à une sérieuse pénurie d’eau. Avec sa population qui avoisine 6 millions d’habitants, les infrastructures d’eau restent celles de la technologie et de la démographie des années avant l’indépendance. Elles sont aussi vielles (peut-être plus) que l’indépendance de la République démocratique du Congo.

Ramener de l’eau à la maison relève de la bravoure, un acte héroïque. Il faut parfois se battre pour l’obtenir et surtout, brûler son sommeil, se promener, aller au loin pour en trouver. Inutile de  vous demander de quelle qualité elle est, cette eau. On a besoin, avant tout, de ce qui s’appelle eau. C’est tout. Le luxe ou plutôt la sécurité, c’est pour demain, peut-être. Ici, on veut survivre.

On piège de l’eau…

« On n’a pas d’eau », dit Ida Mafula une vielle dame du quartier Salongo, commune de Katuba à Lubumbashi. « Depuis quand », lui demande une reporter. « Des années, répond-elle. Je ne saurais pas compter. Nous allons chercher de l’eau loin d’ici. On se débrouille comme ça : on va payer de l’eau… 50 FC, parfois 100 FC par bidon. » Il en faut au moins 4 de 20 litres par jour pour sa famille de 8 personnes. Sans doute, cela est insuffisant : 80 litres pour tout  faire : boisson, ménage, toilette, etc.

Lubumbashi-Salongo: Des seaux tendus, en attente de l'eau au robinet. M3 Didier
Lubumbashi-Salongo: Des seaux tendus, en attente de l’eau au robinet. M3 Didier

Dans le même quartier, sur une autre avenue, Pitchou Makusudi (une trentaine)explique :

« En réalité, on n’a pas d’eau ici. Ça coule une fois la semaine, surtout le weekend. On piège de l’eau avec des seaux, comme vous le remarquez là (près du mur de la maison) pour ne rien rater lorsqu’elle coule. Ça va couler peut-être vers le soir jusqu’au lundi matin. Là c’est fini, il faut attendre l’autre weekend. »

Le comble pour cette pratique, piéger de l’eau au robinet le jour où elle devrait couler est qu’on ne sait jamais avec précision quel jour. On attend parfois des jours entiers et les nuits, tout en défiant l’insécurité, dans l’espoir d’effectuer des réserves. Il faut être alors conséquent : payer suffisamment des bidons. Et les plus pratiques et rependus dans la province, ce sont les bidons jaunes qui ont servi avant de contenant d’huile végétale. Au robinet, il y en a qui en apportent des dizaines. Cela vexe ceux qui viennent après, obligés d’attendre et parfois, courant le risque de ne rien ramener puisqu’après un temps, tout devra s’arrêter.

On se piège

Une pratique tout de même dangereuse, puisque les conduites d’eau sont vétustes et trouées à plusieurs endroits. Les premières eaux qui coulent lorsque les quartiers ainsi privés d’eau sont alimentés, sont simplement sales.

Des enfants portant des seaux d'eau à Lubumbashi, Katuba. M3 Didier
Des enfants portant des seaux d’eau à Lubumbashi, Katuba. M3 Didier

« J’ai vu un jour sortir des tuyaux, des matières fécales, explique une jeune fille (…) On a attendu un moment, puis on a continué à puiser. »

« Moi, j’ai vu  un carpeau et de l’eau rouge. C’est souvent lorsqu’il pleut ou après la pluie » ajoute une autre.

Avec la pluie qui revient, des cas pareils vont se multiplier. Cela signifie que les tuyaux passent par des endroits qui sont devenus des décharges publiques, des poubelles ou des fausses septiques où rouillés, ils se crèvent. C’est bien la maternité des épidémies comme le choléra qui a explosé dans la ville, les deux dernières saisons des pluies. Le risque n’a pas disparu, puisque les mêmes conditions demeurent et en commun, elles ont : une eau sale. Et dans une ville où les gens se multiplient et vivent dans des logements parfois indécents et sans toilettes aménagées, le risque est grand.

Pas d’entretien

Les infrastructures de la Regideso, la société étatique qui gère le secteur dans un monopole que plusieurs voudraient voir finir, sont vétustes et à renouveler de fond en comble. Elles sont restées presque les mêmes depuis l’indépendance du pays. Malgré certains travaux de maintenance, mieux de résistance à la destruction inexorable, leur état se détériore.

Un projet de la Banque Mondiale vise à installer des robinets dans plusieurs quartiers de Lubumbashi. L’installation des grandes conduites d’eaux est presque finie au centre de la ville et vers les quartiers à forte démographie. L’eau y coule déjà. A la station de captage de Luano, proche de l’aéroport de Lubumbashi, les travaux continuent.

Malheureusement, pour être connecté au nouveau réseau, il faut débourser 45.000 FC par parcelle, environ 50 USD. Pas très cher en réalité. Mais ceci reste fort inaccessible pour la majorité des citoyens qui restent sans emploi ou, s’ils en ont, dépassent rarement les 90.000 FC, environ 100 USD, pour la plupart.

L’eau des pauvres

Source: rapport MICS 2010, UNICEF
Source: rapport MICS 2010, UNICEF

Le rapport de l’enquête par grappes à indicateurs multiples réalisés conjointement par le ministère du Plan de RDC et l’UNICEF (MICS 2010, le plus récent) indique :

« Dans l’ensemble de la population des ménages de la RDC, deux personnes sur cinq consomment de l’eau de boisson issue d’une source améliorée3. Il y a une disparité importante dans l’accès à l’eau potable entre les zones urbaines et rurales. En effet, seulement un membre des ménages ruraux sur trois (31 pour cent) utilise des sources d’eau de boisson améliorées contre quatre membres des ménages urbains sur cinq (83 pour cent). »

Eau Kolwezi
Source: Rapport PR or Progress? Glencore’s Corporate Responsibility in the Democratic Republic of the Congo

C’est une situation difficile à comprendre dans un pays follement drainé par des cours d’eaux et qui constitue le plus important des bassins hydrologiques du continent. Partout, il y a des cours d’eaux. Et lorsqu’on creuse, à 4 ou 7m de profondeur, il y a de l’eau… mais malgré cela, pas d’eau propre pour les citoyens.

Et comme il faut survivre, il semble que l’eau c’est la vie, on creuse… et on consomme une eau peu recommandable. Dans tous les quartiers de la ville, les gens ont creusé des puits. C’est selon les moyens. Les plus friqués, recourent aux entreprises de forage et les autres eux se débrouillent. Leurs puits sont souvent mal entretenus, exposés écoulements des eaux de pluie et des érosions. Parfois, des tout-petits y perdent la vie en jouant tout autour ou en voulant puiser de l’eau.

Entre août et novembre, avant la tombée des grandes pluies, ces puits s’assèchent. La peine devient encore plus grande lorsque, comme ces dernières semaines à Lubumbashi, des robinets ne donnent aucune goutte d’eau. C’est la situation qui prévaut ces dernières semaines dans capitale du cuivre.


Lubumbashi, ville Bacchus

Lubumbashi, deuxième ville de la République démocratique du Congo et capitale économique, vibre au rythme des bistrots. C’est peut-être aussi comme cela qu’on peut la présenter au quotidien : une ville Bacchus. Lorsqu’elles jouent, les équipes de football bien-aimées des lushois, –Mazembe et/ou Lupopo, – la bière, les michopo… ça coule à flot !

Des rencontres des jeunes s'accompagnent de bière
Des rencontres des jeunes s’accompagnent de bière

Le commerce de la bière prospère ! Dans les quartiers populaires, telle la commune de Kamalondo, il est rare de parcourir 100 mètres sans lire sur une enseigne : « Simba Iko » en swahili (Ici, la bière Simba). On compte par dizaine les habitants qui vendent la bière sur chaque avenue. Mais il existe bien d’autres endroits moins populaires peut-être parce que chers, mais où les connaisseurs se rendent régulièrement : le centre-ville par exemple. Sur chaque avenue, il est rare de ne pas rencontrer un bistrot. Le constat reste le même pour le reste des 7 communes de Lubumbashi.

Les brasseries et les bistrots

Les brasseurs et brasseries eux-mêmes prospèrent. La publicité de la bière est omniprésente dans l’audiovisuel et un peu partout sur de grandes affiches à travers la ville. Il y a quelques jours, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) a rappelé la mesure interdisant toute publicité des boissons alcoolisées avant 22heures locales. Cette décision prétend vouloir protéger les mineurs des messages publicitaires sur la bière. Une décision fort critiquée puisqu’elle oublie la pub qui circule partout et que l’on croise même sur internet progressivement généralisé.

Les rencontres des jeunes se font aussi autour de la bière
Les rencontres des jeunes se font aussi autour de la bière

Elles sont nombreuses, ces brasseries. Mais les principales restent Simba et Brilima. Toutes se détestent et s’insèrent bien en concurrence. Elles présentent diverses gammes, mais copiées les usines des autres. Et les messages sont divers au point qu’ils peuvent aliéner certains : « Mwanauume wa nguvu asiongopake kintu » (l’homme fort, puissant ne craint rien) parce qu’il boit telle bière. Et on montre des hommes bien musclés et travaillant dur. « Sakishaaa ! » (Allumez le feu !)… il y a même des compétitions qui affrontent des puissants qui sont en réalité des consommateurs des bières, à travers les communes.

Chaque commune porte une réputation propre. Mais Kamalondo reste le fief de Bacchus et le temple où, telle la Mecque pour l’Islam, tout admirateur des multiples saveurs des bières doit se rendre pas une fois, mais plusieurs durant le mois. Mais Kamalondo c’est aussi les Mitshopo, les brochettes (viande de chèvre ou de mouton rôtie). Mais dans d’autres quartiers, Katuba par exemple, du chien pour accompagner la bière, et c’est selon le goût, les caprices de chacun ou les us alimentaires !

Les fils de Bacchus

La bière demeure la distraction préférée de plusieurs lushois en dehors des rencontres du football. Quelqu’un est-il mort ? On boit pendant et après le deuil. Certains, même sur le chemin du cimetière, trainent des bouteilles de bières ou d’alcool. D’ailleurs, cela ne coûte pas si cher, surtout pour les jeunes : 1500 FC, soit environ 1,5 USD.  Dans les rencontres des jeunes, les soirées ou le weekend, on compte des dizaines de bouteilles, des casiers… Et durant les fêtes ? Une autre histoire !

Malgré l’interdiction des autorités, les pastis, produits en petit sachet et beau-marcher, jusqu’à 300 FC (environ 0,33 USD) circulent au noir. Ils sont alors non seulement portables partout, mais surtout accompagnent les consommateurs partout : dans les taxis, dans les bus, dans les carrières minières et dieu seul sait s’il n’y en a pas qui vont jusque dans les églises ! Pourquoi pas ? Les gospels sont entrées dans les débits de boissons et on dense dessus. Et ça marche.

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Une boite de nuit à Kamalondo, Lubumbashi. M3 Didier

Vin, puis sexe…

Suivez-moi sur quelques sites phares. Entrez à présent. Vous êtes chez « new Line », c’est sur l’avenue Kapenda un peu au sud-ouest de la ville. Le coin n’est pas discret. Il a été mis à découvert par les arrêtes de bus divers fixés juste en face. Ça fait plutôt bonne affaire : le monde a le temps d’y jeter un coup d’œil. Et ceux qui ne le connaissent pas, peuvent facilement le découvrir. Et comme Bacchus est vin, et le vin appelle le sexe, voilà que juste à côté se tient un hôtel. Malheureusement, il vient de fermer, parce qu’il n’est pas accessible à la majorité des visiteurs de cousin « New line ». D’ailleurs, le coin où tout peut se régler, bien entendu avec accord du barman, ne manque pas toujours. Et les jeunes serveuses (18 à 25 ans) se montrent toujours très cools. Leur rôle, c’est de servir, n’est-ce pas? Après tout, de Bacchus à Venus, il n’y a qu’un pas.

Ce n’est pas non plus n’importe où, chez New line ! A l’extérieur la même bière coûte 3000 FC, dehors 1500. Hé, c’est quand même en ville non ? Etonnant pour une ville où la majorité des citoyens trime pour trouver 1 kg de farine de maïs en vue de manger aujourd’hui !

Sur Changalele, au Carrefour, « Chez jus d’orange » fait autorité ! Mais n’attendez pas en trouver à profusion, ce jus ! Oubliez ça ! Il y a de l’ambiance le soir, le weekend. Des belles caisses jonchent l’avenue ! Ce bel endroit peut aussi être évangélisé, puisqu’il s’y trouve deux églises : catholique et de réveille. Une juxtaposition intéressante : bistro, catho et réveil ! Plus loin, proche du campus de l’Université de Lubumbashi, plusieurs boîtes se suivent. Sans doute, on vise les étudiants. Et le soir, c’est souvent plein.

Les sites sont inépuisables ! Un nouveau, plus class, vient de naître au centre-ville. On peut y obtenir une carte VIP et consommer comme on veut, et payer sa facture à la fin du mois. Il faut être d’une certaine grâce. La plupart de ces bistrots, si non toutes, détiennent des documents les autorisant à fonctionner, signés par l’inspection de l’environnement de la province : on parle d’« enquête Comodo in Commodo » et du « permis d’exploitation ».

Malgré ces permis, la propreté semble très peu assurée dans certains débits de boissons. Par crainte de ramener des maladies à leurs maisons, certains préfèrent carrément prendre leur bière par la bouteille et oublier ainsi les verres. Il semble qu’ils ne sont rarement bien rincés.

Avec la collaboration de

  • Kankesa Ngalamulume, Kayembe Tshilombo,
  • Ntambwe Bunduki, Cibamba Isidore, Mpanga Sangaji
  • et Kabamba Mbaya, étudiants finalistes en Journalisme. Lubumbashi, UNILU


Autant en emporte le vent !

C’était un jeudi « noir » au Faso « Jeudi noir »15 octobre 1987 lorsque mourrait Sankara, ça l’est aussi ce jeudi 30 octobre 2014 lorsque Compaoré qui lui a succédé, a fermé ses oreilles et son coeur.Ça va mal au Burkina Faso. Le pays fait encore un bon en arrière de 27 ans. Blaise Compaoré gâche en quelques heures, tout ce qu’il a pu léaliser de bien durant son long mandat. Coup d’Etat ou pas, il fallait y penser. Soutien ou révolte, il ne pouvait pas l’oublier, lui qui est arrivé au pouvoir après le sang de Sankara.

Finalement c’est une drôlerie, une vanité et une folie. Quoi ? L’idée d’un pouvoir politique sempiternel. J’avais entendu dire que l’« On meurt comme on a vécu » et que « Qui tue par l’épée périra par l’épée »… Je le comprends plus ou moins ces années. Après tout, je ne suis pas lent à comprendre. Si j’avais été burkinabè, je n’aurais pas eu tort aussi de l’apprendre en retard. Puisque j’aurais passé ma jeunesse à croire que le bon pouvoir est celui qui dure. Un peu comme je l’ai appris en République démocratique du Congo, mon pays… avec le maréchal Mobutu.

Plusieurs avaient fini par admettre durant les 32 ans de son règne, que « Mobutu » était un titre de pouvoir, une fonction et non un individu. 27 ans après, Compaoré, ce ne peut pas ne pas l’être tout autant. Le voici partir comme il est venu : Blaise Compaoré. Tout a finalement une fin. Autant en emporte le vent ! J’ai simplement besoin de dire « Honte ». Mais cela ne dit pas les sentiments qui valsent en moi. Honte d’être cousin et frère des citoyens « sans oreilles ».

Il a pourri le temps

Monsieur Compaoré, ce président devenu le grand, le géant, le médiateur et peut-être le faiseur des rois (est-ce cela qui l’a entêté ?) pouvait se contenter de ses 27 ans de règne, une anormalité de tout même ! Mais comme l’a chanté Tiken Jah Fakoly, « il se croyait grand dribleur, il a trouvé plus dribleur que lui ». Et je n’oublie pas cette saillie de Mamane sur RFI des révisions des constitutions …  « Le président fondateur est devenu un grand chirurgien ». Comme en chirurgie esthétique, on donne la forme qu’on veut à la constitution, aux lois, au pouvoir et même à la vie : « Élection à un tour, à demi tour » lançait encore dans une autre chronique, le même Mamane.

Fallait-il du sang ?

Des manifestants à Ouagadougou. Source: www.rfi.fr
Des manifestants à Ouagadougou. Source: www.rfi.fr

Comme en 1987, il quitte le pouvoir après le sang. C’était un jeudi, comme aujourd’hui, un jeudi dit « Noir » puisque Thomas Sankara qui était alors président, était vachement assassiné. C’était le même mois. Même si ceci reste différent. Cette année là, Thomas Sankara est assassiné et c’est Compaoré qui prend les rennes du pouvoir. Comme les votes ont le pouvoir d’effacer les péchés en Afrique, il s’installe et domine. Aujourd’hui, son histoire le poursuit, le rattrape. Des foules sans peur descendent jusqu’à l’assemblée et « entrent » même… puis une sauvagerie. Il fallait malheureusement y penser. Ce fils d’Afrique qui reste impliqué dans l’assassinat de Sankara connaît le sang et le sang le ragaillardit comme tous les dictateurs implacables.

Même Mandela est parti

« Même les prophètes se sont succédés (sic) !!! Donc, tu ne feras pas exception à la règle », peut-on lire sur une de photo de RFI tirée au cours de l’avant-dernière marche des burkinabè. C’était pourtant clair. Mobutu, Sékou, … et même Mandela qui a fait le bien et qui a subi tout le mal que très peu de chefs d’Etats africains ont connu, et qui pouvait dire « j’y reste » … tout le monde a quitté le pouvoir.

Pourquoi attendre que la situation pourrisse ? Là je vois encore l’ivoirien Tiken Jah Fakoly dans quitte le pouvoir : « Tu pourrais passer un sale moment, si tu pourris le temps oh làlà ! »

Ils sont nombreux au sud du Sahara, dirigeants qui sont prêts à tout gâcher, même le bien qu’ils ont réalisé avec peine et parfois en n’équivalant pas à ce qui devrait être réalisé avec les fonds sortis des trésors… Ils sont souvent francophones, des pays des plus instables d’Afrique. Pitié chers dirigeants africains, chers fabricants des lois, béni-oui-oui ! Vous n’avez pour terre que l’Afrique, pour maison que vos pays. Ne brûlez pas comme ça. Quel recul pour le pays des hommes intègres ! Si seulement Compaoré pouvait s’arrêter là et faire profiter à son pays les acquis de son éternel règne !


Fous ou prodromes d’une insécurité ?

Ce dernier temps, des fous sont de plus en plus visibles dans la ville de Lubumbashi. Pensez-vous à une saison de folie ? Il semble que cela n’existe pas. Pourtant ils ont tendance à augmenter ! Cela fait maintenant trois fois, comme ce jeudi 30 octobre, que la mairie appelle proches de ces personnes à les reprendre, rien ne bouge ni de sa part ni de celle des familles qui restent toutefois difficiles à connaître. Ce vendredi 31 octobre, ils devront aller loger dans un auspice aménagé pour eux. Mais on ne sait pas si cela devra durer.

Les malades mentaux (les fous) errant dans les rues de Lubumbashi seront internés ce vendredi 31 octobre à l’Hôpital Jason Sendwe après un tri qui sera effectué au centre Kasapa. Le centre aménage à cet hôpital peut accueillir jusqu’à 106 personnes. Le médecin chef de cet hôpital a insisté sur les préalables pour que cette opération réussisse. La maire adjointe de Lubumbashi pour sa part, rassure que ça va marcher.

Les fous en circulation libre

Source: www.tele50.com
Source: www.tele50.com

Vous pensez à quelque incident produit par ces personnes ? Pas du tout. En tout cas, pas un qui ait été rapporté au grand public. Deux constats pourtant étonnent. Le premier est que les fous se promènent librement en ville depuis plusieurs années. Il existe des endroits transformés comme des loges de ces malades mentaux ou fous, bien connus du public. Au complexe scolaire Kiwele, à côté de la route Lumumba il y en a un. Ce citoyen n’est pas n’importe qui. Il est bien ordonné. Il a le temps d’aller chercher à manger. Lorsqu’il est de retour chez lui, en dessous d’un arbre, il cuisine, dine et sieste. Et cela, à des heures précises tous les jours ou presque. Il est là depuis plusieurs années.

A la sortie du tunnel vers le quartier Bel-air, là il y a un autre. Un peu plus loin, sur l’avenue des cimetières au croisement avec Des plaines, là s’installe un autre encore. Proche de l’Eglise Méthodiste, au centre-ville, à la poste vit un autre (qui pourrait avoir déménagé, s’il est encore en vie) ; la liste est longue. Et je ne considère pas ici, ceux qui vivent dans les communes et quartiers dans les mêmes conditions.

Une augmentation des malades mentaux

Le second constat est que ce dernier temps, on voit un peu plus ces personnes en nombre croissant. Ce n’est pas de ces fous, bien connus des lushois dont il s’agit, mais de nouveaux. Un homme se demandait il y a quelques jours, pourquoi de plus en plus de personnes malades, des fous dans la ville. C’était dans un taxi-bus. Des sujets comme ça intéresse beaucoup de gens ! J’ai pu noter des clichés et des arguments intéressants.

Facilement quelqu’un dit « ils cherchent à devenir riches, ils ont touché aux fétiches et cela a mal tourné ». Beaucoup de gens semblent favorables à cette version plus facile à gober. Puis, la conversation devait s’arrêter là. Arrive alors cette réaction d’un homme resté calme qui nous oblige à réfléchir. L’homme établit une relation entre l’apparition de plus en plus remarquable des fous et l’accroissement de l’insécurité dans la ville, et ce, à travers l’histoire de ce pays. Un fait pas anodin, selon lui, le cas présent. C’est une supputation, faut-il noter.

Des faux fous ?

Cette dernière considération semble avoir le vent en poupe. Cela fait trois fois, la mairie de Lubumbashi appelle les familles des fous en circulation dans la ville, à les retirer. Appel apparemment jamais suivi d’effet. Ce jeudi 30 octobre, elle a annoncé une campagne d’identification de ces personnes en vue de les retirer de la ville et leur trouver un autre cadre. On ne dit pas assez comment cela se passera ni comment les gérer.

Mais l’idée d’insécurité dans la ville et le retrait de ces personnes ne semble pas du tout anodine. Ce dernier temps, Lubumbashi est à nouveau militarisé. Aux endroits stratégiques comme la Place Moïse Chombe, le Carrefour, etc. on voit la Police militaire bien armée. On est habitué à voir ce déploiement chaque fois qu’il y a inquiétudes sur la sécurité. C’est ce qui est arrivé lorsque les miliciens Bakata Katanga étaient entrés dans la ville, il y a une année. Plus encore, des coups de feu parfois duratifs sont ont été annoncés cette semaine au quartier Hewa Bora.

Et alors, être fou ou mal fichu, c’est-à-dire sale, cela met mal à l’aise à Lubumbashi. La raison est simple. A l’entrée des Bakata Katanga, il y a une année, ces personnes étaient identifiées par leur accoutrement. On les identifiait comme « des gens sales ». Rien d’anormal, ils viennent d’un maquis. Cette saleté est donc loin d’être leur mode de vie. Les témoignages recueillis après cette entrée spectaculaire faisaient état de la mort d’un fou qui logeait au tunnel vers le quartier Bel-air. Un militaire l’aurait pris pour « un may may », vu son habillement.

Ceci dit, il n’est pas étonnant que l’autorité urbaine se tracasse d’une possible existence parmi ces personnes, des faux malades mentaux. Néanmoins, en les évacuant, la ville peut espérer avoir résolu un problème : la confusion ou du moins, toute suspicion possible sur les vrais et les faux fous.

La mesure de la mairie pourrait ne pas être motivée par ces raisons, c’est possible. Mais il demeure que dans la relation des causes à effets, cette présence dérangerait. Mais aussi, ces compatriotes, malgré leur état de santé, méritent quand même un encadrement et une dignité. Et dans ce cadre, la mairie a raison de les retirer pour les garder quelques part. Mais cette décision semble intéresser nombre des lushois. Mais on ne sait pas encore si elle aura longue.


Allons donc en Occident !

« Quel est le pays de tes rêves ? » me demande un jour un ami. « La RDC » lui répondis-je. Réaction immédiate : « Tu es un gros con, mon petit ». Je ne pouvais pas accepter d’être ainsi qualifié. « Toi aussi, tu en es un… un très gros con », répliquai-je. Tout était réuni pour le pire. Pourquoi ? Deux opinions fortement opposées sur l’Occident. Partir ou ne pas partir ? Pourquoi donc ? Pas toujours facile le consensus parmi les jeunes sur la question de l’immigration. Cet échange s’est passé à Lubumbashi, je l’ai vécu comme je vous le raconte.

On vient de finir le montage vidéo d’un reportage. On peut papoter. Allons, quoi ! On parle des rêves. Rêvons donc. Thys, un collègue de service vient de quitter la dernière fenêtre où il a lu des infos sur « comment immigrer en … ». Internet, ça le connaît. C’est presque un as de l’informatique. Il a une licence en droit. Il est intelligent, de temps en temps il m’impressionne. Chez lui à la maison, il a un écran plasma connecté à un décodeur qui lui donne des chaînes cryptées, un PC, un téléphone androïde connecté… quand il parle de l’Occident ou d’ailleurs, il ne dit pas des âneries. Mais c’est sans y avoir été. C’est l’Occident d’après la télévision et Internet : des images sélectionnées, orientées.

Trop vieux pour mon époque

Dakar, Source: @africa24tv
Dakar, Source: @africa24tv

Vient alors cette question qui a failli nous plonger dans une dispute. C’est amical avant que ma réponse ne vienne tout vaciller. « Je préfère vivre dans mon pays, la République démocratique du Congo. » Pourquoi, me demande-t-il ? « Je ne vois pas pourquoi aller ailleurs. Je devrais savoir quoi y faire. C’est pour une mission ? Ça va. Puis, je serai de retour chez moi. Pour les études, une formation : avec plaisir,  je partirai. Pour autre chose, je vivrai ici jusqu’au dernier jour. » Voilà qui fait de moi un con, un gros con.

C’est quand même beaucoup, hein ! (Con, puis gros con !). Allons. Mon ami s’explique : « Tout le monde attend le jour où il pourra sortir de cet enfer (le Congo). Mais tu t’obstines à croire que tu peux vivres ici. Crois-tu que ton petit boulot ici te mènera quelque part ? »… Je reste calme. Il ne manque pas de raison, dans une certaine mesure. Mais je ne me laisse pas endoctriner comme ça. L’esprit cartésien, il est à nous tous. « Qui t’a dit qu’ailleurs on vit toujours mieux ? C’est Internet, la télé ? Les chômeurs, même en Occident, le bien industrialisé Occident, même aux Etats-Unis, en Chine… ils sont là. Les gens dorment affamés. Sans doute, dans une autre forme que chez nous. Mais qu’est-ce qui vous rassure qu’en y allant vous réussirez ? » Un étudiant avec qui j’ai décidé de discuter sur cette question, un peu plus tard était formel : « Je finis ma licence, je pars en Europe. Je ne peux pas rester ici. Même si je devais laver les cadavres ! »

Allons donc ailleurs, en Occident !

Thys s’est senti offensé. La conversation est troublée. Allons donc ailleurs ! Où ?­ – En Occident. – L’Occident reste la terre des rêves, c’est plus fort que nous. Je l’avoue. (Faites attention quand je dis nous !) Durant les années de la colonisation, on a passé le temps à présenter le pays des blancs comme le plus beau, proche de Dieu et parfois où Dieu réside ; le pays où il fait beau vivre ! En plus, tous les meilleurs d’Afrique, or, diamant, cuivre, bois, les malles d’argent et même les savants, c’est en Occident qu’ils se rendent. Et quand on pense à ces guerres qui parfois sont alimentées par des entreprises occidentales… alors, allons chez eux pour être en paix.

On est frères, n’est-ce pas ?

kapanga
Un camion en route vers Kapanga, Katanga. Source: Elkap

Occidentaux, Africains, on a quand même une histoire ! Vous venez chez nous, ça ne dérange personne ou presque. Laissez-nous aussi venir chez vous !

Les échos de l’Occident ces dernières années sont de plus en plus dissuasifs : des embarcations qui chavirent en voulant traverser la Méditerranée ou l’océan Indien, des mesures sécuritaires assez drastiques aux frontières… Ils sont là comme moi, à croire que l’on peut mieux être ici. Mais c’est plus à la mode d’aller ailleurs. Même dans les quartiers, on le voit quand arrive  celui qui est allé ailleurs, et qu’on a perdu de vue  pendant un temps. Heureusement, chacun finit toujours par reprendre sa place.

Mais il y en a quand même qui tentent d’immigrer. Ils sont le plus souvent découragés par la situation politique et économique de leurs pays. A qui servent nos croissances ? 90% des Congolais à l’âge de travailler seraient sans emploi !

Soutenir le vivable en Afrique

Pour arrêter ce fol élan des jeunes pour une immigration vaille que vaille, l’Occident devrait se rappeler qu’on est quand même frères et qu’on a en commun un passé. Surtout, il s’agit de veiller à ce que la démocratie et la transparence s’installent, un peu comme les Etats-Unis se sont penchés sur l’Europe après la Seconde Guerre mondiale avec le plan Marshall.

Tant que l’Afrique continuera à symboliser la misère, alors on n’arrêtera pas de se rendre au paradis, on nous l’a dit et nous l’avons assimilé. Dommage si celui qui nous l’a dit a menti » a déclaré un jeune qui reste encore déterminé à immigrer. Il attend son opportunité.


Ntumba Kaja : Le premier bâtonnier femme de RDC, 2e d’Afrique

Il n’y a pas de féminin pour un bâtonnier. Mais la femme bâtonnier à Lubumbashi, il y en a. Une première ! C’est depuis dimanche 19 octobre dernier. Maître Rose Ntumba Kaja n’est pas que première de RDC, elle est aussi deuxième d’Afrique, précise-t-on, arrivée à ce niveau. Le monde des avocats intègre plutôt lentement le concept genre.

Rose Ntumba Kaja, Bâtonnier du barreau de Lubumbashi. Capture d'écran
Rose Ntumba Kaja, Bâtonnier du barreau de Lubumbashi. Capture d’écran

Le 12e bâtonnier du barreau de Lubumbashi est une femme peu ordinaire. Mère de 4 enfants, mariée, Me Ntumba Kaja est née en 1959. Licenciée en Droit économique et social de l’Université de Lubumbashi depuis 1993, université où elle est chef de Travaux, sans doute en préparation de sa thèse de doctorat. Avocate à la Cour pénale internationale, elle compte une carrière professionnelle de 19 ans maintenant, une des expériences des plus remarquables. « Ça fait 19 ans que je suis avocate. J’estime que j’ai une maturité professionnelle permanente et suffisante qui va permettre d’accomplir cette lourde mission qui m’a été confiée par les avocats… J’ai presté au prétoire, j’ai assumé des charges au conseil de l’ordre, j’ai même assumé des charges de l’ordre sans même être au conseil de l’ordre. Ma proximité avec les avocats en tant que présidente de la caisse mutuelle de l’entraide des avocats… tout cela m’a permis d’être au quotidien des problèmes que les avocats rencontraient. Je suis prête à apporter une pierre à l’édifice de notre barreau. »

Cette élection n’a pas été facile, même si dans une certaine mesure, elle était parmi les pressentis capables de briguer ce poste. Débutée à 11 heures, elle a pris fin le lendemain à 5 heures, sans trêve. Elle a tenu jusqu’au second tour de cette élection qui a aligné 7 candidats dont 2 étaient femmes, avec en face maître Gabriel Mulunda. Les avocats ont finalement porté leur préférence sur elle.

De la rigueur au barreau

Les avocats du barreau de Lubumbashi au cours des dernières élections.
Les avocats du barreau de Lubumbashi au cours des dernières élections.

Les réactions des avocats semblent s’accorder sur la rigueur et la discipline de Me Ntumba Kaja. Même les étudiants à la faculté le reconnaissent. Pour une femme qui doit diriger des hommes qui plus sont intellectuels, des avocats, il faut bien de la rigueur, de la discipline. Le monde des avocats connaît de problèmes qui demandent parfois de la rigueur.

« Une femme dynamique, compétente, aussi rigoureuse, qui va certainement protéger ce corps », dit Patricia Tshama, avocate au barreau de Lubumbashi. « Nous croyons en la réussite, nous croyons au changement », affirme Gisèle Kasembele, avocate elle aussi… Nous serons égales, à l’égalité de l’homme ». Grégoire Mukendi : « C’est une femme compétente, qui s’y connaît. Une dame qui a une maturité suffisante. Elle a une connaissance suffisante du droit, elle maîtrise bien les règles déontologiques. »

Et si les politiques prenaient pour modèle le barreau ?

Jacques SHESHSA
Jacques Shesha, bâtonnier sortant du Barreau de Lubumbashi. Capture d’écran

Pour Jacques Shesha, bâtonnier sortant qui n’a pris qu’un mandat, promettant de ne pas briguer un second pourtant permis, c’est bien le changement qu’il voulait qui arrive. « L’alternance c’est la sève qui vivifie l’arbre de la démocratie. Le barreau a démontré que la démocratie est à la portée de tous. Elle est vécue, son berceau, c’est le barreau. Vous en avez vécu l’expérience … la parole de l’avocat, l’alternance, voilà des valeurs fondamentales que nos politiciens devront récupérer pour la démocratie.»

Les mots du bâtonnier sortants ont nerf insinuatif et se réfèrent à l’actualité politique du pays : la fin de mandat. C’est sans doute une question qui divise en RDC. Jacques Shesha qui est un ancien député, sait bien à qui il s’adresse en donnant son exemple et surtout en lançant : « voilà des valeurs fondamentales que nos politiciens devront récupérer pour la démocratie.»

Le barreau de Lubumbashi qu’elle dirige désormais et dont elle devient le 12e bâtonnier, est le plus ancien de la République démocratique du Congo. Pas de problèmes alertant hormis cette colère des avocats il y a quelques mois, contre le bâtonnier général à Kinshasa. Ils lui reprochaient des décisions cavalières et pas du tout démocratiques, à l’endroit des barreaux et des avocats.


Félix Tshisekedi à la tête de l’UDPS: et le rêve de démocratie?

Félix Tshisekedi, fils de l’opposant historique Etienne Tshisekedi et candidat à la présidentielle de 2011 en RDC est arrivé ce samedi 18 octobre à Lubumbashi. Celui qui n’est jusqu’ici qu’un chargé des affaires étrangères rêve grand : diriger l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) un des plus anciens partis d’opposition de RDC fondé par son père. Ce rêve pourtant « incommode » dans un parti à la quête de « démocratie … (UDPS !) » prend forme et se précise. Une procédure pas du tout du goût du père, mais de la mère : Marthe Tshisekedi de plus en plus influente au sein du parti. Ceci est ressenti comme un « affront » aux « anciens » du parti ou plutôt un scandale qui peut ébranler la case UDPS déjà fragilisée par des situations assez rudes depuis la dernière élection « perdue » par Etienne Tshisekedi qui n’a jamais accepté sa défaite.

Félix Thisekedi, chargé des affai
Félix Thisekedi, chargé des affai

Un test avant tout

Mais la fête a failli rater déjà à l’aéroport. L’aile dure du parti n’a pas digéré cette présence des députés que Joël Mutangala, un ancien fédéral du parti (au Katanga) les appelle des intrus : « Il n’y a pas de problème au sein du parti. Nous sommes tous unis. Le petit incident qui a failli avoir lieu, c’est des gens qui sont allés siéger dans cette caisse de résonnance abusivement appelée assemblée nationale et qui reconnaît monsieur Kabila comme président de la république ». Ceci n’est pas du tout, toute la vision des membres. Un militant accepte bien ces députés comme membre du parti plutôt que Félix Tshisekedi en qui il lit, à travers cette visite, une volonté de succéder à son père à la tête de l’UDPS. Un test donc. « C’est un scandale, dans un parti qui s’est battu pour la démocratie », dit-il.

Dans un débat que j’ai suscité sur cette visite dans le groupe « Soutien au candidat Etienne Tshesekedi » sur Facebook, les réactions vont dans tous les sens. Marie Paul lance « Soutien total au président élu et à Félix ». Pepe Manki Mankirâle : « Nous ne voulons plus la politique du père au fils, ça nous fatigues svp ! ». Autre réaction, Ibro Ibwala : « Leur père a beaucoup trahi le pays. En plus, il (Félix) ne connaît rien du pays. Quand on soufrait, il étudiait dans de très bonnes conditions en Europe alors que ce qu’il veut (phrase non achevée !) l’argents de son père est fini ?»

Finalement cette autre réaction presqu’inattendue de Rose Mwania : « C’est un problème d’engagement individuel. Il est militant de bonne heure à l’UDPS. Le gros du problème avec Félix Tshisekedi restera sa constance à servir la Nation au lieu de servir un jour les intérêts rwandais. Son épouse qui est tutsi (mes sources n’ont pas pu confirmer cette affirmation) ne manquera pas de le désorienter et de le mener un jour vers une politique extravertie en faveur du Rwanda dans l’hypothèse où il gagnerait une élection présidentielle. Il faut des garanties et de garde-fous sérieux. »

Félix n’est pas Etienne Tshisekedi

Félix Tshisekedi debout dans une jeep à son arrivée à Lubumbashi. Photo M3 DIider
Félix Tshisekedi debout dans une jeep à son arrivée à Lubumbashi. Photo M3 DIider

Cette tournée se veut un test pour le Tshisekedi Junior. Il le sait, aussi bien que son père : plusieurs parmi les combattants, n’acceptent pas qu’il prenne la direction du parti. La raison est simple : « il n’a jamais lutté. » Et c’est Etienne Tshisekedi lui-même. Il aurait l’habitude de l’appeler non pas Tshisekedi mais Tshiyombo, pour marquer cette différence entre les deux personnes aux personnalités divergentes. D’après certaines sources de l’UDPS, le père trouve le fils pas à son image, puisque « pondéré ». Mais ce samedi, il a prouvé sa popularité en drainant des mondes derrière lui. De l’aéroport jusqu’au directoire du parti, il a mis 5 heures au lieu de 30 ou 45 minutes dans une caravane motorisée.

Dans son meeting, il a déclaré le parti prêt à dialoguer, mais dans le strict respect de l’accord cadre d’Addis Abeba qui recommande ce dialogue entre congolais. A un dialogue pourtant, on n’est jamais sûr de réussir à tout gagner. Ca discute, puis, des concessions. C’est sans doute un nouveau vent. Pourvu qu’il trouve du soutien.

Telle mère, tel fils

Etienne Tshisekedi aurait lui-même voulu laisser le parti à un autre leader, un combattant plus consensuel et surtout imprégné de la lutte qui est la sienne. Mais la toute puissante Maman Marthe, l’épouse de Tshisekedi sénior aurait pris assez d’importance au sein du cercle de décisions qu’elle a su tout rapprocher de son fils en rapprochant ce dernier du pouvoir. C’est peut-être pour baliser devant lui la voie que sont partis des leaders de taille : Albert Moleka, Mukendi, Shabani, etc. Le Sphinx de Limete l’aurait-il compris, tôt ou tard ?

Etienne Tshisekedi sait bien que son parti est au tournant décisif de son histoire : UDPS sans Etienne Tshisekedi. La grande crème du parti est partie à la suite de ce qui a ressemblé à une guerre de succession anticipée. Après la présidentielle tumultueuse de 2011, le parti a perdu des députés, radiés par son président parce qu’ils n’ont pas boycotté les activités du parlement.

Joël Mutangala, militant de l'UDPS, Katanga. Photo M3 Didier
Joël Mutangala, militant de l’UDPS, Katanga. Photo M3 Didier

Finalement, tout semble s’accomplir pour la présidence de l’UDPS par Félix Tshisekedi. Peut-être ce sera une UDPS sous une autre forme : moins dure, exsangue et prête à des concessions et même à gouverner. Pourquoi pas ? Peut-être que le jeune Tshisekedi a compris les faiblesses du parti et ne voudrait plus l’embarquer dans cette philosophie du père qui n’a jusqu’ici, pas du tout payé.

Depuis plusieurs mois, des rumeurs n’ont cessé de faire croire que si le gouvernement de cohésion nationale attendu depuis bientôt une année n’arrive pas, c’est parce qu’on attendrait un premier ministre de l’UDPS. Son discours à Lubumbashi, confirme bien la conviction de Félix : changer le parti. Cela commence par l’acceptation des députés exclus. De cette manière, il s’oppose de fait à son père. Et cela devrait énerver Etienne. Mais il y a peu de change qu’il en soit ainsi.

UDPS Tshisekedi sans Tshisekedi

Après la crise électorale de 2011, E. Tshisekedi réussit plusieurs mois après à sortir d’une presque résidence surveillée. Arrive ensuite, la nouvelle de sa maladie puis son évacuation à Bruxelles. Certains y voient juste un moyen de le retirer de ce pays où il ne pouvait plus tenir devant des pressions de plus en plus grandes des politiques. Félix Tshisekedi gère la situation dans une confusion inextricable entre sa responsabilité comme rejeton du malade à évacuer pour des soins, et comme haute personnalité du parti.

En marge du dernier congrès du parti, les fédérations de l’UDPS ont dressé un état de lieu sans complaisance. Il recommandait notamment la fin de la lutte pour l’impérium. Ceci place le parti sur une autre piste que celle de radicalité, sur la voie flexible, capable de négocier. Ceci explique à quel degré s’est essoufflée la lutte. 24 ans d’opposition sans rien du tout, il y a de quoi envisager un aggiornamento. Mais c’est surtout la perspective d’une nouvelle direction (on évite de dire changer de chef) qui constitue la clef de voûte de ces recommandations. Une UDPS sans Etienne Tshisekedi.

Au meeting de Félix Tshisekedi à Lubumbashi. Photo M3 Didier
Au meeting de Félix Tshisekedi à Lubumbashi. Photo M3 Didier

Dans une certaine mesure, l’homme est dépassé par son âge, mais aussi ses convictions ne collent plus au contexte actuel. Mobutu est quand même parti, il y a eu un 17 mai puis les premières élections acceptées par « le monde », puis encore celles calamiteuses de 2011. Que le parti ait perdu, certains en veulent à Etienne. C’est la faute à sa radicalité, puisqu’il refusait de suivre d’autres leaders politiques. Il déclarait sur Rfi, dans une interview « Je n’ai pas lutté pour laisser mon poste à un autre », refusant ainsi la perspective d’un candidat commun à l’opposition. Le résultat est là : il reste dans l’opposition alors qu’il était à un doigt du pouvoir.

Félix TSHISEKEDI n’est pas en grâce avec certains milieux politiques très influents du parti, notamment en Afrique du Sud, une partie des combattants en Occident. Le parti court le risque d’une nouvelle scission. Et cela pourrait être un coup dur contre l’honneur et ce qui pourrait être considéré comme héritage politique de Tshisekedi, cet homme qui s’est battu pour la démocratie, contre vents et marrées.

Des scénarii à la perspective d’une présidence de L’UDPS par Félix

Plusieurs scénarii restent possibles. La première : Etienne TSHISEKEDI décide de désavouer son fils et tout de suite arrêter son élan, plutôt ses appétits pour la présidentiels. Ici, il plairait à ceux qui ont mené la même lutte que lui. Et ce serait honorer ceux qui sont mort en le soutenant, notamment au cours du parti-Etat, le MPR. Mais vite, il pourrait déplaire à son épouse Marthe qui a pris de l’influence. En tout, vu son âge, il a davantage besoin de son épouse. Ce scénario aurait peu de change de se réaliser.

Etienne TSHISEKEDI écarte son fils parce pas vraiment à l’image de son père et de ce fait, incapable d’incarner les idéaux des combattants. Certains trouvent Félix assez pondéré et même proche de certains milieux du pouvoir à Kinshasa.


Chacun pour soi, Ebola pour tous moins l’Afrique !

Chacun pour soi, mais Ebola pour tous. Il faut bien ne pas imaginer l’Afrique dans le « tous ». Elle vient de manquer une fois de plus, de marquer des points dans la gestion de cette maladie. L’Afrique fait preuve non seulement d’une incapacité de coordination des efforts pour venir à bout de cette maladie désormais à portée mondiale, mais elle ne fait rien du tout en tant qu’organisation continentale. Comme toujours, l’Occident vole au secours. Sans doute, il ne faut pas imaginer que c’est avant tout par amour de l’Afrique. Il faut arrêter le mal à sa source. C’est plus simple à comprendre.

Ebola Stop
Un agent de santé en tenue de protection contre Ebola. Conception photo M3 Didier

Il ne faut pas imaginer une Union africaine pragmatique face aux grands enjeux africains, en tout cas, pas pour le moment. Limitation des frontières entre Etats, de démocratie, dictatures, fin des mandats pour les dirigeants, pauvreté, conflits armés et de bonne gouvernance… ça cogite, puis rien. Toutes ces questions n’ont jamais trouvé des résolutions solides en Afrique.

Bonjour Ebola

Ebola est là une fois de plus et rien du tout, hormis des discours. A l’inverse, c’est l’Union européenne, l’ONU et des Etats occidentaux qui s’en préoccupent. Des millions ici, des milliers de dollars là, et en Afrique ? Pourtant, dans les discours, l’UA veut s’assumer comme puissance continentale hors de qui il n’y a pas de salut. Mensonge. Il se révèle, et c’est déjà dit, qu’elle est un simple club de chefs d’Etat en quête de protection et de complicité pour le pouvoir.

Des frontières sont fermées plutôt que d’apporter de l’aide, des rendez-vous de football reportés et des vols d’avion annulés… toute une économie en danger et tout un symbole d’inefficacité et surtout, d’incapacité de prouver une union. Il faut finalement que chaque pays s’arrange pour arrêter son mal. Tant pis si vous mourez chez vous, pourvu que ça ne vienne pas chez nous. Mais hélas, Ebola est déjà aux Etats-Unis, en Allemagne, en Espagne, en France et peut-être demain, en Asie quelque part !

Il faut s’attendre à pis encore. Aujourd’hui c’est Ebola, demain on ne sait quoi ! Et bientôt, si rien ne s’améliore, c’est toute l’économie continentale qui devra souffrir puisque le monde arrêtera de fréquenter l’Afrique. Chaque fois qu’un visiteur arrive à un port, à un aéroport… on s’inquiète, on attend 21 jours, et ça tourne en rond. Puis, le vertige, la peur.

Au secours de l’Ouest !

Où il fait plus mal avec Ebola, c’est en Afrique de l’Ouest. Un nouveau décompte macabre a été fait en début de la semaine qui s’achève, à l’ONU : 4 000 décès sur près de 9 000 cas suspectés ou détectés. En quelques mois, Ebola atteint un seuil de nuisance facilement comparable au sida. Plus grave que ce dernier, il tue vite et se propage rapidement. Il y a urgence. L’Afrique devrait vite agir, se montrer solidaire et prouver cette solidarité.

De bons résultats en RDC

Ebola
Une équipe de lutte contre Ebola en RDC. Source: www.radiookapi.net

La République démocratique du Congo vit sa 7e crise d’Ebola. Et comme chaque fois, dans le calme elle a été gérée. Cette année, plus d’un mois a suffi pour noter des résultats satisfaisants. A ce jour, elle est presque finie d’après les informations du ministère de la Santé de ce pays. Le succès sur Ebola en RDC tient peut-être à la situation géographique de la région de Boende, dans la province de l’Equateur. Une région complètement enclavée facile à mettre en quarantaine.

Un médecin explique qu’il n’y a rien de spécial que l’observance des strictes mesures d’hygiène : ne pas toucher les morts, ne pas manger la viande d’animaux trouvés morts, se laver proprement les mains … isoler les patients et les soigner avec des sirops, etc.

Une folle panique

Je suis loin de croire que les Congolais soient devenus les seuls capables d’assimiler ces leçons que connaissent tous les médecins et qu’ils enseignent d’ailleurs même en Afrique de l’Ouest où, semble-t-il, cet Ebola est intenable. Sans doute, on me dira que les souches des virus de ces maladies (Souche RDC et Afrique de l’Ouest de cette même maladie). Mais c’est quand même Ebola ! C’est qu’il y a quelque chose de commun à ces deux Ebola. On peut donc s’inspirer des pratiques qui ont réussi en RDC.

Et donc, je considère qu’il y a du business sous la mobilisation contre Ebola. Certes, Ebola reste réel et tue. Mais que le monde n’arrive pas à l’arrêter, cela paraît suspect. La stratégie pour ceux qui en tirent profit consiste ainsi à faire davantage de bruit en vue de mobiliser le plus de moyens pour vendre… en réalité des placebos. Puisqu’en fin de compte, il n’y a pas de solution contre Ebola à ce jour. Un médecin français disait il y a quelques semaines qu’il n’y a que l’observance des strictes mesures d’hygiène qui peut tout arrêter.


RDC : la seconde vie des Belges

L’écho des performances économiques des trois  dernières années en République démocratique attire sans doute toutes les attentions, peut-être même certaines convoitises. Après une diplomatie assez trouble depuis quelques années, et ce malgré des réconciliations de façade, les Belges qui sans doute connaissent le Congo mieux que nul autre pays « ami » marquent leur retour. Déjà au Katanga, leur nombre augmente d’année en année. Après la mission économique de 2013, une nouvelle mission économique conduit jusqu’au 23 octobre prochain, 50 entreprises et plusieurs hommes d’affaires belges au Katanga et au Kasaï notamment, des régions riches respectivement en cuivre, cobalt et en diamant.

La mission économique et commerciale belge arrive un peu en retard au Katanga. Des espaces, mieux les carrières minières intéressantes sont déjà attribuées à Tenke Fungurume Mining, filiale de l’américain Freeport McMoRan Copper & Gold (majoritaire) et à KCC, filiale de l’anglo-suisse Glencore. Il existe bien d’autres Minings nées après la vente de la Gécamines qui faisait autrefois la puissance économique de ce pays.

Des indications rassurantes

Depuis  2003, le Katanga est passé de 13.000 tonnes de cathodes de cuivre à 942.000 en 2013. Pour le cobalt, on est passé de 8.300 tonnes à 58.400 en 2013. « Les projections pour 2014 avoisinent un million cinq cent mille tonnes », a précisé le ministre des Finances du Katanga Christian Mwando. C’est une croissance sans doute éblouissante. Selon Stéphane Dopagne, consule énéral de Belgique à Lubumbashi, le Katanga contribue avec les mines à 22 % au budget de l’Etat. C’est sans compter les autres secteurs de l’économie de la province.

Stéphane DOPAGNE, Consule belge Lubumbashi
Stéphane Dopagne, consul belge à Lubumbashi. Photo M3 Didier

C’est sans doute au regard de ce tableau reluisant que les Belges qui connaissent le Katanga et le Congo, tentent d’opérer leur rentrée. Déjà, ils ont repéré des secteurs presque vides ou sans investissement sérieux, de non moindre importance : probablement les mines, l’énergie, le transport, l’agriculture …

Les mines, mais aussi l’énergie

Les activités minières restent, à ce jour, incontournables au Katanga. Déjà le thème du séminaire lancé ce 13 octobre à Lubumbashi dit tout des intentions des quelque 50 entreprises belges arrivées au Katanga, en mission économique : « Mines et énergies ». En plus des mines, les Belges espèrent se lancer dans la production et la vente de l’énergie. Ils s’y connaissent mieux ! La plupart des barrages hydroélectriques de RDC restent des réalisations de l’Etat colonial, le Congo-Belge.

A Lubumbashi, mieux en RDC, la Société nationale de l’électricité (SNEL) est fortement dépassée par les demandes toujours croissantes. D’abord celles des miniers et autres industriels, mais aussi celles des villes qui n’arrêtent pas de croître. Forcé Contraint de casser le monopole dans l’exploitation et la vente de l’énergie électrique, l’Etat est sur une voie qui pourrait, si cela tient et réussit, booster son économie.

Christian MWANDO, Ministre Finances Katanga
Christian Mwando, ministre des Finances et de l’Economie, Katanga. Photo M3 Didier

Les belles performances économiques ci-haut portées sont freinées par l’insuffisance de cette énergie. Parfois elle existe, mais pas comme les miniers voudraient l’avoir. Il se fait qu’il y en a qui en ont parfois abondamment pendant que d’autres souffrent pour réaliser leurs tâches. D’où cet appel de Christian Mwando : « Nous encourageons les hommes d’affaires belges, à pencher sur ce traineau que le législateur a décidé de libéraliser en rompant notamment, le monopole de la société nationale de l’électricité. »

Les Belges sont de retour

Plus qu’un simple lien historique par la colonisation, la Belgique espère progressivement reprendre sa place, sinon redevenir  importante… dans les échanges économiques entre la RDC et le reste du monde. Longtemps après la colonisation, les produits miniers congolais ont continué à faire fonctionner les usines belges, sans gisements actifs des minerais en Belgique. Au cours des années de moins bonnes relations diplomatiques, de Mobutu à Joseph Kabila, la puissance coloniale a dû souffrir de cette dépendance des matières premières congolaises. Le Congo a bien réussi à exploiter cette faiblesse belge. Mais parfois à ses dépens.

Si le gros des carrières a déjà été attribué, il reste que les Belges attendent la ou les leurs ! Sans verser dans la polémique colonialiste ou dé-colonialiste, j’estime que les Belges n’arrêtent pas de penser que le Congo c’est chez eux. C’est d’ailleurs le même sentiment qu’éprouvent plusieurs Congolais qui se rendent en Europe. Ils sont nombreux à choisir la Belgique comme destination plutôt que le reste de l’Europe. Cela illustre bien les liens qui unissent les deux pays. Mais il y a dans l’œil du Belge, un certain souci inavoué de « reprendre », « récupérer… » ! Ah oui, c’est normal quand on a été le premier de se considérer comme privilégié.

Mais je crois bien que ce retour devra gêner à un certain moment. L’Occident semble se départir difficilement de certaines habitudes coloniales ou postcoloniales. Sans doute quelque chose a changé, mais la gêne…


QUOI, ÇA AUSSI, LA FAUTE A MOBUTU … ET AUX BELGES ?

Très Honorablissime, député de mon pays. Je vous écris en bon citoyen, mais pardonnez-moi si j’arrive à vous vexer. Rassurez-vous, vous avez vexé plusieurs. Je vous ai entendu, à l’assemblée, arguer que … c’est la faute à Mobutu. Hier, encore vous, vous pointiez les Belges. Et en tout ça, seriez-vous devenu un saint ? Alors allez au ciel ! Quelle est votre responsabilité ? Ils sont partis, Mobutu et les belges, il y a bien longtemps. Depuis, c’est vous…

Déplacés
Un village en RDC. Source: OCHA.

Aujourd’hui, vous avez l’honneur d’être un doyen. Vous avez vu s’installer Mobutu, vous l’avez vu partir. Vous êtes là encore. Et comme d’habitude, vous êtes là… dans la capitale, dans le luxe qui fait peur à vos électeurs. Le soir dans votre base électorale, vous vendez des rêves aux pauvres. Le matin à l’hémicycle, vous n’oubliez pas qui vous a formé : Mobutu. He bien, il est là en vous ! Vous le représentez valablement. Tenez !

La faute des belges ?

Vous dites que c’est la faute aux belges ? Qu’ils ont pillé le Congo ? J’en conviens. Mais ils sont partis, voici 54 ans. Ils ont laissé les routes. Vous alliez aussi rapidement à votre village que vous ne vous rendez aujourd’hui à Kinshasa par avion. Aujourd’hui, c’est devenu très loin, chez vous au village. Vous avez même oublié ce qui s’y passe réellement. Même à votre récente élection, vous ne vous y êtes pas rendu, parce que pas de route. Qu’avez-vous fait des routes des belges ? Que la route vers votre village, où vivent vos familles sa gâte, ça aussi, est-ce la faute des belges ? Dans quel état avez-vous mis la Société des chemins de fer du Congo? Pouvez-vous voyager aujourd’hui par train pour vos vacances chez vous au village?

Ils ont laissé la Gécamines, la Miba, des productions de coton, des fermes, des champs nombreux. Votre pays, vous nous l’avez appris, était une puissance économique, agricole, … pareil au Canada ! Vous n’avez pas honte à le dire ! Mais que s’est-il passé ? Aussi la faute aux belges, que vous ayez tout dilapidé ?

Quoi, Mobutu ?

­– Ah, je vois. Mobutu ! Mais vous étiez avec lui. Partout. En tout. Mais il est parti, cher député. Il y a voici 17 ans ! Vous les meilleurs, les saints, vous êtes là depuis 17 ans. Nous avez-vous montré le paradis ? Oh, notre cher Mobutu ! S’il avait vos chances à vous ! Il n’a jamais vendu les gisements de cuivre et cobalt de la Gécamines, jamais ceux de diamants ni d’or… il n’a jamais eu votre pétrole à vous au Kivu. Mobutu n’a pas vu s’affoler les prix de caciterite. Sans avoir vos ressources mirobolantes d’aujourd’hui, je parle comme les israélites sortis d’Egypte, les zaïrois mangeaient, se mariaient et avaient un salaire, mieux qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, 90% des citoyens actifs sont sans emplois. Mobutu, qu’a-t-il à y voir ?

Le dictateur ? Oh oui. Dites-moi, cher député. Qu’avez-vous changé ? Les élections ? Ou le parlement où se joue un cinéma télévisé, en direct ? Qu’avez-vous changé ? Ah oui. Parler comme moi aujourd’hui, à un député. Peut-être. Mais les gens parlaient, écrivaient, insultaient Mobutu. Certains étaient emprisonnés, torturés ; les plus chanceux tués… et les pleins de grâces, s’exilaient. Mais il y a un Tshitshi : il a résisté à tout. Dites-moi, avez-vous inventé la roue ?

Je vais arrêter mon pessimisme, cher député, bientôt « dépité ». Tout l’or de Kilo-moto s’épuise. Les montagnes de cuivres et cobalts sont rasées au Katanga, bientôt, vos petits-fils combleront les trous. Rien d’intéressant à Bakwanga au point que vous n’osez même pas relancer la Miba. Ah oui, vous avez le pétrole et le Gaz. Mais vos voisins de l’Est l’épuisent bientôt pendant que vous… dormez ! Nous, on a faim, on a soif, on dort dans le noir, on finit les études sans espoir. Au Katanga, nous somme 65% d’analphabètes… Car vous, vous êtes là depuis toujours. Est-ce la faute à Mobutu, ça aussi ?

Depuis toujours, vous nous faites honte, vous nous violentez. Bientôt, vous ne serez plus députés, mais bien dépités. Dernière prière : Laissez tranquilles Mobutu et les Belges. Vous êtes seuls auteurs de notre malheur aujourd’hui.


Le travail décent en RDC, une chimère !

A l’occasion de la célébration de la journée internationale du travail décent, le 7 octobre dernier, Industri all Global Union, une plate-forme réunissant plusieurs syndicats à Lubumbashi, a tenu une assemblée au cours de laquelle les syndicats ont appelé à réduire le recours à la sous-traitance. Présentée pourtant comme une aubaine pour résorber le pour résorber le chômage toujours proéminent, la sous-traitance est vue des syndicats comme source de malheur : elle inquiète et insécurise.

Florent MUSHA, économiste et membre de la société civile du Katanga qui relativise cette alerte des syndicats, dénonce tout de même l’escroquerie de certains responsables de sous-traitance.

Gécamines
Une usine de la Gécamines à Lubumbashi. Photo M3 Didier.

« Si par exemple je m’engage avec un employeur, qu’un employé chez moi va coûter 280 USD, mais vous employez venez placer ce travailleur chez moi, vous le rémunérez à 180-150 USD le mois… vous voyez ce que ça fait ? (…) je vais être dur : c’est une escroquerie ! Sur le contrat de travail, tout est clair (le bénéfice de l’employeur, ses charges diverses, etc.). Maintenant, l’employeur ne se contente pas de son pourcentage. Il entre dans les frais généraux qu’il a fixés pour y soutirer de sous. »

Economiste, Société civile du Katanga.
Florent MUSHA. Economiste, Société civile du Katanga. Photo M3 Didier.

La pire précarité : la sous-traitance, …

C’est justement ce palier de la sous-traitance qui dérange. Le premier lui, celui de la sous-traitance industrielle, dans les mines, souvent faite des employés qualifiés, est bien générateur de richesses, comme venté par le pouvoir public. Mais dans les services : protection, assainissement, logement, restauration, etc. là est la capitale de l’insécurité sociale et du travail précaire. Jean de Dieu ILUNGA MWENGA, président d’Insdustri all Global Union, cette plate-forme qui réunit plusieurs syndicats, malgré cet embelli constaté dans la sous-traitance industrielle, alerte et estime qu’il faut vite agir.

Jean de Dieu
Jean de Dieu ILUNGA, Coordonnateur de Industri all Golbal Union. Photo M3 Didier.

« Nous devons contraindre l’autorité administrative à agir. Parce que la précarité se vit. Vous êtes dans une entreprise, lance-t-il, vous ne savez même pas quel jour on va vous payer. Vous vous levez le matin, incapable de répondre aux besoins des enfants. Lorsque ce salaire vient, il est déjà hypothéqué… [L’assistance acquiesce] parce que vous avez contracté des dettes. Vous avez pris des engagements, des engagements de survie… les réalités de notre pays, c’est la pire précarité ! »

Dans ces conditions, difficile de comprendre que la RDC se targue d’une croissance économique des mieux d’Afrique. Sur le terrain, la misère galope. Il y aurait près de 90% des congolais à l’âge de travailler au chômage, à en croire Moïse KATUMBU, gouverneur du Katanga qui s’exprimait il y a 2 semaines à l’ouverture du salon de l’emploi à Lubumbashi. Pourtant, les minings pullulent partout au Katanga. Malgré leur nombre, ces entreprises qui exploitent le cuivre, le cobalt et bien d’autres minerais au Katanga, elles ne peuvent employer plus de monde que la Gécamines en ses années de gloire. A ce propos, Alphonse KABEYA faisait remarquer, au cours l’émission Médiascopie sur Kyondo télévision, que la Gécamines employait pour un poste, au moins trois agents. Aujourd’hui, ces entreprises emploient un seul et le paient mal. Pas du tout de repos ! Quelle précarité !

A la quête de l’emploi

Le Job Days de Lubumbashi, le salon de l’emploi tenu du 26 au 27 septembre dernier, a démontré à quel point la situation est difficile dans la province. Le coordonnateur de ce salon annonçait 3000 inscrits sur le site de l’organisation jusqu’à la veille. Mais le jour venu, ils étaient bien plus nombreux (peut-être 6 ou 8 mille), dans l’espoir de trouver un emploi. Une déception pour plusieurs, puisque le rendez-vous n’a pas consisté en des octrois d’emplois, mais plutôt en quelques opportunités de rencontrer des employeurs. Ce ne sont pas des compétences qui manquent. Et même si elles manqueraient, ce n’est surtout de la faute des demandeurs d’emploi !

Tous ces demandeurs d’emploi avaient étonnamment une idée presque commune qui les parcourait : la crainte de voir, à ce salon, émerger seulement ceux qui ont des appuis au détriment des compétences. Laisser à tous les mêmes chances, laisser s’exprimer les talents et les compétences,… enfin, c’est parfois chose difficile. Il arrive que des offres d’emplois soient lancées alors qu’en réalité le recrutement a déjà pris fin et que les candidats sont bel et bien connus des recruteurs. Juste besoin de montrer que l’on se conforme aux normes, à la législation congolaise.

Qui est responsable de cette situation désordonnée ? 

Vendeur
Un jeune homme (mineur) vendeur des croquants à Lubumbashi. Photo M3 Didier

« L’inspection du travail, répond Florent MUSHA. Elle devrait tout suivre. Tous les contrats de travail devraient être visés [par l’inspection du travail] et connus de tous. Il y a les syndicats qui doivent suivre, les services de protection sociale, en particulier l’INSS (Institution nationale de sécurité sociale). La plupart des employés ne sont pas affiliés à l’INSS. »

Et cas de maladie ou d’accidents de travail, ce genre d’employeurs abandonnent les travailleurs infortunés et préfère s’arranger avec des inspecteurs pour ne pas faire justice.

Mais qui devrait agir ? Puisque cet Etat à qui on devrait crier « au secours !» ne sait pas s’assumer comme protecteur de ses citoyens. Une chose est sûre, si cette précarité perdure et que le sentiment d’injustice persiste, il y a à craindre des violences, comme l’a bien dit Dieudonné KALUMBU, prêtre catholique, Salésien de Don Bosco :

Père Dieudonné
Père Dieudonné KALUMBU, Salésien de Don Bosco. Photo M3 Didier.

« Lorsque le travail n’est pas décent, c’est-à-dire, ne respecte pas les conditions bonnes pour que l’homme puisse travailler et qu’il puisse bien vivre, voilà ce qui amène à des révolutions, à des grèves, à des soulèvements. Par conséquent, il faut garantir les conditions, et des bonnes conditions, pour que l’homme puisse bien travailler et vivre par rapport à ce qu’il gagne, ce qui lui est dû. » Le prêtre continue pour dire que « le travail décent, selon l’Eglise, c’est celui qui donne à l’homme toute sa dignité. Un travail est décent lorsque la dignité de l’homme est respectée. Ici, précise-t-il, l’Eglise ne veut pas voir qu’il y a des travaux bien plus importants que les autres. » De même, finit-il, l’employeur n’existe pas sans employé et vis-versa.

Bien vivre signifie alors avoir les nécessaires pour sa survie, pour soi-même et pour toutes les personnes à sa charge. « Le travail est l’activité par excellence de l’homme. En travaillant, il ressemble à son créateur et devient avec lui, co-créateur. » Ah oui, si seulement ça pouvait marcher ainsi !


MENDE : UN MINISTRE AU SERVICE DE LA RDC OU DU GOUVERNEMENT ?

Le ministre de la communication de RDC Lambert MENDE n’est pas que réputé bon parleur. A la faveur de ses sorties en bon marketeur ou chargé du démenti, de communication et de l’image du gouvernement, il s’est fait affubler des épithètes parfois peu reluisantes. Surtout, il semble que certains, si non plusieurs, le considèrent comme un imposteur. Et ce n’est pas fini ! Le ministre chargé de la nouvelle citoyenneté a un parler qui contraste bien avec ce que devrait être une « bonne citoyenneté », une des tâches de son ministère : savoir parler à tout le monde sans oublier de respecter chacun. Et surtout, l’image de menteur le précède en plusieurs de ses actions. Pourtant, il ne dit pas que ce qui est faux.

L. MENDE
Lambert MENDE, Porte-parole du gouvernement de RDC. Source: okapi.net

Il y a sûrement beaucoup à dire sur ce ministre qui porte un portefeuille des plus chargés des deux derniers gouvernements de la République démocratique du Congo. Il est le ministre de d’information et de la communication (des médias), du démenti ! chargé de la nouvelle citoyenneté, de l’amélioration de l’image du gouvernement, des relations avec le parlement et porte-parole du même gouvernement. Oublions le fait qu’il dirige son propre parti politique et assume bien d’autres responsabilités qui ont des ramifications plus ou moins lointaines avec ses charges de ministre. Il ferait même partie des personnes influentes au tour du président Joseph Kabila, et parfois même, figure des plausibles présidentiables.

Des nuages vers la terre

Cette position l’a conforté et aidé, déjà d’une souplesse d’esprit remarquable. Et, sa rhétorique aisée que l’artiste Papa Wemba a noircie de son encens alors qu’il croyait amadouer en lançant dans une de ses chansons, « l’Homme au verbe facile ». (L’expression signifierait, celui qui a l’injure ou l’insulte facile ! Et le concerné aurait demandé au musicien d’effacer de son œuvre cette phrase gênante! Ceci, à l’heure où un ministre avait tenté d’interdire qu’on cite les membres du gouvernement dans la musique). Ironie, vérité ou lapsus ? Libre à vous de conclure !

Lambert Mende est apparut aux yeux des jeunes, dans un premier temps de sa carrière de porte-parole du gouvernement, comme une intelligence des plus rares du Congo. Au campus, à Lubumbashi, comme dans les discussions des jeunes dans les quartiers, on a parlé de lui. Aussi vite que sa popularité a grimpé, de la même manière elle a caracolé dans le désamour auprès de la même population jusqu’à ce jour. On a commencé à remarquer que son discours, souvent cohérent du point de vue formel (forme), n’est toujours en adéquation avec la réalité vécue à Kinshasa et dans en province. Il lui serait même arrivé une fois de prendre une position que le gouvernement n’a pas soutenue par la suite.

Quelle nouvelle citoyenneté ?

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Les militaires congolais lors d’un défilé à Lubumbashi. Photo M3 Didier.

Et pour toute confusion avec son rôle de chargé de la nouvelle citoyenneté, il ne soutient pas souvent pour lui, des positions qu’il est forcé de changer, la vérité étant souvent têtue. C’est le cas récent de la présence des militaires ougandais au Kivu que tout le monde a vu sauf son gouvernement qui finalement a été forcé d’admettre que ces étrangers étaient bien là, pour « des opérations conjointes avec les FARDC. » Alors que les ONG internationales, les médias étrangers, la société civile des Kivu annonçaient une fois la naissance d’une rébellion qui bénéficiait du soutien de Bosco NTAGANDA, MENDE soutenait durant de longs mois qu’il n’y avait rien à Goma. Malheureusement le M23 ne pouvait pas se cacher. Et à propos de ce mouvement rebelle, alors qu’on annonçait son entrée dans Goma, dans un point de presse, le ministre de la nouvelle citoyenneté répétait obstinément que Goma était sous contrôle malgré les précisions apportées par des journalistes présents avec lui dans la salle de conférence de presse. Goma était tombé bien avant le début de la rencontre avec la presse. En toute citoyenneté, mentir est une faute grave.

Un rapport des ONG accuse de négligence criminelle le gouvernement congolais dans le dossier du décès d’une centaine de rebelles démobilisés. Celui-ci répond à travers son porte-parole de manière choquante. Aucune responsabilité de l’Etat en tout cela. Même quand les démobilisés ou prisonniers meurent de faim. En réalité, c’est une moquerie et un manque de respect regrettable pour les morts et pour leurs familles.

Des prises de paroles parfois incommodes

Il serait injuste de soutenir que MENDE soit devenu forcément un menteur. Assez souvent, « il dit aussi la vérité constate un politicien de l’opposition. C’est peut-être la forme, la manière de le dire qui déplait ». Mais ce qui a fait que les kinois lui colle l’épithète « Tshaku national » (le perroquet…) ou le « Vuvuzélateur national » (chanteur, souffleur de Vuvuzela, un instrument de musique sud-africain mondialisé au Mondial 2010), c’est surtout « son obstination à montrer que ceux qui critiquent ne voient rien ou ont toujours tort. La population voit et juge ou apprécie, poursuit le même politicien. » Et en cela, il ne manque pas de choque, de scandaliser en frôlant parfois l’insulte ou le mépris. C’est le cas lors de sa sortie après l’impétueuse déclaration des évêques catholiques contre la réforme de la constitution. Il s’en est pris fortement au clergé catholique au point qu’un journaliste a dit « j’ai vu en lui un Lumumbiste qui réglait des comptes avec cette église à laquelle s’opposait son maître (Lumumba) ».

Du vieux avec du neuf

MENDE semble ne pas parfois se préoccuper de la teneur des mots qu’il largue à ses détracteurs et à ceux du gouvernement. Lorsqu’il lançait à Rus Fengold, l’envoyé des Etats-Unis dans les Grands Lacs « Vous qui êtes-vous [pour nous faire des leçons]? Vous dites A, je vous dis B »… plusieurs analystes des Relations internationales ont estimé qu’il était allé loin. Il est toujours important que l’on se respecte et qu’on respecte certains principes comme les rapports des forces ou la préséance.

⇒A lire à ce sujet : « VOUS, QUI ETES-VOUS ?»… MENDE EST ALLE UN PEU LOIN.

Faire du neuf avec du vieux, pas toujours facile ! Lambert MENDE appartient à un autre temps. Ce temps du maréchal Mobutu où beaucoup de choses roulaient comme certaines encore aujourd’hui. Qu’un des membres de ce temps encore très récent aspire à animer ou impulser une nouvelle citoyenneté, et que souvent cela rebute par son être ou son agir, c’est admettre en dernière lecture ce que disent les français : chasser les naturels, ils reviennent au Galop !

Certains catholiques se sentent gênés. Lorsqu’on touche à l’identité religieuse, dans plusieurs sociétés, c’est assez risqué ! La citoyenneté responsable, nouvelle qu’elle soit, devrait considérer cela. Bien communiquer, lorsqu’on est chargé de la communication ou simple communicateur, c’est aussi et surtout savoir à qui on parle, la personne en face.


L’Occident à l’évidence du djihadisme

L’heure de la vérité a sonné. L’Occident qui s’est tenu longtemps, de manière formelle, loin de la lutte contre le terrorisme, est forcé d’entrer en danse. Surtout après avoir longtemps regardé d’un œil pas toujours bon le fondamentalisme religieux islamique, avec cet amalgame qui a fait des arabes, des potentiels criminels, prêts à appuyer sur leurs ceintures d’explosifs… et maintenant que le djihadisme s’invite sur son territoire ! He bien, les choses changent ou doivent changer ! Les djihadistes, les kamikazes sont désormais aussi occidentaux et ne s’appellent plus comme dans la série télévisée américaine 24 Chrono (Redemption) « Mohammed » ! 

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Des djihadistes de l’Etat islamique. Capture d’écran de lefigaro.fr

Plus de 3 000 occidentaux seraient partis combattre en Syrie aux côtés des Djihadistes et, un djihadiste sur trois serait français, soit entre 700 et 900 des 3 000, bien après la Belgique et le Danemark, révèle Le Figaro. Ils viennent des 81 pays du monde et partagent le même objectif : le djihad. Qu’ils se l’imaginent différemment ou de la même manière, ils partagent surtout la colère, la déception et la frustration sur la marche du monde. Oui, c’est en cela que se justifie cette guerre internationale, cette guerre mondiale du djihad et par là même, de l’islam qui ne cesse de souffrir d’amalgames de l’Atlantique au Pacifique et de l’Arctique à l’Antarctique. Comme moi en ce net instant de mon article. Mais dois-je préciser que c’est souvent une vue des fanatiques que le monde a tendance à coller à l’Islam qui d’ailleurs n’accepte pas que l’on tue.

Redéfinir l’équilibre du monde

J’affirme que cette guerre est une expression des frustrations et de colère. Et le monde, les puissances planétaires ont eu tort de ne pas agir en amont. Il est vrai que la folie et la « busherie » de l’Afghanistan et de l’Irak a énervé plusieurs. Surtout la mort de Saddam Hussein. Barack Obama s’est appliqué à l’éviter comme il l’a pu. Mais le mal était là. L’Irak ne s’est jamais apaisé. Et après lui, la Syrie, aujourd’hui la base-arrière si non la capitale du djihad, secouée par les printemps arabes. Le conflit en Syrie a donné les premiers signes de la situation actuelle.

Djihadistes
Infographie du djihadistes présents en Syrie et en Irak. Source: www.lefigaro.fr

Les rebelles syriens ont compris que le monde qui se targue de « civilisé » est incapable d’arrêter la sauvagerie dans le monde. Ils recrutent à travers le monde au nom de Dieu. Qu’ils aient été infiltrés ou non, parmi eux, les durs ont eu cette aubaine pour enfin troubler l’ordre mondial : créer un Etat Islamique à l’Orient. Ils choisissent en réalité un maillon faible de la région et où ils peuvent réunir le plus de publicité en termes de couverture médiatique. Ils savent qu’ils seront un jour traqués, ils savent aussi que cela mettrait du temps ou pourrait ressembler à la situation en Syrie et que pour revenir au cours normal de la région, il se passera beaucoup de temps. C’est du terrorisme sans voiture piégée ni ceinture d’explosifs.

Que les forts soutiennent les autres : voir autrement le monde

Il n’existe pas de faibles dans ce monde. « L’éléphant et le moustique » le dit bien clairement : « Nos ennemis les plus faibles sont parfois les plus redoutables ». Malgré la faiblesse contenue dans le choix et l’arrangement des mots dans cette fable du français Lafontaine, on notera que tout le monde peut nuire. Les islamistes sont là ! Et, la violence, la colère et la folie ne peuvent être expression d’une sauvagerie ou d’une mal-éducation… elles sont expressions de frustrations.

Un américain égorgé par des « anglais », puis un français, des français capturés par des français… des djihadistes recrutés pour attaquer leurs pays, même chose pour les africains… l’infographie ci-haut le dit bien. Le mal est en croissance et la peine des citoyens également. La domination et surtout les injustices ont excédé le monde. Face à la domination, la révolte et la violence s’érigent en réponse. On ne peut le justifier, mais c’est une réalité depuis l’origine de l’humanité. Et l’histoire de l’esclavage et de la fin du colonialisme l’apprend bien. Devant ces dangers que seuls les américains se sont engagés à combattre, peut-être timidement la France de Sarkozy et ces dernières semaines, la France de Hollande, la communauté internationale doit agir. Malheureusement, l’ONU qui devait donner le signal, se fait aphone. A lire à ce propos: L’ONU: A LA QUÊTE DE LA PAIX OU DE L’ÉPÉE DANS LE MONDE?

Certes, les fous et les radicaux méritent d’être punis. Et la haine n’a pas de raison. C’est en cela que je salue l’intervention des États-Unis et de la France. Mais conduire le monde comme à l’époque de Georges Bush, à la manière de l’ONU ou à celle d’Obama trop démocrate au point que les puissants ne savent pas conduire le monde vers la paix, cela engendre la folie et ce djihadisme qui s’exporte bientôt sur les territoires occidentaux et sur les très vulnérables terres africaines.


On déloge des morts de leurs tombes à Lubumbashi

Lubumbashi, deuxième ville de la République démocratique du Congo connaît une forte croissance démographique depuis près d’une décennie. A ce jour, il n’y a pas que les anciens quartiers qui sont saturés, mais les cimetières le sont aussi. Le lundi 22 septembre dernier, alors qu’ils creusaient une tombe, deux hommes sont tombés sur les ossements d’un mort précédemment enterré. Ils ont été assemblés et jetés pour libérer la tombe au profit d’un autre. Ceci est une pratique en passe d’être acceptée comme normale.

Kamasaka
Un homme montre le fémur d’un mort tiré de sa tombe, à Kasama-Lubumbashi. Photo M3 Didier

C’est cela qui arrive quand le deuxième plus vaste pays d’Afrique connaît un accroissement démographique en milieux urbains sans aucune urbanisation et que la pauvreté augmente. Lubumbashi croît chaque mois qui passe, sans savoir jusqu’où il s’arrêtera. Déjà, le bourgmestre de la commune Annexe, cette commune qui réunit tous les quartiers et villages périphériques de la ville, a sollicité la médiation du ministre de l’intérieur du Katanga, pour arbitrer un « conflit » sur la limite avec le territoire de Kipushi. Le quartier à problème se situe à Kamasaka, un village finalement intégré à la tentaculaire ville de Lubumbashi, à l’est, non loin de la commune Ruashi. C’est justement le cimetière de ce village-quartier Kamasaka, déjà fermé aux inhumations, qui continue à recevoir des morts.

Kamasaka
Des ossements d’un mort assemblé, sortis de leur tombe.

Les deux grands officiels et traditionnels cimetières de Lubumbashi, Sapin (cher et peu accessible) non loin du quartier Industriel, et Penga Penga, à l’Ouest de la ville, à côté de la cité Gécamines, sont saturés et fermés eux aussi. Mais ils restent malgré tout ouverts puisqu’ils reçoivent chaque jour des morts! Dans l’un comme dans l’autre, les espaces étant épuisés, on enterre selon le même principe : creuser légèrement, 1.5m tout au plus, déposer et couvrir ! Nos cimetières puent, puisqu’on ne va pas en profondeur. Et malgré cela, on ne manque pas de tomber sur des ossements d’autres morts.

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Une tombe de fortune à Kasama, Lubumbashi. Photo M3 Didier

On fait toujours ainsi

La pratique est notoirement connue et, à Kamasaka, on fait de même. « Lorsque nous demandons pourquoi on fait cela [creuser, écarter les ossements anciens, les jeter et mettre dans la même tombe un deuxième corps], on nous dit, on fait toujours ainsi », explique un habitant de Kamasaka. Dans le même cimetière, près de 8 personnes attendaient un jeune homme qui creusait un petit trou, pour y enterrer un nourrisson que la famille ne sait enterrer dans les cimetières « ordinaires », enfermé dans un carton en papier attaché à un vélo lui-même appuyé à un arbre. Le trou n’est pas allé plus loin qu’un mètre et le corps du bébé y a été déposé ! Un homme présenté comme gardien du cimetière explique que parfois, les gens viennent enterrer nuitamment, frauduleusement alors. Mais ce n’est pas exclu que cela soit avec quelques complicités, notamment celle des gardiens. C’est souvent ceux qui ne peuvent payer des frais à la mairie pour l’inhumation. Il ajoute que depuis un temps, les chiens entrent dans le cimetière, lui-même sans clôture, et fouillent de nouvelles tombes qui puent et arrivent quelques fois à exhumer les corps et les mangent ! ces chiens peuvent ramener les maladies à la maison !

« Pas d’argent, pas de dignité »

Il existe plusieurs autres petits cimetières périphériques qui connaissent le même problème, comme d’ailleurs des cimetières officiels. Un journal-école de la filière de Journalisme à l’Université de Lubumbashi titrait dans un de ses numéros « On enterre en étage » à Penga Penga. Depuis quelques mois, Lubumbashi a une nécropole, le cimetière de KASANGIRI, du nom d’un village périphérique où il se trouve, sur la route Kasenga au nord-ouest de la Ville. La rivière des anges, c’est ainsi qu’il s’appelle, est très chère et non accessible à plus de 80% des Lushois. La tombe ordinaire est accessible à environ 1.200 USD. Il faut le salaire d’un an pour un travailleur qui touche à peine 100 UDS. Certaines tombes vont jusqu’à 6.000 USD et pour les fonctionnaires de l’Etat, ils paient 600 USD. Eux aussi, pour accéder, il faut jeûner durant six mois, si son salaire mensuel est comme la plupart, de 90.000 FC, 100 USD.

Kamassaka
Le corps d’un bébé enfermé dans un carton attendant son inhumation au cimetière. Photo M3 Didier

C’est malheureusement-heureusement (c’est selon !), le seul lieu où l’on peut être enterré dans le respect dû aux morts et dans la dignité.

Oui, la dignité, a rappelé un défenseur des Droits de l’Homme qui a dénoncé le scandale de Kamasaka, couvre l’homme de sa conception à sa mort. C’est-à-dire, le suit jusque dans sa tombe. Les africains, malgré leur besoin d’argent ou leur pauvreté, ne devraient pas l’ignorer ni ignorer que les morts ne sont pas morts.