Florian Ngimbis

Ô Cameroun! Je voterai à cause d’un maquereau pas frais

Hier soir, alors que le froid enserrait notre douce capitale, un ami et moi (Salut JBK!) avons décidé d’aller croquer du maquereau braisé dans un restaurant de la place. Vous savez, ce genre de snack à ciel ouvert où on vous sert du poisson braisé et épicé accompagné de bâton de manioc ou de frites de plantain mûr.

Après avoir fait la queue pour s’asseoir, pour passer nos commandes pour se rasseoir, pour avoir nos boissons etc. mon pauvre ami et moi avons enfin pu manger au milieu de la cohue ambiante. Après tant de souffrance, je m’attendais à découvrir le paradis, à avoir des hallucinations, à planer, mais hélas, de la première à la dernière bouchée du plat, je me suis retrouvé en pleine banalité, poisson banal, moutarde ordinaire, mayonnaise bas de gamme (pour ne pas dire chinoise),  piment sans piquant et même du détergent dilué dans de l’eau en lieu et place du savon liquide annoncé.

J’ai rigolé en lorgnant la facture exorbitante servie sur un plateau en faux inox (encore une chinoiserie). J’ai d’autant plus ri que ce n’est pas moi qui l’ai payée. Mais j’ai moins ri en rentrant, lorsque mon ventre s’est mis à faire des bruits bizarres. J’ai moins ri lorsque le chauffeur de taxi a fait asseoir une personne supplémentaire sur le siège sur lequel j’étais installé (vous vous croyez seul, mais vous ne l’êtes pas). Je n’ai pas du tout rigolé lorsque après un 60 mètres d’anthologie, j’ai pas pu faire mon affaire à cause d’une coupure d’eau.

Je ne vous raconterai pas comment je m’en suis sorti. Je veux juste vous dire pourquoi j’irai voter lors des présidentielles d’octobre prochain. J’irai voter pour que les pratiques normales ne soient plus un luxe dans ce pays.

Je suis sérieux!

Vous allez dans un restaurant bouffer le poisson le plus ordinaire du monde. Pour peu que les plats sont bien lavés, que de l’eau et du savon sont fournis et que les chaises ne sont pas bancales, on vous facture le plat au prix fort.

Vous prenez le bus (interurbain). pour peu qu’il respecte le nombre de places assises, qu’il dispose de ceintures de sécurité, d’une clim’ poussive et surtout qu’il parte à l’heure, on vous facture le voyage au prix fort, entendez catégorie VIP!

Vous empruntez un taxi. Vous payez le tarif normal pour une destination ridiculement courte. l’arrière étant plein, vous commettez l’erreur de vous vous asseoir à l’avant. Vingt mètres plus loin, le chauffeur décide de vous adjoindre un compagnon, comme si vous vous sentiez seul. Si vous osez vous plaindre il vous demande de payer pour la « place assise » à côté de vous. Résultat des courses vous payez votre place deux fois, tout ça pour n’avoir pas voulu faire le trajet sur une fesse.

Ma mère! C’est quoi ce pays? Quelqu’un me reprochait de le comparer à une  « foire à saucisse ». Celui là n’a jamais vécu la scène surréaliste suivante.

Vous êtes dans un bus en partance pour Douala Vous avez sué toute l’eau de votre corps dans l’attente du départ (normal il faut remplir les 70 sièges du bus qui ne devrait en compter que 35). Vous partez enfin lorsque: priiiiiiiiiiit! barrage de police. Un officier entre. Il ne dit dit rien en rapport avec les gens assis sur des bancs dans l’allée, il ne dit rien quant aux ceintures de sécurité absentes (j’ai bien dit absentes). Il ne dit rien en rapport avec les issues de secours condamnées. Lorsqu’il ouvrira son bec ce sera pour susurrer : « Passagers à bord, présentez vos cartes d’identité ». On en a besoin pour entrer en Enfer?

J’ai failli pleurer cette nuit. La douleur de mon estomac ravagé, mais aussi la haine. La haine contre ces députés irresponsables et somnolents qui se réveillent dans l’hémicycle seulement lorsqu’ils faut parler de football ou d’Eto’o (paraît que c’est la même chose) et prêt à proposer d’autres noms pour l’équipe de foot nationale tandis que le choléra -oui je parle bien du choléra!- décime les populations du Nord et du Sud Ouest depuis des mois dans l’indifférence générale.

La haine vis-à-vis d’un Ministre des Transports qui n’arrive pas à punir les transporteurs qui suppriment les ceintures de sécurités dans les bus et qui propose comme panacée aux accidents de la route la suppression pure et simple des voyages de nuit. Il a sûrement confondu arithmétique et statistiques. Dans tous les cas, on peut dire qu’il est ignorant du calcul politique vu la façon dont il s’est fait ramasser.

Oh ma Mère! J’irai voter en octobre! Je voterai pour la première fois de ma vie, j’arrêterai de rendre les autres responsables de mon sort, je prendrai mon destin en main. Je sais que c’est peu probable que mon unique bulletin change quelque chose à la donne. Peu probable même qu’il aille au candidat à qui je l’aurai destiné, mais ce faisant, je me dirais que j’ai essayé, oui ma Mère ce sera mon premier shoot, le shoot à la liberté, le shoot à l’espoir!

Peace mes frères! Peace ma Mère!

 

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A propos de Florian Ngimbis


Camourenais, camerounaises indignez vous contre le maquereau cher et allez voter !

Hier soir, alors que le froid enserrait notre douce capitale, un ami et moi (Salut JBK!) avons décidé d’aller croquer du maquereau braisé dans un restaurant de la place.
Après avoir fait la queue pour s’asseoir, pour passer nos commandes pour se rasseoir, pour avoir nos boissons etc. mon pauvre ami et moi avons enfin pu manger au milieu de la cohue ambiante. 

 

J’ai rigolé en lorgnant la facture exorbitante servie sur un plateau en faux inox (encore une chinoiserie). J’ai d’autant plus ri que ce n’est pas moi qui l’ai payée. Mais j’ai moins ri en rentrant, lorsque mon ventre s’est mis à faire des bruits bizarres. J’ai moins ri lorsque le chauffeur de taxi a fait asseoir une personne supplémentaire sur le siège sur lequel j’étais installé (vous vous croyez seul, mais vous ne l’êtes pas). Je n’ai pas du tout rigolé lorsque après un 60 mètres d’anthologie, j’ai pas pu faire mon affaire à cause d’une coupure d’eau.

Je ne vous raconterai pas comment je m’en suis sorti. Je veux juste vous dire pourquoi j’irai voter lors des présidentielles d’octobre prochain. J’irai voter pour que les pratiques normales ne soient plus un luxe dans ce pays.

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Lettre d’un camerounais à DSK: une camerounaise aurait dit ouiiiii!

Cher Dominique Strauss Kahn,

Désolé de t’écrire en retard. J’ai assisté avec beaucoup de curiosité à ta chute des hauteurs du FMI. Informé des détails de l’histoire, je n’ai pu m’empêcher de me dire que tu es un peu con tout de même. Te fâche pas hein? mais sérieux, qui a envie d’aller se faire une guinéenne de 32 ans mère d’un gosse à New-York? Rien que ce détail m’a convaincu du caractère louche de ton histoire. Je ne te juge pas hein, je me dis seulement que tu n’aurais pas eu tous ces ennuis si tu avais choisi Yaoundé comme lieu de villégiature.
Tu serais descendu au Hilton local. Un quatre étoiles pas mal du tout dans lequel les problèmes similaires au tien se règlent par une simple défénestration. Pour sûr cher DSK tu n’aurais pas eu besoin d’en arriver là! En sortant de ta salle de bains, tu aurais trouvé la soubrette toute nue, affalée sur le lit où tu n’aurais pas manqué de la rejoindre pour accomplir son rêve de coucher avec un homme puant le dollar à plein nez. Tu ne le savais pas? Tu es un homme qui vaut son pesant d’argent. Au Cameroun, nous maîtrisons l’étendue de ton pouvoir toi ô ex grand Directeur qui d’une pichenette pouvait résorber des milliards de nos dettes ou imposer à notre pays de stupides plans dits “d’ajustement structurel”. Je suis sûr cher DSK qu’en ressassant dans son esprit la flopée de chômeurs et d’indigents que ton institution aura suscité dans notre pays, la perverse aurait crié de plaisir sous tes coups de boutoir valeureux de faiseur de misère.
D’ailleurs, même si tu l’avais violée et que par une incroyable ou plutôt une improbable circonstance elle soit allée se plaindre, tu n’aurais pas eu à t’inquiéter, car personne ne l’aurait crue. Tu dois te douter qu’une plainte ayant pour objet “viol perpétré par le Directeur du FMI” n’aurait eu aucune chance de passer par ici, c’est tout à la fois illusoire et utopique. “Ma fille il t’a violé? Et alors? Tu ne pouvais pas lui facturer le viol là? Tu ne pouvais pas demander l’annulation de la dette de ton pays comme dot? tu es même comment?”

Je ne peux que rigoler en entendant parler de cette police newyorkaise rapide et efficace. De cette justice prompte et compétente. Ici tu n’aurais pas eu à t’en faire pour l’ADN. On ne voit ça que dans “Les experts”, tout autant que les réquisitoires enflammés. Tout s’achète, surtout les procureurs et les juges, et s’ils résistent, tu achètes un huissier du tribunal: pfffft! Plus de dossier! C’est ce qui s’appelle la magie noire.
En outre, même si tu t’étais retrouvé (par un hasard extraordinaire) en prison personne n’aurait rien eu à craindre car ta fortune t’aurait permis d’y vivre comme un nabab avec un palais en guise de cellule et les richissimes victimes de l’Epervier en guise de voisins.
C’est vrai, il te fallait être à Washington pour le travail etc, mais, pauvre ami, tu aurais pu faire comme le Roi-Lion : une semaine dans ton bureau le reste du mois en villégiature. Yaoundé est à six heures de Paris et Paris est au centre de tout non ? Oublié Air France, Camair Co se serait fait un plaisir de te réserver un siège en première classe, qu’il pleuve ou vente, que tu sois là ou pas avec un service spécial dans l’avion (on se comprend hein ?) et des couverts avec tes initiales gravées dessus.
Tu vas en louper des choses mon vieux.
Tu serais à coup sûr devenu Président de ton pays. A cet égard tu aurais connu les joies et les plaisirs dévolus au cercle fermé de la Françafrique. Avec cet amour pour le Cameroun dont tu aurais déjà été crédité (si tu avais suivi mon conseil), tu serais bien vite devenu DSK l’Africain, avec toutes les joies que cela comporte : La ville repeinte à chacun de tes passages, la circulation coupée pour te donner l’illusion de rouler sur une autoroute, les médias d’Etat chantant les méfaits bienfaisants de l’amitié France-Cameroun, des grappes de chômeurs payés pour danser sur ton passage et bien entendu la suite Royale du Sofitel, pardon du Hilton réservée à l’année en ton nom.
Sais-tu seulement que dès ton arrivée en terre camerounaise le Roi-Lion t’aurait fait chevalier de tous les ordres nationaux tout en te permettant de chevaucher toutes les croupes de ton choix ? Non tu ne le savais sûrement pas.
Là où j’ai un peu peur pour toi, c’est dans l’hypothèse où malgré ces facilités que je viens de te décrire, tu ais eu de la malchance comme à New-York.
Tu aurais dans cette triste hypothèse découvert que chez nous la présomption d’innocence n’existe pas. Tu aurais connu le martyre, entre les mains d’une foule assoiffée de sang. Avant que la police ne vienne te délivrer, tu aurais pleuré toutes les larmes de ton corps et les inévitables reporters de Canal2 t’auraient montré à la télé, nu, en sang, avec un morceau de carton sur la poitrine indiquant “Dominique Strauss Kahn alias DSK le violeur en série du FMI”. Ici ça s’appelle justice populaire.
J’ai encore plein de choses à te dire cher ami, mais tu vois, là je dois aller bosser. Je ne suis pas comme toi. Je te laisse réfléchir sur un remède miracle contre la pauvreté dans le monde. Tu auras à ce qu’on dit beaucoup de temps libre pour réfléchir sur beaucoup de choses, il paraît que les prisonniers ont le temps, tout autant que les chômeurs.
Hé oui ! C’est le paradoxe de ce monde : un coup on est au paradis, un autre coup c’est l’enfer, tout ça pour avoir voulu tirer un petit coup…

Courage mon frère, on garde bon espoir.

Florian Ngimbis, un admirateur inconnu.

 

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Lettre d’un camerounais à DSK: une camerounaise aurait dit ouiiiii!

Cher Dominique Strauss Kahn,

Désolé de t’écrire en retard. J’ai assisté avec  beaucoup de curiosité à ta chute des  hauteurs du FMI. Informé des détails de  l’histoire, je n’ai pu m’empêcher de me dire  que tu es un peu con tout de même. Te fâche  pas hein? mais sérieux, qui a envie d’aller se  faire une guinéenne de 32 ans mère d’un  gosse à New-York? Rien que ce détail m’a  convaincu du caractère louche de ton  histoire. Je ne te juge pas hein, je me dis seulement que tu n’aurais pas eu tous ces ennuis si tu avais choisi Yaoundé comme lieu de villégiature.

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Racistes et cons, quoi de plus normal?

Aussi curieux que cela puisse paraître, les hommes semblent toujours assez surpris de découvrir le racisme latent de leur société. C’est un peu comme Michael Jackson qui a tellement été « blanc » que même ses proches se prenaient à sursauter lorsqu’on leur rappelait qu’il était Noir. Je ne suis pas à proprement parler ce que l’on appelle un personnage de la double culture, mais pour avoir côtoyé les réalités hexagonales et camerounaises je crois que j’ai vu autant de cons des deux côtés.

Je me souviens de cette anecdote qui m’a été racontée par mon père. Il y a des lustres, lorsque le premier européen a débarqué dans notre contrée, le premier africain sur lequel il est tombé a détalé comme un lapin à la vue de cet être blafard et étrange. Du racisme ? Non ! Le fait est que dans notre culture, les esprits des morts sont perçus comme des êtres de couleur blanche et de nature généralement malfaisante. Quoi de plus normal que mon ancêtre ait pris ses jambes à son cou ? Bon! entretemps il eut tout le loisir de découvrir à ses dépends que c’était un homme de chair et d’os, mais ce n’est pas l’objet du billet.
L’européen est à mon sens victime d’un complexe de supériorité dont je dirais au risque de m’attirer les foudres des mes « frères » africains qu’il est justifié. Non mais ! Comment voudriez vous considérer des individus qui il y a quelques siècles seulement étaient à vos yeux des animaux doués de parole et dont vos ancêtres faisaient le commerce ? Des êtres dont vous avez délimité l’espace vital lors d’une conférence, des êtres qui malgré la mascarade qu’ils nomment indépendance comptent sur votre assistance pour construire ne serait-ce qu’une route bitumée. Des êtres qui meurent à la pelle en attendant que vous trouviez la formule pour mettre hors de combat un simple moustique !
Hé oui ! Comment considérer de tels êtres, dans un environnement où les médias qui parlent de leur continent le présentent comme un dépotoir, un trou du cul monde dans lequel il faut plier l’échine, pour manger d’abord, pour esquiver les balles qui sifflent de part et d’autre ensuite.
Sachant cela, je n’ai jamais considéré les « blancs gentils » autrement. Vous savez, ce genre de blancs qui veut vous aider à comprendre le fonctionnement de tous ces appareils nouveaux pour vous, mais dont eux-mêmes ignorent tout. Ces blancs qui lorsque vous leur indiquez une faute de grammaire vous regardent avec des yeux tout ronds qui semblent vouloir dire « mais putain ! T’es un black ! ». Ces blancs qui vous parlent de leur coup de foudre pour l’Afrique comme si bronzer trois mois par an sur une plage tunisienne ou faire un safari à Waza c’était connaître l’Afrique.
Hé oui ! J’ai connu tout ça ! Et je n’ai crié ni au racisme, ni à la xénophobie. J’ai juste imaginé ma réaction si le chien qui hante mes poubelles chaque nuit me demandait un matin « bien dormi Mr Ngimbis ? ».
J’ai tout aussi souvent rigolé en écoutant les « frères » africains se plaindre de leur situation outremer. Ces types qui vous renvoient à tout bout de champ à la littérature de Frantz Fanon, Cheikh Anta Diop etc. ces frères experts en victimisation qui n’ont à la bouche que les mots qu’on leur aura appris dès leur arrivée : discrimination, rejet, intégration, stéréotypes, clichés et autres. Je rigole parce qu’ils ne se voient pas lorsqu’ils mettent en avant leurs performances sexuelles, leur bon goût en matière de sape, leur cuisine épicée sans égale et leur fameux sens du rythme. Si c’est la carte de visite de l’africain, pourquoi s’étonner que l’on nous réduise à ça ?
Ce n’est pas mieux au pays. Vivre dans l’opulence se dit « vivre comme un blanc ». Être ponctuel se dit « avoir l’heure du blanc » et j’en passe. Même manger un malheureux hamburger au lieu d’un succulent poulet-arachide est perçu comme un signe d’élévation raciale.
J’ai moins rigolé en observant les réactions bizarres de ces « frères ». Vous savez, tous ces « afropéens » qui lorsque vous débitez une phrase dans le métro avec votre délicieux accent camerounais se retournent avec l’air de se demander « Putain ! Qui nous affiche comme ça ? ». Ces « frères » qui vous traitent de « blédard » pour bien marquer une différence qui tient seulement à l’accent francilien qu’ils promènent avec eux comme un trophée de guerre.
A tout prendre je préfère le pragmatisme des « frères » qui vivent ici au pays : le respect de la peau blanche est d’abord économique. Ben quoi avec leur monnaie qui vaut 600 fois la nôtre pour avoir franchi la Méditerranée, il y a de quoi les comprendre. Je respecte l’intégration réussie des « frères » qui hantent les centres culturels français, avec leur vêtements rapiécés et leur rastas ornés de tous les colifichets et cauris (chinois !) sensés marquer leur côté authentique. Ça date de l’époque où on leur a dit que les blanches aimaient le côté bohème des hommes.
Malgré cela, je suis souvent déçu, comme lorsque j’ai fait récemment le tour du marché Mokolo avec un copain que les vendeurs ont invectivé en des termes frôlant parfois l’agressivité. Moi qui passe souvent inaperçu en ce lieu me suis fait traiter de tous les noms, juste parce que je ne m’arrêtais pas devant les étals : « n’est ce pas que tu es avec un Blanc, donc tu ne connais plus tes frères ? ». Et dire que mon adorable ami était Libanais !
A la fin je me demande si le racisme n’est pas simplement lié à la bêtise. Ben oui ! On a beau se proclamer intellectuel ou libre penseur,  il  est impossible de voir plus loin que les choix culturels et intellectuels que notre éducation et notre pauvreté spirituelle nous imposent.
Noir ou blanc, un con reste un con, quoi de plus normal?
Peace and love mes frères!


Qui se ruine pour la dot ira au paradis des…camerounais!

Il y a quelques jours, tandis que le « mariage du siècle » faisait rêver des millions de gens, j’assistais à une cérémonie de dot, qui si elle n’était pas celle du siècle m’a néanmoins laissé une impression dont je me débarrasserai difficilement.
Un ami très cher, pour s’être toqué d’une jeune fille en tous points admirable, a décidé de passer à la vitesse supérieure. En d’autres termes l’épouser, mais d’abord la doter. voilà comment en tant qu’ « ami très cher »je me suis retrouvé en train d’effectuer un voyage éreintant, à croire que les jolies filles choisissent les trous perdus de cette République pour naître.   Lire la suite de l’article…


Racistes et cons, quoi de plus normal?

Aussi curieux que cela puisse paraître, les hommes semblent toujours assez surpris de découvrir le racisme latent de leur société. C’est un peu comme Michael Jackson qui a tellement été « blanc » que même ses proches se prenaient à sursauter lorsqu’on leur rappelait qu’il était Noir. Je ne suis pas à proprement parler ce que l’on appelle un personnage de la double culture, mais pour avoir côtoyé les réalités hexagonales et camerounaises je crois que j’ai vu autant de cons des deux côtés.

Je me souviens de cette anecdote qui m’a été racontée par mon père. cLire la suite de l’article…


Qui se ruine pour la dot ira au paradis des…camerounais!

Il y a quelques jours, tandis que le « mariage du siècle » faisait rêver des millions de gens, j’assistais à une cérémonie de dot, qui si elle n’était pas celle du siècle m’a néanmoins laissé une impression dont je me débarrasserai difficilement.

Un ami très cher, pour s’être toqué d’une jeune fille en tous points admirable, a décidé de passer à la vitesse supérieure. En d’autres termes l’épouser, mais d’abord la doter. voilà comment en tant qu’ « ami très cher »je me suis retrouvé en train d’effectuer un voyage éreintant, à croire que les jolies filles choisissent les trous perdus de cette République pour naître.  Retenez simplement qu’après trois heures de route les sept individus qui constituaient notre délégation se sont retrouvés fourbus et poussiéreux devant le domicile des beaux parents, dans un village inconnu.

L’entrée des véhicules et surtout celle de la camionnette bondée de trésors suscite des murmures de convoitise- c’est mon impression. Brève palabre entre les beaux-pères. Même pas le temps d’avaler une Castel, on entre dans le vif du sujet. Nous sommes en retard, du moins, ils le prétendent : amende ! Une enveloppe change de main. Même la décence citadine qui consiste à compter les billets sous la table n’a pas droit de cité. Le beau père entouré de ses frères- c’est fou ce qu’ils sont nombreux – sort les listes. Entendez les listes préétablies des objets, victuailles et autres cadeaux à remettre aux familles en fonction de leurs demandes. Le contenu du pick-up est inventorié avec une rigueur nazie. On frôle la cata. Le pagne d’une arrière belle-mère a été oublié. Amende+ réparation= une nouvelle enveloppe. Assez épaisse.

Les porcs changent de main, les chèvres suivent. Le vin rouge s’en va. Les téléphones portables (chinois heureusement !) des cadettes leur sont remis. Et ainsi de suite. Toute la cargaison qui a coûté une fortune change de propriétaire. Puis, c’est le tour du cash. Enveloppe du beau-père, de la belle-mère, de l’oncle le plus influent, du frère dégénéré qui s’est souvenu qu’il devait retourner à l’école, de l’oncle instituteur sans qui elle n’aurait jamais eu son certificat d’études primaires etc.

Puis vient une curieuse cérémonie. La promise est sortie de la maison où elle était recluse depuis notre arrivée. Les vieilles la mêlent à un groupe d’autres jeunes femmes qu’elles recouvrent d’un énorme pagne. On demande ensuite au solliciteur de reconnaître sa fiancée parmi les  formes mouvantes. Spectacle ridicule et assez énervant,  car à chaque fois que le type désigne la bonne forme (remarquez, ce n’est pas la veille qu’ils se sont connus hein ?) une autre femme sort de sous le pagne pour matérialiser son « erreur » et à chaque fois la réparation coûte une nouvelle enveloppe pleine de billets au milieu des youyous hypocrites.

Plusieurs enveloppes plus tard, on consent enfin à laisser notre délégation se restaurer. D’énormes morceaux de bœuf (par nous apportés) en guise de repas, le tout au milieu d’une ambiance de beuverie générale. Ici, même les arnaqueurs sont « hospitaliers ». je vide enfin une Castel…

Je vous fais fi des autres taxes et amendes payées tantôt à cause d’un mets de pistaches « mal apprêté », d’un vin rouge d’une marque différente de celle prévue et autres créations destinées à siphonner les portefeuilles déjà dangereusement aplatis.

La liasse de billets à qui je réservais un sort meilleur  dès mon retour sur Yaoundé disparaît : une amende contractée suite à une mauvaise exécution de la « danse des beaux-frères ». Parade grotesque sensée être exécutée par les « frères » du futur marié. Effort de guerre, mais dès ce moment, j’ai gardé les mâchoires serrées…

Après cette aventure qui pour le coup ne m’a pas fait rire du tout, j’ai promis de repousser au-delà du raisonnable le moment où pareille tragédie devra me tomber sur les épaules. Je me suis interrogé sur la place de l’amour dans ces conditions. Comment s’étonner que le concubinage gagne du terrain dans notre société. Chose encore plus horrible, j’ai appris récemment que certaines unions tournent court parce que les parents de la mariée ne veulent pas revoir le prix exorbitant de la dot. C’est tout aussi aberrant d’entendre des jeunes mariées crier à qui veut les entendre « je ne suis pas n’importe qui hein ? Ma dot a coûté x millions » ! Affirmation qui ne garantit en rien la longévité, ni la stabilité de l’union.

Depuis, je songe très souvent à mon ami. Purée ! Comment est-ce qu’il voit sa femme lorsqu’il la regarde ? Comme une épouse, sa moitié ou tout simplement le dernier bibelot venu enrichir une collection qui vu ses dettes ne grandira pas beaucoup ?

Heureusement il y a nos sœurs Bamiléké. J’ai ouï dire que la dot d’une Bamiléké excédait rarement un sac de kolas et un bidon d’huile de palme, rien que du symbolique. Union simple et facile, jusqu’au jour où la fille vous annonce : « mon père est décédé ». Là vous ferez connaissance avec le deuil made by Bamiléké, mais ceci, c’est une autre histoire.

Peace and Love mes frères !


Un plouf, deux flops!

En ces tristes moments où peu de gens ont envie de sourire, je me propose de vous faire partager ce texte que j’ai fait paraître il ya quelques temps déjà et qui à l’époque avait réussi à me dérider vu qu’il évoque un souvenir personnel. Si les tueurs utilisent des armes lourdes pour envoyer des innocents ad patrès, pourquoi ne ferions pas de même avec l’humour, pour redonner la joie de vivre au monde?

Il ya quelques années, alors qu’étudiant fringant et sémillant j’arpentais les couloirs de l’université de Yaoundé I inconscient du gouffre qui m’attendait au bout, je fis la connaissance d’une jeune fille. Chose banale à cette époque où ma soif de vivre semblait aller de pair avec l’art de draguer que je croyais maîtriser à fond. Les lieux de plaisir non alcoolisés n’étaient pas rares à cette époque dans notre triste capitale et à défaut d’aller regarder un film dans le défunt cinéma Abbia (snif !), je conçus le projet de l’emmener doubler nos taux de mélanine respectifs en bronzant sur les bords du bassin d’une célèbre piscine elle aussi disparue de nos jours (re-snif !). L’idée était simple: lui en mettre plein les oreilles et le cadre aidant, conclure.

Les choses ne se passèrent évidemment pas comme prévu. La jeune fille comme toutes les yaoundéennes ignorait la signification du mot tête à tête et se ramena avec deux copines qui administrèrent une cure d’amaigrissement à mon portefeuille déjà pas très épais. Allongé sur une serviette entre les trois créatures qui semblaient plus intéressées par les dernières péripéties de leur feuilleton favori que par mon laïus, je décidai de marquer un coup d’éclat. Je n’ai jamais été véritablement attiré par les piscines publiques. Les taux de chlore douteux et la pensée de toutes les cochonneries auxquelles les baigneurs peuvent se livrer sous l’eau ne m’ont jamais encouragé à changer d’avis.

Mais ce jour là, je me suis rappelé mon enfance passée à Mouanko sur les bords de la Kwa-Kwa. Je me souvins de ce jour de juin où je remportai le trophée de meilleur nageur junior après une course d’anthologie qui m’aurait peut-être ouvert une carrière à la Manaudoux (celle du début hein ?). Hélas, mon père ne voulut plus entendre parler du sujet…

J’étais donc là à me demander comment rehausser mon prestige auprès de ma conquête lorsque je remarquai qu’un concours de natation était organisé. Mon inscription ne fut que l’affaire d’un instant et cinq minutes plus tard j’étais debout au bord du bassin entre quatre gaillards concentrés comme si l’enjeu était une médaille olympique. En attendant le départ, j’improvisai une séance d’étirements digne de Michael Phelps, qui si elle ne m’échauffa pas réellement, eut le don d’attirer sur moi les regards admiratifs -du moins je le crus- de la foule qui s’était concentrée au bord du bassin.

Mon minuscule maillot de bain mettait bien en valeur mes bijoux de famille et j’essayais autant que possible de gonfler ma maigre poitrine et de rentrer mon ventre aux abdominaux inexistants. J’imaginais déjà la foule de mes futures admiratrices qui fondrait sur moi lorsque je ressortirais de la piscine ruisselant de mon succès et des deux longueurs d’avance  que je ne manquerais pas d’infliger aux barboteurs du dimanche qui me tenaient lieu de concurrents.

A vos marques ! Je pointe les fesses vers le ciel, mes maigres mollets poilus bandés comme des cordes d’arc.

Prêt ! Je jette un regard en coin vers mon harem, esquisse un sourire en constatant qu’elles sont aux premières loges…

Partez ! Je décolle, que dis-je ? je plane en un magnifique vol plané, les bras à l’horizontale, le corps parfaitement aligné, puis, au dernier moment, mes bras se rejoignent au dessus de ma tête et je heurte la surface de l’eau avec un délicieux plouf qui je m’en doute provoque un minimum d’éclaboussures.

Je touche le fond de la piscine en me disant que je n’avais pas besoin d’aller si loin. J’aperçois les autres qui filent vers l’autre bord avant de me rendre compte que je fais du sur place. J’amorce une remontée qui n’a d’effet que de m’envoyer à trente centimètre sous la surface. Je bats vigoureusement des mains, réussi à émerger. J’esquisse un crawl qui non content de me laisser sur place, me renvoie sous l’eau. J’ouvre la bouche dans un cri de surprise. Erreur : je bois la tasse, la première. J’essaie de remonter, mais les remous provoqués par le deuxième passage de mes concurrents me renvoient sous l’eau. Je bois une autre tasse d’eau chlorée avant de réaliser que je suis en train de me noyer dans deux mètres d’eau. La panique aidant, ma situation devient de plus en plus désespérée. Le peu de lucidité qui me reste m’empêche de crier au secours. De la dignité tout de même !

De longues secondes passent avant qu’un maître nageur comprenne enfin que mes gesticulations ne sont pas les figures d’un ballet de natation synchronisée, mais bel et bien les soubresauts d’un noyé. Je suis retiré de la piscine à moitié inconscient. La générosité de mon sauveteur ne va pas jusqu’au bouche à bouche et il se contente de m’administrer de violentes claques dans le dos. Toussant crachant, les yeux hors de la tête, je rassemble le peu de dignité qui me reste pour récupérer mes affaires et m’enfuir sans daigner chercher mes accompagnatrices qui ont d’ailleurs disparu au milieu de la foule qui me lorgne avec des ricanements en coin que je préfère ne pas entendre.

Non mais, sérieux ! Je suis un type bizarre ou alors on peut désapprendre à nager ? Et moi qui croyais que la natation était comme le vélo, des trucs qu’on n’oublie pas, même après des années sans pratique…

Peace and Love mes frères!


Un plouf, deux flops !

En ces tristes moments où peu de gens ont envie de sourire, je me propose de vous faire partager ce texte que j’ai fait paraître il y a quelques temps déjà et qui à l’époque avait réussi à me dérider vu qu’il évoque un souvenir personnel. Si les tueurs utilisent des armes lourdes pour envoyer des innocents ad patrès, pourquoi ne ferions pas de même avec l’humour, pour redonner la joie de vivre au monde?
Il ya quelques années, alors qu’étudiant fringant et sémillant j’arpentais les couloirs de l’université de Yaoundé I inconscient du gouffre qui m’attendait au bout, je fis la connaissance d’une jeune fille. Lire la suite de l’article…


Souvenez-vous: février 2001, c’était « Yaoundé Under Attack! »

Il est facile de décider du sort d’un homme, d’une population tout entière. Appuyer sur un bouton et déclencher des bombardements semble facile au vu de l’actualité. Mais combien d’entre nous savent ce qu’est la guerre? Combien ont vécu au delà des tirs et des bombardements, l’angoisse du moment où on sent sa vie suspendue à un fil ténu? En février 2001, j’ai connu cette peur. Ici au royaume des crevettes qu’on dit pourtant si pacifique. Je vous étonne?Lire la suite…


Souvenez-vous: février 2001, c’était « Yaoundé Under Attack! »

Williamsville (Abidjan) en flammes REUTERS/Luc Gnago

Il est facile de décider du sort d’un homme, d’une population tout entière. Appuyer sur un bouton et déclencher des bombardements semble facile au vu de l’actualité. Mais combien d’entre nous savent ce qu’est la guerre? Combien ont vécu au delà des tirs et des bombardements, l’angoisse du moment où on sent sa vie suspendue à un fil ténu? En février 2001, j’ai connu cette peur. Ici au royaume des crevettes qu’on dit pourtant si apathique, pardon, pacifique. Je vous étonne?
Avec la chance qui me caractérise (vous comprendrez en lisant) j’ai passé la nuit du samedi 17 au dimanche 18 février 2001 au Quartier général de l’armée camerounaise à Yaoundé, dans le domicile d’un haut gradé dont le fils que j’ai eu la malchance -du moins ce soir là- d’avoir pour ami fêtait son anniversaire. Vers les trois ou quatre heures du matin, alors qu’en bande, nous regagnions nos chambrettes respectives situées dans le bouillonnant quartier estudiantin Bonamoussadi, un bruit inattendu, inhabituel, mais curieusement familier vint stopper net les chansons paillardes que nos gorges huilées au whisky et à la bière débitaient pour le malheur des riverains endormis : BOUM ! il ne nous fallut que cinq secondes de supputations pour déterminer la nature du bruit. Tout de même ! il aurait pu s’agir d’une bonbonne de gaz ou d’un de ces vétustes transformateurs de AES SONEL qui explosent plus qu’ils ne fonctionnent. Cinq secondes après l’explosion, plusieurs coups de feu déchirèrent la nuit.
Aujourd’hui encore, j’ignore la distance qui sépare le CETIC de Ngoa Ekelle de Bonamoussadi, mais je suis certain que ce soir là, mes compagnons et moi filles comprises (ben oui! qui est assez con pour rentrer d’un anniv sans fille?) nous battîmes un record de vitesse malheureusement jamais homologué.
A Bonamoussadi, où les habitants avaient compris qu’il ne s’agissait pas d’un séisme, deux mots redoutés avaient commencé à circuler « coup d’état ». N’écoutant que notre instinct qui nous conseillait de fuir, mes compagnons et moi prîmes en même temps que d’autres étudiants apeurés la route menant vers le Carrefour Vogt (curieux nom pour un carrefour camerounais, mais ce n’est pas le thème de mon histoire). Les explosions qui continuaient de faire palpiter le sol en même temps que nos cœurs s’enchaînaient à une cadence infernale.
Le jour naissant nous trouva au niveau de la montée du CETI Jeanne Alégué (enfin un nom camerounais). Des camions de militaires nous croisaient dans le sens inverse, filant vers le Quartier général d’où semblaient provenir les combats. A mi-montée, nous croisâmes un homme en tenue camouflée dont la seule vue nous mit du baume au cœur. Il s’agissait d’une espèce de Rambo négroïde, herculéen, armé jusqu’aux dents -c’est l’impression que nous eûmes- et qui curieusement semblait aller dans la direction opposée aux combats. A la vue de notre troupeau égaré, un semblant de patriotisme sembla luire dans ses yeux et il nous fit la proposition vite adoptée de conduire notre groupe vers un lieu plus sûr (pour qui ?). Alors que nous dépassions l’entrée du Grand séminaire, les rafales de mitraillette se décuplèrent. N’écoutant que notre peur et notre Général, nous plongeâmes dans les sissongos bordant la route. Dès ce moment, je dois le reconnaître, le quidam prit les choses en main : « baissez vous ! » « ne levez pas la tête, il ya des balles perdues ! » « rampez ! ». je garde peu de souvenirs du gymkhana qui s’ensuivit, sauf celui du balancement des fesses d’une fille qui rampait devant moi sans éveiller ma libido morte (provisoirement) et aussi la morsure cruelle des sissongos qui me lacéraient la peau sans que je songe à émettre un son : je ne ressentais que ma PEUR.
Après ce parcours du combattant qui dura un certain moment, et durant lequel je commençai à me dire que quitte à mourir, je tenais à arriver en enfer avec ma peau et mes articulations intacts, nous émergeâmes au carrefour Vogt où une vingtaine de personnes étaient rassemblées autour de l’hideux monument qui trône au centre de cet endroit. Comment vous décrire la série de sentiments qui m’animèrent ensuite ?
Le soulagement lorsque quelqu’un alluma un transistor et que nous entendîmes J. (prononcez le point) Rémi Ngono qui inaugurait alors le reportage par cellulaire nous annoncer qu’il n’y avait pas de coup d’état, juste un incendie de la poudrière du Quartier général d’où il effectuait son reportage.
La haine, lorsque nous nous rendîmes compte que notre Rambo improvisé était en réalité un vigile de nuit armé en tout et pour tout d’une bombe lacrymogène, aussi effrayé que nous et qui rentrait de son travail lorsqu’il avait été surpris par les « bombardements ». Cette découverte raviva d’ailleurs la douleur de nos lacérations et écorchures et tout Rambo qu’il était, l’usurpateur s’éclipsa discrètement.
Cette petite histoire peut prêter à sourire. Mais je ne vous l’ai pas racontée dans ce but. Je voudrais plutôt attirer votre attention sur les petits mots, les formules anodines, les égo minuscules, les orgueils individuels, les intérêts particuliers. Autant de petits riens égoïstes et microscopiques à l’échelle du monde qui provoquent des catastrophes dans la vie de millions d’innocents. Frères de Libye, amis de Côte d’Ivoire, je sais ce que vous vivez, je l’ai ressenti pendant de longues minutes. Habitants de Tripoli, d’Abobo, de Bengazi, de Yopougon, dommage que ceux qui décident de vous faire dormir sous les bombes soient si éloignés de vos réalités, de vos aspirations, de votre quotidien.
Peace mes frères.

 


RFI en grève et toute la bande FM est dépeuplée?

radio Dallol Niger aux couleurs de RFI (photo RFI)

Depuis quelques jours, la Radio mondiale, entendez RFI, traverse une de ses éternelles grèves qui me font souvent me demander à quel moment les journalistes de cette chaîne travaillent. Ces derniers jours disais-je, accro que je suis à l’information africaine, je cherche désespérément à m’informer sur l’évolution des évènements en Côte d’Ivoire, en Libye etc. Chaque matin, je vis un rituel assez bizarre dans ma chambre. Lisez plutôt
7heures, le réveil.

Je tourne le bouton de la radio et après 5 minutes de recherches sur la bande FM, j’obtiens à peu près le résultat suivant:
Rfi: musique et une voix de femme qui m’explique pourquoi il n’ya que de la musique.
Poste National CRTV: information de la veille salée et réchauffée.
Radio Siantou (alias la chaîne des Majors): musique.
Magic FM: un pasteur pentecôtiste me somme de mettre ma journée entre les main de Dieu.
Radio Lumière: musique.
Sky Radio: un guérisseur au nom bizarre prétend guérir toutes les maladies que je n’ai pas
etc.
Généralement, après moult va et vient, BBC Afrique étanche ma soif d’infos, jusqu’à ce qu’on passe du français à l’anglais…
Bien que se limitant exclusivement à la radio, cette expérience désormais matinale m’a fait réfléchir sur le poids réel des médias africains dans la mégasphère informationnelle.  Je suis au regret d’admettre que les différents échos que nous avons des crises nous concernant ou non viennent presque exclusivement des médias occidentaux qui sans faire dans la désinformation me laissent parfois perplexe.
Prenez l’exemple de la crise libyenne. Alors que Ben Ali n’avait même pas encore quitté le pouvoir on a vu apparaître des outils sensés prédire dans un ordre probable les départs des « dictateurs » avec en bonne place l’autoproclamé Guide. Comment ne pas être pas perplexe devant l’escalade des chiffres (6000 morts en environ dix jours!) provenant de sources souvent contradictoires. je ne parle pas des titres, véritables effets d’annonce: Khadafi isolé; Les militaires libyens désertent en masse, Khadafi utilise des mercenaires subsahariens, sans parler des kongossas qui ont transformé les journaux de certaines chaînes en magazine people: « La pharmacie du Guide », « les femmes de Khadafi », « Les vrais faux cheveux du Guide » etc. Et puis soudain, sans crier gare, sans qu’on nous dise comment, on se retrouve avec avec un Khadafi victorieux qui amorce la reconquista des villes frondeuses. Mais ça, remarquez, on n’en parle que très peu…
Ce genre de traitement visiblement partial peut prêter à sourire, sauf lorsqu’on se dit que la même chose pourrait nous arriver demain. Le jour, où une poignée de camerounais  manifesteront dans les rues à cause d’un arbitre ayant sifflé un pénalty contre les Lions anciennement indomptables, ils deviendront peut-être des « insurgés marchant sur le palais du despote Biya (je signale que les partisans de Ouattara à l’image des rebelles Libyens sont désormais des « insurgés » eux aussi).
Néanmoins, en dehors de l’information classée RFI, AFP ou CNN, il existe des agences de presse panafricaines qui essaient tant bien que mal de relayer l’information made in Africa. Déplorons simplement leur manque de visibilité.
En réalité, les médias locaux sont tout à la fois victimes de l’absence d’infrastructures de logistique et de moyens financiers, mais ils sont aussi les enfants mal aimés d’un système qui ne le leur cache pas: le Roi Lion, ce Sphinx à la fois énigmatique et invisible, les dédaigne au profit d’interviewers caucasiens devant qui il délie sa langue lors de ses séjours outre Atlantique. Son griot en chef le Ministre de la communication et les autres ministres qu’on ne voit ni n’entend jamais sur les chaînes locales n’hésitent pas dès la moindre allusion de RFI concernant le gouvernement à décrocher leur téléphone pour apporter des démentis qu’ils sont généralement les seuls à croire.
Si notre chaine de télévision nationale la  monolithique CRTV ne fait du zèle que lors des déplacements de l’homme-Lion ou des membres du gouvernement, il faut néanmoins saluer les initiatives d’une jeune chaîne comme Vox Africa qui a pu couvrir certains scrutins continentaux, en Côte d’Ivoire notamment.
La tentative de CANAL2 de créer une chaîne « tout info » a fini en pétard mouillé. Certaines informations aussi vieilles que Mathusalem tournent en boucle sur la bande déroulante au point où je me demande parfois si le personnel de cette chaîne de télé est exclusivement composé de mal-voyants.
Vous l’aurez compris, la culture du « breaking news » est carrément inexistante chez nous, sauf en ce qui concerne les nominations et les remaniements gouvernementaux. Avec un taux de rafraichissement aussi bas comment s’étonner de l’extraversion médiatique de mes compatriotes. Extraversion orientée vers les médias francophones à cause de notre bilinguisme théorique.
De plus,les chaînes de télé camerounaises quand elles sont présentes sur Internet servent des données peu actualisées. Par exemple, les informations du site de Canal2 international concernant la crise libyenne datent du 25 février et proviennent de TV5!!!! On aura tout vu.
La situation actuelle appelle à une véritable prise de conscience. Les récents développements on démontré que sur le Continent comme ailleurs, les guerres se déroulent aussi bien sur le plan militaire qu’informationnel et communicationnel. Les batailles remportées auprès de l’opinion publique sont autant de fait d’armes susceptibles de renverser une situation.
J’espère que la bande FM de Yaoundé s’enrichira bientôt. il est vrai que je songe à m’acheter un téléviseur, mais il paraît que France24 est au câble ce que RFI est à la radio. Décidément…


« PAUL BIYA DEGAGE », et après?

Depuis que le virus de la révolution a infiltré le Continent, ils sont nombreux les camerounais qui voient dans l’échéance électorale prochaine l’occasion de mettre en pratique les leçons venues du Maghreb. Pour preuve l’appel à la mobilisation qu’un ensemble d’associations et de partis politiques a lancé le 23 février dernier. La tribune suivante me permet de revenir sur les raisons d’un échec. Ces camerounais qui en appellent à une révolution sauvage semblent ignorer la situation réelle dans leur pays. Pour bien comprendre les choses, il faudrait se situer dans les évènements qui ont conduit aux émeutes dites de la faim. En février 2008, suite à une grève des chauffeurs de taxi pour protester contre l’augmentation du prix de l’essence à la pompe, le pays -en réalité les métropoles- s’est retrouvé paralysé pendant plusieurs jours. Lire la suite de l’article…


« PAUL BIYA DEGAGE », et après?

Tract de l’association « le CODE »

Depuis que le virus de la révolution a infiltré le Continent, ils sont nombreux les camerounais qui voient dans l’échéance électorale prochaine l’occasion de mettre en pratique les leçons venues du Maghreb. Pour preuve l’appel à la mobilisation qu’un ensemble d’associations et de partis politiques a lancé le 23 février dernier. La tribune suivante me permet de revenir sur les raisons d’un échec.

Ces camerounais qui en appellent à une révolution sauvage semblent ignorer la situation réelle dans leur pays. Pour bien comprendre les choses, il faudrait se situer dans les évènements qui ont conduit aux émeutes dites de la faim. En février 2008, suite à une grève des chauffeurs de taxi pour protester contre l’augmentation du prix de l’essence à la pompe, le pays -en réalité les métropoles- s’est retrouvé paralysé pendant plusieurs jours. Des jours d’anarchie durant lesquels des bandes de pillards se sont adonnées à leur jeu favori : la casse. En quelques jours, des jeunes gens inorganisés et fanatisés ont détruit une bonne partie des maigres infrastructures  que leur État a mis cinquante années de pseudo indépendance à acquérir. L’image qui m’a frappé durant ces évènements est celle d’un malabar attaquant à la pioche le bitume d’une rue de Douala, comme si l’état de la voirie locale n’était pas déjà assez désastreux. Bref, la soldatesque est descendue dans les rues pour stopper net les manifestants que le gouvernement n’a eu aucun mal à faire passer pour des hors-la-loi. Bilan officiel une quarantaine de morts, plus du double selon les associations des droits de l’homme.

A la différence des émeutes du Maghreb ceux qui se sont retrouvés dans la rue étaient essentiellement des laissés pour compte de la société que l’appareil statistique des économistes toujours en mal de classification range dans le secteur dit informel. Lors des émeutes de février 2008, on n’a vu ni avocats, ni enseignants, ni travailleurs sociaux, juste une jeunesse abrutie par les frustrations et prête à aller dans tous les sens.

Aucun de ceux qui en appellent aujourd’hui à la révolution n’a vécu les atrocités de ces moments noirs de notre histoire. Aucun de ceux qui veulent envoyer les camerounais dans la rue ne connait mieux que nous la difficulté qu’il ya à être un camerounais, vivant au Cameroun.  Ils apparaîtront simplement quand le sang aura coulé se fendant de déclarations sur des médias éloignés de la réalité et vouant aux gémonies un gouvernement qu’un flot de sang innocent aura contribué à balayer.

Si l’opportunisme est une valeur politique, il n’a pas porté chance à nos politiciens. Le seul fait notable de la mobilisation manquée du 23 février aura été la pluie de tracts qui a inondé la ville de Douala. Tracts vite emportée par l’averse torrentielle qui a attendu –même la météo a choisi son camp- cette nuit là pour tomber.

Les apprentis politiciens de la diaspora dont les partis politiques semblent avoir pour siège le réseau social Facebook ont avec les appels à la mobilisation du 23 février perdu une occasion de se taire. L’absence de leader charismatique a permis au gouvernement de les présenter comme des opportunistes qui envoient les enfants des autres se faire tuer. Le message bien que hautement démagogique a porté. La réponse dans les rues de Douala et Yaoundé ne s’est pas fait attendre : « tenez vous à l’avant des cortèges et nous vous suivront ». Les opposants présents sur le terrain n’ont pas eu plus de succès. Il est de notoriété publique que le mot opposition sous nos cieux désigne l’ensemble des aigris du parti au pouvoir, anges déchus qui réclament leur part d’un gâteau national qu’ils ont contribué à spolier. La présence de camerounais de la diaspora dans l’appel à manifester, n’a pas contribué à améliorer les choses. Ici, ils sont considérés comme nos frères qui vivent outre-mer avec le statut de réfugiés politique alors qu’on ne les a jamais vu militer ne serait ce que dans un mouvement de scouts. A croire que se retrouver à l’étranger fait du camerounais lambda un leader politique. A ce rythme là je vais bientôt croire que je suis informaticien juste parce que je passe la moitié de ma vie devant un ordinateur.

En réalité, le contexte social camerounais est plus complexe. La corruption et ses corollaires que sont le népotisme et l’affairisme ont certes enserré le pays, mais il existe une frange de camerounais non négligeable qui a réussi à tirer son épingle du jeu. Un filet est tendu autour de notre société, mais le Pêcheur a prévu des déchirures artificielles, autant de soupapes qui permettent d’éviter l’implosion sociale : près de 300 partis politiques, une dizaine de chaînes de télévision privées, des dizaines de chaines de radios évoluant à une ou deux exceptions près dans une illégalité encadrée et baptisée « tolérance administrative » à effet boomerang.

La révolution doit certes se faire, mais elle doit être soutenue par une conscience politique que le peuple camerounais est loin d’avoir acquis. Entre le Nord –Ouest et ses velléités sécessionnistes, le centre tribaliste et revanchard qui n’attend que l’occasion d’exiler les « envahisseurs » Bamiléké, l’équation d’un mouvement pacifique est loin d’être résolue. Les chantiers sont plus grands et les derniers évènements ont démontré à suffisance qu’il est illusoire de baser une vision politique sous le simple slogan « Paul Biya must go ! ». De toutes les façons, ça on le savait déjà.


En attendant la Révolution des Sissongos

Je m’excuse auprès de mes fidèles lecteurs pour l’absence prolongée de  billet sur notre blog. Depuis que j’ai arrêté d’être « portable », mes multiples déplacements sont autant de périodes de silence. Néanmoins, si je ne tape plus sur mon clavier aussi souvent, cela ne m’empêche pas d’écrire dans ma tête.

photo: Guillaume Clément

Sissongo : herbe drue et coupante dont même Google ignore le nom scientifique et qui pousse en abondance au Cameroun. Le sissongo est au Cameroun ce que Lys est à la France et le chardon à l’Ecosse.

Mbenguiste : du Camerounais Mbeng (France et par extension l’Europe), femme plus ou moins jeune qui a réussi à immigrer en Europe. Modèle de réussite sociale, la mbenguiste travaille en Europe, investit au Cameroun et vit sur Facebook. Ne lui demandez jamais son âge ni ce qu’elle fait au pays des Blancs, ce n’est pas votre problème.

Au cours de mes pérégrinations, j’ai rencontré et fait des libations nocturnes avec un type sympa qui m’a raconté sa vie. Qu’elle soit banale n’a rien de surprenant, mais qu’il la considère comme une suite de malédictions m’a surpris. Jugez plutôt :

Première malédiction : naître au Cameroun, véritable paradis dans lequel la prospérité semble n’avoir été prévue que pour une minorité, grandir dans un environnement de sous-scolarisation et de délinquance, tirer son épingle du jeu en s’intégrant dans le circuit scolaire, connaître la désillusion du jeune diplômé qui nanti d’un diplôme de psychologie ne comprend pas qu’il est le produit d’un système éducatif inadapté qui fabrique des chômeurs à la chaîne. Incapable de surfer sur la vague de corruption permettant d’être recruté dans une fonction publique hypertrophiée, il devient vendeur de chaussures made in China -il en faut de la psychologie pour les vendre. Bienvenue dans le secteur informel, nébuleuse qui englobe des boulots minables (vendeur à la sauvette, conducteur de moto-taxi, fripier…) dont le dénominateur commun est la précarité. Résultat, une relative prospérité, euphémisme pour désigner la survie.

Deuxième malédiction : s’enticher d’une jolie fille. Autre ressource naturelle -curieusement sous exploitée de ce pays surexploité-, les jeunes et jolies filles au derrière rebondi et au regard de braise pullulent. Le type croit avoir trouvé l’Amour. Un amour qui à trop regarder les séries à l’eau de rose sur le câble piraté de la télé chinoise de leur chambrette, se prend à rêver non de mariage, mais d’Europe. Le quidam on ne sait trop comment, sûrement en s’endettant jusqu’au ras des cheveux réunit la somme nécessaire pour le billet d’avion, la gourgandine grâce à l’aide d’une tante expatriée -en réalité un croulant caucasien rencontré sur internet dans un cybercafé- réussit à prendre l’avion pour la France.

Le type devient un héros dans son quartier : envoyer sa copine en Europe n’est pas donné !

Trois ans de silence et zéro mandat Western Union plus tard notre ami tombe des nues lorsqu’il apprend par le kongossa local que la belle doit effectuer un séjour prochain à Yaoundé. Pour ne pas perdre la face, il frime : « bien sûr que je suis au courant ! Elle m’a même envoyé les sous pour réserver notre chambre au Hilton. ». Si une semaine plus tard, on l’interroge sur son absence à la descente d’avion de la belle et à la beuverie qui a suivi, il ne peut répondre qu’il n’était pas invité, se contentant de citer deux proverbes made in Cameroun : « Les enfants courent le matin, les adultes le soir » qui plus est, « on ne mélange pas l’igname avec les patates ».

Lorsqu’après une semaine de silence, notre igname -ben oui c’est lui l’igname du proverbe- se rend compte que le largage n’est pas loin, il provoque la rencontre. Rencontre faussement fortuite devant le portail (tiens ! ils en ont déjà un !) de ses « beaux parents » : la mbenguiste autrefois ratée de la famille est entourée de toute la fratrie. Elle paraît un peu  plus fripée certes, mais il ya le parfum, les talons interminables, les lunettes oversize, l’incontournable perruque bigarrée, le maquillage outrancier, les deux smartphones qui crépitent sans arrêt et surtout le sac bourré d’euros. A peine le temps de dire bonjour, la Mère désormais aux aguets intercepte le gêneur, une poignée de main et un regard durs comme du bois : « Mélanie est fatiguée, elle doit se reposer ». Bizarre l’accent francilien. C’est la mère qui était à Paris ou la fille ?

Rencontre faussement fortuite dans une boîte de nuit. Toujours la fratrie et un adonis bâti comme Fally Ipupa. On ne peut plus l’ignorer. Il est convié à la table. Whiskies, champagne etc. et toujours cet accent francilien qui semble se transmettre comme un virus. Il rentre le matin, seul, exténué et aveuglé par les flashes de l’appareil photo numérique qui n’a pas arrêté de crépiter : « des souvenirs pour mes copines sur Facebook ». Facebook ? Mais quand est-ce qu’elle a appris à écrire ? (Qui a dit qu’on écrivait français sur Facebook? NDR).

Bref, la fille comme cadeau lui a tout de même offert un téléphone, lui promettant une part du butin reposant dans un container au port, fruit de ses recherches dans les dépotoirs de l’Union Européenne. L’amoureux déçu est retourné à son business de chaussures chinoises.

J’ignore la morale de l’histoire, mais je sais désormais pourquoi notre vendeur de chaussures ira dans neuf mois réélire le Roi-Lion au poste de roi de la Rivière des Crevettes. Ben quoi dans son dernier discours de campagne, pardon je veux parler du discours à la jeunesse, ce dernier a promis 25.000 emplois dans la fonction publique (encore !) aux jeunes désœuvrés. Il se verrait bien douanier d’aéroport, notre vendeur, ainsi, lors de la prochaine escale camerounaise de son ex bien aimée, il se chargera de lui donner un aperçu de la puissance d’un homme en tenue. Voilà pourquoi lorsque je lui ai parlé de Révolution des Jasmins et autres, il m’a regardé bizarrement et a fermé le robinet si désaltérant de bières qu’il avait généreusement ouvert au bar. Pas question de compter sur lui pour une immolation par le feu au rond point de la Poste centrale.

Mohammed El Bouazizi n’a jamais téléphoné pour dire à  ses proches si en sa qualité de martyr les portes du paradis lui avaient été ouvertes. En fait, il n’a jamais téléphoné. Alors en attendant l’improbable révolution des sissongos je continue de boire des Castels glacées.

Santé!


En attendant la Révolution des Sissongos

Je m’excuse auprès de mes fidèles lecteurs pour l’absence prolongée de  billet sur notre blog. Depuis que j’ai arrêté d’être « portable », mes multiples déplacements sont autant de périodes de silence. Néanmoins, si je ne tape plus sur mon clavier aussi souvent, cela ne m’empêche pas d’écrire dans ma tête.

photo: Guillaume Clément

Sissongo : herbe drue et coupante dont même Google ignore le nom scientifique et qui pousse en abondance au Cameroun. Le sissongo est au Cameroun ce que Lys est à la France et le chardon à l’Ecosse.

Mbenguiste : du Camerounais Mbeng (France et par extension l’Europe), femme plus ou moins jeune qui a réussi à immigrer en Europe. Modèle de réussite sociale, la mbenguiste travaille en Europe, investit au Cameroun et vit sur Facebook. Ne lui demandez jamais son âge ni ce qu’elle fait au pays des Blancs, ce n’est pas votre problème.

Au cours de mes pérégrinations, j’ai rencontré et fait des libations nocturnes avec un type sympa qui m’a raconté sa vie. Qu’elle soit banale n’a rien de surprenant, mais qu’il la considère comme une suite de malédictions m’a surpris. Jugez plutôt :

Première malédiction : naître au Cameroun, véritable paradis dans lequel la prospérité semble n’avoir été prévue que pour une minorité, grandir dans un environnement de sous-scolarisation et de délinquance, tirer son épingle du jeu en s’intégrant dans le circuit scolaire, connaître la désillusion du jeune diplômé qui nanti d’un diplôme de psychologie ne comprend pas qu’il est le produit d’un système éducatif inadapté qui fabrique des chômeurs à la chaîne. Incapable de surfer sur la vague de corruption permettant d’être recruté dans une fonction publique hypertrophiée, il devient vendeur de chaussures made in China -il en faut de la psychologie pour les vendre. Bienvenue dans le secteur informel, nébuleuse qui englobe des boulots minables (vendeur à la sauvette, conducteur de moto-taxi, fripier…) dont le dénominateur commun est la précarité. Résultat, une relative prospérité, euphémisme pour désigner la survie.

Deuxième malédiction : s’enticher d’une jolie fille. Autre ressource naturelle -curieusement sous exploitée de ce pays surexploité-, les jeunes et jolies filles au derrière rebondi et au regard de braise pullulent. Le type croit avoir trouvé l’Amour. Un amour qui à trop regarder les séries à l’eau de rose sur le câble piraté de la télé chinoise de leur chambrette, se prend à rêver non de mariage, mais d’Europe. Le quidam on ne sait trop comment, sûrement en s’endettant jusqu’au ras des cheveux réunit la somme nécessaire pour le billet d’avion, la gourgandine grâce à l’aide d’une tante expatriée -en réalité un croulant caucasien rencontré sur internet dans un cybercafé- réussit à prendre l’avion pour la France.

Le type devient un héros dans son quartier : envoyer sa copine en Europe n’est pas donné !

Trois ans de silence et zéro mandat Western Union plus tard notre ami tombe des nues lorsqu’il apprend par le kongossa local que la belle doit effectuer un séjour prochain à Yaoundé. Pour ne pas perdre la face, il frime : « bien sûr que je suis au courant ! Elle m’a même envoyé les sous pour réserver notre chambre au Hilton. ». Si une semaine plus tard, on l’interroge sur son absence à la descente d’avion de la belle et à la beuverie qui a suivi, il ne peut répondre qu’il n’était pas invité, se contentant de citer deux proverbes made in Cameroun : « Les enfants courent le matin, les adultes le soir » qui plus est, « on ne mélange pas l’igname avec les patates ».

Lorsqu’après une semaine de silence, notre igname -ben oui c’est lui l’igname du proverbe- se rend compte que le largage n’est pas loin, il provoque la rencontre. Rencontre faussement fortuite devant le portail (tiens ! ils en ont déjà un !) de ses « beaux parents » : la mbenguiste autrefois ratée de la famille est entourée de toute la fratrie. Elle paraît un peu  plus fripée certes, mais il ya le parfum, les talons interminables, les lunettes oversize, l’incontournable perruque bigarrée, le maquillage outrancier, les deux smartphones qui crépitent sans arrêt et surtout le sac bourré d’euros. A peine le temps de dire bonjour, la Mère désormais aux aguets intercepte le gêneur, une poignée de main et un regard durs comme du bois : « Mélanie est fatiguée, elle doit se reposer ». Bizarre l’accent francilien. C’est la mère qui était à Paris ou la fille ?

Rencontre faussement fortuite dans une boîte de nuit. Toujours la fratrie et un adonis bâti comme Fally Ipupa. On ne peut plus l’ignorer. Il est convié à la table. Whiskies, champagne etc. et toujours cet accent francilien qui semble se transmettre comme un virus. Il rentre le matin, seul, exténué et aveuglé par les flashes de l’appareil photo numérique qui n’a pas arrêté de crépiter : « des souvenirs pour mes copines sur Facebook ». Facebook ? Mais quand est-ce qu’elle a appris à écrire ? (Qui a dit qu’on écrivait français sur Facebook? NDR).

Bref, la fille comme cadeau lui a tout de même offert un téléphone, lui promettant une part du butin reposant dans un container au port, fruit de ses recherches dans les dépotoirs de l’Union Européenne. L’amoureux déçu est retourné à son business de chaussures chinoises.

J’ignore la morale de l’histoire, mais je sais désormais pourquoi notre vendeur de chaussures ira dans neuf mois réélire le Roi-Lion au poste de roi de la Rivière des Crevettes. Ben quoi dans son dernier discours de campagne, pardon je veux parler du discours à la jeunesse, ce dernier a promis 25.000 emplois dans la fonction publique (encore !) aux jeunes désœuvrés. Il se verrait bien douanier d’aéroport, notre vendeur, ainsi, lors de la prochaine escale camerounaise de son ex bien aimée, il se chargera de lui donner un aperçu de la puissance d’un homme en tenue. Voilà pourquoi lorsque je lui ai parlé de Révolution des Jasmins et autres, il m’a regardé bizarrement et a fermé le robinet si désaltérant de bières qu’il avait généreusement ouvert au bar. Pas question de compter sur lui pour une immolation par le feu au rond point de la Poste centrale.

Mohammed El Bouazizi n’a jamais téléphoné pour dire à  ses proches si en sa qualité de martyr les portes du paradis lui avaient été ouvertes. En fait, il n’a jamais téléphoné. Alors en attendant l’improbable révolution des sissongos je continue de boire des Castels glacées.

Santé!


Sentiment anti-français au Cameroun: les raisons de la colère

Bien que personne ne veuille l’admettre, la propagation du sentiment anti-français est une réalité bien ancrée dans la mentalité camerounaise. Il ya quelques jours, à l’annonce de la mort des deux français enlevés puis « exécutés » au Niger, rares sont les camerounais qui ont jugé bon de relever le caractère tragique de l’évènement. C’est que l’image de la France n’est pas reluisante auprès des camerounais. Les raisons de ce désamour tiennent à la fois de l’histoire et de l’actualité.

Après avoir été colonisé par les allemands, notre pays a été placé sous mandat de la SDN suite à la débâcle de 14-18. Nous sommes donc un des rares peuples de la sous région à avoir côtoyé plusieurs vagues de colons. Les travaux forcés et les châtiments corporels sous les Allemands donnèrent lieu à un essor économique sans pareil et au développement infra-structurel, l’indirect rule anglais fit de la zone anglophone un territoire particulièrement bien tenu, la période française elle affiche un bilan quasi nul.

La ville d’Edéa où je me suis reposé après une récente opération est emblématique du désamour camerounais à l’encontre du français. Edéa est une ville durablement marquée par la colonisation, car elle est le véritable point de jonction entre Yaoundé la politique et Douala l’économique. En 1949, les français dotent la ville d’un barrage hydroélectrique. Souci du développement? Que nenni, il s’agit d’une installation destinée à fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement d’une usine de transformation d’aluminium, notre AREVA local. Les allemands dans un souci d’urbanisation avaient dessiné le tracé de la ville et construit un centre administratif. Les français n’ont fait qu’occuper lesdits  bâtiments toujours fonctionnels aujourd’hui et dont l’architecture caractéristique est pour ainsi dire un label colonial que tous les camerounais connaissent. La décrépitude du récent pont français sur la Sanaga apparaît encore plus criarde quand on considère l’éternelle jeunesse de l’ouvrage allemand séculaire qui le côtoie. Joignez à ces écarts d’investissement la meurtrière répression que la région, fief du parti nationaliste UPC eut à subir et vous comprendrez les raisons d’un ressentiment qui dépasse les limites de la Sanaga Maritime.

Les observateurs des relations franco camerounaises sont d’accord pour admettre que celles-ci tournent essentiellement à l’avantage de l’hexagone. Personne n’ignore que la fameuse aide au développement est en réalité une utopie, l’argent retournant en France via les contrats octroyés exclusivement à des entreprises françaises. Nos cousins Gaulois investissent beaucoup au pays de John Fru Ndi, mais leurs entreprises sont rarement domiciliées sur des sites définitifs, on les dirait toujours prêts à déguerpir à la moindre alerte, d’où leur maîtrise des arts de la location et du préfabriqué. Et avec ça, ils sont frileux à l’évocation du moindre transfert de technologie. Portrait peu reluisant j’en conviens. Mais tristement réel. Quelqu’un me disait ironiquement qu’en dehors des mariages blancs et des ballets des poids lourds de Bolloré, l’union franco-camerounaise n’avait rien de productif.

Mais, au delà de toutes ces considérations, peut-on en vouloir aux Gaulois de tirer parti des facilités que leur confère la nébuleuse Françafrique? Mieux ! Je me suis livré à un exercice: imaginons un monde inversé, un monde dans lequel les européens seraient africains et vice versa. Croyez vous que l’extrémisme des Gbagbo et autres Ouattara aurait laissé une seule chance aux indépendances africaines s’ils avaient été à la place de DeGaulle? Regardez l’acharnement avec lequel les africains néo pétroliers traquent leurs voisins sans-papiers. L’intransigeance en matière d’immigration d’un Obiang Nguéma n’a rien à voir avec les soubresauts sécuritaires de Nicolas Sarkozy. Imaginez donc cet Obiang à la tête de la cinquième puissance économique du monde. Peut-on en vouloir aux Bolloré de saigner à blanc notre continent, alors qu’il s’agit de commerce, de profit et de réseaux, autant de paramètres qui ne laissent nulle place aux sentiments? Les roitelets qui ont hérité des colonies après les indépendances tout comme leurs rejetons n’ont pas oublié les leçons des maîtres. Tandis qu’ils bradent nos richesses, ils ne se soucient pas de l’ingérence des multinationales européennes dans la régulation et la fixation des prix des matières premières. Que ces partenaires d’hier osent menacer leurs fauteuils dorés, vous entendrez alors hurler : SOUVERAINETE! SOUVERAINETE!

Voilà pourquoi, malgré la visible parenté entre nous et l’équipe de France, vous n’entendrez jamais crier « Allez les Bleus! » dans rues de Yaoundé. Voilà tout autant pourquoi le sang de malheureux ivoiriens n’arrête pas de couler depuis bientôt une décennie! L’homme est un loup pour l’homme, dire que je l’avais oublié!