Florian Ngimbis

Les « admins » des groupes Facebook : régulateurs ou tontons macoutes ?

Vous vous souvenez sans doute de mon billet parlant des groupes Facebook regroupant les camerounais. Je vous ai à l’occasion parlé de certains groupes dont je suis membre, qui avaient mis en place des garde-fous sécuritaires pour éviter les égarements et débordements de tous genres. Aujourd’hui, je vais vous parler des entités sensées appliquer cette politique. Les gardiens du temple, la garde prétorienne, le dernier bastion de la raison et de la pondération : les administrateurs. Bon ! Nous on fait le kongossa hein ? Donc, on va les nommer par leur petit nom : les admins.

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Quand les camerounais exportent le tribalisme sur Facebook

La politique de l’autruche adoptée par les camerounais en matière de tribalisme est à la fois suicidaire et puérile. Puérile parce que le premier venu peut se rendre compte du degré de tribalisation de la société camerounaise, suicidaire à cause du danger qu’il y a à bâtir une société sur de pareilles fondations. Ahhh ! La grande hypocrisie ! Les grands mots : Unité, Diversité, Nation !

Je l’ai dit dans un billet : le jour où, le fragile ciment politique qui maintient ce pays dans un moule de stabilité précaire s’effritera, il y aura des dégâts. La grogne des populations de l’Ouest anglophone est désormais de notoriété publique. Le problème bamiléké que des esprits bien-pensants essaient de transformer en chimère est tout aussi réel. Je ne veux même pas parler d’un Nord qu’on dit revanchard et qui semble attendre patiemment son heure. Je signale d’ailleurs que chaque année, notre pays vit des affrontements communautaires de moindre envergure certes, mais dont la violence m’étonne toujours. Bien entendu, ces évènements  sont détournés des principaux canaux médiatiques et passent sous silence.

Je suis d’autant plus inquiet, car j’ai découvert il ya peu, que le tribalisme suivait les camerounais partout. Même sur les réseaux sociaux tels que l’inévitable Facebook. Le nombre de groupes communautaires créés sur ce réseau est incroyable. Si vous êtes localisé au Cameroun, les simples mots clés « fils et filles » ou « ressortissants » tapés dans le champ de recherche de Facebook. Vous ouvrent un monde insoupçonnable de réponses: « Fils et filles Bana », « fils et filles du Mbam », « fils et filles Bamoun », « fils et filles de l’Océan », « fils et filles de Zoétélé », « fils et filles de la Lékié », « ressortissants du grand nord Cameroun aux USA », « Ressortissants Ndom » et j’en passe…

Si la plupart de ces groupes sont d’essence communautaire ce qui est normal, cette tendance dérive très vite en communautarisme le plus vil. Il faut savoir que les initiateurs de ce type de plateforme choisissent rarement la formule « page » de Facebook. La raison en est simple : à la différence des pages, qu’on se contente de suggérer  à ses contacts, les groupes permettent d’ajouter automatiquement et sans nécessiter leur avis, au besoin, tous les contacts de son profil Facebook. j’ai pour les besoins de ce billet, adhéré à plusieurs groupes pour voir. Si  j’ai presque toujours été admis, dans certains autres cas je me suis fait éjecter peu de temps après mon admission et dans une minorité de cas, ma demande est restée lettre morte. Je précise que une fois admis je précisais toujours que je n’étais pas « autochtone » mais plutôt sympathisant à la Cause (ne me demandez pas laquelle).

Alors cas pratique : vous êtes dans la peau de l’administrateur du groupe Fils et Filles d’Ebomzut. Comment procéder pour reconnaître et ajouter les contacts de votre répertoire originaires d’Ebomzut ? La réponse est simple : profilage ethnique sur la base du nom.

Si ! si ! Dieunedort Tagoguep ne peut être un nom du village, alors, à la trappe!

Si ça s’arrêtait là ! Des fois, un administrateur distrait par trop de vin de palme virtuel dégusté à l’ombre numérique du groupe ancestral, admet malencontreusement  Dieunedort Tagoguep. Dans ce cas il se trouve toujours un idiot du village, pardon du groupe pour relever la chose et rameuter la horde. Parfois ça peut aller loin. Morceaux choisis :

J’Observe cependant une Certaine Hauteur dans le ton de ton Discours peu Courtois à l’Endroit des Frères ; ce qui laisse Penser, à l’Instar de ton nom, que tu es loin d’être un fils du Mbam…tu Sembles avoir Fait le Traître Choix d’Espérer être Sanctionné par une Exclusion d’Entrer pour être Tranquillement Détacher de la Mission Implicite que te Confère l’Appartenance à cette Communauté

Je precise que l’auteur de ces propos s’adresse à moi qui ai osé fustiger des posts xénophobes. je précise aussi que mes diverses  interventions sur ce groupe semblent avoir dynamité le dynamisme de ses membres…

ou plus trash:

Je sais que je n’ai aucun droit,mais je n’accepte pas qu’un bamiléké vienne poluer notre groupe par de sales publicités…Les bamilékés aiment toujours exploiter les autres,il vient se faire de l’argent sur notre groupe comme ils nous ont toujours exploité;pendant les villes mortes en vendant les cartons rouges et pendant le maquis…A bon entendeur salut…

Et dire que ceux là osent m’appeller leur « frère Bassa’a »

Et oui ! La bêtise n’a pas de frontière ! Et les frontières numériques sont encore plus poreuses que les autres. Heureusement, certains groupes se sont mis en devoir de mettre en place des chartes en matière de comportement et de discipline. La mayonnaise peine à prendre, mais l’effort est louable, car au-delà du tribalisme, de la xénophobie ou de toute autre tare, c’est de bêtise dont il est d’abord question. Je ne le dirai jamais assez : Beti, Bamiléké, Mbamois, Nordiste, Sudiste ou autre, un con reste un con.

Peace mes frères!

 

 


Quand les camerounais exportent le tribalisme sur Facebook

La politique de l’autruche adoptée par les camerounais en matière de tribalisme est à la fois suicidaire et puérile. Puérile parce que le premier venu peut se rendre compte du degré de tribalisation de la société camerounaise, suicidaire à cause du danger qu’il y a à bâtir une société sur de pareilles fondations. Ahhh ! La grande hypocrisie ! Les grands mots : Unité, Diversité, Nation !

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Il n’y a pas plus camerounais qu’un sénégalais

 

Hier soir, j’ai dîné avec un copain qui a été expulsé il y a peu de Guinée Equatoriale. Ayant appris que le pays de sa majesté Obiang était devenu une vraie piscine d’or noir, mon copain a cru bon aller y démontrer ses talents d’entrepreneur. Cinq années de labeur durant lesquelles il a investi, monté un supermarché de taille respectable, produit de l’emploi et c’est seulement quand l’affaire est devenue rentable que les Equatoguinéens se sont souvenus que ses papiers n’étaient soi-disant pas en règle, que son titre de séjour ne l’autorisait pas à investir au delà d’un certain montant, qu’il n’était pas autorisé à construire un bâtiment de plus d’un étage etc. Autant de prétextes fallacieux qui avaient pour finalité la saisie de ses biens et son expulsion.

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Elections camerounaises: le choix du peuple, quel peuple?

Je m’étais promis de ne rien écrire sur la campagne présidentielle, j’ai tenu bon. Je me suis promis de ne rien publier concernant le scrutin proprement dit, j’ai tenu bon. Le moment qui je le crois mérite toute mon attention est le jour de la proclamation des résultats, mais, voilà, je ne peux plus attendre, trop de cacophonie, trop d’illusions. Je n’essaierai pas de justifier mes positions, je vous préviens. Car je m’insurge contre ce dualisme à la camerounaise qui veut que soit on est partisan de la paix alors on prêche la continuité, soit on est un agitateur tueur d’enfants prônant le changement et le chaos qui irait avec.

 

Beaucoup cherchent dans des théories ultra compliquées l’explication au mutisme résigné du peuple camerounais face à ce qui apparaît à mes yeux comme un embrigadement psychologique. Moi je n’y vois rien de compliqué, il suffit de bien connaître le sujet d’étude.

Comme je vous l’ait dit dans un billet précédent, deux caractéristiques majeures déterminent les camerounais : une paupérisation à outrance qui a faussé les réflexes primordiaux de mon peuple et une peur du lendemai matérialisée par la célèbre phrase : après nous le chaos.

La réflexion alimentaire semble déterminer les faits et gestes du camerounais moyen.

Au plus fort de la crise libyenne alors qu’ailleurs on se basait sur l’ingérence flagrante des puissances occidentales pour dénoncer le putsch libyen, les camerounais, n’avaient dans leur majorité qu’une interrogation à la bouche : comment peut-on vivre dans un pays où tout est subventionné, voire offert et vouloir le changement ???

Pendant la campagne électorale, j’ai assisté à des bagarres, mais croyez-moi, les bagarres furent fratricides. Dans les rues de Yaoundé, on s’est plus battu pour les gadgets du parti au pouvoir que pour la compréhension d’un point quelconque du programme électoral d’une formation politique.

J’ai vu des files interminables de citoyens rôtissant sous le soleil yaoundéen. Retrait de cartes d’électeurs, retrait de moustiquaires imprégnées. Curieusement, les esclandres dont j’ai été le témoin ont généralement été le fait de ménagères courroucées de n’être pas rentrées en possession de leurs moustiquaires. « Volez nous notre droit de vote, tant pis, mais ne rigolez pas avec nos moustiquaires dèh ! ».

Course au maquereau, vol de consciences. J’ai vu les camerounais vendre leur âme pour si peu. Beaucoup de ceux qui vous parlent des élections à la camerounaise n’en savent rien. Beaucoup vous parlent de tripatouillages fruits du ouï-dire. Un jour d’élection, en camerounais bien-pensants, ils étaient tous calfeutrés dans leurs domiciles les placards bourrés de pain, attendant le jour d’après, se fichant de savoir entre les mains de qui ils abandonnaient l’avenir d’une Nation.

Actuellement, j’observe une course au pagne. Vous le ne saviez pas, le R. notre parti état local a produit une nouvelle mouture du pagne à l’effigie du roi lion. Et chacun se bat bec et ongles pour coudre le kabangondo ou la chemise,  sésame indispensable pour intégrer les farandoles qui se profilent à l’horizon du 24 octobre prochain, vous savez ce fameux jour où transpirant sous sa perruque, le président de la Cour Suprême, suppléante éternelle de l’invisible Conseil Constitutionnel proclamera des résultats dont l’évidence ne refroidira pas les youyous : « et le vainqueur est…Celui-Qui-Gagne-Toujours ! ».

Les agapes qui s’en suivront réuniront une fois de plus les camerounais, trop contents de boire et de manger gratis : « mon frère ! La viande n’a pas de couleur politique ». Je suis même sûr qu’on verra parader les « opposants », du moins ceux qui ont évité de mentionner leur nom dans la désormais célèbre déclaration de Yaoundé. Ceux là qui n’ont distribué ni riz, ni maquereau, ni gadgets chinois et qui curieusement vont demander à un peuple omnivore de descendre dans les rues.

Notre peuple à l’appétit pantagruélique, ne descendra pas dans les rues, car par ici s’indigner, manifester, marcher, sont des concepts aussi éloignés du quotidien que Mars de la Terre. Aussi curieux que cela puisse paraître, tout le monde fustige les « apprentis sorciers » qui envoient les jeunes camerounais manifester et se faire tuer, sans s’interroger sur l’identité, les motivations des tueurs. Si vous vous faites tuer lors d’une manif on vous demandera le diable qui vous y envoyé sans poser la question de savoir de quel droit on tue quelqu’un qui exprime son droit à la liberté d’expression.

Changement égale chaos, alternance égale guerre. La lobotomie parfaite.

Durant la campagne, la rhétorique autour du choix m’a bien fait rigoler, car tout le champ lexical gouvernemental actuel tourne autour de la responsabilité, la maturité et l’objectivité du peuple camerounais. Foutaises ! Le plus dur dans la vie n’est pas de faire un choix. N’importe quel quidam en a la capacité. La maturité réside dans la capacité d’assumer son choix, d’en tirer les conséquences et d’orienter ses décisions futures en fonction d’une vision née des conclusions tirées. Trente ans que les camerounais nous prouvent qu’ils ne sont pas dotés de cette capacité.

Tout ça finira t-il un jour?


Elections camerounaises: le choix du peuple, quel peuple?

Je m’étais promis de ne rien écrire sur la campagne présidentielle, j’ai tenu bon.
Je me suis promis de ne rien publier concernant le scrutin proprement dit, j’ai tenu bon.
Le moment qui je le crois mérite toute mon attention est le jour de la proclamation des résultats, mais, voilà, je ne peux plus attendre, trop de cacophonie, trop d’illusions…Lire la suite…


« Au Cameroun de Paul Biya » version Quai d’Orsay

Récemment, je suis passé sur le site du Quay d’orsay, le Ministère des  affaires étrangères et européennes de la France et dans la rubrique « conseils aux voyageurs », j’ai découvert la fiche concernant mon pays. Franchement, après lecture, je me suis demandé si quelqu’un pouvait avoir envie de découvrir le Cameroun après l’avoir lue. le texte, bien que conforme aux standards en la matière recèle néanmoins quelques singularités qui font que je m’interroge sérieusement, sur l’opinion que les français se font à propos de mon pays. Lire la suite…

 


« Au Cameroun de Paul Biya » version Quai d’Orsay

Récemment, je suis passé sur le site du Quay d’orsay, le Ministère des  affaires étrangères et européennes de la France et dans la rubrique « conseils aux voyageurs », j’ai découvert la fiche concernant mon pays. Franchement, après lecture, je me suis demandé si quelqu’un pouvait avoir envie de découvrir le Cameroun après l’avoir lue. le texte, bien que conforme aux standards en la matière recèle néanmoins quelques singularités qui font que je m’interroge sérieusement, sur l’opinion que les français se font à propos de mon pays.

En matière de sécurité, les recommandations commencent par un lénifiant « Le Cameroun est un État de droit », bien vite tempéré par la suite : « Si une infraction a été commise, il convient de demander aux membres de la police un exemplaire des actes de procédure. Les gendarmes (militaires coiffés d’un béret rouge), à la différence des policiers, ne sont pas habilités à percevoir des amendes ou consignations ». On voit que celui qui a écrit ce texte n’a jamais eu affaire aux « hommes en tenue » camerounais : tout le monde paie, donc tout le monde encaisse, et ne demandez pas de reçu svp !
Ce paragraphe sécuritaire tout en mettant en garde contre les coupeurs de route du Nord du pays demande de se méfier des automobilistes locaux si « imprévisibles » et recommande le port de la ceinture de sécurité, ce qui ma foi devrait aller de soi dans un « pays de droit ».
Je pense que notre Ministre des transports a dû lire ces recommandations lorsqu’il a signé il y a quelques mois un éphémère arrêté visant à interdire les voyages de nuit qui sont « à proscrire » selon les conseils donnés aux cousins Gaulois.
Les précautions recommandées aux français en séjour au Cameroun sont aussi hilarantes (de mon point de vue) les unes que les autres :

« Se déplacer en convoi de jour et éviter de rouler la nuit » Purée! De quel pays on parle?
« Éviter d’exhiber tout article de valeur ou de nature à attirer la convoitise (sac à main, cellulaire, montre, bijoux, appareil photo…) ». Et moi qui traîne un Samsung Galaxy écran tactile clavier incorporé quadri bande de jour comme de nuit…
« Éviter d’emprunter des taxis à partir de la tombée de la nuit, surtout si vous êtes seul ». Là par contre, il ne faut pas être expatrié pour appliquer cette règle.
« Garder les vitres du véhicule relevées et fermer les portes de l’intérieur ». J’ajouterai : Prévoir  air conditionné, à moins de vouloir cuire dans son jus.
On nage dans l’absurde avec « Ne jamais tenter de résister aux ordres des agresseurs. » Mamamia ! Il y en a qui raisonnent des agresseurs en ce bas monde ?!!
Et ça continue : « Se montrer attentif, sur les pistes ou les routes, à toute interruption anormale du trafic en sens inverse (ce qui pourrait être le signe d’une attaque de véhicule en amont) ». Ou d’un vulgaire accident ! Je croyais que les chauffeurs camerounais étaient « imprévisibles » ?
« Veiller à fermer les accès à votre domicile en toutes circonstances ». A se demander si en France on les laisse ouverts…
En matière de transports, j’apprends que l’axe « lourd » Douala-Yaoundé est « réputé pour être l’un des plus meurtriers du monde ». Mais j’ai tiqué devant le service ferroviaire « correct ».  Enfin, jusqu’à ce que je me souvienne que CAMRAIL=capitaux français…
Les amis français n’oublient pas de souligner le caractère homophobe de note pays « L’homosexualité est réprimée par la loi (article 347 bis du code pénal) », notre malhonnêteté notoire en affaires, notre conception ambiguë du mariage interrracial « Des réseaux facilitent les mariages de convenance dans le seul but de contourner la réglementation sur les visas »; et soulignent même le caractère peu sûr de la Poste locale, mais ça, ai-je envie de dire, on le savait déjà.
Bon, j’arrête là les frais. il amusant de se dire que les mêmes propos consignés dans un livre écrit par un camerounais auraient inévitablement suscité l’ire des défenseurs de l’image de marque du Cameroun, vous savez, ces gens qui contribuent au pourissement de notre pays, mais, qui sont tout autant les ardents défenseurs de son image. Pour une fois, il ne s’agit pas des « élucubrations » d’une « ong obscure », ni d’ « apprentis-sorciers tapis dans l’ombre » ni de la « nébuleuse antipatriote »  connue sous le nom de diaspora. Il s’agit du très officiel « ami de longue date ». Les concernés apprécieront.

 

cliquez ici pour découvrir le texte complet de la fiche-pays sur le site du Ministère des affaires Etrangères.
Si vous êtes détenteur d’un téléphone sous Android vous pouvez télécharger l’application « Conseils aux voyageurs » et découvrir la fiche de votre pays, l’expérience peut se révéler enrichissante…


Wikileaks mène le bal, les camerounais dansent

Je suis de ceux qui pensent que la politique n’a rien de véritablement sorcier. Mêmes ingrédients et mêmes acteurs que dans la vie.  Des hommes, habités des mêmes sentiments que le commun des mortels : ambition, cupidité, corruption, envie, sauf que tous ces sentiments se retrouvent mis en relation avec le destin d’une nation.

Les câbles de Wikileaks qui pleuvent ces jours-ci et mettent en relief un Cameroun hélas trop souvent en retrait de la scène internationale sont là pour le démontrer. Petites phrases de hauts commis de l’Etat, fatalisme voire apathie du Roi Lion, coups bas dans les antichambres du pouvoir. Résultat, on ne parle plus que de ça.

Même en admettant le fait que Wikileaks soit un instrument piloté à distance, la réception que les camerounais font à la publication de ces « révélations » lui donnent toute la légitimité qu’on veut lui retirer.

Mes amis les théoriciens du complot, ceux qui voient dans chaque phrase concernant le Cameroun l’œuvre de déstabilisateurs (les fameux apprentis-sorciers) cachés dans l’ombre, ont eu du grain à moudre avec toute cette actualité. On entend dans les rues de Yaoundé la même question : « Pourquoi maintenant ? ». Pourtant, Wikileaks d’après ce qu’on sait de son fonctionnement a toujours livré une information coïncidant « curieusement » avec l’actualité internationale. C’est la recette du site : créer le buzz. Du moment où on n’était pas dans sa ligne de mire…

En ce qui concerne le pays de Samuel Eto’o, le blondinet Assange a plutôt réussi son coup. La plupart des journaux camerounais n’ont pas eu à chercher loin leurs sujets de une cette semaine. Wikileaks par-ci, Wikileaks par là…Révélations fracassantes par-ci, mises au point acerbes par là. Souvenez-vous, dans un billet passé je relevais le fait que les sujets traités dans la presse locale, si elle représentait véritablement un contrepouvoir, provoqueraient un Watergate tous les ans et une dizaine de Clearstream par mois. Or, avec cette affaire, tout se passe comme si nos journalistes si souvent enclins à mener des campagnes de presse contre x ou y politicien qu’ils accusent « preuves à l’appui » de toutes les manigances, sont subitement surpris de retrouver leurs papiers « confirmés » par le célèbre site. Même l’opposition étrangement silencieuse à moins de deux mois d’une présidentielle se fend en déclarations et tribunes incendiaires dans la presse.

Il est bien légitime de crier à une tentative de déstabilisation du pouvoir camerounais en ces temps sensibles. Mais ceux qui crient au complot, consciemment ou non font le jeu de « l’impérialisme occidental ». Le fait est que tout ce qui est estampillé du label made in Cameroun est fortement déprécié en ce moment au pays. Savoir-faire, savoir-être, savoir-dire et même savoir-informer.

Heureusement, comme l’a chanté l’ivoirien Tiken Jah Fakoly, on a tout compris. On le supputait, mais maintenant on a compris.

On a compris que notre « Sphinx » n’était pas si silencieux que ça, il choisit juste ceux à qui il parle et la plupart du temps, ils n’ont rien de camerounais.

On a compris que la majorité de la presse locale se satisfait de bruits de couloirs et de papiers livrés « clés en main », attendant un câble qui les mettra sur le cul, incapables de réaliser que non moins que Wikileaks vient de leur donner « raison ».

On a compris que pour savoir ce qui se passe dans les hautes sphères de ce pays, il fallait lire les journaux camerounais, mais qu’avant de les croire, il fallait attendre confirmation de l’étranger.

On a compris que notre opposition… Bon, je préfère ne rien dire à ce sujet.

Mais par-dessus tout, on a compris pourquoi hurler « Paul Biya must go » n’aura jamais d’effet : tant que ce sera dit en anglais de Bamenda, cette phrase sera nulle d’effet, en attendant le jour où elle sera dite en anglais version Obama…

 

 


Wikileaks mène le bal, les camerounais dansent

Je suis de ceux qui pensent que la politique n’a rien de véritablement sorcier. Mêmes ingrédients et mêmes acteurs que dans la vie.  Des hommes, habités des mêmes sentiments que le commun des mortels : ambition, cupidité, corruption, envie, sauf que tous ces sentiments se retrouvent mis en relation avec le destin d’une nation.

Les câbles de Wikileaks qui pleuvent ces jours-ci et mettent en relief un Cameroun hélas trop souvent en retrait de la scène internationale sont là pour le démontrer. Petites phrases de hauts commis de l’Etat, fatalisme voire apathie du Roi Lion, coups bas dans les antichambres du pouvoir. Résultat, on ne parle plus que de ça.

Même en admettant le fait que Wikileaks soit un instrument piloté à distance, la réception que les camerounais font à la publication de ces « révélations » lui donnent toute la légitimité qu’on veut lui retirer.

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Tout va mal « Au Cameroun de Paul Biya », mais ne le dites pas

Il y a quelques jours, je lisais avec délectation  le livre polémique de Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya. Vous savez, ce livre qui fait tant parler de lui chez nous parce qu’il dépeint un pays où tout va de travers avec la bénédiction du monarque local et de ses affidés. L’introduction à elle seule donne le ton du livre :

 

Pourtant le Cameroun est bien un pays où il peut se passer deux ans sans que le président de la République préside le conseil des ministres ; où le patron de la police peut faire emprisonner des innocents pour couvrir les coupables d’un meurtre […] où l’on peut louer, pour une somme dérisoire, l’arme d’un policier ; où l’on met deux jours à retrouver la carcasse d’un Boeing 737-800 qui s’est écrasé, avec ses 114 occupants, trente secondes après son décollage ; où moins de trois mois avant une élection présidentielle, personne ne sait à quelle date le scrutin aura lieu et aucune des deux grandes formations politiques n’a de candidat déclaré…

Vous l’aurez compris, la journaliste française n’y va pas avec le dos de la cuiller. Comme on dit par ici, elle ne donne pas le lait.

Laissons à d’autres le soin de faire le procès de ce livre. Relevons juste le fait suivant : qu’on le veuille ou non, Fanny Pigeaud dépeint une réalité que nous vivons tous les jours. Gabégie, trafic d’influence, corruption, le tout dans un contexte général de pauvreté à la limite du supportable. Le drame dans l’histoire de ce pays est que l’anormal est tellement passé dans les us locaux qu’il ne saute plus aux yeux. Je vous donne un exemple.

Chaque matin, je passe devant l’hôpital d’Efoulan. Une structure de santé étatique. Il ya quelques mois, les populations locales, revêtues de leurs plus beaux atours (aux couleurs du parti au pouvoir) ont célébré la construction et la mise en service d’un bâtiment « moderne » extension des vieilles installations. Le bâtiment comporte une maternité, des salles d’hospitalisation et des appareils dernier cri. Là s’arrête le progrès.

Pour le reste, on tombe on tombe dans les camerounaiseries :

Le nouveau bâtiment a été construit en dehors de l’enceinte originelle… de l’autre côté de la chaussée ! Cela donne un centre hospitalier coupé par la route (je parie que c’est une exception camerounaise). Le malade arrive, achète son billet de session dans l’ancien bâtiment et va se faire consulter dans le nouveau, enfin, s’il survit à la traversée de la chaussée et aux automobilistes yaoundéens qui ne sont pas connus pour leur sens de la priorité. J’aimerais que vous viviez une fois dans votre vie le spectacle hallucinant d’une femme en travail transportée sur une civière par des infirmiers qui zigzaguent dangereusement entre les véhicules lancés à plein pot.

Le bâtiment comporte quatre niveaux. Les concepteurs dans leur bienheureuse omniscience ont même installé les salles d’hospitalisation dans les étages. Seulement, ils ont oublié de prévoir un ascenseur. Alors, malade, mourant ou impotent, peu importe : le trajet se fait par le billet d’un escalier étriqué. L’ascension du Mt Cameroun en somme.

L’incongruité majeure de cette construction est sans doute le fait qu’elle ne soit pas alimentée en eau courante. Je ne plaisante pas. Le quartier souffre d’une grave pénurie depuis des années et l’hôpital en fait les frais : les robinets des nouveaux bâtiments sont presque toujours secs. Une société privée distribue certes de l’eau plus ou moins potable très tôt le matin, mais passé midi, les réserves sont généralement à sec. Alors, on fait sans. Tous les services nécessitant l’utilisation du précieux liquide s’arrêtent. Plus de pansements (vu que les instruments souillés ne peuvent plus être stérilisés, plus de toilettes, à moins que les odeurs ne vous effraient pas. Les accouchées sont généralement renvoyées chez elles dans les heures qui suivent leur accouchement, pour des raisons évidentes. Les foreuses de la société chinoise sensée réaliser un forage dans la cour se sont cassées les dents et on n’en a plus entendu parler- même pour réaliser un malheureux forage, on a besoin des chinois …

Vous n’avez sûrement jamais été dans une salle d’hospitalisation, à contempler les fesses poilues d’un malade qui se torche le cul après s’être soulagé dans un seau fermé et dissimulé sous son lit. Ça ne prête aucunement à rire, surtout lorsque sur le mur une affiche indique en gros caractères : BOUTONS LE CHOLERA HORS DE NOTRE PAYS !

Tout ceci est vérifiable, et hélas vrai. Pas besoin de crier au complot impérialiste, aux manœuvres déstabilisatrices et autres théories du complot imaginaires qu’on nous sert à longueur de journée pour justifier l’inertie et la gestion calamiteuse de notre pays.

Ça se passe ici, sous nos yeux, au Cameroun de Paul Biya, notre Cameroun.

Peace mes frères !

 


Tout va mal « Au Cameroun de Paul Biya », mais ne le répétez pas

 

Il y a quelques jours, je lisais avec délectation  le livre polémique de Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya. Vous savez, ce livre qui fait tant parler de lui chez nous parce qu’il dépeint un pays où tout va de travers avec la bénédiction du monarque local et de ses affidés. L’introduction à elle seule donne le ton du livre. Lire la suite…


Les camerounaises et moi: une histoire d’amour

Semaine de ouf ! Il n’y a pas que Kadhafi à avoir des ennuis. Deux de mes amis sont au bord de la dépression : le premier a appris que sa copine venait de se marier à son insu (et pas avec lui, évidemment…), le second a constaté la disparition de la sienne qui, après neuf ans de vie commune et de promesses a purement et simplement pris un aller simple vers la Suisse sans laisser d’adresse. Les deux mougous (comprenez cons) souffrent et agacent nos oreilles et nos soirées avec leurs jérémiades sur la complexité du genre féminin. Les pauvres… ce n’est que maintenant qu’ils la découvrent…

Il n y a pas matière à vantardise, mais je crois que je peux me proclamer roi des largages. Oui. Je peux déclarer que les femmes que j’ai rencontrées à toutes les étapes de  mon existence ont pris un malin plaisir à me jeter. Je ne me souviens pas de toutes ces ruptures, parce que le temps passant, j’ai pris l’habitude d’entendre, « je ne veux plus », « c’est fini », « on arrête tout », « stop ! »- les lectures de celle là devaient se limiter aux panneaux de signalisation… Donc, je me suis endurci. Mais il y a une fois, que je n’oublierai jamais, la première fois. Vous allez comprendre pourquoi.

En 1994, j’étais un ado boutonneux qui cherchait avec désespoir comment divorcer d’avec son pucelage. Je cherchais une copine, une fille avec qui partager l’extase dont l’avant-goût m’avait été communiqué par les plaisirs solitaires et savonneux. Je ne sais plus comment je fis, mais voilà qu’une de mes voisines, une lycéenne peu farouche décide de m’ouvrir son cœur et autre chose. A l’époque, je me gavais de ces torchons à l’eau de rose qui paraissaient dans la série Harlequin et que je prenais pour le summum de la littérature. J’en conservais une tonne sous mon matelas. L’un d’eux avait marqué mon esprit.  Il s’intitulait « L’inconnu du lac Léman ». L’histoire invraisemblable d’une fille qui tombait amoureuse d’un type qu’elle rencontrait au bord du Lac Léman et avec qui elle partageait une pomme, tout un programme. Pour mon premier rencart, je décidai donc de reproduire autant que possible ce scénario pour mettre ma partenaire dans les conditions de partage. Vous comprenez hein ?

Je n’avais pas de lac Léman, alors je l’ai supprimé. Rendu au centre commercial, j’acquis une précieuse pomme qu’on disait de France alors qu’on les cultivait près de Dschang. Achat qui me coûta une semaine d’argent de poche, mais bon, c’était pour la bonne cause. De retour chez moi, j’attache la pomme grâce à du fil à un des petits arbres que mon père faisait grandir dans la cour. Une natte, des boissons rafraichissantes (en réalité du jus de gingembre piqué dans le frigo) et j’attends la nuit. Ben oui, j’avais fixé le rencart la nuit et j’étais assez heureux de pouvoir bénéficier d’un bonus auquel je n’avais pas pensé : le clair de lune, l’amie des amoureux. A l’heure convenue, la fille arrive, moulée dans une jupette qui provoque des picotements dans le creux de mes mains. J’installe tout mon attirail exactement sous l’arbre où ma pomme est attachée. Nous passons de longues minutes à causer de tout et de rien. Je lui propose une boisson, qu’elle refuse. Je lui dis que sûrement elle adorerait croquer quelque chose. Je ne la laisse pas répondre que déjà je suis debout. Ma main se perd dans le feuillage bas de l’arbre et ramène la pomme que je tends à ma promise, un genou en terre avec un sourire digne de Roméo : Pour toi ma chérie.

Euh. Je dois avouer qu’à partir de ce moment tout est allé de travers. D’abord, la pomme était fripée. Normal, je l’avais accrochée dans l’arbre en milieu d’après midi et elle avait dégusté une bonne tasse de soleil. Ensuite, le fil avec lequel je l’avais fixée refusant de céder, j’avais tiré dessus et une partie s’était incrustée dans le fruit, le coupant presque en deux. Mais je crois que le fait majeur de cette soirée fut qu’en accrochant la pomme à l’arbre, je ne m’étais pas trop intéressé au fait que ce dernier ne fut pas un pommier, mais plutôt un jeune goyavier que j’avais choisi à cause de sa taille.

Dès ce moment la fille sembla se rendre compte que l’endroit était infesté de moustiques, qu’elle avait des devoirs à faire, qu’il était tard, bref après un sournois « bye ! » qui sonnait comme un adieu, elle s’enfuit, me laissant effondré. Le lendemain la moitié du lycée savait que j’avais l’esprit tordu, quant à elle, je ne la revis que dans mes rêves mouillés.

Il y a une chose qui n’est pas contrefaite chez les chinois, leurs proverbes. L’un d’eux dit : quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. Sérieux, ce jour-là j’ai conclu que mes compatriotes de sexe féminin manquaient d’imagination. Des années après elles n’ont pas beaucoup changé, elles ne comprennent rien à la symbolique de l’amour :

Tu invites une camerounaise admirer un clair de lune, elle te dit : « qu’est ce qu’on fout là ? Tu n’as pas de maison ? Pardon ! il y a des voleurs dans mon quartier-ci ».

Tu lui offres des fleurs elle te regarde et te sort : « je dis hein ? C’est la malchance ? »

Tu lui propose de marcher pour admirer la ville joliment décorée par les jardins de Tsimi Evouna : « yeuch ! Le gars-ci n’a pas d’argent pour le taxi ».

Même lorsqu’elles font ouvertement profession d’objets sexuels, elles semblent infectées par le même virus. « Tu fais quoi avec mon prénom ? Je t’ai dit le prix non ? ».

Il existe sûrement des exceptions hein ? Mais, allez savoir pourquoi je ne tombe jamais dessus.

Je ne sais même pas pourquoi je vous raconte tout ça. Ah ! Si ! Le week-end dernier je me suis encore fait jeter.

Peace mes frères et mes sœurs.

 


Les Camerounaises et moi: une histoire d’amour

Semaine de ouf ! Il n’y a pas que Kadhafi à avoir des ennuis. Deux de mes amis sont au bord de la dépression : le premier a appris que sa copine venait de se marier à son insu (et pas avec lui, évidemment…), le second a constaté la disparition de la sienne qui, après neuf ans de vie commune et de promesses a purement et simplement pris un aller simple vers la Suisse sans laisser d’adresse. Les deux mougous (comprenez cons) souffrent et agacent nos oreilles et nos soirées avec leurs jérémiades sur la complexité du genre féminin. Les pauvres… ce n’est que maintenant qu’ils la découvrent… Lire la suite…


Qui sont ces Camerounais qui demain brûleront leur pays?

Les camerounais ont d’excellentes métaphores pour traduire les situations de l’existence. J’ai découvert l’une d’elle il y a peu. Pour noter le fait qu’une jeune fille a grandi, ils disent : « lorsqu’elle baisse son caleçon, ce n’est plus uniquement pour pisser ». Entendez, elle fait déjà les choses des grandes personnes. N’ergotons pas sur le goût délicieusement camerounais de la phrase, ce n’est pas notre sujet. Dans les années 90, alors que je baissais mon caleçon uniquement pour faire pipi, j’ai assisté  avec effroi aux violences des « années de braise », ces années qui ont précédé et suivi l’introduction de la démocratie chez nous. Lire la suite…


Qui sont ces camerounais qui brûleront le Cameroun demain ?

Les camerounais ont d’excellentes métaphores pour traduire les situations de l’existence. J’ai découvert l’une d’elle il y a peu. Pour noter le fait qu’une jeune fille a grandi, ils disent : « lorsqu’elle baisse son caleçon, ce n’est plus uniquement pour pisser ». Entendez, elle fait déjà les choses des grandes personnes. N’ergotons pas sur le goût délicieusement camerounais de la phrase, ce n’est pas notre sujet.

Dans les années 90, alors que je baissais mon caleçon uniquement pour faire pipi, j’ai assisté  avec effroi aux violences des « années de braise », ces années qui ont précédé et suivi l’introduction de la démocratie chez nous. Un enfantement dans la douleur au cours duquel les tenants du pouvoir ont transformé une revendication nationale en massacre aux relents tribalistes. Ce fut la chasse aux Bamilékés, les « Envahisseurs », dont beaucoup ont perdu la vie en même temps que d’autres camerounais innocents.

En février 2008, des années plus tard et alors que je savais baisser mon caleçon pour autre chose que le pipi, j’ai assisté aux émeutes dites de la faim. Des camerounais sont descendus dans la rue pour crier leur ras-le-bol face à une conjoncture et un système dont l’unique but semble (notez l’usage du présent) de les maintenir dans une précarité abrutissante. Massacre une fois de plus et encore des appels à la haine tribaliste.
« Barrez la route aux envahisseurs », « Ils cassent chez vous tandis que le chez eux est en paix », « c’est notre Yaoundé et non le leur » etc. Des appels à la haine parfois relayés par les médias d’Etat.

Je ne voudrais pas justifier les troubles à l’ordre public ou les émeutes de quelque nature, mais plutôt m’interroger sur l’identité de ces « mauvais » camerounais qui n’hésitent pas à s’engouffrer dans la brèche provoquée par le moindre trouble.
J’ai retenu deux profils que je trouve assez représentatifs du genre.

Le conducteur de mototaxi
Peu présent il y a quelques années il est presque devenu un emblème de notre pays (merci aux chinois et à leurs motos diaboliques). Le conducteur de mototaxi est généralement jeune, analphabète ou tout au moins illettré, fin observateur de la société à cause des longues heures passées sous le soleil implacable de nos capitales. Il transporte le petit peuple, les pauvres qui n’hésitent pas à lui confier leur problèmes dans l’oreille tandis qu’il zigzague entre les nids de poule qui justifient sa fonction. Il sait tout de l’injustice et de l’ingratitude de ce pays. Sa moto lui appartient rarement. Bénévole à ses heures, il poursuit à ses frais des gangsters ou des voleurs qu’il passe à tabac et rôtit sans autre forme de procès. Le seul tribut que ce pays lui paye est la création de pavillons à lui dédiés dans les grands hôpitaux. Un jour ou l’autre, il devra aller s’y faire couper une jambe en guise de retraite. Son espérance de vie est courte, mais en attendant de finir sous un camion, il roule, fou de vitesse, dans le vent qui lui a enseigné le goût enivrant de la liberté.

L’étudiant
On le dit savant, intellectuel, mais il n’est en réalité qu’un opportuniste, un poisson qui essaye de trouver un courant dans lequel s’insérer. Dans un pays aussi peu industrialisé, il est une denrée fabriquée à la chaîne pour un marché pratiquement inexistant Ses études constituent en réalité son métier. En l’absence de bourse, il dépend d’un FMI constitué de ses parents plus ou moins proches qu’il contribue à appauvrir en attendant une hypothétique sortie de crise. Ses rêves sont faits d’entrée dans une grande école, de recrutement dans la fonction publique et d’admission dans une université étrangère. Il est détesté par la flicaille qui n’hésite pas à investir les campus prétendument inviolables dès la moindre incartade. Il est expert en tuyaux. Lors des fêtes, il s’invite, lors des élections il se laisse acheter, lors des défilés, il défile (évidemment…). Il sait que dans la plupart des cas, ses études ne lui serviront à rien, sinon, à enseigner comme vacataire dans un établissement clandestin ou à faire des discours savants aux paysans de son village entre deux verres de matango. Il s’adonne aussi parfois au meurtre, en rôtissant des voleurs qui essayent de casser la porte de sa chambrette – ô misérables voleurs camerounais! Vous ignorez la pitié ?

Ces deux groupes ont en commun la jeunesse. Une jeunesse frustrée, qui voit les chances de réaliser ses rêves s’étioler au fil du temps. Une jeunesse qui réclame sa part d’un gâteau qu’elle voit défiler devant ses yeux sans pouvoir y toucher ; obligée de se contenter des relents délicieux qui viendront hanter ses nuits. Les émeutes de février 2008, malgré la propagande et la récupération autour, n’étaient pas une affaire de Bamilékés, de Bassa’a de Beti de « Nordistes » ou de partis politiques. Il s’est agit du cri de cœur d’un peuple tourné en dérision par des gens qui ont contribué à en faire ce qu’il est. Durant ces émeutes on n’a pas vu d’enseignants, ni de médecins, ni de travailleurs sociaux d’aucune sorte. On n’a vu que ces jeunes armés uniquement de leur envie.

Aujourd’hui, autant -sinon plus- qu’en 2008, les mêmes problèmes sont là : chômage, sous-emploi, exploitation, vie chère. Les tentatives de solution apportées portent hélas l’empreinte de la corruption, du népotisme et du favoritisme qui tirent ce pays vers le bas. Les mêmes causes produisant les mêmes effets on criera au loup lorsque les rues de nos villes s’embraseront une fois de plus.
Quelqu’un a dit que nous autres jeunes étions le fer de lance de cette Nation. Belle rhétorique. Pourquoi s’étonner lorsque le fer décide de piquer le flanc d’une Nation qui l’affame ?

Sachez que dans la bouche d’un homme jeune, la quête de liberté à le même goût que la kola : amer au début, mais étonnamment doux lorsqu’on a résisté à la tentation de la recracher.

Peace mes frères.


Lettre d’un blédard à la diaspora camerounaise

Chers tontons et tantines,

Je viens de lire un article assez bizarre mais hélas d’actualité. C’est à propos de vous. Vous qui êtes partis en détail sous des cieux étrangers, formez à ce qui se dit un troupeau péjorativement nommé la diaspora camerounaise. Encore un concept récupéré comme il y en a des tonnes dans l’univers camerounais. On dit au camerounais lambda que vous êtes l’ensemble des camerounais de l’étranger qui au lieu de s’occuper de leurs problèmes somme toute nombreux outre-mer, passent leur temps à vouloir déstabiliser un pays dont ils se réclament souvent à tort. Les mots ne sont de moi hein ? Je suis juste le messager, ne me tuez pas.

C’est dur mais que voulez vous ? Dans les années antérieures l’expatrié camerounais était un gentil tonton ou une tata qui faisait partie de la légende mais dont l’existence se matérialisait sous la forme de vêtements, de gadgets « des blancs » et autres mandats qu’il envoyait de temps à autre à La Famille. Et puis quelqu’un a eu l’idée de démocratiser Internet, un autre petit malin a créé Facebook et paf ! On a eu la diaspora à nos portes.

Au départ, tous les petits frères étaient heureux hein ? Heureux de pouvoir enfin expliquer leurs problèmes ô combien nombreux, aux tontons sans passer par l’épreuve ruineuse du téléphone où il faut dire l’essentiel pour ne pas se retrouver pris en otage par un call-boxeur.

A force de causer, on s’est rendu compte que les tontons avaient leurs centres d’intérêt qui ne cadraient pas forcément avec les nôtres. La conversation du blédard se résumait à :

La grand-mère est malade : money !

Le père a cassé sa pipe : money !

Mon téléphone est tombé dans les WC : money !

Ma pension scolaire n’est pas payée : money !

Je suis au chômage : money !

Je vais me marier : money !

Je fête mon anniversaire : money !

J’ai été reçu au baccalauréat : money !

Bonnes ou mauvaises, toutes les nouvelles venant du pays ont un et même dénominateur commun : l’argent, des euros de préférence -bien avant la crise on s’est vite rendu compte que le dollar n’était pas une valeur sûre par ici…

Curieusement, grandes sœurs et tontons de Mbeng, vous sembliez déconnectés. Voici votre champ lexical :

La météo : le soleil de Yaoundé est toujours aussi brûlant ?

L’amour : les filles de Douala sont toujours aussi belles ?

La culture : j’ai téléchargé le dernier Lady Ponce, elle cartonne au pays ?

La gastronomie : l’okok de maman me manque grave !

L’espoir : Paris n’est pas comme vous croyez là hein ? C’est dur dèh !

Encore la météo : Purée ! il fait froid par ici ! Dis ! tu as déjà vu de la neige en vrai ?

La technologie : je dis hein ? tu as déjà pris le métro de ta vie ?

Et enfin le sujet phare, la politique : Paul Biya est encore au pouvoir ? Vraiment ! Le type là a gâté le pays.

On en a conclu par ici que si notre dénominateur commun à nous était l’argent le vôtre était sans aucun doute l’ennui.

Bien entendu ça été la désillusion.

On a été surpris au pays hein ? Vraiment surpris de constater que nos tontons qui autrefois étaient comme nous, c’est-à-dire des gens qui ne pensaient qu’en termes de boire et de manger, sont tous devenus des révolutionnaires. C’est vrai qu’on a aussi constaté que vos partis sont surtout des groupes créés sur facebook et les programmes politiques de longs spams ô combien énervants.

Certains vieux tontons du pays, vous savez, ceux-là qu’on ne voit jamais qu’à la télé et dont on imagine les profils derrière les vitres fumées de leurs grosses cylindrées ont décidé de vous décrédibiliser parce que ici la politique est un plat qui se mange seul. Ils ont commencé à nous faire voir nos tontons et tantines sous un autre jour.

On a par exemple appris que beaucoup d’entre vous usurpent le statut de réfugiés politiques alors que personne ne vous a chassés. Moi je dis que la faim fait fuir mieux que n’importe quel régime dictatorial.

Il se dit aussi que pour la plupart vous n’envisagez pas de rentrer malgré tous vos discours sur le changement. A cela quelqu’un m’a chargé d’un message pour vous : « svp ne rentrez pas, les euros ne sont bons qu’à distance, et en décembre de préférence ».

Quelqu’un m’a aussi dit de vous demander ce que vous faisiez vraiment là bas. C’est à cause de l’affaire du recrutement des vingt cinq mille fonctionnaires là. Les méchants tontons nous ont dit à une période, qu’il subissait des retards parce qu’on attendait vos dossiers de candidature. Wèèèè ! Vous n’avez pas pitié ?

Malgré les mauvaises intentions qu’ils vous prêtent, à savoir que vous nous envoyez dans la rue faire le mauvais travail à votre place etc, nous, on  est confiants, à cause de vos si bons euros.

Non, on ne les bouffe pas avec parcimonie. Ça date de la période où on a compris que parcimonie n’était pas un prénom féminin. Il n’y a qu’à voir nos rues, les hôpitaux, sont bondés parce que rares. Les écoles sont surpeuplées parce qu’étroites mais curieusement il y a des bars, oui des bars, partout. On a même une rue, une rue entière, méchamment baptisée « Axe du Mal »,  qui possède j’en suis sûr la plus grande concentration de bars au monde et qui grouille de monde tous les soirs peu importe le temps. Des grappes entières de jeunes gens qui parés de fripes, et armés de téléphones d’occasion  -preuves de votre amour indéfectible- paradent, ivres de bière et de pauvreté, spirituelle celle-là.

Malgré tout, je suis heureux de savoir que nous irons tous voter en octobre. J’espère que vous saurez alors faire les bons choix. J’espère que vous comprendrez que l’heure est vraiment au changement et que le vrai mal de ce pays ce sont ces camerounais, qui n’ont pas compris que ce n’est pas la terre qui donne une valeur quelconque à la nationalité, mais plutôt chacun d’entre nous qui par ses actes contribue à construire l’image de ce pays, dans les deux sens.

Affectueusement,

Florian Ngimbis, le neveu qui aime trop le kongossa.

P.S.  j’ai appris que certains d’entre vous hésitent à réserver leurs billets en vue des fêtes de fin d’année au bled,  pour ne pas se retrouver coincés dans leurs hôtels transformés en refuges façon Golfe Hôtel. De grâce, venez ! Vu qu’on est tous camerounais, c’est pour le meilleur et le pire non ?

 


Lettre d’un blédard à la diaspora camerounaise

Chers tontons et tantines, Je viens de lire un article assez bizarre mais hélas d’actualité. C’est à propos de vous. Vous qui êtes partis en détail sous des cieux étrangers, formez à ce qui se dit un troupeau péjorativement nommé la diaspora camerounaise. Encore un concept récupéré comme il y en a des tonnes dans l’univers camerounais.  Lire la suite…