Mohamed SNEIBA

Pour un troisième mandat

« En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que les (individus qui le composent) ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes. Et lorqu’Allah veut infliger un mal à un peuple, nul ne peut le repousser et ils n’ont en dehors de Lui aucun protecteur. » (sourate Ar Ra’d verset 11)

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : AMI)
Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : AMI)

Je vous étonnerais peut-être en vous avouant que je suis pour un troisième mandat du président Mohamed Ould Abdel Aziz ! Et j’ai mes raisons. Certes différentes de celles qu’ont avancées trois de ses « ministrés ».

Je pense, moi, que si nous voulons que la Mauritanie change (en bien), il faut qu’elle soit encore confrontée avec plus de problèmes. Je choque peut-être. Je dis même des bêtises. Je passe pour un sadique qui jouit de la souffrance des autres. Je suis condamnable donc.

Nos vingt ans de souffrance avec Taya n’ont pas fini de nous transformer. On avait pourtant dit, au lendemain du changement du 03 août 2005, « plus jamais ça ». C’est-à-dire que nous n’accepterions plus de dictature, d’injustice, de dilapidation de nos ressources, de clientélisme, de règne de la médiocrité, de dosages tribalo-régionalistes, de menaces qui pèse sur notre unité nationale, d’immixtion de l’armée dans les affaires politiques. De « démogâchis ».  les anciens soutiens de Taya retournés contre lui, comme par miracle, avaient œuvré avec ses opposants pour mettre en place de nouvelles institutions censées nous garantir une démocratie qui, si elle n’était pas parfaite, se devait d’être « acceptable » à l’aune de ce qui se vit dans des pays comme le Sénégal et le Bénin. On était loin de penser que tout ce beau monde ne faisait qu’entrer dans un nouveau jeu, dans notre chère « bolletig » pour régénérer le Système.

La corruption de notre élite politique est à l’origine de nos problèmes depuis que les militaires ont pris goût au pouvoir un certain 10 juillet 1978. Leur complicité est évidente, même si les politiques tentent à chaque fois de rendre l’armée responsable d’une gestion économique dont l’instrument de planification et d’exécution se trouve être cette élite qui s’adapte à toutes les situations.

La corruption de l’élite politique a aussi resurgi sur le peuple qui ne comprend plus que le langage du pouvoir, du rapport de force. Tribus, régions, et personnalités qui comptent acceptent rarement le sacrifice pour l’intérêt général. Chacun évite d’être du « mauvais » côté (opposition). On entre même en compétition pour gagner sur tous les plans, être aux meilleures loges (nominations, marchés, privilèges, etc).

Dans un tel contexte, il faut que nos maux atteignent leur apogée pour que nous nous décidions à changer. Je dis souvent que le pauvre n’appréhendera la nécessité de s’opposer à un pouvoir qui le tue à petit feu que le jour où le riz, l’huile, la viande et le poisson seront hors de portée. Aujourd’hui, on est sur la « bonne » voie pour atteindre ce seuil critique mais il faudrait peut-être prolonger le règne du Roi Aziz pour que la nécessité de mettre un terme aux pouvoirs dictatoriaux se fasse sentir non pas chez l’opposition et une certaine élite mais au niveau du peuple. Non pas de façon circonstancielle mais pour toujours. Un troisième mandat est donc nécessaire pour arriver à cette « maturité » dans la réflexion conduisant à chasser un pouvoir par les urnes (comme les Sénégalais l’avaient fait pour Wade) ou, à défaut, par la rue, comme cela est arrivé en 2011 en Tunisie.

 

 


Si le cri vient de la montagne où fuir ?

Brahim Ould Daddah, ministre mauritanien de la Justice
Brahim Ould Daddah, ministre mauritanien de la Justice

Je sais que ce n’est pas moi ou un autre qui empêchera le président Aziz de faire un troisième ou un quatrième. Mieux, les mauritaniens ne lèveront même pas le petit doigt pour s’opposer à la volonté de celui qui a réaliser l’exploit de faire deux coups d’Etat en l’espace de deux ans ! Certes, on aura droit aux gesticulations d’une opposition pressée de goûter, elle aussi, aux délices du pouvoir mais ça s’arrêtera là. Noua n’aurons droit ni à un « printemps arabe » ni à un « harmattan africain ».
Ceci dit, il est inconcevable que le ministre de la Justice, un avocat de formation, vienne devant les députés et les incite, en termes très clairs, de demander au président Aziz de « forcer la porte » du troisième mandat. Le très zélé ministre des Affaires économiques et des finances a tenu le même propos quarante-huit heures plus tôt, au moins, mis la forme : « le camouflage ». Interpellé par un député de l’opposition, il avait précisé avoir dit que le peuple pourrait ne pas laisser partir un président qui a fait tant de réalisations ! Aux protestations de l’opposition, Ould Daddah (le ministre de la justice, pas le juste, l’opposant Ahmed), déclare : « Je suis un homme politique ». Entendez, « je dis ce que je veux pour plaire à mon maître. »
Il oublie, notre cher ministre de la Justice que le président de la République a juré de ne pas modifier les articles de la Constitution limitant son mandat ou de soutenir ceux (députés, ministres ou autres) qui œuvrent pour un projet si funeste. Alors ?


Bamako, Ouagadougou, Abidjan : du terrorisme à la terreur ?

Moctar Belmoctar, chef d'Aqmi (photo : google)
Moctar Belmoctar, chef d’Aqmi (photo : google)

L’attaque sur la plage de Grand Bassam fait au moins 16 morts. Elle a été revendiquée par Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) qui, de ce fait, signe un tiercé macabre avec trois attentats dans trois capitales ouest-africaines : Bamako (21 morts), Ouagadougou (30 personnes) et Grand Bassam, station balnéaire près d’Abidjan (16 morts). La stratégie des djihadistes est maintenant très claire : passer du terrorisme à la terreur. De la crainte qu’AQMI (ou Boko Haram) suscite chez les gouvernements visés à celle qui trouble la quiétude des populations dans ces pays. L’effet est là : certains d’avoir perdu la bataille militaire, les djihadistes veulent occuper le terrain médiatique. Un gain médiatique énorme qui permet à l’organisation terroriste de maintenir un semblant de vie par le nouveau règne de la terreur.

Avec l’échec de son idéologie de guerre « djihadiste », en Afghanistan, en Irak et en Algérie, à la fin des années 90, Al qaeda passe du terrorisme à la terreur alors que, historiquement, c’est la dernière qui a été conceptualisée, en politique, pour aboutir au premier.  La distinction qu’en donne Zeinab Abdelaziz est admirable.

« Car, du point de vue étymologique, le mot terreur, emprunté au latin classique terror, vers 1356, veut dire « effroi, épouvante » et par métonymie, « objet inspirant de l’effroi ». Il est employé pour le sentiment de peur intense, d’où terreur panique (1625), et pour l’objet qui l’inspire. Depuis 1789, le mot désigne l’ensemble de moyens de contrainte politique, maintenant les opposants dans l’état de contrainte. La Terreur est le nom donné au régime instauré en France entre juin 1793 et juillet 1794, pendant lequel des mesures d’exception furent en vigueur, obligeant les citoyens à obéir aux ordres du gouvernement révolutionnaire. Les quelques dérivés de Terreur datent de cette époque révolutionnaire. Terrorisme, emploi attesté depuis 1794 au sens de régime de terreur politique, parallèlement à terroriste, celui qui maintient ou opte pour ce régime.

Du point de vue historique, le terme de Terreur désigne tout régime politique ou mode de gouvernement basé sur cette grande peur, généralement entretenu par des mesures despotiques et par des violences. Viennent ensuite les variantes de Terreur rouge, pour un système véritable d’État, méthodique, qui prend l’habitude du sang. Et Terreur Blanche, pour désigner les journées qui firent régner les royalistes, en France, dans le Sud-Est, au printemps et en été 1795, contre les bonapartistes.

Tel qu’on vient de le voir, le mot Terreur et tous les dérivés qui en découlent, sont intimement liés à la politique.

Car « le Jihād en Islam, même dans le sens limité au combat ou guerre, prohibe de commencer l’attaque, précise de ne point porter atteinte aux vieillards et aux enfants, de ne combattre qu’avec les combattants en état de mener la lutte, de ne point démolir, saccager ou incendier. C’est un code d’honneur, de vraie Chevalerie, dans le profond sens du terme. Un code d’honneur qui précise : la réplique ne doit jamais dépasser le niveau de l’attaque ; le combat ne doit jamais être mené que dans l’optique de la défense : la défense de soi, de la patrie ou de la religion. »

 

 


Peuple de « zéhéros », le train Mauritanie déraille

Le train minéralier de la Snim réputé être le plus long du monde.
Le train minéralier de la Snim réputé être le plus long du monde.

La farce n’a que trop duré. Je parle de notre « démo-gâchis ». Je ne reviendrai pas sur l’Ere Taya parce que celle du président Aziz suffit largement pour illustrer le propos que je tiens. Certains me diront même que ce que nous vivons aujourd’hui n’est que le prolongement de nos déboires d’hier. Et ils ont raison. La « révolution » de 2005¹ n’a pas été une rupture et la « révolte » d’août 2008² encore moins. Il y a des choses qui refusent de mourir et d’autres qui n’acceptent pas de naître, comme disait l’autre. Le statu quo est le maître mot. Certains lui donnent, à tort, le nom de « crise » oubliant que celle-ci est un état passager. La nôtre est devenue notre normalité. Le dialogue que nous réclamons sera l’exception. Tout comme le redressement d’une économie exsangue, l’apaisement de la scène sociale et la séparation des pouvoirs qui est l’essence même de la démocratie.

Nous devons savoir que le jour où la politique (notre chère « bolletig ») ne peut plus nourrir son homme est proche. Avec ce régime, le cercle des privilégiés se rétrécit comme peau de chagrin. Et celui des mécontents s’élargit de jour en jour. Un système de vases communicants. Aziz est-il conscient que sa politique est en train de créer un nouveau profil : l’opposant dans la majorité qui est un peu le répondant de « l’opposant » (taupe) dans l’opposition ? Le premier peut être un « ministré », un homme d’affaires, un directeur ou chef de projet nostalgique du temps du « tbowdigh » (la bombance), comme dirait un griot de chez moi qui, après plusieurs années passées dans le camp de l’opposition, découvre subitement le faste factice de l’ère Taya.

La majorité d’Aziz a tendance de ne plus le servir parce qu’elle ne peut plus se servir. Au nom d’une soi-disant lutte contre la gabegie, la redistribution des biens usurpés ne profitent plus qu’à un cercle restreint. Les marchés de construction de routes, les nominations aux postes « juteux,  l’import-export, les devises, les passe-droits de toutes sortes» sont devenus la « chose » du premier cercle du pouvoir. Il faut être dedans ou dehors.

Ceux du « dedans » se livrent une guerre sans merci pour défendre leurs places. Demandez au ministre de l’Economie et des Finances, devenu une sorte de Premier ministre bis, comment il a fait pour « renverser » Ould Rayess. Regardons les agissements de ceux qui se réclament du ministre secrétaire général de la Présidence, Moulay Ould Mohamed Laghdaf, et les répliques « telluriques » du clan du Premier ministre Yahya Ould Hademine. Les titres de « docteur » et « d’ingénieur » se télescopent souvent dans cette lutte de positionnement dans le cercle du « dedans ».

Ceux du « dehors » ne sont pas en reste. C’est parce qu’il n’y a pas d’amitiés en politique qu’on peine à avoir une opposition. Nos partis politiques se confondent avec leurs chefs. APP, Tawassoul, RFD, UFP, Hatem, PLEJ, Al wiam, AJD/MR, et j’en passe. Résultat : nous avons des oppositions dont la « résistance » au pouvoir se décline en intérêts fluctuants. Quand les uns boycottent les élections, les autres y courent allégrement. Quand la CAP (coalition pour une alternance démocratique) dit oui au dialogue, en 2011, la COD (coordination pour une opposition démocratique) choisit le non. Le même scénario s’est répété il y a trois mois occasionnant un « froid » entre le RFD et le reste du FNDU³. Et quand ce dernier a marché pour montrer qu’il a toujours une capacité de mobilisation (et prouver sans doute que la « sortie » du RFD a peu d’incidence sur lui), le parti d’Ahmed Ould Daddah a répliqué en organisant un meeting monstre qui le fait revenir dans les enchères politiques. Les « oppositions » oublient ainsi qu’il y a un pouvoir en face d’elles. Elles font passer le futile avant l’utile. Les querelles du « dehors » amusent le « dedans » et lui donnent du répit. Il peut remettre à plus tard le dialogue, prolonger indéfiniment la vie d’un sénat dont certains élus siègent depuis 2007 ! Il peut créer et recréer des structures sans intérêt pour le peuple mais lui permettant, lui, d’accueillir, les nouveaux « arrivages ». Oui, on est en pleine ère de la médiocrité. Pour assurer le fonctionnement de son train, le président Aziz a le choix entre des pièces usées et celles « made in China ».

1. Coût d’état contre Taya mené par le colonel Aziz.

2. Coup d’état contre Sidi mené par le même Aziz devenu général.

3. Forum national pour la démocratie et l’unité.


«J’ai servi 63 ans ce pays qui me prive d’un passeport», récit d’un octogénaire

Djibril Zakaria Sall, Commissaire principal à la retraite (photo : cridem)
Djibril Zakaria Sall, Commissaire principal à la retraite (photo : cridem)

«On me prive de mon droit d’obtenir un passeport, après que j’ai servi mon pays pendant 63 ans, 9 mois et 23 jours», s’indigne un vieux de 77 ans, promotionnaire de deux anciens présidents mauritaniens, à savoir Mohamed Khouna Ould Heidalla et le colonel Mahmoud Ould Loli.

L’octogénaire, ou presqu’octogénaire, du nom de Jibril Zakaria Sall raconte d’abord, à Alakhbar, son vécu « paisible» dans son village à Haayré Mbar, situé à 30 kilomètres de Boghé, depuis sa retraite: « J’ai deux amis: mon chapelet et mon jardin que j’arrose tous les matins ».

Djibril Zakaria Sall rappelle d’ailleurs son habitude de raconter à ses enfants: « Combien j’ai servi ce pays ! J’ai eu à occuper plusieurs postes de responsabilité tant sur le plan sécuritaire que culturel».

Aussitôt, un sentiment de colère s’invite dans les souvenirs de l’octogénaire : « J’ai jamais pensé qu’un jour ce pays, que j’ai tant servi, me privera d’un passeport pour passer quelques jours chez mon fils aux Etats-Unis»

Le calvaire du vieux Djibril commence en décembre dernier, après que le centre d’état civil de Sebkha (Nouakchott) a rejeté sa demande d’obtenir un passeport.

“Je leur ai présenté les papiers (d’enrôlement à l’état civil biométrique) de mes sept enfants qui vivent en Mauritanie en plus des papiers d’enrôlement d’un petit frère.

Mais ils (état civil) exigent encore les papiers de mes quatre autres enfants qui vivent à l’extérieur. Ces derniers ont dépassé la quarantaine et s’occupent plutôt de leur vie. Je ne sais pas s’ils se sont fait enrôler»

Et le vieux Djibril de s’étonner : «Comment peut-on exiger à un père de prouver sa nationalité à travers les documents de ses enfants et non le contraire ! »

L’octogénaire va toutefois accepter de signer, sur demande de l’état civil, un engagement de présenter, dans l’avenir, les papiers d’enrôlement de ses enfants vivant à l’étranger. «Mais mon engagement n’a pas empêché un second rejet de ma demande, le 26 février dernier ».

Jibril Zakaria Sall dit n’avoir pas une explication de ce qui lui est arrivé, mais promet: « Je ne permettrais à personne de douter de ma mauritaniété. Je suis plutôt un modèle à copier dans ce pays. C’est ceux qui m’ont empêché d’avoir mon passeport qui doivent douter de leur mauritaniété»

Je suis né à Rosso, le 23 avril 1939. Mon bulletin de naissance c’est le numéro 11 de l’année 1939.

Tout le monde me connait dans ce pays. Je suis le promotionnaire du président Mohamed Khouna Ould Haïdallah. Nous avons fait le collège Xavier Coppolani de Rosso. Et j’ai été dans la même classe que le colonel Mahmoud Ould Loli.

Je suis également écrivain et poète. Les étudiants de la Faculté des Lettres de l’Université de Nouakchott travaillent mes textes, depuis 2008.

J’ai représenté la Mauritanie à la CEDEAO pendant 12 ans comme directeur du Département des affaires sociales et culturelles.

J’ai était détaché au Ministère de la Culture de 1975 à 1977 pour le Festival des Arts Nègres.

J’ai signé moi-même des passeports en tant que directeur adjoint de la Sûreté.

J’ai été commissaire central de Nouakchott. J’ai été commissaire de police de Zoueirat, de Rosso, d’Atar et directeur régional de la Sûreté à Atar.

J’ai été chef de la brigade mobile d’Aioune en 1963. J’ai était directeur de la police judicaire et directeur de la Sécurité publique».

Face, aujourd’hui, à « l’injustice » dont il se dit subir, le vieux Jibril Zakaria Sall brandit cette arme: « Je vais rester chez-moi, comme j’ai fait depuis ma retraite. Je vais arroser mon jardin et égrener mon chapelet ».

Alakhbar a rencontré le vieux Jibril Zakaria Sall, vendredi 4 mars, au lycée de Sebkha, où il dispensait un cours d’Anglais bénévole à des élèves.

 

Source : alakhbar


Drogue/Dossier 101 : les chainons manquants

Le cerveau présumé de l'opération : Sidi Mohamed, fils de l'ancien président Haidalla.
Le cerveau présumé de l’opération : Sidi Mohamed, fils de l’ancien président Haidalla.

La drogue a été, encore une fois, le sujet principal en Mauritanie au cours de ces dernières semaines. La nouvelle affaire enregistrée auprès du parquet général de Nouakchott sous le nom de « dossier n°101/2016 », concerne un vaste réseau de trafiquants (17 individus, de diverses nationalités), selon le ministère mauritanien de l’Intérieur. La quantité saisie, toujours selon les services de sécurités, est de 1,3 tonne de drogue, introduite en Mauritanie par embarcation, à partir de Lagouira, une enclave marocaine aux portes de Nouadhibou, vers la localité de Lemhayjratt, à 120 km au nord de Nouakchott.  

 

La nouvelle affaire ramène dans les esprits d’autres dossiers de narcotrafic dont les vrais contours n’ont jamais été élucidés, notamment le dossier connu en 2007 sous le nom de « l’avion de la drogue ». Et comme ce dossier a été clos de manière étrange, la nouvelle affaire pose des questions restées jusque-là sans réponses. De sorte que des observateurs croient, dur comme fer, que la présente affaire est appelée à suivre la même voie que celle de ses précédentes et notamment la rocambolesque « affaire de l’avion de la drogue ». Car l’enquête qui a été menée jusque-là laisse supposer qu’il y a plusieurs chainons manquants, soit au niveau des individus, soient des procédures et des faits.

Les chainons manquants

La première question restée sans réponse, un mois après le démantèlement de ce vaste réseau, concerne 3 individus dont les noms apparaissent dans les déclarations du principal suspect, Sidi Mohamed Ould Haidalla, mais que les services de sécurité n’ont pas arrêtés, malgré que l’une de ces personnes se soit présentée, en tant que simple témoin, et a été libérée. Il s’agit du nommé Hacen Ould Htati, ressortissant de l’Azawad, dont le rôle est jugé essentiel, par les enquêteurs, dans cette histoire de trafic de drogue, mais qui a réussi à s’échapper, selon la police mauritanienne. Malgré un mandat d’arrêt international lancé contre lui, son nom n’est pas apparu dans le rapport des enquêteurs. Plus étrange encore, le fait que le principal accusé dans le dossier n°101, Sidi Mohamed Ould Haidalla, n’ait pas été interrogé à propos de ce personnage dont le rôle parait pourtant central. Autre indice qui aurait pu mettre la puce à l’oreille des enquêteurs : la relation entre les deux hommes remonte à 2007 dans l’autre dossier dit de « l’avion de la drogue ». Pour certains observateurs, cette faille dénote du peu de sérieux de l’enquête menée par les services de sécurités mauritaniens.

La deuxième personne qui suscite des interrogations est un certain Hacen Ould Boubacar, présenté comme celui qui a engagé l’équipe chargée de l’opération. Son frère Hamdi Ould Boubacar devait superviser  l’acheminement de la drogue par voie de mer depuis Lougueira.  Hacen se trouverait actuellement en Espagne et le fait qu’il n’ait pas été arrêté, vue la solidité de la coopération sécuritaire entre la Mauritanie et ce pays, est une autre preuve que l’enquête manque de sérieux.

La troisième personne est un certain Nagim Ould Abdalla Al Jekeni qui a reçu de Bouh Ould Mohamed Lemine, gérant d’un bureau de change, la somme de 27.700.000 UM (73.000 euros) à remettre à Sidi Mohamed Ould Haidalla. Le gérant a été arrêté et inculpé dans cette affaire alors que l’intermédiaire, l’homme qui a retiré l’argent, a seulement été entendu comme témoin et libéré peu après. Par la suite, les autorités réclameront l’arrestation d’Ould Abdalla Al Jekani, comme personne impliquée dans cette affaire de drogue, mais il se trouve qu’il s’est évaporé dans la nature.

A qui appartient l’embarcation ?

Les enquêteurs mauritaniens n’ont pas cherché à savoir à qui appartient l’embarcation qui a transporté la drogue de Lagouira. Autre aspect resté sans intérêt pour les enquêteurs : de qui l’encombrante « marchandise » a été réceptionnée côté marocain, et non loin de la ville de Nouadhibou ? Aucune question aussi pour savoir si toute la drogue a été transbordée dans l’embarcation mauritanienne ou s’il en restait encore dans le bateau attendant, peut-être, l’opportunité de faire entrer une autre livraison sur le territoire mauritanien.

Toutes les questions ont tourné autour du rôle des individus arrêtés sans chercher à savoir si le réseau démantelé avait des ramifications transfrontalières ou non.

Les sources de financements

Comme l’enquête s’est arrêtée aux frontières nord de la Mauritanie et n’a même pas atteint la localité de Lagouiera où se trouve pourtant une unité de l’armée mauritanienne, elle s’est arrêtée également aux frontières est du pays sans chercher à savoir la provenance des 50 millions de FCFA parvenus à Sidi Mohamed Ould Haidalla du Mali par le biais du bureau de change de Bouh Ould Mohamed Lemine au Grand Marché de la Capitale. Aucune question sur l’expéditeur de ce montant pour connaître son identité et savoir s’il a effectué de tels transferts dans le passé.

Un oublié volontaire

Quand le principal suspect, Sidi Mohamed Ould Haidalla parle de « complot » contre sa personne organisé par divers milieu, et déclare ne connaître de ce réseau que son frère Ely Cheikh ou son proche Moudi Ould Slama, les enquêteurs se devaient de pousser les investigations plus loin pour voir clair dans cette affaire. Surtout qu’Ould Haidalla a cité trois individus qu’il soupçonne être derrière son implication dans cette nouvelle affaire de drogue. Pourtant personne ne lui a demandé de donner plus de détails sur ce qu’il avance, surtout que parmi les individus cités figurent trois ressortissants de l’Azawad : Al Barbouchi, Omar Ould Ahmed et Abdallahi Kaikouss.

Qui a informé Ould Haidalla ?

Maaloum Ould Ahmed Bellal a déclaré aux enquêteurs que Sidi Mohamed Ould Haidalla l’a contacté samedi matin, le 30/01/2016, pour l’informer de la présence sur la route Nouakchott-Nouadhibou de patrouilles à la recherche de salafistes et lui demander de stopper l’opération consistant d’acheminer la « marchandise » vers le puits de Boughabra, comme convenu auparavant.  Ould Ahmed Bellal a ainsi changé de direction, suite à l’appel d’Ould Haidalla, prenant la direction de Tijirit (120 km au nord de Nouakchott), où il recevra un coup de fil du commandant de la zone nord de la gendarmerie, Dey Ould Yezid, avant l’arrestation de tous les membres de la bande. La question posée est : qui a averti Ould Haidalla et pourquoi les enquêteurs ne cherchent pas à le savoir ?

Quel rapport avec 2007 ?

Cette nouvelle affaire de drogue est-elle liée à celle de 2007 dite affaire de « l’avion de la drogue » ? Le ministre de la Justice, Me Brahim Ould Daddah, a déclaré, lors d’une conférence de presse sur ce dossier, que l’une des personnes arrêtées (sans citer de nom) est poursuivie jusqu’à présent dans l’affaire de 2007, précisant que cet homme a bénéficié d’une liberté provisoire contre laquelle le parquet avait interjeté en appel et que le dossier est pendant, en ce moment, devant les tribunaux.

Le dossier de « l’avion de la drogue », en 2007, est l’une des plus célèbres affaires de trafic de cocaïne dans le pays. Les autorités avaient saisi à l’époque un avion transportant 750 kg de cocaïne et des voitures. Seulement, les personnes arrêtées ont été libérées sans jugement ! Seul Sidi Mohamed Oud Haidalla avait été arrêté au Maroc et avait purgé une bonne partie de la peine de sept ans de prison ferme à laquelle il a été condamné.

De l’argent pour le gouvernement

Le ministre de la Justice mauritanien a indiqué que le gouvernement a approuvé un décret qui autorise les autorités à vendre les biens saisis dans ce genre d’affaire et à répartir l’argent récolté comme suit : 50% pour l’Etat, 25%  pour l’équipe qui a procédé à l’arrestation des trafiquants et 25% pour l’ensemble des services qui luttent contre le trafic de drogue.

Les biens saisis dans cette affaire son : une Toyota V8 dans laquelle se trouvait Sidi Mohamed Ould Haidalla et trois autres tout-terrain avec Moudi Ould Slama, Maaloum Ould Ahmed Bellal et Ely Cheikh Ould Haidalla. A cela s’ajoute la saisie de 2.350.000 UM (6200 euros) et la montre d’une grande valeur de Sidi Mohamed Ould Haidalla (entre 10000 et 47000 USD).

La quantité de drogue saisie est estimée à 1,3 tonne répartie dans sacs de 12 et 25 kilogrammes chacun. Elle a été trouvée dans les véhicules conduits par Maaloum Ould Ahmed Bellal (24 sacs) et Ely Cheikh Ould Haidalla (57 sacs).

Composition du réseau

Le réseau était composé de quatre groupes, dont un servait d’appui (fausses plaques d’immatriculation pour les véhicules et change), selon les conclusions des services de sécurité mauritaniens. La première équipe, dirigée par Sidi Mohamed Ould Haidalla, coordonnait toute l’opération. Elle comprenait Hacen Ould Htati, qui a réussi à s’enfuir vers le Mali, et Hacen Ould Aboubakr, résidant en Espagne. Alors qu’Ould Haidalla a été arrêté, les deux autres sont sous le coup d’un mandat d’arrêt international.

La deuxième équipe avait pour mission de transporter la drogue d’un bateau marocain près de Lagouira vers la zone d’Amhaijrat (120 km au nord de Nouakchott). Le groupe était dirigé par Hamdi Ould Aboubakr, sur demande de son frère Hacen Ould Aboubakr qui se trouve en Espagne. Les autres membres de cette seconde équipe étaient Saleck Ould Bellal, les deux capitaines de bateau Hamadi Boubou Sall et Mohamed Moctar Ould Ahmed, ainsi que deux hommes de main répondant aux noms de Ousmane Diop et Moustapha Sall.

Enfin, le troisième groupe avait pour rôle d’acheminer la drogue, transportée dans une embarcation de Legoueeira à Mhaijrat, sur terre et plus précisément au puits de Boughabra. Cette équipe était composée d’Ely Cheikh Ould Haidalla, Maaloum Ould Ahmed Bella, son frère Mohamed Ould Ahmed Bellal et leur neveu Baba Ould Ely.

L’équipe qui assurait la logistique dans cette opération était composée du propriétaire du bureau de change, Bouh Ould Mohamed Lemine, qui avait remis 27 millions d’ouguiyas à Nagim Ould Abdalla en fuite au Mali, et Ahmed Ould Abdel Kader accusé d’avoir fourni une fausse plaque d’immatriculation SG (services du gouvernement) à la Toyota Land Cruiser d’Ely Cheikh Ould Haidalla.

Une opération complexe

L’opération qui a conduit au démantèlement de ce réseau de trafiquants a vu la participation de la police, de la gendarmerie et de l’armée et a duré trois jours (du 29 au 31 janvier 2016).

Sidi Mohamed Ould Haidalla, le cerveau présumé de la bande, a été arrêté à son domicile de Nouakchott par la police. Le groupe de l’embarcation et une des voitures ont été appréhendés par la gendarmerie tandis que le reste du groupe chargé du transport de la drogue, dont Ely Cheikh Ould Haidalla, a été arrêté par une unité de l’armée à 20 km sur la route Nouakchott-Akjoujt.

 

Source : https://alakhbar.info/intrep/reports/14325-101.html

 

Traduit de l’arabe par SNEIBA Mohamed

 

 

 


Quand manger devient impossible, la révolution devient possible

Une marche de l'opposition
Une marche de l’opposition

Avouons-le, le meeting du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) d’hier était une réussite. Je dirai un grand succès même. Parce que beaucoup prédisaient le contraire. D’autres sont même allés jusqu’à décréter la mort du parti d’Ahmed Ould Daddah.
Le départ de la « famille » Moine n’a finalement eu aucune incidence négative sur la capacité de mobilisation du RFD. On peut même dire qu’il a, en quelque sorte, pousser les « fainéants » à plus d’entrain puisqu’il y avait foule macha Allah. Deux choses expliquent, à mon avis, ce succès.
Il y a d’abord la personnalité d’Ahmed Ould Daddah. Un opposant qui a fait, jusque-là, un parcours sans faute, si l’on oublie, l’erreur (d’appréciation) du coup d’Etat d’août 2008 contre le président « démocratiquement élu » Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. A part le soutien de quelques mois à la « Rectification », le président du RFD a fait preuve d’une constance exemplaire, dans les principes, et démontré que son combat pour une Mauritanie démocratique s’inscrit dans la durée. Qu’importe si lui ne peut pas accéder à la présidence ou que son parti ne puisse bénéficier de financements parce qu’il a décidé de ne pas prendre part des élections truquées.
Sur un plan plus personnel, Ahmed Ould Daddah est, comme le disait la diva Maalouma, « l’ami du peuple ». Je me rappelle de ce jour de l’année 92 quand, de passage à Aleg, il m’avait reçu au domicile du coordinateur local de l’Ufd, Moustapha Ould Abdel Vettah, et a échangé avec moi sur mes écrits contre le pouvoir de l’époque. L’image que j’ai retenue de l’homme depuis ce jour est restée intacte, même si, en 2005, je m’étais désengagé de la politique après avoir constaté le jeu trouble de certains chefs de l’opposition.
Il y a aussi, dans l’explication du succès du meeting du RFD (et avant lui, celui du FNDU) que le peuple « y en a marre ». La situation actuelle est intenable. Sur tous les plans. Et j’ai toujours dit (et écrit) que le pouvoir a plus à craindre d’un peuple poussé dans ses derniers retranchements que d’une opposition divisée. Quand manger devient impossible, tout devient possible.


Mauritanie : l’opposition embarquée, non engagée

Une marche de l'opposition
Une marche de l’opposition

La crise, la crise, la crise. Je sais que je me répète ou, pire, je parle d’une vérité que tout le monde connait. La Mauritanie se fourvoie. Le pouvoir le sait. Sa « majorité » (mot impropre puisqu’elle était celle du pouvoir précédent et sera celle de celui qui succédera à l’actuel) dit le contraire. Elle est dans son rôle de « soutien indéfectible » du pouvoir. Elle applaudit ses « bonnes » actions mais ne voient pas ses erreurs. Le rejet par leConseil constitutionnel de la loi organique préconisant le renouvellement du sénat en est la preuve : le « parle-et-ment » constitué majoritairement d’élus du camp présidentiel n’a pas posé de questions et s’était empressé de faire passer cette loi comme une lettre à la poste. Il est aujourd’hui en plein dans le ridicule qui ne tue plus.

Face à tous ces errements politiques, à la crise économique et sociale qui inquiètent de plus en plus des citoyens qui ne savent plus à quels saints se vouer, l’opposition nage, elle aussi, en plein désarroi. Elle attend un dialogue qui ne vient pas. Elle se concerte, s’associe et se dissocie. Elle n’est pas maitresse de son destin. Elle est embarquée, et non engagée, comme dirait Sartre.

Le retour à la rue n’est qu’une manière de remettre à plus tard une mort politique certaine d’hommes et de femmes qui appartiennent à un autre âge. Car l’erreur de cette opposition est de croire que les mêmes causes produisent les mêmes effets. C’est peut-être vrai dans les sciences exactes mais nullement en politique qui est – seulement – l’art du possible. Des possibles.

Il était possible, en juillet 2008, de ne pas accepter l’Accord de Dakar. L’opposition de l’époque devrait savoir que le général Aziz, qui a « risqué sa vie » à deux reprises, n’est pas homme à s’engager dans une bataille électorale susceptible d’être perdue. Si la Coordination de l’opposition démocratique (COD) avait appréhendé ce fait, elle n’aurait pas accepté d’être embarquée dans la présidentielle de juillet 2009 qu’elle a perdue de la manière que l’on sait.

Il était possible, pour cette même COD de s’engager dans le dialogue de 2011 puisqu’elle n’avait plus rien à perdre. Aziz avait réussi à légaliser un pouvoir qu’il avait déjà légitimé par ses soutiens traditionnels (parlement, partis politiques, chefs de tribus, hommes d’affaires et chefs religieux). L’opposition se devait seulement de limiter les dégâts en sortant du dialogue avec des résultats garantissant l’alternance démocratique à l’issue des deux mandats prévus par la Constitution. Il ne fallait pas laisser passer cette chance, saisie seulement par la CAP (Coalition pour une Alternance Pacifique) pour réclamer aujourd’hui un dialogue à plusieurs inconnues. Quatre années perdues donc pour une COD devenue entre-temps FNDU (Forum national pour l   a démocratie et l’unité). Un temps fou qui a permis au président Aziz de « cuirasser » encore plus son régime et de penser, sérieusement, à un troisième mandat.

Au niveau intérieur, les seules forces qui comptent (l’armée et la rue) restent impassibles aux tiraillements politiques entre une majorité calfeutrée dans sa tour d’ivoire et une opposition impuissante.

Certes, la crise économique et le malaise social sont perceptibles mais comme le disent souvent les thuriféraires du régime, « la Mauritanie n’est ni la Tunisie ni le Burkina ». Une manière de dire, sous le ton du sarcasme, que le pays n’est pas encore prêt pour un « printemps arabe » ou un harmattan africain.

L’armée aussi semble soudée derrière son chef suprême qui lui renvoie bien l’ascenseur. De nouveaux généraux viennent remplacer ceux qui ont été envoyés à la retraite, mais dont certains pourraient être « retraités » au niveau de certaines fédérations patronales. Deux signes qui ne trompent pas et qu’il faut interpréter comme la volonté d’Aziz (non encore affichée) de prolonger son séjour au Palais Ocre.

Une éventualité qui ne ferait pas remuer une communauté internationale qui assiste, impuissante elle aussi, à des scénarios identiques de « troisième mandat », ou plus, au Congo, au Burundi, au Rwanda, en Guinée équatoriale, en RDC et au Tchad. Dans un tel contexte, Aziz, ne sera pas « le petit mur ». Il peut se dire, « ils l’ont fait sans conséquences, alors pourquoi pas moi » ? Et, pour une fois, il aura raison.


Sénat : mon avis de profane contre celui du Conseil constitutionnel

Mauritanie: conseil des ministres (photo : AMI)
Mauritanie: conseil des ministres (photo : AMI)

Le Conseil constitutionnel vient de dire que la loi organique prise par le gouvernement mauritanien concernant le renouvellement du sénat est nulle et non avenue ! Une loi applaudie pourtant (approuvée largement) par ce même sénat après l’avoir été par l’assemblée nationale !
Cette décision « historique », comme s’empressent de la qualifier des médias en manque de sensationnel, est pour moi un non événement ! Elle change quoi en fait ? Rien !
L’actuel sénat qui a derrière lui onze ans d’existence, pourra continuer à jouer les prolongations. Certains juristes maison trouvent même des voies contournées pour nous dire que le gouvernement, seul habilité à fixer la date de son renouvellement (maintenant total et non partiel) a l’excuse de « l’opportunité » !
L’opportunité ? Celle-là a déjà pris le visage de « l’attente d’un état-civil fiable » ! On avait alors oublié que le collège électoral est constitué de conseillers municipaux connus. Ridicule donc, comme excuse. Puis on avait avancé l’espoir d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition qui permettait à cette dernière de participer ! Là encore, l’argumentaire du gouvernement manque de sérieux. Comment une opposition (je parle du FNDU) qui n’a aucun conseiller municipal peut-elle entrer dans l’arène électorale avec une Union pour la République (UPR) qui détient les 3/4 des mairies ?
Je pense qu’il faut maintenant ajouter à ces deux « opportunités » manquées celle que le Conseil constitutionnel vient d’offrir au gouvernement : continuer à différer le renouvellement du sénat en « toute légalité » sans se soucier de sa légitimité !
Car les « Sages » rejettent une loi fixant une échéance non l’objet de cette loi (le sénat). La décision vient même, paradoxalement, proroger « l’anormalité » de la chambre haute du parlement mauritanien. Elle tire d’affaire un gouvernement qui était bousculé par le temps et n’attendait, en principe, que l’aval du président pour annoncer la tenue du scrutin devant permettre au sénat de revenir aux « normes » démocratiques.
L’avis du conseil constitutionnel est, à mon sens, une façon ingénieuse de voler au secours du gouvernement. Un retour à la case départ, exactement comme on le fait depuis 2009 avec le dialogue.
En rejetant la loi scélérate du gouvernement, le conseil constitutionnel lui donne l’opportunité, réelle celle-là, de revoir sa copie (ça prendra le temps que ça prendra), de reprendre le parcours Assemblée nationale-sénat (pour acclamation) avant d’envisager une date. 2017 ? 2018 ? Un scénario idéal avant la présidentielle de 2019-2020 ! Et pour la perspective d’un troisième mandat pour Aziz.


Remaniement partiel en Mauritanie : pour la première fois, les erreurs se payent cash

Le Premier ministre Yahya Ould Hademine (Photo : elhourriya)
Le Premier ministre Yahya Ould Hademine (Photo : elhourriya)

Un remaniement inattendu mais bienvenu. Avec cinq départs : Ould Meimou (Affaires étrangères), Ould Rayess (Affaires économiques), Ba Ousmane (Éducation nationale), Ould Zein (Habitat) et Ould Jelvoun (Santé).

Les ministres débarqués ont ceci de commun : leurs départements plient sous les scandales À l’éducation nationale, la manifestation d’hier, sévèrement réprimée par les forces de l’ordre, a été la goutte qui a fait déborder le vase. Une équipe scolaire (école Nessiba 1) a raté le tournoi de football organisé par la chaîne de télévision qatari « Jim » parce qu’au ministère des fonctionnaires véreux ont cherché, semble-t-il, à soustraire 33000 dollars à cette television. Le scandale a fait la Une de tous les journaux et sites et le président Aziz ne pouvait fermer les yeux sur cette affaire qui survient quelques mois après la fuite des épreuves du bac. Ba Ousmane est remplacé à ce poste par Isselmou Ould Sid’El Moctar.

Ould Zein qui quitte le ministère de l’Habitat, de l’urbanisme et de l’amenagement du territoire, paie sans doute pour son passage au ministère de la justice mais aussi pour les importants retards enregistrés au niveau de projets en cours. Il est remplacé par Seyidina Ali Ould Sidi Ould Jeylani.

La sortie de Sid’Ahmed Ould Rayess, dont le département des affaires économiques fusionne avec celui des Finances, coïncide avec l’arrivée à Nouakhchott d’une mission du FMI. Et l’on pense qu’après le scandale de la Maurisbank, avec la perte sèche de près de 20 milliards d’ouguiyas, alors qu’Ould Rayess était gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie (BCM), une affaire de faux chiffres, comme celle de 2004, n’est pas à exclure. Le départ d’Ould Rayess renforce l’assise de Moctar Ould Diay qui se voit confier les affaires économiques rattachées désormais aux finances. Ould Diay est récompensé sans doute pour avoir initié à la direction des Impôts (et poursuivi en tant que ministre des finances) une croissance record des taxes et impôts. Il sera cependant secondé par ministre délégué en charge du Budget (Mohamed Ould Kembou)

Au ministère de la Santé, Ould Jelvoune cède son fauteuil au professeur Kane Boubacar. Le départ d’Ould Jelvoune était demandé depuis plusieurs mois par la rue qui lui reproche son attitude face à la fièvre du Rift mais surtout de tromper le président Aziz en lui faisant croire que le secteur de la santé n’est plus comme avant.

Enfin, la sortie de Hamada Ould Meimou trouve elle aussi son explication dans le malaise grandissant au sein des Affaires étrangères où les jeunes diplomates ne cessent de dénoncer la présence aux meilleurs postes de fonctionnaires étrangers au département. Ould Meimou qui a passé un peu plus d’un an aux affaires étrangères est remplacé par Isselkou Ould Ahmed Izidbih qui quitte laisse son poste de Président de l’Autorité nationale de Régulation.


Un ministre dit des bêtises ou se tait

Mohamed Lemine Cheikh, ministre mauritanien des relations avec le parlement (photo: cridem)
Mohamed Lemine Cheikh, ministre mauritanien des relations avec le parlement (photo: cridem)

La der des ders en Mauritanie est ce propos tenu, jeudi dernier, par le ministre des relations avec le « parle-et-ment ». Un propos d’une étrangeté telle qu’il a éclipsé toutes les autres actualités nationales : participation du président au sommet de l’UA, nouvelle affaire de drogue, avec l’arrestation d’une trentaine de personnes, dont le fils d’un ancien chef d’Etat, la polémique récurrente sur la place de l’arabe (et du français) dans l’administration.

La dernière bêtise du ministre porte-parole du gouvernement ? Je vous la livre, un peu refroidie certes, mais dans toute sa splendeur de propos vexatoire, d’inculture et de peu de considération pour la personne : « les pauvres ne sont pas affectés par le prix élevé des hydrocarbures…parce qu’ils n’ont pas de voitures et parce qu’ils ont « Emel » !

Emel, une vieille rengaine du pouvoir. Un disque rayé qui ne permet plus d’entendre la voix du lead vocal. « Emel » (espoir, en français) est un programme social lancé par le gouvernement en 2012 pour lutter contre la hausse des prix des denrées de première nécessité. Des centaines de boutiques ouvertes « sur toute l’étendue du territoire national », affirment les responsables gouvernementaux, pour permettre aux pauvres d’avoir le riz, l’huile, le sucre et le lait en poudre à des prix réduits. L’opposition a toujours douté de l’efficacité d’un tel programme qui a pourtant englouti des dizaines de milliards d’ouguiyas.

Emel n’est aujourd’hui qu’un programme maintenu en vie pour des raisons de propagande. Les pauvres commencent à le déserter parce que les produits proposés ne sont pas de qualité. Le riz mauritanien ne tient pas la concurrence avec le riz importé dont le prix est passé, en ce début d’année 2016 du simple au double.

Donc, parce qu’ils ont « Emel », les pauvres de Mauritanie n’ont plus besoin d’autre chose. Ils continueront de se déplacer à dos d’âne ou de chameau. Ils n’ont pas de voitures, avait dit le ministre des relations avec le « parle-et-ment » qui aurait dû ajouter aussi : et les riches n’ont pas de droits, rien que des devoirs. C’est pourquoi ils doivent supporter le manque à gagner engendré par la chute du prix du minerai de fer. Ce que la Société nationale industrielle et minière (SNIM) ne peut plus donner au gouvernement (avec une tonne de fer passée de 150 dollars US à moins de 50 dollars), il faut le « mettre sur le dos » des citoyens qui continuent à acheter le carburant à 484 UM le litre, alors que le baril est aujourd’hui à moins de 40 dollars US. Avec cette arnaque, cet impôt indirect, l’Etat gagne près de 120 milliards d’ouguiyas, estiment des experts ! Et le ministre porte-parole du gouvernement ne pouvait aborder une telle question, à enjeu économique évident, sans proférer la bêtise du siècle. Il dit au pauvre mauritanien : « mange et tais-toi » ! San Antonio (Frédéric Dard) doit se retourner dans sa tombe.



Autour d’un thé : « Ô, vous là-bas, ne désespérez pas de la Miséricorde d’Allah ! Y a qu’ici où l’on peut faire des études de vétérinaire et devenir banquier ! »

Mauritanie: conseil des ministres (photo : AMI)
Mauritanie: conseil des ministres (photo : AMI)

C’est inédit ! Que, trois longues semaines durant, un Président puisse ne pas organiser un Conseil des ministres. Complètement désœuvrés nous étions. Comment ça, pas de conseil ? Au fond, au fond, c’est quoi, un conseil ? Normalement, chaque ministre vient avec ses cahiers d’écolier qu’il dépose, soigneusement, devant lui, en attendant son tour de caméra.
Bien assis, avec cravate ou melehfa¹ bien ajustés. Le cameraman passe et repasse. A vos marques ! Chaque ministre fait semblant de regarder son parapheur, lourdement rempli d’on ne sait quoi. Bien alignés, les ministres. Les grands à côté du grand. Les petits calfeutrés les uns contre les autres.
Depuis que les conseils ordinaires et extraordinaires des ministres se passent dans ce pays, jamais un Président n’a osé autant les reporter. Mais que vaut la République, sans le Conseil des ministres ? La veille, c’est la peur au ventre pour les uns. C’est l’espoir pour les autres. N’importe qui peut devenir n’importe quoi.
Il suffit d’un Conseil des ministres. Tout peut arriver. Les ministres conseillent le Président de monter ou de descendre un tel ou une telle. Ça dépend. Ça se passe comme au loto. Les nominations, c’est un long processus. Un chemin de croix. Un parcours de combattant. Toute une technique. Rien à voir avec les parchemins.
Certes, il y a le mot chemin. Bien connaître le chemin de la maison du ministre chez qui tu veux être nommé. Bien connaître le chemin de l’école de ses enfants. Sait-on jamais. A toutes fins utiles. L’homme, c’est celui qui sait tout faire. Il faut aussi être prêt.
A tout. Savoir rire au bon moment. Pleurer au bon moment. Ô, vous là-bas, ne désespérez pas de la Miséricorde d’Allah ! Y a qu’ici où l’on peut faire des études de vétérinaire et devenir banquier. Poursuivre des recherches en mathématiques, pour se retrouver directeur des mahadras², au ministère des Affaires islamiques.
Y a qu’ici qu’on peut être un brillant inspecteur de l’enseignement, à deux ans de la retraite, et être adjoint d’un fonctionnaire de cycle B, déserteur de plusieurs années. Nommé au Conseil des ministres. La fameuse formule, la fonction qui supprime le grade.
Les Conseils des ministres suppriment les diplômes, annihilent les consciences, promeuvent l’allégeance et la médiocrité. Je te conseille de nommer X à ce poste. Port ? Somagaz ? Somelec ? SNDE³ ? Affaires économiques ? Ou n’importe quel autre poste. Il faut le faire.
C’est normal. Regardez bien. Ah oui, c’est vrai, au Conseil passé, il y a un hartani qui a été enlevé. Hé, il est du Trarza ! Ils n’ont pas un DG, ces gens-là. Oui, oui, on a enlevé un gars de Boutilimit. Il nous en faut bien un. Hé, attention, celui-ci, c’est pas un hartani ! Il ne veut même pas qu’on le lui dise.

Gare à toi ! Pourtant, il est « compté sur eux ». Mais sa maman est une Mauresque, blanche comme neige. Yaweylou, c’est donc pas un hartani. Eywe « guetlak » (je te dis), l’autre, pourquoi il est nommé ? C’est un Soninké, non ? N’est ce pas que son cousin qui était là-bas est allé à la retraite ? Et l’autre, comment il a été nommé ?
Il paraît qu’il connait une femme qui connaît un homme qui connaît un homosexuel chez qui se retrouvent le ministre X et le directeur général Y, pour boire le thé. Et puis, qu’est-ce que tu as contre lui ? Il est gentil. Tu sais que c’est mon parent par sa mère. Nous sommes ses oncles. Hagalah (A bon?) ? Wallahi ! D’ailleurs, j’irais le voir pour qu’il me prenne quelqu’un avec lui. C’est une chèvre dans un grand désert.
Pour toi. Pour ton frère et pour le loup. L’essentiel que chaque ministère ait son secrétaire général. Un professeur d’arabe aux Affaires économiques. Un journaliste retraité à l’Éducation. Un philosophe à la Défense. Un comptable aux Affaires islamiques. Un agent de tourisme aux Affaires étrangères.
Un diplômé des pêches à l’Intérieur. L’essentiel, c’est la forme, pas le fond. Autrefois, c’était que les hommes soient des malles fermées. Maintenant, ce sont les hommes et les femmes qui sont des malles hermétiquement fermées. Impossible de savoir ce qu’il y a dedans. Le dedans ne compte pas. Seul le dehors et, parfois, le derrière comptent. Salut.

Sneiba El kory (Le Calame)

 

1. voile

2. Ecoles coraniques

3. Sociétés d’Etat


Réseaux sociaux : le pouvoir perd la bataille de la communication

 

La bataille fait rage sur les réseaux sociaux entre les soutiens du pouvoir mauritanien et ceux de son opposition. Tous les coups sont permis. Et si les médias officiels (télévision, radio et agence) consacrent l’essentiel de leur temps à la propagande du gouvernement, aidés en cela par une presse « indépendante » dépendante, de jeunes blogueurs révoltés par la situation générale du pays, tentent vaillamment de rendre coup pour coup sur les réseaux sociaux. On peut même dire que, sur ce terrain-là, les soutiens du président Aziz manquent d’inspiration. Il arrive même qu’ils commettent de grosses bourdes. Et là, les blogueurs de l’opposition, engagés et non pas embarqués, ne les ratent pas.

La bataille qui fait rage actuellement sur Facebook est provoquée par la sortie malheureuse d’un jeune cadre du parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR) qui, dans un moment de manque de lucidité, compare la Mauritanie d’Aziz à la Suisse ! Rien de moins! Sans savoir qu’en voulant servir le pouvoir, il le dessert. Le jeune conseiller au ministère du Pétrole et beau-frère du président du parti au pouvoir a attiré contre le régime en place à Nouakchott un flux ininterrompu de dérisions. Photos.

image Dans cette photo-montage, le blogueur Mohamed Ould N’Dioubnane attire l’attention sur la « Suisse d’Afrique » par une mise en parallèle entre le plus grand marché de Nouakchott, aux couleurs et odeurs africaines, et celui de Lausanne.

Et parce que le gouvernement a promis depuis 2009 de doter la capitale d’un réseau d’assainissement digne de ce nom, et que le projet annoncé pour 100 millions de dollars US est resté à l’état de projet, le blogueur Ahmed Ould Abdawa s’en va le rappeler par cette image.

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La santé, autre secteur où le gouvernement dit avoir réalisé des miracles depuis l’arrivée d’Aziz au pouvoir, n’est pas épargnée. Alors que les réalisations sont déclinées en termes d’hôpitaux, d’équipements et de formations plus adaptée à notre contexte, la photo ci-dessous montre des malades assis à même le sol.

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Dans la série des images qui font mal, cette autre photo qui montre que le phénomène de « l’accueillite »  a survécu au président Taya, l’homme fort en Mauritanie du 12/12/84 au 05/07/2005. Des citoyens qui ne comprennent rien à la politique sont mobilisés par des (ir)responsables sans foi ni loi pour montrer leur allégeance aveugle au pouvoir. À tous les pouvoirs, de l’indépendance de la Mauritanie (1960) à nos jours.

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La réhabilitation des quartiers précaires de Nouakchott, avec le relogement de quelque 100000 familles, selon le ministère de l’Habitat, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, est tournée en dérision par cette photo qu’un blogueur qualifie de « Davos » mauritanien.

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La sécurité n’est pas en reste. Domaine où le pouvoir a assis sa notoriété à l’extérieur grâce à ses victoires contre Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) qui n’a plus réussi d’opérations terroristes en Mauritanie depuis 2011, rappelle le pouvoir), elle fait défaut à l’intérieur raille l’opposition. Celle-ci dénonce les meurtres, viols et vols qui font les choux gras de la presse locale. L’image ci-dessous est celle d’un blogueur qui dit être à côté des « batteries antiaériennes » de l’armée mauritanienne.

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Pour faire face à toutes ces critiques, les pro-Aziz réagissent timidement mais surtout maladroitement. On déplore même que ceux qui profitent le plus de son pouvoir, y compris de grands journalistes présents sur les réseaux sociaux, ne parviennent pas à « résister » aux attaques d’une opposition plus engagée que jamais dans la bataille médiatique.

La réponse « culte de la personnalité » est un signe qui ne trompe pas : la com du président est défaillante et, pour préparer un troisième mandat, après 2019, malgré les verrous de la Constitution, il faut dégager la route dès à présent.

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Mondoblog : De la qualité à la quantité ?

Bijou de l’artisanat mauritanien.

Les pépites 2015. J’avais écrit, sur notre espace de discussion, et à la suite de la publication de la dernière sélection (rétro 2015), cette boutade : « un seul regard peut-il voir toutes les « pépites » ? Loin de moi l’idée de remettre en cause les choix de l’excellent « orfèvre » René Jackson, ou du principe qui a conduit à cette bonne initiative. Je soulignais seulement l’ampleur de la tâche et cherchais à provoquer le débat autour des criteres de sélection de ces « pépites » extraites de notre « Minoblog ». Le débat n’étant pas venu sur notre agora, je le relance ici : Une « pépite » c’est quoi, quand on ne parle pas le langage des chercheurs d’or ?

Dans mon entendement de journaliste et de blogueur, je pense à un article qui doit être trop général, pour nous réunir autour de valeurs communes, ou trop singulier, pour permettre à chacun de se juger (se situer) par rapport aux autres. Imaginer l’ampleur de la tâche quand il s’agit de parcourir une centaine d’articles ! Un exercice de style qui doit tenir compte, en plus des qualités intrinsèques (de fond) évoquées plus haut, de critères de forme. La valeur de l’analyse à elle seule ne suffit pas pour faire un bon article. Il manquera toujours cette touche humoristique, cette architecture de mots aux couleurs différentes et cette vie qui s’en dégage pour être partagée, aimée et ressentie par le plus grand nombre. Le Beau devient alors une affaire de consensus.

Je ne serais pas étonné, pour fonder les choix du Panda et la valeur des pépites de Mondoblog, de voir s’organiser une séance d’évaluation « boursière » de ces articles qui ont tendance à cacher la lumière pour qu’elle n’éclaire plus les autres. On revient alors à la question de la multitude. De la qualité et de la quantité. Des saisons Mondoblog. Et à cette question existentielle : faut-il arrêter la sélection ? Quel intérêt à avoir une plateforme de 600 bonhommes dont quelques dizaines seulement jouent les maîtres de cérémonie ?

C’est aussi, je pense, une explication parmi d’autres du retard pris par la dernière formation. Un surplus de candidats pour une rencontre « informelle » (je pense aux aspects financiers) et une sélection qui semble n’avoir pas prêter attention  au cuivre et au fer qui collent souvent à ses « extractions » d’or. Ces pépites et à ces articles de premier choix qui font aujourd’hui la fierté de Mondoblog.


Déclaration de politique générale : du réchauffé, pas plus

Le Premier ministre Yahya Ould Hademine (crédit photo : la page Facebook du chef du gouvernement
Le Premier ministre Yahya Ould Hademine (crédit photo : la page Facebook du chef du gouvernement

Le Premier ministre était – encore – en ce début d’année devant le parlement pour présenter sa DPG (Déclaration de politique générale). Un discours fleuve avec une ossature connue d’avance (la même que celle que son prédécesseur prononçait depuis 2009) avec des chiffres qui varient peu ou prou. Cette année, l’impression qui se dégage de cette DPG est que le gouvernement tourne en rond. Preuves.

Le dialogue est un mot phare depuis la présidentielle de 2009. Dans chaque DPG, il revient en bonne place :  » sur un autre plan, le renforcement de notre système démocratique sera renforcé (…) par la promotion de la culture du dialogue et du pluralisme politique. »

Mais ce sont les « choses » de l’économie qui constituent cette année le plus grand amalgame. Des projets dont la fin des travaux était annoncée pour 2015 reviennent à l’état de projet. C’est comme si les 109 milliards d’ouguiyas (3 milliards de dollars) mobilisés, dont 60% de dons, ont été utilisés à d’autres fins. Le port de Tanit financé à hauteur de 14 milliards d’ouguiyas est à seulement 30% de son exécution ! L’achèvement du nouvel aéroport international de Nouakchott annoncé en 2015 dans la DPG du nouveau Premier ministre Yahya Ould Hademine, est toujours attendue. Car malgré les visites organisées par la société Najah et le ministère de l’Equipement pour constater de visu l’achèvement des grands travaux, le fonctionnement d’Oum Tounsy (nom controversé du nouvel aéroport) n’est pas pour demain. Le financement faramineux qu’il a coûté au contribuable mauritanien devrait encore s’allonger pour l’équiper.

La production de l’énergie à partir du gaz est une histoire qui ne finit pas. En 2015, le Premier ministre annonçait 300 MW mais paradoxalement le retrait de l’un des principaux partenaires, la société Tullow, ne semble avoir perturbé en rien ce programme censé servir aussi nos voisins du Sénégal et du Mali. Pourtant, le projet reste à l’état de projet.

Tout comme la construction d’une salle omnisports de 3000 place annoncée en 2015 et qui revient encore en 2016. Le Premier ministre a ajouté même que le gouvernement prévoit la construction d’un nouveau stade de 30000 places, ce qui ramène dans les mémoires : « Ribat El Bahr », la ville touristique de 50000 habitants, la Grande mosquée de Nouakchott d’une capacité de 15000 prieurs, l’usine de production de sucre, le projet Aftout Echargui  destiné à approvisionner en eau potable plus de 300 villages dans le triangle de pauvreté (dénommé « triangle de l’espoir » pour des raisons de propagande) et, enfin, le projet « D’har » qui doit mettre fin à la soif des habitants des deux Hodh, le réservoir électoral de l Mauritanie.

C’est dire que l’étalage des chiffres est une chose mais la réalisation des promesses en est une autre.

 


Mauritanie : 2005-2015 : coup d’état, « Rectification » et mises à mort politique (retrospective)

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : AMI)
Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz (Photo : AMI)

Le pouvoir était et reste un rapport de forces. Il faut savoir actionner tous les leviers (militaire, économique, politique) pour assurer sa victoire mais également se maintenir le plus longtemps possible dans un pays où la démocratie n’est qu’un jeu. En 2005, le colonel Mohamed Ould Abdel Aziz, alors commandant de la Garde présidentielle et principal instigateur du coup d’état contre Taya, est le seul à avoir compris cette donne essentielle de la « démocratie » mauritanienne. Le moyen d’être aux commandes importe peu : co-gouvernance avec le colonel Ely Ould Mohamed Vall, « pilotage automatique » avec Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et gestion personnelle du pouvoir à partir d’août 2008.

 

La chute de Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya avait provoqué un branle-bas de combat, un « weilemak yel warrani », au sein de la majorité hétéroclite qui l’avait soutenu deux décennies durant. Par crainte ou par intérêt. A ce sujet, il faut reconnaître une chose: malgré l’ampleur de la fraude à chaque élection, Maaouiya gagnait haut la main, l’administration, les tribus, l’argent et le savoir ayant pris le parti de se ranger dans son camp parce que ceux qui s’adonnaient à la politique comme profession n’acceptaient pas d’être du côté des perdants. Le Parti républicain démocratique et social (PRDS) n’avait aucun effort à faire (donc aucun mérite) pour que les cadres de l’administration, les hauts gradés des forces armées et de sécurité, les hommes d’affaires, les chefs de tribus et les « intellectuels alimentaires » (à l’image des humanitaires) lui prêtent allégeance pour servir et se servir. Une mécanique électorale que le pouvoir issu du coup d’état du 03 août 2005 allait utiliser en usant de moyens aussi ingénieux les uns que les autres.

Le phénomène des « indépendants »

Le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, élu en mars 2007, déposé en août 2008
Le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, élu en mars 2007, déposé en août 2008

La chute de Taya devait aussi consacrer, théoriquement, la mort du PRDS. Personne n’allait comprendre qu’on puisse aller à la conquête du pouvoir avec un parti aussi décrié que l’homme qui l’a incarné près de quinze ans. Cela allait correspondre au diction qui dit chez nous « je ne mange pas la charogne mais j’en bois la sauce » (ma newkel ejive yaghayr nechreb maha). La tactique était alors de créer une sorte de big bang politique qui a donné naissance au phénomène des « indépendants » qui n’était rien d’autre que des barons du PRDS recyclés. Au profit de qui ?

On pensait alors, dans l’immédiat, à Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi mais les évènements montreront plus tard que les « indépendants » dépendaient des colonels futurs généraux Aziz et Ghazouani. Sidioca, « le président qui rassure », n’était qu’un intermède dans la réalisation de la pièce de théâtre qui se jouait avec un jeu d’ombre et de lumière devant une communauté internationale loin d’être rompue aux rouages de notre « bolletig ».

Cheval de Troie

Ahmed Ould Daddah, président du RFD (opposition)
Ahmed Ould Daddah, président du RFD (opposition)

Contrairement à ce que pensent certains, la mise à mort politique d’Ahmed Ould Daddah et de son grand parti, le Rassemblement des forces démocratiques (Rfd) a commencé bien avant la « Rectification » de 2008. Si le futur candidat Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a bénéficié du soutien « empoisonné » des « indépendants », Ahmed Ould Daddah a vu son parti renforcé par l’arrivée massive de nouveaux cadres-anciens du PRDS, qui se révéleront plus tard être des taupes. Cela deviendra plus évident lorsque ces « agents doubles », pour la plupart anciens ministres de Taya passés au service de Mohamed Ould Abdel Aziz, quitteront le navire Rfd quand Ould Daddah, comprenant trop tard le véritable dessein du tombeur de Maaouiya, décide de retirer son soutien à la « Rectification ». L’objectif de cette stratégie bien pensée était de faire croire à l’opinion publique nationale et internationale qu’Ould Daddah était désavoué y compris à l’intérieur même de son parti.

Donc, la « fronde » contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi s’était accompagnée, on le sait maintenant, d’une mise à mort politique d’Ahmed Ould Daddah. Le terrain était alors dégagé pour le général Mohamed Ould Abdel Aziz pour achever un plan de conquête du pouvoir savamment élaboré en 2005. Le seul hic était un ancien colonel nommé Ely Ould Mohamed Vall dont l’aura de la transition militaire 2005-2007 devait disparaître. A n’importe quel prix.

Détruire le mythe de 2007

Colonel Ely, président de la transition militaire 2005-2007
Colonel Ely, président de la transition militaire 2005-2007

La stratégie du général Aziz était également d’effacer de l’esprit des mauritaniens le passage éclair d’Ely Ould Mohamed à la présidence, en les convaincant que la crise politique d’août 2008 portait en elle les germes d’un mauvais passage de témoin en 2007. En effet, le discours itératif de la « fronde » des parlementaires conduite par le sénateur Mohcen Ould El Haj et le député Sidi Mohamed Ould Maham était que Sidioca, soutenu par les généraux Aziz et Ghazouani, a fini par tourner le dos à ses « bienfaiteurs » pour s’appuyer sur des « revenants » de l’Ancien Régime ! Pour renforcer cette thèse, le président Sidi a été obligé de désavouer son Premier ministre Zein Ould Zeidane, de nommer Yahya Ould Ahmed Waghef et de s’ouvrir sur les islamistes de « Tawassoul » et les anciens kadihines de l’Ufp. Une « charge » de plus contre lui puisque ce nouveau gouvernement n’a pas tenu deux mois « l’armée parlementaire » du général Aziz refusant de collaborer avec des partis politiques à l’idéologie « orthodoxe ».

Pour sortir Ely de la donne politique de façon définitive, le pouvoir l’a « tué » par le score inattendu de 3% à la présidentielle de 2009. Un résultat qui peut avoir été « travaillé » en amont et en aval mais, en réalité, il y a ceux qui pensent que l’ancien président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) aurait dû patienter un peu. Vouloir revenir au pouvoir, deux ans seulement après l’avoir quitté « volontairement », est une avidité politique que les mauritaniens ont reproché à l’ancien président. Il est presque sûr que cette mise à mort politique d’Ely Ould Mohamed Vall est le meilleur « coup » que son cousin Aziz a porté à un adversaire politique. En fait, dès 2005, la bataille était engagée entre ces deux hommes et non pas entre Sidioca et Daddah qui appartenaient déjà à une époque révolue. Celle de l’avant coup d’état du 10 juillet 1978.

 


2015, toujours pareil

2015 : Cela pouvait être le titre d’un film de science fiction. Si on était encore en 1984. L’année de mon bac. Avant d’avoir lu le livre devenu une référence dans la littérature de science fiction, cette date était déjà pour moi l’année du rêve. De l’espérance. Je m’imaginais alors, il y a trente ans, devenir « quelque chose ». Oui, c’est comme ça qu’on dit chez nous: « ad chi » pour dire « devenir quelqu’un ». Pourquoi la chose à la place de la personne ? Je ne sais. La réponse dans 84.

Ce qui est sûr, c’est que ce « devenir » n’a pu muer en réalité. Moi je suis resté moi. Pas grave. La Mauritanie est restée la Mauritanie. Bah, pas grave aussi. Mon pays n’a pas changé. Oui, oui, vous avez raison, j’exagère un peu. Je reconnais que la Mauritanie a fait un grand bond en avant.

Économiquement.

Les cultures vivrières ont cédé le pas à l’agro-business dans la Vallée du fleuve Sénégal. Une activité qui a enrichi une minorité et appauvri une majorité. Une situation de rapport de forces qui existait bien avant. Et qui continue donc en 2015. Des compagnies minières et pétrolières (Kinross, MCM, Petronas) ont débarqué en Mauritanie pour vendre le rêve aux populations. Les revenus sur 5 ans, estimés à des milliards de dollars, ont alimenté les comptes de ces sociétés à l’étranger (Canada, Australie, Malaisie) et contribué à l’émergence d’une classe de nouveaux riches qui tente aujourd’hui de bousculer une économie de rente bien installée. Cela arrive en 2015 mais c’est une répétition de 1978, 1984, 2005 et 2008. A chaque fois que le pouvoir changé de main.

Socialement.

Le mode de vie n’est plus le même. Des pratiques ont changé en bien, d’autres en mal. La scolarité n’est plus considérée comme une « pression » de l’extérieur, mais un « mal nécessaire ». L’école étrangère, dans une optique proche de celle de L’Aventure ambigüe, n’est plus combattue par les milieux conservateurs mais elle reste « en conflit » avec les mahadras (écoles coraniques). Pour une question de préséance de la langue et « d’occupation » du marché du travail. Comme en 1966 et en 1979. La question divise encore aujourd’hui en 2015.

Politiquement.

La Mauritanie de Taya (1984-2005) n’est différente en rien de celle d’Aziz au pouvoir depuis 2005. Oui, oui, ne vous étonnez pas. Il y avait bien, durant la transition militaire, un fauteuil pour deux, malgré les dénégations d’Ely. On parle de démocratie alors qu’on est en pleine « démogachis ». On tourne en rond. Notre modèle politique est continuellement remis en cause. Ça marche un temps, tout le monde applaudit. Jusqu’au prochain coup d’Etat. On « rebelote ». On passe plusieurs années en perte et non profits. Gouvernants, gouvernés et opposants s’en tiennent à un scénario où les rôles peuvent changer à tout moment. Ce qui sous-tend leur action, dans son ensemble, c’est l’espoir. Le temps devient alors de la valeur. « Ne soyons pas pressés, ça changera un jour », entend-on souvent. On le disait en 1984, quand Taya avait « putsché » Ould Haidalla pour remplacer le « redressement national » par le « salut ». On le dit aujourd’hui, en 2015, les dix ans de pouvoir d’Aziz n’ont pas mis fin à la controverse politico-économique. L’armée est toujours au centre des débats. Si elle n’est plus au pouvoir, ce dernier lui doit tout. En 2015, les « ébats » politiques continuent encore sur la démocratie et le rôle de l’armée. C’est le nouveau business de la classe politique. Il y a ceux qui défendent des privilèges et ceux qui réclament leur suppression.

On pensait pourtant, en 2005, que la question ne se posait plus. On nous avait dit que c’était le dernier coup d’Etat. La dernière « Rectification ». On avait même juré, la main posée sur le cœur. Pourtant, il y a eu 2008 et, si la « démogachis » ambiante ne cesse pas, rien ne nous prémunit contre le retour effectif de l’armée. La seule énigme : « quand » ?

Je sais que les derniers événements survenus au Burkina Faso ont redonné l’espoir de voir les hommes en uniformes en finir avec leur exercice favori. Le peuple burkinabé a pris conscience de sa force. Il a dit « non » ! Pour la première fois, je crois, la volonté a triomphé de la force. Mais rien ne garantit que ce sera pareil en Mauritanie, en Algérie ou en Guinée Bissau. Je cite trois exemples, il y en a au moins vingt. Les contre-exemples du « cas » Burkinabé sont là : l’Égypte, le Burundi et le Congo. Il y a toujours une « solution africaine » aux exigences démocratiques de l’Occident: le troisième mandat…ou le péril « islamiste ». Si un pays comme la France, notre « modèle », a réglé la question de l’alternance par le verrouillage des textes, nous réussirons, nous, à faire sauter ce verrou. En Mauritanie, certains avancent déjà dans cette direction en disant, à raison, que la Constitution, œuvre humaine, n’est pas le Coran. Lors de la Querelle des Anciens et des Modernes, l’un des frères Perrault disait, parlant des classiques, « ils sont grands, il est vrai, mais hommes comme nous » ! Autrement : ils peuvent se tromper comme nous pouvons réaliser de grandes choses. La démocratie à l’occidentale est adaptable à l’Afrique. Elle ne doit pas être adoptée. Le contexte français est différent, en lui-même, du contexte américain ou allemand. Mais ils restent comparables dans leurs dispositions générales. Dans leur essence de protection des libertés et de recherche du bien-être général. Si nous Africains et Arabes comprenons cela, nous pourrons agir sur notre devenir en fonction de notre passé et de notre présent. En fait, une démocratie à la carte qui respecte les critères essentiels de liberté, d’égalité, de bonne gouvernance mais surtout d’acceptation du principe de l’alternance pacifique au pouvoir. C’est le pari de l’après 2015 pour qu’une communauté africaine confuse et sans moyens (UA), singeant mal une Onu « occidentalisée » à outrance, sorte de sa léthargie et dit “non” à ce qui se trame au Congo, au Rwanda, en RDC et, probablement, en Mauritanie.