Mohamed SNEIBA

Autour d’un thé : les Mauritaniens sont des génies

Les Mauritaniens sont des génies. Pas en herbe. Ni en paille. Des génies. C’est tout. En tout. Partout où ils passent, ils font parler d’eux. Les Mauritaniens sont interchangeables. C’est ça, leur génie. Sans rien. En un clin d’œil. Ils peuvent se transformer. Histoire de s’adapter. Une capacité d’adaptation extraordinaire. S’adapter avec les mots. Avec les attitudes.

Ce n’est pas de l’hypocrisie. C’est le chameau que le temps a fait courber, il faut le monter. Et la main que tu ne peux couper, il faut faire avec ; l’embrasser, même. En Mauritanie, les civils peuvent jouer le rôle des militaires. Les militaires, prendre la place des civils.

Les journalistes, devenir experts en armement, en stratégie, en Basep. Et les présidents, se transformer, le temps d’une conférence de presse, en animateur. Oui, un président qui joue au journaliste, en donnant la parole, en la reprenant, en la redonnant et en posant des questions genre : qu’est-ce qu’ont ces gens-là contre le Basep ?

Hein, tu penses, toi journaliste, qu’il faille dissoudre une aussi belle unité militaire d’élite ? Ah non, non, ça, jamais ! Le Basep n’est pas à dissoudre, c’est une fierté nationale. Maintiens-le, « Président-Fondateur » ! N’écoute pas ces ennemis de la Nation. Je donne la parole à X Ould Y. Merci, monsieur le Président.

Voici ma question : La Mauritanie, c’est le pays des Almoravides. Des Hommes bleus. Le turban est important contre le vent. La stratégie qui a permis de voir plus clair, dans cette histoire de terrorisme. Et vous, monsieur le Président, c’est-à-dire que moi, ce que je veux comprendre, c’est que c’est-à-dire que, vous, votre mandat passé, plein de réalisations concrètes…

Le système politique que vous avez instauré… 2019, c’est dans moins de quatre ans. Vous avez déjà passé un mandat et vous venez de commencer votre second. Est-ce qu’il fait chaud, ce soir, à Nouakchott ? Merci, monsieur le Président. Sacré Président-Fondateur ! Nous savions que Président-Fondateur était courageux. Officier, citoyen et putschiste.

Ce n’est pas rien. Ennemi du bulletin blanc (1). Cinquante millions de dollars (2). Ce n’est pas rien non plus, comme dit mon ami. Un Africain de très loin, vers le Ghana, Accra, a voulu arnaquer Président-Fondateur. Mais il a appris, à ses dépens, que ce n’est pas facile.

Ghanagate ou Irangate ? Pour sortir l’argent de Président-Fondateur, il faut plus qu’une imposture et se réveiller de bon matin. La preuve. Nicolas Beau ou Nicolas Vilain. Le Monde. Le site de Moussa Ould Samba Sy. Tout ça, c’est quoi ? C’est l’étranger et ses hommes d’affaires, Dé. Pas de commentaires sur les cinquante pages de ce Nicolas à la solde de l’ennemi, de l’opposition, des aigris. Rien de caché. Tout est clair.

Les tribus sont là. Les gens de Zouérate sont sortis m’accueillir. A part cinq. Juste cinq. Venus de Nouadhibou. Là, Moussa a failli fâcher Samba. Attention, Dé. Ça me rappelle l’histoire d’un vieux garde de Boghé, recyclé de l’armée française, avec un ami turbulent qui avait violemment terrassé son fils.

Accouru, le vieux attrapa la main de mon ami agresseur et lui posa cette question : « Toi kaspré ou toi pa kaspré ? » (Soit, en français hexagonal : « L’as fait exprès ou pas ? »). Mon ami lui répondit : Moi paf et kaspré. Allé, dégage ! » Exactement comme le dirait Briga, dans le feuilleton burkinabè « Commissariat de Tampy ». Les biens de Président-Fondateur sont dans l’enveloppe remise à l’ancien président de la Cour suprême.

Certainement il nous entend. Quelques voitures. Quelques terrains. Quelques fermes. Quelques gilets pare-balles… Comme tout le monde. Pour ce mandat, c’est l’actuel président de la Cour suprême qui a dit au Président-Fondateur, que ce n’est pas la peine de dire ce qu’il a.

Qui disait qu’en Mauritanie, chacun peut devenir quelque chose ? Voilà un magistrat qui dit au Président (président du Conseil de la magistrature) de ne pas respecter la loi. L’adage populaire nous enseigne qu’il est, en effet, préférable, pour être rapide, de courir en pente descendante. A vos marques ? Prêts ? Partez !

 

Salut.

1. Opposition d’Aziz, durant la transition 2005-2007, à la volonté du président Ely de rester en appelant les électeurs à voter « blanc », pour dire qu’ils refusent les deux candidats.

2. Cinquante millions donnés par l’Arabie saoudite et dépensés par Aziz, sans en référer au parlement, pour équiper l’armée.

Sneiba El Kory (Le Calame)


Mandats : un, deux, trois, j’y suis, j’y reste !

Le président Nkurunziza du Burundi (Photo google)
Le président Nkurunziza du Burundi (Photo google)

A l’heure où j’écris ces lignes, je ne sais pas comment les choses vont finir au Burundi. Mais une certitude s’impose à nous : le président Pierre Nkurunziza continuera à régner dans l’inconfort total, au milieu des manifestations de rue et dans la peur d’une fin dramatique.

Il y a comme une malédiction du troisième mandat. Les peuples africains commencent à exiger le respect des règles du jeu démocratique. Ils n’acceptent plus de se soumettre à cette folle volonté de rester, dont font preuve certains de leurs dirigeants.

Ce refus d’accepter le jeu de poker menteur a commencé au Sénégal en 2011. Le président Wade avait réussi, en 2011, à tripoter la Constitution pour prolonger son règne, après avoir échoué à faire de son fils Karim son dauphin désigné. Peu enclins à recourir à la force, les Sénégalais ont tout de même réussi à « dégager » Gorgui (1) par la voie des urnes. Avec seulement 35% des voix, Wade a fini par comprendre qu’on ne peut pas forcer son destin à tous les coups. Après les épisodes Ben Ali et Moubarak, c’était son tour de dire : « je vous ai compris ». Avec quand même cette particularité africaine : le seul opposant à tous les présidents qui ont gouverné son pays (Senghor et Diouf, avant lui, Macky Sall, son tombeur).

La leçon sénégalaise n’a pas servi à ouvrir les yeux à Blaise Compaoré. Lui aussi, après 27 ans passés au pouvoir, a voulu pousser encore plus loin sa gestion des affaires. Il pensait sans doute que les Burkinabés étaient moins déterminés que les Sénégalais, les Tunisiens et autres Égyptiens à dire « non » à la dictature.

Pierre Nkurunziza est-il tombé dans le même piège, la même erreur ? S’il ne part pas aujourd’hui, il partira demain dans des conditions encore plus dramatiques pour lui et pour son pays.

Il fait partie de ces présidents africains qui n’ont pas encore compris que les temps ont changé. On prête au président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz l’intention de vouloir rester au-delà de 2019. C’est à dire, plus de 14 ans au pouvoir!  Eh oui, lui au moins, il a eu l’intelligence de placer son mandat « bonus » au début. D’abord, il y a cette cogérance du pouvoir avec le colonel Ely Ould Mohamed Vall, d’août 2005 à mars 2007, puis une présidence derrière les coulisses de Sidioca (2), jusqu’au 6 août 2008, où il refuse d’être limogé et décide de passer devant. Mais l’inspirateur des coups d’États des capitaines bouffons, comme Dadis Camara en Guinée et Sanogo au Mali, selon leurs propres aveux, déclare à qui veut l’entendre qu’il respectera le serment prêté, en août 2014, de ne pas toucher à la Constitution. Et ce, malgré les manœuvres montrant le contraire et les appels lancés par des inconditionnels du président le suppliant de rester.

En tout cas, ceux qui disent que la Mauritanie n’est ni la Tunisie ni le Burkina doivent tirer la leçon de ce qui se passe au Burundi. L’Afrique est en marche. Le refus du troisième mandat, le mandat de trop, est entré de plain-pied dans les mœurs du continent. Il peut échouer au Togo ou au Gabon mais ce ne sera que partie remise. «Être ou ne pas être», tel est le nouveau crédo des peuples africains.

1. « Gorgui », le surnom de Wade, signifie, en Wolof, l’homme.

2. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi


Mauritanie : au temps où les fesses, les grosses, avaient encore leur mot à dire

 

Flickr.com
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Au temps où les fesses, les grosses, avaient encore leur mot à dire, dans notre esthétique féminine. Maintenant que les choses vont vite, que les personnes vont vite, qu’il faut sauter, danser, changer, aller partout, être plus léger, plus agile, plus frétillant. Pour cette fois, HS oblige, je veux parler du mensonge.

Ce n’est plus rien en Mauritanie, Dé. C’était à « beau mentir qui vient de loin ». C’est maintenant à « beau mentir qui n’a jamais quitté ». C’était « un mensonge remplissait un sac, mais ne mettait rien dans l’autre ». Maintenant, le mensonge remplit tous les sacs, les magasins et les conteneurs. Le mensonge était l’exception. Maintenant, il est la règle. Les menteurs sont rois.

Les faiseurs et défaiseurs de situation. Les Boss. Les Grands. Les Incontournables. La Mauritanie est malade du mensonge. Des mensongers. Des spécialistes de ce qu’Allah ne lui a jamais dit « sois ! », pour être. Du sommet à la base. De l’opposition à la majorité. Des civils aux militaires. Les femmes.

Les hommes. Les jeunes. Les partis. Les organisations. La presse. Surtout celle-ci. Raconte n’importe quoi. Sans preuve. Des mensonges historiques. Qui finissent en mensonges. Des mensonges qui finissent en mensonges. Il faut au moins un début de preuve, comme disent les juristes. Mais une histoire complètement créée de « saftou » (une partie de la cuisse).

Des gens sans mâchoires. Ou aux mâchoires en caoutchouc, voire démontables. Tous. Sans exception. Du haut en bas. Mensonge en tout. Politique. Economie. Société. Culture. Histoire. Que de mensonges ! Cette histoire de dialogue… Conduis-moi. Retourne-moi. Le problème, c’est le président. Le problème, c’est le FNDU. Le problème, c’est Messoud. Le problème, c’est la majorité. Le problème, c’est l’opposition.

Le problème, c’est la délégation. Le problème, c’est les préalables. Le problème, c’est le BASEP. Le carburant ? Les 400 milliards de la SNIM ? Des milliards sont rentrés par ci. Des milliards sont sortis par là. Notre armée ? C’est la meilleure du monde. Ses équipements ? Depuis Aziz, pardon, depuis 2008 : super équipée comme pas possible.

Les tracts ? Mensonge complet des ennemis du pouvoir. Les nouveaux marchés construits près du Stade olympique, aux abords de l’Ecole de police, vers la route de Soukouk et autres ? Quelque chose comme : c’est pour la première dame. Ou la dernière dame. Mensonge ou vérité ? Confusion totale. Motus et bouche cousue.

Mais ce qui tue tout, c’est qu’en Mauritanie, tout se sait. Les langues des Mauritaniens les mangent. Impossible de taire quelque chose. Des tronçons interurbains qui ont fini en mensonges. Des projets qui ont fini en mensonges. Des promesses qui ont fini en mensonges. Le mensonge est ambiant. Naturel. Normal.

Cette histoire de nouvel aéroport qui desservirait toutes les villes du monde ou presque. Des millions de passagers par an. Fin des travaux en 2014. Avril 2015 ? On ne dit rien. Pas avant de finir la liquidation des terres de l’ancien aéroport, via les intermédiaires. Mensonge culturel. La Mauritanie est un arc-en-ciel. Riche de sa diversité.

C’est du mensonge que de dire autre chose que cela. C’est même de la malhonnêteté, empreinte de complexes et de négationnisme. Mensonge télévisuel. Mensonge radiophonique. Mensonge historique. La Mauritanie contemporaine, c’est depuis le milieu des années quarante.

Ce n’est pas depuis 2008. Accumulations négatives. Oui. Réalisations positives. Non. C’est du mensonge. C’est de l’hypocrisie. C’est de la diversion. Du mensonge envahissant qui remplit tous les espaces. Mensonge, de la Présidence au bourg le plus reclus. Mensonge au Parlement. Mensonge aux ministères. Dans la presse : officielle et privée. A la majorité. A l’opposition. Partout. Pauvres de Nouz’Autres.

Salut.

Sneiba El Kory (Le Calame)

 

 


Oui, où étiez-vous, messieurs ?

Le président Taya décorant Aziz, son futur tombeur (Photo: google)
Le président Taya décorant Aziz, son futur tombeur (Photo: Google)

C’est un autre champ de bataille entre la majorité et l’opposition. Une controverse qui relève de la politique politicienne.

L’appartenance ou non à l’ancien régime. La ligne de démarcation est choisie de commun accord : le 3 août 2005, date du coup d’État conduit par Mohamed Ould Abdel Aziz, alors colonel, contre le président Taya.

Si j’ai choisi de « résonner », à mon tour, sur cette question précise c’est pour tenter de couper court à toutes discussions sur un sujet aussi futile. La place des hommes et femmes dans l’ancien système – ou dans l’actuel – ne relève pas d’un quelconque déterminisme. Personne n’est destiné, à vie, pour le pouvoir ou l’opposition. C’est une affaire de circonstances. D’opportunisme plus que d’opportunité. Si le président fait appel à vous, vous pouvez difficilement refuser l’offre de service politique. S’il vous ignore, vous avez le choix entre rester dans l’antichambre du pouvoir, en attendant que sonne votre heure de gloire, ou aller grossir les rangs de l’opposition. Ceci dit, je ne suis pas d’accord avec les hommes du pouvoir qui accablent l’opposition, en affirmant qu’elle est devenue « le refuge de la plupart des anciens barons du régime de Taya », l’homme qui a régné sur la Mauritanie de 1984 à 2005. Certes, la liste que je livre ci-après est loin d’être exhaustive mais elle donne, clairement, une tendance. Les anciens Premiers ministres, à une exception près, sont tous rangés aujourd’hui du côté du pouvoir. Les hommes d’affaires qui comptent également. Concernant les anciens ministres, la majorité fait également le plein face à une opposition « qui n’a rien à offrir », comme on dit. A peine si on ne laisse pas croire que ceux qui y ont élu domicile aujourd’hui y sont contraints et forcés.

En tout cas, la forte présence des anciens ministres de tous les régimes qui se sont succédé en Mauritanie, de l’indépendance à nos jours, dans le camp de la majorité, justifie bien le rapport actuel des forces, et montre que l’alternance n’est pas pour demain. A moins qu’un énième coup d’Etat ne vienne encore perturber les calculs des politiques.

Maintenant, découvrons, ensemble, ces hommes et femmes, qui ont accompagné Taya vingt ans durant, et qui continuent avec son tombeur, Mohamed Ould Abdel Aziz. Face à cette armada politique, le camp de l’opposition affiche une « pauvreté » déconcertante

 

  1. Le camp du pouvoir

 

  • Les anciens Premiers ministres :

 

  1. Sidi Mohamed Ould Boubacar, ambassadeur
  2. Cheikh El Avia Ould Mohamed Khouna, ambassadeur
  3. Sghair Ould M’Bareck , président du Conseil constitutionnel.
  4. Mohamed Lemine Ould Guig, Inspecteur général d’État.
  5. Sid’Ahmed Ould Bneijara

– Anciens ministres :

  1. Mohamed Ould Boilil (actuel président de l’Assemblée national)
  2. Kaba Ould Elewa
  3. Kane Moustapha
  4. Moudir Ould Bouna
  5. Isselmou Ould Sid’El Moustaph
  6. Sidi Ould Didi
  7. Naha Mint Mouknass
  8. Cheikh Ahmed Ould Zahav
  9. Mohamed El Moctar Ould Zamel
  10. Aichetou Mint M’hayham
  11. Selma Mint Teguedi
  12. Sidi Ould Khliva
  13. Sidney Sokhna
  14. Soumare Oumar
  15. Camara Ali Gueladio
  16. Mohamed Ali Ould Sidi Mohamed
  17. Ba Bocar Soulé
  18. Ba Houdou

19 . Dah Ould Abdel Jelil

  1. Abdel Kader Ould Mohamed
  2. Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba
  3. Hamadi Ould Meimou
  4. Moussa Diagana
  5. Dahmoud Ould Merzoug
  6. Salka Mint Bilal Ould Yamar
  7. Sid’Ahmed Ould El bou
  8. Zeidane Ould Hmeyda
  9. Ba Abdoulaye Mamadou
  10. Noubghouha Mint Tlamid
  11. Mohamed Ould Haymer
  12. Diallo Abou Moussa
  13. Sow Abou Demba
  14. Yahya Ould Sid El moustaph
  15. Mohamed Ould Rzeyzim
  16. Hamoud Ould Ely
  17. Sidi Ould Samba
  18. Dah Ould Abdi
  19. Moustapha Ould Abdalla
  20. Mohamed Mahmoud Ould Javaar
  21. Oumar Ould Matalla
  22. Mohamed Yehdhih Ould Breidelleyl
  23. Moulay Ould Boukhreyss
  24. Ahmedou Ould Sidi Ould Hanenna
  25. Isselmou Ould Mohamed Vall
  26. Taki Ould Sidi
  27. Brahim Ould Alioun N’diaye
  28. Sidi Ould Ahmed Deya
  29. Sow Adama Samba
  30. Seniya Mint Sidi Haiba
  31. Mohamed Mahmoud Ould Abdallahi Ould Boye
  32. Mohamed Mahmoud Ould Valili
  33. Mohamed Vadhel Ould Mohamed Lemine
  34. Zeinebou Mint Mohamed Ould Nahah
  35. Mohamed Sidiya Ould Mohamed Khaled
  36. Mehla Mint Ahmed
  37. Boutrigha Mint Kaber
  38. Mohamed Ghali Ould Chriv Ahmed
  39. Mohamed Lemine Ould Khattri
  40. Deddoud Ould Abdallahi
  41. Memed Ould Ahmed
  42. Ba Amadou Racine
  43. Mintata Mint Hedeid
  44. Diop Abdoul Hamet
  45. Mohamed Heibetna Ould Sidi Haiba
  46. Boullah Ould Mogueya
  47. Moctar Ould Haye
  48. Mariem Mint Ahmed Aicha
  49. Limam Ould Teguedi
  50. Khattar Ould Cheikh Ahmed
  51. Mohamed Lemine Salem Ould Dah
  52. Fatimetou Mint Mohamed Saleck
  53. Hamoud Ould M’hamed
  54. Mahfoud Ould Mohamed Ali
  55. Lemrabott Ould Mohamed Lemine
  56. Sidi Mohamed Ould Taleb Amar
  57. Hacen Ould Mohamed
  1. Hamoud Ould Abdi
  2. Hamma Ould Soueilem
  3. Diallo Abou Moussa
  4. Diabira Bakary
  5. Cheikh Saadbouh Camara
  6. Sidi Mohamed Ould Mohamed Vall
  7. Abdi Ould Horma
  8. Cheikh Ahmed Ould Sid’Ahmed
  9. Bâ Madine
  10. Cheikh El Kebir Ould Chbih
  11. Ahmedou Ould Ahmedou
  12. Cheyakh Ould Ely
  • Les hommes d’affaires
  1. Groupe Noueigued
  2. Groupe MAOA
  3. Groupe Tajidine
  4. Groupe Sahraoui
  5. Groupe Ehel Ghada

 

2. Le camp de l’opposition

 

  • Les anciens Premiers ministres

– Yahya Ould Ahmed Waghef, seul ancien Premier ministre (sous Sidi) qui est aujourd’hui à la tête d’un parti d’opposition.

 

– Les hommes d’affaires

  • Groupe Bouamatou
  • Groupe Abeidna

– Les anciens ministres

  1. Ahmed Ould Daddah (Ancien ministre de son frère, opposant, à Taya de 1992 à 2005)
  2. Messaoud Ould Boulkheir (ancien ministre de Taya auquel il s’est opposé par la suite, et ancien président de l’Assemblée nationale)
  3. Mohamed Abderrahmane Ould Moine
  4. Boidieil Ould Houmeid
  5. Moustapha Ould Abeiderrahman,
  6. Ahmed Ould Sidi Baba
  7. Sow Mohamed Deyna
  8. Louleid Ould Weddad (ancient dircab de Taya)
  9. Ba Mamadou Alassane
  10. Isselmou Ould Abdel Kader
  11. Mohamed Mahmoud Ould Weddady
  12. Fatimetou Mint Khattri
  13. Mohamed Vall Ould Bellal
  14. Mohamed Ould Abed
  15. Mohamed Ould Smail Ould Abeidna
  16. Mohamed Sid’Ahmed Lek’hal
  17. Mohamed Ould Khlil
  18. Ely Ould Allaf
  19. Cheikh Sid’Ahmed Ould Babemine
  20. Mahfoud Ould Bettah
  21. Mohamed Lemine Ould Deidah

 

 

 


Gueyem *?

Le président Aziz (Crédit photo: google)
Le président Aziz (Crédit photo: google)

Kif-Kif, capitale de la province « la Ceinture », a bien accueilli le président Vegrach (1). Un accueil grandiose, quoique dira l’opposition. Des dizaines de milliers d’anonymes qui n’ont pas dérogé à la règle. C’est ainsi qu’ils accueillaient tous les présidents qui ont précédé Vegrach.

On se rappelle encore de ces mobilisations monstre du temps de Lem’abess (2), le prédécesseur de Vegrach. Il avait passé vingt ans au pouvoir et a eu largement le temps de goûter aux délices de ces « vive, vive » qu’on entend scandés par des milliers de personnes ne comprenant rien aux choses de la politique. L’essentiel pour la plèbe est d’accompagner le mouvement. Accompagner tout militaire ou homme politique qui parvient, par n’importe quel moyen, à accéder au pouvoir. Hier c’était Lem’abess, aujourd’hui c’est Vegrach. Et demain ? Demain, il y aura un autre.

Les soutiens du pouvoir, notamment ceux du parti « Union pour rien » (UPR), font semblant de l’ignorer. Ils agissent comme si Vegrach ne devrait jamais quitter le palais brun. Pourtant, il est là depuis dix ans (2005) et devrait, en principe, rendre le tablier en 2019. Alors, pour une fois, je suis d’accord avec l’UPR que ce n’est pas à l’opposition de décréter le « rahil (3) » avant terme de Vegrach. C’est vrai que sa gestion des affaires publiques laisse à désirer, mais il a été quand même élu en 2009 et réélu en 2014. Peu importe la manière. C’est la même chose partout en Afrique. A une exception près.

La chanson « gueyem » (va-t’en) d’un célèbre groupe de hip-hop avait repris le flambeau pour demander le départ de Vegrach. Conséquences : l’un des membres de ce groupe a été jeté dans le gnouf, accusé d’atteinte aux mœurs et de trafic de drogue, et ses deux compères poussés à l’exil ! Pourtant, ces faits qu’on peut qualifier d’atteinte à la liberté d’expression dans la République des Mirages n’ont pas empêché le président Vegrach à dire, à qui veut l’entendre, qu’il n’y a pas de prisonniers d’opinion dans son pays ! Même pas les militants de ce mouvement anti-esclavagiste dénommé IRA, qui croupissent en prison depuis plusieurs mois ! Mais ça, c’est un autre sujet. Passons !

Une poignée de privilégiés accaparent tout, elle racle tout et à ciel ouvert

Kif-Kif a sans aucun doute réussi son accueil mieux que les autres villes du pays déjà visitées. Seulement, l’opposition pense que les gens de « Darja » (4), la capitale politique de la République des Mirages, ont envahi, comme à leur habitude, cette ville du centre et empêché le président de voir le véritable visage de Kif-Kif. Les voitures tout-terrain, les beaux habits et tous ces signes de « tcha’achi’e » (modernité) sont de circonstance. Chaque responsable originaire de la province visitée met un point d’honneur à « s’équiper » pour ce Grand Jour. La « visitation ». Les populations visitées sauront apprécier. Elles seront plus ravies si cette apparence s’accompagne d’amabilités en espèces sonnantes et trébuchantes.

Mais le temps du président Vegrach est loin d’être celui de Lem’abess, dont il était le chef de la garde présidentielle. En ce temps là, l’argent coulait à flots. Les « gabegistes », comme on les appelle ici, étaient légion, mais personne ne s’en offusquait. Il y avait, au moins, dit-on aujourd’hui, une « bonne » redistribution des milliards détournés. Le ministre laisse quelque chose au secrétaire général et aux directeurs ; ceux-ci saupoudrent les chefs de service, chefs de division, agents, plantons et simples parasites, dont les fameux « peshmergas » de la presse.

C’était le temps du « tbowdigh » (l’abondance), disait le griot S.O.G. Tout le monde était content parce que tout le monde passait à la caisse. Une corruption généralisée. Aujourd’hui, disent les mauvaises langues, une poignée de privilégiés accaparent tout. Elle racle tout et à ciel ouvert. Pourtant, Vegrach dit le contraire. A chaque interpellation par la presse, il dit, sans gêne, « où sont vos preuves » ? Il n’a ni amis ni proches bien placés. Seulement des ennemis ? Ceux qui lui lancent « ar’hal », « gueyem » avant la fin de son mandat. Alors qu’on prête à Vegrach de vouloir rester ! L’accueil qu’on a vu à Kik-Kif peut jouer un rôle décisif dans la prise de décision : partir en 2019 ? Rester ? Une seule certitude : ceux, nombreux, qui sont sortis hier à Kif-Kif pour accueillir Vegrach, seront là, demain, dans trois ans, dix ou vingt ans, pour rejouer la même pièce écrite et mise en scène par « l’Union pour rien ». Aux « vive, vive » qu’on entend aujourd’hui succédera « le président est parti, vive le président ».

1. Le brave

2. Le taciturne

3. Départ. Terme qu’une partie de l’opposition a brandi lors du « printemps arabe ».

4. Gloire.

En français, « va-t’en ». Titre d’une chanson du groupe mauritanien de Hip-Hop, « Oulad Leblad » adressée au président Aziz.


Présidentielle 2016 aux Etats-Unis : un Noir…une femme ?

Barack Obama et Hilary Clinton (Photo : google)
Barack Obama et Hillary Clinton (Photo : Google)

Elle l’a fait, ou plutôt refait. Hillary Clinton a annoncé, hier, sa candidature à la candidature démocrate pour la prochaine présidentielle, en 2016. L’épouse de l’ancien président Bill Clinton se lance, à nouveau, dans la course à la Maison Blanche, après son ratage de 2008, face à l’actuel président Barack Oboma, qui lui avait raflé, contre toute attente, la candidature démocrate. Mais selon bon nombre d’observateurs, elle tient cette fois, sa revanche contre le mauvais sort. Et, contrairement, à ce que beaucoup d’analystes considèrent comme ses principaux atouts (son statut d’ex-Première Dame et d’ancienne secrétaire d’Etat), ce sera la volonté des Américains de montrer au reste du monde leur « singularité » qui donne sa véritable chance à Hillary Clinton.

En effet, après avoir porté à la présidence de la première puissance mondiale un Noir, chose inconcevable il y a encore trois à quatre décennies, l’Amérique voudrait bien se distinguer en portant une femme à la présidence. Certes, plusieurs pays ont déjà franchi ce pas, mais l’Amérique, indépendante depuis 4 juillet 1776, n’avait pas encore osé.

Après avoir entretenu le suspense pendant de longs mois, Hillary Clinton a annoncé ce dimanche sa candidature à l’investiture démocrate en vue de la prochaine présidentielle en 2016. D’après les pronostics, elle a cette fois-ci 60 % de chances d’être la championne du camp de « l’âne ». Mais son choix, déjà approuvé par Barack Obama, qui ne tarit pas d’éloges envers celle qu’il appelle son « amie » n’est que la première étape d’une course qui sera longue et éprouvante. Le camp républicain, celui de l’éléphant, affûte lui aussi ses armes et on peut être sûr que ce ne sont pas les (bons) candidats qui lui manquent. Le futur adversaire républicain d’Hillary Clinton a l’avantage de la situation « idéale » avec un Congrès composé majoritairement des partisans de l’éléphant (233 contre 199, à la Chambre des représentants et 54 contre 44 au sénat). Le poids électoral de ces élus est-il proportionnel à leur nombre ? C’est là toute la question.

La bataille qui s’annonce sera certes influencée fortement par la personnalité des candidats républicain et démocrate, mais aussi par leur pouvoir de persuasion quant à la manière dont ils comptent aborder les problèmes économiques et sociaux qui troublent aujourd’hui le sommeil des Américains. Là, il faudra attendre le démarrage effectif de la campagne pour apprécier les chances de celle qui aspire à devenir non pas la Première Dame américaine, mais la présidente des Etats-Unis d’Amérique.


Autour d’un thé : Le président a toujours raison

Le président Aziz (Crédit photo: google)
Le président Aziz (Crédit photo: google)

Selon un adage populaire bien de chez nous, « le grand dit sa parole et le petit se tait ». Même chez les civils. Devant un président, on ne parle pas n’importe comment. On se lève. On lève le doigt. On parle poliment. Et l’on se tait, quand on nous le demande.

C’est ça, la discipline. Pourtant, c’était facile. Regardez ce que faisaient les ministres. C’était comme si des oiseaux nichaient sur leur tête. Bras croisés. Têtes baissées. Dossiers sur les genoux. Hochements mécaniques de la tête. Non, non, Vous n’avez pas demandé aux gens des Hodhs de mobiliser chevaux et chameaux.

Oui, oui, la ligne budgétaire de la SONIMEX, c’est vers le million de dollars. Voilà pourquoi le choix des journalistes qui doivent rencontrer le Président est difficile. Un seul mauvais met tout en l’air. Heureusement, le courage historique du Président a sauvé la situation. Eteins la télévision ! Déguerpis ! Foutez tous le camp ! La Mauritanie, c’est moi. Je suis chez moi.

C’est mon territoire. Tu fais le malin ? Sors d’ici ! Demandez à Sidioca¹ et à son gouvernement. Ici, on marque le pas. On ne dit pas non, ici. C’est quoi, ça ? Ici, c’est la Présidence. Ce n’est pas le siège du FNDU² ni de Tawassoul³.

Celui qui veut dire non n’a qu’à aller là-bas ou dans la rue, avec les ex-travailleurs de Pizzorno, les parents des détenus, les expropriés des gazras (bidonvilles), les « Ana Ilmi » (je suis scientifique) ou autres. Ici, c’est : « oui, Président ! » ou dehors. Il faut savoir choisir.

La parole est à son Excellence Monsieur le Président, comme le dit si bien le fantaisiste journaliste qui dirigeait la conférence de presse. Bon, c’est bon. Passons. Celui qui ne se fâche pas est un âne. Celui qui ne pardonne pas est un satan.

Revoilà le Président et ses invités visiblement réconciliés. Les ténèbres portent conseil. On peut recommencer. Vous savez, dans la mise en scène d’un scénario, les acteurs peuvent reprendre la séquence plusieurs fois. L’incident a permis, au Président, de devancer les journalistes à leurs esprits.

Un carnaval, c’est quoi ? Des chameaux et des ânes. Venus d’eux-mêmes. Suivant. Dialogue ? L’opposition veut mettre la charrue avant les bœufs. Les résultats du dialogue d’abord, le dialogue ensuite. Suivant. Consultation juridique ? Les juristes ont menti.

Suivant. Détenus politiques ou d’opinion ? Peut-être dans ta république. Dans la mienne, tout le monde est libre. Suivant. La SNIM ? Entre deux : la direction générale et les travailleurs. La SNIM est une vague qui ne mène à rien. Les vagues dans le Tiris ! Ça doit faire très solide. Les quatre cent milliards sont allés dans une bretelle, entre Adel Bagrou et Amourj entre autres. Les biens d’untel ? C’est pas moi.

C’est avant moi. Les responsables de la surveillance maritime avaient droit à 60%. Nous les avons diminué en enlevant 40% reste 30%. C’est du calcul mental fait précipitamment. Et puis, l’erreur est humaine. Ensuite, tout ce que les journalistes détiennent comme information, c’est faux.

Chiffres sur la SNIM ? Faux. Les histoires sur la politique ? Fausses. Affaire Ould Mogueya ou détenus nouvellement transférés vers El Bir ? Faux. Maurisbank, Birame, Dialogue, Opposition ? Que du faux. Référendum ? Troisième mandat ? Tout ça, c’est complètement faux. Ce sont des vagues que certains veulent monter et qui ne les mèneront à rien.

En tout cas, pas à la Présidence. Maintenant, s’ils veulent aller ailleurs, bon voyage. Guinée. Sénégal. Nigéria. La démocratie avance en Afrique. Mamane disait que Goodluck Jonathan est devenu Good Bye Jonathan. Remplacé, par voie des urnes, par un ancien putschiste redevenu démocrate.

Ça existe. Entre visite et visitation, il y a nuance. Visite, c’est voyager en hélico, en changeant de tenue à chaque étape, en entrant dans une salle de classe ou un dispensaire de brousse préalablement visités par l’un ou l’autre des ministres de tutelle. Deux cent mille par-ci, un puits par-là, une promesse là-bas. Visitation, c’est de longues veillées agrémentées de poésie, de folklore et de danses… Visite, c’est bon. Visitation, ça ne bon pas.

Salut.

Sneiba Elkory (Le Calame)

1. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, président « putsché » par Aziz le août 2008

2. Forum national pour la démocratie et l’unité.

3. Parti d’obédience islamiste, actuel chef de file de l’opposition en Mauritanie.


Lettre à mon double

Moi (Crédit photo: Sneiba)
Moi (Crédit photo: Sneiba)

C’est ta faute si je ne suis rien aujourd’hui. Rien ? Pas tout à fait. Peut-être que j’exagère un peu. Disons que je pouvais être « quelque chose », comme disait un vieux griot de chez moi, au temps du président Taya. Ministre, pourquoi pas ? En tant que hartani, j’ai besoin d’être seulement un grand « safagh », un applaudisseur « déchaîné », comme on en voit à toutes sorties du président. C’est l’unique voie aujourd’hui. Le grand militant qui s’impose par son combat, cela ne court plus les rues. Malheureusement. Les Messaoud et autres Biram, il n’y en a pas mille.

Donc « safagh » c’était ma voie toute tracée pour réussir mais toi, mon cher double, tu m’en as empêché. Je n’avais pas besoin d’un grand diplôme pour être ce que je ne suis pas aujourd’hui. Un DEUG ou une licence, même usurpés, même cachetés avec le fond d’un verre à thé, auraient suffit.

Je n’aurais pas également besoin d’être né fils d’une « grande tente ». Pourtant, l’honorable Boydiel nous dit qu’il en existe – aussi – parmi les « hratin » alors qu’on pensait que c’était un label « beydan » (blanc) ou propre à la noblesse négro-africaine. Dans ce dernier cas, je devais parler plutôt de fils de « grande case » car mes frères noirs ne veulent pas être assimilés par mes anciens maîtres blancs. Mais ceci est une autre histoire.

Je disais donc que j’ai raté une belle carrière de « safagh » (applaudisseur) et que c’est ta faute à toi mon cher double. Je me rappelle encore les propos de ce très haut responsable qui me disait : je peux te nommer à n’importe quel poste mais tu ne m’inspires pas confiance ! Je n’ai pas répliqué parce que je saisissais parfaitement le sens de ce propos. Je suis probablement un piètre « safagh » mais pas un lâche. Je dis ce que je pense. Très haut et tout de go.

Le reproche que me fait cette personnalité très importante du régime actuel en Mauritanie est pour toi. Toi qui es un autre moi-même, incapable de se taire quand il faut dénoncer. Alors que moi, je veux être normal. Prendre les choses comme elles se présentent. continuer à dire « non », quand il le faut, mais dire « oui » quand c’est nécessaire.

Il me rappelle aussi ce que me disait un ami, ayant réussi lui à grimper les plus hautes marches du Makhzen : « il y a deux personnes en toi. Une, raisonnable, sympa et tout, et une autre qu’on pourrait qualifier de « casse-carrière ». Eh oui, cet ami voulait me dire que je ne fais aucun effort pour intégrer la classe très prisée des « gens du pouvoir », ces hommes et femmes qui passent du jour au lendemain de rien à « responsable » de quelque chose. En voyant ces « moudir » (directeurs), ces vizirs, ces « dibites » (députés) et ces « oumda » (maires), je me dis que rien n’est impossible dans la « Mauritanie Nouvelle ». La plupart n’étaient rien, avant la « Rectification » de 2008, ils sont devenus « quelque chose » aujourd’hui. Ils ont compris qu’il suffit seulement de savoir jouer le jeu. Être ce que vous n’êtes pas.


Mauritanie : ni « printemps arabe » ni « printemps africain »

Grève des travailleurs de la SNIM (Crédit photo: medseib)
Grève des travailleurs de la SNIM (Crédit photo: medseib)

Je commence à croire sérieusement que le pouvoir a mille et une raisons de dire que la Mauritanie n’est ni la Tunisie ni la Libye. J’ajouterai moi : ni le Burkina ! Elle n’est même pas ce « trait d’union » entre le monde arabe et le monde noir. Elle n’est qu’elle-même : une terre de frustrations tues, un vrai « bilad esseyba » (jungle), terre d’hypocrisie et de faiblesse. Elle peut être gouvernée par Aziz comme elle l’a été par Sidi, Ely, Maaouiya, Haidalla ou Moctar. Rien n’arrivera. De mieux ou de pire. Même quand on acceptera de porter au pouvoir Samba ou Demba¹. Ou Messaoud² ! Des types de Mauritaniens qu’on tient encore à l’écart de la présidence. Au motif fallacieux qu’il faut « donner le temps au temps ».

Pourtant, la Mauritanie n’est pas plus conservatrice que les Etats-Unis d’Amérique où Barack Obama, issu d’une communauté noire d’à peine 15 % de la population américaine, a été élu à la tête de la première puissance du monde et même, réélu ! Je vous le dis, n’importe quel bougre, de n’importe quelle tribu, ou région, peut nous gouverner.

Aucune bête ne donnera des coups de corne à une autre pour cela. Nous sommes un peuple de soumis, de commis, de ni… ni. Nous sommes forts en paroles, nuls en actes. On veut changer le monde alors qu’on est incapable de changer notre pays ! Une année de présidence de l’Union africaine est vue par les thuriféraires du régime en place comme le retour à « l’âge d’or » de la diplomatie mauritanienne, au temps du « Père fondateur », Moktar Ould Daddah. Une escapade présidentielle de dix jours à l’intérieur du pays, qui a eu pour effet de vider la capitale de sa population et d’enclencher la touche « pause » de l’administration, est présentée comme une « première » parce qu’Aziz n’a pas été chanté comme Taya dans des soirées sous la tente. Le président l’a dit, lors de sa fameuse conférence de presse, et ses soutiens « engagés » l’ont répété jusqu’à en faire l’attitude qui changera la face de la Mauritanie ! Ce ne sera ni « printemps arabe » ni « printemps africain ».

Nous, on n’est pas de cette étoffe, je vous l’ai dit. Chacun vous dira que la tranquillité n’a pas de prix. Certes, mais il s’agit ici, sans qu’on se le dise, de la tranquillité de chacun, car les bobos que rencontrent autrui ne comptent pas. C’est une hypocrisie de dire que c’est au nom de « l’unité nationale », de « la paix et de la stabilité » du pays, de la « cohésion sociale », de ceci ou de cela.

Que l’Etat affame plus de 3 000 travailleurs et leurs familles, cela ne regarde personne. Pourquoi, diable, sont-ils allés en grève. « Au mauvais moment », à dit notre raïs ; les prix du fer passant de 172 USD à seulement 55 USD. Reprenez vos postes et on verra après, quand le cours du minerai remontera. Demain ou dans dix ans. L’opposition dénonce, mollement, cette attitude désinvolte du pouvoir, la majorité applaudit. Comme d’habitude. Le Chef a toujours raison, surtout quand il s’agit d’un général reconverti par accident en politique.

Que l’Etat jette en prison des militants de droits de l’homme, comme ceux d’IRA, c’est chose ordinaire. Très ordinaire même puisque dans la conférence de presse devenue « historique », le président Aziz a dit qu’il s’agit d’une affaire de justice ! Oui, oui, ils ont marché, sur plus de deux cents kilomètres, pacifiquement, pour dénoncer l’esclavage foncier, et ont été arrêtés aux portes de la ville frontalière de Rosso, « pour manifestation non autorisée » et « résistance aux forces de l’ordre », ou quelque chose de ce genre. La même stratégie qui a été adoptée pour freiner l’élan des « marcheurs de Boghé », accueillis, au carrefour Madrid, par des policiers, gardes et gendarmes déchaînés, et accusés d’avoir été manipulés par l’opposition.

Qu’un jeune homme soit tué par balle, à Maghama, parce qu’il manifestait, avec plusieurs autres, contre des pratiques scélérates qui divisent les citoyens en Mauritaniens et mauritaniens, cela ne sort pas de l’ordinaire. Je vous l’ai dit, la Mauritanie n’est pas la Tunisie et Lamine Mangane n’est pas Bouazizi. On est seulement réconforté qu’il soit Ould Ahmed Machdhouf, tué à Akjoujt par des éléments de la garde nationale, lors d’une manifestation des travailleurs de la MCM. Dans de telles bavures, les citoyens sont au moins égaux. Que la victime soit blanche ou noire, l’auteur de la bavure sera toujours absous. Le pouvoir a toujours raison. Même quand il décidera de nous entraîner dans un suicide collectif. Car il semble avoir fait sienne cette sentence : « Après moi, le déluge ».

1. Prénoms généralement négro-africains.

2. Messaoud, nom du leader haratine, président de l’Alliance populaire progressiste (APP), ancien président de l’Assemblée nationale et actuel président du Conseil économique et social.


Peshmerga : La pratique mauritanienne du journalisme « alimentaire »

Corruption (Photo: google)
Corruption (Photo: google)

En Mauritanie, le phénomène fait tâche d’huile : les journalistes peshmerga ! Ceux que j’ai pour habitude aussi d’appeler les « journulistes », nom qui, j’avoue, est loin de rendre compte de tous les aspects que revêt cette pratique du journalisme alimentaire.

L’appellation « peshmerga » (en référence aux combattants kurdes) vient sans doute de cette absence de règle. Absence de formation aussi. On peut être manœuvre, boucher, ou chamelier et décider, sans crier gare, de devenir « journaliste ». Cela ne demande rien du tout: constituer un statut d’entreprise de presse, le faire légaliser et nous voilà dans un monde sans foi ni loi où tout ce qui compte c’est le profit. Un journaliste peshmerga ne refuse rien. Ne recule devant rien. Il a le courage – la témérité plutôt – de dire « merde » à la déontologie ou à toutes règles qui se dressent entre lui et le gain. Je vous l’ai déjà dit, il ne refuse rien. Il vous laissera tranquille si vous lui filez 2000 UM (5 euros) mais pas quand vous lui promettez 100000 UM. Il sait, par expérience, que la promesse d’un responsable mauritanien n’est pas une dette, mais une manière de se tirer des griffes d’un peshmerga.

D’aucuns pensent, à tort ou à raison, que les peshmerga sont une création de l’État. Le fait d’autoriser n’importe qui à devenir « journuliste », au temps du président Taya, était une manière de décrédibiliser la presse. Pour ceux qui voient les agissements des peshmerga lors des déplacements du président à l’intérieur du pays ou à l’occasion de l’organisation d’un séminaire, c’est ça le vrai visage de la presse. Les journaux et sites sont un moyen non une fin.

Les peshmerga s’organisent en groupe, quand il y a opportunité de passer à l’action, désignent un chef qui parlera en leur nom et servira de trésorier. Le partage peut se faire après chaque « donation » ou attendre la fin de la « mission ». Avec le risque de voir le chef disparaître avec le pactole. Pourtant, les peshmerga sont connus pour être très solidaires. Attaquez l’un d’eux et vous les aurez tous sur le dos. Ils ont l’avantage de pouvoir dire ce qu’ils pensent. Et même de le présenter comme la vérité. Leur Vérité. Celle qui fait de la presse le reflet de la société. Puisqu’il y a de faux docteurs ès n’importe quoi, eux incarneront cette presse qui ose. Cette presse qui demande aux voleurs de la République sa part du gâteau. De crainte de provoquer un scandale, le responsable sollicité est souvent obligé de se soumettre à leur injonction : « libérez-nous ». Le verbe « libérer » est même devenu le plus usité dans la terminologie peshmerga. Vous les entendrez souvent dire: Le port « li-beu-re » (le port a libéré. Entendez: a distribué des abonnements). Toutes les administrations, publiques ou privées, y passent. Les ministres, les hommes d’affaires, les directeurs, les chefs de projets subissent le diktat des journalistes peshmerga. Une loi non écrite qu’on a même essayé d’appliquer à certaines chancelleries étrangères mais avec moins de réussite. Le harcèlement, individuel ou par groupe, n’épargne aucun lieu: bureau, domicile et même mosquée! J’ai même été témoin une fois, et malgré moi, d’une scène de filature. Un très haut responsable militaire poursuivi de l’État-major à son domicile, « coincé » juste à la descente de sa voiture et obligé de donner numéro de téléphone et rendez-vous. C’est ce jour là que j’ai compris que pour être un journaliste connu, il ne suffit pas de signer dans les plus grands journaux de la place mais  de se mettre à l’école du « peshmerguisme ».

PS : Il faut tout de même souligner que des journalistes « respectables » s’adonnent, à leur manière, au « peshmerguisme ». Ils le font seulement avec art et finesse.


Mauritanie : Réviser la Constitution, pourquoi pas ?

Le président Aziz lors de la conférence de presse (Photo: ami.mr)
Le président Aziz lors de la conférence de presse (Photo: ami.mr)

Le président mauritanien était devant la presse, quelques heures seulement après son retour d’une harassante tournée (10 jours) dans les régions orientales du pays. On s’attendait à ce que l’entretien, exclusivement réservé aux médias nationaux, traitent des dossiers brûlants de l’actualité. Bien, sûr, celui du dialogue, qui tarde à être enclenché, mais aussi la grève de la SNIM, deuxième employeur après l’Etat, qui entre dans son second mois, la lutte contre la gabegie, les plaintes et complaintes des populations visitées – même si les médias officiels n’ont souvent mis en avant que « l’enthousiasme »  populaire et l’importance des soutiens du Rais, mais surtout cette question récurrente de la probable révision de la constitution pour permettre à Ould Abdel Aziz de briguer un troisième mandat.

D’emblée, le président entretient un flou artistique à propos de cette question. Il laissera entendre qu’il n’a jamais évoqué cette possibilité, qu’il s’en tiendra à son second mandat (qu’il vient tout juste d’entamer, tient-il à préciser) mais que cela n’empêche pas d’autres personnes, de l’opposition ou de la majorité, de parler de ce sujet ou même de faire des propositions dans ce sens ! Autant dire que la révision de la constitution mauritanienne, pour « ouvrir » les mandats présidentiels ou passer d’un régime présidentiel à un régime parlementaire permettant à Ould Abdel Aziz de manœuvrer à la Poutine, reste une probabilité très forte. Déjà, lors de la visite, des voix (autorisées ?) ont abondé dans ce sens. Un homme d’affaires se propose de récolter 1500000 signatures favorables à un amendement de la constitution permettant à l’actuel président de rempiler autant de fois que possible. Tout le long de l’accueil, des notables ont demandé au président Aziz de « ne pas partir avant de parachever les grands chantiers » qu’il a mis en œuvre.

Concernant, l’autre problème, celui de la Société nationale industrielle et minière (SNIM), dont plus de 3000 travailleurs sont en grève depuis près de deux mois, le président mauritanien, épouse le point de vue de la direction de l’entreprise : les prix du fer ont chuté de 173 dollars US à 57 dollars US et aucune augmentation ne peut être envisagée pour l’instant. Ould Abdel Aziz indique que les prix des hydrocarbures ne peuvent pas être revus à la baisse « parce que l’Etat a, durant des années, subventionné ces prix à hauteur de 80 UM le litre ! Une mentalité de commerçant qui explique l’entêtement du pouvoir à laisser la direction de la SNIM compromettre, dangereusement, l’avenir de l’entreprise en refusant de dialoguer avec les travailleurs.


Départementales : la France vire à droite

Sarkozy, Le Pen et Valls (photomontage M6)
Sarkozy, Le Pen et Valls (photomontage M6)

Les résultats du premier tour des départementales françaises viennent de tomber et, comme attendu par les pronostics, le Parti socialiste, et plus généralement la gauche, cède encore plus une parcelle de son pouvoir. Les grands gagnants de ce scrutin ont pour noms UMP-UDI (coalition de droite) et FN. Certes, il faut attendre les résultats du deuxième tour, prévu dimanche prochain, pour avoir une idée plus précise du nouveau rapport de forces entre la droite et la gauche. D’ores et déjà, il est certain que le PS est hors sujet, à deux ans de la présidentielle à laquelle l’ancien président Nicolas Sarkozy sera certainement candidat. Revenu au-devant de la scène il y a quelques mois, en menant ce que d’aucuns considèrent comme une OPA sur l’UMP, Sarkozy s’était beaucoup investi dans ces départementales qui ont valeur de test pour lui.

Mais ce qui inquiète, c’est certainement cette percée remarquable du Front national qui pointe en deuxième position avec 26, 3 % et certains de ses responsables dénoncent cette sorte « d’amalgame » mettant dans la même escarcelle UMP, UDI et Modem qui pointent en tête avec 29, 2 % des voix !

Face à cette nouvelle défaite, certains députés du PS n’hésitent pas à appeler carrément à un changement de politique. Car, comme le dit un responsable du FN, « la leçon principale de ces résultats, c’est la grogne des Français ». On peut aussi retenir, comme autre leçon, que l’effet « Charlie » qui avait permis à François Hollande de remonter légèrement dans les sondages s’est vite estompé face aux vraies préoccupations des Français : l’emploi, la baisse des impôts et la santé.

 


La Mauritanie malade de ses élites

Cadres du parti au pouvoir (Crédit photo: Alakhbar)
Cadres du parti au pouvoir (Crédit photo: Alakhbar)

Je crois que nous faisons du tort à nos dirigeants. Je veux dire ceux qui nous gouvernent, le président de la République en premier. Je le dis parce que ce que j’ai vu au cours de cette « tour-ne¹ » du rais dans la wilaya du Hodh Chargui a fini par me convaincre, définitivement, que la Mauritanie est malade de ses élites.

Il suffit que la présidence annonce une visite à l’intérieur du pays pour que le branle-bas commence. Une sorte de « weylemak yal warrani » (gare au dernier) qui occupe tous les (ir) responsables de la République. Plus rien ne compte pour eux, à part les préparatifs de ce que feu Habib Ould Mahfoud appelle une « visitation ». Les responsables, les chefs tribaux, les hommes d’affaires et tous ceux qui croient détenir une parcelle du pouvoir entrent ainsi dans une compétition effrénée pour paraître. La règle est simple, simpliste même : j’accueille « bien », donc j’existe. Voilà : je décide d’abandonner mon poste une ou deux semaines avant la visite du président, je réunis mes « gens » (ma tribu) et j’appelle un organe de presse pour que l’œuvre de cette djemaa arrive jusqu’aux portes de la présidence. Je collecte une importante somme, car personne n’ignore qu’en matière de « bolletig² », au sens artisanal du terme, l’argent est le nerf de la guerre. Il faut être le premier à louer les services d’une télévision « peshmerga³ » qui sera en mesure de consacrer une heure d’antenne à notre rassemblement sous la tente, nos discours vantant les « réalisations grandioses » de notre guide éclairé et montrant, dans les moindres détails, la logistique tribale mise en œuvre pour réserver hystérique historique au rais.

On ne peut pas reprocher au premier des Mauritaniens de se prêter à ce jeu. Même s’il sait que c’est du cinéma, du théâtre qui a déjà été servi à d’autres avant lui. Par la même élite qui trouve son compte à tromper le peuple en lui faisant croire que tout nouveau est beau. Jusqu’au prochain changement. Un changement qui, depuis 1978, a toujours pris la forme d’une révolution de palais, si l’on excepte l’intermède « démocratique » de 2007.

C’est pour dire que si l’armée se sert toujours de l’élite politique pour faire accepter son OPA sur le pouvoir, la tribu, l’argent et le savoir se liguent pour se servir sans servir. Toute erreur, toutes difficultés rencontrées par le pouvoir seront alors la faute du président et de son Premier ministre ! Un confort politique qui permet à l’élite de botter en touche parce qu’en Mauritanie l’on fait porter la responsabilité de tout échec non pas au « responsable » (ministre, wali, directeur) mais à celui qui l’a nommé ! Même quand c’est cette élite-là qui, à l’occasion d’une visite présidentielle à l’intérieur du pays, empêche le rais de voir la misère du peuple.

 

1. Tournée, visite présidentielle à l’intérieur du pays.

2. Politique au sens de tromperie, ruse.

3. Nom donné par les journalistes filous en Mauritanie


SNIM : Les dessous de la plus longue grève dans l’histoire de la société

Travailleurs de la SNIM en grève (Photo : google)
Travailleurs de la SNIM en grève (Photo : google)

Qu’est-ce qui se passe, réellement, à la Société nationale industrielle et minière (SNIM) ? Je n’évoque pas ici le fait factuel de la grève de milliers de travailleurs, repris en long et en large, par des dizaines de journalistes et de commentateurs, mais de ce que cache le jeu d’un pouvoir qui laisse pourrir une situation des plus dangereuse pour l’économie nationale. Car, ne l’oublions pas, la SNIM est détenue à 78% par l’Etat mauritanien. Elle verse, bon an mal an, 90 milliards d’ouguiyas (285 millions USD) au Trésor public, soit 25% du budget de l’Etat !

Elle a également été souvent mise à contribution pour la réalisation de grands projets du gouvernement : hôpital régional de Nouadhibou (3 milliards d’UM), hôpital hépato-viral de Nouakchott (1,6 milliard d’UM), aéroport international de Zouerate (3 milliards d’UM), prêt de 15 milliards d’ouguiyas à la société Najah chargé de la construction du nouvel aéroport international de Nouakchott, sans oublier l’implication récurrente de la société dans le financement de la Mauritania Ailines (achat d’avions) de travaux routiers (par l’entremise de sa filiale ATTM, aujourd’hui au bord de la faillite) et de contribution au plan d’urgence EMEL (achat d’aliments de bétail).

Tous ces décaissements ont fini par éloigner la SNIM de sa raison d’être. Une action sociale qu’elle pouvait certes supporter quand les prix du fer sur le marché mondial étaient à leur plus haut niveau mais pas maintenant où ils suffisent à peine pour permettre à l’entreprise de ne pas succomber. La grande erreur de la direction de la direction de la SNIM est d’avoir pris des engagements, en 2014, sans tenir compte du fait que les prix des matières premières sont fluctuants. Et qu’ils ne dépendent surtout pas du vendeur mais de l’acheteur !

Maintenant la réalité est là. Que fallait-il faire ? La direction de la SNIM a-t-elle choisi la bonne option ? Les travailleurs ont-ils pris le bon risque ?

Je pense, sincèrement, que la direction (donc le pouvoir) ne nous dit pas tout sur la situation financière actuelle de la SNIM. On sait déjà qu’elle était mal partie pour réaliser, dans les délais, son fameux programme stratégique NOUHOUD par lequel elle visait une production de 40 millions de tonnes à l’horizon 2025 lui permettant de faire son entrée dans le top 5 des plus grands producteurs mondiaux de fer. Un plan de développement qui misait surtout, tout comme pour la promesse faite aux travailleurs aujourd’hui en grève, sur la bonne santé des prix du fer générant des ressources financières considérables. Une première alerte a pourtant été donnée avec le désistement de la société Xtrata renonçant à la location, pour un milliard de dollars US/an de la ligne ferroviaire de la SNIM pour acheminer sa propre production de Zouerate vers le port minéralier de Nouadhibou.

Ce sont donc les mauvaises prévisions qui ont amené la SNIM dans la situation de précarité dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. Et la crainte de devoir reconnaitre ces erreurs d’appréciations peuvent bien pousser le pouvoir à laisser pourrir la situation pour mettre tout sur le dos de la grève. Une grève dont l’incidence est certes considérable en termes de pertes pour la société mais qui est loin d’égaler les financements que la SNIM a consentis à l’Etat depuis 2009.

 

La vente ou la privatisation de la SNIM est-elle envisageable ?

 

Le train de la SNIM, le plus long au monde (Photo: google)
Le train de la SNIM, le plus long au monde (Photo: google)

Maintenant que la crise est consommée, et que personne ne sait réellement où elle peut mener, les mauritaniens commencent à envisager le pire pour cette société créée en 1974 par la nationalisation des Mines de Fer de la Mauritanie (créées en 1952 par la France pour exploiter les gisements de minerais de fer dans la région de la « montagne de fer » Kedia d’Idjil, près de Zouerate).

La meilleure solution serait, sans aucun doute, la reprise rapide des activités de la société. Mais, pour cela, il faut que la direction de la SNIM soit contrainte par le gouvernement à s’asseoir à la table des négociations avec les grévistes pour trouver un compromis. Qui prendra l’allure de ni vainqueurs ni vaincus. C’est-à-dire reconnaitre aux travailleurs leurs droits, en vertu de l’accord signé en 2014, et s’engager à mettre en œuvre les clauses possibles, ici et maintenant, en fonction de la situation financière de la SNIM.

Mais le pire, c’est cette rumeur persistante, comme en 2007, d’une vente possible – ou d’une privatisation – de la SNIM. Du temps du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui n’a jamais fait cas, ouvertement, de la volonté de vendre la SNIM, cette « arme » a été retournée contre lui. Et l’on continue encore aujourd’hui à dire, à chaque occasion qui se présente, que c’est l’actuel président Mohamed Ould Abdel Aziz, qui s’était opposé à cette liquidation. Alors peut-il se permettre ce qu’il aurait refusé à son prédécesseur alors qu’il n’était à l’époque que son chef d’état-major particulier ?

Si le Gouvernement qui possède actuellement 78 % de la SNIM (le reste appartenant à cinq organisations financières et minières arabes (dont le FADES et la BID) privilégie cette option, il devra avoir de solides arguments pour convaincre les mauritaniens sentimentalement liés à cette société qui représente 15 % du PIB de la Mauritanie et emploie environ 5 000 personnes.

Céder une bonne partie du capital de la SNIM, qui occupe le second rang des producteurs africains de minerai de fer avec une capacité annuelle de 13 millions de tonnes, à un partenaire stratégique équivaut à en faire une société commune comme Tasisat (propriété de Kinross) ou MCM (First Quantum) dont la maîtrise échappe totalement au gouvernement mauritanien.

Cette solution (de facilité) permettra au pouvoir d’avoir d’importantes ressources financières pour renflouer les caisses du Trésor public – et pouvoir financer de grands projets de développement aujourd’hui quasiment à l’arrêt – mais rencontrera, sans aucun doute, une forte résistance populaire, politique et syndicale aux conséquences imprévisibles.

 

Le train de la SNIM, le plus long au monde (Photo: google)


Mauritanie: la force de la rumeur

Indécision (Crédit photo ! google)
Indécision (Crédit photo ! google)

En Mauritanie, la parole est reine. Ce n’est pas qui ne dit mot consent. C’est qui ne dit mot n’est rien. La rumeur et l’informel font bon ménage. C’est bien ici qu’autrefois, du temps, aime à dire mon ami Alioune Sow, l’avenant patron en chef de la cuisine du journal, du temps, vous dira-t-il, où les ânes avaient encore des cornes, un vieil homme se glissa au fond d’un puits, après avoir pris le soin de s’assurer que personne ne l’avait vu, pour, vous allez rire, déguster un pou qu’il avait déniché dans sa blanche chevelure. De retour au campement, le vieillard trouva que la nouvelle s’y était déjà répandue aux quatre coins.

Ici, ne te fatigue pas, tout se sait ; ou par celle-là, ou par celle-ci. Les petites combines, avec n’importe qui, du chef d’arrondissement de Fassala, de Touil ou de Lekcheb se racontent aussitôt à Nouakchott.

Les indélicatesses de l’instituteur de la petite école de Galb Ejmel, à quelques dizaines de kilomètres au sud-ouest d’Oualata – à ne pas confondre avec Elb Ejmel, près d’Aleg – sont un secret de polichinelle pour les quatre tentes dressées à quelques encablures de Touajil. Les mesures individuelles, prises en conseil des ministres, sont connues la veille.

Certains connaissent bien à qui est revenue chaque ouguiya des trente millions que la Cour des Comptes réclame à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Ce n’est pas pour rien que la première parole d’un mauritanien BCBG est « Echtari ? ». On vous a dit. Il paraît. Qu’est-ce que tu as entendu ? Mon père, ma mère, mon frère… ensuite, une rumeur, une histoire, une extravagance. Trop parler, en Mauritanie, ne gâte rien.

C’est ne rien dire qui gâte tout. Il faut « ouvrir ». Avoir l’information. La rapporter. La colporter même. Mettre son nez partout. Etre le troisième des deux. Etre une « ville » d’information, comme qui dirait. Au point de tout savoir. Les femmes secrètes des responsables, dans les gazras. Leurs commissionnaires. Le nombre et les effectifs de leurs troupeaux. Leur lieu de transhumance. Les immatriculations de leurs voitures.

Qui a donné quoi à qui ? Qui a étranglé qui, dans son bureau ? Quelles femmes ont trompé quels maris ? Avec qui ? Où ? Pourquoi ? La provenance des mobiliers des maisons et ses prix. Le secret des nominations. Quels civils ? Quels militaires ? Les mariages ? Sont-ils de raison ou de désamour ? Qui est gendre de qui ? Pourquoi, après presque un mois de grève à la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), le directeur général n’a pas été relevé ?

Qui le couvre ? De quelle confiance jouit-il ? Pourquoi les cheveux de certains responsables, surtout de l’UPR, sont tout noirs, alors qu’à leur âge, ils devraient avoir un ou deux cheveux blancs ou tendant vers la blancheur ? Pourquoi le siège de l’UPR n’est-il pas loin de celui de la Mauritanienne (TV nationale) ? Pourquoi y a-t-il deux oppositions ? Une souple. Une rigide. Une bombe. Une bouffée de sauvetage. Tout circule.

Les langues tournent. Et il y a une chose qui se dit en Mauritanie : tout ce qui se dit est fondé sur quelque chose. Pas de fumée sans feu. L’histoire de cet ancien haut fonctionnaire retraité qui propose ses services, dans les travées d’un ministère de souveraineté occupé par son beau-fils, serait, comme nous sommes, assis comme ça !

Les trois cent douze terrains de Soukouk que vendent, comme des petits pains, les samsaras¹, appartiendraient, racontent les gens, aux affaires, très nombreuses, d’une très grande dame de cette République. Pour les rapprocher du goudron, afin de les valoriser, le plan officiel a été tripatouillé.

La rumeur (fondée sur du béton) raconte qu’un ancien propriétaire d’un de ces lots « s’est noué la tête »², lorsqu’il découvrit que son terrain avait décidé de se déplacer à plusieurs centaines de mètres à l’ouest du goudron, alors qu’il était à cinquante mètres à l’est de celui-ci ! Les légendaires colères du Président.

Ses diatribes, publiques, contre ses ministres. Les oreilles spécialisées du colportage étaient bien là, bien accrochées au mur de la grande salle du conseil, pour tout entendre : oui, il y aura bien le dialogue. Pas de lignes rouges. Aucune. Y a rien entre nous et l’opposition. Si vous voulez devenir opposant, rien ne vous en empêche. Astaghfiroullahi. Astaghfiroullahi³.

 

Sneiba El Kory (Le Calame)

 

1.Courtiers

2.Perdre les repères

3.Pardonne-moi mon Dieu

 

 

 


César : « Timbuktu » fait beaucoup d’heureux « gagnants »: la Mauritanie, la France, le Mali, l’Afrique

Le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako
Le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako (Crédit photo : Reuters)

Timbukti, le film d’Abderrahmane Sissako rafle 7 César sur 8 possibles : meilleur film, meilleur scénario, meilleur montage, meilleure photo, meilleure musique, meilleur réalisateur, meilleur son.

C’est d’abord un véritable triomphe pour l’auteur de ce que les critiques qualifient de « fable » inspirée de la réalité : l’occupation de la ville malienne de Tombouctou par les groupes extrémistes islamiques. Bravo donc à Abderrahmane Sissako pour ce coup de génie. Il permet à la Mauritanie d’être citée aujourd’hui comme le pays de l’auteur à succès dans le domaine du cinéma, alors que, dans l’histoire récente, elle a toujours figuré dans l’actualité comme le pays des crises, des coups d’Etat à répétition.

Sans doute aussi que c’est une aubaine pour les médias publics mauritaniens qui trouvent là matière à prolonger la propagande profitant au pouvoir en place à Nouakchott. Après le succès à la tête de l’Union africaine, la Mauritanie va également surfer, plusieurs semaines durant, sur les lumières que projettent les César à un pays en crise.

Et je commence à croire, comme beaucoup de mauritaniens, que le président Mohamed Ould Abdel Aziz est béni. Surtout qu’il a apporté un précieux soutien à Abderrahmane Sissako  – son conseiller culturel à la Présidence – dans la réalisation de Timbuktu, en lui permettant de faire le tournage à Oualata, ville de l’est mauritanien et en lui assurant la protection d’une unité de l’armée mauritanienne.

On peut dire donc, que, sans ce soutien, Abderrahmane Sissako, aurait eu des difficultés certaines à réaliser son film dans la ville même théâtre des évènements qu’il cite dans son œuvre. Pour le reste, disons aussi que Timbuktu, en course aussi pour les Oscars, est un succès pour l’Afrique tout entière. Car jamais un film africain n’a eu de tels succès sur le plan international.

C’est également une fierté pour le Mali, pays d’origine du père d’Abderrahmane Sissako, qui y a passé une partie de sa jeunesse et en a fait le cadre de son autre film à succès « Bamako ». Timbuktu, c’est le triomphe de la France, patrie d’accueil d’Abderrahmane Sissako, sans laquelle il ne serait probablement  pas devenu le grand cinéaste qu’il est aujourd’hui.

Ce film est, enfin, le triomphe de l’humanité car il dit, avec de beaux mots et de belles images, « Non » à l’extrémisme  et à une image dégradé de l’Islam.


Mauritanie : Le dialogue maintenant, pour qui, pour quoi et pourquoi ?

Illusion de dialogue (Crédit photo : toonpool.com)
Illusion de dialogue (Crédit photo : toonpool.com)

Dialogue, dialogue, dialogue. Crise, pas crise. Les Mauritaniens sont bien dans leurs éléments. Leurs paradoxes.

Reprendre tout à partir de zéro. Élections donc en vue. Mais quand? Kham¹? Il faut d’abord que le dialogue soit. Le pouvoir qui vient de renvoyer à nouveau aux calendes grecques le renouvellement des deux tiers du Sénat a bien une idée derrière la tête. Un gage de bonne volonté dit le ministre de l’Intérieur qui déclare qu’on ne peut tendre la main à l’opposition et organiser des élections sans elle. Pourtant rien ne laisse présager que ce dialogue aura lieu. L’opposition hésite, se montre prudente. Un dicton de chez nous dit que celui qui a été mordu par un serpent craint une corde. Et l’opposition a été roulée deux fois dans la farine. En 2008, lors des fameux « Accords de Dakar », et en 2014, quand le pouvoir avait annoncé un dialogue, à la veille des élections présidentielles, pour finalement s’engager dans ce scrutin avec quatre candidats dont deux étaient des « indépendants ».

Mais les hésitations de l’opposition ne sont pas les seuls obstacles au dialogue. La majorité a, elle aussi, plus d’un tour dans sa « tassouvra² ». Certes, aucun parti politique de cette « sainte alliance » n’ose remettre en cause la décision présidentielle d’aller au dialogue, mais il se trouvera toujours quelques-uns pour manœuvrer dans l’ombre contre ce choix. Car une majorité n’est forte que par la véhémence de l’opposition. Ceux qui crient contre le pouvoir donnent de l’importance à ceux qui crient pour le pouvoir. Une sorte de vase communicants quoi. Un peu comme ce qui se passait- se passe encore – au sein de la communauté haratine. Messeoud et Biram s’opposent, certains de leurs « frères » profitent, à la tête du Conseil constitutionnel et de l’Agence mauritanienne d’information. Cette « bolletig » n’est pas propre aux seuls Haratines. Les autres communautés l’appliquent également à merveille. On joue souvent famille contre famille. En 2008, le général Aziz n’a trouvé aucune difficulté à substituer un « shikh » (chef) du Brakna au cheikh (marabout) qu’il venait de destituer. Tous deux appartenaient au même ensemble tribal. Une tribu d’une autre wilaya avait pris un temps la place d’une autre qui s’était rangée du côté du président « rectifié ».

C’est pour dire que le dialogue tient à plusieurs choses à la fois. Des partis politiques qui pensent qu’ils ont le vent en poupe, d’autres qui estiment que des élections, ici et maintenant, ne les arrangent pas. Des hommes politiques bien placés qui jouent pour le maintien d’un statu quo, d’autres qui aspirent au « changement », en appelant à ce qu’ils appellent, sans y croire vraiment, « le renouvellement de la classe politique ». Tout tient donc à un jeu d’intérêts qui tourne autour de cette question : qu’est-ce que je gagne, qu’est-ce que je perds ?

Le pouvoir lui-même est accusé de ne vouloir le dialogue qu’en période de crise. Quand la situation sociale et économique l’embarrasse. Il peut ignorer l’opposition, ne pas répondre à ses appels au dialogue quand c’est la politique qui divise mais la grève des travailleurs de la SNIM, la première entreprise du pays, les remous au sein de la faculté de médecine, les manifestations des défenseurs des droits de l’homme appelant à la libération du président d’IRA³ et de ses compagnons, le non renouvellement de l’accord de pêche avec l’UE sont autant de problèmes qui troublent, en ce moment, la tranquillité du pouvoir en Mauritanie. Si beaucoup d’observateurs pensent que ce sont là les vraies raisons qui poussent le président Aziz à appeler au dialogue, la majorité, elle, continue à parler d’ouverture sans contraintes et de propositions à prendre ou à laisser. Ni plus ni moins.

1. Je ne sais.

2. Sac

3. Initiative pour la Résurgence d’un mouvement Abolitionniste en Mauritanie

 

 

 

 

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Barry Copa-Ghana : 9-8

Boubacar Barry Copa, gardien des Eléphants (Photo: Google)
Boubacar Barry Copa, gardien des Eléphants (Photo: Google)

La finale de la CAN 2015 a tenu toutes ses promesses dont la plus importante est celle de ne livrer le nom de l’heureux vainqueur qu’à l’issue de la dramatique séance de tirs au but. Chapeau donc aux chroniqueurs et commentateurs qui n’avaient pas voulu se hasarder à donner des pronostics. A la veille de cette finale de rêve, le seul commentaire sur j’ai osé était de dire que mon cœur balançait entre ces deux grandes nations du football. J’ai même ajouté : et que le meilleur gagne! Sans penser un seul instant que le gardien ivoirien Barry Boubacar Copa, qui n’avait joué aucun match avant cette finale tant attendue, allait être le héros du jour. Deux tirs arrêtés, dont le premier était synonyme d’espoir, et un autre qui était  celui de la délivrance. De la revanche sur le sort pour ce gardien dont un commentateur de France 24 a dit qu’il symbolisait le lien entre deux générations: celle qui avait raté les dernières CAN, de 2006 à 2013, et celle qui vient de donner à la Côte d’Ivoire son deuxième sacre après celui de 1992. Le Ghana qui avait sans doute l’équipe la plus complète et la plus solide de cette CAN 2015, a été terrassé par un éléphant blessé. Un gardien que le destin a aidé : l’absence du gardien titulaire des Éléphants lui a donné l’occasion de monter, en allant puiser dans des ressources cachées, qu’il n’avait pas encore perdu la main.