Thélyson Orélien

Mo Yan: celui qui ne parle pas

© Le Prix Nobel de Littérature 2012 décerné à Mo Yan (Ulf Andersen/Getty Images)

© Le Prix Nobel de Littérature 2012 décerné à Mo Yan (Ulf Andersen/Getty Images)

Par Thélyson Orélien

Mo Yan : C’est le nom de l’écrivain qui a remporté le Prix Nobel de Littérature cette année. Un pseudonyme qui signifie « Celui qui ne parle pas ».

L’Académie suédoise, en annonçant les résultats aujourd’hui, a déclaré qu’avec un réalisme hallucinatoire, Mo Yan 57 ans, fusionne les contes, l’histoire et le contemporain. Sa victoire fait de lui le premier écrivain chinois ayant remporté un Prix Nobel de Littérature de ses 111 ans d’histoire: bien que Gao Xingjian l’avait remporté l’an 2000, la différence de 2012, c’est que ce dernier émigré en France avait obtenu la nationalité française quelques années auparavant, et, bien que Pearl Buck a remporté le prix en 1938, pour ses descriptions riches et épique de la vie paysanne en Chine et pour ses chefs-d’œuvre biographiques, l’autre différence, est qu’elle est une auteure américaine.

Le prix Nobel va à l’écrivain qui aura produit dans le domaine de la littérature le travail le plus remarquable dans une direction idéale – comme tous les gagnants précédents – si on      peut citer quelques-uns, Samuel Beckett, Doris Lessing et, l’année dernière, le poète suédois Tomas Tranströmer.

L’écriture de Mo Yan, nom de plume de Guan Mo, tire sa fulgurance de son origine paysanne et de l’enfance. Après avoir quitté l’école à l’âge de 12 ans, l’auteur est allé travailler dans les champs, éventuellement pour recevoir une éducation dans l’armée. Son premier livre édité en 1981, mais il a trouvé le succès littéraire avec Le Clan du Sorgho, un roman qui a été également fait l’objet d’un film à succès international Le Sorgho rouge adapté au cinéma par le réalisateur chinois Zhang Yimou.

Il écrit à propos de la paysannerie, de la vie à la campagne, sur les gens qui luttent pour survivre, luttant pour leur dignité, parfois gagner, mais la plupart du temps perdu, a déclaré Peter Englund, auteur et historien, membre de l’Académie Suédoise. La base de ses livres a été posée quand, enfant, il écoutait les contes. Le réalisme magique et merveilleux, a été plusieurs fois utilisé à son sujet. Ce n’est pas quelque chose qu’il a ramassé de Gabriel García Márquez, mais quelque chose qui est bien à lui. Avec le surnaturel pour l’ordinaire, il s’agit d’un narrateur très original a poursuivi Englund.

L’éminent professeur de littérature chinoise Goldblatt Howard, celui qui a traduit de nombreuses œuvres de Mo Yan en anglais, a déclaré dans une récente interview à China Daily : L’écriture de Mo Yan est une grande œuvre audacieuse et imagée, une écriture puissante ou un solide noyau moral... Je vois un parallèle avec l’œuvre de William Vollmann de l’Europe centrale, dans son balayage historique (Le clan du Sorgho) et de la critique incisive de comportement monstrueux par ceux au pouvoir (La Mélopée de l’ail) dit G. Howard. Un petit coup d’œil au CETASE – Centre d’études de l’Asie de l’Est – Bibliothèque associée à la Bibliothèque des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Montréal, après l’annonce de Stockholm m’a permis de faire une levée de voile sur Le clan du Sorgho un roman composé de cinq histoires entrelacées, fixées sur plusieurs décennies au cours du 20e siècle et qui touche à des sujets tels que l’occupation japonaise et la vie difficile des travailleurs agricoles pauvres. Mo Yan est l’auteur de quelques 80 romans, essais et nouvelles dont GrenouillesBeaux seins belles fesses et Le supplice du santal entre autres, une œuvre qui dépeint l’histoire de la Chine en alliant humour paillard, de la violence et de l’imagerie gore. Mo Yan brosse un portrait unique de la Chine des années 1900, et dramatise habilement la situation intenable d’une société.

Mo Yan – ce qui signifie : celui qui n’a pas le droit à la parole ou littéralement celui qui ne devrait pas parler, a prouvé tout le contraire et a finalement été salué par les membres de la prestigieuse Académie Suédoise. C’est un grand écrivain, indépendamment de tous mensonges publicitaires et, même si la majorité de ses œuvres ont été reprises ou traduites chez des maisons d’édition plus ou moins modèles en France comme Caractères, Seuil ou Actes Sud, il sera désormais mieux connu de partout en tant qu’écrivain ou artiste. Voilà de bonne nouvelle pour tous les écrivains moins connus, qui ne parlent surtout pas, ou qui ne trouvent pas de l’ouverture pour parler assez, mais qui peuvent éventuellement ou à n’importe quel moment étonner le monde. Le monde aime ça… Mo Yan nous apporte de plus près le repère de l’anonymat.-

Thélyson Orélien in LaPresse


Le Nouveau Cycle

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THÉLYSON ORÉLIEN | Chronique du Journal La Presse
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Je viens de regarder par-dessus mon épaule pour considérer presque un quart de siècle – à venir – que je dois laisser derrière moi.

Du moins est-ce ainsi que l’on aurait dit autrefois. Aujourd’hui l’habitude est déjà prise suivant le progrès des moeurs – on regarde dans le rétroviseur. Et dans cet accessoire je vois s’éloigner ce qu’il est impossible de retenir, ma vie. Une vie au cours de laquelle je n’ai cependant jamais regardé qu’autour de moi, et devant moi ce qui venait, ce qui allait être aussitôt autour de moi. Comme tout être humain, j’espère ce qui viendra sera plus ouvert, plus libre, plus heureux !

Il n’en est plus de même maintenant, il m’a fallu consulter le rétroviseur. Je le crois… ce qui m’attend sera plus ouvert, plus libre, plus heureux. Mais une muraille rapproche, à travers laquelle, fantôme. J’aurais pu disparaître. Je dis, bonjour avenir ! Adieu passé ! Adieu veau, vache, cochon et s’oeufs couvés ! Mais ces propos ne sont pas désabusés. Ils coïncident simplement avec l’aboutissement d’une trajectoire déterminée par les coordonnées habituelles, et celles-ci sont conforment à la loi de l’existence. Existence cosmique ou existence humaine. La loi est la même. Je n’en considère pas moins le fait de vivre comme plus étonnant et réjouissant prodige, mais plus étonnant et plus réjouissant est celui ou celle qui consiste à m’étonner et à me réjouir.

Car enfin, si je n’existais pas…

Je m’étonne et me réjouis malgré l’extrême, l’inouïe absurdité suivant laquelle tout est continuité. Mais cette absurdité, qui l’a inventée, si ce n’est nous-même, en fabriquant de toute pièce une intelligence du Monde, une raison supérieure, une perfection dont la réalisation ne se présente nulle part ? Si nous n’avions pas inventé ces slogans absolus, nous n’aurions pas à constater l’absurdité absolue du Monde – notre propre absurdité, puisque nous faisons partie du Monde, même lorsque par notre volonté nous nous dressons contre lui et prétendons le réformer en suivant les pseudo-règles de l’intelligence, de la raison et de la perfection.

Nous faisons partie de ce Monde-là, et nous sommes aussi les seuls à vouloir le modifier, le refaire en bien. Mais qu’espérons-nous ? Comment pouvons-nous réparer la fameuse absurdité si nous sommes les premiers à nous dégrader; à mourir, sur tous les plans et dans tous les domaines ? Il y a quelque chose qui ne cloche pas dans notre prétention à la raison, à la perfection absolues, c’est moins qu’on en puisse dire. Le vice est dedans et nous ne le connaissons pas. Il est dans notre condition même, laquelle est condamnée à vouloir se dépasser. Étranges chutes, étrange fin. Nous ne pouvons pas ne pas vouloir nous dépasser, et nous dépassant, c’est-à-dire nous condamnant à la disparition, nous obéissons à la loi que nous avons voulu abolir. Nous mourons tous !

J’élargis le champ du miroir, alors que je n’avais pour but que d’examiner avec du recul le bouillonnement progressif de l’Art affirmant son continuel renouvellement. Eh bien ! L’Art, ce phénomène, rentre dans la foule des autres phénomènes. Je n’ai fait que le constater. Je suis heureux, parce que je sais conserver mes souvenirs, sais encore les manipuler à ma façon et retrouver l’illusion de m’en servir. Je me reconnais moi-même. Je suis ce que je dis que je suis. Je n’ai pas à me justifier à personne. Oui Monsieur, je suis un être très jeune, je suis haïtien. Et alors ? Je suis haïtien, et cent pour cent des gens qui m’ont élevé le sont. Je le suis depuis mon enfance jusqu’à aujourd’hui. Dans mon sang je le suis plus qu’autre chose, parce que mes souvenirs le sont, mes valeurs le sont, mes repères aussi le sont. À ma connaissance Michaelle Jean n’a jamais cessé d’être haïtienne, et je définis moi-même mon identité. Je n’ai pas à voir l’accord de personne sur qui je suis. J’ai besoin que l’on cesse de rire de la couleur de mon nom, notre identité, notre langage et notre culture. C’est la moindre des choses que je puisse demander. Partout dans le monde, dans les pays que l’intelligence, la perfection ou la raison ont soi-disant envahi progressivement, nous Hommes qu’on croyait inférieurs avons encore de vraies clés et savons nous en servir, point extrême d’un cycle de vie universelle, à présent dégradé.

Un nouveau cycle a commencé et s’est emparé du monde, faisant table rase de toutes les merveilles. Loin de l’enfance, on sent la différence. Malgré musées et parcs nationaux, celle-ci disparaîtra. Tous les éléments sont domptés, et l’homme refera l’homme. Mais la loi restera la même. Et quand l’homme sera mort d’être homme, le rétroviseur aura une drôle d’histoire à raconter. En attendant, les petits problèmes intergénérationnels de l’Art avec ses anciennes clés perdues… Mais n’exagérons pas. La question de l’Art n’est qu’une petite question qui a toujours trouvé son maître dans n’importe quel climat métaphysique ou sociologique. Ne cherchons pas à savoir ce qui adviendra un jour. Le jeu est vain. Ces maîtres de scènes sont des tout-puissants qui ne souhaitent pas qu’un jour que les pontes fassent sauter. Ainsi en est-il de l’Art comme de l’amour.

Mais il faut en finir. Dis donc pour ma part, moi qui n’ai plus à ma disposition qu’un présent en location meublée, je puis prendre ce qui m’est offert en partage avec un certain désintéressement, que d’aucuns qualifieront de pessimisme optimiste, à moins que l’ordre des termes soit interverti. Ce Monde actuel n’est plus comme avant pour l’éternité. On le fait à terme, au jour le jour, gratte-ciel par gratte-ciel, tableau par tableau, morceau de musique par morceau de musique. Changement d’appartement à chaque saison. Changement d’amour, changement de coeur et de cervelle, avec arsenal pharmaceutique de tranquillisants par-dessus le marché. La terre est nouée de frisson, rétrécie comme une vieille orange sans jus. Temps à… Mais ici, prudence, on ne touche pas au temps qui passe comme au reste.

Je me souviens il y a pas longtemps, je dirais même autrefois, il y avait de belles ruines à se mettre sous la dent. Belles, belles, belles… les ruines étaient belles. Les choses rajeunissaient en vous donnant de l’appétit pour les manger. Le temps était Jacques-Stéphen Alexis. Aujourd’hui en est-il de même ? Le ciment armé, les horribles blocs de ciment et de ferraille, la matière plastique, les insanités à l’eau de javel, les fausses choses ont mauvaise vieillesse, et quand on pense qu’elles tiennent cela d’un homme, on n’est pas fier. Il faut s’y faire, il faut là aussi découvrir les sources d’une nouvelle poésie, d’un nouvel art. Le champ est vaste !

J’ai l’impression que dans le monde de l’art, tel qu’il est sous nos yeux et tel que j’espère contribué à le faire connaître, tout n’est plus qu’une dislocation avant la lettre, un grand marché aux puces où rien ne distingue le vrai du faux, le vieux du neuf, où tout est pourtant à notre disposition pour des plaisirs nouveaux. Et je veux bien confier au passeur de mémoires qu’après tout j’ai trop longtemps espéré avec des rêves en poche et je veux me sentir enfin chez moi, malgré ruines authentiques, poussières véritables et vieilles nippes devenues froufrou de luxe, je peux bien m’assumer au Monde et faire preuve d’Homme, parce qu’au marché aux puces de la sagesse, j’ai trouvé un trousseau de clés rouillés et ayant servi à ouvrir je ne sais quel coffre-fort. Et à presque un quart de siècle, je me sens déjà assez vieux pour savoir qu’est-ce que ça fait, une clé ouvrant un coffre rouillé, c’est l’univers entier qui est à moi.

Thélyson Orélien


Au fur et à mesure que nos sciences évoluent

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Par Thélyson Orélien
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Que n’avait-on pas cependant espéré de la Science ? René Duchet dans son ouvrage « Bilan de la Civilisation Technicienne » consacre tout un chapitre à ce qu’il appelle : l’angoisse des abîmes. Cependant, dit-il, avec toutes ses richesses, toutes ses promesses, l’homme, maître des choses, sent l’inquiétude le ronger, l’angoisse des abîmes éteindre son cœur.
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Déjà gigantesque, le champ de la puissance scientifico-technique lui apparaît infini et le vertige s’empare de lui lorsqu’il essaie d’imaginer les lendemains qui viennent. La science, étant donné son égocentrisme et ses limites, est incapable de solutionner les problèmes de l’humanité. Dostroïevski dit ceci : « La science m’ordonne de n’aimer que moi, attendu que tout le monde est fondé sur l’intérêt personnel. »
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Les évènements montrent bien qu’au cœur des progrès scientifiques, là où l’homme pourra être si heureux, il a encore soif de bonheur. A la fin du 19e siècle, Marellin Berthelot, chimiste et homme politique Français, déclarait sans ambages qu’en l’an 2000, l’homme, entièrement remplacé par la machine n’aurait pour lui que les plaisirs et découvrirait le bonheur. En l’espace de quelques dizaines d’années, la science a fait un bond fantastique.
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Les progrès de la technique créent un nouvel univers. Les grandes découvertes scientifiques ont eu une profonde influence sur la pensée et l’action de l’homme moderne. La science inspirait l’espoir d’une lutte continuelle de l’homme pour s’améliorer et laisser derrière lui les traits brutaux de son existence primitive. Un certain progrès se manifeste vers la paix universelle, vers la disparition de la souffrance, des querelles et de la guerre. L’homme semblerait-il avait seulement besoin du temps pour se libérer de la cruauté et du barbarisme.
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Cependant, les merveilleuses transformations de la technologie moderne nous ont précipités collectivement dans le plus irrémédiable des esclavages. La science qu’on croyait être capable de changer nos conditions de vie, modifier nos comportements transformer nos conditions, nos rapports avec nos semblables, est devenue une effroyable puissance de destruction entre les mains des savants maladroits et des politiciens sans scrupule. Elle a fini par transformer l’humanité en une véritable jungle où les hommes s’entre-déchirent. Les conflits qu’elle a engendrés ont revêtu une telle importance à notre époque, qu’une science s’est développée à ce sujet : la polémologie pour laquelle on a créé des instituts.
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On ne peut pas parler de sciences, et faire fi de ces deux concepts sociologiques, économiques ou politiques, à savoir le capitalisme et le marxisme synonyme de communisme. Le communisme qui, ayant compris le besoin de paix dans le monde, s’était efforcé de le    satisfaire. Karl Marx s’était violemment élevé contre les injustices de ce monde. Mais il s’était aussi trompé en pensant que pour arriver à la société idéale, il faut utiliser toutes méthodes et des techniques ou tactiques parfois anormales.
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Le communisme s’appuie sur un relativisme moral et n’accepte pas d’absolu dans ce domaine. Bien et mal sont relatifs à l’efficacité de la lutte des classes; comme si la fin justifierait les moyens. Mensonges, violences, meurtres et tortures sont considérés comme des moyens justifiables en vue de cette fin. Écoutez ce que dit Lénine, le vrai tacticien de la théorie marxiste : « Nous devons être prêts à employer la fourberie, la tromperie, la violation des lois, à nier et à cacher la vérité. » Marx a affirmé qu’un changement de structure aiderait à changer l’homme et que ce dernier ne pouvait compter que sur lui-même. Il fait susciter en l’homme assez d’enthousiasme pour vivre : tout d’abord éliminer la religion puisque c’est elle qui aide les hommes à accepter les injustices; ensuite proposer un paradis.
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Le communisme a été un mouvement populaire qui, au nom de la science, inspirait l’espoir d’instaurer la paix et l’égalité sur la terre. Cependant, au lieu de transformer le monde, il a donné au contraire beaucoup de nuits de cauchemars et de journées d’horreur à l’humanité. Des chefs d’États comme Staline, Khrouchtchev et Mao Tsé Toung ont sacrifié des millions de personnes dans leurs prétendus efforts pour établir l’ordre. On estime que Staline a tué 50 millions de personnes, Khrouchtchev, 80 millions et selon les statistiques officielles Mao Tsé Toung a massacré environ 100 millions de chinois. Le capitalisme n’a pas non plus trop amélioré la situation du monde, jugent certaines critiques. La société capitaliste est basée sur le principe de la liberté politique et du libre-échange. Les critiques du capitalisme affirment que le marché libre n’existe pas dans la réalité ou s’il existe, il est inefficace. L’unique objectif des hommes d’affaires c’est de contrôler le marché ou de le dominer et non de se livrer à une libre concurrence en son sein.
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Souvent le capital est admis comme supérieur au travail. Paul Laffite définit le capital comme étant le travail de plusieurs accumulé par un seul. Toute l’organisation économique moderne avec sa centralisation, ses organisations collectives, sa spécialisation du travail entraine la perte de l’individualité du travailleur. Dans la société capitaliste, l’individu est comme un numéro dans la masse, un boulon dans l’énorme machine, un robot parfaitement conditionné. Le monde contemporain a ravalé l’homme au niveau d’un automate    incapable d’aimer. Le capitalisme qui veut l’intérêt personnel de l’individu convertit notre monde en une société sans joie, pleine de violence et de haine. Aujourd’hui, un nouvel ordre économique international basé sur le libre-échange commercial et la libre circulation des biens apparaît comme l’apanage de la paix mondial. Les mécanismes de concertation mis en place par les institutions de Bretton Woods font que les économies s’internationalisent.
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Cependant des constats et des interrogations font le point autour de l’économie mondiale : Dans les pays du Sud par exemple, les réformes économiques doivent être conformes à ce qui est dicté par le F.M.I. et la Banque Mondiale. Il s’agit là d’une tutelle politique des bailleurs de fonds qui utilisent les accords de prêts liés à l’ajustement structurel dans le but de détruire systématiquement toute activité pour le marché interne et d’orienter les économies vers le marché international.
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Les politiques macro-économiques mises en œuvre dans le monde ont pour effet de comprimer le pouvoir d’achat interne, de réduire les coûts de main-d’œuvre et d’orienter les économies nationales vers le marché des exploitations. Les frontières sont éliminées et les pays sont transformés en territoire ouvert au pillage et au déversement du surplus. Il s’agit là de l’organisation d’un génocide économique.
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Il est clair que lorsqu’on comprime le pouvoir d’achat à l’échelle planétaire, on ne peut pas non plus s’attendre à ce qu’il y ait un développement des marchés. Les grandes puissances n’ont jamais accepté les réformes économiques qui auraient pu produire des changements réels dans le paysage économique international.
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Après plus de 30 ans de dialogue Nord/Sud, le bilan du NOEI parait déjà négatif. La revendication du Tiers-monde en faveur d’échanges commerciaux plus justes entre pays riches du Nord et pays pauvres du Sud semble être échoué. L’économie des pays du Sud reste toujours sous-développée et dépendante de ceux du Nord. La concertation que l’on veut instaurer crée déjà un nouveau bouleversement dans l’ordre économique mondial. Nous glissons presque irrémédiablement vers un monde incontrôlable où les problèmes politiques, socio-économique augmentent chaque jour et de plus en plus considérable. L’avenir de l’humanité est sombre.
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Thélyson Orélien


Frankétienne et les quiproquos de la gloire

Prophete-du-chaos

EN RELISANT FRANKÉTIENNE

Par Thélyson Orélien

J’écris ces lignes au lendemain d’une journée pas comme les autres, une journée d’un grand poisson d’avril, une journée tête chargée dirait-on, en relisant Frankétienne (occasion du 76e anniversaire de sa naissance). Honnêtement, j’avoue que le côté superficiel, tapageur et la mégalomanie de l’homme me laisse froid. « Moi, je suis un génial mégalomane, le plus grand écrivain de tous les temps ! » Qu’on l’exalte tout haut comme un prophète ou qu’on l’accable tout bas comme un fou – Toute cette mise en scène, qui prolonge de jour en jour et dilate par delà du temps l’aspect le plus vain de son génie, n’arrive pas à m’arracher autre chose qu’un sourire très voisin du bâillement.

Il y a là l’immensité et la polyvalence de son génie, bien sûr, indépendamment du mensonge publicitaire et des propagandes qui se servent effrontément de lui. Dans l’une des entrevues que j’ai lues, le chef de fil du spiralisme a eu toutes les misères du monde à concrétiser et à définir pour les uns et pour les autres, son mouvement. Il n’est pas facile d’explorer un pays qui s’étend sous tant de climats ou d’alternance. Des montagnes, des déserts et des forêts vierges découragent sans cesse le voyageur : on se contente d’établir quelques comptoirs aux points les plus abordables de la côte.

Tout cela se croise et s’entrecroise, se mêle ou s’entremêle dans un étrange tissu dont l’absence d’unité défie tout essai de définition. Tour à tour – si ce n’est simultanément ! – superficiel et profond, grotesque et sublime, attardé dans le passé et happé par l’avenir, irréaliste jusqu’au gros bon sens et rêveur jusqu’au délire, romantique jusqu’à l’épanchement fluvial et classique jusqu’à la sécheresse lapidaire, il épouse toutes les formes de l’expression de la pensée, et le critique ne trouve aucun lien qui puisse embrasser cette Gerbe-Frankétienne. « L’œuvre n’appartient à personne dit-il ; elle appartient à tout le monde. En somme, elle se présente comme un projet que tout un chacun exécutera, transformera, au cours des phases actives d’une lecture jamais la même. Le lecteur, investi autant que l’écrivain de la fonction créatrice, est désormais responsable du destin de l’écriture » peut-on lire dans Ultravocal pp. 11-12.

Mais en réalité : « Ce grimoire que le génie de Frankétienne fructifie est souvent trop abstrait et trop obscur pour le commun des mortels, il nous repousse. […] Voici pourquoi notre cher Frankétienne traîne autant dans la fange. Par esprit de révolte franche face à toute utilisation de gant pour modeler la littérature, elle doit être dite avec des mains non lavées in contrario d’un James Noël (Je suis celui qui se lave les mains avant d’écrire) qu’il a lui-même introduit. » Ici Je reprends mot pour mot le paragraphe d’un texte critique du poète Fabian Charles, paru dans la revue Parole en Archipel, intitulé Entre Le sphinx en feu d’énigme et Le testament des solitudes.

Narrations. Descriptions. Monologues. Rumeurs de voix. Personnages ballottés entre la vie et la mort avec textes éparpillés. Mais la formule c’est de les accueillir en vrac avec leurs épis plus ou moins bien venus, leurs fleurs et leurs ronces. C’est ce que veut la loi de la spirale. Et l’auteur n’a aucune considération pour ceux qui osent attaquer (par lucidité ou par méchanceté ?) à la gigantomachie des côtés illisibles de son esthétique du chaos : « Il y a des apprentis critiques, des machòkèt littéraires, des journalistes complaisants et des lecteurs débiles, irréductiblement hostiles à toute forme de modernité, ils ne savent pas que la création est une démarche fondamentale d’innovation perpétuelle et de renouvellement incessant, un défi exaltant contre les stéréotypes du déjà-là, du déjà-vu, du déjà-entendu, un pari fécond ouvrant les champs de réflexion à travers la mise en forme des questions humaines essentielles. Mouvance du savoir, des livres qui dérangent. Certains intellectuels prisonniers d’un classicisme étroit me reprochent de ne pas être transparent et accessible au premier degré, je sais comment ils ont toujours eu peur de lire mes œuvres qui les dérangent énormément, mouvance du savoir, des livres qui dérangent, énormément. »

En ayant tout dit, la spirale n’a pas manqué de se contredire d’user et d’abuser du droit qu’ont tous les grands esprits d’accueillir les aspects les plus contrastés du réel. N’en tenons pas rigueur : l’ampleur de ses oscillations, voire de ses contradictions, nous donne la mesure de son génie. Il n’est pas de surabondance sans gaspillage. La spirale créatrice d’images et de rythmes, et c’est toute une cathédrale étrange dans la graisse des ténèbres. Dans la spirale tout est énorme y compris l’éclat et le mauvais goût. Mais ceux qui, dans cet univers, ne veulent connaître que le pays plats révèlent par là qu’ils manquent de souffle pour explorer les sommets et les abîmes. Pour moi qui ne revendique que l’humble privilège d’avoir médité une œuvre (ici le temps fait quelque chose à l’affaire… et la critique demeurera une césarienne de la littérature.) Mais comme il s’agit d’un homme dont la gloire éclate à tant d’autres titres, de rares personnes s’avisent de le commenter.

La Pensée-Frankétienne ressemble au jaillissement d’un geyser. Les insanités et les utopies y surabondent, c’est la part de fumée dont s’accompagne le bouillonnement d’eau brûlante qui barbote dans l’horrible chaudière de la sorcellerie. On erre longtemps dans les vapeurs, mais, pour peu qu’on s’approche du centre, on se sent touché par un feu qui sort des entrailles de l’abîme. Telle ou telle Formule-Frankétienne rend un son d’éternité. Chez lui les mots s’inventent, se créer et ne se datent jamais parce qu’ils prennent leur source hors du temps. Ils touchent à cette limite suprême où le verbe humain se noue au silence des dieux. Allez comme moi, faites l’expérience de Lecture-Frankétienne. Lisez ! Une écriture en qui tout se fond, mais de qui tout se diffère.

Comme l’a si bien mentionné l’écrivain djiboutien Abdourahman A. Waberi dans une note pour L’oiseauschizophone, Ed. Jean-Michel Place : Enfin, la meilleure façon de faire sentir aux lecteurs toutes les qualités de roman peu ordinaire et surtout de sa langue chaotique, tour à tour lyrique, poétique, politique et scatologique, c’est de citer de longs extraits. Car il y a des pépites à toutes les pages. Des aphorismes à tout bout de champ. Des inventions à tire-larigot : « Elle dégoulottait de scandaleuses onomatopées, débobinait les interminables déblosailles quotidiennes, défilaunait toute la poésie de l’univers et les treize grands mystères de la vie dans une absolue totalité synchronique, passé présent futur confondus… » On ne comprend pas toujours les mots comme dans cette phrase, et je pourrais en citer des milliers : «Parlumier nuride chidillant la vadilure du québard, l’ilburie d’un asiboutou lordiné de quirame et d’alguibar » (p.218-219). Mais on peut se laisser emporter par le souffle. Car plaisir il y a, pour qui sait patienter, et pour les yeux et pour l’oreille. On l’aura compris, l’oeuvre de Frankétienne est un ovni littéraire.

« J’ai écrit une oeuvre épique pour cinq siècles et pic à venir / Et après ? / Il n’y aura plus de littérature.  /Comment ? / Le livre n’aura été qu’une fleur éphémère de la pensée dans l’aventure humaine. »

À propos de L’Oiseau schizophone. Il faut d’abord savoir gré aux courageuses éditions Jean-Michel Placed’avoir osé publier intégralement cet immense pavé de 812 pages en fac-similé (avec les dessins originaux de l’auteur) dans un Paris éditorial plutôt frileux et accoutumé aux romans-kleenex de 120 pages dépourvus de substantifique moelle épinière : nous dit Abdourahman A. Waberi. On se demande même si lesdites éditions n’ont pas voulu se compliquer encore la tâche en commençant la publication de l’oeuvre de Frankétienne […] fin de citation.

Le prophète prophétise dans les deux sens. Fâcheux pour l’honneur de l’espèce humaine que sa vision noire de l’avenir se soit révélée plus exacte que sa vision rose. Il ne s’agit pas de verser dans une apologie intemporelle qui est l’immense part verbale contenue dans son œuvre, de coup de gong qui résonnent sur du vide et n’emplissent en nous les oreilles et nos têtes enroulées dans la spirale. Lui seul a condensé et condamné le côté vain et outrecuidant de son génie. Mais je me demande si l’écrivain a compris jusqu’à quel point que ses mots peuvent trahir son verbe ? Je répondrai en répétant ce qu’Unamuno disait de Cervantès : Depuis quand l’auteur d’une oeuvre est-il le mieux qualifié pour la comprendre ? Ne suffit-il pas qu’il l’ait faite ? On espère quelquefois quand l’enfant a été compris par un étranger beaucoup mieux que par ses parents.

Et ce qu’on retient de Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d’Argent c’est précisément cette idée du verbe intérieur, ce verbe trop souvent lapidé mais vivant encore, sous l’entassement sonore des mots, qu’on en a jamais compris ni cerné le vrai sens et la profondeur. Mais on a toujours tendance comme bien d’autres à préférer le Chevalier des Arts et des Lettres, le Nobélisable, L’Artiste UNESCO pour la paix qui a su trouver sans chercher à tant d’esprits aussi distingués que stériles qui passe leur vie à chercher et ne trouvent rien.-

Thélyson Orélien in LaPresse.ca


Pour saluer Carlos Fuentes

PHOTO : Culturacolectiva
PHOTO : Culturacolectiva

Par Thélyson Orélien

Dans le Métro de Montréal je vous invite à faire ce voyage avec moi. Le temps a pour devoir de nous échapper et pour tout repère chronologique on retourne au temps de la signature de«Château rouge» le tout dernier album d’Adb Al Malik, rapeur-poète-slameur français que j’aime beaucoup et que j’écoutais quelques minutes plutôt. Comme lui je dirais : ’’Ramons tous à la même cadence !’’ – Ensemble sur la ligne verte, départ : Terminus Honoré-Beaugrand – Est de Montréal. La route s’annonce un peu plus longue que d’habitude avec deux correspondances – Lionel-Groulx et Snowdon – mais ne vous inquiétez pas, surtout vous êtes avec moi, votre fidèle ami en lecture qui a en main Terra Nostra, le plus grand des romans de Carlos Fuentes, une richesse immense empruntée de la Grande Bibliothèque Nationale du Québec, lors d’une semaine consacrée aux écrivains hispano-américains. Il est toujours bon de lire quelque chose de neuf, un souffle nouveau pour un peu plus de piment, enfin de la vraie diversité. Par ailleurs je dois renouveler le prêt, parce que cette ancienne parution des Éditions Gallimard datant de 1979 me paraît tellement volumineuse, en tout 829 pages bien remplies en petits caractères, et le temps me fait la guerre. Je n’en ai pas assez pour trop lire, mais je me fais ce pari. J’aime ça. Je m’adonne toujours à ce plaisir, cette joie, la joie de lire. Le livre est mon ami, il m’arrive souvent de dormir et de me réveiller avec un livre.

Ce n’est pas à moi de vous dire si je suis un bon lecteur ou pas. Mes livres je les fini toujours et j’aime ça les dévorer. Déjà, je suis à la page 511 et bientôt la 512ème . Vous y êtes ? Nous y sommes ! Et nous sommes ici plusieurs mois avant le départ de Carlos Fuentes cette semaine, soit le mardi 15 mai 2012. Il fut selon moi, l’un des plus grands écrivains hispanophones de tous les temps, d’autres l’appellent, géant des lettres hispano-américaines du XXe siècle. Et oui ! Les grands écrivains ne sont pas forcément ceux qui ont remporté un Nobel ou ceux qui sont nobélisables comme on veut me le faire croire. Des fois cela fait que la littérature a tendance a perdre sa vraie valeur, son vrai sens par ceux qui se comportent trop souvent comme des véritables chiens enragés en quête de Prix Littéraires pour beefsteaks. La crise des distinctions.

La plume de Carlos Fuentes à plusieurs reprises me fait penser à celle de Jacques-Stéphen Alexis, le plus grand écrivain haïtien de tous les temps, ou à Victor-Lévy Beaulieu, qu’on considère comme le plus grand des écrivains québécois.

Notre voyage avec la Société de Transport de Montréal – STM, commence à partir d’Honoré-Beaugrand, pour ceux qui connaissent bien Montréal et le voyage littéraire se fait avec Terra Nostra, pour ceux qui ne connaissent pas Montréal mais au moins ont entendu parler de Carlos Fuentes. Ce voyage est très significatif pour nous, dans un sens symbolique; pour ceux qui se familiarisent plus ou moins avec l’histoire de ce Grand Écrivain Hispanophone. Il est né au Panama en 1928, fils de diplomate, il poursuivi ses études au Chili, en Argentine et aux États-Unis. Ambassadeur du Mexique en France de 1975 à 1977, il avait longuement vécu à Paris auparavant et a enseigné aux États-Unis. Millénariste, érudit avec un aspect hallucinatoire, Terra Nostra ce maître livre de Carlos Fuentes scrute pourtant le passé hanté par les fantômes de Charles Quint, Philippe II et Charles II, dit l’«Ensorcelé», facette d’un personnage unique : le Monarque Éternel de toutes les Espagnes. Don Quichotte et Don Juan retrouvent dans ce chef-d’oeuvre une jeunesse commune, tandis que Jeanne la Folle continue à traîner le corps momifié de son bien-aimé époux d’un couvent de Castille à l’autre. Autour d’eux, une foule de figures-collages nous restitue l’histoire en même temps que le mythe : chefs du soulèvement paysan des «Communos», inventeurs d’hérésies, artistes et criminels, saints et fous de la mémoire vécue ou imaginée du monde hispanique. Il y a Célestine, violée par le Souverain le jour de ses noces, qui réapparaît – les lèvres tatouées, fille d’une louve et du Malin, compagne des trois bâtards marqués du sceau de l’Usurpateur, dont l’un fera le voyage initiatique vers les volcans du Nouveau Monde, comme nous allons le faire dans cet extrait :

La place Tlatelolco s’emplissait de vie, d’agitation, de bruits, de musiques, de mille menues activités souriantes; certains donnaient forme à l’argile avec leurs mains, d’autres tissaient le chanvre, d’autres encore dansaient et chantaient; les orfèvres façonnaient avec art et habilité d’amusants jouets en argent : un singe qui bougeait la tête et les pieds et qui tenait dans la main une quenouille qu’il semblait filer ou une pomme qu’il avait l’air de manger; de patients artisans qui posaient et fixaient plume après plume, examinant chacune sous tous les angles pour voir si elle rendait mieux dans le sens du poil ou à contre-poil ou en biais, à l’endroit ou à l’envers, et qui avec une perfection extrême fabriquaient tout en plumes d’animal, un arbre, une rose; des enfants assis aux pieds de vieux maîtres; des femmes allaitant des nourrissons, d’autres préparant les nourritures du pays – la viande de cerf ou de daim, de lièvre, de taupe, du poisson – qu’on mangeait toujours enveloppées dans ce pain à pâte molle, rond et plat comme une omelette, au goût de fumée; des scribes, des poètes qui récitaient d’une voix forte ou tranquille des choses sur l’amitié, la vie brève, les joies de l’amour, le plaisir des fleurs; je sentis leurs voix toutes proches, j’écoutai ce matin là, mon dernier matin, leurs mots épars :

Mes fleurs ne cesseront…

Mon chant ne cessera…

Je l’élève…

Nous aussi nous élevons des chants nouveaux ici…

Les fleurs nouvelles sont elles aussi entre nos mains…

Grâce à elles nos amis se réjouissent…

Grâce à elles notre tristesse se dissipe…

Je réunis tes chants, j’en fais un collier d’émeraudes…

Pour t’en parer…

Sur cette terre ils sont ton unique richesse…

Mon cœur s’en ira-t-il aussi solitaire que les fleurs périssent?

Mon nom ne sera-t-il plus rien un jour?

Au moins les fleurs, au moins les chants…

Le vieillard me regarda écouter et regarder. Et lorsque enfin je tournai les yeux vers lui, en un sentiment mêlé de joie et de tristesse, il me demanda : 

Tu comprends?

Nous sommes à la veille de l’an 2000… de l’Amérique latine, il ne reste que terre ravagées par la publicité ou par des génocides et quelques réfugiés témoins de ce que fut la culture d’un continent. La Seine bouillonne, les flagellants investissent Saint-Germain-des-Prés. Des tours de Saint-Sulpice s’élèvent les fumés de l’holocauste, tandis que sur les quais les femmes de tous âges accouchent d’enfants mâles, tous marqués du sceau de l’Usurpateur : croix de chair sur l’omoplate et six orteils à chaque pied. Dans Terra Nostra, Carlos Fuentes se penche sur la naissance, la passion, la mort et la modification de la civilisation commune à son continent. Abolissant toute chronologie connue au profit du temps réel qui contiendrait tous les temps, Terra Nostra est le livre des cercles, des spirales convergeant en un seul lieu. Et ce n’est pas un hasard si Carlos Fuentes situe le début et la fin de son récit à Paris – Paris fut pour lui ce point exact de l’équilibre moral, sexuel et intellectuel entre deux mondes qui ont fait notre malheur… l’anglo-saxon et le latin.

Terminus !

Nous avons fait le voyage de Terra Nostra avec Carlos Fuentes pour lui rendre un dernier hommage, chose que je vous invite à faire davantage, peut-être que Terra Nostra sera à l’avenir «l’unique» parmi vos livres de chevet ou tout simplement l’un de vos coups de cœur. Un roman qui nous invite à une profonde quête de notre personnalité cachée. Un roman gigogne, où tout est signe, symbole et allégorie… On descend à la station de métro Université de Montréal, troisième arrêt de la ligne bleu, en direction de Saint-Michel à partir de Snowdon. Et nous allons laisser partir Carlos Fuentes dans son voyage sans terminus et sans arrêt.

Merci d’avoir fait ce petit voyage-lecteur avec NOUS !

ADIEU CARLOS FUENTES !

Thélyson Orélien


Du romantisme révolutionnaire?

Les Indignés devant la Tour de la Bourse à Montréal, Place Victoria.
Les Indignés devant la Tour de la Bourse à Montréal, Place Victoria.

Par Thélyson Orélien | LaPresse.ca

Toutefois, en finalité, la prospective sociale doit aller beaucoup plus loin que l’on croyait. Car les hommes à longues cravates ne souffrent pas seulement de la manière que se fixe le temps, ses fluctuations, ses fixations, ses variabilités, ses instabilités, ou de la myopie, ils souffrent aussi d’une crise du culte de l’élite. Aussi si nous entendons saisir le contrôle du changement, nous devons révolutionner la façon de formuler nos objectifs sociaux.

L’afflux de la nouveauté dépouille de leur valeur les principales institutions – que ça soit l’État, l’Université, l’Entreprise, l’Armée, l’Église. L’accélération entraîne un renouvellement plus rapide des buts, elle rend les institutions plus éphémères. De leur côté, la diversité ou la fragmentation conduisent à leur foisonnement incessant. Pris au milieu de ces convulsions et de la multiplicité des choix, nous titubons de crise en crise, il nous arrive même d’être fatigués de l’avenir, dans la poursuite de fins désordonnées, contradictoires ou incompatibles.

Cela ressort avec évidence frappante des tentatives pathétiques pour imposer le changement à nos Cités. En l’espace de quelques mois nous avons été des témoins, parfois des victimes d’une succession cauchemardesque d’évènements ici et ailleurs, frôlant la catastrophe, passant du rire aux larmes, de l’émotion à la colère, de la révolte à l’incompréhension voire la peur. Crises économiques, catastrophes naturelles, crises politiques, comédies démocratiques, crises des indignés, que ça soit Printemps Arables dans le monde arable ou Printemps Érables dans le monde québécois – manifestations et longues périodes de grève d’étudiants et de professeurs contre une hausse des frais de scolarité,  ponctuées de drames parfois insoutenables. La liste est loin d’être complète.

Dans les institutions étatiques, qui sont toutes par milliers à travers les nations avec des technologies avancées, les politiciens foncent l’extincteur à la main d’un foyer à l’autre, sans le moindre semblant d’un plan ou d’une ligne politique cohérente pour l’avenir des villes. Dans une réflexion entre moi et un jeune poète haïtien, futur sociologue de Sorbonne, il me sort cette conclusion: «Mon cher… Nous faisons face à un monde où la politique ne peut plus rien faire». Mais cela ne veut pas dire que personne ne s’occupe de rien, de la planification. Bien au contraire, dans ce bouillonnement social, les plans, sous-plans et contre-plans nous inondent de toutes parts.

En l’espace de quelques mois, un mouvement de résistance sans leader avec des gens de sexes et de tendances politiques différentes a été mis sur pied dans les grandes villes du monde. La seule chose qu’ils ont en commun c’est qu’ils se réclament d’un 99% qui ne tolère plus la cupidité et la corruption du 1%. Pour beaucoup, il s’agirait d’un nouveau mai 68, ou encore d’une révolution à l’image de celles qui se sont produites dans les pays arabes. Le tout avec de la musique, en train de s’embrasser en organisant des campings.

Du romantisme révolutionnaire?

Certes, il y a des abus de part et d’autre, seulement comment tous ces indignés comptent-ils faire sans le FMI, sans les organisations internationales qu’ils prétendent échouer, sans les grands patrons, pour s’en sortir de la crise? Je n’en veux pas aux riches pour leur richesse, ce n’est pas ce qui m’indigne le plus. Mon indignation est beaucoup plus humaine, beaucoup plus empathique, plus altruiste. Mon indignation, mon ras-le-bol, c’est cette indifférence meurtrière, les gaspillages du Nord face aux pénuries du Sud. Ça m’énerve! Le problème, ce ne sont pas les riches, le problème c’est le gaspillage. On oublie les vrais pauvres de cette planète. J’ai honte de le vivre, de le dire. Car notre Monde est un ballon qui ne tourne pas rond.

Nous connaissons des pays avec les vrais déshérités du sort, où l’indignation est non médiatique. Et contraire à ces pays qu’on n’arrête jamais d’appauvrir, de sucer jusqu’à la moelle tout au long de l’histoire, nous nous sommes retrouvés dans des lieux-dits où les prévisions sont énormes, les programmes débordent de toutes parts: prévisions de nouvelles autoroutes, de nouvelles routes, de nouvelles centrales, de nouvelles écoles, de nouveaux hôpitaux, de nouveaux logements, de nouveaux centres psychiatriques, de programmes d’assistance sociale qui s’accumulent, les bien-être sociaux qui se renforcent les uns les autres. Sans prétendre que tous sont sensés aller bien.

Si ces prévisions et programmes sont tous rattachés de manière globale à une meilleure image de notre ami, L’Être Humain, pourquoi se plaint-il autant, pourquoi est-il à tel point indigné ?

Thélyson Orélien


Laviwonn dede

© Atis ki fè tablo asasinay sa a rele Edgard Jean-Baptiste
© Atis ki fè tablo asasinay sa a rele Edgard Jean-Baptiste

Laviwonn dede

.

Laviwonn dede

Lanmò plane kou malfini

lap fè laviwonn dede

dèyè yon vyann

dèyè yon chan pwa

chan mayi

.

Potoprens leve chak maten

ak rèl nan je

pou yon pitit gason

yon vizitè

ke minui manje

.

Twa (3) revòlvè antre nan yon kay

san frape

yo pran lavi

blayil atè

soti kè kal.-

.


Sou beton Pòtoprens

Sou beton Pòtoprens, tranbleman-d tè pase, alarive li pote ale tout sa-m te posede, ata yon ti bout papye vyèj ke plim nan tap eseye kreve ak de ti mo twa pawòl

Sou beton Pòtoprens, m-di tranbleman-d tè pase, alarive li pote ale tout sa-m te ganyen. Sa-l kite? Yon ti gout lawouze douvanjou nan mitan de fant dwèt mwen ak yon ti moso lalin ki tap voye  yon ti ponyen limyè nan mitan lanwit la, jous nan batan fenèt la, lè lanp tèt gridap mwen te fin tenyen

Sou beton Pòtoprens, tout vye rèv yo jouke antre jous nan rèv nou, nou sispann reve, rèv nou anchennen, rèv nou marye, rèv nou ligote, mare nan fisèl, tankou vye bèf chenn yap mennen labatwa,  rèv nou minote yon kote, yon kote, nou pa menm konnen pouki, nou pa janm konnen si se isit oubyen pa bò lòtbò, si se kounyè a oubyen si se depi byen lontan

Adje ! Ayiti inosan mesye, Ayiti gen pou-l sispann benyen nan san, Ayisyen gen pou yo sispann peye pou sa yo pa fè, paske : pa gen sekrè-k kache k-pap devwale, yon jou sekrè gen pou tonbe tankou grenn lapli sou plas piblik, sekrè gen pou sove tankou prizonye-k evade

Sou beton Pòtoprens m-wè, se tout yon kawo twa degout anmè kouwè fyèl, tankou yon match bòskè nou K.O, nou tonbe, kanmen-m nou leve kanpe pou nou ka retonbe pi rèd, match la di, li dire, li pi di atò lè nap bokse raj nou, lè kout pwen-n ap tonbe nan levid pou vide tout mwèl sèvo nou atè

Sou beton Pòtoprens

Tranbleman-d tè pase

Epi…

Beton

Beton nan zokòkòlòs tèt mwen

Retire tout memwa-m

Ou ta di de (2) tete fanm yo tòtòt byen tòtòt.-

.


Vwayaj pam nan se degidon

Map leve tout rad met deyò

Tout liv chire

kreyon kase

Ak plim san min

.

M-pral frape tèt lalin nan panno

M-pral kwaze mèt minwi sou gran chimen

M-ap sote lawont nan pòt fenèt

M-ap volewo m-di-w

Epi se jous byen lwen map pati

Lwen lwen lwen

Byen lwen menm

.

Degidon, degidon, degidon !

Degidon, degidon, degidon !

Degidon, degidon, degidon !

.

Si flè te pouse pa bò isit

A la pran m-ta pran sant

A la keyi m-ta keyi

A la wouze m-ta wouze

A la koupe m-ta koupe

A la taye m-ta taye

M-tap yis !

M-tap yas !

M-tap tchoup!

Plonje nan de basen foli

Pou-m pa janm fè foli.-

.


Tann! Tonnè!

(Pou tout jèn powèt kreyolofòn… Jan tan an boloze…)

.

Tann…

M-fout diw tann

Tann

Pa tann yo kenbe menw

Tann yo rale pwent nen-w

Tann dousman

Fè ti souri lakontantman

Tann demwazèl vole

Dèyè pòt kay ou

Tann

.

Tann nan lonbray

Pase adwat

Vire agoch

Desann anba

Monte anwo

Wa jwenn platon

Tann

.

Men se pa tann

Jiskaske-w tounen pwa tann

Fò-w tann

Tann mwen di-w

Tann ! Tonnè !

Lap vini

M-di pou-w flank tann !

.

Thélyson Orélien

 


SILQ | Un programme alléchant pour les bouquineurs

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L’édition 2012 du Salon international du livre de Québec (SILQ) du 11 au 15 avril promet beaucoup. Cette année les amoureux de la littérature et de la lecture ont répondu à l’appel Centre des Congrès de Québec afin de replonger dans un monde de livres, de participer à des rencontres avec certains auteurs, à des séances de dédicaces, de conférences, d’animations et faire la découverte des nouveaux titres. Nathan Murray de Impact Campus, juge que le programme a été bien alléchant pour les bouquineurs.

Les écrivains haïtiens : Myrtelle Devilmé, Makenzy Orcel, Rodney Saint-Éloi, Verly Dabel, Emmelie Prophète, Gary Klang, Joël Des Rosiers, Michel Soukar, Louis-Philippe Dalembert et Dany Laferrière ont été au rendez-vous sur le plancher du Salon International du Livre, très émouvants dans une ambiance festive pour signer leurs titres aux amoureux du livre, venant de différents horizons, dans une espace dénommée : Espace de la diversité.

En passant, la ville de Québec est une ville construite avec un sens de l’imaginaire et son salon du livre en est un à taille humaine où l’on se sent bien pour les rencontres.

Dans cette ambiance de bruits du monde, la voix de la jeunesse trop souvent mise en quarantaine et parfois même négligée a été conviée par l’écrivain Dany Laférrière, porte-parole et président d’honneur pour une troisième fois de suite. Il a aussi cité ces mots : «Pour les jeunes, un livre doit être vu, touché, aimé, bousculé même; ça va être difficile de faire ça avec les tablettes électroniques. Il ne faut pas laissé arriver aux livres ce qui est arrivé avec les animaux, des jeunes qui n’ont jamais vu un âne de leur vie, on veut que les jeunes voient des livres.»

Le lauréat du Prix Médicis a profité de l’évènement pour fêter ses 59 ans, en recevant le titre d’Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres du Consulat Général de France à Québec. Nous avons aussi remarqué  Georges Laraque, un enfant d’Haiti, ancien joueur de Hockey des Canadiens de Montréal qui signait son autobiographie intitulée «La force d’y croire».

Heureux et fier que la littérature haïtienne prenne beaucoup de place dans le monde entier, l’auteur de «L’énigme du retour» a ajouté que : «Sans cette littérature qui nous vient du tiers-monde, la littérature se rétrécirait comme une peau de chagrin».

Bien entendu, le Salon International du livre de Québec a été accompagné d’une foule d’activités culturelles et littéraires, qui a contribué à son dynamisme et à son rayonnement en recevant notamment une délégation de neuf écrivains catalans – nation à l’honneur – et en laissant une grande place aux auteurs haïtiens et amérindiens.

Quatre expositions ont été présentées au Centre des Congrès sous les thèmes ainsi mentionnés : «Matshinanu – Nomades, Les légendes du Québec, hommage à Jean-Claude Dupont, Portrait de famille et Dimitri Kasan, l’aventure Marabout à Québec». À cela s’ajoutent les traditionnelles tables rondes – dont « Qu’est-ce qui vous indigne le plus ? » avec Dany Laferrière et « Avez-vous foi en l’avenir du Québec ? » avec Jean-François Lisée – sans oublier les neufs spectacles littéraires de « Québec la Muse » – comprenant notamment un hommage au poète Saint-Denys Garneau.

Plusieurs prix littéraires ont été remis, afin de récompenser l’excellence et la relève littéraire québécoise ou d’ailleurs.-

Thélyson Orélien


Bas Saint-Antoine

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Nul ailleurs, à Poste Marchand,

bas Saint-Antoine

Le matin remplis de miroirs sous les auspices d’une dalle en désuétude pleins de charmes et de liberté Les arts bafoués prôneront la récompense Pourquoi toujours des plaintes quand demain les barrières s’ouvriront pour des adieux simplifiés Le dos à la mémoire L’amnésie Ce cerf qui roule aux nuages de l’extase Le rideau vert marchait flottait dansait déjà Dommage le vent si doux n’est présent

Tout est ruine et deuil de la triste cité Toute désolation habite dans l’âme Les enfants sont partis Les hommes et femmes cherchent sous quelques toits le coin de s’abriter Après journées d’angoisse et nuits d’insomnie la population conserve la fierté du tohu-bohu Presque un air de gaieté gagne la ville à l’âme endolorie

Tout est ruine et deuil Les blessés embrassaient les morts victimes du destin nommés des décombres Depuis le carrefour jusqu’au détour du Prince Port au mort La rue en ses deux flancs n’entassait que des ombres La cathédrale les maisons montraient tant d’orgueil aux promeneurs lassés dans la longueur des journées Les balcons pointeraient flèches spontanées Plus rien ne subsiste Tout est ruine et deuil La ville démolie dépecée folle Saint-Antoine brusquement cède place à de pauvres sans-abris installés dans les tentes L’humanisme à coeur contrit anéanti dans le gouffre

En conséquence passait déjà sous l’échelle du temps

Des verbes chantés Des verbes plantés Des verbes pansés Des verbes pressés Des verbes palpés Des verbes écrits Le charbon des jours creux En sens ascendant des rumeurs qui coulent Disparates d’un sort d’une volonté accrue Le désir s’en va selon nos actes pervers En contresens de vérités d’obstacles et d’ambitions vers un orgueil concentré De la mort d’un rêve d’un rêve de mort de survivances qui passent Un récit sans histoires De simples passés De soulagements à bouleverser le temps qui tremble ou qui se meurt

Le son du rêve en sommeil Une sortie pour de bon au bon début de débit d’encre Je m’énerve à ne pas me perdre On écrira la profondeur d’une muse si confuse si éminente si teneuse tumultueuse et sonore Le nord de la tête plongé dans la boue Le bonheur sous forme de chloroforme La profondeur en prose poétique prophétique Le sens bouleversera

D’ici De là De là-bas Être poète Être écrivain Écrire la folie des êtres sur les marges de vie Et dépressions et déceptions écrites dans la boue comme dans l’eau froide pleins de peines Illusion à l’envers d’une histoire de sel J’irai à l’irréversibilité du temps à l’accord de l’ordure aux palmiers vers les buissons détendus Saint-Antoine voilà l’or qui n’est plus diamant en ce soir de meurtrissures ovales

Thélyson Orélien