Thélyson Orélien

Le Carnaval d’antan aux Gonaïves !

C’est Gonaïves «la Cité de l’Indépendance» qui a organisé officiellement le carnaval national en Haïti,  les 2, 3 et 4 mars. J’imagine à quel point cette nouvelle a fait la joie des Gonaiviennes et Gonaïviens du pays et de la diaspora, y compris moi. Après les Cayes en 2012 et la ville du Cap-Haïtien en 2013, ce fut le tour de la troisième ville économique et première ville historique, d’accueillir les festivités carnavalesques de 2014.

En tant que Gonaïvien natif-natal, il me fait plaisir de faire ce petit texte, sans grande importance, pour partager avec vous de tout petites anecdotes de mon grand-père tirées de ses récits des Gonaïves d’autrefois… Jadis, le carnaval était une période de réjouissances et d’activités économiques pour les Gonaïves. De jour comme de nuit, les bandes traditionnelles telles que La Branche Aimable, La Reine Sainte Rose, Tana et Tato permettaient à toutes les couches de la société gonaïvienne de se défouler dans une ambiance frénétique et survoltée.

Le samedi soir, les maris plaquaient leurs épouses pour aller se marier à des femmes des quartiers populaires. Ces dernières, éclatantes de fraîcheur, étaient toujours aussi accueillantes au milieu de la foule des danseurs qui se pressait autour des musiciens de La Branche Aimable et de La Reine Sainte Rose. Le mariage n’était autre qu’une danse lascive qui était récompensée par un sandwich aux poissons bourrés d’une salade arrosée de sauce piquante, la salaise.

Les couturières, les marchandes de salaise, de pistache grillée, de fresko, de confiserie, de crème glacée, de griot et de manje-kwit ; les cireurs de chaussures, les artisans, les ébénistes et les charpentiers etc. tiraient tous des profits en cette période carnavalesque. À côté des groupes qui évoluaient les samedis et dimanches soirs, deux autres bandes, Tana et Tato, faisaient se trémousser les jeunes gens des deux sexes les après-midis.

Le blanc et le rouge identifiaient les partisans de la bande Tana. Le vert et le jaune étaient pour les admirateurs de la bande Tato. À l’approche des jours gras, ces groupes rivalisaient. Chaque groupe se distinguait par sa créativité, sa spontanéité à taquiner le groupe rival par des chansons parfois improvisées dénonçant les méfaits, les us et coutumes des gens de la ville.

Au point où une année, des responsables de Tana, avait laissé entendre qu’ils avaient fait le voyage de Port-au-Prince à Gonaïves en avion. Pour se vanter et montrer à la bande rivale que leurs responsables étaient des gens de grand « palto », de grand « chire ». La délégation de Tana, présidée par Solon Jean Baptiste, débarqua d’un petit avion sur le terrain de l’Aviation, qui n’existe plus aujourd’hui, au haut de la rue Clervaux, sous les applaudissements des membres et admirateurs vêtus de blanc et rouge. Nous sommes dans les années 50 ! Dans un concert de klaxons et sous les vivats de la foule massée sur tout le parcours, la délégation de Tana fit son entrée triomphale dans la ville.

Les badauds qui se comptaient par milliers dans ce brouhaha indescriptible et chantèrent à tue-tête: « Prezidan Solon kaka nan avyon » (Le président Solon chie dans l’avion). C’était peut-être une réplique ou une stratégie utilisée par la bande rivale Tato pour minimiser le spectacle éloquent présenté par le groupe carnavalesque Tana.

Le nom La Branche Aimable de Geffrard fût donné en l’honneur du président Fabre Geffrard, qui se mettait à l’abri comme opposant dans la localité dénommée Souvenance, nom donné à cette localité en souvenir de Geffrard, où se trouve l’ancien Temple de mon grand-père. Tout comme le Lycée Fabre-Nicolas-Geffrard.

Le nom Sainte Rose vient d’une grande Dame de Léogâne qui fut membre de l’État-major de la Branche Aimable et qui abandonna le groupe pour aller former un groupe rival. Elle lui a donné le nom Sainte Rose en l’honneur du Saint Patron de Léogâne : Saint Rose de Lima.

À côté des activités carnavalesques qui font des Gonaïves une ville accueillante par sa beauté captivante ; la beauté de ses femmes et leur don en art culinaire, dont la spécialité est du riz à lalo ; l’histoire nous apprend que de nombreuses familles du Sud, de l’Ouest et du Nord d’Haïti, venaient s’établir aux Gonaïves.


Sarkozy «copié et pillé» par le nouveau président malgache

Seulement quelques jours après sa rentée en fonction, le tout nouveau président de Madagascar a été accusé d’avoir plagié un extrait du discours de l’ancien président français Nicolas Sarkozy lors de son assermentation.

Hery Martial Rakotoarimanana Rajaonarimampianina, le chef de l’État avec le nom le plus long au monde, a présenté son premier discours, samedi 25 janvier 2014, dans le cadre d’une exhortation à la réconciliation sur une île en crise. Mais son appel semblait être familier pour ceux qui l’écoutaient.

« Je demande à mes amis qui m’ont accompagné jusqu’ici de me laisser libre, libre d’aller vers les autres, vers celui qui n’a jamais été mon ami, qui n’a jamais appartenu à notre camp, à notre famille politique qui parfois nous a combattus. Parce que lorsqu’il s’agit de Madagascar, il n’y a plus de camp » s’est-il exprimé.

Mais pratiquement, ces mêmes mots ont été utilisés par l’ancien chef d’Etat Français Nicolas Sarkozy, dans un discours qu’il a prononcé, quand il faisait campagne pour la présidentielle de 2007. La presse malgache s’était fait l’écho de cette intervention. Après vérification, le nouveau président malgache a tout simplement remplacé le mot « France » par « Madagascar ».

Tout compte fait, on voit bien que le président Sarkozy inspire de l’autre côté du continent Européen…


Le panafricanisme dans la culture haïtienne

Lors de l’ouverture du sommet de l’Union Africaine qui s’est tenue du 23 au 30 janvier 2012 à Addis-Abeda en Éthiopie, les dirigeants africains ont accueilli favorablement la demande d’Haïti pour devenir membre associé à part entière de l’Organisation. L’histoire est ce qui relie Haïti et l’Afrique. En tant que première République noire (1804), Haïti a toujours soutenu l’indépendance des pays africains, tels que la Libye, et a condamné l’invasion…


Non, nous ne sommes pas tous des Haïtiens

Parler d’une catastrophe aussi dramatique et bouleversante que celle qui frappe le peuple haïtien, parler des morts, des blessés et des disparus, de toute cette misère n’est pas une affaire de style ni un concours pour décrocher la palme d’or du commentaire le plus émouvant. D’autant que ces déluges verbaux ne débouchent sur rien ne riment à rien sinon à satisfaire leurs auteurs. Écrire : Nous sommes tous des Haïtiens, après avoir écrit il y a cinq ans, au lendemain du tsunami : Nous sommes tous des Taïwanais ou des Sri-Lankais est un mensonge*

La terre a tremblé en ce mardi 12 janvier 2010. Il était quatre heures cinquante-trois minutes dans l’après-midi. Au moins une vingtaine de secondes pour que tout soit basculé, en voyant des gens mourir écrasés vifs par des bribes de béton. J’avais vu des plaies en liquéfaction, des taches sanglantes, coagulantes, en beau milieu de rues en gravats. Des ponts de bâtiments tordus et le palais présidentiel en fragments.

D’abord j’avais entendu des grondements, puis des effondrements. J’étais à l’intérieur de cette maison encore restée debout dans un coin de l’Avenue Poupelard, bas Saint-Antoine. Ce fut la destruction de Port-au-Prince. Une ville que j’ai appris à aimer au rythme trépidant des jours. Une ville belle à mes yeux, qui se tenait fièrement débout et magnifique. La première fois que j’ai entendu la terre crier sous mes pas, tel un coup de tonnerre venant de son ventre qui secoua violemment tout, et même les plantes. Quatre ans après, nous y sommes là, et nous ne cessons pas  de trembler systématiquement dans le profil de notre existence en tant que  peuple.

La mort ne prendra pas le nom d’Haïti, Haïti n’a plus besoin de larmes. Haïti n’est pas un pays pauvre. C’est plutôt le pays le plus appauvri des Amériques. Le plus appauvri. Oui ! Les gens avisés le savent. Au lendemain du douze janvier l’éditorialiste de Radio France Internationale (RFI) Alain Genestar qui connaît bien l’histoire d’Haïti a cité dans son éditorial intitulé Nous ne sommes pas tous des Haïtiens* :

« Dans quelques semaines ou mieux dans deux ou trois mois nous serons passés à autre chose, à une autre émotion, une histoire chassant l’autre. Il y aura même des prétendus experts en cause humanitaire, qui nous expliqueront à coup sûr, que finalement on en a beaucoup trop fait pour Haïti, qu’il y a trop d’argent et que de toute façon la corruption est telle, que les fonds sont détournés… comme si nous les riches nous étions des petits saints, comme si nous les riches nous n’avons pas exploité et sucé jusqu’à la moelle leur ressource et asservi tout au long de l’histoire leurs pères et leurs enfants.»

Et il continu :

« Compte tenu de tout ce que nous savons, de tout ce que nous avons fait, de tout le mal dont nous avons été autrefois les auteurs, puis plus tard les complices, ce n’est pas d’aide charitable, mais d’indemnité et de dédommagement. Non, nous ne sommes pas tous des Haïtiens;  nous sommes des Français, des Espagnols, des Américains qui doivent rendre leurs dettes au peuple d’Haïti » fin de citation.

Il faut dire que le séisme n’a pas été la seule pire catastrophe qu’a connu Haïti durant ses longues années d’existence, depuis l’esclavage, pire crime contre l’humanité, les occupations dévastatrices et tant d’autres. Le poids de terribles drames le tiraille encore aux épaules. Quatre grandes années d’apparences trompeuses et de faux semblants dans un ciel bouillonnant déchiré de nuages.

La conjoncture haïtienne s’embrouille quotidiennement de la connivence des uns et de l’incompétence des autres. Les interminables troubles politiques entremêlés de tensions sociales  ne cessent d’occasionner des répercussions économiques critiques et très graves pour l’avenir du pays. La misère bat son plein, déposant plus particulièrement la masse dans un état d’infortune lamentable, chaotique et révoltant.

Le sinistre tableau de la société haïtienne, Hector Hyppolite  et Jean René Gérôme l’auraient peint avec des larmes. Pas un acte concret n’a été posé pour régulariser la triste réalité, sinon que des palabres à n’en plus finir et des promesses à l’oral. Il y a lieu de s’inquiéter et de se poser continuellement des questions quant aux meilleures d’Haïti : Des suites d’interrogations qui concernent tous les haïtiens et les haïtiennes.

Depuis janvier 2010 les fissures sont loin d’être réparées. La terreur des premières secousses est encore là. Mais Haïti, comme toujours, veut rester optimiste envers et contre tout. Parce que nager dans le pessimisme c’est choisir tout simplement de ne pas apporter une pierre participative en adoptant une attitude de spectateur passif face à une situation très compliquée.

Quatre ans dans l’impossible, nous peuple d’Haiti, sommes tenus ! Mais il y a de quoi à être sceptique au sujet de l’avenir, quand le présent est très critique. Un lendemain meilleur suppose d’abord des préparatifs de base. Il faut identifier ce qui nous empêche d’avancer. La devise «l’union fait la force» implique  aussi de savoir avec qui s’unir pour sortir du bourbier une bonne fois pour toute.-

Thélyson Orélien

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* Extrait de l’édito du 17 janvier 2010 de RFI, par Alain Genestar


Des écrivains haïtiens saluent Dany Laferrière l’immortel…

Il remplacera au fauteuil l’auteur d’origine argentine Hector Bianciotti, décédé en juin 2012. L’écrivain né en Haïti Dany Laferrière a été élu jeudi à l’Académie française au fauteuil de l’auteur d’origine argentine Hector Bianciotti, décédé en juin 2012, a annoncé l’institution dont les statuts n’imposent aucune condition de titre ni de nationalité.

Le nouvel immortel a été élu au fauteuil 2 au premier tour par 13 voix sur 23, a précisé l’Académie, fondée par Richelieu en 1635, chargée de veiller au respect de la langue française et d’en composer le dictionnaire. Très solidaires, des écrivains haïtiens saluent ce triomphe.


« Notre citadelle a démontré sa force à poursuivre avec une volonté inébranlable son chemin dans la galaxie littéraire. Il est devenu immortel notre Laferrière. Bravo Dany! »

Gary Victor


« L’élection de l’écrivain Dany Laferrière au sein de l’Académie française montre combien cette institution a cessé d’être un lieu clos pour devenir de plus en plus un champ ouvert au métissage culturel et à l’universalisme. Bravo Dany. »

Frankétienne


« Avec Dany Laferrière, l’Histoire entre à l’Académie française de manière singulière et belle. »

Kettly Mars


« Dany à l’Académie française? L’itinéraire, depuis les premières tentations d’écriture au Petit Samedi Soir, d’un ton léger, d’une prose alerte, désinvolte, pleine d’humour, qui n’a cessé d’être une particulière histoire de style dans notre littérature pour dire la trame d’une vie et… enchanter une expérience d’Homme. »

Jean-Claude Fignolé


« Quelle bonne nouvelle! Du Carré Saint-Louis en passant par Petit-Goâve, la francophonie se réjouit de l’élection de Dany. Depuis plus d’une trentaine d’années, Dany Laferrière travaille à bâtir des ponts. Entre l’Amérique, l’Europe et l’Afrique. Entre le Québec et la francophonie des Amériques, particulièrement Haïti. La contribution exceptionnelle de l’homme de lettres québécois est à la hauteur de cette reconnaissance. Montréal salue aujourd’hui l’un de ses enfants chéris. À titre de président du Conseil municipal de Montréal et poète, je tiens à féliciter l’auteur du Journal d’un écrivain en pyjama. »

Franz Benjamin


« Ah, le dernier titre de l’immortel Dany Laferrière Journal d’un écrivain en pyjama! Quelle heureuse prémonition! Il y a là une vraie litote, un euphémisme caché. Il fallait carrément dire Journal d’un écrivain en habit vert. »

Jean-Robert Léonidas


« Sacré Dany! Tu seras comme un poisson dans l’eau, je le sais. Merci d’être une fierté pour nous. »

Anaïse Chavenet (Communication Plus, Haïti)


« Dany Laferrière : bayaond, chou-palmist, zaboka, diriakdyondyon, kenskof, fursy, citadel-laferièr, peyipam, koté m’fèt, kalite, elegans, umanite, espwa, grandè, diyite… Lespri li se tambou kap bat! Se pipirit chantan! Se demen kap leve! Kenbe Dany, kenbe fèm! Ou toujou ap fèm sonje kamarad Jak Alexi. Mèsi pou peyi a.

***

Dany Laferrière, une part immense de mes rêves pour Haïti. Dès que j’entrevois sa silhouette, dès que j’entends le son de sa voix, je suis dans le pays, en charge de sa désespérance et de ses espoirs mêlés. Dany, tambour dont les rythmes descendent des mornes, empruntent les ravines et inondent les pages de nos rêves, de nos espoirs, de notre Histoire. Je mêle ton nom à ceux de mes guides proches, Roumain, Alexis…»

Gérald Bloncourt 


« Je viens d’entendre la confirmation de la bonne nouvelle, notre Dany Laferrière à nous, fait son entrée triomphale à l’Académie française. Quelle belle consécration! Et je ne veux pas laisser cette journée se terminer sans adresser mes félicitations à Dany. En saluant son œuvre, son intelligence, son parcours, son courage; de ce beau cadeau qu’il nous fait. En effet, je suis très heureux et je place beaucoup d’espoir en Dany qui va certainement faire notre fierté à tous et à toutes. Le premier académicien en pyjama. »

Thélyson Orélien


« J’ai beaucoup pensé à toi ces temps derniers : Au cri des oiseaux fous, à l’énigme, aux petites touches, à tous les chatouillements de cette écriture sobre, empreinte de tendres émotions, alliant la lucidité du soleil à la douceur enveloppante de la lune. Dans ces contrées du Nord, l’automne se déroule dans la douceur avant de s’ouvrir sur la mélancolie; l’hiver, le temps du retrait, du repliement est aussi celui de l’intimité; le printemps ravive l’espérance tout en anticipant la folie; l’été bascule dans l’effervescence et la démesure; mais en toute saison la poésie ne perd pas ses droits. »

Claude Moïse


« Dany c’est d’abord et avant tout l’enfant de Petit-Goâve qui, entre odeur du café, tendresse et légendes, sourit encore sous la peau du nègre prêt à faire l’amour sans se fatiguer pour exister, traverse l’Amérique avec une légèreté feinte, quand il ne s’alanguit pas auprès de jeunes filles dévoreuses au cœur de Port-au-Prince et de ses faubourgs. C’est encore l’enfant espiègle qui se fera japonais pour nous rappeler que l’encre est la plus belle demeure d’un écrivain avant de marquer une pause érudite et tranquille en pyjama. Et puis, il y a l’énigme de celui qui revient, subtil miroir pour moi qui entre allers et retours vit l’énigme d’habiter. »

Yanick Lahens


« Il n’y a pas longtemps tout un collier d’enfants à fait le tour d’une ville pour couronner le roi Dany. L’Académie française a compris le message. Une bande d’enfants entoure la grand-mère Da pour lui dire que son garçon est une citadelle. La littérature est déverrouillée par la joie, Haïti a décrété une fois pour toutes, que monsieur Laferrière est une citadelle. »

James Noël


« L’élection de Dany Laferrière à l’Académie française est une bonne nouvelle pour cette merveilleuse littérature qui persiste à provoquer la rencontre des humanités francophones, d’Haïti à la France en passant par le Québec. »

Jean-Euphèle Milcé


« Sacré Dany! C’est une créature des sommets. Ce n’est pas pour rien qu’il porte fièrement le nom de cette place forte, Laferrière, que le roi bâtisseur a perchée comme un défi au sommet du Bonnet à l’Évêque. De sommet en sommet, le voilà parmi les immortels qui veillent sur la prestigieuse langue française. Après avoir fui la terreur de Duvalier pour sauver sa peau, immortalisé sa grand-mère Da et le village de ses premiers pas, Petit-Goâve, pouvait-on attendre moins de ce citoyen du monde? »

Verly Dabel


« J’ai reçu l’information concernant la candidature de Dany à l’Académie française alors que j’animais un débat à la FOKAL. J’ai l’ai partagée avec la salle. Un monsieur s’est mis debout, la main sur le cœur et a répété plusieurs fois « Map priye pou li ». Ce monsieur avait su traduire toute l’émotion qui me traversait alors, moi qui ne prie jamais. La salle aussi a dû ressentir la même chose, le public a applaudi pendant plusieurs minutes. C’est avec la même ferveur que j’accueille son acceptation à l’Académie. Dany est un miracle de générosité, de talent, d’amitié. Son succès est toujours celui de nous tous… »

Emmelie Prophète


« Dany Laferrière à l’Académie française. C’est un moment heureux et inattendu dans une relation vieille de plus de six siècles avec les peuples nés de la première implantation française sur le continent américain. Les nations haïtienne et québécoise dont se réclame Dany Laferrière ont maintenu et cultivent un rapport amoureux, frondeur et décalé, donc original, à la langue et à la culture française. Dany Laferrière les représentera excellemment dans la vieille maison du quai de Conti. »

Hérard Jadotte (Éditeur, Port-au-Prince, Haïti)


« Felisitasyon vye frè mwen. Mwen konnen anpil moun pral di : sa se yon gwo onè pou ou. Men pou mwen, se yon gwo onè pou Akademi yan. Ak men m lanmou an, kenbe la, pa lage. »

Edwidge Danticat


« Nous n’avons pas seulement porté un cercueil ensemble (Gasner Raymond), le premier exemplaire de Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, je l’ai donné à un inconnu curieux dans un vol entre Montréal et Mexico, sans oublier la bonne soupe de Maggie les dimanches d’exil en regardant Eisenstein et Fellini. »

Michel Soukar


« Dany, tu es notre boussole.
Honneur et respect, cher maître. »

Fouad André


« Je suis très heureux pour Dany. Son élection à l’Académie française vient couronner le travail de toute une vie. À travers lui, c’est aussi, d’une certaine façon, Haïti qui est distinguée. Bravo Dany.

Louis-Philippe Dalembert


« En partant pour l’exil un jour sombre des années 1970, Dany Laferrière emporte pour tout bagage un imaginaire tropical nourri de souvenirs, source inépuisable d’une écriture féconde, et une intelligence du cœur ouverte à tous les vents froids des bourrasques d’hiver. Et voilà qu’en quarante ans, son «autobiographie américaine», mélange de tendresse, d’humour, de culture et d’ouverture sur le monde, ses publications diverses, ses prix prestigieux et autres distinctions lui ouvrent les portes de l’Académie française. Comment ne pas en être fière et le dire au nom de tous ceux, toutes celles qui l’ont lu et le liront désormais. »

Michèle Duvivier Pierre-Louis, présidente, Fondation connaissance et liberté-FOKAL


Dany Laferrière, écrivain né en Haïti et nouvel immortel de l’Académie française

HAUTE DISTINCTION : Il « remplacera » au fauteuil l’auteur d’origine argentine Hector Bianciotti, décédé en juin 2012

L’écrivain né en Haïti Dany Laferrière a été élu jeudi à l’Académie française au fauteuil de l’auteur d’origine argentine Hector Bianciotti, décédé en juin 2012, a annoncé l’institution dont les statuts n’imposent aucune condition de titre ni de nationalité.

Le nouvel immortel a été élu au fauteuil 2 au premier tour par 13 voix sur 23, a précisé l’Académie, fondée par Richelieu en 1635, chargée de veiller au respect de la langue française et d’en composer le dictionnaire.

Parmi les autres candidats à l’immortalité, un prétendant a surpris les vénérables qui lui ont accordé une voix: un lycéen de 15 ans, Arthur Pauly. « Imaginons, en faisant un grand effort, que je sois élu, je deviendrais immortel à 15 ans! Ne serait-ce pas merveilleux? » avait écrit le jeune Arthur, passionné de littérature, dans sa lettre de candidature, acceptée par les habits verts.

L’âge limite pour poser sa candidature sous la Coupole est depuis 2010 fixée à 75 ans. Mais il n’y a pas d’âge minimum.

Né à Port-au-Prince en Haïti le 13 avril 1953, Dany Laferrière, né Windsor Klébert Laferrière, est un grand intellectuel, écrivain et scénariste, qui vit entre Miami, Montréal et Port-au-Prince (d’ailleurs c’est à Port-au-Prince qu’il a vécu le tremblement de terre en 2010, et c’est à Port-au-Prince qu’il a reçu l’annonce de sa nomination à l’Académie Française en 2013). Son écriture privilégie le style autobiographique. Il a reçu le prix Médicis 2009 et le Grand Prix du livre de Montréal pour son roman « L’Enigme du retour », qui raconte son retour en Haïti, à la suite de la mort de son père, exilé lui-même dans les années 1960 par Papa Doc, le père de Jean-Claude Duvalier.


Nelson Mandela : un révolutionnaire emblématique

Le dernier grand homme d’État de l’Afrique

Le monde a perdu un leader, l’une des plus grandes figures du 20e siècle s’est éteinte. Nelson Mandela est le révolutionnaire qui a réussi à mettre fin à l’une des pires ségrégations raciales institutionnalisées au monde. Dernier grand homme d’État de l’Afrique, Mandela a présidé une transition démocratique et s’écarta du pouvoir après un seul mandat.

Armé seulement de dialogue, il a conduit la plus grande réconciliation que l’Afrique du Sud n’ait jamais eue, en évitant le match revanche contre les blancs qui avaient créé le désagréable système de l’Apartheid et l’effondrement économique de son pays.

Avocat comme beaucoup d’autres défenseurs de la liberté et de la pluralité, sous son égide, il a réussi à sauver la nation Arc-en-ciel d’une descente à l’effusion de sang, en démantelant l’héritage institutionnel de l’apartheid et du racisme par le biais d’une Commission de vérité et réconciliation qu’il a nommée et qui aurait été à la hauteur des réponses concluantes aux atrocités de l’époque.

Peu de dirigeants sont devenus unanime comme Nelson Mandela. La sacralisation de l’ancien président sud-africain est terminée. Sa persévérance, sa vision, sa générosité, sa méthode de réconciliation, il passe le test le plus difficile que la vie a imposé. Personne ne doute que l’Afrique du Sud d’aujourd’hui est le résultat du génie de Mandela.

Le militant révolutionnaire

Mandela était un combattant, un guerrier anti-apartheid à une époque où le gouvernement afrikaner des Blancs d’Afrique du Sud était un allié de l’Occident dans la guerre froide. Il a été considéré, jusqu’à une date récente (1990), les Etats-Unis et le Royaume-Uni, comme un abominable terroriste sur la liste noire et demonisée, même après la suppression de son mandat présidentiel. Si, aujourd’hui, les puissances occidentales et tous les politiciens rendent hommage à l’homme qui symbolise la lutte anti-apartheid, il faut savoir que tout le monde n’était pas d’accord avec lui sur son voyage aujourd’hui encensé. Sa longévité, couplé avec sa lucidité, lui a permis d’assister à la sédimentation de plusieurs de ses positions salué aujourd’hui.

Dans les années 50 Mandela a essayé de se battre contre les dures et violentes oppressions du régime ségrégationniste et xénophobe du pays, en coordonnant des campagnes de boycottage contre des cibles militaires et gouvernementales et la planification d’une éventuelle guérilla, conformément au droit à la résistance face à l’oppression étatique, reconnu par les lois de l’autodétermination des Nations-Unies. Il a affirmé qu’il espérait faire tomber le gouvernement oppressif afin de reconstruire le pays sur la base de la démocratie, de la liberté, et surtout de l’égalité.

Nelson Mandela a participé activement à la vie politique dans la trentaine, menant des campagnes de désobéissance civile entre 1952 à 1955. Il fut arrêté en 1962 après avoir été en fuite pendant 17 mois. Accusé de sabotage et de tentative de renversement du gouvernement, il a été condamné à la prison à vie dans le Robben Island. Alors que lui et d’autres dirigeants du Congrès National Africain (ANC) étaient en prison, les jeunes Sud-Africains ont continué à se rebeller contre le gouvernement de l’Apartheid. Ce n’était jusqu’en 1990 que le changement est finalement arrivé en Afrique du Sud.

« J’ai combattu la domination blanche et j’ai combattu la domination noire. J’ai prôné un idéal de société libre et démocratique, dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie avec les mêmes opportunités. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et agir. Mais c’est un idéal pour lequel, si c’est nécessaire, je suis prêt à mourir » plaidait Nelson Mandela lors de son procès.

Mandela a été libéré après 27 ans de son emprisonnement, puis des pourparlers pour former une démocratie multiraciale ont été envisagés. Trois ans plus tard, il a reçu le prix Nobel de la Paix. Depuis qu’il a quitté son poste de président en 1999, Nelson Mandela a consacré le reste de sa vie à mettre fin à la pauvreté et aider à résoudre les guerres et les conflits en Afrique.

L’héritage de Nelson Mandela

La mort de Mandela vient au moment où l’ANC se prépare à une élection qui pourrait voir sa part du vote chuter, illustrant le mécontentement rampant des Sud-Africains. L’ANC, ce parti que Nelson Mandela a rejoint en 1943 et qu’il a par la suite mené à la victoire par les urnes, a longtemps utilisé le nom de Nelson Mandela afin de consolider sa position en tant que parti naturel de gouvernement.

Mais, le plus grand héritage que Nelson Mandela nous laisse est le trésor des valeurs humaines dont l’ensemble de notre humanité peut en tirer des leçons et de l’utilisation. Il a démissionné après un seul mandat à la présidence de son pays. Malgré son incarcération de plus de 25 ans par le régime raciste blanc, il ne portait pas de mauvaise volonté ou du ressentiment envers ses oppresseurs.

Il était un grand rassembleur avec un manque remarquable d’amertume et un être humain rare qui s’est efforcé d’élever le niveau de l’humanité. C’est un homme qui a inspiré des millions de personnes. Il a fait son devoir pour son pays et pour son peuple, avec : « un idéal de société libre pour lequel il était prêt à mourir. »

En retirant son pays sur le rail des horreurs de la ségrégation raciale et de l’apartheid, Mandela a gagné une grande place dans l’Histoire de l’humanité et son exemple restera inégalable. À un moment donné passerelles, ponts, quartiers, écoles, clubs, tout était de séparer les Noirs et les Blancs. Si un blanc voulait se marier avec un noir, il devrait renoncer à son statut de blanc, et le droit de ne pas se prêter à cette fiction commode.

Au moment où le monde pleure la disparition de Mandela, il convient de noter ses convictions, qui contredisent souvent aux intérêts du chef.

J’admire tout ce qu’il a accompli, d’abord en tant que manifestant et révolutionnaire, puis comme président de la réconciliation et philanthrope. J’admire sa force, son courage, et sa capacité à ne jamais abandonner.

C’est un vrai battant qui a mené un bon combat pour la liberté et l’égalité. Et même s’il a été enfermé en prison pendant 27 ans, son parcours servira de source d’inspiration pour le monde entier. Ses réalisations et ses mots inspireront toujours des hommes et des femmes. De génération en génération, il restera une boussole morale pour l’Humanité.

Thélyson Orélien


Cette Europe qui ne fait plus rêver

Par Thélyson Orélien

Deux drames ont récemment retenu mon attention. Il s’agit de deux filles. L’une appelée Leonarda, l’autre Maria.

Leonarda, 15 ans, a été emmenée de force à l’intérieur d’un bus, lors d’une sortie scolaire, et expulsée de France avec sa famille. Maria elle, 4 ans, a été retrouvée il y a quelques jours, dans une ville à l’intérieur de la Grèce, avec un couple soupçonné d’enlèvement.

Leonarda brune, Maria blonde

La première est née en Italie et a grandi en France. Mais c’est au Kosovo qu’elle a été expulsée, un pays qu’elle n’a jamais vécu, parce que son père est originaire de l’ex-Yougoslavie. Mais cette expulsion a déclenché le ras-le-bol des écoliers français et l’émotion de la population.

Son frère, Daniel, est né à Naples, mais vit en Ukraine. Sa sœur de 17 ans, Erina, vit en France, mais elle est née en Italie, tout comme elle, ainsi que Rocky, 12 ans, Ronaldo, 8 ans et Hassan, 5 ans. La plus jeune, âgée de 17 mois, est née en France.

Le président Français, très impopulaire, a offert à Leonarda de retourner en France, mais toute seule, dans le but de terminer ses études. La jeune fille de 15 ans a rejeté l’offre du président, affirmant qu’il n’était pas question pour elle de rentrer en France sans sa famille.

La deuxième, Maria, surnommée « l’ange blond » par les médias grecs, retrouvée chez une famille de Farsala en Grèce, est la fille d’un couple roms-Bulgares vivant dans l’extrême pauvreté dans les ghettos de Nikolaevo.

Les parents de Leonarda, ont huit enfants, et ceux de Maria en ont dix âgés entre 2 à 20 ans, ils vivent tous dans la même pièce. Sacha Rousseva, la mère de Maria, 35 ans, aurait vendu son ange à un couple en Grèce, où elle a vécu, parce qu’elle ne pouvait pas donner à manger à sa fille. Le parquet d’Athènes mène des enquêtes.

L’Europe du 21e siècle

Nous sommes dans l’Europe du 21e siècle,  non pas celle du 18e ou du 19e siècles, celle des ghettos, des énormes familles, de la famine ou des millions de pauvres. Nous sommes bien dans l’Europe des droits de l’Homme, l’Europe qui envoie ses sondes dans l’espace, et  fier de son PIB ou de son indice de développement humain. Mais une Europe qui penche de jour en jour vers l’extrême droite, et qui ne fait plus rêver.

Dans cette Europe, les Tsiganes errent encore, comme ils le faisaient dans les mille dernières années, sans un sou, à la saveur de l’humeur du patron dans le pays où ils se trouvent, et ne peuvent pas prendre racine, même quand ils ne parviennent plus à agir comme des nomades. Ils sont les seuls à vivre la vision futuriste du monde, les seuls à ne pas s’identifier à un territoire.

Les Tsiganes, même sort que les Juifs

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Tsiganes ont partagé leur sort avec les Juifs. Avec eux ils ont été expulsés d’un pays à l’autre. Avec eux ils ont été battus et volés depuis leur départ de l’Inde, il y a environ mille ans.

En 1925, les roms ont commencé à souffrir comme les Juifs, les restrictions des lois de Nuremberg sur la protection du sang, qui interdit le mariage entre les Allemands et les « non-aryens ».

En 1937, la loi sur la citoyenneté a relégué les Tsiganes et les Juifs au statut de citoyens de seconde classe quand Hitler a publié le décret dénommé « La lutte contre la malédiction gitane ». Si les Juifs avaient eu le pogrom de la Nuit de Cristal (Reichskristallnacht en allemand) dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 et dans la journée qui suivit, les roms eux ont eu la Semaine de Nettoyage Gitan du 12 et 18 juin 1938.

Le premier test du gaz Zyklon B utilisé par les Allemands dans les chambres à gaz, a été réalisé avec 250 enfants roms, en janvier 1940, au camp de concentration de Buchenwald. Les Juifs fondèrent Israël, les Tsiganes, cependant, n’ont jamais eu un Dieu pour leur donner une terre promise. Ils continuent a être les damnés de l’Europe, discriminés, persécutés et tués par la maladie et la faim. Dans la banlieue de Bucarest, de Sofia, de Budapest, les enfants roms sont les seuls qui continuent à vivre exclusivement dans des ghettos ethniques à l’instar des dix frères de Maria ou de Leonarda.


Lancement de IntranQu’îllités II : Une Revue de grande magnitude au Salon du Livre de Montréal

" Une bonne revue … ça se mange ! " Dany Laferrière, à Saint-Malo
 » Une bonne revue … ça se mange !  » Dany Laferrière, à Saint-Malo

Lancement de la Revue IntranQu’îllités II, le samedi 23 novembre 2013 à la Place Bonaventure (Stand 617, de 17:00 à 18:00 UTC-05) avec James Noël, Dany Laferrière, Thélyson Orélien, Andrée Levesque, Yanick Lahens, Rodney Saint-Eloi, Michel Vézina, Stéphane Martelly, Madeleine Monette, Laure Morali, Frantz Benjamin. 

Une Revue de grande magnitude

Peuplée de 150 contributions et répartie en 9 rubriques diversement synchronisées, la revue IntranQu’îllités est une boîte noire qui capte et rassemble les mouvements, les vibrations et autres intranquillités créatrices de notre temps. « Nous avons pris, feuille par feuille », écrit James Noël, « le contrôle de tous nos moulins à vent ». La figure de Borges et celle du Che hantent ce labyrinthe traversé par tous les vents du monde. Les thèmes sont abordés prioritairement par le prisme d’une sensibilité frémissante, avec des créateurs d’horizons divers et d’expressions artistiques différentes. La revue IntranQu’îllités vient d’une Haïti qui, toutes voiles dehors, s’échappe vers des rives inédites.

Ananda Devi, René Depestre, Adonis, Ramón Chao, Dany Laferrière, Mathieu Belezi, Ben Foutain, Vénus Khouri-Ghata, Gabriele Di Matteo, Hubert Haddad, Bernard Noël, Coskun, Fabian Charles, Souleymane Diamaka, Préfète Duffaut, Fanette Mellier, Pia Petersen, Jean-Luc Marty, Yahia Belaskri, Rodney Saint-Eloi, Barbara Cardone, Pierre Soulages, Julien Delmaire, Mathieu Bourgois, Marvin Victor, Pascale Monnin, Michel Vezina, Arthur H, Thélyson Orélien et cent autres voleurs de feu, ont réussi le pari d’une grande fête des imaginaires.

Les médias en parlent

« Il existe une revue littéraire et artistique haïtienne de la qualité de la revue XXI et qui n’est pas réservée aux purs poètes mais s’adresse à tous ceux qui sont sensibles au dialogue des imaginaires, dans l’esprit d’Edouard Glissant. »

« …les textes s’entremêlent comme autant de cartographies intimes et, de leur rencontre avec les images, surgissent d’inattendues gerbes de sens : une mise en mouvement parallèle de l’écoute et du regard, un appel à n’en pas finir avec les mots, les formes, les couleurs… » extrait de l’article « Archipel du sensible » de Anne Guérin-Castell sur le site de Médiapart. La revue IntranQu’îllités est le coup de cœur d’Anne Bocandé, rédactrice en chef d’Afriscope, le 3/6/2013

Dans la petite liste de nourritures spirituelles à consommer, sans date limite, de Karin Cherlonheix de Ouest-France, lors du Festival Etonnants Voyageurs : « L’Haïtien James Noël avait lancé ici l’an passé une revue mêlant les arts. Il revient avec le n° 2 d’Intranqu’îlités. Textes créés spécialement par Dany Laferrière, Yahia Belaskri, Arthur H, Lieve Joris, des poèmes, des tableaux, des dessins, des photos. Ces 240 pages inclassables sont un objet rare.»

Juste un an après le premier, voici le deuxième numéro de la revue littéraire et artistique IntranQu’îllités. Elle vient d’une Haïti qui, toutes voiles dehors, s’échappe vers des rives inédites. Elle se veut d’abord une poétique et un art de vivre . Cette revue annuelle s’inscrit à contre-courant de l’actualité et l’immédiateté. Les fondateurs de la revue, James Noël (écrivain) et Pascale Monnin (artiste) ont eu a cœur de proposer une forme de boîte noire de l’imaginaire, afin de capter des vibrations dans les zones de hautes turbulences de la création. La revue privilégie le mariage de différentes expressions artistiques, sans aucune frontière de genres. Ce beau rêve est rendu tangible par une vision poétique du monde, livrée au fil des pages intranquilles de la revue qui est par-ailleurs, un espace convivial où se côtoient plusieurs générations de créateurs de tous horizons et de disciplines confondus.

Par Revue IntranQu’îllités 


Quel cirque que ce pays d’Haïti !

Par Thélyson Orélien

Mais comment parler de Justice, quand les juges ont peur de rendre justice? Quand des potentats de la Police nationale sont de mèche avec des bandits?

Comment oserait-on parler de Progrès quand on traîne le population dans la boue, dans le black-out total ? Comment parler de Développement quand la faim tenaille les intestins de la majorité de la population? À entendre les dirigeants haïtiens, on risque d’avoir l’impression que tout est réglé en Haïti.

Quelques bien-pensants vont juger que ce n’est pas nécessaire que j’en parle ici, sur Internet, surtout, qu’il ne faut pas mettre des entraves au beau projet de relance de l’industrie touristique du pays. Peut-être que c’est très réservé et prudent de boucher ses narines pour mieux avaler l’eau qui pue, mais il est aussi nécessaire de parler des vrais problèmes de ce pays, pour une fois au moins, sans peur ni crainte.

La Justice, le Progrès et le Développement sont de vains mots. Ils sont sans cesse avalés par la politique, l’insécurité, la pauvreté et l’insalubrité en Haïti. Selon l’Agence France Presse, plusieurs milliers de personnes ont encore manifesté, jeudi dix-sept octobre, dans les rues de la capitale, Port-au-Prince, et de la deuxième ville du pays, Cap-Haïtien, contre la faim, le chômage, et pour réclamer la démission du régime en place. Ces voix meurtries et sans voie, seront-elles écoutées, enfin?

Bientôt quatre ans après le tremblement de terre sans nom, on en rêve toutefois. Quatre ans après, Haïti est toujours à genoux, enfoncée jusqu’au cou, dans les sables mouvants de la misère et de l’insécurité. 1103 jours après le premier cas de l’épidémie importée des Casques bleus de la Mission onusienne en Haïti, quelle justice pour ces nouveaux pauvres? Il n’y a que celle des puissants.

Haïti est à genoux, et le gouvernement ne cesse pas de nous mentir sur tous les chiffres. Fêtant en grandes pompes, sur toutes les places publiques, les deux années de son accession au pouvoir. Pendant ce temps, se dresse à l’horizon, un bilan décevant, le taux d’emploi est passé de 5,6% en 2011 à 2,8% en 2013, et le président de la République, sans vergogne, a affirmé que 400 000 nouveaux emplois ont été créés. Mais où? La ministre des Finances, refusant de corroborer cette version mensongère a été mise à la porte.

La mauvaise gestion du projet Pétro Caribe bat de l’aile, et tous les projets éducatifs se réduisent à l’envoi de 6 000 000 d’enfants à l’école fondamentale d’ici 2016, pour une population totale de 10 413 211 habitants sur 27 750 kilomètres carrés. Le gouvernement revendique avoir déjà envoyé 1 288 956 enfants à l’école, on l’espère bien, mais l’enseignement universitaire est nettement négligé. Les chiffres parlent et ne mentent pas. Vive la statistique !

Le bilan du gouvernement Martelly-Lamothe ne répond pas aux aspirations du peuple haïtien, malgré carnaval sur carnaval et mariage princier pour séduire les yeux les plus naïfs. La manif de la semaine dernière le prouve.

Aujourd’hui, on nous parle d’élections. Des élections qu’on ne pourra pas contester, tant elles seront vraisemblables, tant elles auront l’air d’être potables. Des élections à venir, comme si ce sont elles qui doivent nous conduire au port de la Justice, du Progrès et du Développement. Je vous le jure mes amis-es, que ce jour-là, il y aura quelques 45 partis politiques engagés dans la course. 45 partis, de ceux qui s’y connaissent bien dans l’art d’entraver le fonctionnement du pays, de la Justice, du Progrès et du Développement.

Après les résultats, faudra-t-il bien se poser la question: la Justice, le Progrès et le Développement, avec quels acteurs? En Haïti, ils sont des centaines d’hommes et de femmes cravatés et costumés, malgré la canicule, à faire le guet devant un Bureau électoral pour s’inscrire et espérer devenir les acteurs du changement. Du vrai cirque, quoi ! Et c’est par ce moyen même qu’on a eu aujourd’hui, l’homme qui ne sait que chanter aux timons des affaires de l’État. Mais, pourquoi j’en parle?

Il n’y a qu’une chose qui soit sûre dans ce pays, c’est que les fonds publics seront tôt ou tard, expatriés un peu partout à travers le monde pendant au moins dix ans. Dix ans : un-zéro. Dix ans. Dix, ça porte malheur. Quelqu’un a osé en politique dire dix ans, il est parti la même année. Dix : un-zéro. Dix ans : deux mandats présidentiels. Les mandats, voici ce qui tient encore en vie notre pays, Haïti.

PS : Après ce que je viens de dire, ne croyez-vous pas, mes amis-es, que je mérite une prime d’assurances? 😉

Thélyson Orélien
parchipel@yahoo.ca

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PHOTO SWOAN PARKER, ARCHIVES REUTERS | Des manifestants anti-Martelly dans les rues de la 2e ville du pays, Cap-Haïtien.


Derrière le prix Nobel de la paix de l’OIAC

Par Thélyson Orélien

En décernant le Prix Nobel de la paix à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), le Comité Nobel norvégien a donné un autre coup de pouce dans l’objectif de débarrasser le monde des armes de destruction massive. 

En 2005, le Prix a été décerné à l’Agence internationale de l’énergie atomique. C’est tentant pour une organisation mondiale de rafler le Nobel, mais après tout, ce qui attend l’OIAC, organisme fondé en 1997 en tant que dépositaire de la Convention des armes chimiques, est un travail difficile: celui de surveiller la destruction des munitions chimiques de la Syrie. En vertu des termes du Traité de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC), 189 pays se sont donné pour objectif de détruire les armes chimiques dont ils disposent, au sein d’un calendrier précis.

Contrairement au Traité de non-prolifération des armes nucléaires, qui donne un statut spécial aux États-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne, le CIAC est non discriminatoire. Malheureusement, le Comité Nobel a fait une triste observation lors de l’annonce du prix, dans un communiqué rendu public: « certains États ne sont toujours pas membres de l’OIAC. Certains autres n’ont pas respecté la date limite, fixée à avril 2012, pour détruire leurs armes chimiques. Cela s’applique en particulier aux États-Unis et à la Russie. »

Le désarmement est particulièrement mis en avant dans le testament d’Alfred Nobel. Les États-Unis, ainsi que la Russie n’ont pas encore détruit l’ensemble de leur arsenal d’armes chimiques. D’une part, l’ironie de tenter d’arracher un accord pour éliminer les stocks d’armes chimiques du président syrien exterminant son propre peuple, tout en étant en retard sur leurs engagements, semble échapper aux deux pays. Mais d’autre part, certains pays ont rempli pleinement leurs obligations découlant du traité, en éliminant complètement leurs arsenaux chimiques.

En plus de vivre leurs engagements en matière de désarmement, les grandes puissances doivent également s’assurer qu’il n’y a pas d’interférences avec le fonctionnement de l’OIAC. L’organisation s’appuie à la fois sur l’expertise technique et diplomatique pour atteindre ses objectifs.

Pourtant, elle a été entravée par des politiques partisanes du passé: dans la période qui a précédé l’invasion américaine de l’Irak, le diplomate José Mauricio Bustani, premier directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), a été mis à la porte lors d’une session spéciale en 2002.

C’est un secret de polichinelle que le diplomate brésilien a été congédié par l’OIAC sous la pression de l’administration américaine de George W. Bush, qui a vu en Bustani un obstacle majeur dans ses plans pour attaquer l’Irak.

Après avoir quitté l’organisation mondiale, Bustani est tranquillement retourné au service diplomatique brésilien. Étant donné que l’OIAC a reçu le Prix Nobel de la Paix vendredi dernier, le monde devrait au moins se rappeler du premier chef de l’Organisation qui aurait pu empêcher l’invasion de l’Irak en 2003.

Le rôle de l’OIAC en Syrie – compte tenu du temps limité dont elle dispose pour sa mission – va maintenant être mis en relief. Les enjeux sont élevés et l’Organisation doit avoir l’autonomie pour bien mener son travail, sans contrainte ni ingérence extérieure.

L’élimination rapide et efficace des armes chimiques de la Syrie permettrait de renforcer la confiance du monde dans le multilatéralisme et justifier le choix du Comité Nobel pour ce qui est sans doute le Prix le plus prestigieux de la planète.

Monde - Nobel de la paix à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques - 5
Infographie sur l’OIAC, qui vient de recevoir le Prix Nobel de la paix | PHOTO-AFP

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PHOTO: Reuters/Reuters – Le directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) Ahmet Üzümcü, à la Haye. Le prix Nobel de la paix 2013 a été attribué vendredi à cette organisation qui supervise la destruction de l’arsenal chimique syrien. /Photo prise le 11 octobre 2013/REUTERS/Michel Kooren 


Francis Scott Fitzgerald, le magnifique !

Par Thélyson Orélien

La quatrième adaptation cinématographique de Gatsby le Magnifique (The Great Gatsby)a mis en évidence l’importance du livre éponyme écrit par Francis Scott Fitzgerald. 

Considéré comme l’un des plus grands écrivains américains du XXe siècle, ce travail de Fitzgerald, en date du 10 Avril 1925, lui qui appartenait à ladite Génération perdue, est un véritable chef-d’œuvre.

Le roman se déroule à New York à l’été 1922, il rapporte le chaos créé par la Première Guerre mondiale et fait une critique magistrale du rêve américain que tout le monde aimerait vivre. C’est un travail visiblement paradoxal sur la condition de ceux qui idolâtent les richesses et tout le glamour qui existent dans le temps, abhorrant le matérialisme et le manque d’éthique morale.

L’histoire commence lorsque Jay Gatsby, joué dans le film par Leonardo Dicaprio, un millionnaire connu pour ses festins grandioses, se lie d’amitié avec Nick Carraway, un jeune marchand du Midwest. Le contraste entre les deux, prend le cours du roman : la superficialité du monde vécu par Gatsby, et le choc de la réalité du point de vue de Carraway, comme une description fabuleuse de la vie de la haute société de l’époque.

En peu de temps après l’avoir présenté en salle, Gatsby le Magnifique a connu un succès phénoménal dans le Box Office hollywoodien avec des retombées économiques faramineuses. Le roman redevenu populaire, avait pourtant été oublié pendant la Seconde Guerre mondiale et la crise de 1929. Le succès ne lui est venu qu’en 1945, quand il a été réédité et a atteint un grand nombre de lectrices et de lecteurs.

Je voulais ici recommander le magnifique Gatsby à tous ceux et celles qui ne l’ont pas encore lu – un beau livre de Francis Scott Fitzgerald, répertorié comme un des classiques de la littérature mondiale, au deuxième rang dans le top 100 des meilleurs romans du XXe siècle.

La nouvelle adaptation 2013, réalisée par Baz Luhrman, selon moi, a été très bien jouée par de redoutables acteurs : Leonardo DiCaprio, Tobey Maguire, Carey Mulligan, Isla Fisher, Joel Edgerton. Sur Grand écran comme dans les pages noircies du roman, le merveilleux Fitzgerald nous rappelle la nécessité de ne jamais perdre nos regards critiques sur les diverses réalités de la société auxquelles nous assistons.

Toutefois, on ne saura jamais ce que Fitzgerald aurait pu penser de la version post-moderne du réalisateur australien Baz Luhrman. Car en 1927, l’auteur lorsqu’il a découvert la première adaptation de son œuvre, a quitté la salle au milieu de la projection. Il l’a carrément détesté… Alors là, de tous ceux qui ont réalisé Gatsby, seul Fitzgerald est magnifique !

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Gatsby le Magnifique, traduction de Michel Laporte, 2013, Hachette.
Gatsby le Magnifique, film de Baz Luhrmann avec Leonardo DiCaprio 2013


Crise haïtiano-dominicaine : Qui viole la loi internationale dans le monde?

Avez-vous déjà entendu parler de la décision du président dominicain Danilo Medina appuyé de son mentor Leonel Fernadez, par le biais de la Cour constitutionnelle dominicaine, cette décision consiste à dénationaliser les dominicains nés de parents haïtiens après 1929. Ces dominicains deviendront automatiquement des apatrides.

Mais la question à se poser face dans cette proposition inédite des autorités dominicaines : Que dirait le président dominicain Danilo Medina, si par exemple le président Obama décide de faire pareil, ce qui veut dire, s’il décide un beau jour de retirer la nationalité américaine aux Américains nés de parents dominicains ?

Cette décision dominicaine est absurde, parce que, c’est contraire aux principes des lois internationales, ratifiées par les pays membres de l’ONU. Et quel est le mot approprié pour expliquer cette affaire : Haine? Xénophobie? Racisme? Violation des droits de l’homme? Rejet de ses propres citoyens? Par rapport à quoi? À l’origine identitaire? À la couleur de peau? etc… Appelez ça comme vous voulez, de toute façon, elle a un nom… Et ça pue de plein nez le Trujillolisme des années 30.

Pendant ce temps le président de l’Association des Dominicains vivant en Haïti (Asociación de Dominicanos Residentes en Haiti), Miguel Martinez Molina estime que ses compatriotes bénéficient d’une grande hospitalité en Haïti. Il exhorte les dirigeants de son pays à respecter les droits des Dominicains d’ascendance Haïtienne et des ressortissants Haïtiens. Et quelle est la diplomatie haïtienne appropriée par rapport à de telle hostilité dominicaine? Et que dire ou que faire de ces quelques ressortissants Dominicains sur la Grande Rue de Port-au-Prince, de Pétionville, et cetera?

La république dominicaine devrait être considéré en tant qu’«État voyou» par les Nations Unies et les pays membres, ce qui renvoie à l’idée d’un État qui ne respecte pas les lois internationales les plus essentielles. La participation du président dominicain, à l’ouverture de la XII Conférence Régionale sur les Femmes d’Amérique latine et des Caraïbes à Santo-Domingo, a été interrompue hier par un groupe d’environ 40 délégués étrangers, ils ont scandé des slogans et crié tous «Todos somos Haiti, Nous sommes tous Haiti» pour protester contre la décision de la Cour constitutionnelle dominicaine.

Le 1er octobre dernier, le Haut Comissariat des droits de l’homme a condamné la décision Dominicaine d’arbitraire : « Nous exhortons le gouvernement dominicain à prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les citoyens dominicains d’origine haïtienne ne soient pas dépouillés de leur citoyenneté, conformément aux obligations internationales relatives aux droits de l’homme », a déclaré Mme Shamdasani, porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).


Petites anecdotes croustillantes de la ville des Gonaïves !

Voilà, je vous propose quatre petites anecdotes croustillantes et vivantes sur Gonaïves, la ville où je suis né. Et bientôt je vous en raconterai d’autres sur Paris, Pointe-à-Pitre, Marigot, Santiago, Genève, Val d’Aoste, Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Jacmel, Rimouski,  Montréal et d’autres villes du monde que j’ai eu la chance de visiter, quelques-unes qui m’habitent et que j’habite.

Le Racing Football Club des Gonaïves 

Un homme très populaire de la ville des Gonaïves, je ne citerai pas de nom, assistait à un match de Football (soccer) opposant le Racing Football Club des Gonaïves à l’Association Sportive Capoise – l’ASC du Cap-Haïtien. Le reporter de Radio Indépendance disait que l’équipe des Gonaïves avait gagné le match de justesse. Le monsieur très populaire était assis près du reporter. Comme il aimait beaucoup la langue française, il a voulu expliquer à un ami qui n’était pas présent au Parc Vincent. « P… mon ami, l’équipe des Gonaïves a gagné le match de tristesse. »

Les baptêmes de poupées

Il était de coutume aux Gonaïves d’organiser  des baptêmes de poupées dans les familles pour faciliter la rencontre entre les jeunes des deux sexes. La poupée était prétexte de la rencontre. Il fallait un parrain et une marraine pour le bébé. De la musique, des mets variés, de l’élégance, et la galanterie faisaient partie du menu. Le parrain devait prononcer un discours éloquent et présenter un cadeau à la marraine. Parfois cette amitié occasionnelle entre parrain et marraine débouchait sur des aventures amoureuses sérieuses qui duraient de longues années et par la suite conduisaient parfois même à des engagements officiels et religieux durables. Pour preuve, bon nombre de la génération d’aujourd’hui, originaire de la ville des Gonaïves, si l’on fouille dans les annales collectives a pris naissance à partir de ces baptêmes de poupées d’autrefois.

Zacharie Delva

Dans les années 69, 70, comme racontent nos parents, il y était de coutume officielle que des délégations d’élèves, de miliciens connus sous le nom de Tontons Macoutes, des soldats et des notables de la ville se rendent à Descahos (entrée Ouest) pour venir rencontrer le leader populaire Zacharie Delva à chaque fois qu’il rentrait dans la ville. Personne n’avait le droit de dire non à cette tribulation qui durait d’habitude trois à quatre heures. Parfois, il ne venait même pas. Et personne ne pouvait abandonner son poste. Il fallait attendre la toute dernière minute pour que les responsables de chaque délégation acceptent de lever timidement l’ancre. Quand le parrain venait c’était la réjouissance pour les élèves des délégations, ces innocents, qui lui demandaient des jours de congé. Ils pouvaient obtenir un, deux à trois jours de congé suivant l’applaudissement qu’on lui avait réservé: « Congé, Congé demain et après demain, parrain! » hurlaient les enfants. Un simple geste de lui, et tout est réglé à Descahos, en pleine rue. Les directeurs d’écoles eux ne pouvaient rien dire. Ils devraient obéir, sinon… Mais à sa mort, Zacharie Delva n’aura pas la chance d’avoir des funérailles officielles.

Ti-Ciga

Ti-Ciga, l’un des grands entrepreneurs de la ville, riche, généreux, mais non instruit, versa un don en chèque à une association sportive étudiante pour les encourager. Ti-Ciga avait écrit le nom de l’association en chiffre. L’étudiante prenant le chèque a remarqué l’erreur et lui demande de corriger le nom. Ti-Ciga a pris sa plume et a mis un accent aigu sur le chiffre 2. Il avait offert un chèque de deux mille gourdes aux élèves du Collège comme donation. Quand un responsable de l’établissement lui a posé la question pourquoi, il avait donné une telle somme aux étudiants. Ti-Ciga a répondu: « je suis un ancien élève du Collège. »

À suivre… 😉


Les îles des Caraïbes culturellement et linguistiquement fragmentées

Les îles des Caraïbes, par définition, espace très prisé des voyageurs en quête de soleil et de plages de sables fins ont longtemps été considérées comme une région politiquement, culturellement et linguistiquement fragmentée, ayant un fond unique mais varié.

Les îles des Caraïbes, par définition, espace très prisé des voyageurs en quête de soleil et de plages de sable fin, ont longtemps été considérées comme une région politiquement, culturellement et linguistiquement fragmentée, ce qui lui donne un fond unique, mais varié. En raison de la longue colonisation des nations des Caraïbes, il y a un débat permanent sur les pays qui composent l’espace caribéen. Certains intellectuels insulaires plaident pour l’inclusion d’un nombre de pays latino-américains dans les Caraïbes sur la base de la similitude apparente des cultures de ces pays, y compris ceux qui étaient auparavant sous la domination néerlandaise. Sont les piliers de la culture littéraire des Caraïbes : Haïti (Jacques Stéphen Alexis, Jacques Roumain, Jean Price Mars, René Depeste, Dany Laférrière), Cuba (Nicolas Guillén), Porto-Rico (Luis Matos Paléso), Guyane française (Léon Gontrand Damas), Martinique (Aimé Césaire, Édouard Glissant), Jamaïque (Louise Bennett), Trinité (CLR James), Sainte-Lucie (Derek Walcott), Guyane (Wilson Harris) et caetera.

Colonisés d’abord par l’Espagne, l’Angleterre, la France et la Hollande dans les XVe et XVIe siècles, toutes les influences associées à la culture de l’esclavage et de la tyrannie politique ont continué même après l’indépendance dans la plupart de ces pays, donnant lieu à une littérature profondément préoccupée par les questions de l’identité culturelle et ethnique; la politique, la construction ou la reconstruction des nations. La nécessité de former une identité culturelle, régionale, distincte de leurs ancêtres colonisés a conduit de nombreux intellectuels antillais à développer l’idée des Nations Unies des Caraïbes. Bien que cette notion ne soit pas encore devenue une réalité politique, mais il y a un point commun du point de vue culturel à travers les îles de la Caraïbe qui relie ces sociétés de façon très fondamentale. Une partie intégrante de cette assimilation culturelle a commencé sur les plantations esclavagistes, où une culture commune de création et d’expression se faisait sentir, culture qui continue à prospérer même aujourd’hui. Commençant dans un premier temps par des Amérindiens de la tribu des Arawaks et des Caraïbes (gravures, pétroglyphes, créations vodouesques, areytos, hymnes religieux et/ou spirituels). Les expressions créatives des immigrants africains ont survécu à l’ère de l’esclavage, jusqu’au XXe siècle, où on les a toutes retrouvées dans certaines oeuvres d’écrivains tels que Jean Price Mars, Jacques Roumain, Edward Kamau Brathwaite et Lamming George.

En plus des personnes d’ascendance africaine, les îles des Caraïbes sont également une maison aux auteurs espagnols et néerlandophones, dont de nombreux écrits reflètent largement les préoccupations relatives à l’identité régionale et culturelle, à la fois dans la prose et la poésie. Un axe principal dans l’écriture de langue espagnole qui a pour nécessité l’articulation des prises de conscience face à l’existence continuelle des inégalités sociétales, les auteurs de langue espagnole des Caraïbes utilisent le plus souvent des stéréotypes coloniaux dans leurs écrits pour mettre en évidence toute prise de position. L’agitation politique et les conflits qui continuent d’affliger de nombreuses îles des Caraïbes ont également forcé un grand nombre de ces auteurs à quitter leur pays natal pour les États-Unis, le Canada, l’Europe et d’autres parties du monde.

Au début, la littérature des Caraïbes était clairement une littérature de l’exil, puisque la plupart des auteurs qui écrivaient à ce moment-là avaient fui leur pays d’origine pour échapper à des sténoses politiques qui leur étaient imposées par leurs nations dominantes ; on peut citer des écrivains, tels qu’Émile Ollivier, René Depestre, Reinaldo Arenas, Dany Laferriere, Carlos Guillermo Wilson, Gérard Étienne, Alejo Carpentier, Gérard Bloncourt, et tant d’autres. Bien qu’ils aient continué à écrire sur leur pays d’origine, ils ont également incorporé leur vie dans leur pays d’adoption par le biais de leurs oeuvres. Bien que modernes, les écrits expatriés en provenance des Caraïbes continuent d’être préoccupés par l’état du pays d’origine, le discours s’est élargi pour inclure d’autres préoccupations au sujet de leurs expériences en terres étrangères. Beaucoup de ces écrivains utilisent aussi la langue d’adoption pour s’exprimer.

La littérature contemporaine des Caraïbes n’a pas une tradition indigène. La civilisation précolombienne (Indiens d’Amérique) a laissé peu de gravures rupestres ou des inscriptions (pétroglyphes), et leurs traditions orales n’ont pas survécu à la colonisation du 16e siècle espagnol. On retrouve aussi une carence de tradition écrite chez les Africains de l’Ouest qui les ont remplacés. La littérature des Caraïbes depuis plusieurs siècles fut une émanation et l’imitation des modèles des puissances coloniales: Espagne, France, Grande-Bretagne, et Pays-Bas. Donc, les écrivains de la Caraïbe n’étaient pas conscients de leur propre environnement, jusque dans les années 1920, cependant que le défi d’une forme distinctive littéraire ait été accepté. Puis, dans le cadre de modernisme hispano-américain, espagnol et français, les écrivains des Caraïbes ont commencé à rompre avec des idéaux européens et à s’identifier à leur réalité. Les dirigeants de ce mouvement, principalement des poètes, étaient: Luis Matos Palés (Porto Rico), Jacques Roumain (Haïti), Nicolás Guillén (Cuba), Léon Damas (Guyane française), et Aimé Césaire (Martinique). Jean Price-Mars, un ethnologue haïtien (Ainsi parlait l’oncle, 1928), a déclaré que son but était, de restituer à son peuple la dignité de son folklore dans un discours finement exprimé. Aimé Césaire dans Cahier d’un retour au pays natal (1939), construit dans des formes poétiques des éléments rythmiques et tonals de l’archipel Caraïbes, les rituels et les formes linguistiques, en utilisant les techniques surréalistes et symbolistes.

Dans les îles britanniques, le développement de la littérature nationale après 1945, a apporté sa propre contribution dans le roman dialecte populaire: Vic Reid, New Day(1949), Samuel Selvon, A brighter Sun (Un Soleil plus brillant, 1952) et The Lonely Londoners (Les Londoniens solitaires, 1956), George Lamming, In the Castle of My Skin (Dans le château de ma peau, 1953), et de VS Naipaul, The Mystic Masseur (1957) et A House for Mr. Biswas (Une Maison pour Monsieur Biswas, 1961), entre autres, et dans la poésie de Louise Bennett (Labrish, 1966).

Paradoxalement, le développement de la Caraïbe anglophone a été officiellement conservateur, mais en un travail «ouvert» plutôt que d’expression autochtone, ou indigène, dans le travail de CLR James (Trinité) et la poésie de Derek Walcott (Sainte-Lucie). Dans les romans de Wilson Harris (Guyana), le symbolisme et les techniques surréalistes de la modernité réapparaissent, et la poésie de Edward Brathwaite Rights of Passage (Droits de passage, 1967), Masks (Masques, 1968), Islands (Les Îles, 1969) tente de réaffirmer la place de l’Afrique dans les Caraïbes.

Quelques grandes voix de la littérature caraïbéenne:

Aimé Césaire, Earl Lovelace, George Lamming, Malcolm de Chazal, Léon-Gontran Damas, René Despestre, Édouard Glissant, Jacques Aléxis, Jacques Stéphen Alexis, Gilbert Gratiant, Marie Vieux Chauvet, Édouard Maunick, Dany Laférierre, VS Naipaul, Anthony Phelps, Ernest Pépin, Daniel Maximin, Jacques Roumain, Maryse Condé, Mervyn Eustace Morris, Colville Norbert Young, Émile Ollivier, René Vázquez Díaz, Gérard Étienne, Frantz Omar Fanon, Frankétienne, Severo Sarduy, Saint-John Perse, Lyonel Trouillot, Virgilio Piñera Llera, Jean Price Mars, Raphaël Confiant, Louis-Philippe Dalembert, Joseph Zobel, Guy Tirolien, Georges Castara, Gaspar Octavio Hernández, Patrick Chamoiseau, Berthène Juminer, Rodney Saint Éloi, Gisèle Pineau, André Schwartz-Bar, Simone Schwartz-Bart, Edris Saint-Amand, Ernest Pépin, Luis Rafael Sánchez, Derek Alton Walcott, Vic Reid et caetera.

Thélyson Orélien

Article paru également dans le journal Le Matin


Intermède : Paradis sur mesure de Bernard Werber «La vérité est dans le doigt»

Tous les jours surgit une idée nouvelle dans ma tête

Ainsi commence Paradis sur mesure, la première phrase que j’ai lu de ce livre que m’avait recommandé une très bonne amie, qui me parlait des variantes de plus en plus modernisées des proverbes.

Dix-sept histoires de Bernard Werber – auteur commercial et un peu controversé – regroupées en recueil de nouvelles sous forme de contes, légendes ou de fables (fantastiques pour frémir, rêver ou sourire), un livre qui plairait bien au plus utopiste des rêveurs (Imaginez un monde où il est interdit de se souvenir du passé).

Ainsi, l’auteur affirme, sans aucune gène que la construction du Grand Collisionneur de Hadrons (LHC)* du Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire (CERN) permet d’envoyer des particules à une vitesse supérieure à celle de la lumière ce qui amène une contradiction avec les connaissances actuelles sur l’Univers, datant des écrits théoriques d’Albert Einstein concernant les postulats de la théorie de la relativité restreinte.

C’est à la page 47 que j’arrive pour vrai à rentrer dans la recommandation de mon amie : Il me fallait seulement lire cette page, me suis-je dis, pour comprendre cette langue de bois. Cette nouvelle titrée «La vérité est dans le doigt», n’en est pas vraiment une nouvelle, c’est un court intermède.Il s’agit tout simplement d’un proverbe chinois avec quatre de ses variantes à travers l’histoire qui lui font office de suite.

J’ai même pensé qu’il s’agissait d’une discussion utile à faire à propos des variantes de ce proverbe chinois, ici dans la nouvelle section «Lu pour vous» de mon nouveau blog, comme pour Le Bien et le Mal ne sont même pas vraiment connaissables. Pas un débat actif, mais pour la considération générale des lecteurs.

Intermède : «Lorsque le Sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt (Proverbe chinois)»**

  1. Lorsque le Sage explique son doigt n’a aucune importance et que c’est la lune qui est intéressante, l’imbécile écoute le Sage et trouve qu’il parle vraiment bien. (Variante moderne de ce proverbe.)
  2. Lorsque le Sage exige de l’imbécile qu’il regarde cette «bon sang de lune», l’imbécile a peur mais ne lève pas la tête. (Variante très moderne de ce proverbe.)
  3. Lorsque le Sage finalement renonce à parler de la lune, et lance la conversation sur son doigt qui après tout semble intéresser l’imbécile, ce dernier se dit que le Sage est un homme qui sait se faire comprendre et parler de tous les sujets, même les plus incongrus. Comme les doigts. (Variante encore plus moderne dudit proverbe.)
  4. Lorsque le Sage est mort, l’imbécile se demande : «Mais au fait, de quoi voulait bien nous parler le Sage quand il dressait le doigt si haut au-dessus de sa tête ?» (Variante définitive dudit proverbe.)

À vous de me dire les non-dits des variantes dudit proverbe…

Dans Paradis sur mesure, Werber a pris le soin de citer quelques-uns de ses maîtres comme Edgar Poe, Jules Vernes, Stefan Zweig, H.P. Lovecraft, Dino Buzzati, puis A.E Van Vogt, Frederic Brown, Isaac Asimov, Stephen King, et surtout Philip K Dick, à qui il doit beaucoup de nuits blanches aux récits finement ciselés.

Je dois terminer la lecture de ces 400 pages parues chez Albert Michel, que j’ai à peine commencé, et selon ce que j’ai déjà lu, et sans intention de jouer à la critique, je trouve que l’auteur est quand même bon. Je ne suis pas un critique littéraire, mais un très bon lecteur que j’assume, sans aucune prétention.-

Thélyson Orélien

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Notes : 

* Le Grand Collisionneur de Hadrons (LHC) est un gigantesque instrument scientifique situé près de Genève, à cheval sur la frontière franco-suisse, à environ 100 mètres sous terre. C’est un accélérateur de particules, avec lequel les physiciens étudient les plus petites particules connues

** Intermède in Paradis sur mesure de Bernard Werber, Éditions Albin Michel, 2008


Barack Obama aurait pu être Trayvon Martin il y a trois décennies

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Trayvon Martin, un adolescent Afro-Américain de dix-sept ans, a été tué sous les balles d’un gardien privé, en rentrant chez son père lors d’une soirée pluvieuse, le 26 février 2012 à Sanford, en Floride. Un an plus tard, un jury composé de six femmes blanches déclare le tueur non coupable.

Le jury a accepté la thèse de légitime défense du tueur. Quoique l’adolescent était non armé, Zimmerman l’a poursuivi en qualité de suspect pour lui tirer dessus à mort au moment où il réagi pour avoir été suivi sans répit de plusieurs blocs.

Loin d’être un autre cas de violence urbaine, l’affaire Martin a galvanisé l’opinion publique des États-Unis et l’a ramené à un problème qui persiste encore dans la culture américaine: le racisme. Pas de bavardage sur le sujet, depuis sa première campagne en 2008, le président Obama a qualifié l’événement de tragique, en disant: « Si j’avais un fils, il ressemblerait à Trayvon ».

Dans son discours énergique Barack Obama a également ajouté que c’est humiliant d’être un suspect dans un magasin en raison de la couleur de sa peau – chose certainement vécue – puisqu’il a été lui-même, il y a quelques années, une victime de suspicion.

Le jour où George Zimmerman, le gardien qui a tué Trayvon Martin a été acquitté, la méga-star Beyoncé a demandé une minute de silence à la mémoire de Trayvon Martin, avant de commencer son spectacle.

Depuis lors, les protestations se multiplient et s’intensifient aux États-Unis. Au moment où je fais la brève analyse de cette affaire, des milliers de gens ne cessent de commenter leur ras-le-bol sur Internet pendant que d’autres sont en train de contester l’impunité chez l’oncle Sam. Des artistes américains escortés de personnes de différentes communautés se mobilisent pour Trayvon.

Les craintes de la communauté Afro-Américaine, à juste titre, ne sont guère dissipées. Et nombreux sont ceux qui croient que la thèse de la légitime défense, peut, comme dans le procès manipulé de Martin,  favoriser l’exécution d’autres Noirs à travers le pays.

Au lendemain du procès de Zimmerman, le président Barack Obama a publié une déclaration sur le verdict du procès stipulant que le meurtre de Trayvon Martin était en effet une tragédie, que les Américains devraient respecter le résultat du procès, mais aussi comprendre que de nombreux Afro-Américains sont encore victimes de discrimination raciale.

Bien que le fédéralisme américain assure le verdict de la Floride, le gouvernement fédéral, par le biais de la police fédérale américaine – le FBI peut aussi enquêter, en invoquant le cordon d’alimentation familier dépeint dans les films. Lorsque l’État local a failli à sa mission d’assurer le niveau de garanties des droits de la personne qui, dans le langage technique est appelé Principe des droits de l’homme non régressifs, l’Etat central doit intervenir.

Le discours du président, sur le sujet le plus évité, montre la violence quotidienne des grandes villes, vis-à-vis des minorités ethniques et des immigrants. Et en affirmant: « J’aurais pu être Trayvon Martin, il y a 35 ans. », le Président des États-Unis a également laissé entendre: qu’il y a trois décennies de cela, qu’il avait été lui-même poursuivi par agents de sécurité et il a vu des femmes garder leur porte-monnaie très serrés et retenir leur souffle quand il marchait à leurs côtés.

On ne saura jamais rien oublier pour avoir été soi-même victime de toutes sortes de profilages et du délit de faciès. Rien ne peut s’échapper de sa mémoire même après des décennies ou même en étant devenu président de la nation la plus puissante au monde, quand il s’agit du racisme qui rend l’existence humaine plus laide que ce qu’elle est.

Thélyson Orélien


Jusqu’à ce que la vie nous sépare

Et si on parlait de l’amour…

Si la nouvelle génération à laquelle nous appartenons se lance avec enthousiasme dans des expériences nouvelles, l’ancienne elle semble s’accrocher de plus en plus aux formes du passé. On peut avancer à coup sûr que la majorité des gens refusera de jeter par-dessus bord la notion conventionnelle de l’amour, ou la structure familiale traditionnelle. Des gens continueront sans aucun doute à chercher le bonheur au sein des shèmes orthodoxes. Et pourtant eux aussi finiront par être acculés à des innovations, car les chances de succès de la voie habituelle seront infirmes.

La norme que la nouvelle génération réfute en partie, veut que deux jeunes gens se rencontrent et se marient, elle veut aussi qu’ils soient de sexes différents, et cela implique que chacun satisfait certains besoins psychologiques de l’autre et que leurs deux personnalités évoluent plus ou moins parallèlement au fil des ans, si bien qu’ils puissent continuer à se servir mutuellement de soutien. Cela suppose en outre que le processus ne s’interrompe que lorsque la mort les séparera. Peu importe la situation, on s’en fout ; parce que, c’est ce que demande la maudite norme autoritaire et rétrograde.

Ces idées sont ancrées profondément dans notre culture, à tel point qu’il n’est plus convenable, à la différence de ce qui se passait jadis, de se marier pour tout autre motif que l’amour. Celui-ci, qui était autrefois un souci marginal pour la famille, en est devenu la raison d’être. En fait, la poursuite de l’amour dans la vie familiale a été érigée par beaucoup de gens en idéal de vie.

L’amour, toutefois, s’il existe bien-entendu, se définit par rapport à cette notion d’évolution parallèle. On voit en lui un tissu merveilleux de besoins complémentaires, d’échanges réciproques, qui fait s’épanouir les amoureux et les remplit d’une douce sensation de tendresse, d’intimité et de dévouement.

Des partenaires d’un couple réussi, on dit qu’ils vont la main dans la main. Cette théorie de l’amour comme évolution parallèle est cautionnée par des conseillers conjugaux. Des spécialistes de l’amour ? Certains eurent à déclarer que la qualité du rapport entre deux conjoins correspond à la profondeur de leur accord au cours des différents stades de leur évolution personnelle. Deux cons-joints ?

Pourquoi l’amour doit-il réussir à tout prix ? Ne suffit-il pas qu’il soit juste vécu ? Néanmoins, si l’amour naît bien de cette progression en commun et s’il nous faut évaluer la réussite à la ressemblance des trajectoires des deux partenaires, on peut prédire avec certitude une sombre destinée au couple amoureux.

On peut démontrer que, même dans une société plus ou moins stagnante, les chances mathématiques de réalisation de cet idéal sont des plus restreintes. Toutefois elles dégringolent radicalement quand le rythme de transformation de la société s’accélère, comme c’est actuellement le cas. Dans un monde fluctuant, où la position sociale et économique connaît sans cesse des hauts et des bas, où les ménages sont ballottés sans répit de maison en maison et de communauté en communauté, où les gens affirment plus ou moins ouvertement leur orientation sexuelle, où les individus s’éloignent de plus en plus de leurs parents, de leur religion d’origine et des valeurs traditionnelles, ce serait presque un miracle que deux personnes réussissent à évoluer à une vitesse plus ou moins comparable.

Si en même temps l’espérance de vie moyenne passe de 48 à 79 ans dans certains pays techniquement développés, soit une hausse de 65%, et que par conséquent s’allonge autant le laps de temps pendant lequel est censée se perpétuer la prouesse acrobatique représentée par une évolution parallèle, les probabilités d’échec font un bond astronomique. Avec une retenue mi-figue mi-raisin, j’ose dire: vouloir que dans les conditions actuelles que l’amour, le mariage ou une simple liaison ami-amant dure indéfiniment, c’est beaucoup demander.

Derrière les taux de divorce et de séparation extrêmement élevés qui caractérisent les sociétés technologiquement avancées, c’est cette mutation des chances statistiques de l’amour que l’on retrouve. Plus le rythme du changement est rapide et plus longue est la vie, moins ces chances sont nombreuses. L’ancienne volonté de la permanence doit forcément craquer. Attendre que l’amour dure beaucoup, qu’il dure indéfiniment, c’est demander encore bien davantage, quand l’éphémère et la nouveauté de notre époque sont ligués contre lui.