La CPI : Une justice des vainqueurs ou des vaincus ? (Partie I)
Baptisée sous le qualificatif d’une : « Cour des Etats puissants sur les Etats faibles », la Cour Pénale Internationale, peut se voir un jour désertée par les Etats-parties ; mais cette possibilité, pourrait – on le dire ne tient qu’à un fil. Cependant, et pour l’heure, il faut estimer que jusqu’alors, elle demeure la dernière cour au plan pénal qui puisse mieux gérer la question liée à l’impunité dans le monde. Par conséquent, une rétrospective s’impose, quant à l’avènement et le rôle qui caractérisent cette cour.
Créé dans le but de lutter efficacement contre l’impunité et d’assurer une garantie des droits de l’homme, la CPI est une cour pénale universelle, qui a vu le jour suite à une adoption du Statut de Rome entré en vigueur en 2002. Son existence est donc, une réponse à la prévention d’une éventuelle répression des crimes odieux touchant l’humanité telle que les confirment les deux grandes guerres mondiales survenues sous l’ère du droit inter-étatique. Ceci dit, Ayse CERHELI qualifie cette naissance de la cour de l’odyssée du 21ème siècle. Certes, il faut remonter à l’histoire pour dire qu’elle est née sous les décombres des tribunaux militaires ad’hoc de Nuremberg et de Tokyo.
Ainsi, il faut rappeler de manière minutieuse que l’avènement de ladite Cour a reçu l’acclamation de toute la Communauté Internationale et par ricochet, un soutien fort de la part des Etats africains et quelques Etats d’Amérique-Latine. Au total on compte 34 pays d’origine africaine et 26 pays d’origine latine qui ont signé le dit statut pour son entrée en vigueur. C’est dire donc que la relation CPI-Afrique fut jadis heureuse surtout avec la condamnation du congolais milicien M. Thomas Lubanga en 2009 par la CPI pour avoir enrôlé des enfants soldats lors des conflits. Ladite condamnation reçut l’approbation de tous les Etats qui ont démontré à travers ce jugement, leur réelle détermination à travailler de concert avec la Cour contre l’impunité. Dans ce sens, on qualifie donc la relation Afrique-CPI « d’une relation d’amour ». Cette dernière est saisie suivant une trilogie classique :
- par un Etat-partie,
- par les pouvoirs proprio motu du Procureur,
- et une résolution du Conseil de Sécurité des Nations-Unies.
I – La CPI : une cour africaine ?
Ce sont les affaires kenyanes (Uhuru Kenyatta pour les violences survenues dans son pays), soudanaises (Omar El-Beschir pour avoir commis des crimes odieux mais n’est toujours pas encore inquiété), ougandaises, congolaises (Jean-Pierre Bemba récemment acquitté), libyennes ( Abdallah Senoussi pour les crimes odieux commis sous le règne de Kadhafi) et ivoiriennes (Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé pour les violences post-électorales de 2010-2011 ) qui ont déclenché aujourd’hui, la révolte de la plupart des Etats de la sous-région ouest africaine avec ladite cour.
En d’autres mots, il s’est manifesté « des relations de désamour » entre les dirigeants africains et le bureau du procureur de la CPI. Pour preuve on note cette déclaration faite par M. Jean-PING en 2009 qui écrivit : « la CPI est une cour crée uniquement que pour juger les Africains ». On s’interroge donc de savoir : la CPI dispose t- elle toujours d’un avenir propice, vu le désengagement actuel des Etats africains, qui lui font face en manifestant le désir d’un retrait général du statut de la CPI ?
II – La CPI : une mise en cause des actions pénales
De cette contestation générale de la CPI par les Etats africains, il en découle qu’une interrogation reste en suspens, encore : par exemple, sur quelle base la cour se sert – elle dans la compilation des éléments lui permettant d’enclencher une quelconque procédure pénale contre une éventuelle personne qui serait entrée dans le collimateur de la CPI ?
En l’occurrence, il faut préciser que ce sont les récents mandats d’arrêt émis par le CSNU à travers la Résolution 1790 contre la Lybie, celle de 1593 contre le soudanais Omar El-Beschir, la poursuite pénale engagée contre le Président kenyan Kenyatta qui conditionnent ainsi donc, la méfiance actuelle et un désaveu présent de la cour par les dits Etats. On a actuellement 29 affaires criminelles africaines pendantes devant le bureau du Procureur de la CPI.
L’autre question que l’on se pose : pourquoi le Bureau du Procureur de la CPI tarde à ouvrir le dossier syrien où sont perpétrés des crimes graves et d’autres affaires criminelles non-africaines qui sont restés jusqu’alors non résolus ? Avec toutes ces interrogations, le débat reste ouvert.
III – Afrique-CPI : Hypothèses de solutions envisageables :
L’hypothèse selon laquelle : « quand la politique entre dans le prétoire, le droit sort par la fenêtre » doit être réexaminée. Des hypothèses de solutions doivent être envisagées, en vue de décanter la relation « sous-tension » entre les dirigeants Africains et la CPI. Il s’agit notamment, pour :
- la CPI d’inciter les Etats qui lui sont réticents à lui faire confiance même si la volonté étatique est le crédo à la prépondérance d’un Etat,
- la CPI doit œuvrer pour une meilleure crédibilité de ses actions pénales en dotant de moyens efficaces et fiables ses équipes qui sont sur le terrain de l’enquête pénale,
- la CPI doit pouvoir rationaliser ses saisines hors du continent africain : pourquoi ne pas réfléchir sur une possible mise en jeu de la responsabilité du Président SARKOZY, pour les crimes commis dans l’affaire libyenne, dont il serait visé pour inculpation ?
- réformer l’article 27 du Statut de Rome dans le sens, où il faut prendre en compte la qualité officielle du Chef d’Etat ; c’est-à-dire qu’il appartient à la Cour de veiller à ce que les Présidents visés dans une certaine commission des crimes sus-titrés à l’article 5 du Statut de Rome soient admis à la retraite avant l’engagement d’une quelconque poursuite contre eux.
Mais, une polémique demeure autour de cette demande de réforme, puisque selon la conception africaine, le Chef de l’Etat est une forteresse inexpugnable et donc ne peut être ni l’objet de poursuite pénale ou judiciaire, ni de comparution devant une quelconque juridiction, nationale ou internationale. Pour ces motifs donc, la CPI se voit en droit d’y exécuter une obligation de juger ; Voir art.6 du Tribunal de Nuremberg. Ainsi donc, il faut pouvoir faire le distinguo entre un Royaume et une République dans les systèmes politiques africains, afin d’éviter des dérives politiques.
La levée de l’immunité présidentielle ne doit se faire que quand les crimes imputés à un Président revêtent un caractère d’une gravité intense et sur intervention de preuves réelles et irréfragables pouvant toucher sa responsabilité. A contrario, le procès Kenyatta à la Haye était en soi controversé, d’une part, parce qu’il y avait une disposition faible de preuves suffisantes et concrètes pour inculper ce dernier du côté de la Cour, et d’autre part, du fait que la Cour a refusé de reporter les poursuites pénales engagées contre ce dernier, ainsi, appliquant à contrario l’art.16 du SR dénoncé par l’UA.
A très vite pour la suite !