Innocent AZILAN

Au rythme des algorithmes : une histoire du futur

Il était une fois, le journalisme appartenait à un cercle privé d’hommes cultivés. Il obéissait à une règle d’or : la loi du mort au kilomètre. En ce temps-là, la médecine était soumise à l’épreuve de l’exactitude, les bévues humaines étaient fréquentes. La météo, quant à elle, peinait à être une science précise… C’était bien avant que algorithmes n’apparaissent dans nos vies.


Le Togo en 2030, bribes de conversation en taxi

Vendredi 29 septembre 2017, 16h.

J’étais pensif à bord d’un taxi, revenant de l’intérieur du pays, en direction de Lomé. Je me suis retrouvé entre deux aides-maçons, des passagers également. La chaleur immense de 16 h faisait suer. La rue était presque déserte. Quelques jours plutôt, l’opposition politique avait lancé l’opération Togo Mort sur ce vendredi-là.

Crédit Photo: Angelina Uloma, CCO/Pixabay

Les faits me reviennent comme si c’était hier.

A une quarantaine de kilomètres de Lomé, l’opération de l’opposition semble être d’un succès imprévisible. La route nationale N 1, presque vide, a déjoué les habitudes de 7 passagers par taxi et laissait au chauffeur libre choix à sa vitesse. L’air que je humais était pur. Et je pus me fondre un instant de mes imaginations. J’avais bouché mes oreilles avec mes écouteurs, et je me servais de la bonne musique. Je m’y plaisais tout de même, quand les lamentations d’un des aides-maçons à mes côtés m’ont interpellé. Il gesticulait, sans piper mot. Il avait moult chagrins, sans pouvoir les exprimer distinctement. Clairement, il cherchait à manifester quelque déboire.

Je ne me suis pas senti concerné par une discussion entre deux jeunes maçons que je n’avais jamais rencontrés. A vrai dire, de leurs problèmes, peu m’importait, avant finalement de leur accorder mon attention.

Les deux jeunes avaient effectué le déplacement de Lomé vers l’intérieur du pays pour y faire leur gagne-pain quotidien d’aide-maçon. Avant de retourner au bercail les poches vides, le travail n’étant pas accompli. Le succès de l’opération Togo Mort en était pour bien de choses : les boutiques de ventes de ciments étaient fermées. Aucune solution, les deux compagnons (d’environ 25 ans tous les deux) n’ont eu d’autres choix que de rebrousser chemin, les panses vides.

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C’est alors que je me convaincs que les plaintes du passager étaient légitimes. Je compris ses peines. Il avait néanmoins du mal à situer la responsabilité de ce qu’il considère comme son malheur entre l’opposition qui avait appelé au Togo Mort et un gouvernement qui pouvait éviter la crise sociopolitique togolaise en opérant les réformes politiques plutôt. Tout ce qu’il regrettait, c’est un week-end qui lui sera long, par manque d’argent. Il regrettait d’avoir dépensé le peu qui lui restait pour les déplacements, et se demandait comment boucler sa semaine, lui, père d’un garçon. Il était absorbé et évasif. Anxieux et désorienté. Il racontait qu’il n’avait plus grand-chose pour nourrir sa famille. Il s’en morfondait.

Bouleversé, son ami tentait de le rassurer, tout le long du trajet. Les mots me sont restés gravés à la mémoire, et je m’en rappelle dès que je me retrouve à penser à la crise politique au Togo et parfois, à la précarité dans certaines familles.

« Fofo (frère, ndlr) on va s’en sortir. Le Togo va changer un jour. Nous allons trouver du boulot aussi et avoir droit à un salaire. Nous passerons à la banque. Et nous prendrons aussi une bière. Nous dépenserons, sans forcément calculer ce qui nous reste pour la fin d’un week-end. Nous mangerons à satiété. Ton enfant, Alain, va commencer par bien manger et bien se soigner. Ton enfant est intelligent, il fréquentera et ira loin. Aujourd’hui nous avons faim. Nous vivons à la bourse des chefs. Mais nous ne mourrons pas comme ça. Accepte de souffrir aujourd’hui pour que demain soit meilleur. »

Le chauffeur qui semblait jusque-là moins attentif à tout ce qui se racontait derrière lui, s’y mêle en partageant ses rêves perdus. Cet homme d’environ 30 ans qui dit avoir son baccalauréat il y a une dizaine d’années avait commencé son parcours universitaire, avant de tout abandonner finalement par manque de moyens. Pour lui, la résolution des problèmes liés au chômage des jeunes est fortement politique et rien d’autre. « La richesse du pays est entre les mains d’un groupuscule de personnes », ressassait-il devant nous.

Lui, il est fort peu persuadé qu’avec le statut quo, les choses puissent effectivement changer. Il est de ceux qui pensent à une alternance politique au Togo, immédiate au mieux, à l’échéance 2020 au pire. « Si les choses restent ainsi, l’émergence, votre émergence du Togo là [en tournant son regard vers nous] ne sera qu’une illusion. On pourra attendre 2030, 2060 mais rien. Le pays n’évolue pas. C’est pas comme ça d’autres sont devenus émergents », a-t-il essayé de convaincre les jeunes (qui, jusque-là, n’ont pas évoqué le sujet de l’émergence 2030 du Togo quand même).

Je venais à croire que ces Togolais au seuil d’un dénuement criard ne sont pas rares. Ils sont légions. La grande partie est désespérée, morne et silencieuse, attendant parfois un miracle. Nombreux sont ces jeunes s’inscrivant chaque année dans les universités, s’époumonant pour achever un parcours, avant finalement de chercher d’autres issues. Nombreux sont d’autres encore qui se donnent à cet effet à la loterie visa, tant l’avenir au pays est très douteux. D’autres préfèrent juste franchir les frontières, pour se retrouver dans un autre pays autre que le Togo. Et le constat, quelques fois erroné, est unanimement apprécié : la vie, quoiqu’elle soit au-delà des frontières togolaises, est mieux. La consternation est grande.

J’ai ainsi pu me perdre dans le dédale de mes imaginations, pendant quelques instants. Quelques minutes après, à une dizaine de kilomètres de Lomé centre-ville, le taxi s’arrêta. Le Taximan prit son argent, et pu leur adresser sa sincère désolation. Les deux jeunes sont descendus. L’un, mourant de remords, et l’autre, le nez au vent, marchant la fleur au fusil, avec la conviction que ses mésaventures allaient bientôt connaitre une fin. Le taxi a continué son chemin. J’ai remis mes écouteurs, comme si je n’avais pas été affecté par tout ce qui s’est raconté à mes côtés.  Il sonnait environ 16h 40.


Au Togo, les dernières cicatrices de mon esprit

Bonjour chers lecteurs.

Enfant d’Afrique [Crédit: Numbercfoto, CC/Pixabay]

Les dernières semaines ont été marquées au Togo par moult événements politiques, sociaux, funèbres, voire insolites. Des événements qui sont devenus des cicatrices de mon esprit.

La crise socio-politique au Togo bat son plein. En résumé :

L’opposition togolaise descend (de nouveau) dans les rues pour réclamer le retour à la Constitution originelle de 1992, pouvant empêcher (si la rétroactivité venait à s’appliquer) l’actuel chef de l’Etat, M. Faure Gnassingbé, de briguer un quatrième mandat. Pour rappel, cette constitution de 1992 avait été adoptée par référendum avec environ 98% de voix favorables. Ensuite, elle a été modifiée en 2002, permettant de faire sauter le verrou de la limitation de mandats présidentiels.

Pour revenir : depuis le 19 août passé, alors qu’avant pour l’opposition, il ne s’agissait que de faire les réformes constitutionnelles (et intentionnelles) préconisées par un accord (dit Accord Politique global) signé en 2006 entre l’opposition et le parti au pouvoir, le message a changé. Désormais, c’est le retour pur et simple à la Constitution de 1992.

Le bras de fer commence.

  • Tic tac, coupez la connexion !

Je veux bien commencer par le fait qui m’embarrasse le plus : la coupure de la connexion internet. Ces dernières semaines, cette anomalie s’est érigée en principe typiquement togolais. Une blague de goût âcre qu’on nous ressasse. A la veille des manifestations de l’opposition, la connexion internet est coupée dans le pays. L’information avait circulé comme une intox sur les réseaux sociaux, sans que personnellement, je n’y prête grande attention. Comme moyen de contrer les activités de l’opposition, un responsable politique du parti au pouvoir a proposé de couper très simplement la connexion (quel manque d’inspiration !). A la veille de la marche pacifique du 6 septembre, cette mesure a été appliquée.

Ce soir-là, je naviguais la fleur au fusil, j’utilisais ma connexion avec économie, la data nous coûtant un peu cher au Togo comparée aux pays voisins. L’effet de la coupure avait été similaire à celui d’un poison lent sur l’organisme : la chute est quand même inévitable. Ensuite, c’est plus de cinq jours sans connexion, sans que les autorités compétentes ne pipent mot sur la situation. Ni pour informer l’opinion sur la raison de la coupure, encore moins pour présenter des excuses. Les explications données par quelques courageux s’improvisant en télécommunication frisent le comique.

Déjà que la qualité de notre connexion est fort peu enviable, et que notre économie numérique n’est pas flamboyante, couper la connexion pour une raison qui n’est pas, on le sait, technique, c’est un acte démocratiquement dépassé. Mais à vrai dire, le phénomène n’est pas prêt à s’arrêter de si tôt. Et si les jours à venir, chers lecteurs, vous ne voyez pas les Togolais en ligne, veuillez bien prier pour nous. Pour notre connexion.

  • Au royaume d’un chef taciturne

Même si la situation semble ne pas trop inquiéter les Togolais, du fait de la routine qui s’établit désormais en loi, le silence du leader est assourdissant. Son silence bruit de l’indifférence et d’une désinvolture accusatrice. Pour un leader, refuser de communiquer en période de crise pose un réel questionnement sur les intentions nourries envers les « followers ». Depuis le début cette crise, les rumeurs prophétisant la sortie du chef de l’Etat sont restées fausses. Le chef de l’Etat ne parle pas à ses citoyens. Même pas un « je vous ai compris ». Pas un tweet ou un post Facebook. Inquiétant, même si on lui connait ce côté…

A vrai dire, la communication de crise du gouvernement n’est pas impressionnante ces derniers temps.

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Cinq questions à monsieur le Président de la République

Autre chose sur ce volet, les débuts de certains politiques sur les réseaux sociaux, particulièrement Twitter, sont suicidaires. Le moment est sensible, les lynchages et les « bad buzz » sont récurrents. Les sorties hasardeuses ne restent pas impunies sur le réseau de micro-blogging.

  • Quand les vaches s’invitent en politique

Ce n’est pas un canular. Pas une fake news non plus. Au Togo, les bêtes (au sens propre du terme, bien entendu) sont politiques. Vous avez peut-être lu le fameux roman Grand prix Poncettonde de l’Ivoirien Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages, où les scènes se déroulaient subtilement au Togo…

Dans ce petit rectangle, les bêtes sauvages sont vraiment politiques (ou politisées). Elles discernent. Elles savent décider et choisir entre l’opposition et la majorité. Elle savent quelle cause défendre. Ce n’est pas sorcier.

https://twitter.com/ynnonazaline/status/911330869645905920

Les semaines écoulées ont vu une bête tuée à Kparatao, (un village de la préfecture de Tchaoudjo au centre du Togo, par ailleurs village natal de Tchikpi Atchadam, un des leaders de l’opposition). Une vache, selon le communiqué officiel de la police, a semé la panique au sein des forces de l’ordre et de sécurité. En vrai, elle les aurait menacées. Bête qu’elle fut ! Elle aura connu une mort héroïque quand même (comparée à ses amis tués anonymement lors de la récente fête de Tabaski). Preuve, sa mort a été annoncée au journal de 20 heures sur la télévision nationale. Martyr !

  • Pleurs de l’âme

Le fait le plus touchant : la mort d’un enfant de 9 ans tué par balle lors des manifestations à Mango (Nord-Togo). Un blogueur togolais a déjà rendu un bel hommage à cet enfant, permettez alors que je passe.

Mais demandez à ce jeune de 9 ans en quoi consiste l’Accord Politique global, demandez-lui pourquoi l’opposition exige le retour à la Constitution originelle de 1992 ; pourquoi le projet de loi du gouvernement a du mal à passer à l’Assemblée nationale… C’est trop compliqué. Demandez-lui simplement, pourquoi manifeste-t-il ? Il aurait eu sûrement de la peine à répondre. Il ne pouvait, à tout le moins, qu’être conscient de la détermination de ses aînés, du ras-le-bol des parents, d’un géniteur qui peine peut-être à lui assurer convenablement une année scolaire, d’une mère que la pauvreté ronge du jour au jour… Mais il meurt quand même pour des réformes (et c’est là que le bât blesse) qui pouvaient être opérées il y a déjà une décennie, c’est-à-dire avant sa naissance. Les martyrs Anselme et Douti connus il y a quelques années n’auront pas suffi à empêcher la récidive. Et c’est bien dommage.

Bien à vous !


L’Afrique souffre de sa démographie : ma vérification des propos de Macron

Lors du sommet du G20, le président français, Emmanuel Macron, a déclaré (en substance) que l’Afrique souffre de sa masse démographique. Une déclaration, dont les propos exacts, sortis quand-même du contexte initial, ont enflammé les réseaux sociaux. Macron, a-t-il raison ?

Emmanuel Macron, Président français. [Crédit photo: Conecta Abogados, Flickr/CC]
D’emblée, il faut dire que les propos macroniens souffrent constamment d’interprétations, s’il est aussi évident que l’homme commet beaucoup de bévues communicationnelles.

Sur les réseaux sociaux, le message qui est attribué à Macron est exactement celui-ci : « Le problème de l’Afrique est plus profond, il est civilisationnel. Quand des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien ».

Pour une analyse plus ou moins complète de ce propos au travers duquel les Africains voient des insultes afrophobes, il faut préciser le contexte général. Il s’agit d’un journaliste ivoirien qui demande combien les pays du G20 sont prêts à débourser en guise d’aide à l’Afrique, faisant allusion à un plan Marshall pour l’Afrique. A cette question, Macron répond : «… le plan Marshall est un plan de reconstruction matérielle pour les pays qui avaient leurs équilibres, leur frontières et leurs stabilités. Le problème de l’Afrique est plus profond aujourd’hui, il est civilisationnel. Quels sont les problèmes en Afrique ? Les Etats faillis, les transitions démocratiques complexes, la transition démographique, qui est l’un des défis essentiels de l’Afrique, les routes de trafics multiples qui nécessitent aussi des réponses en termes de sécurité et de coordination régionale, trafic de drogue, trafic d’armes, trafic d’enfants, de biens culturels… le terrorisme.»

(…) Si nous voulons une réponse cohérente à l’Afrique et aux problèmes africains, nous devons développer une série de politiques qui sont bien plus sophistiquées qu’un simple plan Marshall et des milliards accumulés. (…) Quand des pays ont encore 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards, vous ne stabiliserez rien. Le plan de transformation, nous devons [le] conduire ensemble, en tenant compte des spécificités africaines par et avec les Chefs d’Etats africains».

Une opinion, dont le résumé le plus juste, selon moi, est : « L’Afrique a un défi démographique ». En réalité, a priori, sorti de son contexte, avec des mots concoctés pour donner un sens maussade aux réalités africaines, cette opinion est fortement condamnable. Sinon, Macron n’a fait que répéter Nicolas Sarkozy en 2007, quand ce dernier disait dans son  discours de Dakar : « la réalité de l’Afrique, c’est une démographie trop forte pour une croissance économique trop faible ». Et ce n’est pas encore faux.

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  • Mais à vrai dire, l’Afrique ne souffre-telle pas de sa très forte natalité ?

Selon l’ONU, environ 284 millions de personnes intégreront la population active d’ici 2030 rien qu’en Afrique subsaharienne, soit 18,9 millions de travailleurs par an. Et ce défi ne cessera de grandir : d’ici 2063, environ 1,16 milliard de personnes en Afrique subsaharienne accéderont au marché du travail. Mais ce qui est vraiment inquiétant, c’est qu’une étude publiée récemment par Commerzbank, Faire face aux vents contraires après le retournement économique, démontre que cette croissance de la population active et les besoins en emplois qui en découlent surviennent à un moment difficile pour l’Afrique. La croissance moyenne du PIB en Afrique subsaharienne a chuté pendant les 10 dernières années, de 5% à seulement 3,4% en 2015.

La forte fécondité en Afrique n’est pas un péché, elle est peut-être juste une vérité interdite

François Cailleteau, in Le défi démographique africain, analysait (en résumé) la situation en ces termes :

« La très forte démographie en Afrique est due au déséquilibre entre une fécondité qui ne baisse que très lentement et une espérance de vie qui progresse rapidement. La pression des principales religions, le progrès insuffisant de la scolarisation, l’abstention des gouvernants à s’emparer vigoureusement de ce problème permettent de l’expliquer. Les conséquences en sont potentiellement redoutables. Il sera de plus en plus difficile pour de nombreux pays de nourrir leur population. Un fort exode rural contribuera à créer de nombreuses agglomérations de plusieurs millions d’habitants, sources potentielles de désordres. L’émigration de l’intérieur de l’Afrique vers les pays côtiers se renforcera inexorablement. Et lorsqu’en 2050, l’Afrique intertropicale, aujourd’hui à peu près aussi peuplée que l’Europe, comptera 2,5 fois plus d’habitants, des phénomènes migratoires massifs seront probables ».

Le constat est que très peu de pays africains arrivent à suivre normalement le boom démographique en Afrique. Il est donc vrai, l’Afrique souffre effectivement de sa forte démographie. Et les chefs d’Etats africains ne sauraient l’ignorer.

Photo : Vinz MARTINI- Flickr/DR

Fort heureusement, l’Afrique a compris que pour relever ce défi, il faut « profiter du dividende démographique. » En la matière, « la première étape vers un dividende démographique consiste en un déclin rapide  de la fécondité grâce à des investissements dans le planning familial… » s’est proposée l’Union Africaine. Comme quoi, la forte fécondité en Afrique n’est pas un péché, elle est peut-être juste une vérité interdite.

  • Si dans l’ensemble, Macron semble avoir raison, qu’en est-il dans les détails ?

Il est vrai que les leçons de morales font toujours rougir, surtout quand elles sont données par  un étranger.  C’est encore plus embêtant quand cette leçon vient d’un Français (sur un ton blâmant et condescendant), qui ne saurait à vrai dire être innocent du retard de l’Afrique. Il importe de se demander si l’Afrique n’a pas souffert des cinq siècles de crimes orchestrés par l’Occident (esclavage et colonisations) ?

Emmanuel Macron [Image: Françoise NIELLY-FlickrCC/]
Pour revenir sur le sujet : s’il est vrai que l’Afrique peine à décoller faute de sa démographie « incontrôlée », est-ce pour autant qu’il faut parler d’un défi civilisationnel ? Le terme civilisation n’est-elle trop vaste et trop profond ?

Sinon, selon le Dictionnaire Le Robert, une Civilisation renvoie à une évolution qui sort l’homme de son état de nature. Pris dans ce contexte global, cela voudrait dire que l’Afrique peine (toujours) à sortir d’un certain « état de nature » ? Ou que l’Africain est toujours indifférent aux enjeux de la « bonne Civilisation » ? Il faut comprendre dès lors que dire que l’Afrique est confrontée à un défi civilisationnel, est une expression de pensées pour le moins caustique, sur fond d’un jugement, ma foi, négatif, voire raciste sur la civilisation africaine. En effet, l’Afrique a déjà assez souffert des critiques sur ce qu’elle appelle par « sa civilisation ».

  • Sous le prisme du discours de Dakar…

L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire

Le 26  juillet 2007, Nicolas Sarkozy, dans un discours qu’il veut franc qu’est celui de Dakar, avait déclaré que « le drame de l’Afrique » vient du fait que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. […] Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès ». Le jugement est abject.

En effet, depuis la veille des élections en France, les Africains se sont adonnés aux pronostics sur les considérations vis-à-vis du continent africain des divers candidats. Si la position de Marine Le Pen n’a souffert d’aucune ambiguïté, celle de Macron par contre, oui. Si bien que tous ses propos directs ou non à l’endroit de l’Afrique sont décryptés.

>> Lire aussi: Raison de plus, il faut penser à une monnaie panafricaine !

Pour cette déclaration, dont les termes « civilisations » et l’exemple caricatural, évocateur d’un cliché fort peu reluisant pour le continent, entachent en Afrique la pertinence de son analyse, Macron n’a effectivement que montrer de quel côté de la balance il se met réellement. Parler de 7 à 8 enfants par femme, fait des Africaines, beaucoup plus des pondeuses que des mères attentives à l’épanouissement de leurs progénitures.

Vu sous le prisme de l’humiliant discours de Dakar que l’Afrique a toujours du mal à digérer et de sa propre mauvaise blague sur les « kwassas kwassas », Macron s’est juste offert une sale étiquette d’un énième président français aux idées afrophobes. Il a commis aux yeux de nombres d’Africains, l’irréparable.

Si Doudou Diène, rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, avait déclaré à la tribune de l’ONU que « dire que les Africains ne sont pas entrés dans l’Histoire est un stéréotype fondateur des discours racistes des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle », il en dira surement de même pour les propos de Macron. Sûrement.


Dakar : zeste de panafricanisme et de leadership

De nouvelles formules, un panachage à moyenne dose de panafricanisme et de leadership, de gouverne, d’éthique, et du social, autant de découvertes, d’histoires, jamais Dakar n’aura été bénéfique.

Crédit Photo: Timothée PALE

Dakar, janvier-février 2017. J’ai fréquenté environ 230 jeunes leaders africains, venus de divers horizons…

D’emblée, il y a lieu de reconnaitre que cette dernière génération de jeunes leaders africains est de plus en plus tenue à se motiver. A apprendre des uns et des autres, à se conjuguer, et à s’unir. Le constat est sans équivoque : la nouvelle génération de jeunes leaders africains, se ne réclame pas prophète. Peut-être, il en manque d’ailleurs. Cette nouvelle génération, sur l’expérience de les avoir côtoyés sur plus d’un mois, tient plus à être soudée, à toujours apprendre et à enrichir la muse. Mais au fond, avoir à passer un long temps avec cette frange de jeunes leaders a révélé beaucoup de choses.

Panafricainement nés !

La nouvelle tranche de jeunes, est engagée pour la cause africaine. Des intuitions socio-politiques, économiques, portées par des esprits hardis, des pacifistes de l’ADN de Tata Madiba, les desseins sont néanmoins claires. Les jeunes leaders pensent aux Etats-Unis d’Afrique, et sont intéressés à la fois par la suppression des frontières artificielles établies, que par les débats sur la diversité culturelle. Dans la quête maniaque de découverte de soi et de l’autre, le leader que j’ai côtoyé s’est rendu compte de bien de réalités. Exemple, le leader n’a pas été à même de définir de façon claire et explicite, ce que veut dire par exemple être Sénégalais.  En effet, à y penser, force est se rendre compte qu’il n’y a pas plus difficile que d’exclure autrui, sur l’idée de la rationalité, de la morale et de l’humanisme, d’une appartenance socio-culturelle.

Le Bon Dieu est hermaphrodite

En Afrique, la diversité a été créée. Son cadre de création est la colonisation. La langue a été son premier atout, la générosité, la nonchalance (peut-être la naïveté ?) des Africains, ses premières pistes. Les nouveaux leaders, même en ayant un mode opératoire différent de ses prédécesseurs, sait s’inspirer de ceux-ci. Elle est assouvie à satiété d’un dogme : qu’elle possède le sésame du bonheur du continent noir. Plus encore, que l’avenir ne lui appartient pas. Ce qui lui appartient, c’est de décider, c’est l’instant présent comme si le lendemain n’appartient qu’aux dieux.

Si on m’apprenait que la fin du monde était pour demain, je planterais quand-même un pommier

Un soir, un jeune leader m’a répété Martin Luther, contextualisant la pensée aux lapalissades de son continent. Il m’avait dit : « si on m’apprenait que la fin du monde était pour demain, je planterais quand-même un pommier. » Je lui ai ajouté, pour l’Afrique ! Comme quoi, le panafricanisme, c’est d’abord travailler pour un développement  socio-économique du continent africain.

Sans doute, dans cette unicité d’esprit mêlée d’un engagement commun, se dessinent divers profils de jeunes leaders africains. Le nouveau leader à tendance et plus enclin au chauvinisme. Il a un conflit d’affirmation de son leadership. Le nouveau leader s’égare dans le labyrinthe de sa propre identité. En oubliant peut-être, qu’on ne nait pas leader, on le devient.


Le Bon Dieu est hermaphrodite

Après un petit entretien téléphonique entre ma mère, ma sœur, et moi, sur quelques sujets touchant la femme et le genre, ma mère s’est finalement convaincue d’une chose : son unique garçon souffre d’une maladie dont elle se demande toujours, si l’origine vient des aberrations chromosomiques, ou des nouveaux problèmes sociétaux. Il s’agit de la misogynie. Et elle s’en est inquiétée…

Ce matin du 8 mars, à 6h, essayant de me (ré)inculquer une valeur noble (qu’une démence a dû extirper de ma mémoire), ma sœur m’a envoyé un fichier sonore sur mon téléphone portable. Un audio, une musique. Titre : le bon Dieu est une femme. Auteur : l’artiste Corneille. Et pour lui rappeler que sa peine était stérile : « extrait de l’album Marchands de rêve, 2005 », ai-je répondu. Histoire de lui rappeler que ceci n’est pas une  nouveauté à mes oreilles.

Mais, de quoi m’accuse-t-on ?

Le débat était simple. Ma position était tranchée, même si cela reste un débat. Maman m’a demandé en effet, comment moi, son unique garçon, je me préparais pour leur fêter ce 8 mars ? Ma réponse revenait à un débat : à mes yeux, parce qu’il y a beaucoup de femmes et surtout de filles qui célèbrent le 8 mars sans  savoir ce pour quoi cette date a été instaurée, sans prendre conscience qu’être femme ou fille, revenait à se battre comme des hommes pour avoir les mêmes droits. Être femme ou fille, c’est être travailleuse,  c’est comprendre qu’être femme ne veut pas dire que les responsabilités devront être laissées aux femmes sans autre forme de procès et de transitions, et bien il faut prendre le temps de s’éduquer dans ce sens avant tout. Puisque l’interprétation du concept « femme » comme le définissent certain(e) féministes, est soit erroné, soit mal compris.

Instant d’amour avec une inconnue

Le Bon Dieu n’est pas une femme

Aussi iconoclaste que cela puisse paraître à priori, selon moi il y a des mythes qu’il faut casser : la femme n’est pas plus importante que l’homme, ni le contraire.  C’est la femme qui donne la vie, certes, mais avec la semence (dans tous les sens du terme) de l’homme. Et tout comme une graine ne saurait pousser (naturellement) qu’en rentrant dans le sol, si l’homme est la graine, alors la femme est la terre (bizarre ?). Il faut comprendre que la femme a des dispositions naturelles que les hommes n’ont pas forcément, et vice versa. C’est en réalité conclure qu’entre hommes et femmes, il n’y aura de meilleur rapport que celui de complémentarité, tout en déduisant, que malgré tout, quand il est question de parité, dans la majorité des cas, l’homme en devient victime (il le faut peut-être).

A la suite de mon explication, maman avait raccroché. Triste certainement, que je ne sois pas celui qu’elle voudrait que je sois.

Mais moi, je me dis, qu’il y a autant de mythes qu’il faut casser, avant de célébrer cette fête. Et en réalité, femmes et hommes naissent, grandissent et restent égaux. Nul n’est donneur de vie, et l’autre pas. Parce qu’en mon sens, le Bon Dieu n’est pas une femme. Le Bon Dieu est sans doute hermaphrodite.

Bonne fête de 8 mars à toutes, et à maman.


5 questions à M. Ahoomey-Zunu, celui qui doit des comptes aux Togolais

Janvier 2013, quand le Togo participait à la Coupe d’Afrique des Nations(CAN) en Afrique du Sud, la population a été victime d’un coup de force : celui de la majoration du prix de certains produits, et surtout des coûts de la communication téléphonique. Ceci, dans le dessein, dit-on, de soutenir les Eperviers qui venaient de se qualifier pour la première fois en quart de finale. Depuis ce temps, beaucoup de choses se sont passées dans la vie sportive du Togo. Par exemple : l’équipe togolaise de football a connu trois nouveaux entraineurs (Tchanilé Tchakala, Tom Saintfielt, Claude Le Roy), une CAN ratée (CAN 2015), une qualification surprise (CAN 2017), un nouveau président de fédération (Guy Akpovy) après moult comités de normalisations… Beaucoup de choses, sauf la présentation des comptes de la CAN historique de 2013. L’ancien premier-ministre, Arthème Ahoomey-Zunu qui chapeautait les commissions mises en place pour collecter les fonds, ne dit jusqu’ici rien. Néanmoins, je me prête à l’exercice journalistique d’interview… avec celui-ci.

 

  • M. Ahoomey-Zunu, il y a bientôt 4 ans, autrement, 48 mois, que vous aviez chapeauté des commissions formées sur décret présidentiel de M. Faure Gnassingbé, et chargées de mobilier des fonds afin de soutenir les Eperviers à la CAN Afrique du Sud 2013. La population, sans son gré, a participé à cette campagne. De vous aux Togolais, avez-vous déjà fait le bilan de tout ça?

La transparence dans la gestion de la chose publique qu’impose la démocratie -que le Togo s’évertue (vaille que vaille) à être- l’exige pourtant. Cela va de soi par ailleurs, qu’après avoir prélevé de l’argent sur les coups de communication et autres produits, un  bilan sérieux et sincère soit fait. Il y va, en fait, de la confiance entre gouvernants et gouvernés.

  • Depuis peu, des clichés de quelques pages d’un document datant de 2014 circulent sur internet, faisant état des comptes tant attendus de la CAN 2013. Vous pouvez confirmer qu’un tel document existe bel et bien ?

Les clichés sont apparus sur le réseau social Twitter où la campagne se montre plus sérieuse et prolifique (voire virulente et âpre). La vraie origine reste tout de même inconnue.

 

  • Selon certaines indiscrétions, vous auriez récolté plus d’un milliard de francs lors cette campagne de mobilisation de fonds. Pendant le même temps, on se rappelle qu’à cette époque, les Ambassadeurs du Togo à cette messe continentale de football, qui sont et les joueurs et une délégation composée de chefs traditionnels, ont dormi à l’aéroport de Johannesburg. A même le sol, le ventre affamé. Comment avez-vous géré ces fonds à cette époque ?

En attendant évidemment les comptes, il est important de revenir sur cette affaire et savoir comme les fonds ont été gérés à cette époque. Cela reste frais dans nos mémoires, l’image des Togolais, (pas n’importe lesquels !) dans un aéroport avec l’emblème national qu’est le drapeau, en attendant un vol qui ne viendra pas les trouver en totalité en fin de compte.

  • Quand vous voyez les Togolais réclamer, plus à raison qu’à tort, les comptes de la CAN 2017, par quel sentiment êtes-vous animés ?

Puisqu’il est en effet inconcevable, ce mutisme mêlé à l’autisme qu’on peut observer auprès des autorités qui doivent faire ces comptes. Et ce, malgré les différentes interpellations. La Ligue Togolaise des Consommateurs avait entretemps estimé, s’adressant au Chef de l’Etat sur cette éternelle affaire des comptes, qu’il s’agit là d’ailleurs, d’une question de « Morale » et « d’Ethique ».

  • Aviez-vous une fois parlé de ces fameux comptes lors d’un conseil de ministres, quand vous étiez encore chef de gouvernement ? Du moins le gouvernement vous appelle actuellement, pour vous demander quelque chose à propos ?

… Et éventuellement, y-a-t-il, une date pour les rendre ? Puisqu’il semble aujourd’hui, même si selon certaines sources les comptes se feront avant la fin de l’année 2016, que rien n’est prévu. Il semble qu’aucune donnée n’est disponible. Mais dans tout le cas, la mobilisation de la population derrière cette campagne se montre infaillible. Il est clair, le seul moyen de mettre fin à cette mobilisation, est de présenter les comptes. Ceci, il faut le rappeler, n’est pas une faveur.

#FaisonsLesComptes


Raison de plus, il faut penser à une monnaie panafricaine !

Jamais le débat sur l’abrogation du Franc CFA et la création d’une monnaie panafricaine ne m’a passionné et hanté à la fois, que durant ce séjour. Loin de chez moi, à Antananarivo (Madagascar). Et ce, même si j’en avais déjà parlé dans un billet. Et pour cause, je n’ai à aucun moment pensé que le franc CFA serait complétement une devise étrange, sur terre malgache. C’est la première surprise que cette vaste île réserve à nous; population d’Afrique de l’Ouest et de l’Est, qui avons répondu à l’invitation de Mondoblog pour la participation au XIe sommet de la francophonie.

Le fait est d’autant plus étonnant que quoi qu’on dise, le franc CFA -XOF et XAF- est la monnaie la plus utilisée en Afrique, en terme de nombre de pays. 15 sur les 54 Etats africains sont dans la zone franc. Encore faut-il rappeler, le Madagascar faisait partie de cette zone, avant sa sortie en 1973.

Sur cette grande île, l’Euro et le Dollar sont tout de même admis. Des devises étrangères qui sont néanmoins utilisées. Autrement, on ne peut pas échanger le F CFA avec l’Ariary (monnaie utilisée au Madagascar), sans passer, soit par l’Euro, ou le Dollar. Preuve que le franc CFA n’a d’estime qu’auprès de nous, utilisateurs. La raison donnée par les uns, « l’Euro et le Dollar sont des devises internationales. » Il est vrai. Sauf que l’Afrique peut aussi avoir une monnaie qui s’impose. Une monnaie gérée par l’Afrique elle-même, et non par le Trésor Français. Une monnaie qui ne soit pas fortement dépendante de l’Euro. Une indépendance monétaire qui n’oblige plus les Etats de la zone franc à déposer 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor Français.

Mais à vrai dire, même les deux devises -XOF pour l’UEMOA* et XAF pour la CEMAC*-, portant le même nom CFA ne sont pas interchangeable entre elles. Regret !

Il est clair que face à cette situation, la plus intelligente des solutions n’est pas que tous les pays mettent en place des dispositifs pour convertir toutes les monnaies sur le continent. Mais plutôt, de réfléchir sérieusement à l’alternative d’une monnaie de l’Union Africaine. Il y va de l’union du continent. Il y va de l’idéal du panafricanisme. Il y va surtout de l’indépendance (effective) de l’Afrique, et de son développement économique.


 

*UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine

*CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale


Drôle de résultat !

15 Octobre 2016, Lomé. L’arrivée de cinq Chefs d’Etat, qui s’ajoutent aux 12 autres accueillis depuis la veille, est bon signe pour le sommet de Lomé. Un sommet extraordinaire de l’Union Africaine sur la sécurité et la sûreté maritimes et le développement en Afrique. Une rencontre d’experts et de délégations d’une trentaine de pays sur le sujet, aboutira à quelques heures plus tard, à l’adoption d’une charte qui porte le nom de la capitale Togolaise : la charte de Lomé. Un travail de longue haleine, qui a coûté au Togo. Pour quels résultats ?

A l’évidence : ce sommet a été une grande opportunité pour le Togo, face à l’Afrique. En préparatifs de ce sommet, le Togo a pris environ deux ans pour tracer les routes de Lomé, aménager les artères de la capitale. Le Togo a construit des bassins de rétention d’eaux dans certains quartiers inondables. Des biens qui resteront en effet toujours exploitables. A l’évidence, ce sommet a permis au Togo, de réaménager son unique gratte-ciel, l’hôtel Radisson Blu 2 Février. Et la charte de Lomé, une charte sur la sécurité et la sûreté maritimes, la première du genre dans le monde se voit fortement attachée au Togo. En effet, l’adoption de cette charte est un point positif pour l’Afrique, qui a besoin d’instruments et de législation (a priori) forts pour accompagner son développement.

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S’asseoir confortablement et suivre en direct de bout en bout la retransmission de ce sommet depuis le début pour l’analyser. Méditer et se rendre compte du paradoxe. L’invraisemblance des choses. Constater que le Nigeria s’est fait représenter par son vice-président. Et la Somalie, berceau de la piraterie dans le Golfe d’Aden, par son Premier-Ministre. L’Egypte, l’Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie, la Tanzanie, disposant des plus grands ports du continent, et par ricochet ayant une grande activité maritime, n’ont guère été représentés par leurs présidents ou chefs de gouvernement, mais ‘juste’ par des délégations.

De fait, le Nigeria est une des grandes puissances économiques du continent, sinon la plus grande. Il se trouve qu’il est également le pays le plus menacé par la piraterie maritime en Afrique. Et sans se tromper dans le monde. Victime qu’il est devenu après le repos des pirates dans le golfe d’Aden. Logiquement, il revenait à cet Etat de prendre une telle initiative. Le Nigeria qui avait d’ailleurs les ressources nécessaires pour organiser en très peu de temps, ce sommet.

Se rendre compte également que le Sénégal, pays très touché par la pêche illicite, a préféré ne pas signer cette charte. Et pour son président Macky Sall,  « il y a des anomalies et équivoques dans le projet de charte ».  « La délégation Sénégalaise soumettra des observations dans un document que nous soumettrons ensuite au Secrétariat » ajoute le président Macky Sall, après un exposé univoque et clair sur les ‘erreurs’ dans la charte qui lui a été proposée.

Le Cameroun manifeste également un dégoût en évitant de signer. Mais pas que. Dégoût également manifesté à travers la qualité du chef de délégation envoyé : le ministre de la Justice. Alors que ce sommet est censé être une continuité de la rencontre de Yaoundé tenue en 2013 sur le même sujet. Rencontre ayant plutôt abouti à un code de conduite. L’île Maurice également qui balisait la voie de cette charte, avec une rencontre organisée récemment sur le sujet, pensait-on devait vanter ce produit de Lomé. Mais au contraire…

La Côte d’Ivoire signe avec réserve, en promettant de revenir sur les contenus de l’accord.

Au total, les États n’ayant pas signé : Algérie, Botswana, Cameroun, Djibouti, Érythrée, Égypte, Éthiopie, Gambie, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Lesotho, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, Sénégal, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Swaziland, Ouganda, Zambie, Zimbabwe

En bref, la charte a été adoptée bien entendu, mais il reste encore sa mise en application. Chose, visiblement moins aisée.

Clairement, c’est un pays qui a vu le dernier acte de piraterie sur sa côte il y a au moins trois ans, qui décide d’accueillir un sommet extraordinaire. Initiative financée exclusivement donc par celui-ci à des milliards de francs CFA; Alors même qu’il est  possible de proposer cette charte lors d’une session ordinaire de l’UA.

Trop point n’en faut ! De près, ce sommet a plus servi à faire une belle communication sur le Togo. Refaire (pour tant soit peu) l’image du pays. Un Togo plus connu à l’extérieur par les grèves et des manifestations d’humeurs, soit par l’opposition politique, les travailleurs, ou encore les étudiants.

Le premier ayant d’ailleurs décidé, de boycotter cette rencontre, et d’organiser à sa manière, un contre-sommet. Le second, des chauffeurs recrutés pour l’événement, qui manifestent et réclament leurs ‘dividendes’; Après seulement 4 jours du départ des invités…

Mais alors, à qui profite vraiment la sécurisation des océans en Afrique ? Un continent sur lequel les ports sont majoritairement gérés par des étrangers ?

Au Togo, à qui profite ce sommet ? A un parti politique qui sent le besoin de créer une nouvelle dynamique au pays, autres que les manifestations ? A une population à laquelle, visiblement, les enjeux maritimes importent peu? Des pêcheurs togolais ? Ou à un étranger, au nom duquel un certain Le Drian peut juger bénéfique son déplacement pour ce sommet, comme … Bolloré ?


Vous avez dit Franc CFA ? Alors parlons-en !

Du haut de ses 48 ans, Kako Nubukpo, économiste agrégé togolais, ancien ministre de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques de son pays, enseignant à Oxford et actuel  directeur de la francophonie économique et numérique au sein de l’Organisation Internationale de la Francophonie à Paris, a du mal à côtoyer les réalités du franc CFA qui l’a vu naître. Et pour cause, dit-il, « l’arrimage à l’Euro pose un problème de compétitivité pour ces pays »

L’ennui avec le débat, c’est que cela devrait en être un grand, alors qu’en réalité, personne (ou presque) n’en parle. En toile de fonds de cet «acharnement » d’un professeur considéré chez lui comme un pourfendeur solitaire, une question :

« Comment atteindre les objectifs de stratégie économique définis lors du sommet des chefs d’État africains à Dakar en 2014 ? »

Il est vrai, 15 pays d’Afrique continuent d’utiliser une monnaie qui leur a été imposée depuis  plus de 70 ans. Sous ce spectre dosé de post-colonialisme, la France reste le seul pays au monde à avoir encore une forme de contrôle sur la monnaie de ses anciennes colonies, cinquante-cinq ans après leurs indépendances. Et c’est  l’excentricité du contenu des accords qui régissent le fonctionnement de ce dispositif monétaire qui désole le plus.

Paradoxe, le discours officiel des autorités françaises à propos de cette monnaie est identique et sans ambiguïté : c’est une « monnaie africaine ». Pour compléter le discours,  « le franc CFA appartient aux Africains, l’avenir de cette monnaie […] appartient aux Africains », a ainsi dit Michel Sapin, ministre français des finances, le 11 avril 2016, lors d’une visite au Sénégal. Au même moment, plus récemment, une enquête publiée par le journal Mediapart, parle de la « protection du statu quo par le Trésor Français et une minorité africaine, qui en tirent avantage ». En réalité, à y penser, on a tendance à se fier à la dernière thèse puisque le contraire aurait tout changé depuis, et les présidents africains, hormis Idriss Deby qui a pris position sur le sujet, auraient, à défaut de décider, réagi.

Cinq questions à monsieur le Président de la République

Si la monnaie est un emblème  fort de souveraineté, il est alors invraisemblable que plus d’un demi-siècle  après les indépendances, des pays font (encore) partie de la zone Franc CFA. A vrai dire, cela implique pour eux une garde fourchue et sournoise: française et européenne. Or les opportunités de développement que cette monnaie était censée offrir se laissent toujours attendre, en grande partie du fait que la politique monétaire est calquée sur celle de la zone Euro.

« Le franc CFA est en taux de change fixe avec l’Euro qui est une monnaie forte. Ce qui pénalise nos exportations et donne des incitations aux importations. Ce qui fait que nos balances commerciales sont structurellement excédentaires »  Prof Kako Nubukpo

Un système monétaire peut-il rester presque figé pendant des décennies et demeurer pertinent dans un environnement économique mondial très évolutif, alors que les partenaires économiques des pays de la zone ne sont plus uniquement européens ? S’interroge-t-on.  Les effets du mutisme général sont clairs, mais nul n’ose changer. Et la question se mourrait…

Plus généralement, ce débat s’inscrit aujourd’hui dans le contexte de la réflexion sur le financement de l’émergence des économies africaines et ses conditions monétaires. En illustration, sur les 15 pays membres de la zone CFA, 11 sont classés comme « pays moins avancés » par les Nations unies.

Voilà pourquoi, il est important de « sortir l’Afrique de la servitude monétaire », un ouvrage collectif des économistes spécialistes de l’Afrique, au rang desquels le Togolais Kako Nubukpo, le Sénégalais Demba Moussa Dembélé, le Français Bruno Tinel ou encore le Camerounais Martial Ze Belinga.

Pour l’Afrique de l’Ouest, une étape majeure de cette mobilisation pourrait être le projet de monnaie unique au niveau de la CEDEAO (15 pays, et plus de 300 millions d’habitants) dont l’échéance est fixée à 2020 comme annoncé par le Prof Nubukpo. Cette initiative de monnaie unique, si les Etats respectent leur engagement, devra sonner le glas de la zone Franc et mettre fin à toutes les tutelles monétaires.  Elle sera un facteur d’accélération de l’intégration en Afrique de l’Ouest et constituera un exemple pour les autres sous-régions africaines et pour le continent africain dans son ensemble. Sans doute, portera un coup pour la France qui n’ « a que d’intérêts à défendre » (Charles de Gaulle)

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Sorcellerie et autres magies d’Afrique (2)

En Afrique (subsaharienne) où l’invisible côtoie facilement l’humain de jour comme de nuit, ignorer l’existence de génies du mal ou de la sorcellerie, c’est juste se borner, et ne pas essayer de voir plus loin que le bout de son nez. (bis repetita)

Lire la première partie du dossier

Cette pratique occulte du monde visible fait partie de la vie des puissants comme des manants. C’est clair : la sorcellerie en Afrique n’est ni une histoire, ni un sujet nouveau. Mais elle est un sujet sensible, à traiter avec attention, parce-qu’elle relève de l’irrationnel, jalousement bardé de facto par le principe de l’omerta.

A côté de la politique, au sein de laquelle elle pèse en bien (je suppose) dans la balance de l’évaluation, se trouve la face « négative » de cette pratique où les proies des forces du mal sont bien connues du monde du réel : des albinos sacrifiés sur l’autel des dieux,  des jeunes filles  dont le malheur est de souhaiter préserver leur dignité, des victimes de difformités congénitales et d’aberrations chromosomiques. Dans cet univers où les garde-fous sont rares, il est difficile de vérifier les raisons de cet intérêt.

En 2015, plus de 200 sorciers ont été arrêtés en Tanzanie dans le cadre d’une opération policière visant à mettre fin aux mutilations et meurtres des albinos

Les premières victimes, les albinos. Quand on est en manque manifeste de mélanine, côtoyer des féticheurs africains n’a rien d’aisé. En plus de l’obstacle d’environnement auxquels ils sont exposés constamment, il se trouve que sur le vieux continent les albinos ont des éléments aussi précieux que la soie dont les sorciers ont souvent besoin. « On attribue à leur corps, à leur peau blanche, à leurs mains et à leurs pieds des pouvoirs magiques, comme un gri-gri qui permet d’obtenir quelque chose que l’on recherche : gagner une élection, de l’argent… » Et cette croyance est répandue. Ce qui justifie leurs disparitions.

 On évalue ainsi, en Tanzanie à 1000 dollars une main d’albinos, un corps entièrement démembré pouvant rapporter 75.000 dollars (Photo: Pinterest)
En Tanzanie, on évalue à 1000 dollars une main d’albinos, un corps entièrement démembré peut rapporter jusqu’à 75.000 dollars (Photo: Pinterest)

En 2015, plus de 200 sorciers ont été arrêtés en Tanzanie dans le cadre d’une opération policière visant à mettre fin aux mutilations et meurtres des albinos, victimes de croyances qui leur attribue des pouvoirs magiques (source: JeuneAfrique.com). La situation est inquiétante en Tanzanie, Malawi, Ouganda ou encore en Centrafrique (où la moitié des détenus du pays serait accusée de sorcellerie). Selon des anthropologues, un préjugé qui pèse depuis plusieurs siècles dans la pensée collective ancestrale stipule que les Albinos sont des sorciers et qu’ils possèdent un pouvoir mystique de guérison. Sur ce, l’usage de leurs organes sur une personne atteinte d’une maladie liée à la sorcellerie permet à cette dernière de recouvrer la santé. Au Malawi, les 10 000 albinos que compte le pays sont menacés de disparaître et l’ONU parle d’ailleurs sans détour de « groupe en danger, menacé de disparition méthodique ». Au moins on est sûr que la dose de mélanine dans la peau des personnes « normales » est une chance de survie, à défaut de vérifier si effectivement, l’albinisme émane de la sorcellerie. De l’autre côté, ce sont les personnes difformes qui deviennent des gibiers. Précisément, des personnes aux dos gibbeux. Il parait que leur bosse est une marchandise  bien alléchante au Nigeria. En général, la moindre anomalie a une explication dans ce monde, même une dent cariée.

« J’ai été frappé à tour de rôle par mon frère, ses enfants et le charlatan, afin d’avouer que je suis sorcier… »

Il y a aussi les enfants sorciers. Considérés comme des suppôts du diable, ils sont fortement présents au Togo, précisément dans la région Centrale. Mais pas que. Leur malheur est soit d’être clairvoyants, surdoués, prophètes, ou peut-être même…  « sorciers ». Les enfants sorciers auraient le pouvoir d’agir à partir du monde invisible d’une manière néfaste sur le monde visible. Ils provoqueraient la diarrhée, le paludisme, la tuberculose ou le sida, et par conséquent la mort de leurs victimes. Pour ce chef d’accusation dont les preuves sont intangibles, ces êtres mineurs sont condamnés à quitter leurs familles, à vivre dans les rues, et à s’exposer quotidiennement à tous les périls. Dans le cadre d’un grand dossier consacré à ce sujet, le journal Togolais Focus Info le martèle : « A Lama Tessi, à environ une vingtaine de km au sud de la ville de Sokodé, nous croisons Atamana, amputé d’un bras. Ce jeune homme qui rêvait d’une carrière de footballeur nous raconte comment son rêve a été brisé en Octobre 2012 alors qu’il n’avait que 13 ans. Accusé par son demi-frère d’être à l’origine de son accident de la circulation, il a été ligoté lors des interrogatoires au moyen d’attaches en caoutchouc. «J’ai été frappé à tour de rôle par mon frère, ses enfants et le charlatan afin d’avouer que je suis sorcier et responsable de l’accident ». La suite a été horrible, le jeune a été mutilé. Dans cette région du Togo, la situation a atteint son paroxysme. Sur 21 dossiers connus par le tribunal des enfants de Sokodé (chef-lieu de la région centrale) en ce deuxième trimestre de 2016, 17  sont relatifs à la sorcellerie.

« On tire le missile sur le soleil qui envoie automatiquement l’effet à la victime »

Mais le plus redoutable reste le « Tsakatsu ». Il est question d’une arme mystique à effet immédiat, un missile qui peut invisiblement atteindre une personne à 2000 km à la seconde près. « On tire le missile sur le soleil qui envoie automatiquement l’effet à la victime », expliquait Arouna Djaffo Agbanin (sorcier avoué)  à BBC dans le cadre d’un reportage.

L’histoire raconte qu’au moment de son triomphe électoral en 1991, le successeur de Mathieu Kérékou, Nicéphore Soglo, a été foudroyé par ce missile. « Il souffrait le martyre et avait l’impression qu’on lui plantait des aiguilles dans le corps. C’est alors que j’ai décidé d’appeler à l’aide le ministre français de la Défense, Pierre Joxe », se souvient son fils Lehady. Avion sanitaire de l’armée française, court séjour à l’hôpital parisien du Val-de-Grâce, soins intensifs… Soglo a été remis sur pied durant l’entre-deux-tours, mais c’est en balbutiant et soutenu physiquement par son épouse Rosine qu’il a prêté serment. Il lui a fallu plusieurs années pour s’en remettre. –in JeuneAfrique. Au Togo, cette force n’est pas maîtrisée que par les entremetteurs de l’invisible : dans les rues, de petites incompréhensions entre jeunes peuvent se transformer en partie de guerre avec cette arme, chacun misant sur la qualité et la performance de la sienne. De même que les matches, de football précisément.

A vrai dire, en Afrique, quand on parle de sorcier, ce ne sont pas des personnes à identifier à première vue.  Le sorcier n’est pas un magicien blanc qui peut aisément répondre à cette  désignation, et avouer ses « prouesses ». C’est un statut qu’on acquiert secrètement : être sorcier en Afrique n’est surement pas facile.


Sorcellerie et autres magies d’Afrique (1)

Les pilules anti-animisme et anti-sorcellerie ont du mal à passer sur le vieux continent. Croire au fait que le Christianisme ou l’Islam, l’éducation moderne et l’urbanisme ont damé le pion à la sorcellerie et aux magies du même genre, c’est un peu comme  croire que les idées du Front National ont réussi à arrêter l’immigration sous toutes ses formes en France. C’est un leurre. Et sans se tromper, on peut affirmer que la magie noire se porte aujourd’hui très bien sur le continent africain. Plus que jamais.

«— Massa, on dit que les papistes sont comme les païens d’Afrique ils ont des vaudous.

— Qu’est-ce qu’un vaudou ?

— Massa, c’est un petit bon dieu qu’on se fait à soi-même et qui n’est pas le vrai bon Dieu »

Dr Réné LeFebvre in Paris en Amérique en 1864.

S’il peut avoir un doute autour du postulat selon lequel le Vaudou n’est pas le bon Dieu (certains Béninois diront surement le contraire), il y a néanmoins une part de vérité dans la réponse donnée à Masa : le Vaudou est un dieu également. Et c’est la phrase suivante du dialogue qui achève de convaincre : « Etes-vous assez niais pour croire que les catholiques adorent un fétiche ? Cela est bon pour vos sauvages du Sénégal. » Hormis la dose a priori raciste de cette rétorsion, il est vrai qu’il y a en Afrique, de Dakar à Lubumbashi, de Lomé à Bangui en passant par Cotonou, des forces surnaturelles, détentrices du pouvoir « du mal ». Du même genre que Harry Potter, apte à défier les lois de la nature et de la physique, à se déplacer rien qu’en flottant. La question principale n’est plus de savoir si la magie noire est un mythe ou une réalité, la réponse est évidente, la curiosité c’est de se demander comment cela fonctionne. Et les cartésiens font souvent les frais puisqu’ « on ne joue pas impunément avec la face cachée de la raison ». -François Soudan-

Cela ne fait pas l’ombre d’un doute, l’invisible côtoie en Afrique le mortel dans son quotidien. Dans la « basse population », le catholicisme et les autres religions monothéistes  ont du mal à exorciser, même avec la plus grande rigueur, l’Afrique de la sorcellerie et toutes les forces du mal, tant il faudrait discerner avant tout, le Vaudou de la sorcellerie et des autres pratiques fantomatiques. Le premier est une religion, une croyance tout autant que le christianisme et autres, le dernier a encore du mal à se définir, les rouages étant encore flous, pris bien entendu dans les réalités africaines. Mais après tout, en Afrique, le Vodou et la sorcellerie sont logés à la même enseigne, la fin justifiant les moyens. C’est pourquoi les hiboux « prédateurs » de chairs humaines, les cobras vengeurs, les tortues à doubles carapaces ou les lézards polymorphes à double queues sont toujours craints, pire qu’un malfaiteur armé. L’invisible ayant un sens et une façon étrange de communiquer, la moindre anomalie est porteuse de messages des « ancêtres ».

Le Vaudou est la réligon la plus répandue au Bénin
Le Vaudou est la réligon la plus répandue au Bénin

…Beaucoup d’héritiers de ce patrimoine qui se présentent comme chrétiens n’ignorent pas pour autant l’existence de ce genre de pratiques

Dans ce domaine où les professions de foi sont très rares, il est très difficile de prouver à une tierce personne -en théorie- l’efficacité du mode opératoire, ce ne sont pas que les civils qui s’en emparent. La sorcellerie africaine est à distinguer de l’art de jouer avec les boules de cristal, ce qui se fait ailleurs. Le premier est en réalité plus sérieux. Le politiquement correct empêchant les autorités de l’avouer, beaucoup d’héritiers de ce patrimoine se réclamant chrétiens n’ignorent pas l’existence de ces genres de pratiques. Et ils n’ignorent pas non plus les règles de fréquentation des entremetteurs de l’invisible. Voilà pourquoi en Tanzanie, malgré son interdiction en juin 2015 par le ministre de l’Intérieur tanzanien (il avait lancé un avertissement sérieux aux responsables politiques : pendant la campagne électorale, interdiction d’avoir recours à la sorcellerie) à la veille de l’élection, la sorcellerie s’est quand même invitée dans le processus.

C’est peut-être la raison pour laquelle le président togolais a abandonné le palais de son père pour construire le sien

Pour l’anthropologue François Bingono Bingono, qui se présente comme « crypto-communicologue », la sorcellerie s’est démocratisée. « Personne ne veut se laisser surprendre. Chaque fois qu’une personne est appelée à de nouvelles fonctions, elle s’entoure d’un maximum de précautions. Ne pas le faire revient à s’exposer à un risque d’ »infection » par la sorcellerie. On part du principe que celui qui s’en va a laissé des fétiches destinés à asseoir sa propre puissance ou à le protéger », explique-t-il. C’est peut-être la raison pour laquelle le président togolais a abandonné le palais de son père pour construire le sien. C’est aussi peut-être pourquoi il ne fréquente pas les résidences privées héritées de son géniteur comme la villa des Maréchaux à Paris ou le château Vial à Kpalimé au Togo. Fût-il son père. En sorcellerie, dit-on souvent en effet, il n’y a pas de limites. Ni de familles.

A lire aussi: Les mille et un pasteurs escrocs

La présidence togolaise a toujours été rattachée au christianisme. Même si, et cela dépasse l’étape du canular, l’actuel président Faure Gnassingbé est un grand initié de la tradition Habiè chez les peuples Kabyè. Sans doute initié par le père. En effet, la réputation de cette tradition en matière de pouvoirs « supra naturels » ne se limite pas aux frontières nationales. Il existe une rencontre quinquennale où les experts sorciers, qui se reconnaissent comme tels, se donnent un rendez-vous pour démonstrations. Beaucoup racontent les miracles qui s’y produisent, où des non-initiés curieux deviennent des proies pour ces mangeurs d’âmes. Au Togo, même si l’histoire du pays ne mentionne pas une trace de sorcellerie, la sortie indemne de feu Eyadema lors du crash de Sarakawa n’est pas considérée comme tout à fait normale. Mieux, quand après quelques jours, le militaire Bokobosso tire sur le président à bout portant sans atteindre sa cible, alors qu’il est militaire de profession, c’est l’enchaînement des preuves de l’invincibilité du président qui persuadera.

En cas d’égalité, c’est le spirituel qui compte

Quand Boko Haram menaçait à mort la population camerounaise, le président camerounais, Paul Biya, a fait appel aux sorciers de son pays, mieux placés apparemment, pour géo localiser ces fous de Dieux et lancer une contre-attaque. Ce qui avait fait dire qu’en quelque chose, la sorcellerie est bonne. A lire une enquête publiée par le magazine JeuneAfrique en 2012, on comprendra comment, dans presque tous les palais africains, ce mystère élit domicile. C’est en quête de meilleures protections et du plus grand pouvoir que la sorcellerie et ces genres de magies connaissent une évolution de plus en plus étonnante.  En effet, sur le continent africain, en cas d’égalité, c’est le spirituel qui compte.

A suivre…


#MissTogo2016 : quand la twittosphère togolaise se fait justice…

Les Miss se suivent mais ne se ressemblent pas. Le constat est clair : décidément, Miss Togo ne connaîtra pas sa fin, elle ne sera pas repensée pour que la jeune fille togolaise soit célébrée de la plus digne des manières… Et, à mon avis, l’heure n’est plus à l’écriture pour interpeller sur Miss Togo – je l’ai déjà fait (de même que les amis Mondoblogueurs  Le Salaud lumineux et la sœur Judith Gnamey). Que répondre au reproche selon lequel les Twittos et bloggeurs togolais critiquent « le plus grand événement des vacances » et après, s’asseyent pour le suivre ?  Je répondrai qu’Emile Zola, pour écrire Germinal, a vécu dans les mêmes conditions que les ouvriers, c’est-à-dire aller dans les mines. Et les plus grands critiques du christianisme ou de la religion musulmane lisent respectivement la Bible et le Coran. Bref, il faut bien connaître son sujet ! Voilà pourquoi la twittosphère togolaise reste témoin de tout, des faits les plus banals aux moindres méprises et errements des candidates, sans oublier le décor, la présentation, et tout ce qui contribue à rendre de moins en moins intéressantes l’éducation et l’image du Togo en général…
Voici ce que Twitter pense de Miss Togo 2016 :

Et le plus véreux:

https://twitter.com/kadediha/status/769680829106749440

https://twitter.com/ynnonazaline/status/769664109155614720

https://twitter.com/Djosena/status/769720047346544640

 

 


En attendant le retour de la connexion…

En attendant le retour de la connexion,
La tête baissée, sur le sol les yeux rivés,
A réfléchir au vital et à la passion,
Du matin au soir de la connexion, privé.

En attendant le retour de la connexion,
Taciturne, pensif, émotif et condamné
A espérer mille et une notifications
Sans assurance de s’en quérir, comme un damné.

En attendant le retour de la connexion,
Twitter, Facebook, Instagram et Whatsapp,
Ce circuit  qui sans mansuétude aucune me zappe,
Est vrai, sans connexion, tout est imprécation.

En attendant le retour de la connexion,
72 heures d’exil, très loin du monde des relations
De prières, conjurations, d’impatience et de lutte
En attendant l’envoi ma foi, d’un simple tweet…

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Cinq questions à monsieur le Président de la République

Au Togo, ce n’est plus un secret, recueillir l’avis du Président de la République sur un sujet d’actualité ou faire une interview formelle avec lui reste le plus grand défi des hommes de média. Journalistes togolais, réussissez à obtenir un mot du Président, vous trouverez la réponse à une grande énigme : Qu’y-a-t-il dans la tête de Faure Gnassingbé ?

Jeune journaliste que je suis, il est difficile – l’optimisme m’empêchant de dire impossible- de décrocher une interview du Président togolais, j’en suis convaincu. N’empêche, voici mon protocole d’interview au numéro 1 togolais, si je venais à le croiser…   Souffrez du style et de la qualité des questions, le style est moins journalistique que blog!

  • Monsieur le Président, qu’avez-vous dans votre tête ?

Si aux États-Unis, en France ou même au Bénin voisin, les sorties du Président ne sont pas de grands évènements et si les ambitions présidentielles sont partagées, au Togo, tous ces pré-cités restent mystère. Le président Faure ne communique pas, si ce n’est sur des médias étrangers.  Au Togo, ses sorties sont ponctuelles et il n’y en a que deux dans une année entière. Pas de sorties improvisées. Qu’à le président de si cher et secret dans sa tête pour ne pas communiquer ?

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  • Monsieur le Président, quand les acteurs politiques, la société civile, les institutions internationales et votre peuple à 85%, parlent de réformes institutionnelles et constitutionnelles, qu’est-ce que cela vous inspire?

La question des réformes est celle qui fait l’actualité nationale.  Depuis, si les médias n’ont cessé de se plaire au jeu de mot autour du terme caducité -terme utilisé par l’ancien ministre Maganawe pour qualifier l’Accord Politique Global de 2006 qui préconisait les réformes-,  le Président ne s’est pas encore montré engagé pour lesdites réformes, qui verront sûrement le bout de son règne, si ce n’est sur un média international.

  • Permettez l’audace de la question monsieur le Président : vous est-il une fois venu à l’idée de devenir un ancien Président ?

Tout semble dire le contraire, raison de plus pour se demander ce qu’il y a dans la tête du Chef de l’Etat. Les réformes politiques, seules conditions pour ouvrir la voie d’une alternance politique -en apparence bien entendu- ne sont pas en odeur de sainteté avec le parti du Président. Tout garantit encore au moins deux mandats au Président, hormis celui qui est en exercice : c’est sûrement le dessein de la Ve République qui se prépare secrètement.

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  • Que pensez-vous des médias nationaux ?

Peut-être qu’en général, le Président togolais n’aime pas les produits nationaux. Mais cela devient plus fragrant quand la victime de ce manque d’intérêt est bien le quatrième pouvoir. Le problème des médias ? C’est que la liberté de presse n’est pas encore totalement acquise et l’organisation de Reporters Sans Frontière, dans leur récent classement des pays en la matière, n’offre pas une bonne place au Togo. Et pour ne rien arranger, l’aide de l’Etat à la Presse, qui n’était déjà pas digne de ce nom, a dorénavant une nature mitigée.

  • De vous aux Togolais, quelle est la première caractéristique d’une Démocratie ?

Est-ce la liberté des individus, la limitation du mandat présidentiel, la séparation des pouvoirs, ou les élections « libres et transparentes » ?

Dans chacun des cas, aucune de ces conditions n’est vraiment de mise au Togo, aucune de ces conditions n’est vraiment respectée, difficile de parler d’une démocratie au sens propre du terme.

 


Quand le Scrabble est togolais

Si les disciplines sportives au Togo souffrent d’hémiplégie, le scrabble lui est sûrement le bras droit victime. Il représente pourtant la pierre  utile à l’éducation des citoyens. Le constat est tout à fait saumâtre : être scrabbleur togolais, c’est être conscient que cette discipline participe à sa propre formation, c’est aussi s’y appliquer et n’attendre rien d’autre de personne.

Le scrabble a beau être une activité de réflexion, d’habileté et de décision, privilège des sagaces, échappant subtilement à ceux qui le sont moins, il n’esquive pas la règle générale qui régit les disciplines sportives au Togo : naître en agonie, grandir en agonie et peut-être y demeurer jusqu’à la mort. Cette agonie se caractérise par un manque manifeste et cruel de visibilité, à cause d’une insuffisance de financements, voire une inexistence. C’est surement rêver que d’estimer le scrabble sauf et indemne. Il est confiné aux derniers rangs. Sans mentir, les adeptes togolais du pessimisme l’annonce déjà mort. En réalité, si la fédération nationale du scrabble peut recenser en son sein tous les problèmes d’une petite discipline, il faut tout d’abord retenir que le scrabble togolais a sa propre légende. Cette légende date de 1994, avec la naissance  de la fédération, et elle est surtout marquée par la révérence de quelques scrabbleurs togolais, férus des lettres, avec les jetons dans le sang. C’était la période de scrabbles de rue, où le jeu se faisait dans les écoles, les universités et surtout à la cité de l’OTP. Dans cette première vie, la petite fédération togolaise était reconnue par la grande fédération internationale et participait, à la fin de chaque saison, à une compétition mondiale. Mais entre-temps, c’était la période sabbatique. C’est le 15 mars 2014, à l’issu d’un congrès électif, que la fédération met en place un bureau nationalement reconnu, avec à sa tête M. Aubin-Carlos EDORH. Le 23  mars 2016, à Lomé, le Togo organise et accueille le premier championnat d’Afrique de Scrabble. Il dure 4 jours et réunit une dizaine de pays africains francophones, chacun ayant une délégation d’au moins 10 joueurs. A Lomé, les événements se sont bien déroulés. Tout était sur de bons rails, en apparence bien-sûr.

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« Nous avons demandé qu’on nous conçoive un site web, il manque de l’argent pour finaliser »

La fatalité qui s’érige en loi sacro-sainte au sein du sport togolais, c’est le manque de financement. Cela prend parfois des allures inquiétantes, et affecte le fonctionnement de ce sport. « Nous avons demandé qu’on nous conçoive un site web, il manque de l’argent pour finaliser ». Les ambitions du (désormais) duo de membres du bureau sont salutaires : créer une plateforme sur laquelle diffuser les jeux en live et, en marge de cela, héberger des spots publicitaires. Si le chef d’œuvre de l’architecte new-yorkais Alfred Mosher Butts était de prime abord un jeu de famille, il a un tort : il est un jeu de concentration, qui ne se vit que dans un climat de calme, parfois flegmatique. Cela ennuie les supporters et écarte de facto les sponsors. Des sponsors, le scrabble togolais n’en a que quelques unités. Leur francophonie est évidemment justifiée.

« Dans quel bureau cotiser? « 

Embêtant et parfois rébarbatif, le manque de financement de la fédération a atteint, a priori, son paroxysme. Partant, le bureau exécutif a enregistré beaucoup de démissions. « S’il faut sortir aujourd’hui 5.000, demain 10.000 et après-demain 15.000, c’est juste fatiguant. Et ils disent à la fin de chaque réunion : dans quel bureau il faut cotiser ? » regrette le secrétaire général de cette fédération, M. Emmanuel Adjiwonou. Au sein du bureau exécutif, la témérité a deux noms : celui d’Aubin Carlos Edorh et d’Emmanuel Adjiwonou. La fédération et toutes les cotisations et dettes qu’elle traîne avec elle leur revient un peu comme de droit. On dirait que la nature les a pourvus d’un don pas des moindres : être en même temps au four et au moulin. C’est l’enfant que ce couple a vu naître, qu’il a conçu et qu’il est en quelque sorte obligé de protéger et de garantir la destinée et la prospérité. Ils sont tous deux téméraires. En même temps, la fédération n’a pas de siège. S’ils sont dans les tractations pour  en avoir, c’est en tout cas la maison du président qui fait office de siège. Fort heureusement, dans une moindre mesure,  le bureau ne compte plus que deux membres actifs.

« On a dû leur dire que les enveloppes font office de crédits qu’ils auront au championnat du monde »

Le scrabble est entre le marteau et l’enclume. L’année passée, le Togo a participé au championnat du monde en Belgique, avec un seul joueur et un arbitre, grâce à l’enveloppe d’un sponsor. Cette année, le premier championnat africain ayant connu un brillant succès fait grand honneur à la FTSF (Fédération Togolaise de Scrabble Francophone). A quelques jours de la fin de la compétition, le bureau a procédé à des négociations pour déposer la carte grise d’une voiture afin de laisser les hôtes terminer leurs séjours. Pas d’omerta ! Il resterait encore actuellement une dette de 5 millions FCFA que la fédération doit à deux hôtels. Dette pour laquelle ils sont constamment « menacés ». Même les récompenses à la fin de cette compétition, pourtant importantes, ont été négociées : « On a dû leur dire que les enveloppes font office de crédits qu’ils auront au championnat du monde », déclare le secrétaire général avant d’avouer avec un sourire amusé, « c’était pour éviter la honte. » La réponse de l’Etat à l’aide demandée pour l’organisation de ce championnat n’a pas été favorable. Le soutien n’a été qu’administratif.

Le Scrabble
Le Scrabble

La mélancolique situation d’extrême dénuement de cette fédération ne tardera pas à lui être inéluctable. « L’Etat ne nous donne aucun sou ». Le financement repose sur les membres du bureau et les membres de la fédération.  10.000 FCFA  pour les clubs et 2.000 FCFA pour les joueurs. Ces cotisations qui ne sont guère régulières non plus. Le reste, c’est le bureau. Pour une compétition de scrabble, il faut un local, de la logistique, des arbitres. Le calendrier établi en début de saison est  souvent modifié, par manque de moyens.

La règle du « je »

En dépit de tout, à la FTSF, une affaire inquiète. La hiérarchie donne du fil à retordre. Le problème est relatif au premier championnat africain de scrabble sus-cité. Il est question d’un financement demandé, à la fois à la Direction des loisirs, émanant bien-sûr du ministère de la Communication, de la Culture, des Sports et des Formations Civiques et à la présidence de la République. Il est, à cet effet, reproché à la jeune fédération, de passer outre l’incontournable loi de la hiérarchie. Le secrétaire de fédération doit adresser une lettre d’excuse au ministre, et le sort de sa fédération en dépendra. Le Togo n’est pas pour autant mal représenté à l’international en la matière. Peut-être le scrabble l’est mieux par rapport aux autres disciplines sportives. Colley Jean-Pierre est 1er de la compétition de la francophonie de cette année, arrimée à une compétition internationale où il est 21e mondial des moins de 18 ans. Autrement, dans cette catégorie, le Togo est 21e mondial. En parallèle, il y a beaucoup d’autres espoirs, des jeunes de 10 ans encadrés dans des écoles. La fédération en compte une trentaine. Comme une Formule 1 assemblée avec de meilleures pièces afin de délivrer la meilleure puissance théorique, le scrabble a tout de même besoin de passionnés de ce jeu, des encadreurs, arbitres… et bien entendu, du financement. Exister n’est plus  autre chose que ce diable qui hante le sommeil des membres du bureau. Et si au Togo, les sports qui exigent une musculation physique sont mieux considérés que ceux demandant une musculation mentale, c’est peut-être parce que les têtes bien pleines ont élu domicile ici. Tant pis pour le scrabble et ses soi-disant têtes bien faites.


Les mille et un pasteurs escrocs

Eglise. Crédit: blogchrétien.org
Eglise. Crédit: blogchrétien.org

Le boom des églises nouvelles tape à l’œil. En Afrique, surtout au Togo, autant le chômage importune la population, autant des idées ingénieuses -mais devenues moins originales- d’entrepreneuriat éclosent. Des demandeurs d’emploi de jadis deviennent presto des hommes de Dieu, des pasteurs et des patrons. De la « révélation » en un premier temps, on arrive à l’escroquerie pour la fin des temps : entre ces deux principes de gouvernance pastorale d’aujourd’hui, les nouveaux saints s’offrent un destin que les médias participent à forger.

Il y a au Togo et en Afrique, ces entreprises, des startups en réalité, qui ont juré ne travailler qu’avec une seule matière première, aussi intarissable que gratuit, toujours opérationnelle : l’esprit saint. L’apocalypse l’a déjà prédit. A la fin des temps, les faux prophètes devraient faire apparition et pousser comme des champignons. Le constat, c’est qu’en réalité ils sont comme du « miel non pur » qu’on s’applique à trouver dans les boutiques. Cela existe en réalité, sinon il n’existe que ça, mais on ne présente que le contraire.  Ces mitoyens se veulent mieux que ça.  Des zozos chefs d’entreprises, de vrais potentats derrière les rideaux en réalité, qui maîtrisent l’art de la démagogie et ânonnent à longueur d’un culte, des versets qui n’incitent qu’à se dépouiller au dépens de « Dieu ». L’existence duquel Dieu devient un secret jalousement gardé par ceux-ci, et dont l’intermédiaire ne peut être assuré que par eux. L’autre constat, c’est qu’ils s’érigent dans la plus part des cas, en véritables mercenaires impérialistes, des protecteurs de valeurs chrétiennes et qui ne vivent que de cet art. L’ennui avec ces « puissamment oints », ce qu’on croit souvent blasphémer en parlant d’eux, mais en réalité, on ne fait que les peindre. Quitte à s’approprier parfois, souvent au bout d’un rébus, des titres honoris causas tels : Diacre, Prophète, Révérend.  Et comme il est de la nature même du  serpent de ne manœuvrer qu’en rampant, il est aussi dans leur nature de ne manipuler qu’en prêchant. Encore trop loin de l’auto flagellation, ces « hommes de Dieu » sont également organisateurs des parties d’escroqueries, avec pour avantage, le don du marketing dans l’ADN.

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Missi Dominici

Dans la première vie, « ils sont souvent là, errant et se plaignant du chômage et de la pauvreté » ironise un sexagénaire vivant à Agoè (nord de Lomé), qui a vu naître autour de lui, 6 églises différentes en moins de 10 ans. Par après, de vrais copurchics, bien huppés en 4*4 et s’offrant une vie de haut standing, un bling-bling que tout autre, même des multinationales,  peuvent leur convoiter. Vivant à la sueur des fronts des fidèles, secret de Polichinelle, ces hommes de Dieu sont souvent connus pour n’avoir ni fait de longues études, encore moins touché la théologie du doigt. Pourtant, ils inspirent  confiance de par leur capacité à ne guérir et faire trembler qu’avec leurs mains.  Business de pointe, beaux flatteurs, ils ne vivent bien évidemment qu’aux dépens de ceux qui les écoutent. En général, des femmes. Une cible bien choisie. Vulnérable dans ce sens, qui obéit plus facilement. Quelques fois, leur charisme leur vient de leur humeur, le plus souvent énergique et agitée voire surexcitée. La langue anglaise quant à elle, leur devient un passage obligé a moins de n’être prophète que chez soi. Apte à jeter des sorts, sur  tout ‘mauvais esprit’ au constat d’un moindre acte de lèse-pasteur. On ne parle pas d’eux, faute d’avoir le cran ou de matières probantes. Le plus paradoxal, diagnostique un autre qui se veut athée, c’est qu’ils sont prêts à prier pour la richesse des fidèles afin qu’ils cotisent par après plutôt que de le faire à même pour l’église.

Crédit: Afrimag
Crédit: Afrimag

Quatre à cinq cotisations en moyenne, ayant chacune, un nom, une mission, semble-t-il. Dîmes –qui deviennent des engagements hebdomadaires-, don aux pauvres, construction d’un temple digne du « Seigneur », cotisation pour l’évangélisation via les médias…

En 2011, le conflit entre les frères dirigeants d’une même entreprise a fait écho à Tsévié (ville située à une quarantaine de km de Lomé). Selon les témoignages d’Edwige, une jeune fille qui n’a pas encore perdu ce réflexe de se targuer d’être les premiers à louer ce nouveau dieu, le conflit était lié aux cotisations. En réalité, un homme beaucoup plus perspicace reconnait-elle, avait relevé le problème de moult cotisations qu’ils font lors d’un seul culte de dimanche. Quatre à cinq cotisations en moyenne, ayant chacune, un nom, une mission, semble-t-il. Dîmes –qui deviennent des engagements hebdomadaires-, don aux pauvres, construction d’un temple digne du « Seigneur », cotisation pour l’évangélisation via les médias… Un système purement mercantile, qui n’échappe pas au contrôle du jeune sage. C’est alors quand il dénonce un culte à Mammon, que les problèmes sont survenus, allant des clashes entre les deux parties antagonistes jusqu’à la division à la tête de ce startup familial.

L’art des marketeurs

Le verbe est leur premier atout. Le mode impératif n’en est pour rien. L’urbanisation qui fait montre d’un caractère disparate de la cible idéale, cette population à majorité femmes opulentes, exige de ces marketeurs, un préalable de casting. Objectif : les localiser ; c’est le premier jour dans leur genèse. « Ça part de la construction d’une baraque, remplie de bancs, puis on cherche les outils indispensables : haut-parleurs, des instruments musicaux et hop, c’est lancé ». Les cultes sont souvent organisés chaque jour. De lundi à dimanche. Groupe de prières, armée de midi, culte de dimanche…, tout pour occuper toute une semaine avec pour chaque fois, des appels de fonds.

Mais diantre pourquoi ces mortels s’appauvrissent-ils au dépens d’un autre ?

Quand on remonte au livre sacré qu’est la Bible sur la référence duquel ce business fonde ses divins principes, les soubassements sont assez vagues, mais l’esprit lucide et averti des uns les rendent facile à interpréter : « Un homme comblé est plein de bénédiction mais celui qui hâte de s’enrichir ne reste pas impuni », trouve-t-on dans les lignes du livre des Proverbes 28, au verset 20. La méditation fréquente, sinon quotidienne d’une telle citation parfois dressée au verso des enveloppes remis aux fidèles pour les quêtes donne souvent de la chair de poule aux  profanes, et les non-initiés aux règles du jeu. Pour qui la seule hantise est la vie de l’au-delà comme promise à ceux qui obéissent docilement aux principes célestes, ce verset, comme beaucoup d’autres plus poignants, sonne comme le glas d’une éternité sans précédente. « Tu ne te présenteras pas devant ton Dieu les mains vides » Exode 23, 15  ou encore « celui qui aime l’argent n’est pas rassasié par l’argent, et celui qui aime les richesses n’en profite pas. C’est encore là une vanité » Ecclésiaste 5, 10.  « Le Seigneur n’a-t-il pas dit à Zachée que s’il veut être sauvé au dernier jour, qu’il donne tous ses biens au pauvres ? » se défendent-ils bien souvent, en jouant pour la même circonstance comme les one-man-show, le même rôle.

Au même moment, ils ne se contentent pas que des cotisations lors des cultes. L’appétence fort peu modérée de ces nouveaux saints exige d’eux, d’autres mécanismes de revenus connexes. C’est ainsi qu’on voit à Lomé, des audiences de pasteurs payantes, 5000 FCFA la visite. De même la vente de certains ustensiles utiles pour se protéger et combattre Satan : des ciseaux et lames pour déchiqueter la peau cet esprit malveillant, après bien entendu l’avoir ligoté  avec des ficelles, qui, elles-aussi, ne coûtent pas rien. Des scènes souvent drôles, à l’image des fictions de Louis Funès. Si ce n’est cela, ce sont des excursions organisées sur le pays des merveilles, des cités ointes, des voyages bénis sans lesquels tout autre effort pour l’accession au paradis reste vain, jurent-ils.

Fétichisme d’un Dieu moderne

« Frères croyants, ‘Ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et les perditions’, 1 Timothée 6,9 » est ainsi gravé en lettres d’or, sur un tableau à l’autel d’une église. Si le christianisme se veut une religion monothéiste, force est de constater aujourd’hui une perdition des valeurs judéo-chrétiennes. Le Dieu n’a qu’un nom, évidement, mais plusieurs faces. « Au début, ils gèrent seuls leurs choses, et c’est après la  bénédiction de Dieu sur leurs femmes qu’elles intègrent aussi le groupe restreint de patrons pour devenir ‘mère des femmes de l’église’ », témoigne Alexandre.

Relais des impérialistes, ces pasteurs s’approprient les « tacts » que le roi Belge Léopold 2 recommandait à ses missionnaires. Évangéliser certes, mais alimenter les poches de la métropole aussi, de même qu’ « interpréter l’évangile de la façon qui serve le mieux l’intérêt » des pasteurs, de telle sorte qu’à dire « Heureux les pauvres car le royaume des cieux leur appartient » ; ou « il est plus difficile à un riche d’entrer au ciel qu’à un chameau de passer par le trou d’une aiguille ». A l’art du marketing qu’ils improvisent parfois ou domptent carrément, s’ajoute ainsi celui de la psychologie.

Ces pasteurs ne gardent pas les frics avec eux à la maison

Quand Alexandre les côtoie, il a appris à les connaitre. Il en témoigne : «  Ils sont très riches. Au début, la plus part d’entre eux venaient ici sur zed (Taxi moto). Il a suffi quelques années pour qu’ils aient de jolis Toyota. Ces pasteurs ne gardent pas les frics avec eux à la maison. Pour une raison que je ne maitrise pas, ils gardent très rarement leurs bénéfices à la banque aussi. Peut-être par peur qu’un fidèle travaillant là-bas le découvre ? Possible. Mais ce que je sais, c’est qu’ils préfèrent convertir l’argent en biens, surtout  l’immobilier : ils s’achètent des maisons, des terrains, des hôtels… De grands propriétaires terriens, ils détestent quand-même la banque ». C’est peut-être pour échapper à des scandales comme,… le Panama Paper’s.


Le cyclisme togolais n est pas en forme !

Vouloir devenir un cycliste professionnel au Togo, c’est comme se jeter du haut d’un toit sans réellement percevoir la destination. C’est être ambitieux, et peut-être c’est mourir de passion pour cette activité. Pourtant, partout ailleurs, les maillots jaunes ne sont rares. Entre disparition et laissé-pour-compte, le cyclisme togolais lance un cri de sauve-qui-peut.

Ce constat ne souffre d’aucune ambigüité : l’histoire du cyclisme togolais, c’est cette histoire-là dont on conte bien le début, mais la fin manque d’enjeux. Une histoire qui a pris forme depuis 1962, fait de haut et de bas, mais dont le haut est moins perceptible que le bas. Le haut, ce sont ces pages écrites par d’infatigables coureurs comme Anani Koffi, Morera Komi ou encore Rodriguez Amavi. Et ce n’est pas le président de la Fédération Togolaise du Cyclisme, le très franc Monsieur Anani  Assiongbon qui dira le contraire. Le dernier tour cycliste du Togo illustre à perfection la situation: Vainqueurs au début, loosers à la fin.

Le tour cycliste international organisé depuis 1989 à l’endroit des amateurs de ce sport augurait pourtant quelque chose de bon. L’objectif était de révéler les nouveaux talents togolais, peut-être parce que les très énergiques Tokè Sémékonawo, Koevi Mensah ou encore de Pascal Lossa, tous détenteurs des maillots jaunes aux jeux de la CEDEAO en 1975 à Lagos, ne pouvaient plus mieux s’offrir pour le drapeau togolais. En même temps, on peut reprocher à Diégo Agbéfou, ou aux frères Dossouvi  ou encore à Egué Attivi de n’être prophète que chez eux. Mais dans les années 2000, ils avaient lors de cette épreuve gardé le monopole du maillot jaune. N’eût été l’écoulement du temps et la négligence d’une discipline sportive pourtant en vogue au-delà des tropiques, le Togo serait actuellement bien vu sur le podium.

image du logo du 25e tour du Togo

Un laissé-pour-compte

Même le siège de la fédération tutelle de ce sport a quelque chose de spécial. C’est n’est pas ce bâtiment qui git là, à Cocody, avec une architecture classique qui loge leur fédération du cyclisme. Ou plus proche, c’est n’est pas cette grande villa non loin du grand stade de Kégué, avec une grande cour au milieu de laquelle trône un épervier posé sur un ballon de football. Le siège de la fédération du cyclisme lui, n’a pas de réputation. Un bâtiment un peu vieux, fort peu modeste, quelque part caché au stade omnisport, n’ayant pas d’enseigne et profitant de l’ombre de l’hôtel Radisson Blue 2 février. Comme pour dire, le cyclisme n’existera pas au Togo.

Au Togo, c’est à l’approche d’une compétition qu’on connait les cyclistes. Ils ne sont pas formés au siège. Quelques clubs, 10 au total à Lomé, Kpalimé et ailleurs, assurent la formation des jeunes. Il y a encore quelques temps, les anciennes gloires togolaises voulaient apporter de l’aide à leurs jeunes frères. Mais ça n’a pas marché. Les jeunes se disent que tout est à eux, explique le secrétaire de la fédération, monsieur Émile Olympio. En effet, la fédération nationale de cyclisme et les pratiquants de ce sport sont victimes de ce qu’on peut appeler de l’injustice ou de la discrimination. Les fans du sport-roi togolais en sont conscients bien-sûr, mais parlent plutôt d’une discrimination positive au bénéfice du football. Cette discrimination, elle vient du fait que les dernières aides de l’Etat togolais datent de quelques années. Elles sont sporadiques. «  Cette année, l’Etat va nous accorder cinq millions », un peu comme le 1/5 du salaire mensuel du nouveau sélectionneur de l’équipe nationale togolaise de football. Alors qu’en marge de cela, le vélo professionnel offert par l’Ambassade de France pour le dernier tour cycliste a coûté un peu plus de 3 millions F CFA. Une chose qui ralenti les travaux, « mais nous n’avons pas le choix » regrette Emile Olympio. Une fédération qui se nourrit des miettes amassées, après l’organisation du tour cycliste togolais dont le français Francis Ducreux se veut garant. Ou parfois des aides du comité olympique du cyclisme.

Si d’une part, les jeunes cyclistes sont fort peu enclins à se soumettre à leurs supérieurs, c’est qu’au préalable, ces jeunes ne bénéficient d’aucune aide de la part de la fédération. Ces quelques 18 cyclistes togolais qui ont actuellement une licence, ne vivent pas de ce métier. Ils ne sont pas nourrit par la fédération. De même, leurs matériels leurs appartiennent. Ils s’enregistrent eux même auprès des clubs où ils s’occupent de leurs formations et des frais que cela peut engendrer. Les seules choses qu’ils bénéficient de la fédération, ce sont les primes de sélection pour les compétitions, ou encore à la veille desdites compétition, la fédération aident les jeunes sélectionnés avec « quelques pièces détachées » pour ceux qui ont besoin. « Nous sommes dans l’amateurisme encore. » reconnait le secrétaire. Pris isolément, la fédération n’a pas de matériels à proposer. Elle n’a pas un vélo.

Sauve-qui-peut                 

« Autrefois, les coureurs étaient dociles. Entretemps, les pays voisins nous craignaient. Mais maintenant, nous sommes arrivés à un niveau zéro ». Ce niveau zéro est marqué par l’organisation du tour cycliste qui revient onéreuse à une fédération, actuellement en quête de repères. L’organisation d’un tour cycliste revient à plus de 40 millions de F CFA. Parfois, il arrive même qu’aux derniers moments, les choses soient modifiées. Un peu comme de la broderie, faite dans l’intention de trouver à chaque participant, de quoi ne pas rentrer les poches vides.  Le cyclisme est un peu mal vu au Togo. C’est en réalité beaucoup de choses qui échappent à ce public hilare que les cyclistes dépassent dans leurs épreuves. Un manque de soutient alarmant. Chaque fois, le secrétaire avoue déposer des demandes de sponsoring qui restent toujours sans suite. N’eût été l’amour-passion d’un enseignant cycliste français du nom d’Henry Ducreux, à l’endroit de cette épreuve sportive, devenu par le temps promoteur du cyclisme togolais, cette histoire aurait déjà écrit sa dernière page. Puisqu’en fait, c’est lui qui cherche chaque fois à la veille de la compétition, du financement.

Le tour cycliste du Bénin et de RDC sont pour bientôt. Une délégation de six cyclistes et trois accompagnateurs togolais y prendront part. Au Togo, « le cyclisme, il faut en être passionné, pour le faire puisque déjà le matériel est coûteux. » Mais le haut de cette histoire c’est aussi, un futur imminent, que marqueront probablement les noms comme Akanga Raouf, Mensah Walter, Abino Amen, tous jeunes de moins de 18 ans. Eux, ce sont les protégés de la fédération, leurs espoirs. Ils ont déjà été envoyés en Egypte pour renforcer leurs niveaux. « Abino Amen lui, fait des courses avec les séniors et arrivent parfois à les battre » comme pour espérer un Alberto Contador Togolais. Mais, cette histoire reste celle d’un enfant qui n’a biologiquement de père que de nom, obligé de faire parfois son chemin en mode solitaire : pas de chemin tracé, un orphelin puisque le bienfaiteur Ducreux n’est pas Togolais.

Innocent AZILAN