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Interview Birame Dah Abeid, président d’IRA : «L’expulsion des deux françaises est une sottise d’Etat »

Sur sa tournée en Europe et aux USA, sur les projets à venir d’IRA, sur les départs qui ont saigné son mouvement, mais aussi sur le référendum constitutionnel, sur la grève récente des chauffeurs de taxis et sur l’affaire des deux françaises expulsées de Mauritanie, sur toutes ces questions, le président du mouvement abolitionniste, Birame Dah Abeid, revient en détail.

Birame Dah Abeid

Question : vous avez effectué un long périple dans plusieurs pays européens ainsi qu’aux Etats-Unis, pouvez-vous nous livrer le bilan de cette tournée ?
Réponse : le bilan de ma tournée en Europe et aux Etats-Unis est très visible, d’abord au niveau du pouvoir mauritanien qui a été troublé par mon retour, qui s’est passé d’une manière pacifique et légale, avec toutes les démarches dignes d’une personne qui privilégie la compétition au niveau des idées et des stratégies. Le régime accuse ainsi le coup devant l’impact, la cohésion et l’élargissement d’IRA Mauritanie.
Le régime de Mohamed Abdel Aziz est frappé par les dernières victoires d’IRA suites à ma sortie de prison le 17 mai 2016, qui s’est transformée en plébiscite au niveau national et international, valant à notre combat de très nombreux soutiens.
Aujourd’hui, le régime est affaibli sur le plan diplomatique par tout ce qui a matérialisé notre supériorité dans le concert des Nations comme distinctions et reconnaissances de haut niveau.
Les tentatives du pouvoir de reprendre main en essayant de mettre des embûches devant notre connexion avec le peuple mauritanien très mobilisé en notre faveur les 15 et 16 janvier 2015 à Rosso et à Nouakchott, mais aussi aujourd’hui, le 7 mai 2017 à Gouraye et dans le Guidimagha, resteront vaines. En se débattant, le pouvoir a imprimé beaucoup plus de publicité et d’impact à mon passage et celui des militants dans la région, déployant des forces militaires, administratives et politiques, remettant en selle les armées d’aboyeurs et de laudateurs du système coopté parmi l’élite et les cadres des populations locales chosifiés et méprisés par un pouvoir monocolore et afrophobe réfractaire à toute égalité entre races et à toute culture des droits de l’homme ou de démocratie. Tout ce déploiement sécuritaire est à la hauteur de la foce d’IRA Mauritanie et de la panique mais aussi de ce cafouillage qu’elle inspire aux tenants du système.

Question : beaucoup de personnes trouvent que vous avez changé de discours ces derniers temps, et que vous êtes devenus plus conciliants. Est-ce qu’IRA est en train de changer de stratégie de combat ?
Réponse
 : le mouvement IRA reste sur la même lancée, mais je pense que les priorités changent au gré des circonstances. Durant les premières années de son combat, IRA était obligé de répondre aux violentes attaques des laudateurs politiques et aux autres corporations sociales comme les érudits, à certains pseudo journalistes ou écrivains. Ces premières années ont permis à IRA de gagner la sympathie de larges cercles qui étaient dressés auparavant contre le mouvement et son président. Ce changement s’est matérialisé par la main tendue des autorités et des autres pans du système. C’est pourquoi l’urgence n’est plus aujourd’hui à la polémique et aux ripostes acerbes et aux coups sévères qu’IRA assénait dans le tas ici et là. Aujourd’hui, IRA est moins esseulé, plus soutenu, plus serein et plus magnanime. Conséquence de cet état de fait, le fond de nos idées reste le même. Bien sûr, nous n’avons jamais épousé la violence.

Question : le mouvement IRA a été saigné par plusieurs départs, dont d’importants cadres qui y occupaient les premières places dans la hiérarchie. Cela ne vous a pas trop affaibli ?
Réponse
 : non, pas du tout. Nous sommes habitués à perdre quelques personnes fraîchement sorties de prison. Ces départs n’ont aucun rapport avec le fonctionnement d’IRA ni avec sa ligne de combat. Ces départs ont un rapport direct avec les effets de la prison, de ses difficultés, de l’idée épouvantable d’y rester ou d’y retourner, du souci personnel et tout à fait humain de se protéger et de se soustraire des dangers inhérents à la lutte qui requiert un sacrifice à toute épreuve.
Bien sûr, dans son obligation de rendre compte des motifs de sa transhumance ou de sa métamorphose, chaque personne selon son élévation morale et son état d’esprit, va servir sa propre cuisine. Mais c’est à l’opinion d’apprécier la saveur du plat qui lui est servi. En tout cas, le mouvement IRA est en très bonne santé.

Question ; on entend de moins en moins parler des prisonniers d’IRA restés encore dans la prison de Bir Moghreïn. Vous les avez oubliés ?
Réponse
 : pas du tout. IRA est loin d’oublier ses martyrs, Moussa Birame et Abdallah Maatalla Saleck. Les militants continuent à les soutenir malgré les brimades et les répressions policières. Le mouvement continue les campagnes et les missions nationale et internationales en leur faveur, à publier des communiqués de condamnation en faveur de ces prisonniers de conscience et d’opinion. IRA continue à jouer son rôle par rapport aux prisonniers et leurs familles tout en gardant des contacts réguliers avec eux et leurs avocats.

Question : que pensez-vous du référendum constitutionnel prévu dans trois mois ?
Réponse
 : le référendum constitutionnel envisagé marque la mauvaise foi d’un pouvoir qui se complait à prolonger le martyr du peuple mauritanien maintenu sous le joug d’un système désastreux et ignorant. C’est avec beaucoup de maladresse que le général Mohamed Ould Abdel Aziz envisage de contourner la Constitution et toutes les lois du pays qu’il ne cesse d’enfreindre afin de reproduire son pouvoir à travers une marionnette qu’il compte placer sur le fauteuil présidentiel et rempiler par la suite. Je trouve dans cet état d’esprit une mégalomanie poussée, une ignorance marquée de la chose publique et surtout un souci de s’absoudre des dérives, des malversations et délit dont il se sait coupable. Ce référendum est un véritable problème pour la Mauritanie. C’est pourquoi, il ne passera pas, ni aux yeux de la communauté nationale, ni aux yeux de la communauté internationale. Il ne fait qu’accentuer l’illégitimité du pouvoir en place.
Question : à la suite de la grève des taxis où beaucoup de dérives ont été relevées, certaines à caractère raciste et sectaires, on a entendu le ministre de l’Intérieur indexer des organisations radicales et racistes. Vous êtes-vous sentis visés ?
Réponse
 : j’ai entendu les propos du Ministre de l’Intérieur et d’autres proférés par de prétendus dirigeants d’organisation Made In Renseignements Généraux qui ont répété à tort et à travers que la grève et les violences survenues à la suite de la crise des transports est une fabrication d’organisations harratines militantes et que ces évènements sont une manifestation d’un racisme harratine destructeur. Je pense que ces propos se démentissent d’eux-mêmes. Pourquoi les organisations indexées n’ont pas été inquiétées et traduites en justice pour répondre de leur arrogance et de leurs actes ? Et pourquoi les individus arrêtés dans le cadre de ces évènements n’ont pas été inculpés d’incitation à la haine raciale ? Ceci pour simplement dire, que le Ministre de l’Intérieur et ses indicateurs membres de la société civile ne sont en fin de compte que des farfelus qui ont versé dans la propagande classique, celle inhérente aux régimes aux abois et à leurs acolytes habitués à réagir ainsi dans de pareilles circonstances.

Question : quels sont les projets à venir du mouvement IRA ?
Réponse
 : les perspectives du mouvement IRA sont d’abord, le rôle que le mouvement doit continuer à jouer, c’est-à-dire celui d’une lame de fond contre le pouvoir en place dont il cherchera à empoisonner l’existence de manière pacifique, légale et dans la loyauté des principes qui fondent la République. L’objectif est d’écourter la vie de ce pouvoir pour l’amener vers sa fin par différentes méthodes originelles et militantes, par des coups d’éclat dans les limites permises par les lois en vigueur, de manière à frapper très fort les esprit, par l’excellence et l’élégance de notre approche et démarche diplomatique, afin de proposer à sa place, une face fréquentable de nos idées à nos concitoyens et à nos partenaires.
IRA s’attèlera à jour un rôle de leader dans le rassemblement d’un très large front démocratique et populaire visant à préparer une transition démocratique et la chute du pouvoir d’une manière pacifique et légale.
IRA est toujours dans l’optique d’organiser un grand congrès qui sera l’objet de débats, ce qui requiert une solide préparation matérielle, environnementale et dans les délais que nous jugeons difficile à tenir à cause du contexte sécuritaire actuel.

Question : quels commentaires faites-vous par rapport à l’affaire des deux françaises expulsées récemment par les autorités mauritaniennes ?
Réponse
 : les deux françaises, Marie Foray et Tiphaine de Gosse ne sont pas à leur premier séjour en Mauritanie dans le cadre de leurs recherches universitaires et journalistiques commandées par deux grandes institutions de prestige mondialement connues, l’Université des droits de l’homme d’Aix-en-Provence et Amnesty International.
Je pense que l’attitude des autorités mauritaniennes relève de la sottise. C’est un manque notoire de discernement qu’un haut responsable militaire accepte de dire que ces deux institutions, avec tout ce qu’elles représentent, s’investissent dans le renseignement et autres manigances au profit d’une organisation comme IRA. J’aurais appris que les deux jeunes françaises ont été tolérées durant leur premier séjour qui a duré plus d’un mois grâce à l’influence d’un civil et d’un policier qui leur faisaient les yeux doux. J’aurais aussi appris, cette fois de sources sûres et concordantes, que l’Etat mauritanien, représenté par le Directeur général de la Sûreté Nationale, les a déclarées persona no grata parce que les deux filles ont pu faire de très bonnes recherches aux sources, sur l’esclavage et ses pratiques, sa persistance et le rôle de l’Etat dans ce cadre, ainsi que l’impunité accordée aux auteurs de ce crime contre l’humanité, selon la Constitution mauritanienne.
Je pense que les recherches menées par ces deux françaises passionnées de leur métier, équilibrées dans leur démarche, a créé la différence par rapport à d’autres travaux menés dans le même domaine.
L’excellence de leurs recherches et de leurs conclusions crédibles et exploitables menacent les intérêts de groupes dominants esclavagistes qui fondent leur mode de vie sur l’exploitation des personnes dont ils tirent des profits illicites et exorbitants.

Propos recueillis par : Cheikh Aïdara

 


Section UPF-Mauritanie : Jean-Kouchner hôte de la «Terre des Hommes»

M.Jean-Kouchner, Secrétaire général de l’Union de la Presse Francophone (UPF) a été l’hôte de la Mauritanie, même si sa visite s’est circonscrite à Nouakchott. Du 28 avril au 2 mai 2017, il a eu l’occasion de rencontrer des hommes et des femmes de ce pays, de visiter plusieurs centres d’intérêt de ce territoire (même s’il n’en a foulé au pied qu’une petite parcelle), et qui a fasciné tant d’explorateurs,  d’écrivains et de journalistes de divers horizons, et que Saint-Exupéry avait baptisé, il y a un peu moins d’un siècle, «Terre des Hommes ».

Jean Kouchner Mariya Traoré Kane Hadya (directeur du Musée)

La section mauritanienne de l’UPF, l’une des plus jeunes sections créée en août 2016, a réservé un accueil chaleureux au Secrétaire général de l’UPF International, M.Jean-Kouchner, consultant, professeur associé à l’Université de Montpellier, homme de radio et ancien directeur du Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ). Secrétaire général de l’UPF depuis 2012, il a été reconduit dans ses fonctions en 2016.

Lors de sa courte visite, au cours de laquelle, il a été chaperonné par la présidente de la section locale, Mariya Ladji Traoré, l’hôte de la Mauritanie a visité plusieurs lieux d’intérêt, la plage de Nouakchott et  le Musée National, mais aussi plusieurs institutions de presse, telles Radio Mauritanie, la télévision publique Al Mouritaniya, la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuelle (HAPA), l’Agence mauritanienne d’information (AMI). Il a été reçu par les responsables de ces différentes institutions publiques, mais aussi par ceux du ministère des Relations avec le Parlement et la Société Civile qui assure la tutelle de la presse. M.Jean-Kouchner  a eu des tête-à-tête avec plusieurs acteurs de la presse autour d’un dîner ou d’un thé, dont le Doyen du Syndicat des journalistes de Mauritanie (SJM), des directeurs de publication, des journalistes de la presse indépendante et les membres du bureau exécutif de la section UPF-Mauritanie. Il s’est aussi entretenu avec l’ambassadeur de France et visité la Fédération mauritanienne de football.

Une partie de l’assistance

Le 2 mai, M.Jean-Kouchner était l’invité d’honneur du dîner-débat organisé par la section mauritanienne de l’UPF, dans le sillage de la célébration de la journée internationale de la presse, fêtée le lendemain. Au cours de cette soirée, les invités ont débattu de deux thèmes majeurs que certains ont même trouvés complémentaires : «quel avenir pour la presse francophone en Mauritanie ? » et «quel rôle pour les médias dans le maintien de la paix et de la sécurité au Sahel ? »

Un débat riche qui a permis aux participants de nourrir la réflexion,  en soulevant toutes les entraves qui obstruent l’horizon de la presse francophone en Mauritanie, pour ne pas dire toute la presse du pays, eu égard au recul du français dans le système d’enseignement, à la baisse de niveau des élèves dans les deux filières arabe et français, aux problèmes d’accès aux sources traditionnelles de financement de la presse, entre autres.

Une partie de l’assistance

Reprenant un témoignage livré quasi unanimement par tous les hôtes de la Mauritanie, M.Jean-Kouchner a retenu la sympathie du peuple mauritanien, son ouverture d’esprit et sa tolérance, entretenant encore la flamme allumée par les Saint-Exupéry, les Mermoz, les Odette du Puigaudeau, les Pierre Bonte…Bref, tous ceux, depuis des générations, que le désert mauritanien a envoûté et qui sont tombés amoureux de son ciel, de son désert, de ses oueds, de ses hommes…


Grève des transports : Nouakchott paralysée

Nouakchott est paralysée depuis lundi 1er mai 2017, date d’entrée en vigueur de la nouvelle règlementation sur le Code de la Route, par une grève généralisée des chauffeurs de taxi. Fumées noirâtres de pneus brûlés et odeurs âcres des grenades de la police donnent à la ville l’élan d’une cité fantôme.

Pneus brûlés près du Virage 18 Dar Naïm

A hauteur du Virage 18 de Dar Naïm, d’énormes volutes de fumées noirâtres obscurcissent le ciel. Ce qui attira des dizaines de curieux, dont de nombreux élèves de l’école privée Al Ghazali mais aussi des collégiens. Armés de gourdins et de barres de fer, des jeunes au visage recouvert par des foulards font la loi. Ils viennent de brûler plusieurs pneus, barrant toute la chaussée et obligeant les automobilistes à emprunter des voies latérales.

Les taximen qui violent le mot d’ordre de grève, sont immobilisés, les passagers débarqués. Certains se voient tabasser, si leurs vitres ne sont fracassées. Peur au ventre, beaucoup de taxis passent. Vides. Malgré la foule coincée, qui attend depuis des heures, un moyen de se rendre en centre-ville ou au marché.

«Aucun véhicule de transport ne travaillera aujourd’hui » tonna un gros adolescent, torse nu, bras noueux, un gourdin à la main.

«Non au nouveau Code de la Route  ! Non à l’écrasement du peuple ! » vociféra juste à côté de lui, un autre adolescent, les côtes saillants et le visage ruisselant de sueur.

Debout devant  l’épicerie Abdallahi, des groupes discutent. «Il fallait introduire les améliorations dictées par le code de la route progressivement. Mais non ! Paf ! On veut obliger les voitures taxis dont 90% sont des carcasses à se transformer par une baguette magique en rutilances » commenta un homme, boubou blanc et visage disparaissant sous un Hawli noir.

«C’est vrai, acquiesça un quinquagénaire. Cette mesure frappe exclusivement les pauvres qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts ».

Un homme en costume noir de banquier, mallette à la main, s’essuya le visage, puis lança «tout ça, pour renflouer les caisses de l’Etat. Il paraît que le Ministre des Finances, Ould Diay, (baptisé Ministre de la Faim), se frotte déjà les mains, car selon lui, l’application du nouveau code devra renflouer le Trésor public de 10 milliards d’UM !»

Indigné, un homme à l’allure d’un commerçant siffla entre les dents «quel cynisme ! Les citoyens souffrent déjà le martyr, tannés par un excès d’impôts et de taxes ! Nous n’avions pas besoin de tout ça ! » fit-il remarquer en balayant la main sur la foule excitée qui continuait à brûler les pneus.

La fumée surplombe le quartier à Dar Naïm

Brusquement, deux Pick-Up de la Police surgirent du néant. La foule se dispersa dans un vol de moineaux. Arrivés sur place, les agents harnachés comme des extraterrestres, gilet anti-balles au corps et casques vissés sur la tête se mirent à pourchasser les groupes de jeunes, au milieu du fracas assourdissant des grenades lacrymogènes dont l’odeur âcre se mêla à celle plus fétide des pneus en flamme. Deux récalcitrants furent embarqués. Après quelques minutes, les deux Pick-Up se détachèrent de la voie pour se rendre en toute précipitation vers une autre tension signalée un peu plus loin, vers le Virage Badou.

Pendant toute la journée, des heurts un peu partout, dans les neuf départements de Nouakchott. Les incidents les plus violents sont signalés au Carrefour Madrid.

Si certains trouvent normal de mettre un peu d’ordre dans la circulation routière, se basant sur les chiffres effrayants des accidents de la route qui ont causé plusieurs centaines de morts, rient qu’au cours des dernières années, beaucoup trouvent que les mesures draconiennes prises interviennent dans un contexte difficile pour le commun des Mauritanien. Le bras-de fer risque cependant de pénaliser les citoyens qui n’ont plus de moyens de déplacement, d’autant que les deux camps semblent être intransigeants dans leur position.

Intervenant dans une émission télévisée, le Ministre de l’Équipement et des Transports a déclaré que le gouvernement ne reviendra pas sur l’application de la nouvelle loi, alors que les transporteurs sont déterminés à maintenir leur mot d’ordre de grève jusqu’au retrait du nouveau code.


Sortie 46ème promotion d’élèves-gendarmes : la Promo Feu Veyah Ould Maayouf

Ils étaient 211 élèves-gendarmes à célébrer leur sortie vendredi 28 avril 2017 à Rosso après plus d’une année d’intenses formations. Avaient assisté à la cérémonie, le ministre de la Défense Nationale, le Chef d’Etat-major de la gendarmerie nationale, les autorités administratives, plusieurs hauts gradés des forces armées et de sécurité, des attachés militaires d’ambassades amis et un grand public.

Le ministre de la Défense (costume sombre) en compagnie du gouverneur de Rosso (costume bleu) et le Chef d’Etat-major de la Gendarmerie

L’Ecole de gendarmerie de Rosso (Ecogend) s’est parée de panaches pour accueillir, le vendredi 28 avril 2017, la cérémonie de sortie de la 46ème promotion d’élèves-gendarmes, baptisée «Promotion Feu colonel Veyah Ould Maayouf», «un officier supérieur qui a servi loyalement son pays et qui devra servir d’exemples d’abnégation, de droiture et de patriotisme, pour les futurs gendarmes que vous êtes déjà » dira le ministre de la Défense Nationale, Diallo Mamadou Bathia, s’adressant lors de son discours aux sortants.
Auparavant, il avait assisté, en compagnie du Chef d’Etat-major de la gendarmerie nationale, le général Soultane Ould Mohamed Souad, à la levée des couleurs, avant de passer en revue les troupes et serrer la main des officiers de l’armée et des forces de sécurité venus assister à la cérémonie.

élèves-gendarmes en démonstration (armes)

Prenant la parole, devant l’estrade officielle dressée à l’occasion, le directeur de l’Ecogend, le colonel Bouh Ould Soueidi, a rendu un hommage appuyé au Président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, chef suprême des forces armées pour l’intérêt qu’il accorde à l’armée et à la formation de ses hommes, mettant en exergue le rôle que la gendarmerie a toujours joué en termes de valeurs, courage, abnégation et goût du sacrifice dans ses programmes de formation. Il a insisté sur le caractère particulier de cette promotion qui a bénéficié selon lui d’une formation spécifique, axée sur l’intellect avec l’introduction des nouvelles technologies et des filières de spécialités, mais aussi sur le physique grâce à des exercices militaires et sportives intensifiées, et enfin, une formation morale qui a doté les 211 nouveaux sortants du sens du respect, de l’intransigeance et de la bravoure à toute épreuve.

une partie de la tribune officielle

Le Ministre de la Défense Nationale parlera de la gendarmerie comme «le bastion d’un corps qui occupe une place de choix au sein des forces armées». S’adressant aux élèves, il dira qu’ils sont les héritiers d’une très longue tradition, les exhortant à brandir très haut le drapeau national dans le sillage de ce que la gendarmerie a toujours fait.
La cérémonie a été émaillée de plusieurs volets, dont la biographie du parrain de la promotion, Feu le colonel Veyah Ould Maayouf, la transmission du drapeau entre la 46ème promotion sortante et la 47ème promotion qui doit encore continuer sa formation, les récompenses aux trois premiers de la promotion et à trois de leurs encadreurs.
Sur le plan des démonstrations, les élèves ont montré leur dextérité dans plusieurs domaines, le démontage-remontage d’armes, le contrôle routier, la gestion des accidents de la circulation, l’intervention armée, la protection des VIP, le maintien d’ordre et les arts martiaux, sous la direction d’Ely Cheikh Hanana, président de l’association de Quick Boxing et Muay-thaï.
La cérémonie s’est terminée par un somptueux défilé sur l’avenue bordant l’Ecogend pour le plus grand plaisir des habitants de Rosso qui se sont massés pour applaudir et pousser des you-you devant les pas cadencés des jeunes sortants accompagnés par la fanfare militaire.


18ème AG de l’Ecole du Développement local (ECODEV) : confiance renouvelée des partenaires

ECODEV a organisé mercredi 12 avril dernier sa 18ème Assemblée générale. L’occasion pour le staff de l’ONG de présenter le bilan 2016 et étaler sa nouvelle stratégie jusqu’en 2020 avec une confiance renouvelée de ses partenaires et de nouvelles contractualisations.

table officielle Sidi Ould Khalifou à côté du directeur des collectivités et une membre du CA

Face aux membres de son Conseil d’Administration et en présence du directeur des collectivités territoriales et de la décentralisation auprès du Ministère de l’Intérieur, le président de l’ONG ECODEV, Sidi Ould Khalifou a dévoilé la nouvelle stratégie 2016-2020 signée entre son organisation et ses partenaires. Cette stratégie s’articule, selon lui, autour de trois principaux axes : la jeunesse, les changements climatiques et l’appui à l’éducation primaire sur financement de la Banque Mondiale et en collaboration avec le Ministère de l’Education Nationale ainsi que la Fédération des parents d’élèves.

Il a évoqué certains défis qui se posent à son organisation, notamment des problèmes de diversification des financements, évoquant l’intention de l’ECODEV de se tourner vers des fonds nationaux, notamment auprès du privé ainsi que l’émergence de nouveaux partenaires en particulier dans le domaine minier. Il a également exprimé le besoin de diversifier la langue de travail de l’organisation, jusqu’ici axée sur le Français, pour s’ouvrir sur l’Arabe comme langue maîtrisée par l’écrasante majorité des jeunes Mauritaniens, mais aussi sur l’Anglais.

Une partie de l’assistance

Ouvrant les travaux de l’atelier, le Directeur des Collectivités locales a salué le sérieux et la crédibilité d’une ONG qui fait partie des rares qui organise chaque année une assemblée générale avec présentation de fiches techniques sur les réalisations et un bilan financier. «Nous avons beaucoup travaillé avec ECODEV, nous avons assuré le suivi-évaluation des projets que nous lui avons toujours confié avec à chaque fois une note de satisfaction » a-t-il témoigné.
Par la suite, les participants ont suivi une projection de 9 minutes sur les projets menés par l’ONG en 2016 et le budget total de cette période qui s’élève à 472.781.745 UM dont un peu plus de 56 Millions pour le fonctionnement. Ces projets ont porté sur les énergies renouvelables, le renforcement des capacités, les activités de production, les règlements de conflits et l’environnement, entre autres. L’ONG a travaillé notamment dans les régions de l’Assaba, du Gorgol, des deux Hodhs et du Trarza, avec plus d’une centaine d’organisations communautaires de base financées dans ces Wilayas.

Bah Ould Boucheiba cadre à Ecodev modérateur de la séance

Par la suite, les membres du conseil d’administration se sont réunis en huis clos pour discuter du budget 2017 et procéder à l’élection des nouveaux membres, avant de conclure par des recommandations et orientations.
Il faut noter que la cérémonie avait été administrée avec brio par Bah Ould Boucheiba, membre du staff dirigeant.

 


Gestion de l’aide d’urgence et de l’aide au développement en Mauritanie: la société civile lève le voile

L’ONG ASPOM et l’ONG ADIG, membres de la Coordination de la société civile, avaient adressé le 15 février dernier une lettre au Président de la République pour attirer son attention sur la gestion catastrophique de l’aide d’urgence et de l’aide au développement, laquelle gestion montre à quel point les prérogatives régaliennes du gouvernement mauritanien ont été déléguées à l’assistance technique internationale.

L’ONG ASPOM et l’ONG ADIG avaient lancé une large réflexion sur la gestion de l’aide d’urgence et de l’aide au développement entre 2012 et 2016 en Mauritanie. Le constat s’avère affligeant. D’où une note synthétique que les deux organisations avaient adressée au Président de la République en date du 15 février 2017. Il s’agissait d’attirer l’attention des autorités, compte tenu du rôle de gardien du Temple qui est dévolu à la société civile, sur l’accaparement total de l’aide humanitaire d’urgence et de l’aide publique au développement par les institutions et organisations internationales, mettant à nu la démission des départements ministériels par rapport à leur pouvoir régalien et à l’affaiblissement de l’Etat. Trois cas sont donnés en exemple, ceux du RIMRAP, du PRAPS et du PRODEFI. Ces projets ont été totalement cédés à l’assistance technique internationale. Même le Secrétariat de ces projets lui est entièrement confié.
En intégralité la note synthétique que les ONG ASPOM et ADIG avaient établi.

  1. Contexte mauritanien

Les besoins humanitaires en Mauritanie demeurent une grande préoccupation. Ils continueront d’entraîner des exigences considérables en termes d’appui, pour le gouvernement et pour ses partenaires. L’insécurité alimentaire perdure, affectant les agriculteurs, les éleveurs, et les cueilleurs…La malnutrition persiste également, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain.

Le cycle de ces chocs récurrents nécessite donc une approche holistique qui puisse intégrer la réponse humanitaire d’urgence avec les initiatives de développement sur le moyen et sur le long terme, et permettre d’esquisser un tableau de bord exhaustif sur les besoins aigus et urgents, mais aussi sur les causes profondes de ces chocs exogènes et endogènes.

D’où la nécessité d’établir des liens interactionnels entre l’Humanitaire et le Développement, d’autant plus qu’en Mauritanie, la pauvreté extrême, la persistance de la sécheresse, la croissance rapide de la population, les changements climatiques, l’exode des populations et la crise de la migration concourent gravement à compromettre les moyens d’existence  des populations.

  1. Aide d’urgence

Depuis les années de sécheresse, l’aide d’urgence est devenue récurrente comme les crises et mérite tout au moins quelques commentaires.

 

 

Tab 1. Evolution de l’aide d’urgence (en millions de dollars)                                                 

    20122013       201420152016TOTAL
90 101 929110 969 99484 143 31860 048 98934 429 466379.693.696

source: OCHA

Lorsque l’on jette un coup d’œil sur ce tableau retraçant l’aide acquise de 2012 à 2016 (source : OCHA), la Mauritanie a reçu 379.693.696 dollars U.S d’aide d’urgence humanitaire, soit 132.892.793.600 ouguiyas (plus de 132 milliards ouguiyas). Cette aide indirecte est passée par deux types de partenaires : les partenaires bilatéraux, notamment les agences du Système des Nations Unies et les ONG internationales. Un tel montant aurait pu alléger les souffrances des populations vulnérables de la Mauritanie, infléchir les courbes ascendantes de la malnutrition et de l’insécurité alimentaire, améliorer la santé de la mère et de l’enfant, ainsi que les conditions de vie des réfugiés maliens… De tout cela, il n’en fut rien.  Le fait qu’en quatre ans, le pays n’ait en aucune façon progressé dans la voie de la sécurité alimentaire ou de la nutrition, pour ne citer que ces deux urgences,  a quelque chose de décourageant et d’inquiétant. On rappellera que malgré l’aide mobilisée, tous les résultats ont été minces, voire nuls et aucun infléchissement vraiment significatif des tendances n’a encore été enregistré.

Les raisons tiennent au fait que les fonds d’aide d’urgence  ont été investis sans lien synergique avec les structures étatiques (Présidence, Primature, Commissariat aux Droits de l’Homme, Plan EMEL…), peu impliquées dans la gestion de l’aide humanitaire.

  1. Aide publique au développement

Depuis 2012, l’aide publique au développement en Mauritanie est restée une affaire d’organisations du Système des Nations Unies ou des ONG internationales. La situation d’urgence sur les plans de la sécurité alimentaire et de la nutrition a relégué au second rang  l’aide au développement.

Tous les projets de développement négociés ces derniers temps n’ont abouti qu’à un seul impératif, le besoin exprimé par l’Etat mauritanien de se décharger sur l’assistance technique internationale. Sur ce plan, il est amer de constater que l’ensemble des projets sont gérés par délégation du gouvernement mauritanien au profit d’organisations internationales. A titre d’exemple, le Projet Régional d’Appui au Pastoralisme au Sahel (PRAPS), porté par la Banque Mondiale, le Projet de Développement de Filières Inclusives (PRODEFI) porté par le Fonds international de développement agricole (FIDA), le Programme Renforcement Institutionnel en Mauritanie vers la Résilience Agro-Pastorale (RIMRAP) porté par l’Union Européenne, pour ne citer que ceux-là. Tous ces projets seront exécutés, sur demande de l’Etat mauritanien, par des ONG internationales. Or, il est bien connu, on ne délègue pas ce qu’on ne maîtrise pas.

Pourtant, l’utilisation des fonds de développement doit être soumise à la volonté exclusive du gouvernement mauritanien, conformément aux principes de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide publique au développement (OCDE 2005). Cette déclaration est basée sur quatre (4) principes :

  • l’appropriation (les pays partenaires exercent une réelle maîtrise sur leurs politiques et stratégies de développement et assurent la coordination de l’action à l’appui du développement)
  • l’alignement (les donneurs font reposer l’ensemble de leur soutien sur les stratégies nationales de développement, les institutions et les procédures des pays partenaires)
  • l’harmonisation (les actions des donneurs sont mieux harmonisées et plus transparentes, et permettent une plus grande efficacité collective)
  • la responsabilité mutuelle (les donneurs et les pays partenaires sont responsables des résultats obtenus en matière de développement).

Nous sommes ainsi très effrayés par la démission du gouvernement, à travers la délégation de gestion de l’ensemble de ses projets vitaux au profit des organisations étrangères, mettant ainsi en cause la souveraineté nationale.

En guise d’illustration, on peut citer l’arrêté N° 854/MEF/ portant création du Comité de Pilotage du Programme Renforcement Institutionnel en Mauritanie vers la Résilience Agro-Pastorale (RIMRAP).

  1. Financement du RIMRAP

Trois secteurs principaux font l’objet du financement du RIMRAP, à savoir :

1) Sécurité Alimentaire et agriculture durable

2) Etat de droit

3) Santé

Le Tout, pour un montant global de 195 millions d’euros, réparti comme suit :

Tab 2. Secteurs de concentration

Secteur de concentration/MesuresMontant indicatif en

(million d’euros)

Pourcentage %

 

Sécurité Alimentaire et agriculture durable7840
Etat de droit5930
Santé4423
Autres mesures d’appui1407
Total195100

Source : RIMRAP

Dans le cadre du Plan Indicatif National, ce montant est affecté en grande partie aux deux secteurs vitaux du pays, à savoir, l’Agriculture et l’Elevage. Il n’échappe à personne que la création du Ministère de l’Elevage reflète l’engagement réel des pouvoirs publics pour ce secteur.

  1. Cadre institutionnel du RIMRAP

Le Comité de Pilotage du Programme Renforcement Institutionnel en Mauritanie vers la Résilience Agro-Pastorale (RIMRAP) a été créé par  l’arrêté N° 854/MEF du 8 février 2013. Cet Arrêté constitue  une preuve tangible de la fragilité avec laquelle on gère ou on confie la gestion de notre aide au développement. L’Etat qui était maitre d’ouvrage avant l’arrêté, sera réduit à un rôle de spectateur, simplement impliqué dans le suivi du Programme (Cf à Article 2 de l’Arrêté). Il n’a aucun autre droit au chapitre.

Le Comité de Pilotage, selon l’arrêté, est une instance d’orientation stratégique qui ne peut se tenir que si le quorum des 2/3 des membres est atteint. Il est régi par les principes de la gestion collective et de la recherche du consensus. En cas de désaccord, il prend ses décisions au vote (Cf Article 5). Ce paragraphe montre combien l’Etat a été dépouillé de ses prérogatives régaliennes, pour ne devenir qu’un simple badaud cherchant le quorum. Comment l’autorité de l’Etat peut-elle s’effacer de la sorte !

Cela devient encore plus grave quand on passe sous silence dans cet arrêté le rôle dévolu aux Walis des quatre régions concernées par le Programme RIMRAP, à savoir : l’Assaba, le Hodh El Charghi, le Hodh El Garbi et le Guidimakha. En fait, les Walis de ces régions n’ont aucun rôle dans ce projet. Ils ne sont même pas cités dans l’Arrêté.

Le financement de ce Programme est de 195 millions d’euros, soit 78 milliards d’ouguiyas. Pour un tel montant colossal, il urge de bien mettre en place un système efficace de gestion de l’aide publique au développement.

Le Gouvernement mauritanien, il faut le reconnaître, a déployé ces dernières années d’énormes investissements dans le secteur des infrastructures (routes, construction des aéroports, hôpitaux, écoles,  maisons des jeunes, équipements divers dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’hydraulique…) dépassant de loin les réalisations précédentes des cinquante dernières années, à compter seulement de 2009 ; des financements exclusivement tirés par le budget de l’Etat, ce qui pourrait être considéré comme une preuve quant à la rigueur dans la gestion des biens publics.

Cependant, l’arrêté du RIMRAP vient confirmer paradoxalement le manque de rigueur, voire la complaisance dans la gestion de l’aide d’urgence et l’aide publique au développement.

La situation du RIMRAP est la même que celle du PRAPS, du PRODEFI, des fonds de  changements climatique, des fonds fiduciaires, …Des milliards investis dans des projets devenus de riches prairies, sorte d’Eden, abandonnés aux institutions internationales n’ayant aucun lien avec les départements sectoriels responsables.

  1. Constats et recommandations

Il ressort de ce qui précède, un constat amer. Celui d’une véritable marginalisation,  voire d’une déresponsabilisation et d’une démission  du gouvernement mauritanien par rapport à l’aide humanitaire et à l’aide publique au développement. Or, il est communément admis que les politiques, les stratégies, la coordination des opérations de développement et humanitaire relèvent exclusivement des prérogatives et du domaine du gouvernement.

Pour les partenaires, le Gouvernement mauritanien n’accorde aucune importance à l’aide publique au développement, car ses politiques et ses stratégies de développement sont logées dans une petite direction du Ministère de l’Economies et des Finances, sans articulation aucune avec les centres de décision, contrairement aux autres pays de la sous-région qui rattachent leurs structures chargées des questions de développement au sein de la  Présidence ou de la  Primature, eu égard à leur apport et à la multisectorialité de leurs interventions. L’embarras dans tout cela est que les Partenaires Techniques et Financiers n’ont pas un organe central qui les coordonne (violant le principe d’harmonisation édicté par la Déclaration de Paris de 2005).
La SCAPP, en cours de validation, est portée par une direction sans aucune connexion avec les décideurs (Présidence, Primature). L’absence de ce cadre au niveau central affaiblit le rôle que pourrait jouer l’Etat. L’exemple le plus concret est le contenu de l’arrêté du Ministère de l’Economie et des Finances qui minimise le rôle de l’Etat, pour la simple raison qu’il n’a pas été un arrêté conjoint du Ministère de l’Economie et des Finances, des Ministères de l’Agriculture et de l’Elevage ou discuté à la Primature, impliquant ainsi les conseillers du Premier Ministre ou de la Présidence qui ont tous une grande capacité d’améliorer son contenu dans le sens d’un Etat fort.


Braquage de la BMCI : un rude coup pour la confiance bancaire en Mauritanie

Les Mauritaniens sont déjà frileux par rapport aux banques, d’où le faible taux de bancarisation et le fort taux de thésaurisation. Le braquage vendredi passé de la BMCI risque d’emporter le peu de confiance qui reste à la clientèle.

Attroupement devant l’agence dévalisée quelques minutes après

Jamais pays, autre que la Mauritanie, n’offre aussi facilement sa richesse sur un plateau d’argent au premier lascar de passage. L’image de clients sortant des banques les bras lestés de magots est devenue presque banale. Que dire des agences solitaires, jetées qui dans des rues étroites et obscures, qui dans des no man’s land, avec comme seuls outils de surveillance, de vieux gardiens souvent en somnolence ou de fantomatiques réseaux de surveillance obsolète, si ce n’est un personnel sans aucune connaissance des règles les plus élémentaires de la sécurité.

Le braquage vendredi dernier, en pleine journée, de l’agence de la BMCI (Banque mauritanienne pour le commerce et l’industrie) à Tevragh-Zeina, près des Galeries TATA, illustre parfaitement, cette insouciance toute mauritanienne des mesures de sécurité. Il a fallu pour les quatre assaillants peu d’efforts, pour débarquer puis repartir avec la bagatelle de 121 millions d’UM. En dix minutes. Devant l’agence complètement dégarnie dans sa façade extérieure, les assaillants ont ainsi pu débrancher tranquillement le groupe électrogène, faire sauter le courant électrique, rendre aveugle les caméras de surveillance, ligoter le seul agent de sécurité présent sur les lieux avant de braquer le reste du personnel avec des armes. La police n’a été informée de l’incident que plusieurs minutes après le départ des braqueurs.

Pour le moment, le professionnalisme de la police mauritanienne a permis de mettre la main sur les auteurs présumés du braquage moins de quarante-huit heures après les faits. La bande suspecte est dirigée par un multirécidiviste répondant au surnom de Govinda, libéré il y a juste six jours de prison.

Mais nos banques qui sont en réalité mal protégées en Mauritanie, ne doivent pas toujours compter sur la dextérité de la police, car un jour, ce genre de coup pourrait être mené par de véritables professionnels ! Il faut dire que dans le cas de la BMCI, les assaillants ont procédé exactement comme dans les films américains dans les règles de l’art hollywoodien. Une opération parfaitement chronométrée, bien étudiée. Certains évoquent déjà une éventuelle complicité interne, car pour connaître le nombre de caméras et le système de désactivation, il faudrait avoir eu beaucoup de renseignements.

L’affaire est prise trop au sérieux par le Ministère de l’Intérieur et les forces de sécurité, car rien pour le moment ne permet de dissocier l’acte de la BMCI à une opération terroriste en préparation, exactement comme cela s’était passé avec le fourgon du Port de Nouakchott il y a quelques années. Ce vol a été suivi quelques jours plus tard par la fameuse opération du Centre Emetteur.

Rien ne dit que pour le cas de la BMCI, les assaillants n’ont pas d’accointance avec une organisation terroriste, surtout qu’ils étaient masqués et détenaient des armes de guerre, kalachnikov, Mozzer, etc.

C’est pourquoi, plusieurs spécialistes des questions sécuritaires recommandent déjà au Ministère de l’Intérieur de s’impliquer davantage dans les dispositifs de sécurité des banques et de leurs agences. Jusque-là, cette question était laissée à la discrétion des banquiers qui, pour minimiser cet aspect, ne dépensaient pas trop pour protéger leurs institutions. Il faut dire que les assureurs doivent à présent se poser des questions sur les risques qu’une telle situation pourrait leur coûter.

Il faudrait que la Mauritanie s’imprègne des expériences des autres pays, comme le Maroc où le Ministère de l’Intérieur et l’association des banquiers avec la Banque centrale ont signé une convention définissant les moyens et mesures de sécurité minimales à mettre inévitablement en œuvre.

Toutes les agences bancaires situées dans les grandes villes doivent placer des systèmes d’alarme et de vidéosurveillance adaptés et installer des vigiles devant chaque portail d’agence. Toutes les banques devront se conformer à ce dispositif. Le choix des vigiles est aussi important. Ils ne doivent pas avoir moins de 24 ans. Physiquement, ils ne doivent pas être petits, minces ou porter des lunettes. Ils doivent jouir d’une bonne moralité, avec un casier judiciaire vierge  et bénéficier d’un bon salaire. De préférence, avoir déjà fait l’armée ou une force de sécurité avec un certificat de bonne conduite.

Hélas, la plupart des vigiles dans les banques en Mauritanie ne répondent pas à ces critères. Il s’agit en général de vieillards ayant dépassé l’âge de la retraite, chétif, à demie-aveugles, sans force physique, souvent sans matraque ni arme pour se défendre.

Mais en fait que doit-on s’attendre des vigiles, si l’on sait que comme dans tous les pays, ils n’ont pas droit aux armes. Ils ne peuvent même pas réagir en cas d’attaque, car les instructions qui régissent leur profession les leur interdit. En fait, voilà le message que l’on donne aux vigiles «faites tout ce que l’agresseur vous demande de faire. N’intervenez pas. Essayer seulement de prendre le maximum d’informations sur lui, dévisagez-le ». Oui, mais si le criminel porte une cagoule, comme dans le braquage de la BMCI ?

Chaque agence doit avoir un dispositif d’alarme branché sur le commissariat de police le plus proche, avec de bons caméras bien placés sur les points stratégiques.


De Mossoul à Kidal : l’inquiétude de Marcel De Souza face à l’arrivée des combattants de Daech dans la région ouest-africaine

Marcel De Souza, président de la Commission des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) était l’hôte de la Mauritanie, le samedi 1er avril 2017. A sa sortie d’audience avec le Président Mohamed Abdel Aziz, il a évoqué sa crainte de voir les combattants de l’Etat Islamique, pourchassés à Mossoul en Irak, se replier dans la région ouest-africaine, notamment dans le Nord Mali et en Libye.

Marcel de Souza (Photo arhives)

La visite de Marcel De Souza, président de la CEDEAO à Nouakchott et son entrevue avec le Président de la République, Mohamed Abdel Aziz, a donné lieu à des analyses diverses. Si certaines sources ont évoqué des sujets brûlants que les deux hommes ont abordés lors de l’audience, notamment la question gambienne et le retour de la Mauritanie dans la communauté ouest-africaine, d’autres se sont focalisés sur la lutte contre le terrorisme, d’autant plus que Marcel De Souza a évoqué lors de sa courte allocution, sa crainte de voir les combattants de l’Etat Islamique, pourchassés en Irak se replier dans le Nord Mali, ou en Libye.

Certains spécialistes des questions terroristes au Sahel estiment que ces appréhensions du président de la Commission de la CEDEAO prouvent son ignorance et celle de ses conseillers sur les questions sécuritaires dans la région oues-africaine et au Moyen-Orient, notamment les mécanismes de fonctionnement des groupes terroristes, leur mode de réflexion et la nature même des relations qui les lient, tout comme ils ignorent la situation qui prévaut dans le Nord Mali, en Irak et en Syrie.

Ces spécialistes considèrent que la ville de Mossoul en Irak est la capitale de l’Etat Islamique. Ceux qui y combattent ce sont ses leaders de premier rang et ses forces spéciales. S’ils perdent Mossoul, la Syrie leur offrira de vastes étendues de territoire où ils pourraient se replier avec un environnement qu’ils connaissent bien et avec lequel ils sont idéologiquement et socialement en symbiose.

A l’opposé, les groupes qui opèrent dans le Nord Mali sont rattachés à Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) et à Al Qaïda dans le Bilad de Khourassane (l’organisation mère). Des organisations qui ont toujours entretenu avec l’Etat Islamique des liens concurrentiels et de préséance sur le terrain du Djihad et de la conception de ce que devrait être «Eddar El Khilava » ou l’Etat islamique idéal.

Ainsi, même sur le plan purement idéologique, Aqmi et l’Etat Islamique ne se piffent pas, les premiers accusant les derniers d’être des «Khouwarij», littéralement «ceux qui ont quitté le bon sentier», alors que pour l’Etat Islamique, Aqmi est une nébuleuse de mécréants, les «Juifs du Jihad» ; ceux qui combattent dans le mauvais chemin d’Allah.

Les spécialistes reconnaissent tout de même l’existence d’une minorité de combattants dans le Nord Mali qui se réclament de l’Etat Islamique. C’est le groupe d’Abou El Walid Saharaoui plus connu sous le nom de «Groupe de l’Etat Islamique au Mali» et qui opère près de la frontière du Niger et celle du Burkina Faso. Ce groupe ne serait nullement présent dans la région de Kidal dans l’extrême Nord du Mali en plein territoire Azawadi.

D’où, selon les spécialistes des groupes terroristes, une ignorance complète de la donne sécuritaire de la part de De Souza, même dans ses propos sur la Libye comme point de chute éventuel des combattants de l’Etat Islamique en déroute à Mossoul.

Ainsi, si la Libye aurait pu dans le passé constituer un véritable havre de paix pour les combattants de l’Etat Islamique, la situation ne serait plus la même actuellement, car l’Etat Islamique en Libye aurait perdu son principal fief, la ville de Syrte où il a été chassé par les partisans du général Haftar, mais aussi la ville de Derna dans la partie orientale de la Libye où ses combattants ont été débusqués par les islamistes. Aujourd’hui, l’Etat Islamique a été démantelé et morcelé en de petits groupes éparpillés et instables. D’où l’impossibilité de voir les dirigeants de l’Etat Islamique à Mossoul ainsi que leurs combattants se rabattre en Libye où ils ne disposent d’aucun territoire conquis.

Il est aussi tout aussi incompréhensible,  selon les spécialistes, que De Souza et les forces de la CEDEAO au sein de la MISMA (Mission internationale de soutien au Mali) ignorent que les groupes terroristes n’opèrent pas seulement dans le Nord Mali, mais aussi dans ses régions Sud et Centre, les actions les plus sanglantes enregistrées ces dernières années couvrant les régions de Mopti, Ségou, jusqu’à Sikasso, Khayes et tout le Sud malien, pas seulement dans le Nord, à Menaka, Taoudenni ou Kidal. Cette fixation sur la ville de Kidal, parce qu’elle échappe au contrôle de l’administration malienne malgré la présence des forces françaises et celles de la CEDEAO ne serait pas, selon les spécialistes fortuites. Il s’agirait pour De Souza de particulariser Kidal comme point de fixation de tout le mal malien, sinon Mopti serait aussi une zone aussi dangereuse.


Référendum constitutionnel : adversaires et partisans ouvrent les hostilités

Alors que les supputations vont bon train sur la tenue programmée du référendum d’ici la fin de l’année, adversaires et partisans de la révision constitutionnelle se livrent déjà à de féroces luttes par déclarations interposées.

Le conseil des ministres dans sa dernière réunion hebdomadaire du jeudi 30 mars dernier a confirmé la décision du gouvernement de convoquer un référendum populaire autour des amendements constitutionnels rejetés par le Sénat. Si les partisans du pouvoir se mobilisent déjà pour gagner les suffrages des Mauritaniens en faveur du OUI, les forces opposées multiplient de leur côté leurs efforts pour faire avorter ce qu’ils considèrent être un énième «coup d’état institutionnel».

L’offensive des forces opposées

Après le Front national pour la démocratie et l’unité (FNDU) un regroupement de dix-sept partis politiques qui a déjà annoncé son intention de faire capoter le référendum populaire que le pouvoir cherche à imposer, trois anciens chefs d’Etat et quatre ex-Bâtonnier de l’Ordre national des avocats ont également signifié leur opposition totale à ce qui est considéré comme un «coup d’Etat contre la Constitution». Des accusations de haute trahison sont déjà portées contre le Président de la République.

Il faut dire que plusieurs fronts font aujourd’hui opposition, dont des parties jugées acquises à la majorité, notamment les membres du Sénat et la Cour constitutionnelle.

Le FNDU compte certainement faire bouger la rue dans les semaines à venir, par des contre-campagnes hostiles au référendum constitutionnel, voire même par une éventuelle désobéissance civile, à l’image de ce qui se passe actuellement en Amérique Latine, notamment au Vénézuela où le Chef de l’Etat Maduro est accusé de «rupture constitutionnelle» poussant la rue à une insurrection populaire. Même scénario au Paraguay, où des manifestants ont saccagé et brûlé le Parlement pour s’opposer à un amendement permettant au président d’être réélu en 2018.

Toutes les options semblent ainsi plausibles dans une Mauritanie où l’exacerbation semble avoir atteint son paroxysme avec une opposition de plus en plus aigrie par sa mise en quarantaine, une rue bouillonnante sous l’effet de la crise de survie, du chômage, des restrictions budgétaires, du marasme social et économique de plus en plus insupportable.

L’environnement politique serait d’autant plus favorable à l’explosion d’une rébellion politique même au sein de la majorité que le président Mohamed Abdel Aziz semble déjà appartenir au passé, eu égard à son mandat finissant. C’est ce qui expliquerait sans doute la fronde des sénateurs dont la plupart appartiennent à la majorité.
Ainsi, la commission de suivi du Sénat réuni jeudi dernier pour la première fois après son refus d’entériner les amendements constitutionnels aurait considéré le recours du Président de la République à l’article 38 pour compenser sa défaite devant la procédure parlementaire, comme anticonstitutionnelle.

Cette position est également celle de trois anciens chefs d’Etat, Mohamed Khouna Haidalla (1981-1984), Ely Ould Mohamed Vall (2005-2007) et Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi (2007-2008) qui ont chacun dans un communiqué fustigé l’entêtement du pouvoir à contourner la Constitution et le risque de dérapage qu’une telle attitude pourrait entraîner.

C’est dans ce cadre que quatre anciens bâtonniers de l’Ordre national des avocats, Me Diabira Maroufa, Me Yacoub Diallo, Me Mahfoudh Ould Bettah et Me Ahmed Salem Ould Bouhoubeiny ont publié une déclaration commune dans laquelle ils soulignent que la procédure initiale suivie par le Président de la République par rapport aux amendements constitutionnels, était la bonne, car conforme à l’article 99 de la Constitution. Chacune des deux chambres, l’Assemblée nationale et le Sénat, devaient séparément approuver le projet d’amendements à deux tiers de leurs membres avant qu’il ne soit proposé au référendum constitutionnel. Ils considèrent que le rejet du projet d’amendements par l’une des chambres, en l’occurrence le Sénat, le rendait définitivement caduc.
Les ex-bâtonniers se sont dits étonné de voir le Président de la République brandir l’article 38 de la Constitution, un article qui selon eux, aborde les conditions générales d’un référendum que les articles 99, 100 et 101 définissent dans ses procédures spécifiques. Selon le principe juridique bien connu «les règles spéciales dérogent aux règles générales », l’article 38 (règle générale) ne peut en aucun cas être utilisé en matière de révision constitutionnelle qui est du ressort des articles 99, 100 et 101 (règles spéciales).

Aujourd’hui, les yeux restent braqués sur la Cour constitutionnelle qui devra organiser et superviser le référendum constitutionnel. Beaucoup se demandent si cette Cour a son mot à dire ou non dans cette querelle autour de l’usage de l’article 38 par le Président de la République pour faire passer un texte rejeté par le Parlement.

 

La majorité prépare la campagne du OUI

Nonobstant le tollé soulevé par les adversaires de la révision constitutionnelle, la majorité favorable au Président Mohamed Abdel Aziz mobilise déjà ses forces pour la grande bataille du OUI. Le dernier Conseil des ministres vient de confirmer que le référendum populaire aura bel et bien lieu. Des constitutionnalistes consultés auraient affirmé la possibilité pour le Président de la République de contourner les articles du Chapitre 11 de la Constitution relative aux procédures de révision constitutionnelle. Ils lui ont ainsi brandi l’article 38 qui lui permet de consulter le peuple sur toute question d’intérêt national.

Ainsi, la majorité présidentielle compte lancer une vaste campagne d’adhésion populaire autour des points de la constitution dont la révision est réclamée, et cela bien avant les délais permis par la loi, à savoir quinze jours avant le vote. Or, jusqu’à présent aucune date n’est encore retenue pour la tenue du référendum.

C’est le ministre porte-parole du gouvernement qui a lui-même annoncé le lancement de la campagne, lors de sa sortie le jeudi 30 mars dernier en marge du Conseil des ministres.

Déjà les initiatives pour le OUI essaiment comme des sauterelles. Une occasion saisonnière inespérée car ces campagnes favorables aux positions du pouvoir sont l’occasion  de largesses démesurées. Ainsi, le référendum constitue une opportunité à ne pas rater pour les individus et pour les groupes qui pourraient ainsi à la faveur des mobilisations populaires, se refaire une nouvelle santé financière.


Référendum constitutionnel : le gouvernement persiste et signe

Le pouvoir a décidé malgré toutes les déclarations hostiles aux amendements constitutionnels, dont celle de trois anciens chefs d’Etat, d’aller vers le référendum populaire. Le gouvernement vient de le confirmer lors de sa réunion hebdomadaire par le biais du communiqué final pris en conseil des ministres.

Réuni ce jeudi 30 mars 2017, le conseil des ministres a adopté deux projets de loi relatifs à la révision constitutionnelle qui sera proposée à un référendum populaire dont la date n’est pas encore fixée officiellement.
Le premier projet de loi constitutionnel qui sera soumis au référendum porte sur la révision de certains articles de la Constitution du 20 juillet 1991, conformément aux résultats issus du dialogue politique tenus du 29 septembre au 20 octobre 2016 et auquel une partie très importante de l’opposition n’avait pas pris part.

Selon les motifs avancés, ces amendements visent à améliorer les performances des institutions de la République et mettre en place un nouveau cadre de représentativité populaire par le biais de la création de conseils régionaux capable d’améliorer la planification pour un développement intégré des régions.
Il s’agira dans ce cadre de la suppression de plusieurs institutions, tels le Sénat, le Haut Conseil Islamique, la Haute cour de la Fatwa, la Haute Cour de Justice, le Conseil économique et social, entre autres.

Le deuxième projet porte sur la révision de l’article 8 de la Constitution, conformément aux résultats du dialogue politique précité. Il s’agit, selon la lecture des motifs, d’améliorer le drapeau national pour y adjoindre un souffle patriotique. Ce sont les deux fameuses bandes rouges sensées représentées le sang versé par les martyrs tombés durant la résistance à la pénétration coloniale.

Par l’adoption de ces deux projets de loi, le pouvoir signe et persiste dans sa détermination à aller vers un référendum populaire controversé alors que la scène politique connaît de profondes dissensions.
Trois anciens chefs d’Etat, Mohamed Khouna Haïdalla (1981-1984), Ely Ould Mohamed Vall (2005-2007) et Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi (2007-2008) viennent chacun dans un communiqué de condamner l’entêtement d’un régime qui selon eux «est en train de conduire le pays vers des lendemains incertains ». A ces voix, viennent s’ajouter d’autres lancées par l’opposition radicale réunie sous le Forum national pour le développement et l’unité (FNDU), une partie non négligeable de la société civile et de personnalités indépendantes. Tous s’élèvent contre ce qu’ils appellent «un coup d’état constitutionnel », allusion à l’usage par le pouvoir de l’article 38 de la Constitution après le refus du Parlement d’entériner les amendements constitutionnels qu’il voulait faire passer par la seule procédure valable, celle dictée par l’article 99 de la Constitution.

La confrontation sur le terrain politique pourrait s’exacerber par ce coup de force par lequel le pouvoir de Mohamed Abdel Aziz compte imposer ses amendements.

Le FNDU a prévu une grande campagne pour faire échouer le référendum, alors que d’autres parlent déjà d’éventuelles risquent qu’une démarche initiative du régime pourrait entraîner.

Certains observateurs croient que de la confrontation qui s’annonce, dépendra en grande partie les enjeux prévus en 2019. Que Mohamed Abdel Aziz réussisse à imposer sa 3ème République, les Mauritaniens devront ainsi s’attendre à une alternance au pouvoir qui sera largement biaisée, par un maintien en l’état d’un système politique qui tient le pays en otage depuis 1978.

Que l’opposition parvienne à déjouer ce plan savamment ourdi, elle pourra espérer enfin obtenir la véritable alternance politique que le peuple mauritanien attend depuis plus de quatre décennies.


Hommage de Moussa Ould Khaïry, président du FC Tevragh-Zeina, à El Hadj Raouraoua : un grand ami de la Mauritanie tire à demi, sa révérence

Véritable figure sportive du continent africain, Mohamed El Hadj Raouraoua qui a conduit la fédération algérienne de football  (FAF) de 2001 à 2005, puis de 2009 à 2013, a passé la main à Kheiredine Zetchi le 20 mars 2017. Il vient également de perdre son siège au sein de la Confédération africaine de football (CAF), à 70 ans, au profit du Marocain Fouzi Lekjaa.

Mohamed Raouraoua

Mais Mohamed El Hadj Raouraoua ne quitte pas cependant le monde du football, car il préside depuis 2014 l’Union des associations de football arabe après la démission de Nawaf Ben Fayçal et préside également l’Union nord-africaine de football.Malgré les attaques et les coups féroces qu’El Hadj Raouraoua n’a cessé d’encaisser tout au long de sa riche et foisonnante carrière, c’est pourtant grâce à lui que l’Algérie retrouvera la coupe d’Afrique 2010 en Angola et aussi la coupe du monde 2010 en Afrique du Sud.

Il reste malgré tout une icône du football mondial. Quelqu’un disait de lui il y a quelques années, «Mohamed Raouraoua, cet homme longiligne, à la soixantaine bien frappée, très connu dans la sphère du football mondial, mais pas seulement…est un produit du peuple qui s’est forgé à la force du poignet ».

Ancien directeur de la télévision nationale algérienne, ancien directeur de l’ANEP, il s’est distingué dans le monde culturel comme un homme de contacts.

Avec le milieu footballistique, les débuts seront cependant pleins de déception, déjà dès 1980. Ce qui l’amènera d’ailleurs à s’éloigner d’un monde plein de rumeurs et de coups bas.

Son retour par la grande porte dans le monde du football, à la tête de la fédération algérienne en 2001 marquera une véritable saga qui fait aujourd’hui d’El Hadj Raouraoua, l’emblématique concepteur du renouveau footballistique en Algérie.

C’est cet homme, véritable ami de la Mauritanie, que je tiens aujourd’hui à honorer. Mohamed Raouraoua a en effet beaucoup aidé le football mauritanien, la fédération mais aussi certains clubs, dont le FC Tevragh-Zeina que je dirige. Il a aidé aux soins de plusieurs de ses joueurs, a défendu partout au niveau du football mondial comme du football africain, les causes de la Mauritanie.

Je ne dirais pas adieu l’artiste, mais au revoir, car nos chemins ne cesseront de se croiser.

Moussa Khaïry
Président de FC Tevragh-Zeina
Vice-Président de la Fédération Mauritanienne de Football
Président de la Ligue Régionale de Nouakchott-Ouest


Crise constitutionnelle en Mauritanie : dans la douleur, la majorité recolle ses morceaux brisés

L’urgence pour le Président Mohamed Abdel Aziz réside dans la réconciliation au sein de sa majorité, affaiblie par des rivalités jugées stériles entre les trois piliers de son régime, le président de l’UPR, Sidi Mohamed Ould Maham, le Premier ministre Yahya Ould Hademine et son prédécesseur Moulaye Mohamed Laghdaf, Ministre conseiller à la Présidence de la République. La rencontre entre ces trois hommes il y a quelques jours serait ainsi les prémisses d’une trêve jugée suffisante pour mettre fin à une inimitié qui serait à l’origine de la grande fissure au sein de la majorité et partant de la fronde des Sénateurs.


Le président Mohamed Abdel Aziz aurait donné des instructions à Sidi Mohamed Ould Maham, président de  l’Union Pour la République (UPR) pour recoller les morceaux brisés du parti-état après le coup de semonce que lui a portés ses sénateurs. Cette opération chirurgicale a été précédée par un replâtrage entre le Premier Ministre Yahya Ould Hademine et son prédécesseur Moulaye Mohamed Laghdaf, en présence de Sidi Mohamed Ould Maham, président du parti-état, des hommes dont les rivalités auraient installé la division et la zizanie au sein du parti-Etat et sa majorité.

Ces premiers soins d’urgence, le président Mohamed Abdel Aziz  vient de les appliquer dès sa sortie de la conférence de presse qu’il a animée le mercredi 22 mars dernier. Histoire de préparer  dans trois mois, un référendum constitutionnel qu’aucune fausse note interne ne viendrait perturber. Dans l’entendement de Mohamed Abdel Aziz, le refus d’une vingtaine de sénateurs de sa propre majorité, à entériner le projet d’amendements constitutionnels qu’il comptait faire passer comme lettre à la poste par le Parlement, ne peut s’expliquer que par les tiraillements internes nés de la rivalité politique entre les deux poids lourds du Hodh Oriental, Ould Hademine et Ould Mohamed Laghdaf.
Cette impasse dans laquelle les Sénateurs frondeurs ont placé le pouvoir est telle qu’elle oblige le président à emprunter des contournements très controversés pour un référendum populaire qu’il compte convoquer en vertu de l’article 38 de la Constitution.

C’est pour se préparer à cette échéance, malgré les cris de tollé de l’opposition dite radicale, que le président Mohamed Abdel Aziz aurait requis des toilettages au sein de l’UPR pour en «extirper » les brebis galeuses. Une voie royale, selon plusieurs observateurs, pour punir les Sénateurs rebelles auxquels il s’est attaqué sans ménagement lors de la conférence de presse du mercredi dernier.

Il semblerait en effet que l’UPR se dirige vers une purge au sein de ses instances dirigeantes, le Bureau Exécutif et le Conseil National, voire même certaines fédérations régionales. La tenue d’un Congrès extraordinaire du parti serait même envisagée. Des têtes pourraient ainsi tomber. Seraient visés, tous ceux qui auraient eu de loin ou de près des liens avec l’échec de la voie parlementaire et dont les auteurs principaux restent les 20 sénateurs de la majorité qui avaient fait blocage aux amendements proposés par le président Mohamed Abdel Aziz.


DECLARATION du Forum des OSC SUN-MAURITANIE

Les résultats de l’enquête nutritionnelle nationale SMART

réalisée du 31 octobre au 22 novembre 2016

Les résultats de cette enquête publiés en mars 2017 montrent qu’il n’y a eu aucune amélioration sur le plan nutritionnel chez les enfants en Mauritanie (6-59 mois) par rapport aux années 2014 et 2015.

Ces résultats sont alarmants et révèlent une situation nutritionnelle très préoccupante avec une prévalence de la malnutrition aiguë globale dépassant pour quelques régions le seuil  d’alerte .

Pour illustration :

  1. MALNUTRITION AIGUE DES ENFANTS DE 6 A 59 MOIS

Plusieurs départements en Mauritanie dépassent largement le seuil d’urgence de l’OMS (10,0%).

Certains vont même jusqu’à plus de 17%  par exemple au Guidimakha, au Gorgol et au  Brakna.

  1. MALNUTRITION CHRONIQUE DES ENFANTS DE 6 A 59 MOIS

Sur ce plan encore, il convient de noter que plusieurs départements ont des prévalences supérieures à 20% et le camp de Mberra 33%.

  • INSUFFISANCE PONDERALE DES ENFANTS DE 0 A 59 MOIS

Les prévalences de l’insuffisance pondérale globale les plus élevées ont été obtenues dans le Guidimakha (20,4%) et dans le camp de M’Berra (20,8%). Considéré comme un indicateur de développement nutritionnel, ce taux mérite une attention particulière.

Malgré ce contexte préoccupant, la Mauritanie ne bénéficie pas d’un plan de réponse urgence en 2017. La situation humanitaire risque d’être catastrophique, car la Mauritanie disposait depuis 2012 des plans de réponse qui avaient mobilisé d’importants fonds qui n’ont pas pu inverser la tendance nutritionnelle.
La Mauritanie n’est plus une priorité pour les partenaires, alors qu’elle compte plusieurs   zones spécifiques qui nécessitent une attention particulière dont  Mberra,  un camp  de réfugiés  (environ 50 000) entièrement dépendant de l’aide humanitaire d’urgence.

Au vu de ce qui précède, le Forum des Organisations de la Société Civile SUN-Mauritanie demande :

  • Au gouvernement, en perspective de la soudure qui risque d’être plus accentuée au vu des résultats annoncées plus haut, d’anticiper une coordination préventive dans  régions les plus touchées et en particulier le Hodh El Charghi où se situe le camp de Mberra.
  • A l’équipe humanitaire pays, d’évaluer rapidement les besoins d’urgence dans ces zones et de prendre en compte l’avis des populations et celui des acteurs locaux en les impliquant de manière effective.
  • Aux partenaires, malgré l’inexistence d’un plan d’urgence pays pour la Mauritanie et au vu de la situation d’alerte telle que décrite par le dernier Rapport SMART, de maintenir leurs engagements vis-à-vis des enfants du pays.
  • La mise en place ou le renforcement du système d’alerte et de surveillance nutritionnelle pour les enfants de moins de 5 ans dans ces régions
  • Le renforcement des centres de prise en charge de la malnutrition dans les régions les plus touchées (Crenam, Crenas et Creni).

 

Nouakchott, le 16 mars 2017

 


Matchs amicaux préparatifs CAN 2018 : après le Bénin, les Mourabitounes narguent le Congo

Déjà alléchés par une victoire, certes étriquée par 1 but à 0 face aux Ecureuils du Bénin le 24 mars dernier au Stade Olympique de Nouakchott, les Mourabitounes se préparent à affronter ce soir, lundi 27 mars 2017, les Diables Rouges du Congo. C’est une équipe complète de 23 joueurs, dont plusieurs expatriés évoluant dans les championnats européens et africains, que le nouvel entraîneur congolais, Sébastien Migné embarque  avec lui.

Les Mauritaniens jubulent après la victoire sur le Bénin

La tâche ne sera pas facile pour les protégés de Corentin Martins, même si en matière de classement FIFA, le Congo se classe à la 78ème place, loin derrière le Bénin (66ème) que les Mourabitounes viennent d’épingler il y a trois jours.
Il faut rappeler que les Diables Rouges avaient disputé la CAN 2017 et furent éliminés en quart de finale après avoir battu dans les éliminatoires le Burkina et le Gabon, faisant match nul face à la Guinée Equatoriale avant de se faire étriller par leurs cousins de la RD Congo par 4 à 2. Mais Sébastien Migné compte profiter de la rencontre contre les Mourabitounes avant son premier match en éliminatoire comptant pour la CAN 2019 contre la RD Congo le 9 juin prochain.

Des réglages à faire

Corentin Martins devra procéder à quelques réaménagements pour élaguer des déchets qui ont marqué les quelques contreperformances des Mourabitounes face au Bénin le 24 mars dernier. En effet, les Mourabitounes auraient dû profiter des handicaps des Ecureuils, diminués lors de la confrontation de plusieurs de leurs meilleurs éléments, à l’image de Gounongbé, Gestede, ou encore Djigla et Babatoundé.

L’arrivée d’Adama Bâ dans l’effectif n’a pas apporté grand-chose à l’équipe nationale. L’attaquant de l’AJ Auxere se révèle une fois encore plus efficace dans son club qu’en sélection. Beaucoup d’observateurs estiment en effet que Soudani qui évolue dans le championnat tunisien devait être dans l’effectif de départ et non sur les bancs de touche, même s’il a été introduit en deuxième période.

Beaucoup de joueurs semblent avoir besoin de s’acclimater rapidement, à l’image d’un Baguilly complètement effacé lors de la rencontre contre le Bénin. La défense des Mourabitounes était également méconnaissable. Elle a failli à plusieurs reprises mettre Brahim Souleymane en difficulté, en offrant de larges couloirs aux attaquants adverses qui ont manqué plusieurs fois de scorer. Espérons que Sally Sarr et Mama Niass seront physiquement au top car blessés pour renforcer l’effectif.

La Mauritanie sera confrontée le 9 juin prochain au Botswana avant d’affronter le 23 mars 2018 le Burkina Faso et l’Angola le 5 septembre 2018 en manche aller.


Mohamed Abdel Aziz face à la presse : des dégâts collatéraux dans la charnière présidentielle

Il n’est un doute pour personne que les confrères qui ont été conviés dans la fosse aux lions présidentiels ne sont pas sortis indemnes de la confrontation. Si deux ou trois rescapés sont sortis peu cabossés, plusieurs ont succombé dans la charnière sous le regard satisfait de César et de sa cour conviée pour  se délecter du spectacle. Reportage.

Le décor était déjà planté, lorsque la caméra de la Télévision publique éclaboussa les téléspectateurs avec les premières images. Plantés devant leur petit écran, les Mauritaniens étaient déjà rongés par l’attente depuis l’annonce de la sortie du président Mohamed Abdel Aziz après l’affront spectaculaire des Sénateurs. En costume cravate sombre, chemise blanche, Mohamed Abdel Aziz était affalé sur un fauteuil somptueux, entouré par un demi-cercle de journalistes triés selon des critères que seul le Protocole de la Présidence de la République détient les secrets. Plusieurs parmi eux se confondent d’ailleurs avec un décor en habitué des longues causeries présidentielles. Parfaitement rangés quelques coudées plus loin, la clientèle politique du président Mohamed Abdel Aziz. En fait, plusieurs partis politiques qui avaient participé au dialogue dont les résultats seraient la somme des amendements constitutionnels que le régime voulait passer par la voie référendaire conformément aux dispositions de l’article 99 de la Constitution. Sauf que le Sénat avait mis fin à cette procédure en votant non par 33 voix contre 20 pour et 1 abstention. Le suspens régnait ainsi depuis ce vendredi 17 mars et tout le monde se demandait ce que Mohamed Abdel Aziz allait faire. Allait-il surseoir à ses amendements ? Allait-il se saisir de l’article 38 de la Constitution qui lui permettait de consulter le peuple sur «toute question d’intérêt national » ? Allait-il jouer l’apaisement en organisant un dialogue véritablement inclusif avec la participation des partis du FNDU exclus du champ politique ?

L’agressivité

Dès l’entame de la rencontre, la journaliste de la télévision publique a été mise OUT, juste après avoir déroulé le programme de la conférence de presse. Et jusqu’à la fin de l’émission, on n’entendra plus parler de la pauvre journaliste alors que le public croyait qu’elle était là pour réguler la séance et distribuer la parole. Avec autorité, le président Mohamed Abdel Aziz prit les choses en main et dirigera lui-même les débats du début jusqu’à la fin.
Son agressivité fera une première victime, le journaliste de la TV Wataniya qui semblait plus s’inquiéter des morts que des vivants. Puis, la question clé du deuxième journaliste. «Après l’échec du référendum parlementaire au niveau du Sénat, que comptez-vous faire ? » Cette question constituait l’alpha et l’oméga de toute la conférence de presse du président. Celle pour laquelle il avait convié, selon certains observateurs, ce «grand cirque carnavalesque » pour amuser la galerie. «Il aurait dû se contenter d’une déclaration radiotélévisée ou écrite et nous épargner d’une soirée stérile » a même lancé un commentateur.

Réponse du président : «nous allons convoquer un référendum populaire par le truchement de l’article 38 de la Constitution ».  Puis, pour argumenter «les amendements proposés ont été votés à l’Assemblée Nationale par 141 députés sur 147. Ben, écoutez, trouvez-vous normal que 33 individus puissent prendre en otage environ 4 millions de Mauritaniens et 141 députés ? »

A rappeler qu’après tout, ces 33 individus sont des Sénateurs et qu’ils ont voté NON pour la révision constitutionnelle dans une chambre composée de 56 membres, dont 54 votants, et que 20 avaient voté OUI et 1 pour l’abstention.
Toutes les autres questions relatives à cette question, notamment le fait que l’article 38 n’est que l’énoncé d’un principe général sur le référendum et que l’article 99 en est la règle particulière, celle qui définit dans quelles conditions le référendum doit se tenir,  n’y firent rien.

Réponse du président à ces interpellations : «J’ai consulté d’éminents constitutionnalistes, apolitiques et jamais nommés dans une fonction publique, qui m’ont confirmé que j’ai le droit d’utiliser l’article 38 de la Constitution pour convoquer le peuple qui est avant tout, le véritable détenteur du pouvoir»

Sur ce point, Mohamed Abdel Aziz pense que personne ne peut l’arrêter même pas la cour constitutionnelle qui d’ailleurs selon lui, «n’a rien à dire à ce sujet ». Plus loin, il affirme «le référendum populaire passera. Je n’ai pas l’habitude de perdre et je ne suis pas fait pour démissionner ». Donc, même si le peuple à travers le référendum venait à lui infliger un désaveu populaire, il déclare d’emblée qu’il restera droit sur son fauteuil jusqu’à la fin de son mandat en 2019.

Je resterai sur la scène politique

Et même après 2019, Mohamed Abdel Aziz déclare qu’il ne quittera pas la Mauritanie. «Je resterai ici et je m’investirai dans le combat politique » allant jusqu’à insinuer qu’il militera pour le changement  de la Constitution. La crainte déjà formulée par certains que Mohamed Abdel Aziz a déjà sa petite idée après son départ du pouvoir, prenait ainsi toute sa densité. Ainsi, l’homme penserait peut-être revenir au pouvoir après juste un temps de répit, le temps qu’un autre cheval de Troie lui succède pour lui permettre de rendosser une nouvelle virginité politique. Le scénario, celui d’une reprise en main après 2019 des rennes de l’UPR, pour garder sous la main tout le système, semble être corroboré par les propos du ministre de la Défense devant le Sénat, lorsqu’il soutient «ne pensez pas que l’UPR va se disloquer ou disparaître. L’UPR va rester intact et gardera toujours la majorité au sein des deux chambres. Personne ne viendra le remplacer». Cette alternative soulage les partisans qui croyaient que l’après-2019 était synonyme d’orphelinat pour eux. Exactement comme l’après-2005 avec le PRDS ou l’après-2008 avec le parti ADIL . De puissants partis-état, qui ont fondu comme beurre au soleil avec le départ définitif de leur mentor, Ould Taya pour le premier et Sidi Ould Cheikh Abdallahi pour le second.

La presse malmenée

La conférence de presse a été l’occasion pour Mohamed Abdel Aziz de s’adonner à son jeu préféré, ridiculiser la presse, devant l’œil impuissant de ses représentants.

Sur les difficultés de la presse, confrontée à un embargo qu’il a lui-même décrété contre elle, pas de publicité, pas d’insertion, pas d’abonnement, il rétorque, un peu goguenard : «eh bien, vivez de vos libertés ! Que voulez-vous que je fasse pour vous ? »

Un autre confrère le relancera sur les journées de concertation sur la presse qui ont été initiées et financées sur sa propre demande avec l’engagement ferme d’en satisfaire certains points : «vous vous êtes réunis et nous vous avions promis que l’Etat n’interférera pas dans son déroulé. Eh bien maintenant, proposez vos résultats au Parlement ! »

Cette sortie continue de faire bouillonner le milieu médiatique qui se demande encore s’il a bien compris la question du confrère ou s’il a fait semblant de ne pas l’avoir compris. La déception, comme celle ressentie après une trahison, reste encore vivace dans le milieu de la presse.

La situation n’est pas décadente

Sur la situation sociale marquée par le marasme économique, la chute du pouvoir d’achat des ménages mauritaniens, la pauvreté galopante, Mohamed Abdel Aziz répond : «la situation n’est pas décadente. Les Mauritaniens continuent à acheter des voitures, à voyager de plus en plus, à passer des vacances à l’étranger ! » De quels Mauritaniens parlent-ils ?

L’armée toujours chouchoutée

Tout comme dans ses précédentes sorties, l’armée restera dans le registre verbal de Mohamed Abdel Aziz le chouchou de toutes ses gâteries. Bien casés, avec des généraux à la pelle chaque année et autant de colonels aux avantages incommensurables, les militaires font la pluie et le beau temps. Mohamed Abdel Aziz parle de l’armée mauritanienne comme un usinier parlerait de sa première fabrication. «Avant moi, il n’y avait pas d’armée. C’est moi qui en ait fait ce qu’elle est aujourd’hui, super armée, respectée, crainte… » Certains voient même dans cette image édulcorée qu’il a de «son armée » les prémisses de sa chute imminente. Les faits seraient qu’à chaque fois qu’un président a fait l’éloge de son armée, il est tombé par la suite sous ses baïonnettes.

Le président a par la suite évoqué plusieurs autres sujets, passant au savon les Sénateurs qui ont osé défier son autorité. Il ne les a pas traités outre mesures par des propos désobligeants, mais derrière les mots superficiellement neutres, se cachaient les relents d’autres sentiments bloqués au fond de la gorge. Et c’est entre les lèvres pincées du président que des mots comme «renégats ou traitres » auraient eu envie de transparaître.

Sur la BCM, il dira que cette boîte est aujourd’hui clean, qu’elle n’a pas besoin de contrôle ni d’inspection. Idem pour les fonds alloués à la présidence de la République dont la fameuse caisse noire.

Sur le cas de Ould MKheïtir, le président risque de se faire dépecer par les salafo-wahabistes «réclameurs invétérés de la tête du blasphémateur ». Sa réponse évasive à son propos, «le cas de Ould MKheïtir est un cas normal entre les mains de la justice » est en train de faire bouillir la scène surtout à la lumière du dernier rendu de la Cour Suprême, synonyme d’acquittement du jeune cadre dont le sort a fait trembler la République.

C’est un Mohamed Ould Abdel Aziz presque détendu qui a mis fin aux deux heures et demi de palabres au cours desquelles sa cour a bien ovationné ses sorties. La séance s’est achevée avec une photo de famille, ou sur ce qui restait de la charnière présidentielle où plusieurs journalistes ont laissé bien des regrets. Pour la classe d’ouailles qui voulait participer à la photo, un geste de Mohamed Ould Abdel Aziz les maintiendra hors de la scène, alors que les cameramen de la TVM avaient déjà mis en berne leur morne drapeau blanc, emportant dans leur retraite le corps sans voix de leur speakerine.


Semaine de la Francophonie : Sous le sceau du numérique

La Semaine de la langue française et de la Francophonie a été lancée samedi 18 mars 2017 dans la salle de conférence de la Chambre de Commerce de Nouakchott. Avec une édition inscrite sous le sceau du numérique, Ahmed Ould Hamza, président de l’Association mauritanienne pour la francophonie (AMF) s’est félicité du «dynamisme du mouvement francophone en Mauritanie », ce qui selon lui, «dénote de la volonté des amoureux du français que nous sommes, de se servir de ce merveilleux outil de contact et d’échange pour aller à la rencontre d’autres peuples et d’autres langues… »

Ouverture de la séance

La cérémonie officielle de lancement de la Semaine de la langue française et de la francophonie, le 18 mars 2017, a été l’occasion pour les amoureux de la langue française de se réunir pour partager en commun l’attachement à une langue de communion, sorte de passerelle entre les cultures et les générations.

L’occasion pour Ahmed Hamza, président de l’AMF, de rendre hommage aux illustres femmes qui  «ont contribué à l’édification de notre pays…par leur dynamisme et leur sens élevé de l’intérêt national», citant l’ex-Première Dame, Marième Daddah, l’ancienne ministre Aïssata Kanen, Mme Turkia Daddah, mais aussi Simone Bâ.

Une vue des participants

«L’AMF est particulièrement fière de fournir depuis novembre 2011, date de sa création, un cadre permanent où les francophones et les francophiles de Mauritanie, se retrouvent…pour manifester leur attachement aux valeurs d’ouverture, de diversité, de tolérance, de partage et de promotion du pluralisme véhiculés par cette langue et célébrée cette semaine » a déclaré  Ahmed Ould Hamza.

L’édition 2017 est placé selon lui sous le sceau du numérique. Dix mots choisis dans la lexique de l’informatique et ses applications, seront cette année au menu du Quiz «Dis-moi dix mots ». A la fin de son discours, Ahmed Ould Hamza a appelé au rétablissement du bilinguisme qui, selon lui, «constitue une chance à saisir aujourd’hui par les jeunes mauritaniens».

Auparavant, plusieurs orateurs s’étaient succédé au micro, en l’occurrence  l’ambassadeur de France en Mauritanie, SEM Joël Mayer, le président de la Chambre de commerce, Mohamedou Ould Mohamed Mahmoud, Mme Aïssata Kane, Dieng Boubou Farba, ancien président du Sénat et Ahmedou Ould Abdallahi, ancien diplomate et ancien Représentant Spécial des Nations Unies.

Il faut rappeler qu’un programme riche et varié a été conçu durant les sept jours de la fête de la francophonie, des concours littéraires, des expositions, des conférences.

A rappeler que l’édition 2017 de la Semaine de la Langue Française et de la Francophonie, la 22ème, est inscrite sous le signe du numérique. Dans un monde plus que jamais marqué par la cybernétique, ce choix est d’autant plus pertinent que la fracture numérique entre le nord et le sud s’élargit d’année en année, de jour en jour. En mettant le numérique à l’honneur, à travers les dix mots proposés pour les activités de cette année, les organisateurs de la Semaine donnent l’occasion aux francophones et francophiles du monde entier de méditer, une semaine durant, sur la place de l’informatique dans la vie culturelle et éducative des populations de notre grand espace.

Les activités que les partenaires organisent à cette occasion, en milieux scolaires particulièrement, s’attèleront, sous forme d’ateliers d’écriture, de joutes oratoires, d’expositions de dessins d’élèves et de concours de toute sorte, à explorer la signification et la symbolique d’émoticône et de télésnober, ainsi que la poésie d’avatar, de nomade et de nuage…

Cheikh Aïdara


Table ronde sur la place de la presse francophone dans les médias mauritaniens : l’UPF lance les débats

Créé en août 2016, la section Mauritanie de l’Union de la Presse Francophone (UPF-Mauritanie) a organisé le dimanche 19 mars 2017 une table ronde sur la place des journalistes francophones dans les médias mauritaniens. Une rencontre qui a regroupé plusieurs personnalités.

Vue de la table officielle (de gauche à droite : Bakar Sneiba, Mohamed Abdallahi Bellil, Mohamed Mokhtar Mohamed Salem Doyen du SJM, Mariya Ladji Traoré, le Directeur de la presse électronique, Dicko Soudani et Racky Sy)

La section mauritanienne de l’Union de la Presse Francophone (UPF-Mauritanie) a animé ce dimanche 19 mars au siège du Syndicat des Journalistes de Mauritanie (SJM) une table ronde sur la place des journalistes francophones dans les médias mauritaniens. Une manifestation marquée par un échange de discours, dont celui de la présidente de la section UPF-Mauritanie, Maria Ladji Traoré, qui a souhaité la bienvenue aux invités avant de remercier l’Association mauritanienne de la francophonie (AMF) pour cette opportunité offerte aux journalistes d’expression française de débattre de leur condition dans le paysage médiatique mauritanien. A rappeler que cette activité de l’UPF-Mauritanie s’inscrit dans le cadre de la Semaine de la langue française et de la francophonie, organisée du 18 au 26 mars 2017 par l’AMF en collaboration avec l’ambassade de France à Nouakchott et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Mariya Ladji Traoré et Sidi Abdalahi Sidi lors de l’ouverture officielle

Plusieurs interventions ont émaillé la rencontre. Tour à tour, Bakar Sneiba, journaliste-écrivain, Dicko Soudani, journaliste et ancien Directeur adjoint de l’agence mauritanienne d’infirmation (AMI) ont pris la parole pour parler de la langue française en Mauritanie et de sa place en tant que vecteur de communication. Dicko Soudani a rappelé l’historique de l’UPF soulignant qu’au départ ça s’appelait UIJPF dont il fut le premier président. L’aventure s’arrêtera selon lui lorsque les premiers tiraillements apparurent au sein d’une presse mauritanienne naissante. C’était dans les années 80, a-t-il souligné.

Par la suite Mohamed Abdallahi Ould Bellil a procédé à un survol historique du français en Mauritanie, faisant comprendre à l’auditoire qu’en fait le français est présent en Mauritanie depuis plusieurs siècles et qu’en définitive il ne s’agit pas d’une langue étrangère. De son côté, Maïmouna Saleck, Mimi pour les intimes, journaliste fraîchement auréolée d’une Médaille du Mérite décernée par la République française, a prononcé un mot au nom de l’AMF dont elle est l’une des chevilles ouvrières.

Une vue de la salle

Le Doyen du SJM, Mohamed Mokhtar Mohamed Salem a lui aussi souhaité la bienvenue aux participants, soulignant la disposition de son syndicat à accompagner les journalistes dans toutes les démarches visant à la protection de leurs droits ou au renforcement de leurs capacités.

Plusieurs intervenants se sont par la suite succédé au micro au cours de la rencontre, à l’image du Pr.Cheikh Saad Bouk Kamara, sociologue, activiste des droits de l’homme et écrivain, ou encore l’icône des femmes journalistes mauritaniennes, Raky Sy qui a mis l’accent sur le principe de l’humilité comme voie royale vers la réussite professionnelle dans le milieu journalistique. Les participants ont également suivi avec un grand intérêt l’intervention de Mme Aïssata Kane, première femme ministre, présidente des Femmes francophones d’Afriques et  l’une des pionnières de la presse mauritanienne, celle qui déjà dans les années 60-70, avait lancé la revue «Marianne» consacrée au combat des femmes.

Autre vue de la salle

Quant au Directeur du Musée National, Kane Hadiya, il voit que la Francophonie doit prendre un nouveau souffle, regrettant son absence de dynamisme là où d’autres langues sont en train de la rattraper et de la dépasser, perdant de plus en plus des batailles dans le champ linguistique mondial.  La rencontre a été rehaussée par le niveau des débats qui a suivi les panels, avec un parterre d’invités de marques, partenaires de la francophonie mais aussi journalistes.

Il faut noter que la journée a été ouverte officiellement par le Directeur de la Presse Electronique au nom du Ministre des Relations avec le Parlement et la Société Civile.


Adhésion du Canada au Partenariat de Ouagadougou : 650 millions de dollars injectés dans la santé reproductive

L’adhésion du Canada au Partenariat de Ouagadougou (PO) est une bonne nouvelle selon les observateurs. Cette adhésion serait le fruit d’un intense effort fait par l’Unité de coordination du PO (UCPO) et les autres parties prenantes. Le Canada, par la même occasion, a annoncé un financement de 650 millions de dollars sur trois ans pour la santé sexuelle et reproductive à travers le monde.

Dr Joannie BEWA, CEO de Young Beninese Leaders et la Ministre du Développement International et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau

L’Unité de Coordination du Partenariat de Ouagadougou, basée à Dakar, a publié le 10 mars 2017 un communiqué de presse  relative à l’adhésion du Canada au Partenariat de Ouagadougou. Cette adhésion intervient, selon les termes du communiqué, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes et a été annoncée par la Ministre canadienne du Développement International et de la Francophonie, Mme Marie-Claude Bibeau, en présence de son Premier Ministre, Justin Trudeau. Le Canada a annoncé un financement de 650 millions de dollars sur trois ans pour la santé sexuelle et reproductive à travers le monde.

Le Partenariat de Ouagadougou qui regroupe 9 pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Togo) a exprimé ainsi sa satisfaction de cet engagement canadien qui, selon le communiqué «aidera à propulser ses avancées dans sa phase d’accélération actuelle qui consiste à atteindre 2,2 millions d’utilisatrices additionnelles d’ici 2020».

Quel apport pour le Partenariat ?

Le Canada s’engage à appuyer l’égalité entre les sexes et contribuer au renforcement socio-économique des femmes et des filles partout dans le monde, en travaillant à combler les lacunes en matière de santé sexuelle et reproductive et des droits connexes. Il s’agit plus spécifiquement d’offres «de services complets d’éducation sexuelle, de renforcement des services de santé reproductive, et d’accès à la planification familiale et aux moyens de contraception »

Selon le Premier Ministre canadien, Justin Trudeau, «l’annonce faite aujourd’hui démontre que le Canada est un chef de file en ce qui concerne le renforcement socioéconomique des femmes et des filles ainsi que la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes partout dans le monde. Cet investissement donnera à des millions de femmes et de filles la possibilité d’être des leaders dans leurs collectivités et de mener une vie saine et productive».

Pour la Ministre du Développement International et de la Francophonie, « le Canada est résolu à mener une action mondiale pour soutenir la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles. Les droits des femmes commencent par le droit de chaque femme et de chaque adolescente de disposer de son corps et de prendre ses propres décisions».

A propos du Partenariat De Ouagadougou

Le Partenariat de Ouagadougou a été lancé lors de la Conférence Régionale sur la Population, le Développement et la Planification Familiale tenue à Ouagadougou au Burkina Faso en février 2011 par les 9 gouvernements des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest et leurs partenaires techniques et financiers pour accélérer les progrès dans l’utilisation des services de planification familiale au Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Togo.

Le Partenariat de Ouagadougou est basé sur deux principes. Il mise sur une meilleure coordination entre les bailleurs de fonds pour optimiser leurs soutiens aux pays et également sur une collaboration et coopération aux niveaux national et régional pour remédier au taux élevé des besoins non satisfaits en matière de planification familiale.

L’Unité de Coordination du Partenariat de Ouagadougou (UCPO), basée à Dakar (Sénégal), facilite la communication entre les pays et les bailleurs actuels et potentiels, plaide pour la mobilisation de ressources en faveur des pays membres, aide à suivre les progrès par rapport aux objectifs du PO, et partage des informations entre les parties prenantes du Partenariat et d’autres publics.

Cheikh Aïdara