Didier Makal

Libre ensemble, et le terrorisme stoppé

Les récents attentats au Grand Bassam et à Ouagadougou obligent l’Afrique et le monde à agir ensemble pour retrouver leur liberté. Seul, face au terrorisme international, on a beau être puissant et riche : on ne peut pas grand-chose. Libre, c’est ensemble !

Le ministre burkinabè Simon Compaoré  a proposé une coopération des pays de l’Afrique de l’Ouest dans le renseignement, lors de sa visite en Côte d’Ivoire, après l’attentat au Grand Bassam. Après coup ! Plusieurs personnes souhaitent bien plus qu’un partage d’informations. Les épreuves sont faites, malheureusement, pour que passées, les survivants et les victimes en tirent des leçons. Mais quelles leçons l’Afrique a-t-elle tirées des attentats qui ont endeuillé l’Afrique de l’Est et le Maghreb ? Voilà que les terroristes arrivent à l’Ouest et au centre ! De nouveaux défis ! Malgré les bonnes volontés qui combattent le terrorisme, l’Afrique n’a pas encore de politique et une coordination des actions en la matière. Comme le font déjà, presqu’ensemble, la France, l’Angleterre et les Etats-Unis qui qui combattent le terrorisme, seuls, des Etats africains mis à rude épreuve, sortent du silence pour se défendre. Oui, se défendre plutôt que de combattre par conviction, le mal qui s’impose : le terrorisme international qui devenu une nébuleuse. L’Afrique attend son salut de l’Europe et de l’Amérique déjà sur plusieurs fronts.

 ARA Mirades (A Majeed / AFP) | Flickr
ARA Mirades (A Majeed / AFP) | Flickr

Se taire pour se libérer ?

Qui voudrait offrir aux terroristes des papiers pour un séjour gratuit et sanglant sur son territoire ? Face à la terreur, plusieurs Etats préfèrent se taisent plutôt que de fourrer leur nez dans une campagne qui finira pour eux. La France, par exemple, a été frappée, prétendument pour s’être engagée contre Daech au Moyen-Orient, Aqmi et Boko Haram en Afrique. Après tout, il n’y « pas de pleur chez le peureux », dit un proverbe congolais. Mais que le Mali, le Burkina et la Côte d’Ivoire aient été  récemment frappés, démonte que les terroristes n’ont pas de limite. Même visant les occidentaux, ils n’ont pas épargné ces Etats qui ne les menacent pas du tout, théoriquement. La terreur, comme la violence, en effet, fait tâche d’huile et est aveugle !

Libres ensemble

Qu’ils se taisent ou qu’ils le combattent de front, face au terrorisme, les Etats défendent leur liberté. D’après leur rhétorique, les terroristes eux aussi, veulent rester libres, même dans une folie meurtrière ou dans des égarements religieux. Etre libre, chacun se l’imagine différemment. Mais la liberté reste universelle et rime avec fraternité, tolérance et égalité. La liberté forme des amitiés, elle rassemble. Une liberté non pas de nuire, mais de bâtir, de sauver et de supporter ceux qui pensent autre ment que soi.

Libre c’est ensemble. Etre un monde, un continent, et faire face au terrorisme ou à toute autre menace nous force à être ensemble. L’affaiblissement, peut-être la chute, des sécessionnistes maliens, est un signe que pour être libre, on a besoin d’être ensemble, de se souder les coudes. C’est ce qu’ont fait les alliés face à Hitler durant la seconde guerre mondiale, c’est ce font les Etats-Unis, l’Union européenne, c’est le rêve qu’ont nourri les fondateurs de l’Union africaine. Libre, c’est ensemble, de toutes façons !


En RDC, le français ne porte plus bonheur

En janvier dernier j’étais avec un groupe de jeunes, à Kenya, une commune populaire de Lubumbashi. Nous nous étions réunis pour travailler sur un reportage. Sans le vouloir, j’ai énervé quasiment la moitié du groupe en lançant naturellement un joyeux « bonjour ! ». Grosse erreur ! Je n’avais pas vraiment fait attention au lieu dans lequel je me trouvais, Kenya, une commune populaire et bouillante de Lubumbashi, où le Swahili s’impose.

« Muacheko ma français yenu ile », (traduisez : oubliez un peu votre français là) me lance un jeune homme, furieux. Un  autre enchaîne : « ma français iko n’aribisha mukini » (le français détruit le pays). Bon, j’étais excusé…  mais mes interlocuteurs ont tenu à me dire tout le mal que ceux qui parlent français, comme moi, ont fait au pays. J’ai vu dans leurs yeux, quelque chose de similaire à de la haine. Cette réaction peut s’expliquer, elle n’est pas sans raisons. Plusieurs jeunes de mon groupe n’ont pas étudié, ils sont sans emploi et ils en souffrent, ils sont défavorisés. Comment pourra-t-on expliquer aux non-instruits que les études permettent de développer le pays tant que la RDC s’obstine à rester parmi les pays pauvres de la planète, et malgré tous les hauts diplômes délivrés et le français que parlent les intellos… De fait, il y a une certaine honte à châtier son français devant des compatriotes qui souffrent et qui n’ont pas étudié.

Les francophones congolais, peu pragmatiques

Les jeunes de mon groupe m’ont souvent dit : « votre français-là détruit ce pays », c’est leur façon de protester contre les verbiages et l’intellectualisme congolais, qui se fait toujours en français et qui est souvent plus soucieux de la bonne formule que du pragmatisme. Les politiques et la société civile se montrent incapables de dialoguer, incapables de faire la démocratie par les actes et de matérialiser la croissance économique. « Depuis quand on parle français quand on sème du maïs ? » ironise un ami. Dernièrement un conducteur de taxi m’a dit : « Vous aimez souvent intimider avec votre long français-là : « tu connais mon niveau, tu connais mon niveau » (mon niveau de français), mais vous êtes incapables d’égaler Moïse Katumbi qui n’est pourtant pas professeur d’université ! » (M.Katumbi est un homme politique congolais qui s’est joint au « Front citoyen 2016 » qui regroupe la société civile, les mouvements citoyens et les opposants politiques).

Lubumbashi, le rayonnement du français congolais

Dans la ville de Lubumbashi c’est différent, le français rayonne grâce à plusieurs centres culturels : l’Institut Français et l’Alliance franco-congolaise. Des citoyens congolais et étrangers – bien que parfois d’un âge très avancé – s’y rendent pour apprendre la langue de Molière. Mais le principal symbole de cette langue reste l’Université de Lubumbashi et sa célèbre faculté des Lettres, en lien avec différentes écoles primaires et secondaires, ainsi qu’avec des cellules littéraires, sortes de prolongement de l’université. Avec cet état des lieux… normal que le français soit longtemps resté une langue cérébrale, littéraire, pour illuminés férus de  grammaire, hélas ! Aujourd’hui l’accès à l’instruction s’est accru, le « français langue maternelle » a émergé, mais toujours avec des enfants nés de parents instruits. Le français reste malgré tout une langue de clercs, comme pendant la colonisation. Quel parent, même non instruit, ne se gonflerait pas d’orgueil à entendre son enfant faire éclater les mots de cette langue ? Car ici, on sait que le français n’a jamais cessé de créer de petits rois dans la société congolaise.

La pauvreté, la tombe de la langue française

Cependant, depuis les années 80, l’enseignement est devenu « une roue de secours » pour le camion Zaïre « zaïrianisé » (nationalisé), dont le moteur bien mal en point… Si on a le choix entre envoyer son enfant aux études ou l’envoyer dans une carrière de diamant, quand on vit à Mbuji-Mayi, dans le centre du pays, le choix est vite fait. Après tout, « Falancé tshi nflanga to’o » (traduisez : « le français n’est pas de l’argent ») dit-on à  Mbuji-Mayi, la capitale diamantifère. L’argent gagné, c’est la priorité des priorités, parce-qu’il faut bien manger ! Voilà comment le français a cessé d’impressionner. Se donner tant de peine pour étudier une langue qui ne fait plus de rois comme c’était le cas avant – notamment pendant la colonisation – au fond à quoi cela sert – il ? Et pour ne pas trouver de l’emploi en plus ! Le contexte actuel donne donc le pouvoir aux non-instruits de se moquer de tous ceux qui les importunent avec le français. J’en ai vraiment fait l’expérience avec mon groupe de jeunes dans la commune Kenya !


Qui contrôle Lubumbashi ?

En janvier 2015, répondant au fameux discours de Moïse sur le 3e faux penalty dans lequel il refusait le 3e mandat de Joseph Kabila, le chef de l’Etat congolais annonçait avoir habitude d’aller se reposer à Lubumbashi et non faire la politique dont il se repait à Kinshasa. Les choses ont changé, Lubumbashi est devenu aussi un centre politique où se jouent de grands. Difficile de s’en passer.

L’opposition marque des points à Lubumbashi

Le 5 mars, une marche pour le dialogue, officiellement à l’initiative de la société civile, a été annulée in extremis, à l’heure où les manifestants devaient quitter leurs communes pour converger au centre-ville. En cause : l’appel à marcher « aussi », contre la marche officielle, lancé la veille par Gabriel Kyungu wa Kumwanza, un des 7 frondeurs exclus de la majorité au pouvoir. Les organisateurs se sont contentés d’annoncer qu’ils avaient décidé de laisser les femmes organiser la journée internationale de la femme, le 8 mars. D’aucuns ont vu la victoire de l’opposition sur le pouvoir, d’autant plus ce report a été le 2e consécutif.

Lubumbashi, centre-villeA cette date, alors qu’officiellement les femmes se réunissent à l’église kimbanguiste, au centre de la Lubumbashi, les ténors du G7 prient à la basilique Sainte Marie dans la commune Kenya, fief de Gabriel Kyungu, chef de l’Unafec. Un télescopage entre le convoi du commissaire spécial du Haut-Katanga et celui des membres du G7 sur l’avenue Likasi, a même été évité de justesse, selon le chef de la police dans la région, qui explique pourquoi la police a largué des gaz lacrymogène.

Au Katanga « tout est sous contrôle de la majorité »

Mercredi, les opposants ont achevé leurs rencontres à Lubumbashi. Le lendemain, jeudi, le secrétaire général du PPRD, parti presidentiel, Henri Mova, a été accueilli en pompe, précédé des ministres et leaders politiques katangais. Officieusement, ils viennent combattre les messages du G7, « montrer que tout est sous contrôle » et que le Katanga reste le fief de Joseph Kabila, explique un militant du PPRD, parti présidentiel.

C’est la même stratégie, depuis la démission de Moïse Katumbi du gouvernorat du Katanga et de ses fonctions de secrétaire fédéral du PPRD, Kinshasa fait monter en première ligne les katangais pour combattre les discours à l’encontre du chef de l’Etat, katangais lui aussi. La région, et sa capitale Lubumbashi, ne sont pas seulement poumon économique de RDC, elles sont aussi faiseurs de président depuis la chute de Mobutu. Et, depuis la colonisation belge, le Katanga a gardé un caractère spécial incarnée par la Gécamines, la parastatale productrice de cuivre et de cobalt. Le Katanga a porté Laurent-Désiré Kabila jusqu’à Kinshasa, il a offert le plus de voix pour les deux élections (2006 et 2011) gagnées par Joseph Kabila, comme le fait remarquer cet article d’Afric Arabia. En janvier 2015, Joseph Kabila le présentait comme son lieu de repos, et non de querelles politiques. Qui tient Lubumbashi tient le Katanga, en effet, et a de l’influence en RDC.

La région, même démembrée en quatre provinces, semble garder son influence, avec désormais comme challenger, Moïse Katumbi, ex-allié de Joseph Kbaila, entré en opposition. Il bénéficie du soutien de Charles Mwando Simba, chef d’un parti (Unadef) populaire dans le Tanganykia, Kyungu wa Kumwanza de l’Unafec, influent notamment à Lubumbashi et Danis Banze de Likasi. La MP n’est pas prête à perdre la main sur Lubumbashi, comme l’indique le déploiement de jeudi 10 mars. Qui gardera le contrôle de Lubumbashi ? La bataille ne fait que commencer.


Le pagne pour dire femme africaine

C’est mars, les discours sur la femme redoublent d’intensité dans les médias à Lubumbashi. Un mois durant, la tendance devrait rester la même. Masquer les urgences, elles reviennent au galop ! Les femmes sont là, jusqu’à ce qu’elles soient entendues ! Mais de qui donc, si parfois dans leur lutte commune, des femmes dévoient ?

J’ai voulu centrer ce billet sur le pagne qui ferait des africains ! A la une, le 8 mars, le pagne a pris plus d’importance, en RDC, au point d’offusquer les vraies revendications des femmes. Jusqu’en 2011, avant qu’une ministre décide d’appeler à « réfléchir » sur les violences et la paix, la journée de la femme est passée pour une fête, un jour du libertinage féminin. De quoi rougir dans un pays des plus minés par les violences sexuelles. Pourtant, la réflexion tarde à émerger.

Les stars à l’antenne

Un plateau tv à l'honneur de la femme sur Kyondo.
Un plateau de Kyondo tv garni des pagnes en mars 2016.

Durant « le mois de la femme », les télévisions influentes de Lubumbashi changent de décors : les plateaux sont ornés des pagnes, les hommes ne présentent plus les JT (journaux télévisé) et magazines dans certains médias. Aussi, chaque jour des portraits des femmes qui innovent ou se distinguent dans la vie sont proposés. Les femmes, journalistes et invitées, rivalisent de beauté, de style et de modes. Parfois, c’est une obligation de s’habiller en africaine, en pagne : pagnes hollandais, wax, super wax, GCA (Grand continent africain), du prêt-à-porter ouest africain, sud-africain, kinois, africain inspiré de l’Orient (Vaïdeï !), etc. C’est comme du bon vin qui ne veut point d’enseigne !

Vêtue de pagne, donc africaine !

Dans une courte discussion sur ce choix-obligatoire de pagnes pour les télévisions, une journaliste dit d’un ton péremptoire et innocent : « le pagne, c’est pour dire femme africaine ». Naïveté ou non, plusieurs y croient, même si en Zambie, par exemple, des africaines sont souvent en veste, en robe ou en jupe. A l’arrivée des colonisateurs, en effet, « l’étoffe » de raphia (dans certains coins de RDC), était des techniques les plus avancées d’accoutrements, pour hommes et femmes. Le concepteur du pagne s’en serait inspiré pour que sociologiquement il fût intégré. Aujourd’hui, le pagne est porté en divers styles, selon les régions, en Afrique. Des miss, mannequins, premières dames, ministres femmes, magazines de mode et stars de télévisons, dont les journalistes contribuent à la diffusion du port du pagne, et du rêve féminin africain. Plus commodément, ce rêve est celui de beauté, plutôt que de grandeur, d’intelligence, de puissance. Non, peu de femmes congolaises rêvent de puissance.

Une femme habillée en pagne. Lubumbashi, 2 mars 2016
Une femme habillée en pagne. Lubumbashi, 2 mars 2016

Mais c’est sans compter des femmes un peu rebelles ou réfractaires à cette mode un peu m’as-tu-vu. Une présentatrice vedette de Kyondo tv, à Lubumbashi, a continué, même en mars, de bien fixer sa cravate au-dessus de sa chemise. Cela lui a donné à son journal une aura d’exception que des hommes ne voulaient rater à 23 heures. C’était jusqu’à 2014.

Le pagne pour tous

Femmes nigérianes en pagnes. Source: Wikipedia commons.
Femmes nigérianes en pagnes. Source: Wikipedia commons.

Le pagne est entré dans la vie des africains et porte désormais une identité vue sous divers prisme. Certains hommes ne supportent pas que leurs femmes portent jupes ou des pantalons. « Heshima ya mama, ni kikwembe » (du swahili, « le respect d’une mère, c’est dans le port du pagne »), affirme une animatrice d’une émission consacrée aux conseils aux femmes sur Mwangaza télévision, à Lubumbashi. « C’est un habit de mariage, pour dire responsabilité », explique un parent. Il est dans toutes les dotes, les hommes en font cadeau à leurs épouses, à leurs mères pour les remercier, … ils portent aussi des vestes et chemises de pagnes. Ils s’en couvrent aussi lorsqu’ils descendent de leurs lits, tôt le matin. Mais le pagne, africain, intéresse aussi les non africains. Bill Biden, épouse du vice-président américain Joe Biden a fait sensation à la maison Blanche en s’affichant en robe made in Kinshasa, en 2014.

Mais tout cela n’a que peu de rapport avec le discours qui libère la femme. Le pagne ne reste qu’un habit, pas plus. Mais les problèmes des femmes congolaises demeurent. Le militantisme est généralement une lutte qui se révèle, au finish, mal orientée. La plus solide, je la conçois comme la lutte engage les idées et s’adresse aux esprits. Cela implique dès lors que femmes et hommes soient éduqués à la parité et au genre, au respect et à la dignité : cela portera solidement qu’une idée parachutée sur l’égalité des sexes, que même des femmes souffrent à défendre.

https://youtu.be/Qv8tSWliVjM


La « Gécamines », la reine du cuivre congolais, se porte bien mal

La reine du cuivre et du cobalt congolais se porte mal. Les travailleurs de la « Générale des carrières et des mines »( Gécamines) demandent le départ de la Direction et de l’intersyndicale. Les salariés de la compagnie minière congolaise sont en colère, ils ont manifesté le 26 février à Lubumbashi contre la tentative de révision de leur convention collective.

L’objet de la discorde est un document de 117 articles. La convention collective consiste à établir l’ensemble des conditions d’emploi et de travail ainsi que les garanties sociales des salariés de la Gécamines, poumon de l’économie congolaise depuis l’indépendance. Un grand nombre d’articles serait concerné par une procédure de révision, presque la moitié. Les employés disent n’en avoir pas été informés, ils accusent la Direction et une partie de l’intersyndicale de vouloir le faire à leur insu. « C’est une fausse accusation. La personne qui dit ça, n’a qu’à apporter les preuves », Kasongo Mabwisha, membre de l’intersyndicale, réagit fortement.
Les salariés n’en croient pas un mot : selon eux, même l’article 5 de la convention qui interdit de réduire leurs avantages est concerné par la révision. Mais pour Kasongo Mabwsisha, les travailleurs en colère sont intoxiqués, il insiste : la convention collective n’est pas en cours de révision. Pourtant il admet que la proposition a déjà été faite et qu’il y a des négociations à ce sujet.

Lubumbashi: Marche des travailleurs de la Gécamines
Des salariés de la Gécamines protestent contre la Direction. Photo Donciel Miji

 

Les salariés appellent la Direction à démissionner

La situation est embarrassante pour les dirigeants de la Gécamines. Cela tombe mal, la grande entreprise minière publique du Katanga doit faire face à deux enjeux de taille et n’avait pas besoin de nouvelles tensions. Le premier enjeu est économique. Chancelante depuis la fin des années 80, l’entreprise, autrefois fleuron minier du pays, doit aujourd’hui produire plus pour espérer couvrir ses charges. Elle doit aussi répondre de sa contribution au budget de l’Etat alors que les cours de cuivre et de cobalt sont au plus bas depuis la crise de 2008. Le deuxième enjeu est politique. On sait que le contexte politique actuel est dominé par la fin du mandat de Joseph Kabila (novembre 2016) et qu’il s’accompagne de tensions préélectorales, or la Gécamines se trouve à Lubumbashi, dans l’ex province du Katanga, qui était autrefois une région de fort soutien au président Kabila mais qui ne l’est plus aujourd’hui. Cette région abrite maintenant le fief du G7  (groupe de 7 partis frondeurs exclus de la majorité au pouvoir) qui s’oppose fermement à un éventuel maintien au pouvoir de Kabila au-delà de son 2e et dernier mandat constitutionnel.

Dans ce contexte, procéder à des ponctions dans les allocations familiales et revoir certains avantages liés au logement ou au transport des salariés serait gênant pour Kinshasa. Jacques Kamenga Tshimuanga, qui assure l’intérim de la Direction générale depuis juillet 2014, a déclaré au sujet des salariés : « personne n’a décidé de réduire leurs avantages ». Il dénonce une manipulation. « Les gens font toujours de mauvaises interprétations qui font croire que la révision va toujours à l’encontre du travailleur. Ça peut être l’occasion de donner certains avantages au travailleur. Ça peut être possible». Selon un syndicaliste « le Directeur général parle de possibilité, non pas de la réalité ». Mais de leur côté, les salariés n’en démordent pas, ils appellent Jacques Kamanga et Albert Yuma Mulimbi (le président du conseil d’administration) à la démission.

 

La Gécamines victime de mauvaise gestion

La Gécamines est à la peine. Elle n’arrive pas à sortir d’un endettement colossal, qui date de l’effondrement des cours du cuivre dans les années 1990. Mais ce n’est pas sa production actuelle de cuivre qui va l’aider à repartir du bon pied – elle en produisait 15 fois plus dans les années 1980.  La société publique s’est déjà séparée de 10 000 employés dans les années 2000, elle n’en finit pas de dégraisser ses effectifs et n’atteint pas le seuil de production fixé en 2015.
Certains journalistes dénoncent les maux de la Gécamines dûs selon eux à une mauvaise gestion de l’entreprise, on entend parler de gabegie financière et de politisation des services.
La Gécamines a-t-elle encore pour vocation d’être un opérateur minier plutôt qu’une simple holding de partage des participations de l’Etat, qui récupérerait les revenus au bénéfice des infrastructures et des services publics du pays ? Kinshasa peut -elle gouverner sans la Gécamines ? Certains experts s’interrogent.


RDC: les 10 ans d’une constitution tant disputée

Le 18 février 2016, la constitution de la République démocratique du Congo, soutenue par les congolais au référendum de 2005, a totalisé 10 ans. Lorsque Joseph Kabila la promulgue, en 2006, elle entend rompre avec le long règne de Mobutu et stopper la nébuleuse des groupes armés ayant suivi sa chute, à l’origine des millions de morts.

Les garde-fous : préserver la stabilité en RDC

Après l’accord de paix signé à Sun City (Afrique du sud), qui sauve la RDC de la dislocation, les délégués des belligérants et de la société, puis le sénat qu’ils constituent, définissent les lignes infranchissables : des « dispositions intangibles ». Elles préviennent, en effet, les révisions intempestives de la loi fondamentale, désignées comme une des causes de contestation des institutions et de leurs animateurs. C’est le fameux article 220 qui fixe :

  • Le mandat du président de la république à cinq ans, une fois renouvelable,
  • La forme républicaine de l’Etat : unitaire et décentralisé,
  • Le principe du suffrage universel (le président et les députés élus par le peuple),
  • La représentativité du gouvernement (tenir compte des provinces),
  • L’indépendance du pouvoir judiciaire,
  • Le pluralisme politique et syndical.

Dix ans après, cette Constitution présente un tableau contrasté et alimente la controverse entre pouvoir et opposition. Le voici tel que je l’appréhende.

Constitution de la RDC
Source: Wikipedia commons

Joseph Kabila, garant de la constitution et de la nation congolaise

En 2006, Joseph Kabila est élu président. La RDC a une nouvelle constitution, un président et des députés, pour la première fois, élus par le peuple, et de nouvelles institutions, … jeune en plus, Joseph Kabila incarne l’espoir et la rupture. Malgré le retard, il installe « les institutions d’appuis à la démocratie » : Commission des Droits de l’Homme, Commission électorale, Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication. Mais aussi, il installe la stratégique Cour Constitutionnelle. Mieux vaut tard que jamais (?), Kabila installe les 26 provinces en 2015. Les lois sont discutées au parlement, même si certains élus vont jusqu’à se battre à l’hémicycle. Dans les médias, Kabila se laisse critiquer, caricaturer, contrairement à ce qui se passe dans plusieurs pays voisins au sien. Quelque rupture est née avec les ères Mobutu et Laurent-Désiré Kabila, ses prédécesseurs présidents.

Le tortueux chemin du respect de la constitution

A l’inverse, le chemin du respect de la Constitution n’aura pas été facile pour Joseph Kabila, pour l’opposition aussi ! En 10 ans, quatre événements ont été marquants :

  • Deux révisions de la loi fondamentale en trois ans (2009 et 2011), avec une récurrente envie de toucher au fruit de la connaissance du bien et du mal, le fameux article 220. L’interdit attire ! La révision constitutionnelle de 2011 (pdf) réduit l’indépendance des parquets. Ce n’est plus le magistrat, mais le ministre de la justice qui a le dernier mot.
  • Au lieu de 36 mois, dès la promulgation de la constitution (2009), J. Kabila lance les nouvelles provinces en 2015, sans préparation ni animateurs.
  • Les commissaires spéciaux dirigent les provinces à la place des gouverneurs élus.
  • Le non-respect de la retenue à la source (provinces) des 40% des recettes nationales. Cela a provoqué un contentieux entre le Katanga de Moïse Katumbi et Kinshasa.

C’est sans oublier la suspension des assemblées provinciales par le ministre de l’intérieur, alors que le chef de l’Etat devait consulter, en amont, les présidents du parlement. Pendant ce temps-là, des rapports des ONG, y compris l’ONU, s’inquiètent de la réduction croissante de l’espace des libertés.

Une opposition pas du tout innocente

En 2016, Joseph Kabila va-t-il modifier la constitution pour se maintenir au pouvoir ? Le pouvoir rassure, l’opposition doute. De mon avis, aujourd’hui, le débat ne devrait pas être si oui ou non Kabila a droit à un mandat interdit, dès lors que ses voisins l’ont eu que cela n’énerve vraiment les grandes puissances. Le débat devrait donc porter sur ce que gagnerait Kabila en se retirant après son mandat en cours. – Il aura préservé les succès qu’il a réalisés où ses prédécesseurs n’ont pas obtenu les mêmes résultats et respecté le vœu de sa constitution. – Si seulement l’opposition pouvait aussi le rassurer ! Mais hélas, elle partage en partie les ratés de Kabila. Dix ans durant, n’a pas réussi de se choisir un porte-parole (de l’opposition), comme le veut la loi fondamentale. Des mesures constitutionnelles visant à sanctionner des ministres ou à faire tomber les premiers ministres et leurs gouvernements ont toutes échoué, souvent parce que leurs auteurs se sont rétractés. Curieux !


Habari RDC ou le Congo vu des blogueurs

Des années après le succès de Congo blog et son fondateur Cédric Kalonji, aujourd’hui ancêtres du blogging congolais, le blog se démocratise, progressivement, au rythme de la démocratisation de l’accès à Internet. Avec eux, le désire de raconter son pays, sa ville, son Congo (RDC) qui va en grandissant.

Habari RDC est le nom que porte le collectif des blogueurs congolais. Du Swahili, Habari signifie « nouvelles, informations. » Combiné avec RDC, Habari peut aussi sonner comme une question : « comment vas-tu, RDC ? » Et, les blogueurs qui racontent chacun son quartier, sa ville, sont alors un véritable thermomètre pour mesurer l’état de santé du pays.

L’information alternative sur la RDC

Dans un contexte préélectoral tendu, sur fond des soupçons sur la fin du mandat présidentiel, que peuvent faire les blogueurs de RDC ? Question difficile. Mais dans un pays où les médias classiques, les plus en vue, sont sous le contrôle du pouvoir ou doivent se taire pour ne pas être fermés, –s’ils appartiennent à l’opposition, – les citoyens ont besoin d’une information qui leur permette de mesurer, par eux-mêmes, la température du pays. Le défi est grand. Travailler en réseau, peut alors constituer un atout majeur, mais aussi un défi : il faut des moyens et une coordination efficace.

Habari RDC, Blogueurs de RDC
Conférence à la société civile du Katanga, Lubumbashi, 21 novembre 2015. Photo M3 Didier.

Le blogueur n’a pas les moyens du journaliste pour chercher et vérifier l’information dans une large mesure. « Mais des témoignages concordants des blogueurs, peuvent faire foi. Le blogueur raconte ce qu’il vit », explique la charte de Habari RDC.  « Nous ne voulons pas reproduire Radio Okapi, RTNC ou RFI. Nous voulons dire des choses originales qui puissent intéresser », insiste Guy Muyembe, choisi président de la blogosphère congolaise par ses paires. « Notre originalité viendra de notre manière de raconter, de notre choix des thèmes et de sujets », ajoute un autre blogueur.

Face aux tensions préélectorales

Habari RDC se propose, de façon spéciale, d’accompagner le processus électoral : raconter les événements avant, pendant et après les élections. Depuis les premières élections acceptées comme bonnes en 2006, et durant celles de 2011, jugées chaotiques, le temps électoral constitue une occasion des violences en RDC. Rien ne promet que 2016 fera exception, alors que opposition et pouvoir peinent à s’entendre sur la manière d’arriver aux élections devant marquer la fin du second et dernier mandat constitutionnel de Joseph Kabila. Et, un blog, qu’y peut-il ? Pas grand-chose, c’est sûr. Mais ce que produisent les blogueurs, c’est de l’information. Qui sait jusqu’où va son impact ?

Sur les pas de Congo blog de Cédric Kalonji

En 2007, la Deutsch Welle élit Congo blog, comme le meilleur blogue francophone. Initiative de Cédric Kalonji, « ancêtre du blogging congolais », comme certains blogueurs aiment le présenter, Congo blog a réuni des jeunes qui racontent de petites histoires sur leurs villes : Kisangani, Kinshasa, Lubumbashi et Goma. Changé en Congo blog « baleki », « les cadets », en lingala, le blog va s’éteindre après 2009.

Contrairement à cette époque où les blogueurs sont des vrais autodidactes, Habari RDC fédère les regroupements urbains qui existent déjà à Goma (assez actifs sur la toile), Lubumbashi, Kinshasa et Mbuji Mayi, au centre du pays où bloguer malgré la rareté de l’électricité, les blogueurs écrivent quand même. En attendant le lancement du site web Habari RDC, le collectif vient de finaliser son organisation interne. Mais déjà, les blogueurs racontent leur pays dans « RDC Vote », dédié aux élections en RDC sur Waza Afrique, l’unique partenaire, lui-même, un projet de RNW (Radio Nederland) dédié à la promotion des droits de l’homme sur le continent. Les blogueurs rivalisent de créativité et de style. Le ton de ce que pourra être Habari RDC est donné. Le processus électoral et les luttes politiques entre opposition et pouvoir ont déjà inspiré plusieurs textes qui circulent sur les réseaux sociaux.


Consultez-nous avant de toucher au français

Entre mutation et socialisation du français, s’ouvre une voie : celle du danger de dépréciation de la langue. L’accent circonflexe, le trait d’union et plusieurs graphies estimées compliquées se transforment ou vont disparaître. Evolution ! Seulement, on traite le Français comme une exclusivité de la France.

A première vue, rien d’anormal, dans la réforme du français entamée en 1990. Les langues, comme les humains, en effet, naissent, croissent, vieillissent puis, meurent. J’espère que l’on n’en est pas encore à l’ensevelissement du Français. Mais dans ces modifications, il y a une force qui tire par le bas la langue de Molière. Déjà le fait que la réforme ait attendu plus de 25 ans pour être appliquée traduit le doute. Tenez bien : de fenestre (proche du latin) à fenêtre, de teste à tête, … c’est une mutation, une histoire que porte « ^ », l’accent circonflexe. Mais de tête à tete, par exemple, il y a appauvrissement et confusion si l’accent devait tomber. Celui qui aura oublié le è sur tete placera le lecteur dans l’embarras, entre « tete » pour dire tête, et tete, une incorrection orthographique du verbe téter, 3e personne de l’indicatif présent.

Faute d’orthographe. Source: www.francebleu.fr

La grammaire française, toujours une science normative ?

Plusieurs ont appris « la fin de l’accent circonflexe », sans compter considérer que cet accent sera toujours là pour distinguer certains mots comme mur (substantif) et mûr (adjectif), « du » article partitif et dû, participe passé de devoir. « Sans accent circonflexe, il faudra se référer au contexte. Cela ne facilite pas non plus la tâche. Car, la forme des mots contribue à la compréhension », explique professeur Christian Kunda. Les rédacteurs maîtrisant les (désormais) vieilles règles, décideront du respect ou non des nouvelles. Mais quel dommage, cette relativisation pour une science normative : la grammaire ! On croirait que le glas de l’heure du français bien écrit a sonné. Connaître ou ne pas connaitre, c’est pareil !

Simplifier l’écriture du Français ou appauvrir la culture ?

La réforme du français de 1990 a la prétention de simplifier l’orthographe pour que plusieurs (français d’abord) écrivent bien. Si les gens écrivent de moins en moins bien, ce n’est pas forcément la faute à Gutenberg ou à l’ordinateur. La vérité est que bien écrire est un art. Et dit l’art sous-entend quelque chose d’un peu ésotérique : l’art n’a jamais été affaire des masses. On a beau atteindre 90% de taux d’alphabétisation. Cependant, en voulant simplifier l’écriture, la révolution industrielle (vue sous le prisme d’écriture) qui, à termes, est portée par les TIC, a minimisé progressivement l’exigence de maîtrise des règles, de Gutenberg à Internet. « Il faut comprendre cette évolution en la replaçant dans le contexte de l’industrialisation », explique Christian Kunda, professeur de français à l’Université de Lubumbashi.


L’ordinateur tend à gérer l’intelligence des langues. Et la réforme qui révolte certains, aussi bien en France qu’en RDC, se plie aux limites des TIC et accentuées par les TIC. Le français dans un logiciel, c’est pis que dans un dictionnaire où dort ! Le français s’enrichit non pas dans le sens figé des mots, mais dans le sens figuré, voire détourné. Le plus fort aujourd’hui n’est pas le grammairien ni l’académicien, mais un codeur-développeur, qui souvent n’est pas toujours pas amoureux de grammaire ou, grave encore, est anglophone, opérant sur des cellules francophones qu’on lui présente. Quand bien même (meme ?) il serait francophone, il ne serait pas toujours bien indiqué pour diffuser la langue. Pourtant, il le fait pour tous !

Le Français est aussi notre affaire, tenez compte de nous

L’ennui c’est que finalement, l’académie française qui a pourtant avalisé la réforme de l’orthographe s’avise à indiquer que l’initiative revient au conseil supérieur de la langue française, une institution de la France. Dans tous les cas, la France traite le français comme une propriété exclusive, à l’heure de la francophonie. La langue de Molière n’a plus un seul maître. Consultez-nous, pensez aussi à la planète françaiphile. Plutôt que de simplifier le français, l’académie (qui refuse toute paternité) aurait intérêt à trouver les voies de conjuration des fautes les plus criantes, en corrigeant les matrices logicielles sur lesquelles opèrent les techniciens codeurs-développeurs. Car c’est là que se joue l’avenir des langues, les usagers des TIC faisant de plus en plus confiance à leurs machines et programmes. J’ai le sentiment que les réformateurs ont loupé certains aspects des vrais problèmes.


RDC : l’album « 13e apôtre » et le titre « collez la petite » censurés

L’album musical « 13e apôtre » du congolais Koffi Olomide et la chanson « Collez la petite » du camerounais Franko Kingue sont interdits à la vente et à la diffusion partout en RDC. Ainsi en a décidé le 29 janvier, la Commission Nationale de Censure qui accuse ces œuvres de dépraver les mœurs. Décision étonnante, d’autant plus que le chanteur congolais a reçu, fin décembre, 3 médailles de l’État congolais. En plus, l’œuvre du camerounais n’est plus interdite dans son pays, la mesure a été levée.

La Commission de Censure n’accuse pas Koffi Olomide de ne lui avoir pas présenté son dernier album avant la diffusion mais de dépraver les mœurs. Soit. Mais il reste possible de postuler que l’artiste a eu l’autorisation, fût-elle tacite. En plus, la télévision nationale (RTNC) a été l’un des premiers médias à diffuser les clips de 13e album dont Selfie et Ekoti te (ça n’entre pas !) présentés comme particulièrement osés et capables de heurter la pudeur de certaines personnes. Mais il y en a plein dans la musique congolaise moderne. Aussi, que Koffi Olomide ait présenté ou non son album, la commission de censure, en se contredisant, elle montre qu’elle tourne mal. A-t-elle toujours un mot sur le contenu des œuvres qu’on lui présente ? Censure-t-elle toujours, ou au contraire elle subit la censure par les artistes ?

Les stars de télévision sont les meilleurs en RDC

« Pourquoi Koffi Olomide ne pouvait-il pas adapter son programme à l’agenda de l’Etat qui, je l’espère, a dû le prévenir qu’il était retenu pour recevoir des médailles de son Etat ? » s’interroge un chroniqueur de musique qui voit en l’absence de Koffi Olomide à la cérémonie de décoration des artistes, un manque de respect pour son Etat. « Plusieurs artistes sont venus de l’étranger où ils ont tout laissé pour répondre à l’Etat », poursuit-il. Mais, Koffi bombardé chevalier de l’ordre du mérite national, certains n’en discutent pas. Mais les dignitaires d’Etat qui surprennent, il y en a plein en RDC, souvent des stars de télévision ! Pendant ce temps-là, des professeurs d’université et autres enseignants réputés sérieux meurent en silence. Un proverbe lunda dit : « les oiseaux sans graisse font plus de bruit que les autres. » Il y a crise de modèle en RDC. La RDC ne va pas à la recherche de ses étoiles. Tant que les modèles de société resteront les stars de télévision, un peu m’as-tu-vu, alors la société ne décollera pas mentalement.


Une décision pas la meilleure

Il va de soi que la censure qui frappe 13e apôtre et Collez la petite va finir, comme par effet boomerang, doper leur succès. On n’a qu’à considérer la publicité que le préfet de Mifi a assurée à l’œuvre en l’interdisant dans son département. Seulement là, l’interdiction a été levée une semaine après. Mais voilà qu’à Kinshasa, on plonge dans ce qui a élevé Franco qui jusqu’à Collez la petite, n’était pas célèbre au Cameroun et dans le monde. Que fallait-il faire, à propos ? Laisser continuer ces œuvres ou les interdire ? Oui. Il reste préférable de laisser s’éroder les œuvres de l’esprit qui portent la mort dans l’âme. A court terme, elles s’éteignent. Seul le temps définit les œuvres intemporels : celles qui ne sont pas toujours les plus présentes dans l’actualité. J’ai rencontré des personnes qui trouvent médiocre 13e apôtre de Koffi Olomide parce qu’il répèterait beaucoup ses sonorités et rythmes anciens, ne changeant que des paroles. En interdisant l’œuvre, Kinshasa (par son service de censure) a décidé d’assurer une publicité inimaginable à « 13e apôtre » et à Collez la petite. Travail presqu’inutile pour ces désormais célébrités mondiales.

Koffi Olomide, le meilleur ?

Koffi Olomide règne presque sans partage depuis plus de 15 ans, au  top du succès de la musique congolaise, et même africaine. Cela lui le rend parfois un peu guindé. Fin décembre 2015, l’artiste ne se présente pas à la cérémonie solennelle de décoration des acteurs culturels de RDC, initiative du président Joseph Kabila. Le Mopao (chef, patron) comme il se fait appeler, reçoit ses trois médailles dont une en or, synonyme de grande distinction, dans une cérémonie discrète, seul à l’honneur. Cela se passe un jour après la grand-messe. Il faut s’être distingué par son sens de civisme, par « honorabilité, dignité et moralité », explique un juré. Voilà qui suscite la colère des chanteurs JB Mpiana et Werrason, adversaires jurés du Mopao médaillé d’or. « A considérer ce que nous avons fait pour ce pays ! » s’exclame Werrason, ambassadeur de la paix, engagé auprès des enfants de la rue à Kinshasa.

Que la commission de censure accuse 13e apôtre de dépraver les mœurs contredit l’image de Koffi Olomide proposé comme un modèle. De deux choses, l’une : ou le musicien mérite bien sa distinction, ou alors, la commission a trompé 80 millions de congolais qui ont suivi l’évènement et ont cru aux choix opérés. Dans ce cas, il faut expliquer comment ils en sont arrivés à cette affaire qui ridiculise toute une nation.


Une guerre dans le RDC-Rwanda au CHAN 2016

J’ai suivi le RDC-Rwanda en terre Rwandaise. Une foule d’images, ai-je enregistré. Mais, une est forte, poussant parfois au risque du pessimisme. Mais non ! Sur Facebook et sur Twitter, les invectives qui ont commencé avant et ont continué après le match de qualification pour la demi-finale, ne sont pas des choses banales qui arrivent dans un match de foot. RDC-Rwanda, j’ai vu un duel revanchard qui a tourné parfois en guerre !

Un match peu fair-play. Un joueur rwandais marche sur le mollet de son adversaire congolais; un autre reste au sol pendant que l’arbitre fait jouer la partie. Pour plusieurs, l’arbitre semble favoriser les joueurs rwandais, organisateurs du Championnat africain des joueurs locaux. Les Rwandais se réarment moralement après le but égalisateur, mais toutes les deux équipes sont tendues et jouent sous une charge émotionnelle importante : celle des conflits politiques et militaires qui opposent les deux pays.

Capture d'écran
Capture d’écran

Au delà du football, la politique et l’armée

Inacceptable pour les rwandais d’être battus par des congolais. Lors de la CAN 2004, alors que la RDC et le Rwanda étaient en conflits intenses au sujet du soutien aux groupes armés, le président Kagame aurait «  juré que toutes les équipes pouvaient battre la sienne, sauf celle de RDC », se rappelle habitant de Lubumbashi. En RDC, en revanche, peu de personnes reconnaissent la force du Rwanda, fût-il dans le football. Battre le Rwanda, pour plusieurs congolais, c’est prouver que le Congo reste un géant, dans tous les sens du terme. Les rwandais, quant à eux, devaient prouver qu’ils ne sont pas que forts militairement.

Le 30 janvier 2016 à Kigali, un seul devait cependant gagner. Mais personne ne devait perdre ! Sur la pelouse du stade de Amahoro, il y avait un peu de tout cela dans les esprits des joueurs des deux équipes. Des kalachnikovs, il y en avait dans les tacles, les coups de pieds parfois violents et volontaires, des bousculades inamicales. Mais en tout cela, il y a avant tout, la politique et les politiciens. Ils n’ont pas assez agi pour rétablir la paix entre ces deux pays voisins et qui, en plus, partagent une longue histoire de fraternité. Presqu’en vin, les efforts de la jeunesse des grands lacs de sortir des clichés formés par plus de 20 ans de méfiance et de provocation.

A quand la fin des rivalités entre Congolais et Rwandais

RDC-Rwanda, au CHAN, la RDC a pourtant gagné. « Ce n’était que le sport », nous accordons-nous de dire. Mais ce ne sont là que des mots. Ce que se sont dit les congolais anti-Kagame sur les réseaux sociaux, surtout après le but égalisateur et des erreurs d’arbitrage fort critiqué du derby RDC-Rwanda, témoigne de la divagation de la haine entre les deux pays. Oui, le mot peut-être prononcé ! Je me suis dit alors : il reste encore beaucoup à faire pour que la paix revienne dans les grands Lacs. Les armes se tairont peut-être demain, mais si déjà même le foot ne peut offrir une trêve de guerre, faire rêver des peuples, alors demain devrait être pareil à hier et aujourd’hui.

Pourtant, un fait pas hasardeux devrait appeler rwandais et congolais à réfléchir sur leurs relations. Cela fait deux fois que ce qui arrive « pour la première fois » au Rwanda, se passe avec la RDC, deux pays voisins, partageant une histoire coloniale commune en plus. Tenez : le premier RDC-Rwanda arrive en 2004. Pour la première fois, le Rwanda participe à une CAN et bat la RDC par un but à zéro. Au CHAN 2016, le Rwanda arrive pour la première fois en quart de finale de son histoire. Et, c’est encore la RDC qu’il croise. Comme si le destin voulait bien que nous apaisions nos rancœurs pour penser à revivre ensemble, un peu comme avant la guerre.


Des pasteurs créateurs d’enfants sorciers

Jack, un garçon de six ans, est accusé de sorcellerie à Katuba, une commune populaire de Lubumbashi, parce qu’il a été surpris en train de parler alors qu’il consommait saintement son sommeil. Pauvre enfant! Devant et parmi ses amis : gifles, menaces, railleries et humiliations…  Au bout de ce traitement, inhumain pour son âge, l’enfant finit par avouer qu’il est sorcier! Simplement parce qu’il parle dans son sommeil, phénomène humain auquel les adultes sont sujets, sans qu’ils soient sorciers pour autant !

Jack n’est pas somnambule, a priori. Il faut le voir. Il n’est pas en très bonne santé, et, comme les autres enfants de sa famille, il n’est visiblement pas bien nourri. Ce qui explique le squelette couvert de peau sèche sur lequel il se tient. Ses parents sont séparés, divorcés : la mère vit au fond de l’ex-province du Katanga, le père à Lubumbashi, sans l’enfant. Il ne s’en préoccupe pas du tout. L’enfant vit grâce à ce qui s’apparente à de la gentillesse de la part de sa tante et de son mari, qui ont accepté de le recevoir. Mais pour combien de temps ? Ce que vit l’enfant n’est ni gentillesse ni charité. C’est de la torture, pour le seul tort d’être né des parents ayant divorcé, et l’ayant oublié.IMAG0115

Lorsque la pauvreté engendre tous les maux

La famille d’accueil du petit Jack n’a pas assez pour vivre. Avec son physique minable et famélique, l’enfant étranger semble être la première victime de ce manque de ressources. Un repas par jour pour tous, c’est déjà beaucoup dans sa famille, comme pour plusieurs autres à Lubumbashi. Outre le manque de paix intérieure et physique, Jack est-il toujours nourri avec la même part que les autres ?

Les pasteurs se mêlent du phénomène des enfant sorciers

Il y a cependant une « gentillesse » dont le petit Jack bénéficie aux yeux de ses nouveaux parents : l’amener chez un pasteur pour un exorcisme. Par malheur, l’homme de Dieu impose à l’enfant – déjà souffrant de malnutrition – de jeûner pour expulser de son ventre et de sa tête les démons qui s’y sont incrustés. Le brave va jusqu’à fondre la cire d’une bougie sur la peau asséchée qui couvre les os de l’enfant. Jack porte ces brûlures, qui le marginalisent d’autant plus. Ainsi traumatisé, ses nuits deviennent bouillantes de plus belle. Et la torture reprend. L’enfant verse dans des affabulations, par peur de représailles et espérant se sauver par des aveux : il raconte ses voyages nocturnes.

Je connais l’Afrique, je crois en ses forces diurnes et nocturnes. Je vis au grand jour, et la nuit, je dors comme un enfant. Comme d’autres, j’entends les petits et les grands parler dans leur sommeil. Certains essaient même de jouer. A la différence de Jack, personne ne les suspecte. C’est normal. Je sais aussi que la nuit fait peur. Mais je sais surtout que c’est parce que nos maisons et nos parcelles ne sont pas éclairées : nous dormons dans le noir. Et dans ce noir africain, il y a plus de peur que de mal. Les sorciers existent, ils s’incarnent parfois dans les enfants et les envoûtent, c’est possible. Mais que parler dans un sommeil soit signe de sorcellerie, c’est une aberration. D’autant plus venant d’un pasteur !

Des enfants en train de casser des pierres dans une carrière minière à Kipushi | Capture d'écran, le 15.07.2015
Des enfants en train de casser des pierres dans une carrière minière à Kipushi | Capture d’écran, le 15.07.2015

Des pasteurs créateurs d’enfants sorciers

Ce qui reste difficile à comprendre, c’est que très souvent, les enfants sorciers existent soit dans les maisons aux bourses menues, soit sans ressources. Et pourquoi, seuls (ou surtout) les enfants d’autres seraient-ils sorciers ? « Regarde-moi ce squelette couvert de peau, c’est comme s’il ne mangeait pas ! » insulte la maîtresse de la maison de Jack. Mais pauvre d’elle ! Elle ne prend pas le temps de penser au fait que son regard méchant et gauche est le seul vampire qui suce le sang du petit Jack.

Ils sont nombreux les Jack et les parents à Lubumbashi. Les derniers amènent les premiers à l’église, chez des pasteurs qui ne prophétisent que le malheur et ne voient jamais la malnutrition et le manque d’affection dont souffrent ces accusés de sorcellerie. Ils ne voient jamais les véritables sorciers. Morbleu ! Qui vous a établi pasteurs, pauvres escrocs affairistes que vous êtes ? Si nos pasteurs apprenaient un peu de psychologie et de sociologie, on parlerait moins de sorcellerie. Ce sont eux les vrais sorciers, ces menteurs jetant un mauvais sort aux enfants !


Terrorisme, la tombe de la solidarité africaine

C’est peut être un pur hasard, mais pour plusieurs africains, les dirigeants africains, en tout la plupart, sont mal charitables. Alors que le Burkina Faso a été frappé par un meurtrier attentat terroriste, plusieurs gardent leur silence. Pas de solidarité « africaine chantée », attendue, pas même des condoléances.

Discussion entre amis, sur le soutien ou non « des autres » lorsque l’Afrique est frappée. J’ai préféré, pour ma part, m’occuper des africains. En janvier 2015, un attentat terroriste frappait Paris, à Charlie Hebdo. Des chefs d’Etats africains s’étaient empressés d’être Charlie. Qu’il faisait commode de l’être, en effet ! Mais quelle implication ? Rien d’étonnant. Pendant ce temps-là, les africains ordinaires tirent de leurs menues bourses, papier et crayons ou payent leur connexion Internet pour dire leur refus de la terreur : #JesuisCharlie, #PrayforParis, mais aussi (faiblement !) #JesuisGarisa. Les dirigeants africains, eux, tirent des budgets hybrides (des bourses menues et des aides européennes), et passent de longs coups de fil ou payent l’avion pour flatter François Hollande et faire leur publicité mondiale.

Plus de solidarité africaine pour l’Afrique

Il y a des choses qui ne tournent pas bien dans la solidarité africaine des dirigeants. Et dans la nôtre, citoyens ordinaires et blogueurs crieurs ? – J’ai twitté toute la soirée de l’attaque de Splendid hotel. Et c’est tout ? Vous rigolez ! Oui, en effet. Nos taxes et impôts devraient servir aussi à cette solidarité. Et puisque cela semble ignoré, c’est un rappel ! C’est ce que font aussi « les autres ». Les européens qui interviennent au Mali sortent d’abord leur sou.

Hotel Splendid
Source: France bleu

On ne compte plus les « anti-néocolonialistes » ou « anti-impérialistes » tirant à hue et à dia. Mais combien, face à l’épreuve, mettent la main à la poche ou endossent la tenue de combat, comme Paul Bya, après coup, pour stopper Boko Haram ? En Afrique prétendument de solidarité, le discours est silence lorsqu’il faut de l’argent pour la paix ! Oui, une spirale du silence qui finit par enliser l’espoir de toute fraternité africaine.

Trois exemples pour dire incapacité de faire preuve de courage et de solidarité :

  1. Ebola frappe l’Afrique de l’Ouest. L’affaire est quasiment abandonnée à la sous-région, même si l’Union africaine entre en dance un peu plus rapidement que des Etats. Et le monde accourt pour sauver l’Afrique, comme un éternel bébé !
  2. La Lybie brûle depuis la mort de Kadhafi. Bien entendu, une situation qu’aucun pays africain n’a provoquée. Mais Aqmi, Boko Haram, etc. sont là et menacent désormais tout le monde. On préfère mourir qu’anticiper et prévenir.
  3. À Paris, enfin, après Charlie hebdo ou Bataclan, en précipitation, la solidarité africaine apparaît ! Oui, il fallait être là : belle publicité, et ça fait plus à la mode de se dire anti-terroriste, de même qu’il faut aujourd’hui être un peu bio dans son discours !

La solidarité africaine n’est pas présidentielle

C’est important de montrer sa solidarité auprès de ceux qui ont déjà les moyens d’assurer leur défense. Mais cela ne fait ex abrupto des solidaires. Avec ou sans aide africaine, la France, l’Angleterre, etc. peuvent s’attaquer au terrorisme. Et donc, ici,  la vraie solidarité, pour les africains, c’est soutenir les voisins en péril, fragiles désireux d’aide : Mali, Burkina. Du coup, la terre de la solidarité se définit clairement, pas en Afrique ! De toute façon, faut-il attendre quelque solidarité des pays africains où des citoyens meurent dans une prise d’otage, mais la télévision nationale montre un documentaire sur les hauts faits du président fondateur ?

Face au terrorisme, on ne se tait pas

Face au terrorisme, on ne se tait pas. Ça marche un temps, mais l’histoire finit par vous rattraper. C’est bien une dangereuse stratégie qu’adoptent les Etats africains. Si l’on devrait considérer que les islamistes ont besoin de bâtir un califat ou un Etat théocratique, basé sur la charia, ils frapperont où c’est vraiment faible. Même chose si l’on ne considérait que la seule volonté de terroriser. Et, où c’est faible, en Afrique, c’est presque partout ! Et là donc, c’est globalement tous les Etats africains qui devraient se souder les coudes et mettre en place une vraie politique commune contre le terrorisme. Voir longtemps le Kenya souffrir du terrorisme, seul et sans aide des puissants, est bien une triste expression de solidarité africaine.

Burkina et Ouagadougou, vous avez compris que l’Afrique c’est avant tout vous-mêmes. Oui, ne comptez pas sur la solidarité africaine présidentielle. A Tombouctou ou à Garissa au Kenya, c’est la même leçon : comptez sur vous-mêmes. Ici, la fraternité ce n’est pas face au terrorisme. L’Afrique des palais présidentiels n’est pas africaine.


« Laissez passer » taxes et impôts

« Laissez passer ! » Avec cette inscription, vous êtes intouchable, exempt de taxes et d’impôts, en République « démocratique » du Congo. Interdiction de savoir qui donne cet ordre et, bien entendu, obligation de s’exécuter. Attention, route accidentée et trop dangereuse : priorité aux engins lourds !

Il fallait du temps pour calmer les rancœurs suscitées par l’immolation par le feu, en novembre 2015, du taximan Mwamba, révolté par les rackets des policiers de roulages à Lubumbashi, la deuxième ville de RDC. Les contrôles policiers ont repris, environ deux mois après. Retour donc aux villes habitudes. Parmi elles, « Laissez passer ! », message affiché sur les pare-brises de certains véhicules. Ils réapparaissent de nouveau, plus nombreux. Certains portent des attributs plus menaçant. Il est inutile de prendre des risques : « Laissez passer, « pouvoir Judiciaire » » ou « député provincial » ou encore, « cabinet de… ». D’autres, sont légers : « Laissez passer, « mairie », « Radio-télévision… »

Les intouchables de la République

Le message est simple : on est avocat, magistrat ou député, bref, on a le pouvoir, donc on ne paie pas de taxes ni d’ impôts, on a le droit de violer les règles,  comme conduire une auto sans permis de conduire. « Plusieurs se promènent sans documents de bords, sans la vignette (taxe automobile). Où allons-nous comme ça ? Qui va payer les taxes dans ce pays ? », s’inquiète Carioli[1], policier de roulage. Il avait décidé d’ignorer ces messages et ce qu’ils cachaient.

  • « Vos documents, monsieur !
  • Vous n’avez pas lu ? « Laissez passer, avocat »!
  • Oui merci, mais je veux voir vos documents… » dit-il d’un ton péremptoire.

L’avocat passa un coup de fil et à tendit le téléphone au policier. « Non, je n’ai rien à lui dire, je fais mon boulot, monsieur l’avocat. Cela s’appelle trafic d’influence ! » Le pauvre ! Son chef hiérarchique l’appela illico sur son téléphone et l’avocat s’en alla triomphant.

« Tout le monde écrit aujourd’hui « laissez passer, … ». Je refuse aussi de pareils coups de fil, plusieurs sont faux. On te présente un chef militaire ou policier, ou une autorité, mais en réalité, c’est du bluff ! »

Laissez passer tout le monde

Plusieurs se promènent sans documents de bords, sans la vignette (taxe automobile). Où allons-nous comme ça ?

En novembre 2015, dans l’escalier devant le cabinet d’un avocat, un vigile, qui avait tantôt ouvert une grille, retint un instant le maître du lieu. « Faites-moi un message comme celui que porte votre véhicule, « laissez passer » ! Je n’en peux plus de payer les amandes à la police. Ma voiture est de nouveau restée le soir à la police, mon fils aussi ! » L’avocat promit de lui en parler plus tard. « Il ne comprend pas qu’il n’est pas avocat », fit le juste, gêné. La pratique est pourtant courante à Lubumbashi. Les plus forts, même à la police, parrainent des véhicules et sont payés en retour. Le chef de la police à Lubumbashi a reconnu avoir connaissance de la pratique, en novembre, lors de l’immolation du taximan Mwamba, et a promis de s’y attaquer.

Taxes, impôts et lois, c’est pour les faibles !

C’est une conclusion que j’ai tirée d’une conversation avec un brillant philosophe : la loi, c’est pour les faibles. Cela se vérifie ici ! Les puissants et les forts s’en fichent, ils se vengent s’ils le veulent. Seulement, je n’avais pas pensé au fait que, comme la loi, les impôts, c’est aussi pour les faibles, les pauvres et les petits. Malheur pour ceux qui se créent des « laissez passer » sans parrain, s’ils tombent sur Carioli. Ils paieront pour tous ses court-circuitages.

La déliquescence de l’esprit républicain n’en finit pas en République démocratique du Congo. La citoyenneté est divisée en deux : de première et de seconde zone. Dans la première, baignent les heureux élus exemptés des taxes et des impôts. Quoi qu’il en coûte, leur proximité avec les milieux du pouvoir les sauve, fût-il par transitivité la plus lointaine ! Dans la seconde zone, il y a le reste des citoyens, qui servent uniquement à payer les impôts et les taxes, et quelques fois à danser lors des accueils populistes et des fêtes. Un seul conseil pour éviter d’être écrasé comme le policier Carioli : priorité aux engins lourds, la route est trop accidentée et trop dangereuse.

[1] L’identité a été changée.


RDC: des milliers numéros de téléphone bloqués

Depuis le 28 décembre, les sociétés de télécoms désactivent les numéros de téléphone des abonnés non identifiés en République démocratique du Congo, pour des raisons de sécurité. Une mesure gouvernementale à observer « scrupuleusement », faute de quoi des sanctions tomberont. Mais certains redoutent une violation de la confidentialité des clients.

Un communiqué lu sur la Radio-télévision nationale congolaise, le 27 décembre, fixe au 28 décembre le délai d’enregistrement pour les abonnés identifiés auprès des opérateurs de téléphonie. Depuis, plusieurs personnes ont été bloquées. A Lubumbashi, des foules se sont formées devant les boutiques des réseaux pour s’identifier. Sur une fiche, le souscripteur devait décliner noms, domicile et numéro de carte d’identité, et déclarer « sincères et exacts » ses renseignements, faute de quoi il s’expose « à des poursuites pour faux et usage de faux. »

Photo M3 Didier, décembre 2015. Lubumbashi
Photo M3 Didier, décembre 2015. Lubumbashi

« Je me suis enregistré le 28 dans l’avant-midi. Mais, au troisième jour (le 30 décembre), je n’ai pu ni émettre ni recevoir des appels et messages », explique un jeune lushois. Certains préfèraient carrément oublier leurs anciens numéros. « Je paierai une autre carte SIM, plutôt que d’aller faire la queue », concluait un autre habitant de Lubumbashi. Un numéro de téléphone, en effet, c’est aussi peu coûteux que des cacahuètes : environ 0,21 USD (200 FCD).

L’économique a supplanté le sécuritaire

Interrogé par Radio Okapi, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a évoqué la « lutte contre le terrorisme interne » notamment à l’est du pays, pour justifier le blocage des abonnés non identifiés. L’enjeu est donc sécuritaire, mais aussi économique. La RDC, c’est plus de 15 millions de cartes SIM vendues pour quelques 45 millions d’utilisateurs, selon Radio Okapi.

Abonnés Airtel, 2015
Enregistrements massisfs des abonnés de Airtel à Lubumbashi. Photo M3 Didier

Vodacom et Airtel détiennent l’essentiel de ce marché. Au plus fort de la concurrence, le marketing avait amené les fournisseurs de réseau à chercher chez eux-mêmes les clients. Conséquence: l’identification observée au début (jusqu’en 2005) du téléphone cellulaire s’est effritée.

En pleines violences électorales de 2011, alors que Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi revendiquaient chacun la victoire, le téléphone avait permis aux contestataires de mobiliser des membres. La veille des votes, des SMS avaient appelé la population à ne pas utiliser les stylos de la CENI soupçonnés d’être faciles à gommer. D’autres annonçaient des bulletins remplis d’avance. Kinshasa avait alors suspendu les SMS. En janvier 2015, lors des violences qui ont accompagné la révision de la loi électorale, ils avaient également été suspendus. La tentative du premier ministre Matata de durcir l’accès à la carte SIM en 2013 avait échoué, soupçonnée de vouloir exclure les pauvres.

Restriction des libertés

L’Association congolaise pour l’accès à la justice, ACAJ, appelle Kinshasa à respecter la confidentialité pour les abonnés des télécoms et insiste sur le respect de la loi qui n’autorise la divulgation du secret de communication que dans une procédure judiciaire et sur demande du procureur général de la République. ACAJ demande, en outre, que le gouvernement rallonge le délai d’identification des abonnés. Plusieurs ONG, et mêmes les opposants politiques, ont dénoncé la restriction des libertés citoyennes. C’est le cas d’Action contre l’Impunité (ACIDH), qui a fustigé, dans une lettre ouverte du 20 décembre 2015, la partialité du maire de Lubumbashi. Ce dernier apparaissait comme ouvert aux manifestations du pouvoir, et défavorable à celles de l’opposition. ACIDH pointe des restrictions motivées par « des raisons sécuritaires ».

Les abonnés font les frais d’un laxisme administratif

« La politique économique des opérateurs de téléphonie est suivie de près par le gouvernement, et même par le renseignement, explique un ancien employé d’une entreprise de télécom. Ils ont le rapport chaque mois, ils écoutent les personnes qu’ils soupçonnent de quelque chose. »

Il est clair que le pouvoir public s’est montré laxiste dans le suivi et l’administration des numéros de téléphone. Les télécoms ont vendu des cartes SIM comme toute autre marchandise, entièrement libres d’agir.  Bien entendu, il y a également la responsabilité de l’utilisateur. Celui-ci devait s’identifier, même en appelant son service client. Mais on a cru que le monde était fait des gens toujours consciencieux et volontaristes ! Dans ce cas, les lois n’auraient servi à rien et, surtout, ceux qui sont chargés de les vulgariser et de les faire respecter devraient faire autre chose.


Que la vie soit belle en 2016 !

Voici 2016 ! Espoir et craintes, mais aussi pessimisme, se mêlent. Optimistes, désirons malgré tout : plus d’ouverture, plus de protection pour notre monde, plus de tolérance, plus de liberté et de fraternité ! Prenons la vie du bon côté et, que la vie soit belle ! D’abord, ce qui m’a ému en 2015.

Les trois grandes pandémies d’Afrique en 2015

Invincibles en 2015, trois maladies ont secoué l’Afrique. Certaines vont s’inviter en 2016 :

  1. Ebola qui a tué plus de 11.300 personnes, volant la visibilité au meurtrier paludisme (pdf), à la faim et aux guerres. Pourtant, ces pandémies (c’en est une, la guerre!) sont des plus mortelles.
  2. La corruption, ce fardeau que dénonce Transparency International, en passe d’être le sport qui va détrôner le roi football. Elle renforce répression et pauvreté.
  3. Mais la plus forte d’épidémies frappe (encore) des chefs d’Etat : le refus d’alternance pacifique et la révision des constitutions pour des mandats présidentiels interdits.

Espérons que ceux qui comptent sur la solidarité du monde pour stopper ces maladies ne seront pas déçus. Un proverbe Chokwe[1], en effet, prêche solidarité et devoir d’ingérence : « Lamba la mukwenu, lamba jey », c’est-à-dire : « la souffrance de ton prochain, c’est ta souffrance ». Ebola enclin à l’internationalisation l’a bien démontré.

Les migrants, la terreur en 2015

Plus d’un million de migrants sont arrivés en Europe, fuyant la guerre, principalement les syriens, et fuyant l’instabilité de leurs pays, la pauvreté, pour les africains. La paix, chacun se l’imagine selon son pays. En commun, les migrants ont l’Europe comme terre d’espoir. Mais l’Europe ne pourrait contenir le monde, hélas !

Migrants africains en méditerranée
Des migrants en méditerranée. Source: zodiac/Flikr

Mauvaise nouvelle pour les libertés citoyennes : le journal satirique Charlie Hebdo a été frappé par des terroristes en janvier. Néanmoins, le monde a opposé une résistance sans précédent: « Je suis Charlie », notre profession de foi aux libertés citoyennes universelles. Mais au risque d’une liberté sans bornes, le droit de porter une arme n’a pas empêché des fusillades dans les écoles et universités aux Etats-Unis. C’est sans oublier les vestiges d’une réconciliation inachevée entre noirs et blancs, à l’image de cet anniversaire de la mort de Michael Brown à Ferguson, malgré les avancées enregistrées depuis des siècles.

L’Afghanistan, l’Irak, les Grands Lacs, la Lybie, l’Afrique Orientale et le Maghreb, des problèmes qui attendent nos solutions en tant que communauté humaine qui fraternise et partage un sort commun. Plusieurs de ces coins ont oublié ce qu’est la paix.

Que les forts soutiennent les faibles

Bonnes nouvelles ! 2015 s’achève quand même sur une note d’espoir à Paris : apaiser la terre en ébullition d’ici à 2030 en réduisant de 2°C. Mais réduire du CO2 dans l’atmosphère seul ne suffira pas. Les armes et les guerres détruisent gravement la planète. Oui, les conflits énervent la terre!

Que les puissants et les riches seuls vivent dans le calme, sans famines, sans guerres ni épidémies,  cela n’apaise ni rancœurs ni rêves au bout du monde à propos des eldorados. L’homme ira sans cesse chercher à vivre où il se sent le plus en paix. « Ubi pax, ibi patria! » L’oasis de paix européenne ou américaine risque d’être bientôt débordée !

2016, fraternité, humanité, solidarité
2016, que l’espoir renaisse. Photo M3 Didier

Que la vie soit belle en 2016

Je veux un lendemain souriant pour toute chair. Que la terre s’apaise, que l’étranger trouve hospitalité, que l’espoir renaisse ! Pas naïf et rêveur d’un monde sans problème, mais je crois en la capacité des hommes d’être plus Humains encore et plus inventifs pour stopper des cataclysmes. Un peu comme avec la Cop 21 ! Je veux que tu redeviennes terres d’espoir, ô Afrique ! Retrouve ton statut de terreau des civilisations, ô Asie ! Je voudrai que la paix repose sur la terre et pas sur une oasis. Oh, Europe ! Toi qui hier étais sœur, ouvre-toi ! Vive la fraternité en 2016!

Ouvrez les cœurs, et pas seulement les frontières ! Que les forts soutiennent les faibles, les riches les pauvres ! Que les croyants tolèrent les incrédules et les athées. Personne n’a reçu de Dieu le droit de tuer. Que la terre s’apaise avec cop 21, que les armes se taisent, que la vie soit belle. Visons comme des frères.

[1] Les Chokwe sont un groupe ethnique présents dans le Lualaba, dans l’ex Katanga, en RDC. Ils s’étendent jusqu’en Angola.


Guide des élections chaotiques et contestées

Les élections restent une terrible occasion des violences en Afrique. Que malheur pour les électeurs, qu’ils rêvent changement ou fassent allégeance aux Tout-Puissants… des têtes tomberont. En 2016, cela va se produire peut-être parmi les 16 pays qui vont prendre l’affreux vol Afrique vote 2016. Au rendez-vous des larmes et de sangs, sans doute certains ne manqueront pas. (Attention, ceci est une ironie !)

Après le passage des zones de turbulences, le vol Afrique votes 2015 atterrit non sans peine. Les membres de l’équipage sont tous là, mais des pilotes doivent être changés. Les hôtesses ! Ah, elles continueront d’offrir leur sourire protocolaire. Ça permet de distraire. Mais à coup sûre, ceints ou non, certains passagers ne devaient pas arriver après le passage au-dessus des collines de Bujumbura, de Kinshasa par où le ton a été donné au départ, et bien entendu, sans oublier l’escale à Faso. Heureusement, de Faso un chant lugubre a changé en cantique d’intégrité, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Nigéria. Le vol Afrique vote 2015 a réjoui tous les passagers. Mais il ne peut plus repartir. Voici donc un nouveau vol, Afrique vote 2016 qui n’a de neuf que le nom de l’aéronef : 95% de fidélité au Roi des mille collines.

Carte d'Afrique
Au marché d’arts au centre de Lubumbashi. Photo M3 Didier, 2015.

Droit donc au but ! Tout se joue à l’aéroport international Président fondateur. Une seule compagnie a le droit d’exploitation : la CED, Centrale électorale divine ! Puisque Dieu lui-même s’y rend avec ses pasteurs bien aimés. Des élections qui tuent, chaotiques et d’avances contestées, voici donc comment elles sont organisées. Les dernières confidences du PF, président fondateur à ses rejetons. La recette en 6 astuces.

  1. Installation des animateurs d’avance contestés

Pour des élections d’avances suspectes, nommez des acteurs notoirement connus pro le président fondateur. Faites de même pour la cour Constitutionnelle. Inutile d’expliquer que le futur vainqueur des élections c’est vous. Vainqueur, bon, le mot est peut-être impropre. Le PF n’entre en compétition avec personne pour qu’il en sorte vainqueur. Il organise les élections qu’il ne peut que gagner.

  1. Politisez la Centrale électorale autant que vous pouvez

L’émission « le débat africain » de RFI de dimanche 20 décembre 2015 ressort bien l’idée que les antagonismes opposition-pouvoir au sein des CED jouent bien en faveur de peu de crédibilité de l’institution électorale. C’est plutôt une bonne chose pour des élections auxquelles plusieurs ne mettent pas du cœur. Faites aussi que le théâtre des assemblées nationales se prolonge dans la CED. Pendant ce temps-là, ne payez pas les parlementaires. Ils reconnaîtront votre magnanimité si vous les récompensez (hein ?) la veille des élections.

  1. Ne respectez que vos humeurs, surtout pas les lois

Les élections chaotiques, c’est affaire de cœur. Agir plus que le guide Kadhafi avec son livre vert. Soyez inventif, soyez un peu farceur, rêveur et bon parleur ! La loi, oubliez ça ! C’est pour les faibles, les félons et les opposants politiques. C’est pourquoi, recrutez parmi les éminents professeurs de droit et avocats, ils savent par où tuer leurs lois.

Venons-en à présent aux contestées listes électorales. Si vous voulez, vous pouvez même conserver celles de l’année 2000. Dans des pays où les récents recensements datent des années d’indépendance, des listes électorales âgées de 15 ans sont neuves. C’est un peu comme du bon vin : plus il est vieux, mieux il s’améliore ! On s’en fout si les morts ne viennent pas voter. Décentralisez même certaines opérations électorales : la confection des listes électorales à la jeunesse du parti présidentiel, leur épuration à la police, puis le jour de dépouillement des votes, recourir à l’expertise de l’infanterie.

  1. Publiez les résultats des votes un mois après

Euh, n’exagérons pas. Deux semaines seulement suffiront. Si on crie retard, dites que le pays est vaste, que les résultats arrivent. C’est pourquoi ne reliez jamais tous les coins du pays par route, par train ou par téléphone. Après tout, pourquoi se hâter comme la France ou les Etats-Unis ? Ici l’élu notoire fête sa victoire avant le scrutin. Gardez-vous de trop développer internet. Je ne l’aime pas trop. Il court plus que le PF. Jamais ! Pas d’ordinateur. Prenez votre temps : effacez les traces ! La CED, c’est l’âme de la démoncratie.

  1. Pas de consensus

Sachez que le consensus c’est pour les faibles, la paix pour les églises ! Dieu viendra prendre les bons qui donnent du sel et du savon aux pauvres durant les votes. Laissez les opposants rabâcher, ils vont se ridiculiser lorsqu’ils s’appauvriront.


La beauté qui épousa un repoussoir

« Pour un mariage, ne te fie pas au visage. » Ce conseil parental ne porte plus assez. Pourtant, tant que beauté et bonté se fuient encore ou ne ménagent pas longtemps, surtout en couple, il se vérifie. Par absurde, cette maxime postule que l’on peut épouser même une laideur, pour peu qu’elle s’humanise, ou sache rendre heureux.

Histoire vraie d’une  très belle femme,une beauté qui épousa un homme fort laid, une laideur, mais peut-être une lumière, parce que dans son cœur de femme, la laideur faite homme brilla, brilla comme c’est permis. Et elle dit oui. La laideur se conjugue au féminin, en effet ! Les hommes s’en passent un peu.[1]

Beauté et laideur se frottèrent et composèrent !

Kiki, appelons-le comme ça, le repoussoir qui épousa la belle Célia dont la beauté rencontrait rarement des contestations. Pour tout dire sur l’homme, on retiendra deux faits : sa richesse qui jamais ne l’avait rendu heureux avant, et surtout sa laideur qui avait réussi à mettre d’accord presque toutes les opinions féminines, comme concertées, défavorables à ses offres de mariages. Des bébés, et même jusqu’à six ans, se tordaient d’horreur s’il avait tenté de leur offrir quelque grimace malgré sa gentillesse. Mais il voulait une belle qui ne se faisait pas trouver.

Beauté et nature africaines vue par Jeff Kitenge
Beauté et nature africaines vue par Jeff Kitenge

Bientôt, il allait toucher les 45 ans. Pour un homme, il n’était pas tard. Mais au fond, lui-même avait commencé à se convaincre que le soir approchait. Aussi, il n’avait pas connu de jeunes filles toutes fraîches. A la faculté ou dans les bars où il aimait boire, dans l’espoir de rencontrer même une désespérée parmi les belles censées ne refuser l’argent, ­–une fois encore pas de chance pour lui, –les meufs entraient rarement dans ses discours. Pourtant, pour du sexe, monnayé, ce ne fut pas un inculte. Normal pour un si défavorisé par la nature.

C’est donc de cet empire de désespoir et de (dé)négation non pas seulement d’une humanité, mais aussi du droit de jouissance et d’estime de soi, que la beauté Célia sortit le repoussoir lorsqu’elle lui dit « Oui ». Ex-déçue amoureuse ou non, folle ou lucide, mais surtout pas envoûtée, Célia assuma sa décision à la grande surprise du monde. D’ailleurs elle devint l’image d’un amour sans frontière, un amour qui est aveugle, comme tous les précoces l’avons appris à 12 ans. Célia essuya aussi des railleries de ses camarades filles et garçons.

« Ce n’est pas normal d’épouser une si grande laideur », commentaient les gras du quartier presque jaloux de Kiki. « C’est pour l’argent qu’elle accepte cet homme », déblatéraient les filles, et même des vieilles dames.

Les enfants et le bordel de laideur dans l’amour

Des mois, des années passèrent. Ceux qui avaient braqué leurs caméras pour quelque clash  sur le couple retirèrent leurs matos. Déjà mère de trois enfants. Chaque jour qui passait, ils croissaient en taille, mais surtout en laideur. S’ils avaient au moins ressemblé à leur mère, cela conterait le monde, surtout la belle Célia.

De l’intérieur de sa parcelle, un peu de paix, loin des yeux rieurs ! Bientôt elle allait renoncer à toute sortie, du moins en compagnie de ses trois enfants, et éternellement se cloîtrer. Jamais Célia n’avait imaginé un tel supplice : être gênée par ses propres enfants. Si au moins d’elle et d’eux on pouvait dire « telle mère, tells enfants »! Mais hélas, tout craché, ils étaient l’image de leur père. Oh, qu’il s’était en eux incarné !

« Lorsque je sors avec mes enfants, personne ne veut vraiment croire qu’ils sont miens. A qui sont ces enfants ? me demande-t-on souvent »

Et l’amour ne put retenir la laideur

Heureusement pour elle ! Elle est restée la jolie maman pour ses enfants, du moins pour la face : elle ne leur a pas refusé la maternité, malgré le supplice.

Ce ne n’est pas d’infidélité que l’heureux Kiki souffre aujourd’hui, contrairement à l’idée que les belles femmes ne rendent pas heureux. Ce n’est peut-être pas pour s’être choisi sans trop calculer. Mais peut-être c’est la faute à un trop grand contraste qui oppose les deux êtres. C’est sans nier, dans ce propos, le droit au bonheur des personnes défavorisées par la nature.

Tout le monde a appris un jour que l’amour est aveugle. Oui. Parfois aveugle et fou à la fois, peut-être plus grave encore. Simplement, les frontières s’imposent à tout, et tout pur qu’il soit, l’amour qui s’y frotte, comme osant par Calais ou par le sahel marocain, franchir la méditerranée, il trouve des fils barbelés.

Mais je me rappelle ce conseil d’un jeune catholique qui animait une conférence : « pensez à vos enfants lorsque vous vous mariez. »

[1] Les noms utilisés ne sont pas ceux des vraies personnes qui ont connu l’histoire vraie dont le récit est mis dans un style personnel. A dessein, certains détails sont oubliés, les lieux, par exemple. Mais c’est bien en RDC.


Et la caricature conquit les blogueurs

Par essence, la caricature grossit les traits et manie la dérision. Elle chatouille et parfois irrite, surtout là où la démocratie et les libertés sont des nuages. Décidément la caricature sera la marque de fabrique de la quatrième édition de la formation des blogueurs de Mondoblog-RFI (28 novembre – 6 décembre 2015) à Dakar. Les blogueurs ont passé une bonne partie de leur temps à se faire crayonner par le Gabonais Jeff Ikapi.

Surprenants et fascinants, les blogueurs originaires de 24 pays francophones ont reçu leur caricature, sur demande. A chaque remise, des rigolades, des commentaires sur des traits du dessin. « Je ne me reconnais pas trop. Mais c’est une caricature », commente un blogueur.

La caricature de Manon Mella et Mélissa Barra de MondoblogPeu grotesque dans les dessins de ses collègues, le gabonais Jeff Ikapi a eu peu de repos. Drôle dans son parler, il se double d’une main et d’un œil qui font de lui un blogueur inclassable. Il trace sur du papier blanc, regarde et lance des blagues. Dans les bruits, ses lignes se précisent et deviennent des images étonnantes, faites pour rigoler.

Caricature et liberté

Curiosité, pour moi, de voir des citoyens des pays peu tolérants face au dessin de presse et à travers lui à la critique, se plaire des caricatures. Le dessin de presse, ces « exagérations » corrosives ont parfois ouvert aux dessinateurs les portes de la prison, et servi d’alibi aux terroristes pour expliquer, en janvier 2015, l’attentat contre Charlie Hebdo en France.

A l’occasion, Jeff Ikapi conçoit la statue de la liberté d’expression, mais surtout demande comment on n’arrive pas à répondre à une caricature par une caricature.

Caricature ou dessin de presse veut dire liberté. Liberté de penser, liberté d’exprimer, liberté de rire et même de se moquer d’une croyance ou d’une idéologie.

« Bien entendu, je me fixe des limites. Je n’aime pas provoquer. Mais je ne sais pas si je provoque en dessinant. »

C’est toute la difficulté. Seulement pour le Gabonais, les dirigeants politiques de son pays se montrent tolérants.

« Ali Bongo a lui-même préfacé un livre de Pahé, un autre caricaturiste gabonais dans lequel il est le personnage principal. »

Francophonie et espoir des libertés

N’empêche que les royalistes, plus que le roi, dans les allées des palais présidentiels, s’emprennent aux dessinateurs. Ainsi, un ministre de Mobutu sous le Zaïre édicte une norme qui depuis s’applique, même si ce n’est pas à tous les niveaux en RDC : « On ne crayonne pas le président fondateur. »

De Dakar au pied de la renaissance africaine wadienne, les caricatures de Jeff Ikapi et l’enthousiasme des blogueurs augurent peut-être une nouvelle génération, une ère de tolérance des citoyens francophones dont les pays contrôlent encore le rire. Hélas, rire à travers la caricature demeure encore un acte dangereux ! Il faut que ça change!