Didier Makal

Nomades par le sang et jusque dans nos plats !

Avons-nous complètement quitté la vie nomade ? Les riverains chantent le fleuve, les chasseurs adorent la forêt, la savane vomit des champignons… le ramassage perpétue le nomadisme caché au fond de notre âme de rejetons d’illustres nomades. Sans toi nature, qui serions-nous dans cette République démocratique du Congo ? Que tu es capricieuse, n’offrant qu’un seul petit moment : formidables champignons et chenilles !

Les premières pluies se multiplient à Lubumbashi et avec elles, de nouveaux aliments sur nos marchés ; des cuisines concoctent de nouvelles recettes et nos tables changent de temps en temps. On peut oublier la cure de chinchards !

Champignons et chenilles pour mieux se nourrir

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En RDC, les congolais ne peuvent pas manger des champignons quand ils en ont besoin. Photo M3 Didier, nov. 2015

Périssables, aussi tôt cueillis, ramassés, les champignons sont proposés aux passants, le long des routes. Au centre-ville de Lubumbashi, les vendeurs les étalent, dans les arrêts de bus. Ils ne se partagent plus entre voisins, comme dans le beau vieux temps de la solidarité des nomades !

Le plus normal du monde ! Les chenilles arrivent elles aussi, presque de la même manière à l’approche de la saison sèche. Nous les consommons depuis des siècles lointains. Face à une alimentation de moins en moins riche pour des économies assez menues, les nutritionnistes conseillent de manger des chenilles, des champignons ! Pourtant, ce ne sont pas que des pauvres qui en mangent.

« Qu’y a-t-il dans les poulets qu’on vous fabrique dans 40 jours et dans les chinchards longtemps gardés dans des chambres froides avant d’arriver ici ? interroge un professeur au cours d’une leçon. Je préfère manger des chenilles, des fretins, des choses naturelles. »

Presqu’une sacralisation du ramassage, en effet ! Mais aussi une commémoration de notre passé de nomades jamais fini. Mais quel dommage que ce plaisir et ces goûts ne durent que le temps d’une particule d’une saison ! Les chenilles en grande quantité en RDC sont importées de l’Afrique australe.

Sommes-nous demeurés nomades malgré tout ?

Champignons, chenilles, et de nombreux biens du ramassage offerts sur nos tables, à chaque saison, est-ce une preuve que nous n’avons jamais rompu avec notre passé de nomades ? Delphin Kahimbi, professeur de sociologie à l’Université de Lubumbashi, hésite.

« Le comportement alimentaire reste lié à la culture de sa société et à l’écologie de son milieu. Nous nous retrouvons dans une zone où l’écologie fait que nous puissions avoir des champignons. Vous retrouvez dans cette zone, vous êtes déterminés par des produits qu’elle offre. Les habitants de Lubumbashi consomment donc ces produits-là, même s’ils (produits) sont liés aux activités des nomades. »

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Des champignons étalés par terre au bord d’une route à Lubumbashi. Photo M3 Didier, novembre 2015

Des aliments non sédentarisés

Est-il que les sédentaires partagent, là, un mode de vie suffisamment nomade : par le ramassage, au rythme des saisons. Ainsi, en RDC, les champignons ne se consomment jamais hors de leur période de parution naturelle. Peu seulement savent que champignons, chenilles et autres peuvent entrer dans le cycle agricole.

« Hey, cultiver les champignons ? » m’interroge une vendeuse, une quarantaine, défiante. Pourtant, selon professeur Jules Nkulu, agronome, la RDC connaît un retard sur ce plan.

« C’est possible et facile de cultiver les champignons. Il suffit de mettre les souches dans de bonnes conditions pour qu’elles germent. On peut ainsi consommer, toute l’année, les champignons. Au Kenya cela existe, en Europe depuis longtemps. »

Même sédentarisés, il y a des siècles, des millions des citoyens congolais circulent à travers forêts et savanes, à la recherche des aliments. Ils croiseront un jour, les « génies » des forêts ! Pour avoir dévasté leurs forêts, à la recherche des minerais, au nord du Katanga, les Pygmées sont en colère après les bantus. C’est une des causes du conflit qui les oppose à ces rejetons des nomades « venus du nord », qui n’ont pas achevé leur sédentarisation.


Paix à Paris! Et vous, apprenez à valoriser vos compatriotes

Ma lettre aux congolais qui récriminent contre Paris après le 13 novembre

J’ai mâché ma colère contre la profanation de la capitale des libertés, Paris, par des voyous du Daech. En réalité, je ne savais trop par où commencer, pour un billet sur mon blog. Dans mon cœur, je l’ai écrit à l’encre de mes yeux, en mordant ma langue, les yeux sur une fenêtre ouverte par France 24, mes oreilles sur la compagne RFI.[1]

Je suis citoyen du monde, je prie pour Paris

De la colère ! Oui, parce que je suis importuné, offensé. Je sors de ma peur. Les terroristes ont sorti même des « Etats quelconques » de leur peur pour condamner. Puisque l’homme demeure sacré. Mais qui tue, doit être attaqué et stoppé. Vas-y la France ! Je suis Paris !

Marche de Pris après l'attaque à Charly Hebdo. Source: wikipedia
Marche de Pris après l’attaque à Charly Hebdo. Source: wikipedia

Alors le 14 novembre, dans la soirée, sur un What’s App des blogueurs de RDC, un ami nous rapporte l’incohérence qu’il y a à être Paris et à prier pour la ville lumière. Paris de l’opération Turquoise, occasion de déstabilisation de l’Est de la RDC, avec ses 5 ou 8 millions des morts. Paris capitale de la France-Afrique ! Cap Matin, Mobutu, Chirac, … Paris ! Pari !

Moi, je soutiens les français parce qu’humains, en plus, parce que des hommes sont morts. La France, parce que le monde, c’est chez moi. Je suis citoyen du monde, même vivant au Zaïre.

Paris et la RDC

J’ai hésité. J’ai décidé enfin de répondre, au risque d’être attaqué. Ville lumière, Paris n’est pas dans le noir après le passage des terroristes. Pas non plus après des critiques qui fusent de partout. Je sais au moins que de Paris, Chirac et Vallery ont dit stop aux violences en RDC ! L’ONU a bougé. Je sais que Hollande et Sarkozy, bien que maladroits un temps, ont soutenu « l’intangibilité des frontières de la République démocratique du Congo. »

Je vous laisse libres de critiquer ce qui vous choque. Mais je crois que vous avez tort, nous avons tort, nous congolais, de croire que le mal dont nous souffrons vient de l’Occident. N-O-N. Il y a toujours nous-mêmes largement au centre de nos problèmes.

Pour revenir à Paris frappé, surmédicalisée, je trouve plutôt un bel exemple. Trois mots : « copiez, puis collez » La communication de la France ! Congolais, vous ne savez pas pleurer vos morts. Voilà votre problème. Vous ne savez pas communiquer. Vous attendez qu’on vous aide. « Aide-toi, le ciel t’aidera. »

Savoir honorer ses morts, signe de grandeur

Quatre raisons expliquent la déception des congolais, à voir la France ranger derrière elle le monde pour pleurer ses morts, nos morts :

  1. RFI et France 24 sont des plus consommés par des « intellectuels », en ville. Or, depuis les attentats de Paris, ces médias ont un temps arrêté leurs programmes pour des éditions spéciales, alors que les déçus des médias congolais (où l’info c’est l’institution), attendent parfois en vain des infos sur leur pays, sur le monde.
  2. Les médias congolais, surtout officiels sont occupés par des dirigeants. « Le peuple n’a pas besoin d’être informé, mais d’être guidé », avait affirmé Sakombi, ministre de la communication de Mobutu. En janvier 2015, lorsque Charlie Hebdo est frappé, un journaliste est assassiné à Goma. Alors que les médias privés décrètent une journée écran noir, la RTNC viole la première cet appel. Le public ne réagit presque pas.
  3. Des journalistes ont été assassinés, sont emprisonnés, des médias arbitrairement fermés. Seul JED ose lever le petit doigt. Pas assez d’action concrète des dirigeants.
  4. Enfin, la RDC compte plus de 5 millions de morts, victimes des guerres à l’est, depuis 20 ans. Des massacres, même durant le séjour de Joseph Kabila à Beni, des massacres ont eu lieu. La patrie n’a jamais honoré, pleuré dignement ces morts.
Kibati, RDC. Fuite des combats, 2009. Source: wikipedia, common.

Oui, chers congolais. Si nos morts ne sont pas pleurés ou honorés, la France n’y est pour rien. Si je pense qu’en Afrique on ose dire que « les morts ne sont pas morts ! » Je dirai que les français sont africains. Et, je ne sais plus qui nous sommes avec nos morts sans deuil.

La France respecte ses citoyens

Où qu’ils soient, un seul français n’est pas abandonné par sa patrie. Même pour une affaire de drogue ! Un seul otage oblige le chef de l’Etat français de sortir de son Elisée pour l’accueillir à l’aéroport, ou oblige des ministres à voyager. J’allais oublier qu’un avion congolais avait cherché des citoyens de Lybie avant la chute du Guide ! Super ! Mais voyons, combien des congolais subissent des humiliations à travers le monde, y compris dans des entreprises au pays, sans réaction suffisante des services publics ?

Joseph Kabila prie pour Paris

Alors, Joseph Kabila a présenté ses condoléances à la France. Quoi de plus normal. A sa place, j’aurais peut-être fait pareil. Peut-être même plus tôt, pour ne pas se fourvoyer dans la marmaille de courriers conformistes et protocolaires. Critiqué, ce message du chef de l’Etat congolais, comme le deuil national du béninois Yayi Boni, n’est pas enraciné à domicile. A Kinshasa, l’opposant Vital Kamerhe le dit dans cette invitation :

La France n’empêche personne de pleurer ses morts. Communiquez bien, montrez que vous êtes importants, et vous verrez alors comment les autres ne viendront pas vous soutenir. Si je pense qu’aucune politique n’est menée pour une mémoire des millions des morts des guerres de l’Est, déjà le Rwanda l’a bien fait, alors qu’un rapport de l’ONU a donné le ton en affirmant une possibilité de génocide en RDC, alors je dis : soyez Paris, priez pour Paris. Puis, comme la France et ses médias : Copiez et collez !

[1] J’écoute RFI depuis la deuxième secondaire, il y a 17 ans.


En temps congolais, le retard n’existe pas

C’est une des rares institutions très ponctuelles en République démocratique du Congo. Le retard. S’il ne peut passer pour une caractéristique d’un peuple, tant son essence humaine s’impose, le retard a pris une place de choix dans et à côté des cœurs de nombreux congolais. 

C’est connu de tous : si vous invitez des amis à manger, dites-leur de passer à midi si votre repas sera prêt à 14 heures. Car plusieurs seront retard. Surtout, espérez recevoir quelques uns vers 18 heures. Rien à voir avec le Temps Universel. C’est l’heure congolaise. Les Congolais eux-mêmes l’appellent ainsi. Déjà le port de montre s’amenuise. Le retard a dépassé la normalité, il s’institutionnalise.

L’heure congolaise dépend de l’invité

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Lubumbashi, place de la Poste. Source: Héritier Maila

Les Congolais ont créé leur temps. L’heure congolaise signifie que les Congolais sont dans un autre système de normalisation, pas celui du type ISO où l’heure GMT est unique pour tous. Non, l’heure congolaise est connue seulement de l’invité. Après tout, le plus important, n’est-ce pas l’invité ?

Aussi puissant que Dieu le père, l’invité seul sait à quelle heure il arrivera à un rendez-vous. Ainsi, en juillet 2015, à une fête de son ordination, un prêtre a eu tort de s’énerver, car, prévue à 18 h00, la réception qu’il offrait n’a démarré que 2 heures plus tard. Seulement une cinquantaine des 500 invités ont respecté l’heure indiquée. Et lorsque une heure et demie plus tard, le nouveau prêtre a voulu se retirer, une femme lui dit : « Mais c’est l’heure, mon père ! »

« Parfois j’ai honte d’être ponctuel à certains endroits », déclare un religieux, ennuyé.

Les officiels sont des plus en retard lors des rencontres

En janvier 2015, un ministre attendu à Lubumbashi à un meeting est arrivé 6 heures TU plus tard. Il devait lancer les activités humanitaires pour une nouvelle année. Les responsables des agences du système de l’ONU, expatriés pour la plupart, étaient à bout de nerfs alors que trois heures plus tard, ils attendaient toujours. « Ah, les Congolais ! », soupire un homme. Déjà un d’eux s’est retiré. Même étant reporter, je me morfondais tout autant qu’eux.

« Je n’aime pas être à une manifestation où l’on attend ministre, maire ou gouverneurs. Ils ne respectent pas souvent l’heure », commente un reporter.

Les officiels congolais sont les plus grands retardataires. Les rares ministres ponctuels sont très vite connus de tous, parce qu’ils surprennent par leur ponctualité qui dérange. Oh, même le normal dérange !

Qui n’est pas souvent en retard est « belge »

A la faculté, à l’école, à la messe ou à la maison, ils restent ponctuels et déplaisent à plusieurs par leur trop grand respect de l’heure. On dit de ceux-là qu’ils sont « belges » pour dire « durs », en référence à la colonisation.[1] Un prêtre en est même arrivé à ordonner: « Après moi, on ferme les portes de l’église », espérant inscrire le respect dans le cœur de ses fidèles dont certains arrivaient même à l’heure de la sortie. Après insultes, il a relâché la pression.

Fin septembre, j’ai vu des demandeurs d’emploi exclus d’un concours à cause du retard. Pour qu’au moins trois femmes y participent, l’employeur a dû attendre plus d’une heure. Le retard, s’est aussi bien conjugué au féminin en RDC. C’est un retard tous azimuts. Même la police et l’armée ne sont pas en reste !

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Place de la garde, Lubumbashi RDC

La presse en retard

Vous l’aurez compris, le retard en RDC est vraiment une tare. Même la presse ne peut être comptée parmi les modèles. « Il est 20 heures à Kinshasa. Bienvenue à ce journal sur la RTNC… » A la montre, en réalité, dix minutes sont passées. A ce moment-là, sur RFI, le journal a pris fin. Cinq minutes plus tôt, une télévision de Lubumbashi annonçait, en retard : « Il est 20 heures juste ».

Les émissions qui démarrent à l’heure inscrite au programme sont néanmoins peu nombreuses. Un programme censé s’arrêter à 10 heures 30 continue jusqu’à 50 alors que les invités d’un programme à suivre attendant au couloir. « J’ai commencé avec 10 minutes de retard, je devais les récupérer », explique l’animateur, nulle horreur. Dans la presse, on a même des hebdomadaires qui paraissent jusqu’à deux fois l’an.[2] Tout cela se comprend au Congo.

Cinq égalent dix

Rien d’étonnant à ce que des députés et sénateurs élus pour cinq ans en fassent dix dans ce pays. Parce que finalement cinq égalent dix et le tout ne renvoie qu’à un seul mandat pour les sénateurs et députés provinciaux, en temps congolais. Quoi de plus normal donc que les élections prévues en 2016 aient lieu deux ou trois ans après.

En RDC, le retard transparait dans plusieurs actions et décisions publiques. Très peu d’anticipation et de prévision. Des lois sont votées en catastrophe, le découpage territorial est réalisé très en retard, accentuant au passage des rivalités tribales. En retard aussi se réveillent les politiques pour préparer des élections « apaisées ».

[1] Vus alors comme colonisateurs et rejetés de ce fait. La communauté a tendance à réprouver la rigueur.

[2] « Le 9 décembre 2010, écrit Etienne DAMOME dans Le kiswahili dans les médias audiovisuels de Lubumbashi (CEDIK, Kinshasa, 2012), on vendait le 481e numéro de l’hebdomadaire L’éveil de Joseph Poucora Basongo qui était (…) sur le point de clore ses 18 ans d’existence. C’est donc un hebdomadaire qui paraît environ deux fois l’an. Comment comprendre?»et le tout ne renvoie qu’à un seul mandat


Défenseurs des droits humains versions web 2.0 à Lubumbashi

Malgré leur pénétration assez considérable en RDC, les TIC n’avancent pas auprès des journalistes. Cette catégorie professionnelle est l’une des plus en retard en ce domaine et cela inquiète.

Maître Hubert Tshiswaka, avocat au barreau de Lubumbashi, dirige l’Institut des recherches en droits humains, IRDH. Sur sa table, deux téléphones connectés, avec wifi, What’s App, Facebook, Twitter et You tube, plus un PC dernier cri, à écran tactile. C’est un des rares activistes de la société civile qui ont compris que les médias sociaux sont porteurs de changements. Son rêve, influencer la RDC sur le plan des droits et libertés, y compris sur Internet.

« Ce qui a permis de changer au Burkina Faso, par exemple, c’est la rapidité de la communication. Et cette rapidité, c’est la jeunesse, ce sont les réseaux sociaux. »

Les défenseurs des droits humains se tournent vers les médias sociaux à Lubumbashi
Le palais de justice de Lubumbashi. Photo M3 Didier, octobre 2015

Éduquer les Congolais aux médias sociaux

Or, l’intégration de ces nouveaux médias est difficile en République démocratique du Congo. Pas qu’ils soient simplement difficiles d’accès parce qu’onéreux, mais surtout parce que, selon le juriste, les journalistes s’endorment. Les médias sociaux comme moyens de communication sont « difficiles, pas adaptés à notre société », la société congolaise. Il faut donc une éducation.

Plutôt, le problème se poserait en termes d’adaptation des utilisateurs aux médias sociaux. C’est d’abord faute d’attraction, d’exemples concrets. Nombre des journalistes sont dans la profession non pas par conviction, mais parce qu’ils n’ont pas trouvé mieux ailleurs. La conséquence c’est l’extension des pratiques qui n’améliorent pas l’image du journaliste comme le monnayage de l’information. La pratique ne surprend plus et semble n’indigner personne désormais.

« Les journalistes bloquent les défenseurs des droits humains : ils demandent de l’argent même pour leur formation ! », s’étonne Me Tshiswaka.

L’argent d’abord, liberté d’expression après

Là, il y a deux cas explications. Soit la presse juge carrément de la communication, certaines sorties des défenseurs des droits humains, soit alors dans le contexte du juriste, ils bloquent réellement l’information parce qu’ils ont besoin d’argent. Dans ce cas, ils bloquent l’information. Ce qui désole Hubert Tshiswaka : plutôt que de soutenir, par exemple, la lutte pour la liberté d’expression,

« Les journalistes préfèrent aller vers ceux qui parfois détruisent ce principe, parce qu’ils donnent de l’argent»

La RDC, contrairement à plusieurs pays voisins, jouit d’une liberté d’expression relativement manifeste. Seulement, médias et acteurs de la société civile n’osent pas capitaliser cet acquis.

« Ce qui tue les Congolais c’est l’ignorance de profiter de notre liberté ».

Pour atteindre les Congolais, l’IRDH ainsi presque coincé par les médias se tourne vers les médias sociaux. Au départ, en entre 2002 et 2005, les défenseurs des droits de l’homme envoient des mails à au moins 1000 personnes, avec espoir qu’au moins 10% les feront suivre à leurs amis. Mais Lubumbashi n’a alors qu’un seul cybercafé. L’opérateur est des rares qui ont une adresse mail, seul canal pour l’envoi des mails privés. « Parfois, le renseignement venait lire nos rapports, avec nous, derrière l’opérateur », explique le responsable de l’IRDH. Plus de secret alors. Heureusement pour les défenseurs des droits humains, puisqu’ils n’étaient pas arrêtés sur place. « Ils avaient besoin de tout comprendre : à qui nous envoyons, qu’est-ce que nous disons dans nos rapports ? »

Ensuite, ce fut une distribution gratuite des communiqués de presse sur 2 ou 4 pages, dans les rues de Lubumbashi, au grand dam des médias qui se trouvent contournés. « La population a beaucoup aimé. Mais comme toujours, d’autres personnes ne voulaient pas nous lire. »

Même disposant des connexions mobiles, les journalistes n'avancent pas assez dans les TIC en RDC
Un téléphone 3G donnant accès facile à Internet

Internet pour contourner les médias classiques à Lubumbashi

Avec les réseaux sociaux, mais aussi avec son site internet, l’IRDH compte désormais sur la présence de plus en plus accrue des jeunes sur internet pour parler des droits humains, distribuer des alertes et en sectionner parmi des milliers qui arrivent sur Tweeter et sur Facebook.

« Nous sommes en train de suivre les personnes pour les atteindre où elles sont… la société congolaise a besoin de luter, des journalistes ne l’ont pas compris et n’y participent pas ».

Maître Hubert Tshiswaka regrette que les journalistes ne se mettent pas à jour, en termes de l’usage et de l’appropriation des médias sociaux. Les politiques ont pris de l’avance sur plusieurs médias. Le phénomène Moïse Katumbi sur Twitter en est une éclatante illustration. Dans un mois, il a atteint 26.000 followers, dépassant Vital Kamerhe jusqu’alors premier de RDC.

Depuis, les politiques s’invitent de plus en plus sur les réseaux sociaux. Hubert Tshiswaka pense que tous n’ont pas les mêmes objectifs. « Les uns pour espionner, les autres pour leur publicité. » Et voilà que dans ce cas, internet congolais reste pauvre de contenu.

Pourtant, les mois et les années qui viennent vont être déterminants pour l’exercice des libertés en RDC. Y compris la liberté d’expression.

« Soit nous réussissons l’alternance et nous continuons en améliorant les acquis actuels, soit nous la ratons et nous basculons dans l’instabilité et le durcissement du régime. »


La mairie de Lubumbashi capitule après la mort du taximan Mwamba

Le 28 octobre 2015, Mwamba, un chauffeur de taxi, s’immole par le feu pour protester contre les arrestations parfois sa 6e arrestation dans trois jours, par un policier de roulage. Lubumbashi est dépité. Au lendemain, le maire de la ville retire des parkings ses services qui percevaient aussi de l’argent. Du coup, des questions sur la destination de cet argent et sur la pertinence de ce service qui parfois a agi comme la police.

Les agents du service de parking de la mairie de Lubumbashi, et d’autres présentés par des chauffeurs comme « agents de la mairie », opéraient, à côté de la police. Prétendument pour mettre de l’ordre. Comme la police, ces agents ont commencé à arrêter aussi des chauffeurs en stationnement litigieux, sur les routes de Lubumbashi. En septembre, il est même arrivé qu’ils ont détenu des convoyeurs au cachot, durant 3 jours. Le maire les libérait après les avoir présentés à la presse comme ne respectant pas son ordre de quitter les parkings. Un fait qui ne justifie pas une garde à vue qui plus, ne respecte pas de délai.A Lubumbashi, le rapport, sur la route, signifiee donner de l'argent à un policier

Hors de la nomenclature amandes transactionnelles

Police et service de parking de la mairie de Lubumbashi font payer des amandes à ceux qui ne respectent pas des normes de circulation routière. Mais c’est « sans preuve de payement », explique un chauffeur. « À la mairie, là on ne discute pas. Si l’on vous a demandé 100.000 FDC (environ 110 USD), et qu’il reste même 1000 FDC, l’argent peut même vous être jeté à la figure », explique Jean Pie, un journaliste dont une voiture a été plusieurs fois arrêtée.

A la mairie comme à la PCR[1], les contraventions financières se règlent de main en main, en violation de l’arrêté interministériel n°001 du 28 août 2012 qui fixe les « taux des droits et taxes à percevoir à l’initiative de la police nationale congolaise »[2] contraventions à payer pour des fautes légères, fautes gérables au niveau des OPJ. Cet arrêté, « une loi au sens large du terme », selon l’avocat Christian Luzinga, est ignoré à dessein fait remarquer l’avocat.

« Lorsque que quelqu’un qui est informé de l’existence de ce document, reconnaissant sa faute, va payer d’après ce qui est fixé, l’OPJ lui répond : « cet arrêté ne tient pas compte des réalités » ».

Arrêt interministériel n°001 du 28 août 20112 fixant les amandes transactionnelles en RDC
Arrêt interministériel n°001 du 28 août 20112

Les contraventions financières sont à payer à la banque, d’après cet arrêté « qui ne tient pas compte des réalités »! La réalité du terrain, c’est que les chauffeurs de taxi préfèrent bien régler avec des agents mis sur leurs routes plutôt que d’aller aux bureaux où c’est plus dur. Partout, l’argent passe de main en main.

Des fautes parfois forcées

S’arrêter devant un contrôleur ou un policier de roulage a pris l’habitude de se solder souvent par une infraction. « Même en ayant tous les documents exigés, on trouvera au moins une faute pour payer de l’argent », commente Francis, un conducteur de taxi.

Des agents sur les routes de Lubumbashi doivent des « rapports » à leurs chefs. Il s’agit non pas d’un compte rendu d’une activité, mais d’un pourboire apporté à son responsable. Alors sur la route, des policiers demandent de l’argent aux automobilistes ou, sont tentés d’exercer quelques pressions sur des conducteurs, surtout ceux du transport urbain. Voir Photo en Une.

A lire: « RDC: un taximan s’immole par le feu à Lubumbashi »

Il faut savoir se couvrir surtout. Des chauffeurs ont établi des amitiés avec des agents de l’ordre ou des contrôleurs. Ils ont des « parrains ». Le phénomène est connu de plusieurs. « Certains véhicules ne sont jamais arrêtés, quoi que fassent leurs conducteurs, explique Francis. « C’est parce qu’ils sont protégés par des policiers ou des autorités influentes ou ayant des connaissances à la police. »

Au cours d’une rencontre avec les associations des chauffeurs de Lubumbashi, mercredi 4 novembre 2015, général Jean-Bosco Galenga, chef de la police au Katanga, a dénoncé cette pratique et promis des sanctions contre les parrains.


 

[1] Police de circulation routière : brigade de la Police Nationale Congolaise chargée de roulage.

[2] Cet arrêté actualise l’Arrêté interministériel n° 061/CAB/MINNTERDESEC/2006 et n° 097/ CAB/MIN/FINANCES /2006 du 13 juin 2006 portant fixation des taux des droits et taxes à percevoir à l’initiative de la Police Nationale Congolaise(pdf).


RDC: crise préélectorale ou avant-goût des violences à venir

Ce que je crois

Attention à l’exaspération électorale en République démocratique du Congo. Une CENI décapitée, à bout des pressions d’une Majorité présidentielle en quête de cohésion, après fronde et exclusions, des discours pré électoraux qui se durcissent… si ça dure, c’est mal parti pour les violences.

Le salut ? Il peut en effet être vu sous plusieurs prismes. Mais l’entente entre politiques permettra que tout le monde ait la même appréhension des priorités et réduire le quiproquo installé depuis deux ans. Tenir 9 scrutins à 11 mois de la fin du dernier mandat constitutionnel de Joseph Kabila est désormais impossible, avec plus de 500 millions USD, au budget 2016.

Un quiproquo entre opposition et pouvoir sur les priorités électorales

L’opposition veut aller directement à la présidentielle et aux législatives. Les autres scrutins devant suivre. Pour la MP, la démocratie doit être renforcée à la base par des élections locales d’abord. Un sacré dialogue des sourds. Et les frictions, les rixes mêmes ne manquent pas. Presqu’en vain les délégués aux Grands Lacs et de l’ONU appellent à dialoguer.

Source: www.lapresse.ca
Source: www.lapresse.ca

En quête d’appui, l’opposition appelle la population à « se prendre en charge ». Un appel à peine voilé à l’éveil, à la résistance. Kinshasa pour sa part se bat aussi pour le contrôle des opinions du peuple. C’est là donc le champ de bataille. Plus assez de confiance en la justice pour arbitrer les différends, après la controversée recommandation de la cour constitutionnelle à prendre « des mesures exceptionnelles et urgentes » en vue de diriger les nouvelles provinces, installées en précipitation[1].

Le peuple dans la rue

Pour qu’il se fasse entendre, du moins dans la compréhension de l’opposition, le peuple sera dans la rue. Déjà, dépassé fin novembre, l’UDPS s’en remettra aux congolaises et congolais, si Kabila n’organise pas le dialogue. Les congolais pourront être appelés à trancher une fois pour toutes, par un référendum destiné, selon l’opposition,  à permettre à Joseph Kabila de s’offrir un mandat que la loi interdit dans sa forme actuelle.

Après Congo et le Rwanda voisins, Kinshasa sera tenté  d’oser un passage en force. « La RDC n’est pas le Congo, ni le Rwanda et moins encore le Burundi », explique un enseignant en sciences politiques de l’Université de Lubumbashi. « Déstabiliser la RDC, à cause des élections, peut avoir des conséquences très fâcheuses pour l’Afrique centrale», poursuit-il.

Des risques des violences

Dans la situation actuelle, quatre indices témoignent des risques des violences en RDC.

  1. Discours radicaux de l’opposition et du pouvoir.
  2. Intolérance politique et les dissensions au pouvoir, à l’opposition et à la société civile.
  3. Des commissaires spéciaux à la place des gouverneurs élus à la tête des provinces.[1]
  4. Processus électoral au point mort, des démissions à la CENI et une pénible succession.

Ces luttes politiques se répercutent dans les communautés locales, jusque dans des villages où les discours se déclinent en termes d’appartenance tribale et d’allégeance ou de trahison. En clair : qui critique, comme l’ont fait dernièrement les membres du G7, trahit et donc est banni. Or, dans certains fiefs, auparavant acquis au pouvoir, voir base électorale du président de la république, le Katanga en l’occurrence, s’annonce une farouche opposition.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce qui est arrivé au Burundi risque d’arriver en RDC ; comme d’ailleurs ce qui s’est passé au Burkina a été osé à Kinshasa et à Goma, en janvier 2015. Dire que le Congo n’est pas le Burkina, n’est pas faux. Mais penser que les peuples ne peuvent pas imiter des actions qui semblent avoir donné des résultats, c’est aussi croire que les sociétés n’évoluent pas et ne communiquent pas du tout. On n’a qu’à voir l’exportation, sinon l’internationalisation de Balais citoyens et Y’en a marre.

Que les élections soient organisées dans le délai ou pas, les violences sont à redouter si les politiques maintiennent la forme actuelle de leurs discours et méthodologies : le blocage de toute part.

[1] arrêt interprété comme violant la constitution

[2] Le processus électoral est estompé. Les candidatures des gouverneurs étaient déjà déposées en août 2015. Y compris aux provinciales.


RDC: un taximan s’immole par le feu à Lubumbashi

Un conducteur de taxi s’est immolé par le feu mercredi 28 octobre au centre-ville de Lubumbashi pour protester contre les tracasseries policières. Après avoir déversé sur son corps de l’essence, il a mis le feu et a brûlé le policier qui tentait de l’arrêter. Tirés du véhicule enflammé, les deux hommes ont été conduits à l’hôpital dans un état très grave.

En Tunisie, en 2011, pareil acte avait déclenché le printemps arabe. A Lubumbashi, c’est différent. Les curieux, observaient, quelques révoltés insultaient les policiers de roulement qui ont vite disparu des lieux.

Une scène horrible. Elle se passe aux environs de 11h30 TU. La voiture a brûlé jusqu’à l’arrivée d’un premier camion anti incendie « sans eau », explique un témoin, puis un second enfin, qui a pu agir. Les victimes étaient déjà à l’hôpital, en ce moment-là.

Immolation au feu d'un taximan à Lubumbashi
Immolation au feu d’un taximan à Lubumbashi

Le feu sur son corps pour refuser d’être arrêté encore

Une trentaine révolue, le conducteur de taxi s’arrête à côté de l’établissement Nzangula. C’est à moins de 10 mètres du siège du gouvernement provincial du Katanga, sur l’avenue Moero. C’est sur un sens unique, mais plusieurs s’y arrêtent quelques instants, le temps que les clients descendent. Lubumbashi n’a pas de parking dûment établi, en effet.

 

Un policier s’engouffre dans le taxi et arrête le conducteur. Il lui reproche de stationner à un endroit non indiqué. Excédé, et puisqu’« il avait déjà averti le policier qu’il brûlerait avec lui un jour, explique un homme, a bu et versé sur lui de l’essence. Et a allumé le feu. »

Les deux ont été acheminés à l’hôpital. « Ils ont peu de chance de survivre », explique une jeune femme qui a tourné la vidéo dont l’extrait ci-dessous proposé.

Les conducteurs des taxis sont en colère et demandent aux autorités de mettre un terme aux tracasseries policières. « Nous ne savons quoi faire », explique un d’eux.

Des policiers demandeurs d’argent sur la route

A Lubumbashi, le rapport, sur la route, signifiee donner de l'argent à un policierMéthode trop discutée, la police opère aussi à plusieurs endroits, en tenue civile. Les policiers, appelés Bureau 2, montent dans les taxis comme des clients. Une fois dedans, ils révèlent leur identité de policier et arrêtent.

A la PCR[1], peu d’infractions seulement se règlent sans argent. « Il vaut mieux régler avec le policier qui vous arrête, plutôt que d’aller à leur bureau », explique un conducteur de taxi. Les amandes, « sans preuve de paiement », sont beaucoup plus chères. « Vous ne laissez pas moins de 50 USD » pour « mauvais stationnement » ; une infraction que seuls les policiers peuvent définir clairement. « Car, eux seuls savent où l’on ne doit pas stationner ».

Pour éviter de se retrouver très souvent dans le filet de ces policiers, « l’opération rapport ». C’est-à-dire, au départ et au retour, le conducteur de taxi glisse dans la main d’un policier sur son chemin, quelques Francs congolais. Cette amitié crée le mécontentement de ceux qui refusent d’ainsi agir. Gare alors à eux s’ils gaffent. Face à eux, la rigueur de la loi s’applique.

Un conflit qui dure, une ville sans parking

Depuis trois ans, environ, les policiers de roulage mènent des actions plus agressives contre les conducteurs des taxis. Après le Nteta, une chicane à la congolaise que l’on jette sous les roues des véhicules pour les obliger de s’arrêter, les policiers s’engouffrent dans les taxis pour arrêter les conducteurs qui n’ont pas respecté les principes de circulation routière.

En début de l’année, un taximan a fracassé la jambe d’un policier, Place de la poste, en face du bâtiment. Il voulait l’arrêter, mais le conducteur décidé de ne pas s’arrêter a foncé droit sur lui. Sur l’avenue Moero, à quelques mètres du lieu de l’incident, plusieurs  fois des taximen ont protesté contre les tracasseries policières.

De leur part, les policiers de roulage reprochent aux conducteurs des taxis de ne pas souvent respecter les normes de circulation routière. Plusieurs parmi eux n’ont pas un niveau d’instruction suffisant pour intégrer le code de la route. Mais lorsqu’ils brûlent les feux rouges ou excèdent des vitesses parce qu’ils doivent aller vite pour réunir le montant qu’exigent d’eux leurs patrons, chaque jours, par exemple, la police n’hésite pas de sanctionner.

 

[1] Police de circulation routière


Aux homophobes l’enfer, vive la démocratie LGBT !

Tolérance pour l’homosexualité. Cela vaut mieux. C’est aussi commode. Et au sujet des homophobes, tolérance aussi ? Autrement dit, les homophiles acceptent-ils, comme en démocratie, que quelque part sur terre, libres de leurs opinions, des « orthodoxes » et invétérés les détestent ou les « combattent » ?

J’ai dû croire un jour que ceux qui critiquent plus fort, parfois, ne tombent pas plus bas. J’ai vu Alpha Condé réélu, Etienne Tshisekedi diriger son parti, peut-être même Ouattara candidat à sa succession… Que de combattants de la démocratie ! Mais une fois au pouvoir… Oh, j’allais oublier le président normal fanatique de Tata Sassou !

Trinité de la domination idéologique gay

Source: pixabay.com
Source: pixabay.com

Non, ce n’est pas de politique dont je parle. Une digression ? Non. Les homophobes, c’est un peu comme ces personnages politiques. Nous connaissons tout le mal que le monde de Mugabe, Museveni ou de Kenyata a fait aux homosexuels. Ils envoient en prison, implorant l’intervention des psys, quiconque aime le même sexe.

Les grands médias, internationaux, savent très bien en parler, portés par les grandes puissances politiques, elles-mêmes poussées par des grands lobbies Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transsexuels (LGBT). Trois fois « grand », c’est la trinité de la domination idéologique.

L’opinion et l’individu en danger

« Ultra », « radical », « homophobes »… Des mots pour enfermer dans un ghetto, des leaders religieux ou sociaux aux voix dissonantes. Des politiques quant à eux, sont parfois carrément reclus, puis portés à la potence, dans une justice des « grands ». Sans juge ni procès, sans démocratie, sans liberté, égalité, « fraternité » ? Cinq mois de prison avec sursis pour une maire française qui refuse malignement de célébrer un mariage entre deux femmes, au nom de sa foi. Elle a eu tort de respecter ses opinions ! Mais certaines lois dans ce monde, y compris en France, s’éloignent peu des opinions ou des fruits des opinions.

La dictature de l’homophile

L'homosexualité "c'est normal"
Source : pixabay.com

Pour cet article, par exemple, l’auteur peut facilement porter le cachet « homophobe ». Chose normale, dans une dictature homophile. Voix dissonante signifie adversité, pire, inimitié.

Heureux êtes-vous si prenant la parole, dans cet espace public de domination mondialisée, celui des grands médias, vous avez osé ramer à contre-courant. « Modéré », ça n’arrange pas du tout les choses à propos des LGBT. On est homophobe, et c’est l’enfer (publicité négative : liberticide, dictateur, non éligible), ou on est homophile. Et alors, bienvenue au ciel.

La tendance actuelle, dans l’homophilie, au risque même de l’homofolie, c’est un discours à sens unique. Même si à Paris, par exemple, des manifs mariage pour tous, ont alterné pro et anti LGBT. Bref, je doute de la démocratie dans les actions de certains défenseurs de la cause des homosexuels. Pas de tolérance, mais ils en veulent davantage pour leur compte.

Pauvres religions !

Que cela soit érigé en loi ou non, les gens sont libres de vivre leur sexualité comme ils l’entendent. Pas de morale. Mais les communautés sont elles aussi libres d’accepter cette évolution ou de la refuser, de garder leurs « croyances ». Aux LGBT de lutter, comme l’ont fait et le font encore des femmes, du point de vue politique. C’est ça la démocratie, je crois.

Source: commons.wikimedia.org

On parle peu des dommages que les pressions, peut-être même par la corruption, des homosexuels sur des religions. Les catholiques, à Rome ou en Pologne, récemment, en font suffisamment les frais. Pauvres papes ! Jean-Paul II, Benoît XVI et François en ont souffert… Les LGBT veulent que les autres changent, acceptent l’homosexualité. Pas de contrepartie. Dictature !


Quand le chemin de fer devient une mine de cuivre à Kolwezi

 A Kolwezi, dans le Katanga, des exploitants miniers artisanaux (creuseurs) sont sur le chemin de fer depuis l’an dernier, à la recherche du cuivre. Les creusements ont lieu même à la gare centrale du district de Kolwezi.

La rechercher de cuivre sous le rail à Kolwezi
Des creuseurs sur le chemin de fer à Kolwezi (RDC). Août 2015, Capture d’écran

Les creuseurs sont souvent des jeunes gens, mineurs et adultes. Avec bêches, tamis et sacs en main, ils recherchent du « verdeau », un concentré de cuivre. Des « débris » de minerais tombés le long du rail, jusqu’en début des années 90, lorsque la SNCC (Société nationale des chemins de fer du Congo) assurait le transport des minerais produits à la Gécamines.

« Les conditions économiques précaires et le manque d’emploi pour des jeunes poussent plusieurs, depuis 2014 (lorsque démarre « la ruée vers le rail »), à fouiller sous le chemin de fer », explique un agent de la SNCC.

Les creuseurs ne craignent que la caméra

A une centaine de mètres du bureau du directeur régional, des enfants creusent à côté du rail, et sous le rail. Personne ne bouge au passage d’un cheminot. Il ne leur adresse pas non plus un seul mot. Et lorsque s’approche notre caméra, ils s’enfuient avec leur butin et lancent des injures. « Ils ne craignent que la caméra », explique l’agent.

Un peu plus loin, deux adultes ont apporté tamis et bêche, et creusent également. Ils se cachent, eux aussi, à l’approche la caméra et lancent des pierres. Difficile de remarquer la présence d’un seul agent du corps de garde de la SNCC. « Nos agents sont avancés en âge. Vous savez que l’âge minimum à la SNCC est de 55 ans », explique Barthélémy Chiyaz, délégué syndical de la direction de Kolwezi.

Le pouvoir public ne sécurise pas le rail à Kolwezi

Le week-end, les creuseurs sous le rail arrivent en grand nombre. Le député provincial Clément Mufundji dénonce « l’indifférence des autorités » qui insinue, selon lui, des complicités.

« Ce dossier ne date pas d’aujourd’hui. J’en ai même fait l’écho à l’assemblée provinciale du Katanga. Quelle est la source de l’indifférence de l’autorité locale (la mairie) : est-ce que c’est une négligence ? Est-ce que c’est une complicité ? Puisque le grand rôle qu’ils ont à jouer dans cette ville c’est de protéger les personnes et leurs biens. »

Pour mettre un terme à ces fouilles sous le rail, « il faudrait que l’autorité urbaine et la police prennent des mesures fermes et fassent leur travail comme il se doit » estime le député. La maire de Kolwezi n’a pas voulu réagir à ce sujet. Pour un cheminot, « il ne suffira que de peu de temps » pour que les choses changent, si les politiques le veulent.

Vous pouvez regarder cette vidéo en suivant ce lien.

Des creusements plus graves encore sous le rail dans les environs de Kolwezi

Les creusements sous le chemin de fer ont lieu à plusieurs endroits, jusqu’au tunnel en face de la gare. Mais aussi le long du rail, selon le député Clément Mufundji.

Des sources concordantes attestent cette affirmation et précisent les tronçons où le chemin est annoncé « dévasté » par des creuseurs, avec une présence des hommes en uniforme : Kawama et Kisanfu, Makala I et Makal II, dans les environs de Kolwezi.

En veilleuse depuis le début des années 90, lorsque chute et s’arrête le transport des minerais de la Gécamines par train, la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) peine à se relever.

Neuf nouvelles locomotives sont arrivées en juillet 2015 à Lubumbashi, principale ville de la région, avec l’ambition de relever la SNCC. Depuis, plusieurs ne roulent pas. « On attend du gouvernement le carburant », explique un cheminot. Un journaliste ironise dans une émission, « ils (les trains) rouleront sur le chair humaine, comme à Katongola ».[1]

Avec des arriérés de salaire de 58 mois et un personnel démotivé, la société doit relever un autre défi et non de moindre. Le réseau vétuste et attaqué par des populations qui ne mesurent pas les conséquences des creusements sous le rail. Sans doute, le principal c’est de manger aujourd’hui.

[1] Allusion faite au grave déraillement de 2013 qui a tué une centaine de personnes, dans les environs de Kamina, dans le Katanga.


Désolé honorable (député) : la chanson qui tue à Lubumbashi

Il y a une espèce de révolte de vivre pauvre à côté de ses proches insensibles. Un proche ? Oui, c’en est un, un député. Seulement en RDC, les transformations des élus, parfois de rien à tout, choquent et cassent les amitiés. Alors comme dans la chanson « Désolé honorable » (député) de Tshumani Adassa, on peut se régler des comptes.

 « Mes frères ouvrez les yeux ! Cette année, avant de voter, qu’on ne nous trompe plus. Que ceux qui distribuent polos, pagnes et chinchards, qu’ils ne nous trompent plus ! »

Concert de musique sur Désolé honorable de Tshumani. Source; Tshumani
Affiche de concert de Tshumani

C’est rare qu’un musicien de RDC parle aussi ouvertement de politique. Dans cette incubation de rêves, de l’endormissement peut-être, selon l’ironie à peine voilée de l’artiste musicien, l’amour n’attire plus assez.

 « Je chante les faits de la société, la réalité » explique le musicien. Il poursuit : « Que l impact aurait une chanson de Koffi Olomide ou Fally Ipupa, mes grands frères, s’ils chantaient des choses comme ça ? »

Une chanson pour les élections

« Désolé honorable » appel à ne pas recevoir et même de l’écouter, lors des élections prochaines, « quel que soit son message », un député qu’on ne revoit qu’à la fin de son mandat. Le train de vie du député, celui d’un prêtre[1] importune presque. Surtout quand certains apprennent que c’est avec l’argent du peuple.

Alors, dans le clip, Tshumani qui passait avec son copain se charge de régler les comptes de son peuple. Il dit ses 4 vérités au député (honorable). « Honorable, tu reviens encore ! »Tshumani pense que sa chanson est bonne pour les élections et peut intéresser plusieurs pays d’Afrique.

Désolé honorable

« Désolé », le sort du député insensible est scellé : « Quel que soit son message », il ne sera pas écouté. A Lubumbashi, « désolé honorable » fait un buzz, loin du net. On la trouve sur presque tous les médias, sur les téléphones portables et bientôt, un slogan que se partagent allègrement même des vendeurs ambulants : « désolé » !

Tshumani, auteur de la chanson Désolé honorable (député)
Tshumani Adassa, Photo M3 Didier, octobre 2015.

Le succès de cette chanson tient aussi au niveau du swahili utilisé par l’artiste : à la limite du trivial, du vulgaire. Tout le monde le comprend bien.

« Unakitoka[2] ntumbo, mumakuta ya peuple.Unatoka prêtre, kisha una négligé ba peuple » (traduisez du swahili : « Tu pousses un gros ventre, avec l’argent du peuple. Te voilà « prêtre », puis tu négliges le peuple. Tout ce que tu es aujourd’hui, c’est grâce au peuple ! »

En vain, il a beau rappeler qu’il est frère, fils du quartier : « Cette fois je vais faire… ». La réponse c’est « désolé ».

Pas seulement ainsi « ingrat » pour ses électeurs, honorable député dormait aussi au Parlement pendant que ses collègues défendaient les intérêts de leurs électeurs. La question est évoquée souvent pour remettre en cause les capacités intellectuelles de certains élus à réellement participer aux travaux au Parlement. Mais où ils sont le plus attendus, c’est sur leurs promesses électorales.

« Ils ont beaucoup promis, les députés. Mais on n’a pas vu grand-chose », explique Patient, un habitant de Lubumbashi pour qui Tshumani chante ce qui est vrai.

Pour Mwanza, une quarantaine, marchand ambulant, Tshumani défend des faibles comme lui.

« Si tu gagnes aujourd’hui, intéresse-toi aussi à ton prochain. Nous, on nous traque, même par les gens que nous avons élus. « Si tu as un gros ventre, c’est grâce à nous le peuple » », paraphrase-t-il dans le refrain de la chanson.

Une tonalité politique

Certaines personnes essaient de voir dans le discours percutant de Tshumani un engagement politique. Auteur de Bina kua nguvu, « ça devient difficile » où il constate (2011) que politique, enseignement, et même les couples : « Je trouve mon épouse avec son mari »…  tout cela se compliqueà Lubumbashi ! En 2009, il chantait « Paka bo », « toujours les mêmes ». En 2014, il a lançait « Shi mutuachiye mpepo », « laissez-nous respirer » ! Eh oui, comment ne pas se risquer de sentir cet artiste un peu politique ?

Mais Fidèle Tshumani Adassa s’en défend, reconnaissant néanmoins sa musique « révolutionnaire ». Il poursuit : « Je n’ai même pas envie d’être politicien. A moins que ce soit un destin. Car on n’y échappe pas. »

Echo chez les politiques

« Désolé honorable » promet de trouver un succès plus duratif encore au regard de l’écho qu’il fait déjà même dans les milieux politiques. Samedi 3 octobre, lors d’une manifestation publique à Likasi, ville natale de l’artiste, à 120 km de Lubumbashi, un vice-ministre présentait un député au public venu l’écouter : « Celui-ci n’est pas comme ceux que vous avez chantés, ceux qui dorment au Parlement. »

A Likasi, Tshumani a commencé sa carrière comme danseur, puis accidentellement chanteur rumba, il se façonne un style à Lubumbashi, déjà en tant qu’étudiant en droit. Selon Tshumani, « les députés compétents » l’appellent et le félicitent. « Ils me disent, petit, tu as dit des choses réelles. »

[1] Pour être vu des gens comme quelqu’un de haut niveau.

[2] En swahili de Lubumbashi, le « ki » ainsi inséré dans le mot est péjoratif, dédaigneux. Il renvoie à un personnage d’une grosseur qui répugne ou dont on se moque. un prêtre.


Découpage territorial en RDC : échec et mat !

Le découpage territorial beugue. Au bout d’un sens unique, le controversé processus d’installation de 21 des 26 nouvelles provinces qui composent la vaste  République démocratique du Congo, le gouvernement tente encore de foncer. Excluant l’option d’un sursis du projet, Kinshasa va nommer des commissaires spéciaux. Ça passe ou ça casse. Mais la recette semble fade, malgré le récent ambigu soutien de la Cour constitutionnelle.

Le découpage territorial beugue à l'étape actuelle en RDC
La constitution de la RDC. Capture d’écran. Octobre 2015.

A la prise de ses fonctions, le ministre de l’Intérieur Evariste Boshab, alors décrit parfois comme un des idéologues du régime Kabila, accélère le découpage territorial. C’est presque tout le contraire du Katangais Richard Muyej à qui il succède. Celui-ci n’a pourtant pas manqué d’essuyer des critiques, notamment de Gabriel Kyungu réputé Baba[1] du Katanga.

La charrue avant les bœufs

Malgré des oppositions[2], jusqu’au sein même de la majorité au pouvoir, les provinces éclatent en juin 2015. Sans budget, sans animateurs, c’est-à-dire, sans élection des gouverneurs et leurs adjoints et sans des assemblées réellement élues. Il faut alors les chercher quelque part. Ou on les fabrique. Une réserve attendait dans les vielles assemblées votées en 2006 pour 5 ans. Ils en ont eu presque le double en bonus. On n’oubliera pas ici les infrastructures qui ne suivent pas. Les petites autorités cèderont les bureaux et iront, on s’en fout si c’est au garage. Bonne chance aux provinces qui auront suffisamment par où commencer. Premier faux pas : la charrue avant les bœufs.

« Concrètement, je ne vois pas d’issue. Je ne vois pas comment ça va se faire…  sur le plan légal, c’est verrouillé, et sur le plan pratique aussi c’est très compliqué », commente Timothée Mbuya, avocat et président de l’ONG Justitia.

Les commissaires spéciaux succèdent aux gouverneurs élus

On dirait au jeu des échecs : « Echec et mat ! » Plus d’issue, ici, pour les nouvelles provinces. Mais pas question que Kinshasa lâche prise. Ce serait donner raison à l’opposition et à ceux qui ont parié sur la volonté de réduire l’influence de certains politiques, notamment au Katanga où Moïse Katumbi, alors frondeur, n’a cessé de gagner en popularité. Kinshasa doit jongler entre le juridique et le politique pour dégager une certaine légitimité ou légalité. Car le jeu est suivi de près. Le juridisme congolais, il guette le moindre dérapage et ça crie ! Mais le diable est dans le détail, comme toujours. Commissaires spéciaux à la tête des provinces, la constitution de RDC ne connaît pas. Bon le politique va encore supplanter le juridique.

Hubert Tshiswaka, avocat et président de l’Institut de recherche en droits humains, IRDH, énumère 3 irrégularités accumulées par le gouvernement depuis l’accélération du découpage en RDC.

  • Dissolution de 11 assemblées provinciales, conformément à la loi de programmation de l’installation de nouvelles provinces.

  • Kinshasa donne de nouveaux mandats aux députés hors mandat pour de nouvelles provinces dans lesquelles ils n’ont pas été élus. « Leur légitimité émane de la loi de démembrement », elle-même « en parfaite violation de la Constitution », estime Hubert Tshiswaka.

  • Cette loi, enfin, est assortie d’un calendrier électoral, ce qui empiète sur les charges de la Céni qui sollicite l’arbitrage de la Cour constitutionnelle. Boshab s’est à un moment, mis dans le peu de l’organisateur des élections des gouverneurs, avant de les reporter sine die, au motif qu’il n’y a pas d’argent.

Suspendre ou dissoudre les parlements des provinces sans énerver

Le constat reste facile à réaliser : puisqu’il n’existe pas d’exécutif en province, pas de raison que les parlements provinciaux ouvrent au 30 septembre d’après la Constitution. Entre constitutionnalité de sa mesure et l’urgence politique, la décision du ministre est claire !

« Les situations vont se compliquer. Je crois que la nomination de ces commissaires spéciaux ne va résoudre le problème, constate Timothée Mbuya de l’ONG de défense des droits de l’homme, Justitia.

Il est clair que nommés, les commissaires spéciaux ne rendront de compte qu’à leur chef : le président de la République. Raison de plus pour que les assemblées cessent de fonctionner, fut il en les suspendant par un ministre, dieu seul sait si cela ne veut pas dire, dissolution en douceur. Mais là, il faut trouver des raisons sérieuses, selon la loi. Justifier qu’« une crise politique grave et persistante menace d’interrompre le fonctionnement régulier des institutions provinciales ». Et il faut au préalable, que le chef de l’Etat signe une ordonnance délibérée au préalable en conseil des ministres et « après concertation avec les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat ».

« Lorsque des circonstances graves menacent, d’une manière immédiate, l’indépendance ou l’intégrité du territoire national ou qu’elles provoquent l’interruption du fonctionnement régulier des institutions, le président de la République proclame l’état d’urgence ou l’état de siège, après concertation avec le premier ministre et les présidents des deux Chambres, conformément aux articles 144 et 145 de la présente Constitution. Il en informe la nation par un message. »

 « Des mesures conservatoires et urgentes » donc un état de siège ?

Pour l’instant, le gouvernement salue la paix qui favorise la croissance. Il n’y a pas de raison de nommer des commissaires spéciaux sans justifier et instituer l’état d’urgence, estime l’avocat Hubert Tshiswaka. Pour lui, l’arrêt de la cour de septembre, place le gouvernement devant ses responsabilités et le renvoie à l’article 85 de la Constitution qui reprend exactement la formule employée par la cour : « Des mesures conservatoires et urgentes ».

Cela signifie, selon l’avocat, que la cour pousse le gouvernement à déclarer un état de siège.

« On dit que cet arrêt de la Cour constitutionnelle est confus, mais je pense que les juges ont piégé plutôt le gouvernement », commente Hubert Tshiswaka. Piégé, ouvre un boulevard au pouvoir. Tellement grand que si l’on n’y prend garde, on pourrait s’y perdre. Elle ne dit pas nommer de commissaires spéciaux. Ci-dessous la vidéo de l’entretien avec H. Tshiswaka.

La société civile attend

La société civile reste floue et divisée comme souvent. Y compris les confessions religieuses. Les catholiques se sont montrés assez critiques jusqu’en début de l’année, mais elle semble prendre des réserves depuis un temps. Ils semblent peser le plus. Plusieurs organisations se rangent entre pro et anti glissement de mandat du président de la République, vers lequel sont orientées désormais les actions gouvernementales, selon l’opposition.

Au Katanga, la crise entre leaders du cadre de concertation de la société civile, une des mieux organisées de RDC, inspirée du modèle portefeuilles gouvernementaux, a frôlé jusqu’en mai 2015, des rixes politiques. Certains y ont vu des soutiens des pro et anti-Kabila. Reconstituer les morceaux et revenir à sa cohésion d’antan, surtout après le découpage qui signifie pour plusieurs « rentrez chez vous », c’est chose difficile.

Mais des organisations comme Justitia, voire IRDH qui avait déjà condamné ce découpage précipité, attendent les motivations contenues dans la nomination des commissaires. « Rassurez-vous, nous irons à la Cour constitutionnelle », promet Timothée Mbuya.

[1] Baba, en swahili veut dire père, papa. C’est ainsi que Gabriel Kyungu est appelé par ses fanatiques.

[2] Au Katanga, au Bas-Congo, à l’Equateur, et même au Kasaï.


L’école parmi les déplacés de guerre au Katanga

Les déplacés de guerre. Aviez-vous déjà pensé à l’école? C’est pourtant ce qui arrive souvent, lorsque, comme au Nord du Katanga, au Triangle de la mort, des populations fuyant l’insécurité pensent à l’école. Seulement, pour que cette école attire, il faut qu’elle chasse la faim. Ventre creux, pas d’intelligence!

Lorsqu’on vit dans un triangle de la mort, où la faim et les maladies sont le lot des enfants, l’école n’attire pas. Et, lorsqu’un humanitaire dit école, il a obligation de pragmatisme. Sinon, on l’enverra se balader. Unicef, un bel exemple.

Ocha a recencé plus de 500.000 déplacés dans le triangle de la mort
Un village incendié à Pweto dans le Katanga (2013). Source: JL Mbalivoto, Ocha

De la nourriture pour aller à l’école

Vous l’aurez compris, la fréquentation scolaire constitue un défi majeur dans cette zone. Pour que l’école tienne, les humanitaires fédèrent les énergies. A celui qui relance l’enseignement (Unicef), se joignent ceux qui nourrissent (FAO, PAM) et soignent (MSF). Au total, ce sont 170 écoles qui bénéficient de la cantine scolaire au triangle de la mort, en vue d’encourager la fréquentation scolaire.

On peut manger à l’école ! Courez, donc tous les affamés et malnutris ! Les voilà nombreux dans des classes. Mado, employée à FAO, expliquant une photo exposée lors d’un café de presse humanitaire le 19 septembre à Lubumbashi, rapporte ces propos d’un responsable d’école à Mitwaba : « La fréquentation scolaire a réussi à 90% ». Et l’humanitaire de continuer :

« L’école est devenue attrayante. Les élèves (du primaire), mangent deux fois la journée, à l’école. Ils étudient jusqu’à midi. Ils mangent. Les cours reprennent à 13 heures et s’arrêtent vers 16 heures.  Là encore ils mangent. Ce programme a amélioré considérablement les performances scolaires des élèves. »

La cantine scolaire attire beaucoup d'élèves dans le nord du Katanga, au primaire
Des élèves reçoivent leur nourritire à Kylo, Katanga

Pas de cantine scolaire au secondaire

Au secondaire, le concept pourrait faire des émules. Pourquoi pas ? Tout le monde est déplacé. Et la sous-alimentation impacte même les adultes. A Mitwaba, par exemple, les derniers examens d’état (bac) n’ont pas été fameux. Beaucoup ont échoué. Mado pense que si l’on nourrissait aussi les finalistes, en préparation des examens d’Etat, les choses pourraient s’améliorer.

Si aucune relation directe ne peut être établie entre ces échecs » et la nutrition des finalistes, Mado pense qu’ils devraient avoir une alimentation insuffisante. Pas moyen de bien se concentrer aux examens, pour ces élèves déplacés ou menacés par la faim qui rode dans la région. Mais hélas, la FAO nourrit les élèves du primaire seulement. Et cela ne devrait pas trop durer.

L’école, déplacée de guerre

Tiens ! Des élèves, mais en dehors du circuit scolaire ? Au Triangle de la mort[1], c’est possible. D’après le Bureau de coordination des affaires humanitaires, OCHA, plus de 300.000 personnes vivent encore loin de leurs villages. Les enfants en constituent la moitié. Parmi eux, 44.000 suivent des programmes de rattrapage organisés par l’Unicef, dans des classes parfois allant jusqu’à l’ombre d’un arbre, où l’initiative est signée, les communautés locales.

Le triangle de la mort dans le Katanga (Pweto, Mitwaba, Manono)
Capture d’écran. Source: OCHA

Quand les Bakata Katanga, milice du chef de guerre Gédéon Kyungu[2] arrivent au village, parents, élèves et enseignants vident le camp. Des écoles sont parfois brûlées. L’école se déplace. Les conflits entre pygmées et « baluba », d’après la précision des humanitaires, déplacent eux aussi des populations. Et les catastrophes naturelles s’en mêlent.

[1]Le conflit à l’origine de cette insécurité, s’est étendu aux territoires de Malemba Nkulu et de Nyunzu. On a tenté de changer le triangle en polygone de la mort. Mais le premier s’impose encore dans le langage.

[2] Capturé et condamné par la cour militaire, Gédéon est sorti de la prison de Kassapa (Lubumbashi) de façon spectaculaire, en pleine journée en 2011 se réfugiant dans le nord de la province. Depuis, les Bakata Katanga, sa milice, ont mené des incursions dans des villages, provoquant le déplacement de plus de 500.000 personnes. L’ONU a parlé d’un conflit oublié. Mais depuis, que peu d’avancement. Même si ce dernier temps, les humanitaires parlent d’une accalmie sur le plan sécuritaire.


RDC : l’exploitation des miniers artisanaux à Kasulo

La ruée vers le cuivre et le cobalt ne faiblit pas à Kasulo, un quartier de la ville minière de Kolwezi (RDC) transformé en carrière minière. Contrairement au début de leurs activités en 2014, les exploitants miniers (creuseurs) artisanaux détruisent des maisons et ouvrent des cratères géants et des tunnels, à la recherche du cuivre et du cobalt. Malgré les risques auxquels ils s’exposent, ils ne peuvent réellement vivre de leur travail.

Un creuseur sortant du tunnel à Kasulo, Kolwezi. Août 2015. Photo Didier M. Makal
Fiston , en train de sortir d’un puits minier à Kasulo, Kolwezi. Août 2015 | Photo Didier M. Makal

Devant un puits minier au-dessus duquel est dressée une tente en bâche, 11 jeunes gens, en file, tirent une longue corde à laquelle ils ont attaché un sac de minerais. Sur une superficie d’environ un demi-kilomètre carré, seules des haies et les maisons lointaines qui résistent encore aux creusements rappellent que la zone était autrefois habitée. Des remblais par ici, de l’eau évacuée des puits par-là, les va-et-vient des acheteurs et des transporteurs des sacs de minerais, voici à peu près l’image de Kasulo minier !

A Kolwezi  « tout le monde est à Kasulo »

Les propriétaires des parcelles gèrent les puits miniers. En 2014, les tunnels partaient de l’intérieur des maisons. Aujourd’hui, une véritable carrière à ciel ouvert s’impose, mais avec parfois des acteurs opaques. Un creuseur « creuse » en effet, mais il a besoin d’un financier. Patrick (pseudonyme), soupçonne les officiels d’être ces « financiers invisibles ». « Tout le monde est à Kasulo », « des gens friqués et des autorités ». Il en veut pour preuve, les camions utilisés pour le transport des minerais par les creuseurs. « Les camions ne sont pas à la portée de leurs moyens. » En plus, le creuseur paie la dime, partage son revenu avec :

Des creuseurs tirent un sac de minerais d'un puits. Aût 2015 | Photo M3 Didier
Des creuseurs tirent un sac de minerais d’un puits. Août 2015 | Photo M3 Didier
  • le propriétaire du puits, parce qu’il offre sa parcelle. Il prend 20 ou 30 %,
  • le financier qui nourrit et équipe. Il récupère son argent et attend des dividendes,
  • la corporation des creuseurs et les services officiels[1] qui perçoivent de l’argent,
  • l’acheteur peut rabattre le prix comme bon lui semble. Pas de barème fixe et objectif.


Un creuseur, contribuable comme les autres à Kolwezi ?

Le ministre de l’Intérieur a délocalisé la carrière de Kasulo, en janvier 2015, vers le site minier de Mutoshi. Vite, les creuseurs ont regagné Kasulo. Pour un membre de la corporation des creuseurs (sous anonymat), l’Etat a intérêt à ne pas bousculer ces creuseurs.

« Un creuseur n’a pas d’usine… celui qui gagne c’est l’Etat. C’est lui qui a des usines, c’est lui qui gagne des recettes. Et la chaîne va jusqu’à la population ».

Un creuseur montre un un filon de cuivre qu'il vient de tirer de la terre. Auoût 2015 | Photo M3 Didier
Un creuseur montre un un filon de cuivre qu’il vient de tirer de la terre. Août 2015 | Photo M3 Didier

1 000 tonnes de cobalt et de cuivre, en effet, sortent chaque jour de cette carrière interdite, indique la même source. Sophie Mukembe, coordonnatrice de la société civile de Kolwezi regrette que l’Etat n’arrive pas à maîtriser les creuseurs et sécuriser ceux qui ne creusent pas, mais qui habitent le quartier. Elle envisage cependant une solution à même d’apaiser, et n’exclut pas que le pouvoir public accompagne ces creuseurs en les mécanisant, par exemple.

« Pourquoi ne pas les professionnaliser, les industrialiser et les mettre ensemble pour qu’ils fassent une activité viable, qui protège leur vie et qui leur donne à manger et des moyens ? »

Creuser toute la vie pour manger

Fiston, 36 ans, la peau tannée, de la poussière au nez et torche au-dessus de la tête, remonte d’un tunnel de 12 m avec un sac chargé de cobalt. La moitié de sa vie (depuis 1997), il la passe en train de creuser. Son bonheur lui paraît chaque jour fuyant. Son quotidien se résume avec son outillage de travail : bêche, houe, barre de mine. Il garde au moins son sourire. C’est l’espoir de sa vie : pourvu que sa santé tienne. Ainsi sa femme et ses 5 enfants peuvent manger et s’habiller.

L'entrée d'un puits minier à Kasulo, Kolwezi. Août 2015 |Photo M3 Didier
L’entrée d’un puits minier à Kasulo, Kolwezi. Août 2015 |Photo M3 Didier

Ce cobalt ne coûte pas cher : 1 000 FCD (̴1USD) le kg. Fiston creuse faute de mieux, mais dans des conditions sécuritaires, déplorables comme l’a indiqué un rapport d’Amnesty International (2013), « déplorables et extrêmement dangereuses ». « De l’emploi, … on en donne à ceux qui viennent de loin. Alors je creuse », conclut Fiston qui ne croit pas que cobalt et cuivre soient uranifères. « Je n’ai pas commencé à creuser aujourd’hui… » Bobo son ami est tenace : « Quand tu manques de nourriture, comment tu vas avoir peur dans cette situation ? »

Kasulo, c’est aussi bosser, boire et baiser, « 3B », explique un creuseur. Peut-être aussi la bagarre. Et avec elle, la criminalité, mais aussi le fétichisme. En janvier 2015, pas moins de 15 personnes sont mortes de manière mystérieuse dans un puits minier. Certains y ont vu un règlement de compte entre miniers artisanaux, d’autres par contre, ont perçu l’œuvre d’un dragon enfui dans une mine. « C’est trop de fétiche ici. Les gens invoquent les produits… ils créent des produits » explique Bobo, un creuseur. Depuis, Kasulo s’appelle « dragon », à Kolwezi.

[1] Renseignement, police des mines, SEASCAM (Organe de coordination des exploitations minières artisanales et semi-industrielles), corporation des creuseurs.


Madame, la poste est morte dans mon pays

La poste congolaise, anti-thèse d’une communication vite, rapide et confiante, bref le contraire du numérique, c’est normal. Normal aussi qu’elle disparaisse. Le monde en a encore besoin, cependant ! Pour un achat en ligne ou pour signer une pétition, vous rencontrez parfois cette case qui vous bloque : « code postal » ! Trois jours pour un colis, de la poste allemande à la poste de RDC, équivalent à huit mois de Kinshasa à Lubumbashi, en intra-poste. Et ça, c’est plus rapide !

Une partie de la poste de Lubumbashi a été transformée en marché de téléphones. Source: panorama.com
Une partie de la poste de Lubumbashi a été transformée en marché de téléphones. Source: panorama.com

Ce n’est pas internet qui a tué la poste congolaise (RDC).Un éditeur laisse ces mots dans ma boîte de réception sur Facebook, en 2011 :«  Nous pensons que votre texte pourrait intéresser. Nous pouvons le publier comme livre si cela vous intéresse ». La réponse est «  Oui ! »Amendement du texte, envoi par email, virement bancaire… tout se règle en ligne et c’est vite. C’est le numérique, et le bouquin parle exactement des mutations culturelles induites par le numérique à Lubumbashi.

Délai d’un colis postal : parfois un an ou plus

Huit mois sont passés, et rien. Chaque jour croissait en moi la peur de l’imposture. « Et moi qui ai parlé aux gens sérieux, et même à l’Université ! » Plus d’espoir, ça ne servait à rien d’acculer l’éditrice qui en plus avait envoyé (encore vers la même poste!) un second lot de livres.Mais, « Madame, la poste est morte dans mon pays », je vous l’ai bien dit !

Transaction de poste à poste. Ce n’est pas une bonne nouvelle. De Sarrebruck, en Allemagne, avec la Deutsch poste, les livres parviennent en 3 jours. De Kinshasa à Lubumbashi, il faut 8 mois. Et c’est vite parti ?« Dans votre pays, il arrive que le colis mette une année, voire deux, pour arriver » prévenait l’éditrice allemande. Oh, la modernité ! Quelle révolution !

Une poste désorganisée

« Je suis arrivé à Kinshasa, c’est normal qu’un petit colis de livres se perde dans le désordre que j’ai vu dans la salle des colis », expliquait mon frère envoyé sur place. Des colis jetés pêle-mêle. La poste elle-même semble ne plus compter , en RDC. C’est un des services qui consomment et ne produisent pas du tout. Non pas parce que les Congolais détestent la poste, mais parce que celle-ci ne rassure plus. Les sociétés de transport prospèrent ! A Lubumbashi, la poste a transformé une partie de son bâtiment en marchés[1] de téléphones.

La poste est là malgré tout

Deuxième expérience, cette fois, c’est sans doute différent. Un deuxième livre aux éditions universitaires européennes. Cette fois, pas de virement bancaire, mais une MasterCard et un paiement en ligne, eBuy ! Pas déjà mal. Adieu alors code postal ? Pourtant, sur Goolge Analytics, il m’est encore exigé pour valider les paiements, pour la publicité sur un blog. Près d’une année, le code Google Analytics envoyé par la poste n’est jamais arrivé.

Mais quelle aventure, payer avec une carte sur internet ? Je n’ai pas arrêté de poser des questions, et très peu cependant pouvaient, avec pertinence, partager leur expérience d’achat sur le net : jusqu’à la moitié de mon banquier ! De ce côté-là, Lubumbashi c’est encore un gros village !E-Commerce, ça ne connaît pas.

[1] Il y en a plusieurs tenus généralement par les Chinois avec des téléphones bon marché !


Déviations dans la publicité congolaise

La communication des entreprises entre les mains inexpertes en République démocratique du Congo inquiète. Une sensation de déviations dans la publicité ! Vol et violence, par exemple, y alternent avec invitation à consommer, à aimer. Société civile et commission de censure restent bouche cousue.

Deux publicités suffisent pour peindre une communication incontrôlée, symptôme d’un déviationnisme communautaire ? On pourrait en tout cas y déceler une société congolaise avec ses tares. Voici donc ces publicités.

Les gaufrettes (Chips). Source: www.provence-chips.com
Les gaufrettes (Chips). Source: www.provence-chips.com

Première publicité : le vol

La première publicité met en scène le comédien Fiston Saï-Saï bien-aimé des enfants, qui veut donner à ses enfants le Yoyo, une variante de chips, très prisés par les petits. « Qui a volé Yoyo pour enfants ? », demande le comédien qui n’a rien trouvé dans sa voiture. Derrière la maison, il surprend Tito, son employé, en train de savourer le Yoyo, « pour enfants » ! Le discours de celui-ci, pour justifier son vol, est : « C’est tellement bon, Yoyo ! Même nous les adultes, nous pouvons en manger. » Les enfants plaident auprès de leur père pour qu’il révoque sa décision de licencier Tito pour vol. Ce sera accordé. Soit !

Il est clair que le message voulu dans cette publicité est que même les adultes veulent du Yoyo. « C’est tellement bon » ! Mais que la trame, le schème même de cette histoire est déviant ! On justifie le vol par la séduction ou la dictature d’un affect, d’une pulsion, comme si pour justifier son acte, un violeur devait dire à un juge : « La petite-là est tellement belle, je n’ai pas pu résister ! » Quelle banalisation d’un acte négatif !

Mais lorsqu’on s’arrête un instant pour observer la vie publique (au risque de généraliser les cas particuliers), on se rend compte que le vol, le mensonge ou la tricherie passent pour un rien, parfois pour des actes normaux. A la banque, dans certains hôpitaux, dans l’administration publique, on glisse facilement des billets pour être servi vite ; avec un salaire qui dépasse à peine 100 dollars, on bâtit de grands édifices… ! Que l’idée suggérée d’un vol, si indirecte soit-elle, passe dans la pub inaperçue, c’est inquiétant.

Deuxième publicité : la sacrée violence

La seconde publicité met en exergue une image on ne peut plus insupportable par son extravagance. Pour dire que le dentifrice Flodent fortifie les dents et les rend saines, une publicité oppose à un quinquagénaire, sur un ring de boxe, un gamin de dix ans à peine. Le gamin évite habilement des coups violents et en arrête deux : le premier fait mal au géant parce qu’il s’est frotté aux dents « prétendument dures », le second est arrêté parce que l’enfant a mordu et déchiré le gant du boxeur, à la stupeur de celui-ci. Fin de la scène !

Source: www.gameblog.fr

Sans verser dans le vieux (et éternel ?) débat sur les effets des médias, notamment dans l’éducation des enfants, il s’agit là d’une violence suggestive,  potentielle même ! Si les catcheurs de la WWE lancent sans cesse « s’il vous plaît, ne faites pas ça chez vous », ils n’ignorent pas le risque pour les mineurs de tenter de se projeter dans l’air comme John Cena, etc. Les concepteurs de cette publicité entendent probablement pousser les enfants à presser leurs parents pour payer le dentifrice Flodent, avec la promesse qu’il rend fort. Dans ce cadre, la santé de la dent vient après la force, cette capacité de résister à un grand.

Une fois de plus, la communauté tolère… ; aucune alerte en effet ! D’où ces questions : la société congolaise s’accommode-t-elle à la violence ou légitime-t-elle certaines violences ? Jusqu’où peut-on aller en suggérant des violences ? Encore quand elle doit s’inscrire dans une âme jeune, quel futur fabrique-t-on ?

Il est vrai que les messages publicitaires en RDC sont laissés largement entre les mains des célébrités, des stars en lieu et donc, pas forcément entre les mains expertes. Les agences publicitaires peinent parfois à convaincre les annonceurs. Mais quel dommage que la communication publique soit gérée par des gens incapables de voir un message sous plusieurs facettes ! L’Etat lui-même oublie ce secteur. Pourtant, les dérapages ne manquent pas.


#CecilTheLion : quand la mort d’un lion supplante celle d’un homme

Cecil est mort, le monde en est fâché. Très fâché ! Je suis étonné. Le bourreau du lion zimbabwéen, oh que dis-je, du lion citoyen du monde (Dr Walter) a même érigé un mémorial à l’entrée de son cabinet de médecin dentiste pour un deuil en mémoire du fauve. Tout ça pour un lion !

Source: thepetitionsite.com
Source: thepetitionsite.com

Je comprends bien la colère et la déception du monde. Les lions, comme bien d’autres espèces rares, menacées de disparitions, sont vraiment à protéger. Mais il n’y a pas que Cecil. D’abord je constate qu’au pays de Mugabe, malgré le régime dur, le monde connaît et aime un formidable lion. Bonne nouvelle ! Une pétition est même lancée pour que justice soit faite au nom du lion mort. Paris Match lui rend un grand hommage ! Grande sympathie, grand amour pour Cecil ! « You will be missed Cecil. Road ». Et pour les Zimbabwéens asphyxiés par une hyper inflation (231 millions %) doublée de sanctions presque ininterrompues contre le long régime du vieux dictateur Mugabe ? Rien ! Sait-on seulement comment on vit dans un pays comme ça ?

Des dollars zimbabwéens, dévalués. (REUTERS)

Je suis #CecilTheLion

Hum ! Ce qu’il y a ici, c’est la mort de notre cher Cecil ! Nous sommes tellement devenus vertueux que nous avons oublié l’homme. La mort d’un lion énerve, prête à soulever la vague de « je suis Charlie lion Cecil » ! « Hey Walter je crois que le monde entier à une dent contre toi » écrit un twittos. Un autre a peut-être beau tenter de recadrer l’indignation : « C’est cool le mouvement #CecilTheLion mais le but n’est pas de s’indigner pour UN lion, mais de stopper ces pratiques hideuses pour touristes ».

Pourtant, je parie que le jour où un lion dévore un homme, il n’arrivera rien à sa communauté ni à ses gardiens. Sommes-nous devenus moins importants que les bêtes et les choses ? Le même jour où le lion Cecil est mort, un homme est mort électrocuté à Calais, en tentant d’approcher son rêve de l’Europe ! Pas de foules, pas assez d’émotion  ou d’indignation … c’était un clandestin !

On aime les « Bonobo », on dénombre allègrement les survivants du braconnage des éléphants, chimpanzés et espèces aquatiques au monde, on ne sait pas suffisamment bien combien les groupes armés déciment aux Grands Lacs depuis 20 ans, par exemple.

Question de commodité : être écolo

Question de commodité ou vrai penchant de l’homme ? On dirait que la vie humaine est banale, plus fort aujourd’hui. L’homme est en perte de vitesse. Après tout, l’humanisme c’est trop vieux. Pourtant, on dit encore Liberté, égalité, fraternité. Il est plus commode aujourd’hui de se montrer écolo, crier au secours des espèces menacées de disparition… pas assez d’attention pour l’homme. L’homme ! Il semble en perte de vitesse, en effet. Et lorsqu’on dit droits de l’homme, on veut classifier des Etats à la mode ou non. Car, comme les discours écolos, tout est pareil : de la poudre aux yeux, mais pas assez d’actions véridiques ! En vain les droits humains. Les plus sexy (?) sont écolos.

Je ne suis pas un moralisateur. Mais je constate que nous acceptons de mettre fin à des vies par l’avortement, par exemple, un sujet des luttes larvées, mais nous sommes incapables de stopper des animaux qui attaquent l’homme. Tenez : en RDC, au Katanga à Bukama, des éléphants dévastent des champs et poussent des habitants à abandonner leurs villages. Tant pis insécurité alimentaire ! Pour punir et ne pas comprendre qu’il n’a que la chasse comme solution rapide à sa misère, un chasseur qui abat des éléphants est appelé « braconnier » ! Déjà à Malemba Nkulu, dans la même région, au Katanga, en septembre 2009, 4 personnes étaient tuées par des éléphants.

Les humains sont tellement réduits à l’impuissance qu’à Bukama, en octobre 2012, la population décidait de manifester contre les éléphants. J’espère que vous ne m’en voudrez pas, chers écolos !


Ces constitutions testaments en Afrique

Constitution, dis qui te tient, on te dira qui tu es. Volontés des puissants, les Constitutions ne sont que des pauvres textes finis : des testaments, voilà tout ! Mais voyons, et s’il y avait en Afrique, un virus qui pousse à changer de Constitution ?

Indéboulonnable depuis l’indépendance du Zimbabwe, Robert Mugabe n’est pas en conflit avec la Constitution à son image et à l’image à lui seul, qui lui obéit comme nulle part ailleurs. En 32 ans de règne, tata Mobutu a 17 ( ?) fois modifié la constitution du Zaïre. Joseph Kabila compte à son actif une révision, et une prétendue tentative avortée. Denis Sassou-Nguesso à Brazzaville tient une gomme, Paul Kagame n’a plus de doute sur la réalisation de son ego. Et déjà, en père des présidents fondateurs, Kadhafi n’avait que faire de la Constitution ! Un bouquin lui suffisait pour diriger la Libye : « le livre vert ». N’en déplaise aux jaloux, mais Faure Gnassingbé lui aussi n’envisage pas de modifier le testament de papa : une Constitution à mandat infini !

Source: REUTERS/Thomas Mukoya
Source : ivoiriebusiness.net

Constitutions testaments

Égoïsme et moquerie, aux pays où l’on se tue comme dans la jungle, la jungle même… à peu près l’image de l’Afrique. Voilà que les combats autour des mandats interdits et modifications des constitutions qui les sous-tendent ne devraient pas améliorer l’image de l’Afrique. Des constitutions qui sont des testaments en réalité, du moins, dans la tête des papas présidents dont les volontés s’exécutent, comme Dieu le Père : sur la terre et dans le ciel ! S’ils ne les modifient, alors ils les interprètent comme ils l’entendent : parce que légitiment, auteurs de ces testaments !

Des testaments, les constitutions sont alors charcutables, falsifiables, caviardables et même censurables ! Et donc, les parlementaires sont des notaires, tout comme les cours constitutionnelles ! Qu’est-ce qu’un notaire sans celui qui conçoit et signe un testament, en effet ? Qu’est-ce qu’un député, un sénateur sans le président qui peut dissoudre le Parlement quand il le veut ? En plus, ce n’est pas l’Etat qui paie les parlementaires, même chose pour la justice : mais le président fondateur. Qu’est-il enfin de l’Etat, sans son fondateur ?

Le dauphin du président, futur président fondateur ?

Et si jamais il a plu à un Jakaya Kikwete de ne pas entrer dans le sacrosaint carré des présidents fondateurs, en se choisissant un dauphin, le futur président de la Tanzanie, il a fait son élection avant les élections ! Tant mieux, si cela évite ce qui s’est passé à Ouagadougou,Kinshasa et Bujumbura… Mais pareille convenance signifie absence des primaires au sein du parti, parfois même absence de débat. Alors, ce n’est pas du tout loin de l’alibi de Nkurunzinza pour s’offrir le mandat interdit : il n’a eu que deux mandats. Il met ainsi un trait sur sa présidence fantoche (la première), alors sous la tutelle d’Hussein Radjabou qui a fait de lui un « dauphinage »!

Source: https://www.libreafrique.org

Soyons sérieux ! Que les constitutions soient devenues des testaments ou soient traitées comme tels et croire qu’on est en démocratie, c’est sans doute une comédie de basse teneur, et triviale. Et s’il y avait comme à l’heure d’Ebola, un virus qui cause le 3e mandat ? Je parie que ce virus devrait alors s’appeler effet Mugabe, indéboulonnable : président contre vents et marres ! L’idée fait mouche, même parmi les démocrates à  l’opposition !


Vous avez dit Lubumbashi ville pour la paix ?

Depuis quelques années, Lubumbashi surprend : mourir ou tuer, c’est devenu chose facile, aussi simple que saluer un passant. Aussi surprenant que cela puisse être, on l’appelle « ville pour la paix ».

Depuis plusieurs mois, des balles crépitent nuitamment, des corps sans vie sont ramassés le matin à Lubumbashi, même si la seconde moitié de juillet connaît une relative accalmie. Le 5 juillet 2015, une mère est morte avec ses 4 enfants, dont un bébé consumé par les flammes, et une lycéenne qui attendait la publication des résultats du baccalauréat. Cela s’est passé à Kilobelobe, dans une périphérie de Lubumbashi, à l’est de la ville. Selon les habitants du quartier, la responsable d’une maison en location (la bailleresse) se querellait sans cesse avec sa locataire. Dimanche 5 juillet, vers minuit, elle n’a pas hésité à jeter de l’essence sur la maison de fortune, puis du feu ! Trois morts et deux blessés qui s’éteindront quelques jours après à l’hôpital. Les voisins qui acceptent de parler à la presse doivent se cacher, par peur des représailles de la part des forces de sécurité ! Difficile de comprendre pourquoi ?

L'insécurité à Lubumbashi vue par le dessinateur T-Tshim. Source: Mwana Inchi
L’insécurité à Lubumbashi vue par le dessinateur T-Tshim. Source: Mwana Inchi

Vol rime bien avec viol

A Kilobelobe encore, en juin 2015, un groupe de voleurs armés a attaqué trois maisons au cours d’une nuit. Un jeune homme a pris une balle au sexe ; il est décédé un jour après à l’hôpital. Deux jeunes filles ont été emmenées avec les voleurs. Parmi elles, une explique avoir réussi à s’échapper au moment où le violeur descendait son pantalon ; elle qui feignait de descendre sa « mini-jupe », a détalé, laissant derrière elle le violeur en effervescence, incapable de courir avec son pantalon au genou, pour la rattraper.

Voici seulement deux mois, le soleil allait s’arrêter un instant lorsqu’un groupe de voleurs armés a visité nuitamment le domicile d’un député provincial. Pour n’avoir pas donné une vingtaine des milliers de dollars comme exigé, les bandits ont tiré sur tout ce qui bougeait dans la maison, blessant gravement le député, mortellement son épouse et une fille. Ils ont pris la fuite  en emmenant deux autres filles qu’ils ont relâchées des heures plus tard !

La justice, la population s’en charge

Alors des officiels se sont réveillés, mais pour combien de temps ? Le pire était déjà en cours dans les quartiers de Lubumbashi : dépités par la justice « qui relâche les voleurs qui sont arrêtés et jetés en prison », les jeunes gens s’occupent de ceux qu’ils arrêtent : ils les brûlent. Plusieurs sont morts, y compris des soldats. Une espèce de « groupe d’autodéfense », appelé « groupe de veille » a été signalé dans plusieurs quartiers, à Gbadolite en l’occurrence.

Lubumbashi, le sud de la ville, route Kipushi. Source: https://losako.afrikblog.com/

Certaines autorités encouragent on ne peut plus clairement la population à « s’occuper » à sa manière, des voleurs qu’elle arrête. « Prenez-vous en charge », répète-t-on sans distinction de contexte. Le conseil est bien assimilé et les violences sont parfois inquiétantes. « La justice populaire est dangereuse, explique un activiste des droits de l’homme. Des innocents peuvent en souffrir, c’est toujours difficile de savoir tout de suite si la personne tenue est réellement coupable. Comment réparer alors ? »  Ce qui est étonnant, c’est que désormais, les voleurs ne font pas que voler : ils violent en plus, devant la famille.

Lubumbashi, ville pour la paix, c’est au passé. A la suite de la multiplication des attaques des may-may, des rumeurs et de la psychose, le dessinateur T-Tshim en doute, s’interrogeant : « Lubumbashi, ville pour la paix ou ville pour l’épée ? » Un enseignant en criminologie explique que Lubumbashi ville tentaculaire est débordée : il faut de nouveaux postes de police et surtout, accroître les effectifs de la police. Mais pour une réactivité importante de la police, le plan même de la ville doit être réaménagé ; il reste vieux de cent ans et certains quartiers restent inaccessibles : difficile d’intervenir en cas de danger.