Soumah

L’autre façon de mendier

Et s’il y avait une coupe du monde de mendicité ! Sur quel pays alliez-vous miser ? Vous pensez au pays sur qui miser je suppose. Je vous laisse tout le temps parce que je sais qu’au finish il ne sera pas un concurrent sérieux à mon candidat. Moi, je miserai, sans hésiter une seule seconde, sur le pays de la téranga : le Sénégal. Et je suis sûr de ne jamais perdre ma mise.

Le pays est très célèbre pour le sens élevé de l’hospitalité de ces habitants. Ce que j’aime bien d’ailleurs. Ils sont prêts à partager leur repas avec le premier inconnu qui débarque. Cette hospitalité n’est pas l’objet de ce post mais je crois qu’elle pourrait expliquer en partie le nombre élevé de mendiants au Sénégal.

Il y a certes un nombre très élevé de mendiants et  ce sont des gens qui se reconnaissent comme tels. Je veux dire qu’il y a des « officiels » à côté desquels d’autres personnes exercent dans la clandestinité. Ceux-là, je ne les aime pas. Je ne parle pas des mendiants « officiels » mais ceux qui exercent, à Dakar, cette « profession » dans la clandestinité, ceux qui refusent de s’identifier comme mendiant, ceux qui refusent de se reconnaitre comme tels. Et ils sont très nombreux ces mendiants clandestins.

Leurs méthodes

Si vous débarquez à Dakar pour la première fois ne soyez pas abusé comme je l’ai été. En fait les mendiants clandestins sont souvent ces personnes bien propres, bien habillées, que vous n’oserez jamais associer à des mendiants. Ils vous abordent dans la rue pour vous demander une pièce de 100  ou 200 F CFA avec comme prétexte : « j’étais passé voir un ami (ou un parent) que je n’ai pas trouvé sur place alors que je n’ai plus les frais de transport pour retourner chez moi. Aidez-moi s’il vous plait pour que je puisse rentrer » ou encore « je suis sorti de chez moi sans faire attention à mon porte-monnaie maintenant je n’ai plus de quoi rentrer chez moi. Aidez-moi s’il vous plait ». Ils ont beaucoup de prétextes de ce genre. Donnez leur de l’argent et faites semblant de partir. Revenez quelques secondes après et vous retrouverez la même personne à la même place en train de dire la même chose à une autre personne. Revenez le lendemain ou un autre jour et vous retrouverez la même personne au même endroit ou ailleurs qui vous demande la même chose oubliant qu’il vous a déjà rencontré.

Il y en a qui vous parle même en anglais. C’est le cas de ce type qui m’a rencontré à l’Université : « do you speak English ? » me demande t-il. Je réponds « Yes, i do » alors il commence : « I’m from Guediawaye (un quartier de la banlieue). I came to see a friend at the University but I didn’t see him and now I’ve lost my wallet. Could you help me please?”

Quand je venais d’arrivez à Dakar, je n’avais rien compris à ce jeu jusqu’au jour où j’ai reconnu deux d’entre eux qui m’avaient déjà abordé dans tel ou tel lieu de Dakar et qui ont récidivé. Je n’ai rien contre le fait qu’ils mendient mais au moins qu’ils s’identifient comme tous les autres mendiants qui le font dans la légalité. Qu’ils arrêtent ce déguisement, cette hypocrisie qui pourrait coûter cher à des personnes sérieuses qui pourraient réellement se retrouver dans une telle situation qu’ils prennent pour prétexte. En tout cas, moi je ne donne plus de pièce à quelqu’un qui m’aborde de cette façon dans la rue. Je ne sais pas si j’ai raison ou pas mais je crois que ceux qui m’ont trompé une fois en sont responsables.


Noël : les fêtards, les pétards et les vieillards

Noël, la fête des enfants et, incontestablement, des pétards. A Dakar, aucune dérogation à la règle. Des milliers de pétards ont été achetés et partout ce sont des explosions à n’en plus finir. A priori, cela ne doit pas poser problème s’il s’agit seulement de faire la fête. Mais les fêtards ont bien une autre utilisation malintentionnée des pétards et cela désenchante les vieillards.

Commençons donc par le troisième âge qui a du mal encore à s’adapter à tous ces tapages nocturnes. J’étais, la nuit du 24 dans les environs de 20 heures, à côté d’un vieux père qui se plaignait : « On ne va pas dormir bien encore une fois pour longtemps » Pourquoi ? « A cause de cette fête de Noël dont ceux qui la fêtent n’y comprennent absolument rien puisqu’il s’agit d’ailleurs d’une fête importée. Pour eux il s’agit juste d’empêcher les gens de dormir avec tous ces pétards qu’ils font exploser, des fois même, en bas de votre fenêtre. Les enfants d’aujourd’hui sont mal polis. » Bon, il faut le comprendre. A son époque il n’y avait surement pas tous ces tapages.

Ça fait peur !

Il n’y a pas que cette personne du troisième âge qui se sent concernée par la mauvaise utilisation des pétards. Les fêtards l’utilisent aussi pour faire peur aux gens. Ce chauffeur de taxi qui m’a conduit chez moi en sait quelque chose : « L’année dernière, j’ai failli faire un accident à cause de ces pétards. Vers 22 heures, alors que je circulais dans une rue un peu obscure, des enfants planqués dans un coin jettent devant moi ce truc qui s’allume juste un instant et explose. Surpris, j’ai voulu l’éviter avec un coup de volant et je me retrouve un peu sur le trottoir. Le temps que je descende de la voiture, les fauteurs s’étaient sauvés. Ce jour j’avais vraiment eu peur » Encore une histoire d’une mauvaise utilisation qui a failli coûter la vie à quelqu’un.

Si le chauffeur m’a raconté cette histoire c’est parce que nous venons de vivre un autre cas de peur. Cette fois ce ne sont pas les pétards mais les fêtards : deux jeunes sur une moto sortie de nulle part viennent de virer devant le taxi. Seul un coup magique de frein a pu sauver ces deux hommes qui n’ont pas pensé qu’il y a encore beaucoup de fêtes de Noël à venir. Et au chauffeur de crier « Vous êtes malades ou quoi ? » Fêtards faites attention s’il vous plait pour ne pas rater vos rencarts.

Personnellement, je n’avais pas grand-chose à reprocher aux pétards. Pour moi, c’est le décor de Noël. Et je crois que c’est le cas pour beaucoup de jeunes comme moi parce qu’on ne voyait pas le revers de la médaille.


Trop de férié on dirait

[AUDIO] Mercredi, 15 décembre, j’ai un rendez-vous à 14 heures. A moins 15 mn je sors sur la route pour emprunter un car. Impossible ! C’est tamkharite (nouvelle année du calendrier musulman).

Trop de monde au bord de la route; personne ne veut ratter la fameuse céromonie de Tièrè (coucous sénégalais) qu’on sert dans toutes les familles ce jour de fête. Ce monde m’a obligé d’emprunter un taxi. En fait, à Dakar, le taxi ce n’est pas pour les « have not ». Mais je voulais pas ratter mon rendez-vous alors que le lendemain c’est un jour férié. On dirait qu’il y en a trop au Sénégal mais je laisse des étudiants l’Université de Dakar se prononcer sur la question.


C’est quoi la Renaissance africaine ?

La Renaissance africaine, thème principal du 3ème Festival Mondial des Arts Nègres, était au centre d’une table ronde qui s’est tenue, le week-end, dans un hôtel de Dakar. Table ronde lors de laquelle des intellectuels africains étaient appelés à donner leur conception de ce thème.  Plusieurs idées en est sortie mais j’en ai retenu trois, du moins trois m’ont intéressées.

Trop c’est trop. Lorsque l’on parle de Renaissance africaine, je crois que cela devrait plutôt se sentir dans les gestes et non la parole. J’aime bien ce thème mais j’ai l’impression qu’il s’agit plus de parole que d’acte. La preuve, un petit détail mais qu’il ne faut pas négliger, le retard ! Initialement prévue pour 9 heures, la rencontre s’est tenue, avec un retard de deux heures, à 11 heures. Deux heures de perdu pour une journée ! Imaginez que l’Afrique perdait deux heures tous les jours surtout lorsqu’il s’agit de Renaissance africaine. Si tel est le cas, je crois qu’elle ne va pas y arriver.

Je disais que trois idées ont retenu mon attention. D’abord celui du Pr Mamoussé Diagne, président de séance, qui a donné une définition assez claire de la Renaissance. [AUDIO]

Ensuite celle de Samba Mboup qui parle des défis à relever. [AUDIO]

Enfin celle de Iba Der Thiam qui énumère les conditions sans lesquelles la Renaissance africaine ne serait qu’utopie. [AUDIO]

De très belles conceptions de la Renaissance africaine ! Mais est-ce que les africains sont prêts à opérer cette rupture ? Je n’en suis pas sûr puisque ceux même qui en parlent n’ont pas pu faire une rupture avec un passé : ce que l’on appelle l’heure africaine. Certains diront que ce sont des détails mais il faudrait que l’africain sache que 9 heures c’est 9 heures et non 11 heures. Time is money.

Enfin, il faudrait aussi que ceux (les intellectuels) qui sont appelés à opérer cette rupture sache qu’un intellectuel ce n’est pas celui qui détourne des biens publics ou qui fait de la corruption. Ce sont là des choses qui n’ont pas été citées lors de cette table ronde mais qui, je crois, sont le gros du problème du continent africain. J’espère qu’ils en parleront lors des prochaines rencontres de ce 3ème FESMAN.


Souvenir d’une Afrique unie

Il était une fois à Castor, un quartier de Dakar, où de pauvres gens donnaient un bon exemple des États-Unis d’Afrique aux dirigeants africains. Plusieurs nationalités se côtoyaient dans la pauvreté sans considération d’origine. Hélas ! Ces gens ont été dispersés par une mesure du gouvernement sénégalais qui n’a duré que le temps de son annonce.

Si les dirigeants Africains tergiversent encore sur la question des États Unis d’Afrique, ce n’était pas le cas chez certains groupes de personnes qui avaient déjà donné le ton. Oui ! Ce concept se construisait petit à petit hors du champ politique. Il suffisait de faire un tour à Castor pour s’en rendre compte. Sur les lieux se côtoyaient des personnes démunies en quête de moyens de subsistance. Elles vivaient en entente sur le même territoire, dans la même souffrance, malgré leur différence.

Une fois sur place, on ne pouvait que se réjouir de l’intégration africaine qui s’y était installée même si c’était dans des conditions déplorables. Des familles entières (père, mère et enfants) étaient assises en plein carrefour. Elles mangeaient sur place, en pleine rue, comme ils l’auraient fait chez eux.

Mais au-delà de cette pauvreté, ces personnes avaient, peut être, réussi, sans s’en rendre compte, l’intégration  africaine. Là où nos dirigeants ont échoué ou n’arrivent pas encore à trouver un consensus pour des raisons personnelles. Elles avaient bâti les Etats Unis d’Afrique (du moins elles vivaient ensemble) sans aucune considération de frontière.

Elles étaient Maliennes, Nigériennes, Gambiennes, Burkinabés, Guinéennes, Sénégalaises, bref plusieurs nationalités africaines s’y côtoyaient. Toutes à la recherche de la pitance. C’est du moins ce qu’un jeune malien, un habitué du coin,  m’avait confié. Ce dernier n’avait pas voulu en dire plus parce qu’il disait ne pas vouloir, seul, parler de la situation d’un groupe de personnes qui auraient pu penser qu’il les avait trahi. En effet, un d’entre eux avait une fois parlé à un journal de la place et cela avait été mal interprété par les autres. Depuis, la décision de ne plus parler aux médias sans le consentement des autres avait été prise. Quelle entente ! Cela supposait qu’aucun d’entre eux ne peut parler, même à son nom propre, sans l’aval des autres. Cela supposait aussi qu’il fallait un porte-parole pour parler de leur situation. Une seule voix donc pour tous les autres. Et si l’Afrique s’en inspirait?

N’est-ce pas l’image même qu’offre l’Afrique ? Des pays sous-développés dans un même continent et tous ont un même objectif : sortir du sous-développement. Sauf que dans ce cas précis, il n’y a pas d’entente pour supprimer les frontières et bâtir les Etats Unis d’Afrique : un seul Etat, une seule population, un seul drapeau, une seule monnaie, un seul chef d’Etat et une seule voix, comme les mendiants, pour représenter l’Afrique partout où besoin sera. Et si les chefs d’Etats africains suivaient cette voie ?



Barcamp de Gorée, de jeunes africains défient Nintendo

J’ai fait un tour, samedi 4 décembre, à Gorée pour la deuxième édition du Barcamp. Un rendez-vous d’une centaine de jeunes informaticiens et amateurs d’informatique de tout bord. Objectif : promouvoir la créativité dans le secteur des TIC.

Décidément, la Senelec n’a pas fini de faire des victimes. Ce n’est pas le sujet mais une coupure d’électricité qui retarde le début d’une telle activité mérite d’être racontée. Mais bon oublions la Senelec. Parlons TIC.

Il y en a qui se demande c’est quoi le Barcamp. Pas de souci ; je me suis intéressé à la question. Et la réponse nous vient d’un des organisateurs de l’évènement, Mountaga Cissé, consultant en TIC : « Le Barcamp c’est une non-conférence. C’est un concept qui vient des USA en Californie plus précisément. En 2005, des jeunes informaticiens et passionnés du numérique se réunissaient pour partager leur expérience. Tout le monde participe, chacun amène quelque de son expérience à partager avec les autres participants et ça se passe à Gorée pour 48 heures. L’objectif est de parler des dernières innovations technologiques, de partager ce savoir avec les professionnels du secteur, qu’il s’agisse des étudiants ou d’acteurs du secteur, pour qu’au sortir du Barcamp qu’ils soient au courant de ces innovations et pouvoir les utiliser dans le cadre de leurs activités ».

Au programme, des présentations, entre autres, sur la création de site web, sur le CMS (Content Management System/ Système de Management de Contenu), sur le Processing (création d’animations graphiques), sur le 3D avec le logiciel libre Blinder, sur le blogging, sur le jeu vidéo et des ateliers photo numérique… bref, tout un tas de choses que le commun des mortels ne pourrait comprendre. C’était, en fait, un monde des informaticiens dans lequel j’étais un peu perdu sauf pour le blog.

Il s’agissait de promouvoir la créativité et de vulgariser ses applications, de faire en sorte que, par exemple, un commerçant ou un artisan puisse apprendre comment créer un site web. C’est du moins l’avis de Aude Guyot, membre du comité d’organisation que j’ai rencontrée.

Le jeu vidéo à l’africaine

De cette 2ème édition du Barcamp, j’ai su des choses sur le jeu vidéo que je ne pouvais pas imaginer. Ce n’est pas que je sous estime qui que ce soit mais c’est parce que je ne savais pas que des jeunes africains s’intéressaient à ce point au jeu vidéo. Dans la présentation d’un groupe de  jeunes qui a mis en place un espace web collaboratif commun de joueurs en Afrique, j’ai su que des jeunes ghanéens ont crée une entreprise africaine dans le secteur du jeu vidéo qui s’appelle Leti Games, une entreprise qui pourrait concurrencer KONAMI, EA sport et autres. C’est utopique, diront certains mais « Yes, we can ». Autre chose à connaitre sur le jeu vidéo, FarCry2, un jeu développé à Montréal, qui se joue dans un environnement africain dont la musique est jouée par la star sénégalaise, Baba Maal. Seul hic, c’est un jeu de guerre comme pour dire qu’il n’y a que des conflits en Afrique.


La vente de poulet au marché Tilène de Dakar

Ne dit-on pas qu’il n’y a pas de sot métier ? En tout cas certains ont bien compris ce dicton. Tous les moyens sont bons pour survivre, surtout à Dakar, pourvu qu’ils ne soient pas illégaux.

Marché Tilène de Dakar, des voix gênent l’écoute : on discute entre clients et marchands. Dans ce brouhaha, les « cocoricos » des volailles se font entendre. Des cages remplies de poules pour la vente sont superposées les unes sur les autres. D’autres, les pattes nouées, sont par terre. Sur un banc, des hommes sont assis derrière ces marchandises : ce sont les vendeurs.

Un homme, la quarantaine, s’approche des lieux. Il lance un « salam alaikoun ». En chœur, ils répondent « alaikoun salam ». Juste après, une voix rauque demande : « lo beugue » (que voulez-vous ?). Il répond : « Guinar » (poule) et demande à son tour « Gnata la » (c’est combien ?). Son interlocuteur répond « 5000 ». Après négociations, les deux s’entendent sur une somme de 2000 FCFA. Le commerçant lui demande s’il voudrait que l’animal soit égorgé et traité sur place tout en lui signalant que cela est sans frais pour lui. L’homme accepte sans poser de question. Il appelle ainsi celui qui est chargé de faire ce travail.

Ce dernier, un jeune-homme d’une vingtaine d’année, répond à l’appel sans tarder. Il amène l’animal sur son lieu de travail : trois vases s’y trouvent. Le premier est rempli d’eau chaude, le deuxième de plumes et d’un long couteau et le troisième d’eau tiède. Dès qu’il s’y trouve, il se saisit de son couteau et pose la poule dans le vase contenant des plumes. Il lui tort le cou et y fait glisser le couteau : le sang gicle. Il plonge la volaille dans l’eau chaude. Quelques secondes après, il la tire de là. D’une main, il tient une partie de sa victime et de l’autre il arrache ses plumes. Après l’avoir déplumée, il lui coupe la queue pour faire une ouverture afin de sortir les intestins. Il coupe l’ergot la rince la poule. Il la met dans un sachet plastique et la remet au client.

Ce dernier est tout satisfait du travail : « il vient de m’alléger la tâche. Si c’est moi qui devrait le faire, cela aurai pris beaucoup de temps pendant qu’il l’a fait en moins de cinq minutes. » lance t-il.

Pour ce service, le vendeur dit qu’il lui donne 200 FCFA. Il apprécie aussi ce qu’il fait : « Il sait vraiment faire ce travail. Il peut traiter une dizaine de volailes en quelques minutes»

Ce jeune-homme passe ainsi toute la journée au marché de Tilène à attendre les acheteurs pour accomplir sa tâche et gagner de quoi se nourrir même si c’est malgré lui. En tout cas à chacun son métier.


SMS, son amour du moins son « sport » favori

J’ai entendu, au cours de la semaine dernière, que les jeunes guinéens étaient interdits de toute envoie de SMS. Les autorités auraient demandé à tous les opérateurs téléphoniques de verrouiller ce service. Les pauvres ! Ils en souffrent. J’ai d’ailleurs reçu l’appel d’une amie qui en pleurait vu l’état de vache maigre qu’elle vit actuellement ; difficile de recharger son téléphone. Mais le problème ne se trouve pas en Guinée.

Revenons Sénégal. J’ai pensé à  une telle situation au pays de la téranga : comment elle sera vécue ? Si les jeunes guinéens en souffrent, je connais un ami qui pourrait peut être en mourir. La preuve, c’est l’histoire qui suit.

23 heures dans une chambre de campus à l’Université de Dakar. Presque tout le monde est au lit, certains ronflent déjà. C’est normal ; il y a cours le lendemain. Dans ce calme, accompagné bien sûr par la mélodie des ronfleurs, le téléphone sonne : « clin clin, j’ai un message pour toi » annonce une voix féminine. Ce petit bruit ne réveille certes pas ceux qui dorment mais pour ceux qui regardent encore le plafond cela ne laisse pas indifférent. A voir comment l’amis lisait ce message, un gros sourire qui fend la bouche jusqu’à l’oreille, on se rend compte qu’il s’agit d’un « cheri t m mank » ou « bb  gtm, dor b1 » bref d’un message d’amour. Les connaisseurs de SMS savent décrypter ces mots quelle que soit la manière dont ils ont codés.  

SMS, rester en contact à moindre coût

Revenons à nos moutons. Cette première sonnerie n’est que le début d’une longue série de SMS d’amour qui doivent pleuvoir tout au long de la nuit. Mais pourquoi choisir cette période de la nuit pour tchatcher ? La réponse est simple pour mon ami : les SMS ne coûtent que 5 F CFA des fois à pareille heure s’il y a promo sinon c’est à ce moment que sa conjointe est disponible. Donc 200 F de crédit font 40 SMS pour lui s’il y a promo, de quoi  faire une nuit blanche : « L’avantage du SMS est qu’on peut dire beaucoup de chose avec peu de frais en prenant tout son temps. J’écris plus de messages que je n’appel directement. C’est mon sport favori. Je crois que je ne pourrais pas passer une seule journée sans SMS ». C’est donc la meilleure manière (SMS) pour un pauvre étudiant de rester en contact avec son amour qui est loin sans débourser beaucoup d’argent parce que l’appel coûte cher surtout quand il s’agit de vouloir parler tous les jours à son âme sœur.

Et si le service SMS était verrouillé ? Alors on sent la confusion après cette question. Un effort tout de même et la réponse : « Ce serait comme se réveiller le matin sans prendre son petit déjeuner »    


Dakar et ses « cars rapides »

Si vous débarquez pour la première à Dakar et que vous voyez  un « dinosaure » s’approcher de vous n’ayez pas peur. C’est juste un car. Il s’appelle le car rapide. Ce car, un tas de fer, tellement maquillé avec tant de couleur qu’on a du mal à en distinguer fait parti du décor de la ville.Lorsqu’on dit Dakar à quelqu’un qui y a séjourné il pense probablement à tous ces vieux cars qui sont bons pour la casse mais qui rendent énormément de service à ces nombreux sénégalais qui n’ont pas le temps d’attendre un bus ou pire de s’arrêter dedans jusqu’à destination. Ils préfèrent le car rapide qui est certes vieux mais qui offre une place assise.

Débarrasser la capitale sénégalaise de ces cars serait comme séparer un homme de son cœur. C’est trop dit peut être mais c’est une question très difficile à résoudre. D’ailleurs cela n’est pas le sujet de cet article. Je me suis toujours demandé pourquoi on les appelle « cars rapides ». Pour connaitre la réponse montez dans le car rapide et on y va.

Supposons qu’on doit être à un rendez-vous dans 30 mn. Maintenant à bord d’un car attendant que l’apprenti fasse signe au chauffeur pour le départ. Ce dernier doit juste taper sur la portière arrière avec une pièce pour que le chauffeur bouge mais il semble qu’il nous a oubliés. Et oui ! Il a oublié ceux qui sont déjà à l’intérieur. Il est parti à la recherche d’autres passagers. Il faut que tout le monde menace de descendre pour qu’il dise enfin à son patron de bouger. On aurait déjà perdu une dizaine de minute.

Le chauffeur a enfin pris le départ. Un ouf de soulagement. Ne croyez pas que c’est tout. L’apprenti réclame les frais de transport à tout le monde. Ainsi il peut faire ce qu’il veut sans que personne ne le menace parce qu’il a déjà son argent. Le chauffeur accélère un moment pour arriver vite à un deuxième point d’arrêt juste après quelques mètres. Ça y est. L’apprenti reprend son jeu. Il part très loin à la recherche de clients au point que même si le chauffeur est prêt à partir il faut l’attendre pour quelques minutes et même si vous voulez descendre vous ne pouvez pas ; vous avez déjà payé. C’est encore une dizaine de minutes de perdu.

Et ainsi de suite jusqu’à ce que vous arrivez en retard à votre rendez-vous. Et finalement j’ai eu la réponse à ma question : on les appelle « cars rapides » par ironie. Mais les sénégalais les préfèrent aux bus qui sont toujours plein à craquer.


Chronique d’un jeune guinéen qui voit un avenir incertain pour son pays

Une destination incertaine

La République de Guinée entre dans une nouvelle ère de son histoire d’une manière insolite comme ce fut le cas le 28 septembre 1958. Après l’organisation de sa première élection démocratique, la Guinée a du mal à se débarrasser de ses  vieilles habitudes acquises à la fin du règne du feu général Lansana Conté. Il s’agit tout simplement des manifestations violentes hors-normes dans la rue.

Enfin, la démocratie tant souhaitée est maintenant au seuil du pays qui a croqué 52 ans de dictature et d’autoritarisme. Mais, les deux fils guinéens qui étaient en lice pour la présidentielle refusent de saisir cette opportunité pour l’intérêt supérieur du peuple. Ce n’était pas limpide au départ pour tous que le seul mot d’ordre est de ramener les militaires dans les casernes ! Alors, que Paul gagne ou Pierre. Peu importe, c’est le peuple de guinée qui sort vainqueur de ce rude et long périple.Le peuple n’a-t-il pas fait tous les sacrifices ?

Le 28 septembre 1958, est une date qui atteste l’engagement sans faille ni doute du peuple guinéen à prendre à bras le corps son destin. Mais certains dirigeants ont refusé catégoriquement d’adopter la même idéologie. Pour ne pas s’éterniser dans la sphère de l’histoire, disons que le peuple était tout prêt à se sacrifier pour l’obtention d’une condition de vie meilleure. Par illustration sur le plan économique avec le fameux projet de ‘’Garafiri’’, qui n’a épargné aucune couche de la société. Tous ceux qui avaient l’étiquette de guinéen étaient contraints de mettre la main à la poche, même les mendiants, pour financer ce projet d’électrification du pays. Hélas, ce fut un véritable désenchantement après la concrétisation de ce projet.

Sur le volet politique, c’est le comble. Tous les sacrifices ont été effectués, jusqu’à perdre des âmes (la chose la plus chère pour une nation). Presque toutes les manifestations de contestation ont été réprimées dans le bain de sang. Et là, c’est la jeunesse qui a payé la plus lourde tribu (évènements de janvier et février 2007, 28 septembre 2009, etc.).

Une jeunesse sans repère.

La situation sociopolitique du pays s’empire du jour au lendemain. Actuellement la société guinéenne est minée par deux catégories de jeunesse : une qui se bat au quotidien pour subvenir à 10% de ses besoins et une autre qui commence à perdre espoir et repère s’il y en a. Les Universités guinéennes sont devenues des gros centres de formation annuelle des chômeurs. Elles déversent sur le marché d’emploi des jeunes innocents diplômés qui deviennent plus tard des fervents acteurs du secteur informel (petits commerces, gérants de cabines téléphoniques, etc.). Et de surcroît, des recherches attestent qu’une promotion universitaire n’a jamais été embauchée depuis 1984 à nos jours. A cela, s’ajoute un faible taux de retraités, pour ne pas dire qu’il n’y a presque pas de retraités. Le pays fonctionne avec des vieux des années 50 tandis que les jeunes se cherchent misérablement dans d’autres secteurs tels que le commerce, l’enseignement (reste à désirer), l’armée,…

Le président américain Barack Obama n’a-t-il pas, quand il affirmait le 11 juillet 2009 au Ghana que le tribalisme, le népotisme et la corruption sont les ennemis du progrès. Comment le pays connaîtra le progrès ou le développement si nous sommes minés par les vices dont Obama fait allusion ?

Ce qui est claire comme l’eau de roche, c’est qu’après 52 ans de « souveraineté », la Guinée a à tout reprendre à zéro. Aucun domaine n’est à négliger. Les cinq ans à venir seront de la quinine à avaler pour le premier président démocratiquement élu.

Gata Doré, étudiant guinéen à Dakar


Elle vend du sexe et « c’est Dieu qui l’a voulu »

Le plus vieux métier du monde élit, de plus en plus, domicile à Dakar. Un tour dans quelques coins et recoins de la capitale sénégalaise dans la nuit vous donne l’impression d’être perdu tant la journée les gens sont religieux mais la nuit « tous les chats sont gris ».

J’ai plusieurs fois entendu parler de ce coin de Dakar où le sexe se vend la nuit. Alors j’ai décidé une nuit d’y faire un tour pour savoir réellement ce qui s’y passe. Il est environ minuit lorsque j’arrive sur les lieux. Alors que les uns se pressent pour rentrer chez eux, d’autres viennent juste de commencer leur activité. Sur un grand carrefour, des taxis, une dizaine, sont immobilisés, des filles qui n’ont pas besoin de décliner leur identité inondent l’endroit. Mini jupe, pantalon moulant, bref tout ce qui peut exciter un homme est au rendez-vous.Les clients aussi ne manquent pas. Seul hic, le service semble onéreux. Alors que j’observais il y a, en effet, un jeune client qui s’est approché de moi et a engagé la conversation. Il me dit « affaire bi daffa cher » (comme pour dire ça coûte cher). Une fille lui aurait demandé 10 000 F CFA pour la passe soit un peu plus de 10 euros.

Les taxis de la prostitution

Difficile de décrocher une d’entre elle sans se mettre dans la peau d’un client. Et bien j’ai tenté le coup. Je croise alors une fille bien roulée qui ne laisse personne insensible. Elle m’explique, en me prenant bien sûr pour un désireux, que la passe coûte 10 000 F CFA si le client ne veut pas aller dans un hôtel, dans ce cas elle le conduit chez elle. Cette somme inclue les frais de transport aller  et retour dans un taxi. Les taxis qui sont immobilisés sont donc leurs partenaires de travail qui attendent aussi des clients. Ils se chargent de transporter les prostituées et reçoivent en contrepartie un pourcentage sur la somme qu’elles encaissent. Elle continue son explication : « les hôtels coutent entre 7000 et 10 000 F CFA, ce qui fait environ 20 000 F pour un client qui souhaiterait satisfaire sa libido à l’hôtel.

Argent ou désir sexuel ?

Pourquoi cette fille est-elle une prostituée ? C’est la question qui m’est passée dans la tête et que je lui ai demandée après avoir hésité longtemps. Elle hésite et me demande pourquoi cela m’intéresse. « Rien, juste pour le plaisir de le savoir. En tout cas tu ne donne pas l’ère d’une personne qui fait ça pour l’argent ». Elle me répond : «c’est Dieu ». Comment ça Dieu ? « J’ai le loyer à payer qui coûte 125 000 F (environ 200 euros). J’ai des frères en Europe qui me m’envolent de l’argent mais cela ne couvre que les frais du loyer. Je dois pourtant satisfaire mes autres besoins comme les habilles et produits pour filles »

Finalement j’ai compris qu’elle est dans ce métier pas parce qu’elle est pauvre, puisque c’est l’une des raisons qu’on donne souvent, mais parce qu’elle a plus d’ambition que ces moyens. Elle a loué, en effet, selon ce qu’elle m’a dit, un appartement dans un quartier résidentiel de Dakar où le loyer coûte excessivement cher alors qu’elle aurait pu se trouver un logement deux ou trois fois moins cher que ce qu’elle occupe et utiliser le reste de l’argent que ses frère lui envoient pour ses autres besoins. Mais elle a choisi la facilité et c’est « Dieu qui l’a voulu ».


Art : ceux qui vivent d’une inspiration religieuse

Ils sont des « Baye Fall » mais ne sont pas dans la rue pour mendier contrairement à certains de leurs amis de la même confrérie. Ils, ce sont les artistes de l’Espace de Création Cheikh Ibra Fall (ECIF) créé en 2000 sur la corniche ouest de Dakar. Ils vivent ainsi de la « sueur de leur front » comme le recommande le mouridisme.

Les vrombissements et klaxons des véhicules et les vagues de la mer se mêlent au vent. C’est la corniche ouest en direction du centre ville. Sur le côté droit de la route, sur un monticule se dresse une plaque qui saute à l’œil. Il y est inscrit « Espace de Création Cheikh Ibra Fall » avec une image de profil de ce dernier, un disciple du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba. Derrière la plaque, des baraques. Devant l’une, un homme, des cheveux en rasta avec une écharpe noire nouée autour du cou. Boubacar Barry, artiste sculpteur, est matinal sur les lieux pour dépoussiérer des statuettes et les exposer au bord de la route. Des antilopes, des lions, des oiseaux et d’autres animaux, tous en bois, sont des œuvres qui reçoivent des coups de torchon de l’homme.

Il est 8 heures, difficile de décrocher quelqu’un ce matin ; tout le monde semble occupé. Dès que quelqu’un arrive, il lance un « salam alaikoum » à ses amis trouvés sur les lieux qui répondent à leur tour « alaikoum salam » et se précipite vers une des baraques. On entre dans ces dernières et on en ressort avec une œuvre à exposer et ainsi de suite jusqu’à épuiser la quantité se trouvant à l’intérieur.

Des « Baye faux »

Après avoir fini ce premier travail du matin, Boubacar Barry a accepté de nous parler des activités qui se font sur les lieux: « C’est un village des « Baye Fall » qui a été crée en 2000 pour la création artistique. Ici il y a des sculpteurs de bois, de pierre, des peintres. Il y a également des gens qui font de l’art figuratif, des soudeurs métalliques, bref nous faisons tout. Il suffit juste de faire une commande et nous allons la fabriquer. » Du coup, il change de ton pour fustiger le comportement de certains jeunes « Baye Fall » qui croient que la seule issue c’est de tendre la main. Avec une voix plus élevée il martèle : « Ce centre a été créé pour pousser les jeunes à se nourrir de la sueur de leur front. Je déplore le comportement de ceux qui se font appeler « Baye Fall » pour quémander dans la rue. Je les appelle des « Baye faux ». Un jeune doit faire appel à son esprit, à son imagination pour faire quelque chose qui lui rapporte de l’argent au lieu de déranger les gens. Cheikh Ibra Fall est quelqu’un qui a toujours aimé le travail, donc ses adeptes doivent suivre ses pas et non tendre la main ».

Inspiration religieuse

Sur leur inspiration, les jeunes de centre n’y vont pas par quatre chemins. Ils affirment presque tous qu’ils s’inspirent de la religion notamment de leur confrérie, le mouridisme et surtout de leur marabout, Cheikh Ibra Fall.

« Le sénégalais ne connait pas l’art »

Sur le plan financier ces artistes ne se plaignent pas même si la clientèle n’est pas encore au rendez-vous ce matin. C’est du moins l’avis de notre interlocuteur qui dit d’un air rassuré «Nous gagnons notre vie ici et Dieu merci ». Avant même de terminer sa phrase, un de ses amis qui vient d’arriver nous interrompt pour dire d’une voix plaisantin qu’une œuvre d’art n’a pas de prix sans même chercher à savoir de quoi nous parlons. Aussitôt il passe en courant. Cela est confirmé par Boubacar Barry qui nous confie que le prix dépend du client avant d’ajouter que leur clientèle est essentiellement composée de touristes blancs car, dit-il, le sénégalais ne connait pas l’art.


Les bureaux de change relèguent les banques au second plan à Dakar

La rue Raffenel de Dakar plateau connait une floraison des bureaux de changes. Dans ce milieu, les cambistes se font la concurrence et il s’est développé un véritable marché noir des devises. Dès que vous arrivez sur cette rue, vous êtes interpellé par les intermédiaires qui occupent tous les trottoirs.

Ici, le temps n’est accordé qu’aux clients. Nous avons été refoulés dans plusieurs bureaux où nous avons essayé d’avoir des informations. Finalement, nous avons pu être guidés chez « Père Mbodj », un vieux cambiste qui a accepté de nous parler. Selon Père Mbodj, les clients préfèrent les bureaux de changes aux banques. Il nous explique les raisons : « D’abord nous proposons plus d’argent pour l’achat des devises que les banques mais aussi nous acceptons toutes les monnaies africaines, ce que les banques ne font pas». Ceci est d’autant plus vrai qu’à peine entrés dans une banque, nous avons assisté à une scène. Devant le guichet, se trouvent deux blancs qui parlaient en anglais au guichetier. Après avoir échangé plusieurs billets de dollars, l’un des blancs a voulu faire la même chose de ses billets de franc centrafricain. Le guichetier lui répondit « no bank can change this » (aucune banque ne prend ces billets).

Interrogé sur la quantité d’argent qui circule sur le marché noir, le vieux Mbodj estime qu’elle est incommensurable « on se vend les devises entre nous et même les banques viennent en acheter ici». Il souligne également que les clients ont plus d’avantages dans les bureaux que dans les banques parce que « Dans les banques, on ne peut pas acheter plus de 2000 euro ou dollars tandis que chez nous il n’y a pas de barrière. Et aussi, par exemple, si la banque vend le dollar aujourd’hui à 510 FCFA, nous, nous pouvons le vendre un peu moins que ça en rapport à la discussion avec le client ».

Pour connaitre les taux de change dans les banques nous avons fait un tour à la SGBS d’où on nous a conduits dans une autre banque. Après une longue attente, nous avons rencontré le chargé de ce service qui a refusé de nous livrer des informations en disant, sur un ton méchant, « Ici on ne donne pas les informations comme ça, allez dans les autres banques » et il s’adresse à son vigil d’un ton autoritaire « Il ne faut pas faciliter l’accès à mon bureaux à ces gens-là ».

Sur cette activité des cambistes, Ibrahima Dial, étudiant en master finance à la Faculté des Sciences Economiques et Gestion (FASEG) de l’UCAD, nous affirme : « Le travail des cambistes est légal. Les cambistes sont chargés de faire l’arbitrage sur le marché. Ils font les opérations à la place des clients qui peuvent être des particuliers, des banques, entreprises etc.» Il ajoute que ce secteur influe sur le marché financier mais il reste toutefois supervisé par l’Autorité de Régulation du Marché.

Amara Soumah et Mamadou Barry


Dakar vit le retour des talibés

La loi sur la mendicité au Sénégal est-elle tombée en désuétude ? Était-elle du bluff ? Le gouvernement voulait-il tester les chefs religieux ? En tout cas les mendiants sont de retour.

Il y a à peine quelques mois (août 2010) que le gouvernement sénégalais avait lancé une chasse aux mendiants à Dakar. Parmi eux, des enfants de moins de 12 ans : les talibés, originaires des zones rurales et d’autres pays de la sous-région. Une loi interdisait donc ce que le gouvernement sénégalais a appelé « la traite des personnes ».Le Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, avait déclaré, suite à un conseil interministériel consacré à la lutte contre ce phénomène, que « tout mendiant trouvé dans les rues aura affaire aux forces de l’ordre ». La menace avait belle et bien été suivie d’effet ; les rues de la capitale avaient été « assainies ». Certains marabouts responsable de la mendicité des enfants ont été jugés et condamnés.

Mais s’agissait-il d’une réelle volonté du gouvernement de mettre fin à ce phénomène que  beaucoup de sénégalais déplorent mais taisent pour des raisons qu’on ignore ? En tout cas cette loi semble tombée en désuétude. Il suffit de faire un pas, aujourd’hui, à Dakar pour rencontrer un enfant qui te tient la main ou cour après toi pour demander des pièces. Ces enfants sont complètement de retour et rien se dit à propos. Pas d’écoles, ni de « case des tous petits » pour eux, même pas d’affection parentale. Ils sont laissés pour compte, par des marabouts véreux, dans les rues de  la capitale. Ces enfants sont obligés de rentrer le soir avec une somme d’argent que leur marabout leur impose, faute de quoi ils subissent des sévices corporels.

Les chefs religieux ont menacé

Lorsqu’on interdit aux gens qui n’ont pas d’autres moyens que mendier, il faut bien trouver autre chose pour eux. La loi n’a donc pas duré parce que certainement il n’y a eu aucune mesure d’accompagnement. Il faut dire aussi que le gouvernement voulait négliger certaines considérations sénégalaises et même africaines qu’il n’est pas censé ignorer. Il s’agit de la croyance aux sciences occultes. Rares sont, en effet, les africains qui ne consultent des marabouts pour telle ou telle chose et il en sort toujours des sacrifices. A qui faut-il les donner ? Sous la menace des chefs religieux, le gouvernement a finalement cédé et Dakar retrouve ses talibés « adorés ».


On n’est pas coupé du monde à Toubacouta !

Fracture numérique, out !

Un groupe d’étudiants du CESTI séjourné à Toubacatou, une communauté rurale à plus d’une centaine de kilomètre de Dakar. Contrairement à ce que nous avons pensé, nous avons été surpris de trouver la connexion internet sur les lieux.

Il est 15 heures passé lorsque la 39ème promotion du Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI) de Dakar débarque à Toubacouta après près de 4 heures de voiture. Au départ, chacun doutait sur la possibilité d’avoir de l’internet dans une zone rurale. Grande à été notre surprise lorsque, dans les chambres de l’auberge où nous logeons, nous avons constaté l’existence d’un réseau sans fil. L’information est passée de chambre à chambre comme l’éclair : en quelque seconde, tous ceux qui ont apporté leur machine étaient connectés sur Facebook ou Yahoo!. Des discutions instantanées sont lancées pour dire que « nous sommes gâtés ». C’est vrai que nous sommes gâtés surtout si nous pensons à l’idée même de la sortie : « séjour rural ». Nous étions censés être dans des conditions rurales quant à au logement et le reste. Mais avec un peu de chance, nous nous sommes retrouvés dans une auberge. Quand je dis que nous ne sommes pas coupés du monde c’est parce qu’il y a, en plus de la connexion de l’auberge, en termes de moyens de communication et d’accès aux TIC, un Centre Multimédia Communautaire situé à Soucouta, qui regroupe un cyber et une radio communautaire (Radio Niombato). Le programme de création de CMC vient d’une initiative de l’UNESCO associé au gouvernement sénégalais et à la coopération suisse.

Les cybers Centre Dieng et Time Center font également partie de l’offre d’accès à Internet. Pas de souci donc pour ce qui est de l’accès à internet. Les boites mails et profils des réseaux sociaux et même les blogs ne vont surement pas chômer. C’est pour dire au finish que la fracture numérique devient petit à petit un vieu souvenir.


Un tour à Gorée pour verser des larmes

C’est une centaine de personnes de tous les horizons qui était là pour visiter l’ile Gorée notamment la maison des esclaves. J’ai vu des gens pleurer quand le conservateur de la maison expliquait la tragique histoire de l’esclavage sur l’ile.

Je ne sais pas ce qui a retenu mes larmes mais, au fond de moi, je pleurais lorsque je suis entré dans certaines cellules après l’exposé du conservateur de la maison des esclaves. Je n’étais pas le seul, presque personne n’est restée insensible à cette histoire. Les larmes de certains coulaient pendant qu’on pouvait lire de la tristesse sur les visages d’autres. C’était la désolation au niveau de tous ceux qui m’entouraient pour la visite des cellules. J’avoue que je me suis senti enchainé dans ces petites chambres de 2 mètre carré environ dans lesquelles étaient entassées plusieurs personnes (des esclaves, des marchandises) comme dans une boite de sardine. A chaque catégorie d’esclave une cellule. C’est ainsi qu’il y a la cellule des femmes, celles des enfants, celle des inaptes temporaires, celle des hommes et celle des récalcitrants.

Cette dernière cellule est celle qui m’a le plus donné de la peine. Pour des gens qui voulaient leur liberté, on a fait pour eux un petit couloir (ce n’est vraiment pas une chambre) dans lequel on ne peut même pas s’arrêter : il faut se courber ou s’agenouiller, histoire de s’adapter à la hauteur de la cellule.

Après les cellules nous avons visité les couloirs qui mènent à la porte du voyage sans retour comme la mort. Il s’agit d’une petite porte qui s’ouvre directement sur la mer, c’est par là qu’on embarquait les esclaves dans les bateaux et c’était du « à Dieu l’Afrique ». A l’étage (c’était l’espace réservé, selon le conservateur de la maison, pour le séjour des marchants d’esclaves) sont exposés quelques objets comme les chaines pour les poignés et pour les pieds, des fusils… qui témoignent encore de la douleur qu’avaient endurée les esclaves

J’ai eu non seulement de la peine mais aussi de la haine passagère à un certain moment. Il m’est venu à l’idée de gifler tous les blancs qui étaient autour de moi mais finalement j’ai compris qu’ils ne sont pas responsables, en tout cas la tristesse se lisait sur le visage de certains. Je pense que ce n’est qu’une page noire de l’histoire de toute l’humanité que chacun doit regretter et non pas seulement de l’histoire de la race noire. J’ai compris aussi que Gorée est aujourd’hui un lieu de rencontre de presque toutes les races humaines, enfin un lieu de réconciliation et de pardon.