DANIA EBONGUE

Ces anges qui reçoivent un Anje

Au Cameroun, l’Enquête Démographique et Santé (EDS 2011) a révélé que 60% des enfants âgés de 06 mois à 05 ans souffrent d’anémie. La région du Nord étant l’une des plus touchées, elle accueille depuis Juillet 2015, le programme de fortification alimentaire à domicile et de promotion de l’Alimentation du Nourrisson et du Jeune Enfant (ANJE).

Jumelles

Pitoa, Région du Nord au Cameroun. Dans le quartier Lopéré, les jumelles Hassanatou et Housseinatou, âgées de 14 mois, sont toutes radieuses sur la natte posée dans la cour de leur concession. Leur mère, Maïramou Aminou, 22 ans, leur prépare une bouillie enrichie au sachet dénommé « VITA MIN », un produit local qui est une combinaison de plusieurs vitamines et de sels minéraux destinés aux enfants de 6 à 23 mois. Son geste, depuis le lavage des mains jusqu’à l’introduction du produit dans la bouillie de ses filles, est le fruit de la sensibilisation des relais communautaires ici. Ceux-ci, à l’instar de la matrone Kousyabe, sillonnent les ménages pour les messages de sensibilisation en termes de santé prénatale, néonatale et maternelle entre-autres.  Aujourd’hui, Kousyabe s’adresse à de nombreuses femmes, devant l’aire de santé de Langui-Pionnier. C’est une bourgade située dans l’arrondissement de Tchéboa, mais versé dans le district de santé de Pitoa, à 28 km de Garoua, la capitale de la Région du Nord Cameroun.  Ce sont en tout 32 femmes et 33 enfants qui sont inscrites dans le programme « ANJE » de cette aire de santé.

La Matrone sensibilise les femmes

Ces femmes ont adopté le sachet « VITA MIN » depuis juillet 2015 pour fortifier les enfants et les prémunir de certaines maladies comme l’anémie. Un paquet leur est remis pour deux mois d’utilisation. Tous les deux jours, la poudre est versée dans les repas des enfants et les résultats sont visibles. Pour Toudoukou Eliane, 27 ans, et mère d’un garçon de 17 mois : « Je voulais que mon enfant soit en bonne santé. Il ne mangeait pas bien, et souffrait régulièrement de diarrhée, mais depuis que je lui donne cette poudre, il a retrouvé son appétit. Mon mari trouve que l’enfant grandit bien ».

Toudoukou Eliane

C’est le même refrain chez Doubla Angèle, 32 ans, et dont le dernier enfant a 25 mois et est déjà sorti du programme. Elle affirme que « ce programme a fortifié mon enfants ;  il apparaît désormais plus jovial et plus heureux. J’ai beaucoup apprécié de lui donner la poudre, surtout que c’est gratuit ». La gratuité de ce sachet est en effet un facteur galvanisant auprès des femmes, en plus du sentiment patriotique qui est suscité le conditionnement de ce sachet «  fabriqué aux couleurs nationales du Cameroun » selon les nutritionnistes du ministère de la santé publique. Cette allusion n’est pas gratuite, car certains refus et certaines réticences des ménages viennent d’une perception méfiante vis-à-vis des produits importés, et l’éthique locale du produit « VITA MIN » a favorisé l’adhésion des femmes.

Esther

A quelques kilomètres de Langui-Pionnier, se trouve le village Langui-Moufou. Ici, Ayaome Esther, mère de 3 enfants, continue d’allaiter la petite Sissenganga, âgée de 10 mois. Ce petit ange est aussi un récipiendaire de la poudre de micronutriments et sa mère a fait tout de suite une comparaison avec ses deux premiers enfants : « Jusqu’à présent, l’aîné, qui est âgé de 5 ans a du mal à se nourrir. Il est très maigre et sa santé est tout le temps fragile. La 2Eme qui a 3 ans est régulièrement malade aussi. Si ces deux-là avaient eu cette poudre en leur temps, je suis certaine qu’ils allaient grandir aussi bien que Sissenganga ». La poudre de micronutriments semble donc faire l’unanimité dans la localité.  C’est vrai que dans un pays où 122 enfants sur 1000 meurent sans atteindre leur cinquième anniversaire, et que 1/3 de ces décès sont attribués à la malnutrition, l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance) appuie le gouvernement camerounais dans plusieurs programmes de lutte contre la malnutrition. Le programme « ANJE » vient donc renforcer cette lutte, afin que derrière chaque sachet d’ANJE, se cache le sourire de nos petits anges.


Afrique de l’Ouest et Afrique du Centre : deux poids, deux mesures.

Si l’alternance démocratique est une réalité dans plusieurs pays francophones de l’Afrique de l’Ouest, en Afrique Centrale, c’est encore une utopie.

38 nouveaux ministres depuis le 30 Avril 2016 au Congo de Denis Sassou Nguesso.  Finalement, la République du Congo dont le Chef de l’Etat a été réélu le 20 Mars dernier (à l’issue d’un passage en force constitutionnel) vit les premières heures du nouveau quinquennat de l’infatigable président Sassou, convaincu, comme la plupart de ses pairs de l’Afrique Centrale, qu’il est investi d’une mission divine à la tête de son pays. Son homologue du Burundi, Pierre Nkurunziza s’est sans doute dit la même chose, devenant complètement sourd aux injonctions de la communauté internationale qui lui demandait de ne pas briguer un 3ème mandat. Depuis lors, « les violences et les troubles causés par la décision controversée du président de briguer un troisième mandat ont déjà coûté la vie à 400 civils et ont forcé 230 000 personnes à fuir le pays », nous dit www.lemonde.fr

Mais pourquoi cette communauté internationale est-elle devenue si sourde à tout ce qui se passe en Afrique Centrale ? Serions-nous tentés de demander. Comment expliquer cette assurance hautaine et insolente des chefs d’Etats à jouer avec leurs constitutions ? Pendant ce temps, en Afrique de l’Ouest, on entend un autre son de cloche. Pourquoi le président Thomas Yayi Boni du Bénin n’a-t-il cherché lui aussi à charcuter sa constitution nationale ? Avait-il peur du Vaudou ? Peut-être, mais dans les pays où la culture démocratique est réelle, on sait qu’après deux mandats, on cède sa place. Toute la classe dirigeante en Afrique de l’Ouest se renouvelle, même au Burkina Faso où Blaise Compaoré s’était enraciné depuis des lustres, l’alternance est une réalité (même si elle est passée par la colère de la rue).

Pendant que les Chefs d’Etats de l’Afrique Francophone occidentale changent de visage, en Afrique Francophone du Centre, les mêmes visages restent. Paul Biya, en poste sans discontinuer depuis 1982,  Denis Sassou Nguesso, au pouvoir de 1979 à 1992, puis de 1997 à nos jours au Congo.  Idriss Déby Itno, est en poste depuis 1991 au Tchad. Joseph Kabila, lui n’est  là « seulement » que depuis 2001, mais on le suspecte déjà à tort ou à raison, de vouloir briguer un autre mandat, donc de tripatouiller lui aussi, la loi fondamentale de la RDC. En attendant, dans ce pays-là, le vrai Roi ces jours-ci est celui de la Rumba, Papa Wemba, arraché à la vie aux aurores du 24 Avril dernier. Lui, il aura en tout cas, un mandat à vie dans le cœur des mélomanes africains. Tant les hommages sont grands. Il est donc normal qu’il bénéficie des obsèques nationales, dignes, d’un Chef d’Etat.

Pourtant, il y’a une leçon que les dirigeants de la CEEAC devraient tirer de tout cela. Lorsque, Thomas Yayi Boni, ancien Chef de l’Etat du Bénin, vient superviser, au titre de l’Union Africaine, les élections présidentielles en Guinée Equatoriale, que peut penser Obiang Nguéma ? Au pouvoir depuis 1979 comme son compère du Congo Brazza, il doit certainement se dire que ses gens d’Afrique de l’Ouest ne comprennent rien aux délices du pouvoir. Ce qui a fait dire à France 24 que : « Sans surprise, en Guinée équatoriale, le président Teodoro Obiang Nguema, 73 ans, a été réélu avec un score officiel triomphal de 93,7 % à l’élection présidentielle du 24 avril, face à une opposition muselée ».  

 Bravo ! Tout cela prouve quand on regarde les scores que le « peuple souverain » est derrière son chef. Venez au Cameroun et vous entendrez cette rengaine partout. Donc, finalement, en Afrique Centrale, les peuples maintiennent longuement leurs chefs au pouvoir parce qu’ils ont compris que le chef doit mourir au pouvoir pour être un bon chef.  Au moins on lorgne avec un peu d’espoir, ce qui se passe dans la République Centrafricaine. Là-bas au moins, le pouvoir porte un nouveau visage, celui de Faustin-Arcade Touadéra, qui remplace Cathérine Samba-Panza (ancienne chef de la transition) à la tête du pays. Vous me diriez qu’il vaut mieux un éternel président à la tête d’un pays que d’un éternel conflit comme à la RCA. Peut-être ! Il est certain que beaucoup espèrent que la RCA sorte enfin de cette interminable spirale depuis l’élection de ce président, le 14 février dernier.

Car autant, on peut questionner ces pays d’Afrique Centrale où les président s’éternisent dans les palais, autant, on se demande si c’est normal que chaque fois qu’un illuminé inspiré décide de prendre le pouvoir en RCA, que le pays revive un éternel recommencement. Ange Félix Patassé, François Bozizé, Michel Djotodia ont occupé le fauteuil présidentiel ou militaro-présidentiel, de 1993 à 2014, soit trois présidents en 21 ans. Une moyenne d’un président tous les 7ans, la durée d’un mandat présidentiel au Cameroun. Tout compte fait, l’Afrique Centrale a mal dans sa gouvernance et…dans son alternance.

Zone CFA

Convergence entre Afrique de l’Ouest et Afrique du Centre ?

Le 9 Avril 2016, les ministres des finances, les gouverneurs des banques centrales et les présidents des institutions régionales de la zone Franc se sont réunis à Yaoundé pour réfléchir sur l’avenir du Franc CFA  les échanges entre les pays de la zone Franc. L’une des résolutions de cette rencontre c’est enfin, la convertibilité entre le CFA de l’Ouest et celui du Centre. On avait jusque-là, deux monnaies différentes pour la même zone monétaire. Un vrai mystère.  Pendant que de nombreuses voix s’élèvent, (dont celle du président Idris Déby Itno) pour sortir l’Afrique de la zone franc, on pourrait tirer une conclusion analogique : S’il y’ a convergence entre les CFA de l’Ouest et du Centre, pourquoi pas aussi une convergence de gouvernance ? Si les présidents de l’Ouest laissent aisément le pouvoir, pourquoi pas demain au Centre ?  


Ta pilule est amère !

Dolorès, je m’en vais encore te raconter une de nos histoires bien de chez nous. Toi qui es une femme, explique-moi, pour comprendre : La pilule du lendemain est-elle un crime ?

Me voilà en train de sillonner les routes du Cameroun. Je tombe un jour sur une consommatrice de Kanga (poisson d’eau douce du Cameroun), une jeune fille seule, isolée à Ayos que j’approche et j’aguiche pour la taquiner. A ma grande surprise, la jeune fille s’avérera intéressée et c’est ainsi que nous avons échangé nos numéros de téléphone.

Pendant quatre mois, nous avons essentiellement communiqué par sms. Elle faisait le tour du Cameroun pour vendre sa marchandise (la friperie) entre Yaoundé, Sangmélima et Ayos. Un jour donc, elle insiste pour me rencontrer. J’étais à la maison, je m’ennuie, et une présence féminine n’était vraiment pas de trop. Je lui indique mon domicile par sms, et la voilà qui sonne à ma porte.

Ce qui devait se passer, se passa…

Elle m’offrit son corps allégrement en guise de gratification pour mes quatre mois d’extrême patience dont j’ai fait montre. Il se trouve que Reyne (c’est son joli prénom), a tout juste 23 ans et est maman de deux enfants. Quand je lui demande des nouvelles des papas de ses enfants, elle répond que ce n’est plus à l’ordre du jour. J’ignore si elle me l’a dit juste pour que je la pénètre plus profondément, mais toujours est-il que l’adage dit que «  quand tu as une fille Bulu dans ton lit, profite en, car tu ne sais pas de quoi demain sera fait ». On dit de ces filles originaires du Sud-Cameroun qu’elles seraient légères, infidèles et caractérielles. Moi dans mon lit ce soir-là, je ne voyais qu’une fille généreuse, tendre, douce et alléchante. On finit donc par mélanger nos ardeurs bestiales au nom de notre rencontre autour d’un Kanga à Ayos.

Comme il fallait s’y attendre, la fille s’attacha. Elle nourrissait déjà des ambitions de vouloir vivre avec moi, devenir ma femme, et que sais-je encore. Le lendemain de nos premiers ébats, elle me réveilla avec un sms des plus effrayants : « J’ai envie de toi. Ce que tu m’as fait hier, n’est pas suffisant ». J’ai compris donc que j’avais trempé mon biscuit dans un bol de lait très chaud. J’ai voulu la repousser mais une partie de moi ne voulait pas donner l’impression à cette jeunette que j’étais un dégonflé de la première heure, alors, cet après-midi-là, rebelote !

L’adage dit qu’après deux rapports sexuels, une femme vous manque déjà de respect. C’est ce qui arriva Dolorès. Désormais, j’avais droit à un langage condescendant, agressif, et hautain à la limite. Reyne devenait une reine tyrannique. Elle savait me tenir par le mystère de sa morphologie. Et vint donc le samedi dernier…Reyne atterrit chez moi avec un objectif clair : « Te faire hurler comme tu aimes si bien quand tu es dans mes cuisses ». Toi-même Dolorès, on te dit un truc comme ça, tu fais comment ? Sauf que là, j’avais oublié de prendre mes précautions. Alors, à la première chevauchée, je m’arrêtai tout net pour demander : « Es-tu en période féconde ? ». Elle me répondit par l’affirmative, mais me somma de poursuivre mon action. Moi, convaincu qu’elle savait ce qu’elle faisait, je continuai sans demander mon reste.

Après ce frotti-frotta interminable, elle rentra chez elle. Je l’appelai pur lui demander comment on allait gérer ce coït exposé ? Car, je ne voulais pas l’entendre me dire demain qu’elle porte un fœtus. Oui, Dolorès, tu sais, nous les hommes on est comme ça,  on n’aime pas être piégé. Et patatras, elle me tient un langage incohérent :

  • Tu veux que je te dise quoi ? C’est entré, c’est entré !
  • Non, Reyne ! Je ne veux pas d’enfant je t’ai dit. Attends, je t’envoie de l’argent, tu fonces dans la première pharmacie et tu t’achètes la pilule du lendemain.
  • Okay, envoie !
Pilule du lendemain
Pilule du lendemain

Je lui envoie de l’argent via le transfert mobile, et quelques instants plus tard, elle m’envoie ce message :

  • Je ne suis pas une pute.
  • Quoi ? Les putes ont fait quoi ?
  • Je n’ai pas appris à être criminelle. Je m’en veux certes, mais rien ne vaut une vie humaine. Ça arrive, je vais porter ma croix. Adieu mon cher.
  • Pourquoi tu es têtue, avaler la pilule n’est pas un acte criminel ?
  • Ce n’est pas ton gosse okay ? C’est le mien !
  • Hein ? Tu fais la sorcellerie ?
  • Ne m’appelle pas sorcière. Écoute-moi bien, garçon. Je n’ai pas dit que je te donnais un enfant, surtout que tu n’en veux pas. Donc laisse tomber. Y’a plein d’enfants comme ça et ils s’en sortent.

C’est là que je me souviens qu’elle n’a jamais voulu parler des pères de ses deux premiers. J’imagine que c’est le même langage qu’elle leur a tenu. J’ai vu sa situation, sans emploi fixe, vivant chez sa sœur ainée, obligée de faire le tour du Cameroun pour écouler sa marchandise, et là voilà qui veut bêtement porter une nouvelle charge. Je rebondis :

  • Reyne, prends cette pilule s’il te plait !
  • Je dis non ! T’as pas à t’inquiéter. Je vais voyager d’ici peu. Je ne t’en parlerai jamais. Le temps fera en sorte que je t’oublie. Je ne t’en veux pas, tout est ma faute de m’être si facilement offerte. Ne m’écris plus, ne m’appelle plus !

Dolorès, je ne comprends pas, pourquoi refuse-t-elle de prendre la pilule ? C’est encore un concept de vos nouvelles églises ? Comment comprendre cette attitude ?


J’ai honte, Afrique Centrale.

La situation sociale de notre pays, le Cameroun est des plus préoccupantes en ce moment.

Voyez-vous, je suis un journaliste du service public au Cameroun. En apparence, je devrais me réjouir de mon « bon salaire » comparé à la plupart de mes collègues du privé. Cela devrait donc m’emmener à me taire et à ne rien revendiquer. Ceux et celles qui me font cette remarque chaque jour ne comprennent pas mon engagement dans mon blog, mon adhésion aux activités culturelles, humanitaires, et mon implication citoyenne dans toutes les initiatives qui peuvent faire bouger les lignes au Cameroun. Comment devrais-je me réjouir si mon robinet d’eau est coupé 6 jours sur 7 ? Comment devrais-je me réjouir si l’électricité est devenue un luxe pour ma maison ? Voilà simplement deux secteurs dans lesquels le Cameroun a mal dans sa gestion et dans sa gouvernance. Et le problème est que, les décideurs ne perçoivent pas encore la pertinence de la grogne sociale qui émerge de tous ces manquements, et de tous ces slogans à répétition qui ne changent aucunement le quotidien des populations. Je ne vous parle pas du secteur de la santé qui laisse vraiment à désirer. J’ai failli perdre mon épouse il y’a quelques semaines,  simplement parce qu’après un séjour à l’hôpital Gynéco Obstétrique, elle a été victime d’un faux diagnostic qui lui a plutôt provoqué des complications. Il a fallu l’interner pendant deux semaines dans une clinique privée afin qu’elle ait la vie sauve. Combien de camerounais ont cette alternative ? Combien ont même le minimum syndical pour payer un billet de cession de 500frs ? Les soulèvements qu’il y’a eu à la suite de l’affaire Koumatéké à Douala sont le reflet de la frustration de la majorité des camerounais, tous plus ou moins victimes au moins une fois, d’une négligence dans nos formations sanitaires publiques. Si vous ajoutez à cela, le secteur de l’éducation qui souffre de l’insuffisance des enseignants, de ceux qui sont mal formés et d’un système de promotion et de résultats douteux, vous avez entre vos mains, un Cameroun malade dans son éducation, sa santé, son eau, son énergie, et je n’ose même pas citer les infrastructures routières, etc. Pendant longtemps, le Football a été longtemps l’arbre qui cachait la forêt de la misère et du mal-être camerounais, aujourd’hui donc la gestion calamiteuse du bien public nous crache au visage ce qu’est réellement le Cameroun d’aujourd’hui. Pendant qu’on est unanime que le minimum n’est pas visible au Cameroun, ceux qui profitent du régime n’ont qu’un seul slogan de nos jours : que le président Biya se représente et que des élections présidentielles soient anticipées. Je suis sûr que beaucoup de camerounais ne se soucient même plus de qui doit siéger au trône présidentiel, tellement on leur a mis dans la tête que la politique est réservée, qu’elle est mauvaise et qu’elle est malsaine. La preuve encore, un regroupement de militants hier à Yaoundé, a fait sortir l’artillerie lourde de la police anti-émeute pour disperser la tenue d’une conférence de presse de ces partis de l’opposition. Tout cela est bien triste pour ce pays remplit de gens ouverts, sincères, plein de vie et d’énergie, mais confinés comme moi à attendre que les choses changent un jour. Car, quoiqu’on dise, il y’aura bien un après-Biya. Mais malheureusement,  je ne suis pas certain que l’après-Biya va résoudre les problèmes de notre chère République. Le mal camerounais se trouve désormais dans la racine et dans les gênes des mentalités anti patriotiques, anti citoyennes, et anti civiques. Tellement le Cameroun est devenu une jungle que chacun veut tirer son épingle du jeu, et la notion de bien public et de bien commun a foutu le camp, y compris auprès des décideurs de demain, les jeunes générations actuelles. C’est la raison pour laquelle je suis dans le bloging. Il est impératif que les blogs et les réseaux sociaux jouent le rôle de NOUVEAUX EDUCATEURS DE LA SOCIETE. Il s’agit pour moi, et pour ces nombreux blogueurs et bloggeuses pertinents du Cameroun, de bâtir par « Le Pouvoir des Mots », thème de la Francophonie 2016, une société que nous voulons plus juste, plus égalitaire, et plus développée. Parlant de la Francophonie, je suis attristé de constater que l’espace francophone africain s’illustre toujours par ces  Chefs d’Etats qui veulent se maintenir au pouvoir, par ces batailles interminables comme en RDC, ou en RCA, au nom de richesses du sous-sol qui provoquent tant de convoitises. Heureusement, le Mali, le Sénégal et le Bénin nous donnent l’espoir que des transitions pacifiques sont possibles dans notre espace francophone. L’Afrique Centrale a un peu du mal à suivre le bon exemple. Au contraire, ce sont des petits royaumes qui se forment çà et là, et c’est peut-être là que nous nous posons la question de savoir pourquoi la communauté internationale laisse-t-elle faire ? On me répondra sans doute que les dirigeants actuels pérennisent les intérêts des occidentaux en Afrique ! A tort ou à raison, l’Afrique a besoin de leaders plus charismatiques, plus consensuels, et cela n’empêchera en rien une coopération gagnante-gagnante avec nos partenaires. Sauvez cette Afrique Centrale! Donnez-lui de nouvelles couleurs, changez-la!


Afrique Centrale, j’ai honte!

La situation sociale de notre pays, le Cameroun est des plus préoccupantes en ce moment.

Voyez-vous, je suis un journaliste du service public au Cameroun. En apparence, je devrais me réjouir de mon « bon salaire » comparé à la plupart de mes collègues du privé. Cela devrait donc m’emmener à me taire et à ne rien revendiquer. Ceux et celles qui me font cette remarque chaque jour ne comprennent pas mon engagement dans mon blog, mon adhésion aux activités culturelles, humanitaires, et mon implication citoyenne dans toutes les initiatives qui peuvent faire bouger les lignes au Cameroun. Comment devrais-je me réjouir si mon robinet d’eau est coupé 6 jours sur 7 ? Comment devrais-je me réjouir si l’électricité est devenue un luxe pour ma maison ? Voilà simplement deux secteurs dans lesquels le Cameroun a mal dans sa gestion et dans sa gouvernance. Et le problème est que, les décideurs ne perçoivent pas encore la pertinence de la grogne sociale qui émerge de tous ces manquements, et de tous ces slogans à répétition qui ne changent aucunement le quotidien des populations. Je ne vous parle pas du secteur de la santé qui laisse vraiment à désirer. J’ai failli perdre mon épouse il y’a quelques semaines,  simplement parce qu’après un séjour à l’hôpital Gynéco Obstétrique, elle a été victime d’un faux diagnostic qui lui a plutôt provoqué des complications. Il a fallu l’interner pendant deux semaines dans une clinique privée afin qu’elle ait la vie sauve. Combien de camerounais ont cette alternative ? Combien ont même le minimum syndical pour payer un billet de cession de 500frs ? Les soulèvements qu’il y’a eu à la suite de l’affaire Koumatéké à Douala sont le reflet de la frustration de la majorité des camerounais, tous plus ou moins victimes au moins une fois, d’une négligence dans nos formations sanitaires publiques. Si vous ajoutez à cela, le secteur de l’éducation qui souffre de l’insuffisance des enseignants, de ceux qui sont mal formés et d’un système de promotion et de résultats douteux, vous avez entre vos mains, un Cameroun malade dans son éducation, sa santé, son eau, son énergie, et je n’ose même pas citer les infrastructures routières, etc. Pendant longtemps, le Football a été longtemps l’arbre qui cachait la forêt de la misère et du mal-être camerounais, aujourd’hui donc la gestion calamiteuse du bien public nous crache au visage ce qu’est réellement le Cameroun d’aujourd’hui. Pendant qu’on est unanime que le minimum n’est pas visible au Cameroun, ceux qui profitent du régime n’ont qu’un seul slogan de nos jours : que le président Biya se représente et que des élections présidentielles soient anticipées. Je suis sûr que beaucoup de camerounais ne se soucient même plus de qui doit siéger au trône présidentiel, tellement on leur a mis dans la tête que la politique est réservée, qu’elle est mauvaise et qu’elle est malsaine. La preuve encore, un regroupement de militants hier à Yaoundé, a fait sortir l’artillerie lourde de la police anti-émeute pour disperser la tenue d’une conférence de presse de ces partis de l’opposition. Tout cela est bien triste pour ce pays remplit de gens ouverts, sincères, plein de vie et d’énergie, mais confinés comme moi à attendre que les choses changent un jour. Car, quoiqu’on dise, il y’aura bien un après-Biya. Mais malheureusement,  je ne suis pas certain que l’après-Biya va résoudre les problèmes de notre chère République. Le mal camerounais se trouve désormais dans la racine et dans les gênes des mentalités anti patriotiques, anti citoyennes, et anti civiques. Tellement le Cameroun est devenu une jungle que chacun veut tirer son épingle du jeu, et la notion de bien public et de bien commun a foutu le camp, y compris auprès des décideurs de demain, les jeunes générations actuelles. C’est la raison pour laquelle je suis dans le bloging. Il est impératif que les blogs et les réseaux sociaux jouent le rôle de NOUVEAUX EDUCATEURS DE LA SOCIETE. Il s’agit pour moi, et pour ces nombreux blogueurs et bloggeuses pertinents du Cameroun, de bâtir par « Le Pouvoir des Mots », thème de la Francophonie 2016, une société que nous voulons plus juste, plus égalitaire, et plus développée. Parlant de la Francophonie, je suis attristé de constater que l’espace francophone africain s’illustre toujours par ces  Chefs d’Etats qui veulent se maintenir au pouvoir, par ces batailles interminables comme en RDC, ou en RCA, au nom de richesses du sous-sol qui provoquent tant de convoitises. Heureusement, le Mali, le Sénégal et le Bénin nous donnent l’espoir que des transitions pacifiques sont possibles dans notre espace francophone. L’Afrique Centrale a un peu du mal à suivre le bon exemple. Au contraire, ce sont des petits royaumes qui se forment çà et là, et c’est peut-être là que nous nous posons la question de savoir pourquoi la communauté internationale laisse-t-elle faire ? On me répondra sans doute que les dirigeants actuels pérennisent les intérêts des occidentaux en Afrique ! A tort ou à raison, l’Afrique a besoin de leaders plus charismatiques, plus consensuels, et cela n’empêchera en rien une coopération gagnante-gagnante avec nos partenaires. Changez le visage du Cameroun s’il vous plait! Changez le visage de l’Afrique Centrale! Changez!!!


21 Mars 2016 : Journée Mondiale du Pain.

C’est un jour plein de symboles. Ostara est une fête païenne qui se célèbre aux alentours du 21 Mars. Cette fête symbolise le renouveau de la vie et de la terre. La déesse Ostara vient du mot Germain « Ost » ou « Est », ce qui se traduit aisément en anglais, Easter.

Easter signifie Pâques en anglais, et on sait très bien que Pâques est aussi symbolisée par des œufs. Les œufs de Pâques marquent la naissance ou la renaissance. Nous les mammifères sommes tous issus des œufs. L’œuf est le symbole de la rénovation périodique de la nature. C’est exactement ce qui arrive au Printemps après un Hiver rude et froid.  Selon la légende, cette Déesse sort de son sommeil chaque année pour envelopper la terre, lui redonner fertilité, vie et éclat. Les animaux s’accouplent, et c’est la période des prairies verdoyantes. Car ici, c’est la fête du Soleil Levant, souvenons-nous qu’il se réveille à l’Est, comme Easter.

Il y’a donc dans ce 21 Mars la force des fêtes religieuses. La Pâques chrétienne aura donc lieu le 27 Mars prochain. Mais en remontant à son ancêtre, la fête juive de Pessah, elle aussi était célébrée le jour de la Pleine Lune du Printemps. Cette fête, durant laquelle la pâte du pain n’a pas eu le temps de se lever, il est interdit de manger des aliments contenant de la levure. Le pain est donc au cœur de la religiosité. Le pain occupe en effet une place de choix dans la Bible comme dans le Coran. Le pain de vie, la manne, la multiplication des pains, et surtout la fameuse sainte cène qui est le symbole du partage. Aujourd’hui, nous sommes tous assis à la même table, celle des réseaux sociaux. C’est aussi un 21 mars que le cofondateur et actuel président de Twitter, Jack Dorsey publiait en 2006, le premier tweet.

Aujourd’hui, ce réseau social a 10 ans. Il est le symbole d’une humanité que les frontières ne divisent plus. Il symbolise le pain virtuel partagé par un clavier d’ordinateur ou les doigts d’un téléphone. Nous twittons aujourd’hui pour s’exclamer, dénoncer, appeler au secours ou interpeller sur une question locale ou planétaire. Cet outil est devenu indispensable pour les autorités, les décideurs et les entreprises. Le président Obama a twitté le 7 Novembre 2012 : «  Four more years » pour saluer sa réélection à la Maison Blanche. Il y’a eu aussi le premier tweet du Pape Benoit 16 le 12 Décembre 2012. Tant d’hommes et de femmes twittent dans le monde aujourd’hui. Un monde coloré qui nous fait penser à « une planète qui devient plus petite » comme un slogan d’une ancienne publicité d’IBM. Ces hommes et ces femmes twittent sans passeport, sans visa, sans nationalité. La seule race qui existe dans le monde des tweets est la race humaine. Ni blancs, ni noirs, ni beur, ni rouges, ni jaunes, ni métis. La Journée Internationale pour l’élimination de la discrimination raciale est célébrée chaque année le 21 Mars, pour commémorer ce jour de 1960, où à Sharpeville (Afrique du Sud), la police a ouvert le feu et tué 69 personnes qui manifestaient contre les lois de l’apartheid. Dans le monde actuel, les actes de discrimination raciale sont légion. Dans les discours haineux des réseaux sociaux, dans les propagandes terroristes, dans la profanation des symboles religieux, dans les stades de football. C’est la raison pour laquelle je salue la campagne de l’UEFA ( No to racism) qui nous rappelle que le football est un simple jeu et que la diversité des couleurs n’est pas un handicap, mais plutôt une richesse. Chacun a sa place dans la table de l’histoire humaine. Chacun y a son bout de pain, pain de vie, pain de partage, pain de collaboration mutuelle.

Dans la table du monde, le 21 Mars doit symboliser le retour du soleil, et ce que ce soleil peut nous apporter comme bienfaits. Le symbolisme de Pâques chez les chrétiens devrait nous apporter cette réponse lucide que l’humanité est Une et Indivisible. Il s’agit donc de mettre de côté nos vieilles habitudes hivernales au profit d’un nouveau printemps, celui de la fraternité et de la solidarité. J’ai beaucoup aimé le discours de Michaëlle Jean, Secrétaire Générale de l’Organisation Internationale de le Francophonie, à l’occasion du 20 mars, journée de la Francophonie 2016 :

« Les frontières sont tombées : du Mali à la France et à la Belgique, du Cameroun à la Tunisie, du Niger au Canada, du Tchad à l’Egypte, du Liban à Madagascar, du Burkina Faso au Québec et à la Suisse, du Vietnam au Burundi et à la Roumanie, les messages de solidarité sur tous les continents se sont mêlés. Alors saisissons l’occasion de ce 20 mars pour faire de notre langue commune une langue de résistance, en redonnant tout leur sens et tout leur pouvoir aux mots qui nous relient et qui nous unissent. Tous les mots nous parlent, mais certains plus que d’autres, parce qu’ils expriment l’essence profonde de la condition humaine. Liberté ; égalité ; solidarité ; fraternité ; diversité ; universalité ».

Oui, Liberté, égalité, solidarité, fraternité, diversité, universalité. Voilà les mots clés du printemps. Voilà comment on peut lutter contre le racisme. Voilà comment nous devons partager le pain, avec l’humanité entière. Car derrière le geste du pain rompu et partagé, ne se cache-t-il pas le mot « communion » chez les catholiques ?

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Mahama, l’élève courageux de Mémé.

 « Lorsque nous faisons le bilan des lieux des attentats, ce sont les marchés périodiques, les lieux de culte et les lieux de grands rassemblements qui sont visés. Nous sommes obligés de prendre ces mesures draconiennes. Mais, ça ne voudrait pas dire que nous allons éternellement fermer les marchés », nous dit le Préfet du Département du Mayo Sava dans l’Extrême-Nord, Monsieur Babila Akaou, qui a signé un décret d’interdiction absolue de la tenue des marchés périodiques dans son unité de commandement.

Babila Akaou

De fait, les attentats kamikazes à répétition dans sa zone l’ont poussé à prendre cette décision douloureuse, car le jour de marché dans toutes les localités de l’Extrême-Nord, sont des jours où l’économie respire. Seulement, les attentats du 19 février 2016 au marché de Mémé, sont venus renforcer cette mesure de sécurité. Conséquence, le marché est fermé et les villages voisins ressemblent désormais à des cimetières. Les femmes et les enfants sont confinés dans les maisons, et certaines familles n’ont pas eu de quoi se nourrir depuis bientôt une semaine.

Mahama à vélo

C’est le cas de la famille de Mahama Toukouba, 18 ans, élève en classe de 4ème au Lycée de Mémé. Sur son vélo, il revient de du lycée qui est à 7km de son village. Beaucoup de ses camarades ne sont pas retournés au lycée depuis le jour des attentats. « Nous étions en classe, puis subitement, le professeur nous a demandé de rentrer car un attentat venait de se produire au marché », nous révèle Mahama. Pourtant, juste après les cours, Mahama aurait dû se rendre à ce marché pour écouler ses biscuits, comme il le faisait jusque-là tous les vendredis. « Je vendais des biscuits et j’avais un bénéfice net de 500frs CFA tous les vendredis. C’est cet argent qui me permettait d’être un peu autonome toute la semaine. Mais quand je suis arrivé au marché, j’ai des gens morts couchés par terre, des policiers qui étaient nerveux, et le marché en ruine ».

Mahama

Mahama venait de découvrir de ses propres yeux, l’horreur tant décrite des terroristes de Boko Haram. Pour ce natif Mandara, on lui avait toujours dit que les monts Mandara étaient un cercle protecteur de sa tribu. Aujourd’hui, toutes ces considérations sont tombées, au profit d’une vulnérabilité et d’un traumatisme qui ont gagné les populations de la localité. « J’ai eu peur ; j’ai été révolté et pourtant, je ne dois retourner à l’école ». C’est vrai qu’au lendemain des attentats, les écoles ont quelque peu été désertées et pour Mahama, il n’en est pas question. La vie doit reprendre son cours normal à son avis, surtout qu’il y va de son avenir.

Elèves de la ville de Mora
Élèves de la ville de Mora

« Mes parents se sont sacrifiés pour acheter ma bicyclette. Si je reste à la maison, ce sera pour faire quoi ? Boko Haram veut détruire nos marchés, notre économie et même notre éducation ? Non, jamais ! » Dit-il avec une pointe de défi personnel. Mahama ne veut pas céder au désespoir et au fatalisme. Son rêve est que l’arrêté préfectoral soit le plus rapidement levé pour qu’il fréquente à nouveau le marché de Mémé. Dans ce marché comme celui de Mora et ses environs, les agriculteurs et éleveurs écoulent différents produits (oignons, carottes, ruminants, etc.), des semences et bêtes qui sont remises à ces populations victimes de Boko Haram afin qu’elles mettent en place des activités génératrices de revenus, ceci grâce au gouvernement du Japon qui a appuyé les agences onusiennes, FAO, UNESCO et PNUD pour la résilience de ces populations. Un challenge possible, car les élèves de Mora et de Mémé comme Mahama, savent que la reconstruction est nécessaire et possible, et celle-ci passe par la résilience aussi.


Mokolo, Le Lycée multilingue de la Paix.

A force d’appeler le marché principal de Yaoundé à Messa, comme étant le marché « Mokolo », on a occulté que cette ville de l’Extrême-Nord, chef-lieu du Mayo-Tsanaga, est l’une des plus belles, des plus tracées et des plus touristiques du Cameroun. Entourée de rochers, de pierres et de montagnes, les rues de Mokolo renvoient chaque après-midi, l’agréable spectacle visuel du ballet des tenues scolaires.

On ne s’y trompe pas évidemment, c’est le vrai Mokolo ici, la ville, le département, l’héliport, mais surtout le cosmopolitisme ethnico-religieux qui lui confèrerait même le statut de capitale régionale. Pendant que ce débat se susurre entre voyageurs qui découvrent cette ville pour la toute première fois, c’est la vue de la résidence présidentielle qui va mettre tout le monde d’accord. Mokolo est une grande agglomération !

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Mokolo c’est donc un grand lycée, pas seulement Le Lycée classique de la ville, dont les élèves sont reconnaissables avec leur tenue couleur bleu ciel, mais aussi et surtout le Lycée Bilingue est devenu le lycée de la paix. Ce lycée accueille des élèves venus de tout le pays et même du Nigéria voisin. La chemise blanche et le pantalon bleu marine donnent du charisme à ces élèves assidus dans la cour dans cette période de contrôles continus.

M Zouksia, Proviseur du Lycée Bilingue de Mokolo.
M. Zouksia, Proviseur du Lycée Bilingue de Mokolo.

 C’est Monsieur Zouksia qui est le proviseur de ce lycée. Il a accueilli depuis septembre 2015, 300 élèves camerounais, qui sont des déplacés internes dont les villages ont été ravagés par la secte Boko Haram. «  Cela a été un vrai choc de les voir arriver ici par vagues. Beaucoup avaient même été déscolarisés depuis plus d’un an. Par exemple, j’ai ici 4 élèves en provenance du CES de Zéléved qui a dû être fermé à cause des terroristes », nous confie le proviseur. Trois autres élèves proviennent d’Amchidé, autre localité dévastée par la secte. Alors, arrivés ici à Mokolo, le premier défi était celui du logement. Si certains ont eu la chance d’être recueillis par des parents proches, pour d’autres, il a fallu trouver des familles d’accueil. Certaines ONG ont dû financer la scolarité de 70% des élèves, et l’Etat également a géré une partie, et trois nouvelles salles de classes ont été construites. « Aujourd’hui, le lycée compte 1814 élèves en tout. Un internat est même en construction, car beaucoup de nos élèves déplacés ont encore du mal à se loger convenablement », ajoute le proviseur. Alors, dans un tel contexte de panique et de méfiance, le déplacé n’est pas toujours rapidement accepté.

Pour cela, l’UNESCO ( Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture » a mis en place le concept d’ambassadeurs de la paix, ces jeunes élèves qui prêchent le vivre-ensemble, la tolérance,  et la cohésion sociale.

«  Ici au lycée bilingue de Mokolo, nous vivons avec des élèves déplacés qui viennent pour la plupart de Tourou. La cohésion sociale c’est donc le fait que des populations de plusieurs ethnies vivent désormais ensemble. Les conflits commencent souvent dans des établissements scolaires, puis ça monte au quartier et dans nos villages. C’est pourquoi, nous, ambassadeurs de la paix de Mokolo, avons décidé de barrer la route au conflit. Le conflit barre tout sur passage. Il détruit les maisons, les villes, les routes, les hommes. La paix est donc le fondement de tout développement».

Tara Gorkansou Nathanaël
Tara Gorkansou Nathanaël

Ce discours de Tara Gorkansou Nathanaël (président des jeunes ambassadeurs de la paix de Mokolo),  fortement applaudi par les autres ambassadeurs de paix venus des autres lycées et collèges de Mokolo, montre à suffisance que la jeunesse a compris que c’est par elle et pour elle que les germes de la paix doivent être semés. Un sourire de fierté se lit sur le visage du proviseur Zouksia. Les propos de son élève de Lower Sixth Art (Classe de Première Littéraire anglophone) résonnent comme l’accomplissement d’un long combat qu’il mène au sein du corps enseignant, afin qu’aucune communauté ne soit marginalisée ou stigmatisée.

Jeunes Ambassadeurs de la Paix de l'Unesco à Mokolo
Jeunes Ambassadeurs de la Paix de l’Unesco à Mokolo

Les jeunes ambassadeurs de paix de l’UNESCO répondent ainsi au projet de résilience des personnes déplacées, des communautés hôtes et autres groupes vulnérables face aux crises à l’Est et à l’Extrême-Nord, mis en œuvre par les agences UNESCO, FAO et PNUD de l’ONU, sous financement du gouvernement du Japon. Ici au Lycée Bilingue de Mokolo, on est multilingue. On parle français, anglais, fulfulde, arabe, mafa, kapsiki, matal, etc. Chacun vient de dire le mot « paix » en sa langue. Et là, une chose se dégage, le salut dans les langues africaines, quelles qu’elles soient, exprime des airs paisibles de bienvenue. Car, au lendemain du 70ème anniversaire de l’UNESCO et de l’ONU en général, il n’est peut-être pas superflu de rappeler que :

« Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix« .


Parce qu’il faut sortir du cycle de la pauvreté.

Abdou Saïdou est un chef de 3ème degré, et son village Kosseon fait partie des 19 villages de la localité de Zamaï dans la région de l’Extrême-Nord, département du Mayo-Tsanaga dont le chef-lieu est Mokolo. Dans ce bout de terre du Cameroun, se trouvent beaucoup de nigérians, victimes des exactions de la tristement célèbre secte Boko Haram, mais également des déplacés camerounais, qui se chiffrent déjà en tout autour de 158 000 déplacés internes.

Abdou Saidou, Lawan de Kosseon
Abdou Saidou, Lawan de Kosseon

Abdou Saïdou s’en souvient comme si c’était hier : «  Le Préfet du département était passé nous voir pour nous demander d’ouvrir nos portes aux déplacés qui fuient Boko Haram ». Son geste de solidarité sera significatif, puisque 117 personnes seront reçues dans un site qu’il a spécialement aménagé pour eux. « Ce sont des bergers pour la plupart » précise-t-il.  C’est ainsi que femmes, enfants, bergers et bétail (moutons, bœufs, ânes) feront désormais partie du quotidien des villageois de Kosseon. « C’est vrai que les gens de chez moi étaient sceptiques au départ. Vous savez, accueillir un étranger, fut-il de votre propre pays s’entoure toujours de méfiance » ajoute-t-il avant de relater que la méfiance a cédé le pas à la collaboration désormais effective entre les locaux et les déplacés, surtout lorsqu’un beau jour, le projet de réponse rapide pour le renforcement des capacités de résilience et de prévention des conflits, financés par le Japon, et mis en œuvre par les agences onusiennes PNUD-FAO-UNESCO a vu le jour à Kosseon.

« J’ai reçu 10 poulets pour commencer l’élevage de la volaille. A d’autres personnes, on a remis des chèvres, et d’autres ruminants. On nous a même construit des enclos. Franchement, ma vie a changé, et celle des gens de Kosseon aussi. Voyez-vous, quelqu’un était pauvre, et du jour au lendemain, il gère une affaire, il vend et peut nourrir sa famille. Ce n’est plus comme avant, lorsque je galérais ».

Cette confession du Lawan est lourde de sens. La venue des déplacés et de leur bétail suscitait déjà quelques convoitises malveillantes, et la réponse apportée par ce projet a vite fait de transformer les convoitises en rêve. Désormais, les 6 enfants de Abdou Saïdou raconteront aux enfants de leurs enfants qu’un simple projet a permis à son village de faire germer une économie réelle, de permettre un dialogue avec des populations venues d’ailleurs, mais surtout, de sortir du cycle de la pauvreté.

La FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) a offert aux populations du Mayo Sava, du Mayo Tsanaga et du Logone et Chari, 1500 foyers améliorés, et 800 ménages ont également reçu des kits agricoles, sans parler des 5 parcs vaccinogènes à réhabiliter dans les différents marchés, parce qu’il s’agit d’attiser les germes du vivre-ensemble, les semences de la paix, et les récoltes du développement.


Le marché de Zamaï en marche.

Jour de Marché Zamai

C’est un lundi, jour de marché à Zamaï, localité qui compte 25000 âmes et qui est située à 18 km de Mokolo, à 76km de Maroua dans la région de l’Extrême-Nord, baptisée à juste titre, le « Nord des Extrêmes » avec ses indicateurs de pauvreté et d’insécurité de plus en plus alarmants.

Ibrahim Hamaoua, Lamido de Zamai
Ibrahim Hamaoua, Lamido de Zamai

Ici, c’est une terre d’accueil, non seulement des 55 000 réfugiés nigérians qui sont recensés dans le camp de Minauwao, mais aussi plus de 400 réfugiés internes que le Lamido Ibrahim Hamaoua et ses Lawans (chefs de villages) ont bien voulu accueillir au lendemain de multiples attaques perpétrées par la secte terroriste Boko Haram.  Les populations des 19 villages de cette contrée se brassent ainsi chaque lundi pour mettre en exergue les trois piliers qui font l’économie locale : agriculture, élevage et commerce.

Madeleine Bicheye
Madeleine Bicheye

Dès 7h du matin, Madeleine Bicheye, 34 ans, se rend au marché pour écouler ses vivres (betteraves, carottes, et tomates) à l’étalage. Une bonne nouvelle vient la consoler de la longue distance qu’elle parcoure depuis son village Mandaka (plus de 7km de là) à ce lieu de marché hebdomadaire. Désormais, les vendeuses de vivres comme elles, seront installées dans un hangar tout neuf et construit en dur pour un meilleur confort, une meilleure conservation des vivres et surtout une protection absolue contre les intempéries climatiques. Car, au « Nord des Extrêmes », le soleil est harassant et les pluies sont dévastatrices. Un tel hangar ne peut que lui arracher un sourire. « C’est un privilège que d’intégrer ce hangar. Merci à ceux qui ont eu une telle idée ».

Nouvel hangar des vendeuses
Nouvel hangar des vendeuses

« Ceux » qui ont eu l’idée, c’est le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), qui, dans le cadre d’un partenariat avec le gouvernement du Japon, a entrepris la réhabilitation du marché de Zamaï afin de permettre aux locaux, réfugiés et déplacés qui fréquentent et font ce marché, de s’y mouvoir sereinement et en toute sécurité. Une sécurité attestée par les bergers et revendeurs de bétail : « Quand je suis arrivé à Zamaï en 2014, il n’y avait pas ce parc. Les gens entraient de partout, on ne pouvait pas contrôler les entrées et les sorties. Aujourd’hui, grâce à ce parc, les choses sont beaucoup plus aisées. Les animaux se détachaient et se perdaient, et les ventes en prenaient un coup sérieux. Désormais ils disposent d’un parc gratuit et convivial » déclare Souaibou, Chef de centre zootechnique et vétérinaire de Zamaï qui se réjouit de cet apport de la FAO ( Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) dans le cadre de la réponse rapide conjointe UNESCO-PNUD-FAO-JAPON pour le renforcement des capacités de résilience des personnes déplacées, des communautés hôtes et des réfugiés face aux effets de la crise de Boko Haram à l’Extrême-Nord du Cameroun.

Parc du bétail
Parc du bétail

Une réponse que le consultant défense et spécialiste de Boko Haram, Raoul Sumo Tayo, appelait récemment sur RFI en ces termes :

« Il est important que les autorités camerounaises et les bailleurs de fonds internationaux investissent massivement dans les activités génératrices de revenus ».

Pour lui en effet, C’est cette guerre-là qu’il faut remporter avec le soutien de la communauté internationale, sans quoi ces attentats-suicides ne s’arrêteront pas. Il faisait référence à l’attentat suicide qui a causé 20 morts au marché de Mémé, toujours dans l’Extrême-Nord. La preuve sans doute qu’il fallait agir rapidement, et ceux qui ont investi dans la modernisation du marché de Zamaï l’ont vite compris.


Donner de l’espoir à la jeunesse de Maroua.

Au moment où le Cameroun célèbre le cinquantenaire de la fête de la jeunesse, se tient à Accra au Ghana, la Conférence africaine sur les droits de la santé sexuelle. L’occasion de lorgner ce qui se passe au CMPJ (Centre Multifonctionnel et Promotionnel de la Jeunesse) Régional de l’Extrême-Nord à Maroua.

Latifa, apprenante au CMPJ Régional de Maroua
Latifa, apprenante au CMPJ Régional de Maroua

La jeunesse de Maroua au Cameroun connait quelques difficultés, parmi lesquelles une extrême précarité, des mariages précoces, des grossesses indésirées, et par-dessus-tout une sous-scolarisation des jeunes filles. Tout cela perpétue le cycle de la pauvreté. L’une des solutions à la resocialisation de la jeunesse camerounaise est la mise en place des CMPJ dans les 10 régions du Cameroun. Le centre régional de Maroua est situé au quartier Pitoaré dans un cadre attrayant et qui abrite plusieurs pièces destinées à la formation et à l’accueil des jeunes désœuvrés de Maroua.

Djamila, apprenante au CMPJ Régional de Maroua
Djamila, apprenante au CMPJ Régional de Maroua

40 jeunes, dont 6 garçons de 20 à 32 ans, et le reste, des jeunes filles et dames âgées de 16 à 32 ans. Ces jeunes sont repartis dans deux filières : Industrie de l’habillement et Secrétariat bureautique, formés chaque jour de 7h à 14h 30 par des enseignants vacataires qui coûtent 213 000frs au centre chaque mois pour leur salaire. A côté de ces vacataires, les cadres du ministère de la jeunesse et de l’éducation civique leur délivrent des cours d’éducation à la citoyenneté, de civisme et de civilité, pour répondre ici au besoin d’alphabétisation fonctionnelle pour ces jeunes, qui pour la plupart sont des orphelins, des jeunes filles mères, ou des jeunes ayant très vite quitté le système scolaire pour des raisons économiques. Parmi eux, se trouvent Djamila 22 ans, et Latifa, 23 ans, qui sont des apprenantes en Secrétariat Bureautique, et plus loin, on retrouve Adjaratou, 18 ans, et Nafissatou, 17 ans, qui sont en train de coudre les pagnes du cinquantenaire de la fête de la jeunesse au Cameroun. «  Je suis orpheline et j’ai entendu parler du centre, alors je suis venue frapper à la porte pour devenir coutière un jour », nous confie Nafissatou qui a dû arrêter l’école en classe 5ème, faute de moyens.

Nafissatou, apprenante au CMPJ Régional de Maroua
Nafissatou, apprenante au CMPJ Régional de Maroua

Dans cet âge délicat de l’enfance et de l’adolescence, l’accent est particulièrement mis dans ce centre, sur l’EVA (Education à la Vie et à l’Amour) et à la SRA (Santé de Reproduction des Adolescents), car le rapport annuel 2015 des cas reçus au sein de l’unité santé de reproduction des adolescents de l’hôpital régional de Maroua fait état de 29 filles ayant utilisé la pilule du lendemain, 12 ayant été victimes de viol, 33 grossesses précoces, 43 grossesses indésirées, 42 vivent avec le VIH/SIDA, et 43 sont porteuses d’autres IST sur 526 personnes consultées. Les objectifs pédagogiques de ces cours d’EVA et de SRA sont d’être édifiés sur l’ampleur des problèmes de santé affectant spécialement les adolescents, et justifier l’investissement dans la santé et le développement des adolescents. Sur ce dernier plan, le CMPJ de Maroua a bénéficié du concours du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) qui accompagne, appuie et finance le Centre à travers des équipements didactiques (ordinateurs complets, chaises, matériel de nettoyage, fers à repasser, mannequins, machines à coudre, brodeuses, et les supports des programmes de formation). Un don en matériel qui s’inscrit dans le cadre du projet SIDA/H4+ qui vise la collaboration pour l’accélération des progrès en santé maternelle, néonatale et infantile au Cameroun, et précisément dans 7 districts de santé dans la région de l’Extrême-Nord.

Wassabi, Directeur du CMPJ Régional de Maroua
Wassouni Adamou, Directeur du CMPJ Régional de Maroua

« C’est l’apport de l’UNFPA avec le projet SIDA/H4+ qui maintient le centre en vie » nous dit le Directeur WASSOUNI ADAMOU, du CMPJ. Cette reconnaissance du Directeur est d’autant plus lisible lorsqu’il nous brandit le Diplôme d’Excellence que son Centre vient de recevoir lors de la Foire du Cinquantenaire de la fête de la Jeunesse de Maroua.

Diplome CMPJ Maroua

Grâce aux tenues confectionnées par les apprenantes dudit centre, le centre est lauréat pour la créativité de ses filles. Une distinction encourageante qui l’emmène à penser qu’à terme, le CMPJ deviendra une structure autonome de production, dans laquelle les jeunes formés deviendront une entreprise et une industrie, et vivront de leur créativité. Car selon l’UNFPA, chaque potentiel des jeunes doit être accompli.


Le développement communautaire par la santé.

La déclaration d’Alma-Ata sur les soins de santé primaires, le 12 septembre 1978 en Russie déclarait en son article 6 :

 « Les soins de santé primaires sont des soins de santé essentiels fondés sur des méthodes et des techniques pratiques, scientifiquement valables et socialement acceptables, rendus universellement accessibles à tous les individus et à toutes les familles de la communauté avec leur pleine participation et à un coût que la communauté et le pays puissent assumer à tous les stades de leur développement dans un esprit d’auto responsabilité et d’autodétermination.»

Une déclaration résumée en ces termes par Le Dr Akwe Samuel, point focal national des interventions directives communautaires, et par ailleurs Sous-Directeur des soins de santé primaire au Ministère camerounais de la santé : « Ce sont les soins essentiels, avec la pleine participation de la communauté ».

Dr Akwe Samuel
Dr Akwe Samuel

La déclaration précisait également que les soins de santé primaire font intervenir, outre le secteur de la santé, tous les secteurs et domaines connexes du développement national et communautaire, en particulier l’agriculture, l’élevage, la production alimentaire, l’industrie, l’éducation, le logement, les travaux publics et les communications, et requièrent l’action coordonnée de tous ces secteurs. C’est ce package et cette stratégie qui est observée dans le cadre du projet H4+ déployé dans 7 districts de santé de la Région de l’Extrême-Nord au Cameroun.

Travail des Relais Communautaires du projet H4+
Travail des Relais Communautaires du projet H4+

Selon Rebecca Djao, Déléguée Régionale de la Santé Publique, « Il faut compter sur les relais communautaires qui constituent une force. Ce sont eux qui permettent d’améliorer la demande, car l’offre de service est déjà disponible ». La santé suppose donc l’adoption de bonnes pratiques, et ce sont les agents de santé communautaires qui se chargent de sensibiliser les populations, de la prise en charge de quelques cas de maladies, de référer les femmes et les enfants au centre de santé, mais avant tout, de dénombrer, d’enregistrer et de faire déclarer les naissances.

Dr Rebecca Djao
Dr Rebecca Djao

Les autorités se mobilisent pour les déclarations de naissance.

Le Maire Banmou David de la commune de Guidiguis est affirmatif : « J’ai vu nos agents de relais communautaires, bénéficier de 80 bicyclettes avec lesquelles ils déclarent les naissances, et reviennent collecter les actes pour les redistribuer aux populations. En 2013, ma commune avait enregistré 1100 naissances et en 2015 on a enregistré 1500 naissances, et là je ne vous donne que les chiffres de mon centre d’état civil, car deux centres secondaires ont été également ouverts. C’est vous dire l’impact du projet H4+ sur le changement de comportements des communautés ».

Maire de Guidiguis
Maire de Guidiguis

Le Maire touche là l’un des points les plus préoccupants de la zone, à savoir, les déclarations des naissances. Une situation qui préoccupe aussi les autorités administratives, comme le Sous-Préfet de Gazawa, Abdou Djenabou Oumarou : « Nous avons de sérieux problèmes relatifs aux actes de naissances dans mon arrondissement. Depuis l’arrivée du projet H4+, les enfants sont systématiquement déclarés et ont des actes de naissances. Ce n’est pas le cas de leurs ainés qui sont actuellement au CM2 et qui ne peuvent pas avoir un dossier complet pour le CEP et le concours d’entrée en 6ème. J’ai demandé à tous les directeurs des écoles de me recenser ces enfants. Sans acte, l’enfant ne peut pas avancer dans ses études scolaires ».

Madame Abdou Djenabou Oumarou, Sous-Préfet de Gazawa.
Madame Abdou Djenabou Oumarou, Sous-Préfet de Gazawa.

La préoccupation de Madame Le Sous-Préfet est la même que celle de son collègue de l’arrondissement de Mouvouldaye. Aboubakar Garba est à la tête d’un arrondissement de 161 000 habitants, et lors des élections présidentielles de 2011, il a dû signer 45 000 attestations d’états civils pour que ces gens obtiennent des cartes d’identité et puissent voter. « C’est la preuve que les actes de naissance n’étaient pas une priorité ici. Imaginez-vous des gens de 60 ans et plus, sans acte, sans carte d’identité. Et pour les enfants alors, c’est pire. J’ai dû moi-même descendre de famille en famille pour exiger que ceux les enfants soient déclarés.  Avec le Ardo (chef traditionnel) et le Maire, nous avons mené des campagnes de jugements supplétifs ici, sinon beaucoup d’enfants ne peuvent pas se présenter au concours d’entrée en 6ème » nous dit le sous-préfet Aboubakar Garba.  Madame Le Délégué Régional de la Santé Publique pour l’Extrême-Nord établira d’ailleurs un lieu très étroit entre la santé et le développement :

 « Une population en bonne santé est une population qui va travailler et qui va produire des richesses. Si les indicateurs en santé sont mauvais, les indicateurs économiques seront conséquemment mauvais. Donc je crois qu’il y’a un lien étroit entre l’état de santé de la population, entre le niveau d’éducation de  la population et le développement économique de la région ».

Voilà comment les soins de santé primaire sont vecteurs de changement même au niveau de la citoyenneté. Un enfant qui est en gestation dont la mère est référée à l’hôpital, qui y accouche, qui y suit ses vaccinations, est un enfant enregistré, déclaré et un citoyen connu et reconnu. Ce droit fondamental des enfants, mise en exergue grâce aux agents de santé communautaire répond bien au credo de l’UNICEF : « Donner à chaque enfant, un bon départ pour la vie ».

Aboubakar Garba, Ss Préfet de Mouvouldaye.
Aboubakar Garba, Ss Préfet de Mouvouldaye.

Et c’est à l’UNICEF que le sous-préfet de Mouvouldaye  lance une ultime doléance : « Je prie l’UNICEF de nous aider à régler une bonne fois pour toutes la question des déclarations de naissance dans cet arrondissement. C’est une question cruciale ». Le développement passe par là.


Can you keep silent, Miss Brenda?

Brenda

Mon ami Aziz vient de me remettre une bouteille de Soda. Quel nom est inscrit dessus ? Brenda ! Alors, je me dis que y’a que moi qui ne m’intéresse pas à ce prénom. Un prénom que j’ai découvert en 1992 avec la fameuse série télévisée Beverly Hills 90210. Je crois qu’il y’a eu alors de part et d’autre de la planète un effet de mode appelé Brenda. Mais la Brenda dont on parle ces jours-ci semble loin de cette série des années 1990.La Brenda actuelle est la princesse d’une monarchie cacaoyère. On dit de cette Brenda là qu’elle sème la terreur quand elle arrive dans une boite de nuits de son royaume. On dit de cette Brenda là qu’elle est impulsive et qu’elle a « le sang chaud ». C’est pour cela qu’elle répond du tic au tac à ceux et celles qui lui lancent  des piques sur les réseaux sociaux. C’est la même Brenda qu’on aurait vu embrasser son petit ami sur l’un de ses comptes. C’est la même Brenda qui aurait dit  aux gens de la fermer en ces termes :

« Je borrow les fringues de ma mater et puis quoi » ?

Et puis quoi ? Il y’a un artiste nommé Jovi qui nous avait posé la même question :

Et puis quoi ? Justement ! Moi, les fringues de la princesse Brenda franchement, je n’en ai rien à cirer. Par contre, lorsque la princesse a publié récemment qu’elle dépenserait 400 dollars en location de taxi aux Etats-Unis, alors là je suis choqué. Choqué par les impôts de cette monarchie, l’argent du peuple gaspillé ainsi pour faire classe ? Pour respecter le statut de la princesse ? Mais ce qui est grave c’est de lire que:

«  en aucun cas, je ne m’excuserais d’avoir fait quelque chose d’aussi banale que de prendre le taxi pour rentrer chez moi ».

Qui peut arrêter Brenda ? Nous demande Maahlox Le Vibeur :

Mademoiselle Brenda, ce n’est pas banal de prendre un taxi à 400 dollars, pas une fois, puisque vous dites :

« ce que je fais tout le temps ».

Princesse Brenda, avec 400 dollars, vous offririez des livres aux écoles démunies de votre royaume. Avec 400 dollars, vous équiperiez un centre de santé intégré de votre royaume. Avec 400 dollars, vous permettriez à des centaines de femmes d’accoucher dans une formation sanitaire sans avoir peur d’y verser les frais de consultation qu’elles n’ont. Avec 400 dollars, plusieurs enfants de votre royaume, dans les foyers et dans la rue auraient au moins de quoi manger pendant trois mois. Ce n’est pas banal, princesse Brenda, pas du tout !

Dans ta vidéo sur Snapchat, tu dis princesse que tu veux partir de … à Beverly Hills en taxi. Maintenant je te tutoie, car je m’adresse à ma petite sœur. Tu vois, je fais le rapprochement avec la série télévisée. Tu es donc la vraie Brenda de Beverly Hills, version 2016. Oui princesse, j’aimais cette série quand j’étais ado, mais je dois t’avouer que la nouvelle saison que tu joues est moins drôle et moins intéressante. Va dans ton royaume, offre des livres, des vivres, des vêtements aux démunis. Offre des bourses d’études aux excellents lycéens et lycéennes de ton pays ou aux étudiants qui ne peuvent pas payer le ¼ de tes 400 dollars exigible comme pension entière d’une année universitaire. Dans ton royaume, les gens ont du mal à pays un taxi à 250frs, c’est-à-dire, la moitié d’un dollar. Dans ton royaume, beaucoup de filles n’arrivent pas à s’offrir un paquet de serviettes hygiéniques qui coûte l’équivalent d’un dollar. Oui, princesse, dans beaucoup de villages, les filles utilisent des pagnes sales et des tissus pour retenir leurs menstrues. Dans ton royaume, l’eau ne coule pas toujours dans les robinets, que dire alors de l’électricité ? Princesse Brenda, avec ton argent de poche, avec tes économies, tu peux agir dans une communauté. Offrir un forage à un village, faire construire une salle de classe pour ceux qui fréquentent encore l’école sous le hangar.

2016-02-05 08.46.55

Princesse Brenda, tu as le droit de vivre comme tu le dis, et c’est vrai. Tu es jeune, belle, intelligente, bilingue et moderne. Je n’ai absolument rien contre toi, mais s’il te plait, tais-toi et ne publie plus ces choses choquantes. Fais comme je t’ai dit là, offre des dons aux gens de ton royaume. T’as pas besoin d’ouvrir une ONG ou une fondation pour cela. Là-bas à Beverly Hill, il suffit de lancer un crowdfunding, pour que les gens de Beverly Hills, avec ton statut de princesse réagissent spontanément à ton projet d’aider les jeunes de ton royaume. C’est tout ce que je te demande princesse. Agis ! Ne parle plus ! En attendant de te voir dans les écoles, les hôpitaux et les villages de ton royaume, je bois ce soda ( ou ce café noir)  à ta santé, puisqu’il porte ton joli prénom…Brenda !


Parce que le paludisme tue

Bourloum est un village situé aux alentours de Moulvoudaye, dans le Mayo-Kani, région de l’Extrême-Nord du Cameroun. Là-bas, ce sont les agents de santé communautaires du projet H4+ qui ont été mobilisés pour la campagne de distribution des MILDA (Moustiquaires Imprégnées de Longue Durée d’Action) par le Centre Intégré de Moulvoudaye. Les agents de santé communautaires ont été répartis deux par deux à bicyclette, outil de travail offert par le projet H4+ pour parcourir les longues distances des 8 cantons de l’arrondissement. 

Agents de Santé Communautaires de Bourloum
Agents de Santé Communautaire de Bourloum

Ici à Bourloum, après avoir contacté le Arlo (Autorité traditionnelle de 3ème degré chez les Peulh),  Sadou Mal Adama et son binôme ont l’accord pour aller de ménage en ménage afin, pour le dernier, d’expliquer le bien-fondé de la campagne de dénombrement en cours, et pour le premier, de procéder à l’enregistrement des personnes et des ménages. L’opération en est à son quatrième jour déjà, et 91 ménages ont été enregistrés et immatriculés.

Opération de dénombrement à Bourloum
Opération de dénombrement à Bourloum

Ce rituel demande une certaine minutie, puisqu’il se fait sur la foi des cartes nationales d’identité exigées aux villageois, pour leur remettre en contrepartie, un voucher qui servira de chèque de retrait desdites MILDA. En règle générale, on distribuera 2 moustiquaires pour 3 personnes. Rappelons que selon l’OMS :

 « L’Afrique subsaharienne continue de supporter une part disproportionnée de la charge mondiale du paludisme. En 2015, la Région enregistrait 89 % des cas et 91 % des décès dus à cette maladie ».

Le dénombrement suppose le recensement de tous les ménages,  la sélection et l’enregistrement des enfants âgés de 0 à 5 ans, le nombre de femmes enceintes, le tout orienté vers des messages clés inévitables et répétés par ces agents : demander aux femmes enceintes de se rendre au Centre de Santé Intégré de Moulvoudaye et d’y emmener tous les enfants de moins de 5 ans pour la vaccination.

Retour de consultation au Centre Médical Intégré de Moulvoudaye
Retour de consultation au Centre Médical Intégré de Moulvoudaye

Pour l’heure, l’accent est mis sur l’urgence de se prémunir du paludisme. « Dormir sous la moustiquaire est l’unique protection contre le paludisme en ce moment », martèle Sadou Mal Adama., car selon l’UNICEF :

« Toutes les 30 secondes, un enfant meut du paludisme quelque part dans le monde »

et

« Le fait de dormir sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide peut faire diminuer de 20% la mortalité infantile globale. On a démontré que ces moustiquaires, lorsqu’elles sont utilisées constamment et correctement, peuvent sauver la vie de six enfants par an sur mille enfants dormant sous une moustiquaire ». 

Il faut dire que ce fils du village est très bien accueilli partout où il se rend, chaque jour de 7h à 13h, avant de déposer son rapport et sa fiche de synthèse auprès du superviseur de proximité qui lui-même le dépose au chef de centre de santé, et ainsi de suite. Il en résultera très vite une liste détaillée et exhaustive du nombre exact de bénéficiaires de ces moustiquaires très attendues ici, à Bourloum.

Sadou Mal Adama
Sadou Mal Adama

« Dans notre registre se trouve une page appelée fiche de dénombrement. Il y a la colonne village ou quartier, comme pour Bourloum en ce moment, suivie du code du ménage que j’inscris sur le mur. Il y a la date du dénombrement, et le site de distribution » ajoute Sadou Mal Adama, qui restitue là de manière méthodique toute la formation transmise par le district de santé afin de faire de cette campagne une réussite. Il y a donc derrière tout cela un sentiment de fierté, celui du devoir accompli, mais surtout celui d’un agent de santé communautaire qui sait que son action va sauver des vies. Parce que le paludisme tue.


Et si c’étaient des femmes ?

Ils sont quatre agents de santé communautaires dans l’aire de santé de Guérémé, dont deux pour le centre de santé intégré de Torock, petite localité située à 12km de Kaélé, dans la région de l’Extrême-Nord. Quatre agents de santé, tous des hommes.

Ndikwa Welba ASC de Torock
Ndikwa Welba ASC de Torock

Ndikwa Welba est un agent de santé communautaire de Torock. Il est en train de sensibiliser une famille à la nécessité de lutter contre la malnutrition des enfants. Il effectue d’ailleurs le geste du périmètre branchial sur le jeune enfant de la famille qui est logée dans un Saré (maison sahélienne), pas loin du centre intégré qui lui, est étrangement vide, à part la présence de Taiwe Jean Baptiste, le Chef de centre, et son aide-soignant, Tinda Pierre.

Périmètre Branchial

Les chiffres qu’ils nous révèlent ici sont alarmants « Parfois zéro visite prénatale par mois, et très souvent, zéro accouchement au sein de notre formation sanitaire », nous dit Tinda Pierre avec amertume. Les habitudes ont la peau dure dans la localité, car fréquenter une formation hospitalière n’est pas du goût de tout le monde, surtout que les accoucheuses traditionnelles ont encore du succès par ici. « Les hommes préfèrent que ce soit les femmes qui s’occupent de leurs femmes. Ils optent donc tous ou presque encore pour l’accouchement à domicile », déplore Tinda Pierre. Pourtant, chose curieuse, lorsque les grossesses et les accouchements se compliquent, ces mêmes hommes accourent dans le centre de santé. C’est le cas d’un habitant de Guérémé, qui a transporté sa femme d’urgence la veille, parce que l’accoucheuse traditionnelle ne réussissait pas à faire sortir le bébé. C’est autour de minuit que l’enfant a été délivré par voie de césarienne, au centre de santé de Guérémé. Un centre qui bénéficie des équipements du projet H4+, notamment des lits, des tables d’accouchement, des outils divers offerts par l’UNICEF.

Causerie sur la Nutrition dans un Saré
Causerie éducative dans un Saré

Toutes choses que l’agent de santé Ndikwa Welba explique aux populations du village. « Emmenez vos femmes à l’hôpital ! », martèle-t-il aux hommes de Torock, mais ceux-ci ont pour argument qu’il faudrait des femmes infirmières et des femmes agents de santé communautaire pour qu’ils soient moins réticents. « C’est vrai que nos cultures n’acceptent pas aisément qu’un homme consulte ou ausculte la femme d’autrui. Mais grâce à nos descentes sur le terrain, beaucoup commencent à comprendre » ajoute Ndikwa Welba. Mais si beaucoup commencent à comprendre, pourquoi le centre médical intégré est si peu fréquenté ? La réponse se trouve peut-être dans l’indice de pauvreté qui est très élevé ici. La région de l’Extrême-Nord compte en effet 80% de taux de pauvreté, ce qui n’aide pas les populations à débourser 500frs pour une consultation. Il reste aussi que la demande en sages-femmes est éloquente dans la mesure où le ratio régional est d’un infirmier pour 7700 habitants, alors que la moyenne nationale est d’un infirmier pour 1023 habitants.

Centre Médical de Guérémé
Centre Médical de Guérémé

Toutes choses qui font dire à Ndikwa Welba que «  si on peut recruter une à deux femmes agents de santé communautaires, et des infirmières à Guérémé et à Torock dans ce projet H4+, je suis certain que les indicateurs vont un peu plus s’améliorer. Les hommes n’auront plus de raison de bloquer leurs épouses à la maison. Le cas d’hier soir à Guérémé est suffisamment clair pour que les hommes comprennent que les accouchements à domicile sont dangereux ». En effet, l’UNFPA appuie le projet H4+ à travers la formation des sages-femmes et l’appui des personnels médicaux à la prise en charge des complications des grossesses. Nul doute que cet aspect viendra changer les choses à Torock et à Guérémé.


Le combat de Sœur Mary à Dziguilao.

Sœur Mary, Centre Médical Catholique de Dziguilao
Sœur Mary, Centre Médical Catholique de Dziguilao

Voici l’unique bébé né au Centre Médical Catholique de Dziguilao ( Région de l’Extrême-Nord au Cameroun) ce jour. C’est la fille de Maïrouskou Hélène, elle est née exactement à 11H 30, ce jeudi, jour de marché, donc jour de grande affluence dans la ville. C’est Sœur Mary, une religieuse franciscaine qui a permis à Hélène de délivrer ainsi son 6ème enfant.   En  tendant le bébé à sa mère, Mary fait là un geste qu’elle aurait souhaité opérer chaque instant de la journée. En 2010, elle était institutrice à l’école primaire de la localité avant de demander la permission à sa congrégation pour aller se former en soins infirmiers et devenir sage-femme. « Je voyais que le personnel médical manquait ici, alors je me suis dit qu’il fallait foncer ».  Pourtant, ce matin, Sœur Mary n’a pas tout à fait le sourire. Et pour cause : « J’ai aperçu plusieurs femmes enceintes tout à l’heure au marché. Aucune n’est passée ici pour une visite prénatale. Rendez-vous compte ! Seulement 10 accouchements mensuels ici ».

Pour Sœur Mary, les indicateurs sont en progression certes, mais les choses pourraient aller plus vite « si les populations avaient plus de bonne volonté. Elles prétendent que les frais de consultation sont chers. C’est 1000frs. Je vous assure que même si on les met à 200frs, les choses ne bougeront pas aussi vite ». Elle explique alors qu’à Dziguilao, les hommes pour la plupart laissent les femmes se débrouiller seules pour payer leurs frais médicaux, ce qui est loin d’être évident. Elle pense que c’est là que se trouve le nœud du problème : les hommes (époux et pères de familles). « Chaque dimanche à la messe, je demande au prêtre de sensibiliser les hommes afin qu’ils accompagnent leurs femmes et les encouragent à fréquenter les formations sanitaires », poursuit Sœur Mary. D’autre part, elle se réjouit de la présence de 8 Agents de Santé Communautaire au sein de son centre. Ce jour de marché, 6 de ces agents sont présents.

ASC de Dziguilao
ASC de Dziguilao

Ils doivent parcourir en moyenne 6km chacun à vélo pour arriver jusqu’au centre du marché. Le chef du centre médical catholique, Koga Jean Félix, se félicite de cette approche du projet H4+ qui permet « un contact plus direct avec les communautés », ce d’autant plus que ce sont des hommes qui font office d’agents de santé communautaires, et ce sont eux qui au fil du temps, vont convaincre leurs pairs à changer de comportement et pousser les femmes à venir à l’hôpital.

Bicyclettes des ASC

«  Ma barrière c’est la langue. Je suis anglophone, et je ne suis que moyenne en français. J’essaye d’apprendre le Toupouri, la langue du coin. J’en ai besoin pour me rapprocher davantage de ces femmes » dit Sœur Mary. A côté de Sœur Mary, se trouve Liki Salomon, Agent de Santé Communautaire depuis un an déjà. Il habite Tibégué, à 5km de là.

Liki Salomon ASC de Dziguilao
Liki Salomon ASC de Dziguilao

« C’est vrai que le problème de la distance se pose encore pour quelques femmes » avoue-t-il avant de poursuivre : « c’est la raison pour laquelle moi je suis spécialiste de la prise en charge à domicile, et je réfère systématiquement les cas à la sœur ou au chef de centre. Les mentalités sont certes difficiles, mais les choses s’améliorent déjà. La semaine dernière, elles étaient nombreuses à m’écouter ici sur la place du marché, lorsque j’évoquais la question de l’utilisation des moustiquaires ». Dans quelques jours en effet, la distribution des moustiquaires aura lieu ici à Dziguilao. Sœur Mary se frotte déjà les mains à l’idée de parler aux femmes bénéficiaires qui se présenteront. Son discours préparé sera sans doute le suivant : « Dormir sous moustiquaire c’est bien. Mais venez aussi vacciner vos enfants. Venez aux consultations prénatales, venez accoucher à l’hôpital. Venez, venez ! ». Cela ressemble à un sermon religieux, que oui ! Sœur Mary est avant tout, servante de Dieu.


La santé à Guidiguis, comme sur deux roulettes.

Motos 2

18 motos rangées dans la grande cour de l’hôpital de district de Guidiguis dans la région de l’Extrême-Nord au Cameroun. Aujourd’hui, c’est réunion de concertation autour du Chef de district de santé.

Les 18 chefs des centres médicaux et des centres intégrés se réunissent pour définir et harmoniser leurs politiques de santé. Ils ont en commun plusieurs programmes et campagnes, notamment le projet H4+ qui vise l’accélération des progrès en santé maternelle, néonatale et infantile dans la région avec plusieurs agences du système des Nations Unies, dont l’Unicef qui a octroyé ces motos. De fait, certains doivent parcourir une cinquantaine, voire des centaines de kilomètres pour rallier l’hôpital de district. De même, chacun des chefs de centre doit faire face à de longues distances pour toucher les populations et ces motos sont plus que les bienvenues. Parmi ces chefs, se trouve Doba Guillaume, chef du centre intégré de Guérémé qui affiche net un chiffre de 10 consultations prénatales par semaine, contre 1 à 2, il y’a encore un an.

Doba Guillaume
Doba Guillaume

Le taux régional de consultations prénatales étant de 59%, Doba Guillaume peut d’autant plus se féliciter parce que « ce qui a changé avec l’arrivée du projet H4+, c’est que nous avons plus de contact avec la communauté ».

Koga Jean Félix
Koga Jean Félix

Son collègue Koga Jean Félix, Chef du Centre privé catholique de Dziguilao, à une vingtaine de kilomètres de là, partage la même opinion et décrit le H4+ comme un « paquet d’activités de santé communautaire ».  C’est-à-dire les consultations prénatales, les accouchements à l’hôpital, la vaccination, la sensibilisation des populations, les dépistages des maladies infantiles. Cette combinaison d’après lui « rattrape les retards  liés à la couverture vaccinale des enfants, à leur enregistrement et même à leur déclaration de naissance ». Les activités à base communautaire ont permis aux 18 centres de santé concernés, d’accélérer leurs performances, ce qui n’était pas évident avant l’arrivée du projet H4+. « Désormais, tous les enfants sont recrutés pour le P.E.V. (Programme Elargi de Vaccination), et les femmes enceintes sont systématiquement référées au Centre de santé » poursuit Koga Jean Félix.

Motos bon départ

Voilà un début de victoire pour les chefs de centre de santé présents à ce conclave de Guidiguis. Même si les indicateurs commencent à être flatteurs et encourageants, il reste néanmoins que plusieurs indicateurs de santé sont encore au rouge, eux-mêmes dégâts collatéraux d’une région qui souffre d’un taux de pauvreté de 80%, d’un voyant rouge en ce qui concerne la sécurité, et de conditions de vie à améliorer en général. En appuyant sur le contact de son deux-roues, chaque chef de centre sait qu’il faudra appuyer sur l’accélérateur désormais.


Pourquoi je veux être agent de santé communautaire.

Je m’appelle Lawol Guilam et je suis en formation actuellement dans le cadre des activités à base communautaire déployées par l’UNICEF chez moi à Gazawa dans le cadre du projet H4+.

Lawol Guilam
Lawol Guilam

Tout a commencé par une sélection dans les communautés. On a tenu compte de nos atouts, parmi lesquels notre capacité à lire et à écrire, à se faire entendre et comprendre, à convaincre, à sensibiliser, bref, à communiquer. Car, il s’agira pour nous de sillonner les villages et les quartiers de notre arrondissement qui est situé dans le département du Diamaré, Région de l’Extrême-Nord au Cameroun. 19.149 habitants peuplent notre aire de santé et nous sommes actuellement 38 Agents de Santé Communautaires (ASC) en formation.

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Le Docteur Antoine Ntapli, spécialiste santé du Sous-Bureau de l’Unicef à Maroua nous a dit que le ratio est « de 1 ASC pour 1000 personnes. Soit 200 ménages environ ». Cela veut dire que chez nous à Gazawa, les 38 que nous sommes auront chacun 500 personnes à couvrir. Tout cela est très excitant, moi qui ai grandi dans un univers où l’hôpital est un luxe, l’enregistrement des naissances une option, et le vaccin un mystère. Pour éviter cela aux générations actuelles et futures, je me suis porté volontaire pour devenir ASC.

Classeur

Notre formation compte 10 modules dans ce grand classeur que vous voyez. On y trouve tous les cours, les termes techniques, les dessins et les tableaux d’illustration nécessaires à l’assimilation de ces données. La formation dure 10 jours, mais nous serons accompagnés durant les trois premiers mois de notre déploiement sur le terrain. On nous remettra alors à chacun, un kit constitué d’un vélo, d’un sac de soins, d’un minuteur, de tests divers, notamment celui du paludisme, et d’un registre et des outils de gestion. Nous relayerons nos informations chaque mois dans notre aire de santé qui les compilera au niveau du district et de la région. L’un des modules de ces deux premiers jours de formation était celui de l’enregistrement des naissances et des détections des violences aux enfants. C’est elle, Madame Ousmanou Balkissou, Directeur du Centre d’accueil pour enfants en détresse qui est venue nous le délivrer spécialement depuis Garoua.

Ousmanou Balkissou
Ousmanou Balkissou

Son centre est ouvert depuis 2004 et plus de 157 enfants sont passés par son centre. Son expérience nous a édifiés surtout qu’elle a insisté pour « les mairies aussi jouent leur partition quand les ASC auront collecté les données sur les enregistrements des naissances ». Madame Ousmanou Balkissou touche bien là le nœud du problème de notre localité. D’ailleurs, Madame Le Sous-Préfet Abdou Djenabou Oumarou constate qu’en ce moment, beaucoup d’élèves du CM2 ne peuvent pas passer le concours en 6Eme parce qu’ils n’ont pas d’actes de naissances. Plusieurs cas sont répertoriés dans les écoles de l’arrondissement et elle a décidé de prendre ce problème à bras le corps afin que les enfants ne payent plus le prix de l’ignorance et de la négligence des parents. Je sais que Madame Le Sous-Préfet compte sur nous pour poursuivre cet exercice de sensibilisation qu’elle mène en tant que femme et autorité de la ville pour changer les comportements.

Madame Abdou Djenabou Oumarou, Sous-Préfet de Gazawa.
Madame Abdou Djenabou Oumarou, Sous-Préfet de Gazawa.

Ce matin, l’autre module que nous avons suivi est celui du paludisme, dispensé par Yewone Yves, chef du bureau de santé au District de Santé de Maroua 1er. Il a beaucoup insisté sur le TDR (Test de Dépistage Rapide) lorsque nous sommes sur le terrain. C’est vrai que le paludisme, les IRA (Infections Respiratoires Aigües) et la malnutrition sont les maladies qui dévastent les enfants de moins de 5 ans ici. On a noté 23.757 cas pris en charge par les ASC en 2015.

Module de formation des ASC sur le paludisme
Module de formation des ASC sur le paludisme

Notre rôle sera donc à la fois curatif et préventif, comme nous l’a dit Abdoulaye Moussa, l’actuel Surveillant Général de l’Hôpital Général de Maroua, qui nous dispense le module sur La santé de la mère et de l’enfant.Oui, je voudrais être un ASC. Quand j’ai vu l’implication du Ministère de la Santé au niveau central, par la présence ici du Docteur Samuel Akwe, point focal national des interventions directives communautaires et par ailleurs Sous-Directeur des soins de santé primaire au ministère, je me suis rendu compte du sérieux de cette formation.

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C’est vrai, nous aurons les vies de nos enfants, filles, sœurs et mères entre nos mains. C’est un engagement sacré. Oui, je veux être un ASC. Je veux être un ASC comme Roger et Martine du centre médical de Touloum, qui ont déjà fait leurs preuves dans la région. Oui, je veux sensibiliser les gens aux pratiques familiales essentielles, je veux…sauver des vies.