David Kpelly

Voyage au bout de la Négritude

La Négritude, si l’on se réfère aux définitions de ses deux plus grands chantres, Aimé Césaire qui la concevait avant tout comme le rejet de l’assimilation culturelle, le rejet d’une certaine image du Noir paisible, incapable de construire une civilisation, et Léopold Sédar Senghor qui la définissait comme l’ensemble des valeurs économiques, politiques, intellectuelles, morales, artistiques et sociales des peuples d’Afrique et des minorités noires d’Amérique, d’Asie et d’Océanie… est un concept, une philosophie dans laquelle chaque homme noir doit retrouver l’expression de sa fierté, tout en reconnaissant, assumant sa condition de Noir.

Même s’il existe une légère différence, à première vue, entre la perception que se fait chacun de ces deux auteurs du concept, le premier donnant la primauté au culturel et le second y ayant ajouté un volet politique, on peut remarquer que, à voir de près, les deux se complètent, ou plutôt la deuxième définition éclaire la première, dans la mesure où le rejet de l’assimilation culturelle, la reconnaissance et l’acceptation de notre condition de Noirs, nous la tirons justement de tous ces moyens d’affirmation qui nous sont propres, tels nos valeurs économiques, politiques, intellectuelles, morales, artistiques et sociales…

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Ma strip-teaseuse moins une pizza

Safiatou H, ce qui me sert de temps en temps de copine, n’avait depuis une semaine cessé de me poser des questions sur Ludovic, mon ami parisien qui descendait chez moi pour quelques jours de congés. « J’espère qu’il fait quelque chose d’intéressant là-bas à Paris, hein, ces parisiens paumés et fauchés qui descendent ici juste pour nous montrer leur teint de petit immigré sont chiants, et je crois que ton ami n’en est pas un. Il est beau, hein, il est de quelle nationalité, hein, Camerounais, là c’est la catastrophe, les Camerounais et vous les Togolais c’est bonnet blanc et blanc bonnet, vous êtes pareils, courts, trapus, moches, machos, et surtout pingres, c’est des crimes contre l’humanité que vous commettez tous les jours, vous les Togolais, Camerounais, Gabonais, Congolais quand vous vous mariez, parce que vous faites des enfants aussi laids et radins que vous et c’est dommage, mais bon, comme ton Ludovic-là revient de Paris, je crois qu’il va faire un peu Toubab, profites-en et fais profiter à ta bien-aimée poufiasse que je suis, tu sais ça n’arrive pas tous les jours, il est homo, hein, je peux lui brancher un pote gay, faut qu’on le mette à l’aise avec ses euros, hi hi hi… »

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Trop d’ivoire tue l’amour

« Les Togolais et les Ivoiriens sont dangereux, c’est de gros coureurs de femmes, des menteurs, des tueurs, va falloir que nous y trouvions des solutions, on ne veut plus de vous ici. » Accueil costaud. Silence consterné. Du piment dans mes yeux. Disparaître, disparaître. Cette classe promet du gentil gentil. Terre et Ciel, les humiliations de l’enseignement. J’avais pourtant rêvé autre chose, mon Dieu !

La jeune fille, la vingtaine, grave comme le sourire d’un féticheur cocu, me fixait avec rage, sous les regards étonnés de ses camarades. Tenir, ne jamais craquer, ne pas s’emporter devant les étudiants, première incantation d’un enseignant. Un soupir. Un sourire. « Mademoiselle, je ne sais pas ce que vous avez déjà vécu avec un Togolais ou un Ivoirien mais je crois que vous êtes un peu trop dure avec nous et… » «  Excusez-moi monsieur, c’est venu comme ça, j’ai des problèmes personnels, excusez-moi donc. » Un soupir. Soulagé, presque.

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Ma grossesse plus un Coca

Safiatou H et moi. Rien de sérieux. Ah, Safiatou H, un petit bout de chair à mordiller dans un lit douillet pour oublier le sous-développement de l’Afrique et l’enfer pour quelques secondes. A peine deux mois de sorties les week-ends avec en post-scriptum des parties de bagatelle mal cuites mais assez chaudes pour satisfaire le chercheur d’aventures que je suis, et la généreuse avaleuse bling bling qu’elle est. Deux mois. Elle et moi, son prof de marketing. Le temps pour elle de se rendre compte que le jeune garçon coupé-décalé toujours en cols italiens, chaîne au cou, bracelets aux poignets, roulant le français comme une patate chaude dans la bouche d’un nourrisson de village, qui se la joue Casanova devant ses étudiants, n’est pas du tout le fêtard qu’il paraît être, mais un intello avorté idéaliste frustré, plus bloqué dans ses idées que les hanches d’un octogénaire célibataire. Opposés, nos mondes. Elle, fille des boîtes, des bars et des chauds. Moi, rat des bibliothèques, idéaliste héréditaire, aussi chiant que peut l’être un fils de poète qui se respecte. Elle me quitta un soir où j’essayais de la raisonner, la prier de passer plus de temps avec ses cours, d’être plus assidue à l’école, de penser un peu plus sereinement à sa vie, à son avenir. « Je ne peux pas vivre dans cet enfer où tu brûles, juste pour te faire plaisir parce que je couche avec toi. Allez, je pense que j’en ai assez de tes conseils de grand moraliste. Moi ma vie est dans les boîtes et les fêtes. Fais donc plus sonner mon numéro. Reste avec tes livres. Adieu, je ne t’ai jamais aimé, vieux campagnard.»

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CAN 2012, tout se joue au lit !

Je suis horripilé. Cette Coupe d’Afrique des Nations est d’une insolence inouïe. Je rejoins le célèbre chroniqueur humoriste Mamane de la Radio France internationale qui fait dans sa chronique du lundi 23 Janvier 2012 un rapprochement entre cette CAN et les révolutions arabes de 2011, notamment celles de la Tunisie, de l’Egypte et de la Libye. Cette CAN est vraiment une CAN sans les présidents fondateurs. Tout comme l’on ne pouvait imaginer un sommet de l’Union africaine en 2012 sans Moubarak, sans Ben Ali et surtout sans Mouammar Kadhafi et ses coups de théâtre de mégalo, il était impossible d’imaginer une Coupe d’Afrique des Nations sans le Nigéria, l’Egypte, l’Afrique du Sud, la République démocratique du Congo, et surtout le Cameroun avec ses maillots fantaisistes ! Une CAN sans Samuel Eto’o, mes fétiches !

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En attendant le Wade panafricaniste

Gorgui vous emmerde! 

Durant les soulèvements du monde arabe, notamment ceux de la Tunisie, de l’Egypte et de la Libye, certains analystes avaient osé un rapprochement entre le Maghreb et les pays de l’Afrique noire, exigeant ces révoltes dans des pays comme le Togo, le Burkina Faso, le Congo, le Sénégal… Nous avions trouvé leurs analyses de mauvais goût, dans la mesure où presque tous ces pays de l’Afrique noire, le Sénégal surtout, ont un privilège que ces pays du Maghreb n’ont jamais eu : les élections.  Ce serait une injure, avions-nous soutenu, pour la démocratie sénégalaise, que de demander aux Sénégalais de se mettre dans la rue pour renvoyer un président qu’ils ont librement choisi. Abdoulaye Wade était arrivé à la tête du Sénégal en 2000 par un vote, et il ne peut quitter qu’à la fin de son mandat, laissant au peuple sénégalais qui l’a choisi le soin de choisir son successeur. Il fallait, au nom de la démocratie, laisser Abdoulaye Wade terminer son mandat, aussi catastrophique soit-il, pour se retirer en paix.

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CAN 2012, hernies et Cie

Chiche, le début de cette CAN 2012 ! Je supportais la Libye et le Sénégal, et ils ont été battus. A cette allure aucune équipe ne voudra finalement de moi comme supporter.

Disons que tout a été clair pour le second match, c’est Wade et tout le venin de toutes les mauvaises langues qui lui coule dessus ces derniers temps qui s’est déteint sur les garçons. La poisse. Et surtout qu’il n’y avait pas Youssou N’dour dans les tribunes pour rythmer par quelques notes de Mbalax les déhanchements de jeunes danseuses sénégalaises, ouvrant de temps en temps de petites fenêtres furtives sur leur monde intérieur pour motiver les garçons sur la pelouse, eh bien, ce fut un pastis coupe pleine. Le mister show sénégalais, devenu automatiquement bling bling depuis sa décision d’entrer en politique, va désormais préférer s’asseoir, le pied gauche sur le droit, dans un fauteuil doré, et se la jouer, au lieu d’animer les foules, faire danser et égayer les cœurs avec sa suave voix, comme il sait bien le faire. On ne le dira jamais, faut que chacun apprenne à rester à sa place dans ce continent. Il fut un moment du match, vue la piètre performance de l’équipe …Lire la suite…


CAN 2012, la Faure’nique utile !

C’est fou, comme les Maliens sont enthousiasmés par la Coupe d’Afrique des Nations ! Tout Bamako n’est désormais que CAN ! Des postes téléviseurs trainés à bout de bras par-ci, des maillots à l’effigie des Aigles du Mali par là, des calendriers de la CAN vendus à tous les feux tricolores, des sifflets bizarres de supporters distribués dans tous les coins et recoins ! Les Maliens savent supporter leur équipe, comme cette dernière sait très bien les décevoir. On se donne à fond pour que les gars reviennent à Bamako avec la coupe, pour une première fois, et ils reviennent bredouilles, goguenards, avec des problèmes et des excuses. Chiant ! Peuuuuh !

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Une paire de fesses pour une route

Mon prégo, je veux une route!

Ah, ces mésaventures dont le dénouement est si heureux que vous finissez par ne plus les regretter ! C’est un peu l’histoire de ce cocu du conte de ma mère, Mère Marthe, qui ayant décidé d’aller se noyer dans la mer après avoir surpris sa femme, sa petite profondeur, au lit avec une autre longueur, rencontra sur la plage une jeune princesse dix fois plus belle et riche que sa femme infidèle, qui tomba amoureuse de lui et l’épousa par la suite. A quelque chose malheur est bon, que disent trivialement les revendeuses d’arachide grillée de nos coins de rue.

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Eyadema et la coupe en or de Chirac

Hein ! Le 13 Janvier, date fétiche de feu Général Eyadema, le père de la nation quarantenaire de la République togolaise, est passé sans tambour ni trompette ! Ah, cette fête, dite de la libération nationale, au Togo ! Eyadema ne lésinait pas sur les moyens pour fêter le 13 janvier, le plus grand jour de sa vie, l’assassinat du père de l’indépendance du Togo. Mais voilà cinq ans que l’œil du maître manque dans l’organisation de cette fête. La voix d’Eyadema s’en va au jour le jour s’affaiblissant, avec les 13 janvier. Pour commémorer, à notre manière d’honnête citoyen respectueux de la mémoire nationale, le 13 janvier, que faire à cet homme, qualifié par son entourage proche comme un gentleman plein d’humour, que de rappeler certaines de ces célèbres anecdotes qui fleurissaient sur lui, de son vivant, dans tous les coins et recoins du Togo ?

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Le baiser des cadavres

Doux séjour, mon grand

Extrait, en attendant, toujours, mon recueil de nouvelles, Apocalypse des bouchers.

(…) C’est connu ici, tu le sais bien, cousin, les enterrements des chrétiens ont toujours été une très grande fête, rassemblant dix fois plus de foule que les cérémonies de sortie de bébés, les mariages et les cérémonies de libération. L’évènement attire beaucoup de foule, parce que, que veux-tu, hein, cousin, faut pas faire, c’est pas parce qu’on porte un sac de poudre à canon qu’on ne peut pas allumer sa pipe.

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2012: Aïe, ma chèvre est enceinte !

Bonne et heureuse année 

Et hop ! Parti pour une nouvelle année. De nouvelles joies, de nouvelles rencontres, de nouvelles découvertes, de nouvelles amours… et, bien sûr, de nouvelles peines, de nouvelles déceptions, de nouvelles séparations… La vie.

Raté, mon réveillon. La petite fiesta prévue pour mes amis et mes étudiants n’a pas eu lieu. La chèvre que j’ai depuis quatre mois achetée, nourrie, cajolée, protégée contre mes voisins ivoiriens dont les mains ne peuvent jamais rester une seconde sans chaparder, n’a pas pu être tuée.

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Leurres et lueurs de l’homme noir

« Je ne conteste pas les souffrances qu’ont subies et que subissent encore les Noirs. Je conteste la tendance à ériger ces souffrances en signes d’identité. Je suis né au Congo Brazzaville, j’ai étudié en France, j’enseigne désormais en Californie. Je suis noir, muni d’un passeport français et d’une carte verte. Qui suis-je ? J’aurais bien du mal à le dire. Mais je refuse de me définir par les larmes et le ressentiment. »

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Le string fleuri de Marie

Tu veux, cousin, comprendre pourquoi ma sœur Martine a quitté le séminaire, sur les ordres de Mère Marthe, hein. Cette histoire, cousin, je vais te la raconter mais sache que je n’y crois pas trop parce que, cousin, faut pas faire, faut toujours se méfier de blasphémer et ne pas dire ces genres de choses sans les avoir vues vis-à-vis devant les clients. Je n’y crois donc pas trop, je te le répète, même si les enquêtes ont sincèrement révélé que c’était vrai.

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Les colères du string de la Miss

Notre premier conseil de discipline de cette année universitaire a porté, il y a une semaine, sur un sujet pas ordinaire. Une histoire de cul. Bon, de string. Il fallait statuer sur la sanction à infliger à une étudiante de vingt-deux ans, une ancienne Miss, dit-on, qui a foutu, en plein cours, devant ses camarades, deux baffes à son prof de comptabilité qui lui aurait, furtivement, caressé le fil de son string qui dépassait de sa mini jupe. Un prof qui se fait humilier par une étudiante devant les autres étudiants, compliqué, très compliqué. Et il fallait donc, avant de sanctionner, analyser les forces en présence. Un prof d’une grande école privée d’ici contre une ancienne Miss d’ici.

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La meuf de celui-qui-mange-du-porc

« Dzi mi ko dé kopéa mé, halan détsia sou gbon, Vogan nyo wou Lome… ». Rien d’une incantation, les enfants. Juste une histoire de viande de porc qui serait mieux préparée et plus abondante à Vogan qu’à Lomé, rendant ainsi la vie plus vivable, plus vivante, plus agréable, dans la première ville que dans la seconde pourtant capitale du Togo.

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L’étrange copine de Faure Gnassingbé

L’énigme ne nous avait pas donné trop de maux de tête. Trois jours d’enquêtes, de spéculations, de recoupements, de vérifications… Et la conclusion fut tirée. Formelle. Cette belle voiture sortant de la belle villa qui venait d’être construite dans notre quartier, cette villa qui, comme une nouvelle femme dans un foyer polygame était venue éclipser la splendeur de toutes les villas du quartier, cette belle voiture aux vitres fumées, sortant tous les matins de la belle villa depuis un mois, et n’y retournant qu’autour de minuit, précédée de deux Mercedes, n’était autre que celle d’une copine de notre président. Faure Gnassingbé.

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Nous, pestiférés, révoltés de demain

L’avenir d’une nation est sa jeunesse, stipule cet adage devenu tellement banal à force d’être répété. Et si notre Togo, au passé souillé par le règne sanguinaire et totalement stérile d’Eyadema Gnassingbé, au présent hypothéqué par l’incompétence et la lâcheté de son fils Faure Gnassingbé, doit espérer son avenir de cette jeunesse togolaise-là que nous voyons aujourd’hui, celle de la vingtaine, de la trentaine, qui est là, juste devant nous, au Togo ou ailleurs… notre pays n’a pas d’avenir. Un glorieux avenir. Car la génération togolaise de demain qui sortira de la jeunesse togolaise d’aujourd’hui n’aura que deux aspects. Révoltée ou corrompue.

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