Alpha Oumar Baldé

Rentre chez toi en Afrique

Rentre chez toi en Afrique

Rien n’est comparable à ta souffrance en Europe
Et pourtant tu te débrouillais bien en Afrique
Ne te rappelle-tu pas ?
Tu as tout quitté, tu es parti
Rien ne pouvait te faire changer d’avis
En tout cas ta décision était prise
Caché dans ce bateau de clandestins
Humain, tu ne l’étais pas vraiment
Et tu es parvenu à entrer en Europe
Zone d’espoir et de bonne fortune
Toi qui es maintenant couché dans cet abri de fortune
Oublies-tu que tu avais ta propre maison chez toi en Afrique ?
Interroge ta conscience
Et pourtant tu te débrouillais bien en Afrique
Ne te rappelles-tu pas ?
Amis et famille se demandent qu’est-ce que tu deviens en Europe
Femme ne cesse de penser à toi, son mari
Rentre chez toi
Immigrant malheureux
Que deviens-tu en Europe ?
Un SDF, un « sans-papiers »
Enfant du pays, ta patrie sèchera tes larmes


Le symbole

Un symbole, Alpha Oumar Baldé CC doudoufine.mondoblog.org
Un symbole, Alpha Oumar Baldé CC doudoufine.mondoblog.org

La récréation terminée, Mr Camara entre dans sa classe de 4ème année (CM1) muni d’un nouvel objet tout à fait particulier : c’est une corne de vache. Mais l’ayant un petit peu relooké et rafistolé à l’aide d’une corde, cette vieille corne ressemble maintenant à un collier. Les enfants ne sont pas dupes, ils savent que ça se porte autour du cou !

Mr Camara s’adressa à ses élèves pour leur présenter le nouvel objet – ou si vous préférez – outil de classe :

  • « Bonjour les enfants ! voici ‘’le symbole’’. Désormais, quiconque s’exprime en langue vernaculaire sera obligé de le porter jusqu’à la fin de l’heure. Mais si l’un de vous s’exprime à son tour en langue vernaculaire, alors ce dernier le remplacera. Bien, commençons notre leçon, mais avant déposer d’abord vos ‘’Devoirs de maisons’’ ».

Moussa avait oublié de traiter son ‘’Devoir’’. Pris de panique, il articula une série de mots en langue vernaculaire. Des mots assez audibles qui parvinrent à l’oreille de son maître de classe. Celui-ci réagit immédiatement :

  • «  Voilà ! Nous avons notre 1er puni ; viens ici pour que je t’offre mon collier. Que cela serve de leçon à tout le monde : pas de langue vernaculaire en classe ».

Honteux, le petit Moussa accepta son cadeau en fermant les yeux puis retourna à sa place. Le cours débuta…

Tandis que le maître de classe recopiait la leçon du jour au tableau, un bout de papier atterrissait sur le table-banc de Moussa. Son camarade l’avertit : « ne l’ouvre pas ». Mais il ignora son conseil et l’ouvrit quand-même. Il y était mentionné : ‘’M’bouuu !’’ (Cri de la vache).

Des éclats de rire secouèrent la petite classe. Des moqueries s’en suivirent qui mirent Moussa en rage. Il grogna plus qu’il ne parla quand il opta pour des menaces comme seul moyen de défense. Mais toutes les menaces qu’il proférait ne faisaient que galvaniser ses camarades de classe. Grimaces et cris d’animaux redoublèrent d’intensité. Finalement, Moussa se résigna et se tut.

Dans cette jungle de classe, Mamadou – un de ses camarades – laissa échapper un autre mot en langue vernaculaire. Oups ! Moussa est sauvé. Il ôta rapidement son collier et le tendit à son ami de classe : « tu as parlé » !

La classe riait de nouveau mais cette fois-ci aucun d’entre eux ne disait mot, par crainte de laisser échapper un autre mot en langue vernaculaire.

Le maître de classe intervenait pour calmer les enfants : « silence, silence ! Mamadou, c’est à ton tour de le porter ». Puis le silence s’installa progressivement.

Précaire au début, le silence est maintenant de cimetière. Il est si bien observé par les élèves qu’il était possible d’entendre au loin les classes de maternelles – pourtant très distantes – chanter.

Le maître de classe fut surpris du fait que, pour la première fois, son ordre de garder le silence était respecté à la lettre par ses élèves. Il en était ravi et secouait – par réflexe – ses longues jambes sous son bureau.

Les enfants ne craignaient pas leur maître ; loin de là. Ce qu’il redoutait c’était ce gros ‘’gri-gri’’ qui circulait d’un cou à l’autre. Ils ne parlaient plus mais chuchotaient, n’hésitant pas à se pencher à l’oreille de leur interlocuteur pour se faire entendre par celui-ci.

Et maintenant que la classe était silencieuse, nul besoin de distribuer des fessées aux ‘’bavards’’. Les listes des bavards, moyen de garder une classe calme, n’ont plus d’utilité. Le maître de classe avait, sans s’en rendre compte, emmené le remède miracle.

‘’Le symbole’’ faisait d’une pierre deux coup : la classe était silencieuse et, en prime, il n’y avait plus de langues vernaculaires. C’était magique !


Ce voyage me révéla toute la vérité

 

Calendrier, Alpha Oumar Baldé CC doudoufine.mondoblog.org
Calendrier, Alpha Oumar Baldé CC doudoufine.mondoblog.org

Nous roulions dans cette broussaille et ces bois perdus au milieu de nulle part. Puis le silence s’installa brutalement en un claquement de doigt, lourd et mystérieux comme dans un cimetière. Seuls les bruits du moteur et le fracas des pierres sur les pneus me rappelaient que nous étions dans cette voiture de transport. Alors je me suis demandé : « Pourquoi ? »
Pourquoi ce brusque revirement de la situation qui était jusque-là ambiance et joie ? Eux le savaient bien, d’où leur attitude. Je réfléchissais alors à la meilleure façon de poser ma question au chauffeur puisque c’est un habitué des lieux. Je me ménageais dans ma tête afin de sortir la phrase idéale, les mots qui toucheraient du doigt ce silence si pesant et si soudain. Nous arrivions à un virage serré et entouré d’herbes hautes. Le chauffeur, comme lisant dans mes pensées, annonça : « C’est ici ». Mais pourquoi cette affirmation et que signifie « c’est ici » ?

Je voulu lui demander mais aussitôt une autre voix enchaîna : « Oui, la dernière attaque ». Alors je compris ce que signifiait ce silence si brusque et si lourd. Bon sang, mon cœur changea de rythme et mon sang commença à se glacer. Visiblement marqué par les évènements de cette dernière attaque, le chauffeur murmura : « Il y avait au moins cinq véhicules de transport ce jour-là et les gens étaient couchés par terre et les jeunes hommes étaient ligotés ». « Des loubards armés qui nous dépouillaient de nos biens. Dieu soit loué, ils n’avaient pris que l’argent et pas nos vies ». Le silence ainsi rompu, tout s’enchaîna comme dans un feuilleton de série télévisé. Chacun raconta son histoire avec plus ou moins d’exactitude en se donnant parfois des mérites et des exploits surhumains tout en omettant quelques sombres passages de stricte vérité. Les coupeurs de route sont devenus un fléau dans mon pays, la Guinée. Ils opèrent dans les routes isolées et coupées de tout réseau. Les routes sont de véritables sentiers de terre battues, parsemées de milliers de nids de poules et de lits de marigots pleins de boue. L’insuffisance de la couverture du réseau téléphonique fait que les pauvres routiers ne peuvent pas appeler des secours en cas d’accidents ou d’attaques par ces loubards. Souvent, ils sont obligés de parcourir des kilomètres afin d’obtenir de l’assistance.

La gendarmerie nationale, dont le rôle est de protéger les citoyens, ne s’acquitte pas correctement de sa tâche. Selon plusieurs témoignages, elle mentionnerait des pénuries de carburant qui lui empêcherait de s’acquitter de son devoir vis-à-vis des citoyens et des routiers en particulier. Mais ne lui jetons pas tous les torts car en effet, elle ne dispose pas assez d’équipements pour y arriver. C’est la faute au gouvernement – disent-ils – qui ne leur accorderait pas assez de budget pour les soutenir. Les médias nationaux préfèrent parler de politique et de faits divers, en se consacrant presque entièrement à la capitale au détriment du reste du pays. C’est toujours le citoyen lambda qui en souffre. Que ce soit le commerçant qui vit de ses négoces dans les marchés hebdomadaires où il vend ses marchandises et gagne de quoi nourrir sa famille ; ou bien le transporteur routier qui fait la navette depuis les grandes villes vers les villages ; ou encore le simple voyageur qui souhaiterait se rendre dans son village natal ou dans une ville quelconque. Il suffit que vous tombiez sur l’un de ces barrages érigés sur une piste par ces hors-la-loi, pour vous voir complètement dépouillé et terrorisé par la menace de mort qu’ils induisent.

Tout le monde est concerné et c’est étonnant de constater que les médias nationaux n’en parlent qu’à la suite d’un grand coup de filet de la gendarmerie nationale qui réussit quand même à arrêter quelques coupeurs de route. Ils saisissent alors l’occasion pour faire des articles et des reportages à fin de faire croire à la communauté internationale que les routes guinéennes sont les plus sûres du monde, espérant ainsi pouvoir noyer le poisson. Et le gouvernement berce le peuple par des discours de circonstance au lieu d’agir sur le vrai fléau en cause.

Tous ces ingrédients réunis font que les foyers des coupeurs de route prospèrent sur nos routes préfectorales et certaines pistes rurales. Les voyageurs se frottent les mains en espérant que les choses s’améliorent et que les autorités prennent conscience de l’isolement de certaines villes du pays.


Les billets de 100 francs guinéens

100 GNF, Alpha Oumar Baldé CC doudoufine.mondoblog.org
100 GNF, Alpha Oumar Baldé CC doudoufine.mondoblog.org

Les billets de 100 francs guinéens sont actuellement la plus petite coupure de monnaie de la Guinée. Les pièces de 50 et de 25 GNF ont totalement disparu de la circulation. Et pour cause le franc guinéen a perdu sa valeur au fil des années malgré les « efforts » des gouvernements qui se sont succédé. C’est l’inflation. La Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) tente tant bien que mal à redorer le blason de son « franc glissant », appelé ainsi par la population à cause de sa valeur qui est très faible.

Les pièces de monnaie ayant donc disparu de la circulation, la BCRG essaie de sauver la plus petite coupure encore en vie. Pour cela, elle a dû injecter des tonnes de papiers blancs imprimés –les billets de 100GNF- dans la circulation.

Hein, « Gouv », pourquoi tant d’effort pour une coupure de billet qui n’a aucune valeur ? Ne nous voilons pas la face : les 100GNF sont détestés par la population. Pourquoi ?

  • A cause de sa valeur :

D’abord il  est pratiquement impossible de trouver un produit dont la valeur est en dessous de 500 GNF sur le marché. Les condiments dans les marchés, de même que l’eau de boisson (conditionnée), tous les produits courants n’affichent que des prix supérieurs à 500 GNF. Les vendeuses du marché étalent leurs produits en des tas de 500 GNF chacun et refusent de vendre une unité à 100 franc.

Ensuite, tenir une somme de 1000 GNF représente déjà une liasse

2000 GNF, Alpha Oumar Baldé CC doudoufine.mondoblog.org
2000 GNF, Alpha Oumar Baldé CC doudoufine.mondoblog.org

de billet alors qu’en est-il d’une somme de 100.000 GNF qui équivaut à 10€ environs ? Il est évident que l’on ne peut pas faire du chopping avec des billets de 100 GNF dans les grandes boutiques de Conakry. Et aussi, imaginer tout le travail que cela représente pour le gérant qui doit « se taper de compter tout ce fric en papiers blancs ».

  • Des prix fantaisistes :

Pour éviter les petites monnaies de 100 franc, les produits ne sont plus étiquetés à des valeurs telles que : 200GNF, 900GNF ou encore 3600GNF par exemple. On ne rencontre que des multiples de 500 c’est-à-dire  500-1000-1500-2000-2500 ainsi de suite…

  • A cause de la politique :

Les billets de 100 GNF représentent les billets de « alpha », faisant allusion à notre actuel président Alpha Condé, notre « körö » (grand-frère) qui a soutenu la réinjection de ces billets dans la circulation. Certains citoyens critiquent la politique d’Alpha Condé en se servant de ses billets de 100. Pratique quand on veut avoir la totale liberté d’expression…

  • Même le transport routier n’est pas épargné :

Oui, quand des chauffeurs de taxi acceptent les billets de 100 en fermant les yeux. Ou quand certains passagers rechignent ou préfèrent laisser leurs monnaies avec le chauffeur si celui-ci leur tend des billets blancs.

Voilà entre autres les raisons qui font que les billets de cent francs guinéen sont  en déclin en Guinée. Je vous préviens, étrangers qui passez par Conakry, n’offrez pas un billet de 100 à un enfant ou à un mendiant sinon vous serez surpris !


Un matin pas comme les autres

logo Médecine, Tieum CC Wikipedia Commons

Mon téléphone sonne : 6h30, il est l’heure de se réveiller.

Je fais ma toilette, je m’habille et je déjeune.

J’ai un peu de trac, mais bon c’est normal puisque cette situation m’émoustille beaucoup.

Car aujourd’hui je change de peau, je change d’air.

Je le sens ce petit fourmillement que j’ai dans les doigts, ces mêmes sensations qui m’ont toujours accompagnées au cours des plus beaux instants de ma vie et qui en ce matin se manifestent une fois de plus en moi.

C’est un matin pas comme les autres. J’ai changé, je change…

Puisque je dis  « Adieu » à cet uniforme de tous les matins de jours ouvrables qui était devenu ma seconde peau.

Puisque je suis enfin libre de porter la tenue qui me convient.

De la plus correcte à la plus décontractée…

Puisque je dis « Adieu » à ce bâtiment qui m’a vu grandir, à cet espace où j’ai passé une bonne partie de mon existence, assis sur ce table-banc, à apprendre les bases de toutes les connaissances.

Et quand j’ai aperçu mon nom sur cette fiche d’admission du baccalauréat…

J’ai aussitôt compris que j’avais franchi une nouvelle porte.

Une porte qui me conduirait à de nouveaux horizons, tout ce à quoi j’aspirai dans cette vie.

Ce fut un matin pas comme les autres…

J’ai signé cette fiche d’orientation qui allait décider de mon sort et me conduire dans un nouveau monde, tout à fait nouveau et inconnu pour moi.

Faculté de médecine, c’était mon choix et aujourd’hui il se concrétise ; mon rêve devient réalité.

C’est un matin pas comme les autres…

 Encore ces fourmillements dans mes doigts.

Je saisis mon stylo et je mentionne la date.

Aujourd’hui : j’ai suivi mon premier cours en faculté de médecine.

Aucun mot, aucune expression ne saurait décrire avec exactitude l’intensité du bonheur que je ressens.

C’est un jour que je n’oublierai jamais, un matin pas comme les autres.

Nouveau cycle, nouvelle peau, nouvelles opportunités.

Un matin d’espoir.


Dans un taxi de Conakry (1)

Un taxi de Conakry
Un taxi de Conakry, Alpha Oumar Baldé CC doudoufine.mondoblog.org

Mon Vieux-Papi :

Il est 18h, nous voici une fois de plus au bord de la route en train de chercher un véhicule. Nous étions sortis de cours, après de longues heures d’études tout le monde avait hâte de rentrer chez soi. Prendre un bon bain pour calmer ses nerfs mis à vif par une rude journée de stress et de chaleur… Ici à Conakry, dans ces circonstances de fin de journée, tous les moyens de transport sont validés quels qu’ils soient : taxi, bus ou même véhicule personnel reconverti à l’occasion en taxi (autrement appelé ‘’clando’’).

En ce soir de jour ouvrable, la foule est immense et les véhicules évoluent en file indienne. Chaque voiture qui accoste est immédiatement prise d’assaut par les gens, « pourvu que je m’arrache d’ici avant la tombée de la nuit », se disent-ils sans doute. Pour cela, ils sont prêts à se bousculer afin d’obtenir une place. C’est comme ça que ça se passe : c’est la loi de la jungle qui prédomine.

Je levais la main, le doigt indiquant quel axe je voulais prendre comme le font chacune des personnes à mes côtés. C’est alors qu’un taxi surgissant de nulle part s’arrête pile sous mes yeux déjà désespérés (et surtout très fatigués à force de scruter des écritures ou les diapos de ce cours d’anatomie…). Tout de go, le chauffeur – un vieillard septuagénaire – annonça la destination qu’il comptait prendre. Dieu soit loué, c’est là que je souhaitais me rendre également. Je fis un bon en avant et je saisissais le poignet de la portière de la voiture pour empêcher que quelqu’un d’autre ne me la pique sous mon nez. En tout cas si cela était arrivé je ne me le serait pas pardonné. Il me fallait à tout prix prendre place dans ce « clando » !

Aussitôt saisie, j’ouvris la portière précipitamment et je me glissais à l’intérieur en poussant un grand soupir de soulagement puis, reprenant mes esprits, je saluais le conducteur.

Le chauffeur me répondit calmement avec une voix douce et tremblante. Une voix qui ressemblait drôlement à celle de mon grand-père : mon Grand-Papi qui me racontait des histoires afin de me faire rire. Je me tournais alors vers ce vieux chauffeur dont la voix me rappelait tant celle de Grand- Papi :

Il était bel et bien septuagénaire (voire plus), aucun doute là dessus. Il portait des lunettes qui ressemblaient plutôt à des loupes et qui agrandissaient ses petits yeux noirs. Il avait une barbe blanche et une moustache mal rasée. Son nez était droit et sa bouche était pulpeuses, des lèvres pulpeuses que la vieillesse n’avait pas réussi à défaire et qui ornait un visage rond et ridé par les années… Un long cou soutenait sa grosse tête qui était ornée d’un bonnet, l’ensemble était posé sur de larges épaules.

Ce vieillard avait sans doute été très fort dans sa jeunesse, cela se remarquait facilement car il tenait très fermement le volant. Il évitait vigoureusement les très nombreux trous de la route. Malgré l’agitation dans les rues étroites et mal bitumées de Conakry, sa respiration était calme et régulière.

Je regardais ses vêtements : un petit boubou assorti à une paire de chaussures traditionnelles. Très simple comme habit remarquais-je.

Ce vieux papi inspirait le respect car son attitude au volant était irréprochable. Il prenait soin de rouler à une vitesse constante et réglementaire, s’arrêtant parfois pour laisser passer des piétons malgré les klaxons des véhicules, impatients et égoïstes, qui nous suivaient de près. Aussi, il respectait les passagers en s’adressant à eux convenablement et gentiment lors de leur arrivée à destination.

Je détournais mon regard et je fixais maintenant la route devant moi, me rappelant qu’il est impoli de fixer un supérieur et de le dévisager surtout si c’est un vieillard. J’arrangeais ma position puis je sortais mes écouteurs de mon sac. Pendant que les chansons de ‘’The Weeknd’’ me berçaient, j’imaginais déjà les vacances, tout en méditant sur le lieu où j’aimerais aller cette année. Quelques chansons s’écoulèrent ainsi et je m’apercevais que j’arrivais à ma destination. Le taxi s’arrêta pour me déposer.

Je payais les frais de transport et je saisissais la poignée de la portière pour l’ouvrir. C’est alors que par la même voix douce et moins tremblante cette fois ci, le vieux chauffeur m’annonça : « C’est par derrière ». Je compris que la poignée était cassée et qu’il fallait donc l’ouvrir de l’extérieur. Ce que je fis sans tarder car il était presque 19h. Je descendis de la voiture et relevais la tête ; c’est alors que je m’aperçus de son état : ses phares étaient très faibles, presque éteins, l’un d’eux était même cassé – sans doute dû à ces nombreuses petites collisions que la voiture avait dû subir durant son existence. La carrosserie était très ancienne. C’était un de ces anciens modèles que ce vieux papi avait dû acheter dans sa jeunesse. Cette voiture ressemblait plutôt à une boîte de sardine rouillée qu’à un taxi mais son moteur tournait bien malgré son ancienneté. Et, parce que la conduite était parfaite, je n’avais pas ressenti la vétusté de ce véhicule.

Une chose est sûre ce vieux conducteur n’en était pas à ses débuts. Ce vieux papi est même un as du volant !

Il faudrait le voir pour le croire, je n’arrivais pas à réaliser que cette vieille carcasse m’avait conduit à bon port et cela sans aucun incident. En tout cas, nous devrions revoir la définition de ce qu’est la vieillesse qui, selon moi, représente la maturité d’esprit et le talent. Vieux papi me l’a prouvé ce jour-là. Et oui, je l’appelle Vieux Papi désormais, tellement il avait assuré.

Si tous les taximen de Conakry se comportaient ne serait-ce que comme la moitié de ce qu’est Vieux papi, alors les rues de cette ville deviendraient les plus sûres du monde.