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Ma première conf’

Ma première culotte, mon premier baiser, mon premier diplôme (premier d’une longue liste inutile), ma première… conférence de presse. Merci RFI*! Grâce à Mondoblog, j’ai assisté à la sacro-sainte conférence de presse du grand festival de cinéma de Berlin. Où comment une jeune blogueuse apprend que les journalistes sont, comme elle, de vrais gamins.

L’ambiance est en effet celle d’une grande cour de récré. Certes, on est là pour bosser. La Berlinale est, avec Cannes et Venise, l’un des plus grands festivals internationaux de cinéma au monde. 4200 journalistes par an en moyenne accourent des quatre coins de la planète pendant les 10 jours de cette grande fiesta dédiée au film. Caméras, appareils photos, ordinateurs portables et stylos peuplent la salle de la conférence de presse logée dans un grand bâtiment en verre, au cœur de la capitale allemande.

11h05 : je débarque, en retard de cinq minutes. Je reçois un poster, assorti d’environ 50 pages de programme sur le festival. Il y a une queue de quatre mètres devant un stand qui distribue des goodies L’Oréal et des dépliants offerts par les marques qui sponsorisent le festival. Peu émue par cet engouement bizarre des journalistes pour cette paperasse commerciale, je préfère me battre dans la file d’attente pour le café. Au passage, je pique une ou deux bouteilles d’eau gazeuse. Le type du stand « Teddy Award » (la section cinéma gay) me fait un clin d’oeil complice. Coquin!

11h15 : dans la salle de conférence, en attendant que le grand show commence, les photographes se « shootent » entre eux en faisant des grimaces. Je m’aperçois que je suis loin d’être la seule à avoir piqué des bouteilles de flotte.

11h20 : Dieter Kosslick, le célèbre directeur du festival, monte sur scène avec son équipe. Les photographes se jettent sur lui comme des mouches sur un pot de miel bio. Tenant un ours noir à la main – visiblement la nouvelle mascotte du festival édition 2011 – M. Kosslick s’exclame, bon enfant : « cette photo, on ne l’a pas encore faite! » Rigolade générale des 2000 reporters dans la salle.

11h30 : Dieter Kosslick déballe le programme alléchant des jours à venir. True Grit, le film très attendu des frères Coen, fera l’ouverture du festival (ce qui représente un grand honneur, bien sûr). Il s’agit d’un western, mais le directeur de la Berlinale affirme qu’il s’agit d’un « film de femmes ». Ah. A vérifier.

11h40 : je suis très appliquée, je prends mes petites notes sur mon carnet – normal, c’est ma première conférence de presse, les amis. Mais à côté de moi, les journalistes chevronnés, eux, font des petits signes de la main à leurs copains de la rédaction bidule et de la chaîne machin, lisent leurs mails sur leur Iphone ou gribouillent sur le dossier de presse. Je leur fais des mines outrées de première de la classe.

11h45 : une journaliste de Radio Berlin pose une question pour ses auditeurs midinettes de moins de 50 ans. « Y aura qui comme star? Et Madonna, elle vient ou pas? » Rires. Il y aura donc William Hurt, Ralph Fiennes, Kevin Spacey, Jeremy Irons, Colin Firth, Helena Bonham-Carter, Jeff Bridges, Liam Neeson, et Madonna, on ne sait pas encore. Je fronce le sourcil devant ce chapelet d’acteurs anglophones. Et la France, alors!

11h47 : Ah, si, tout de même : Sandrine Kiberlain et Hippolyte Girardot. Silence dans la salle. Personne ne les connaît, à part la petite Mondoblogueuse française que je suis.

11h50 : une autre journaliste relance sur Madonna. Je me mets à gribouiller sur mon dossier de presse. Dommage que je n’ai pas d’Iphone pour checker mes mails ou surfer sur Fessebouc. Flûte.

11h55 : Le sujet Madonna est clos. Ouf. A ma plus grande joie, je m’aperçois que pour beaucoup de journalistes, le cinéma est aussi une affaire politique. Un reporter s’enquiert de Jafar Panahi, le grand réalisateur condamné à la prison et interdit de tournage par la République islamique d’Iran. Cette année, le festival de Berlin se montre solidaire et projette ses films. « J’ai eu Jafar Panahi au téléphone », raconte Dieter Kosslick. « Il est au courant de ce que nous allons faire pour le soutenir. Mais il ne s’agit pas que de lui : cette solidarité avec Panahi doit donner de l’espoir à ses collègues cinéastes iraniens qui se trouvent aujourd’hui dans des situations terribles. C’est une véritable manifestation que nous faisons ainsi à la Berlinale », conclut le directeur du festival. Je tire mon bonnet de laine à pompon devant cette belle initiative.

12h : j’apprends que la section « Cinéma culinaire » porte le titre « Give food a chance » et lutte pour le « slow fooding », autrement dit contre la malbouffe. « Une réaction au scandale de la dioxine dans les viandes allemandes », souligne Kosslick.

12h05 : c’est plié. Grande récré pour les journalistes qui se précipitent dehors pour s’en griller une ou s’arracher les derniers programmes de la Berlinale.

12h06 : Oh joie, je reconnais une consœur de plume, une jeune blogueuse allemande. Cela me fait chaud au cœur. A la prochaine grand-messe de la Berlinale, moi aussi, j’aurai une copine dans le dos de qui je pourrai taper, avec qui je pourrai piquer des dépliants l’Oréal et faire des photos grimaçantes en attendant que Isabella Rosselini, la présidente du jury du festival, passe sur le tapis rouge. Youpi!

* Et surtout, un très grand merci à Ziad Maalouf.


Ma première conf’

Grâce à Mondoblog, j’ai assisté à la sacro-sainte conférence de presse du grand festival de cinéma de Berlin. Où comment une jeune blogueuse apprend que les journalistes sont, comme elle, de vrais gamins.


Des résistants iraniens luttent à Berlin

À Berlin, des exilés politiques iraniens organisent la résistance et luttent pour les droits de l’Homme en Iran au sein de leur association, la « Verein für Hoffnung der Zukunft e.V. » (Association pour l’espoir de l’avenir).


Jazzy Berlin

Tous les soirs de la semaine, la musique des esclaves noirs d’Amérique fait vibrer différents clubs de la capitale germanique au rythme de voix chaudes et de croupes voluptueuses : le JAZZ !


Jazzy Berlin

Capitale européenne de l’électro, Berlin est plus connue pour ses clubs et ses DJ-rois de la techno minimale comme le Berghain ou le Watergate, où l’on ondule comme un zombie sous des stroboscopes, les oreilles bombardées de basses violentes. Mais tous les soirs de la semaine, la musique des esclaves noirs d’Amérique fait vibrer différents clubs de la capitale germanique au rythme de voix chaudes et de croupes voluptueuses : le JAZZ!

Mardi soir, 22 heures. Dans un îlot de lumière plongé dans la nuit du parc Görlitzer, une voix élastique s’étire d’un octave à l’autre et fait déjà battre le cœur. La batterie s’affole et un piano s’enflamme. Soirée jam session à l’Edelweiss, un club de jazz de Berlin connu pour ses soirées chaudes.

C’est le patron du bar qui est à la batterie. Transpirant, souriant, tranquille comme un lion, il accompagne une jeune Allemande en T-shirt coulant sur l’épaule qui rejette ses cheveux en arrière en vocalisant sur Stormy Weather. Ici, l’improvisation comme les standards ont la cote. Et, contrairement au club B-Flat, dans le centre de la ville, où se presse une clientèle de quadragénaires élégants pour écouter des voix cristallines, à l’Edelweiss, les amoureux du jazz ont vingt-cinq ans et se déchaînent sur des rythmes chauds et vibrants comme la terre de la New Orleans.


Une slameuse new-yorkaise vibre sur la batterie du patron du bar

Une fille de New York se met à chalouper. Elle a un poème pour toutes les femmes: le poème de la femme africaine, en anglais. Comme un serpent, elle slame avec une sensualité et une force hypnotisante. Le public allemand – très black, très blanc, pour une fois – se tait, scié, et laisse sa bière en suspend.

Ici, les gens se parlent, s’abordent, l’amour du jazz rapproche. Parmi le public se trouvent aussi des vieux routards de la musique, cheveux longs et look très new-yorkais. Un mélange générationnel rare à Berlin. Devant la porte des toilettes, je rencontre Mamadou, alias Blow P, qui est sénégalais et a épousé une Allemande. Tous les matins, ce Musulman convaincu et détendu va à l’école apprendre la langue de Goethe, mais le soir, pour lui, c’est jam session assaisonnée de grands discours sur Dieu. Rappeur (écouter ici) installé à Berlin, il navigue entre le Sénégal et l’Allemagne. Lui aussi aime slamer sur les jam sessions berlinoises, et j’avoue, sa musique me ferait même aimer le rap, même si je ne parle pas un mot de wolof.

Le Jazz Guide Berlin vous sera très utile en cas d’envie soudaine de vibrations blues, soul, vocal ou instru. Ça change des scintillements très deutsch de l’électro minimale, et de temps à autre, ça fait du bien, non?

* Das Edelweiss, Görlitzerstraße 1-3, Haus 2, 10997 Berlin,

Tel: +49 306 10 748 58



Le tueur du quartier rôde à Berlin

Ce nouveau type humain est réputé pour briser les vies de quartier tranquilles, résidentielles et populaires en introduisant le capitalisme bobo dans la ville. Faut-il le lyncher?




Poisse, neige et chômage à Berlin

D’après la radio allemande, le nombre de chômeurs à Berlin a baissé : 10740 chômeurs de moins par rapport à novembre 2009. 10739, en réalité : car je viens d’être licenciée en toute illégalité. L’occasion de découvrir les joies de l’administration allemande.

J’ai été virée. Lundi, comme ça, sans prévenir et en toute illégalité, ma boss me convoque pour me signifier que je dois dégager sans préavis. Cela tombe bien, je ne pouvais plus voir cette folle en peinture, mais c’est toujours désagréable de se retrouver au chomdu par -5 degrés et sous une neige incessante.

« Qu’importe », me dis-je. « Cela faisait longtemps que je voulais claquer la porte ». « Je vais lui coller un avocat aux fesses, de toute façon. Et je vais gagner. » N’empêche, j’avais beau tenter de me remonter le moral : il me fallait aller à l’Arbeitsamt, l’équivalent allemand de l’Agence pour l’emploi en France, sous peine d’être hors-la-loi (et les Allemands n’ont aucune tendresse pour les hors-la-loi). Ce qui m’amène au véritable cœur de mon article. Je n’avais jamais mis les pieds à l’Arbeitsamt . Naïvement, je n’avais pas prédit que cela m’arriverait.

La neige tombant du ciel comme si le Père Noël avait décidé de vider son congélateur, les bus étaient bloqués dans toute la ville. Il me fallut attendre le mien trente minutes par un froid de canard. Puis je dus marcher lourdement dans des monceaux de neige, derrière une stupéfiante colonie de chômeurs, jusqu’à un bâtiment gris qui me rappelait étrangement l’architecture intimidante de la Gotham City des films de Batman. J’avais en tête ces photos de chômeurs américains faisant la queue après le krach boursier de 1929. Chose amusante, la radio allemande avait tonitrué ce matin pendant mon petit-déjeuner que « le nombre des demandeurs d’emploi avait considérablement baissé à Berlin ».

La poisse, la neige, et la nuit qui tombe à seize heures…

Me voilà à l’Arbeitsamt devant un comptoir tellement haut que je dois, malgré mon un mètre soixante-dix, me dresser sur la pointe des pieds pour m’adresser au fonctionnaire dans sa guérite. Dans cette position inconfortable, le demandeur d’emploi, comme on dit en langage politiquement correct, a tout bonnement l’impression d’être un nain. En équilibre sur mes orteils, prenant en main le formulaire incompréhensible que me tend le fonctionnaire, je me demande si cette architecture perverse est volontaire.

Je suis ensuite reçue par une quinquagénaire assortie de sa jeune stagiaire. La quinqua sourit bizarrement. Une fois de plus, je constate que l’architecture de son bureau en haricot ne me permet pas de me pencher vers elle, ni de m’assoir face à elle. Je suis calée de biais dans un fauteuil peu confortable, et je m’adresse à son profil. Elle, en revanche, peut pivoter dans tous les sens sur son super fauteuil de fonctionnaire, et balancer son power aux quatre points cardinaux.

Alors que, souriante, je sors tous mes papiers en bonne élève, la quinqua ne daigne pas leur jeter un oeil. Elle réclame les contrats de travail des dix dernières années. Je lui explique que dans le théâtre et le cinéma, sur dix ans, on a à peu près deux cent cinquante contrats, et que je crains que cela ne lui pose un problème, parce qu’ils sont en français. La conseillère en chomdu pivote, se penche vers moi, et avec un sourire bien tranquille en coin, me susurre :

« Ah, non. C’est vous qui avez un problème. Pas moi. »

Oh, vindiou! La méchante réplique que voilà! C’est qu’elle a oublié, la petite dame, qu’elle a une héritière de Cyrano de Bergerac devant elle, une gamine française qui a regardé trop de films de Gabin et de Pagnol, et elle va voir ce qu’elle va voir! L’envie me prend de secouer la poisse collante qui m’est tombée dessus lundi ; je rassemble mes forces, invoque Audiard et Depardieu, et me voilà rugissante :

« Écoutez ma bonne dame, on va rester polies, j’ai sué sang et eau pour une boîte allemande pendant huit mois, je me suis fait licencier illégalement après avoir payé des impôts plus gros que mon salaire pour l’Allemagne, et tout ça, en plus, sans baguette ni saucisson! Votre boulot, c’est de conseiller les chômeurs, et en réalité vous passez votre temps à pivoter sur votre foutue chaise en essayant de décourager les honnêtes citoyens, alors excusez-moi, madame, mais moi, je me demande comment le nombre des chômeurs a bien pu baisser à Berlin en novembre 2010. »

(Tout ça avec l’accent français et une grammaire allemande douteuse). Le silence se fait dans le grand bureau open-space de l’agence pour l’emploi. Tout le monde nous regarde bouche bée. La stagiaire et la quinquagénaire sont pétrifiées. Finalement, la conseillère prend timidement une de mes feuilles de salaire. Son regard change. D’une voix douce, elle me demande de réunir les papiers manquants français, de me présenter la semaine d’après, et m’explique la marche à suivre. Changement de ton inopiné.

Elle me rend ma feuille de salaire et je me lève pour partir. C’est alors que je comprends ce qui l’a intimidée. Ce n’est pas mon speech à la Depardieu, hélas. Non : elle est tombée sur l’unique feuille de salaire portant un très gros chiffre, le bulletin de paie d’un boulot d’actrice bien payé pour la télé. Le seul moment de l’année où j’ai gagné de quoi combler mon découvert à la banque, en somme. Cette petite dame a cru que j’étais une actrice célèbre, ou importante, que sais-je. Voilà d’où venait sa honte.


Je repars, hautaine, mauvaise, en manque terrible de saucisson et de baguette, et maudissant la neige.



Premières neiges à Berlin

Ce matin, à huit heures, Berlin s’est mis à tricoter son manteau d’hiver. C’est parti pour quatre mois de nuit (elle tombe à 16 heures), de neige (elle tombe sans fin), de froid et de glace. Et, comme la municipalité ne déblaie pas les trottoirs, à vous les glissades et autres fractures du tibia.

L’hiver dernier fut si rude, que personne ici ne s’en est remis. Un de mes amis français, installé dans la capitale allemande depuis trois ans, a même plié bagages pour rentrer à Paris. Et dire que les Marseillais se plaignent du temps de chien parisien!

Moi aussi, cette année, j’ai failli craquer.

Et puis non.

On caille sévère, croyez-moi. Chacun y va de sa technique : papier journal appliqué entre le manteau et le pull en laine, deux Damarts l’un sur l’autre, une paire de gants en laine sous une paire de gants en cuir, un bonnet en angora sous une capuche imperméable… Ma favorite : la superposition de collants en nylon – ce qui permet aux demoiselles de se promener en minijupe par un temps effroyable, et de s’attirer les regards admiratifs des passants.

Vue enneigée depuis ma fenêtre.

Mais Berlin, même par -15 degrés, reste tout simplement passionnante. En deux mois, je vais tourner trois films courts, grâce à l’énergie formidable qui agite les artistes d’ici, toujours prêts à vous filer un coup de main. En l’espace de quelques jours, je vais bientôt rencontrer deux de mes icônes du cinéma, les réalisateurs respectivement allemand et italien Wim Wenders et Nanni Moretti – en chair et en os. Dans quelques heures, je pars rencontrer des activistes iraniens en exil, qui militent pour les droits des femmes. Et ma copine Suzy, une sensuelle chef italo-américaine installée à Berlin, m’a promis de vous montrer ses secrets de cuisine. J’ai dans mon escarcelle tout un tas d’interviews qu’il faut que je vous livre sous peu.

Tout cela ne me serait jamais arrivé à Paris. C’est inexplicable, mais c’est ainsi.
Ça vaut bien le coup de se geler le bout du nez et de disparaître sous trois couches de laine.
Une petite pensée pour mes compagnons africains de Mondoblog, qui bloguent au soleil!



A Paris, l’amour ne fait plus recette

Dernièrement, j’ai passé une journée à Paris. A peine débarquée de l’avion, l’angoisse des embouteillages m’a saisie; j’avais peu de temps et je savais que cette ville vous le mange goulûment. Puis le métro me sauta à la gorge comme un chien enragé, une bête agitée de milliers de corps survoltés courant dans les couloirs et se battant pour une place assise dans les wagons.

Bousculée par mes concitoyens, je m’aperçois que j’ai perdu le rythme parisien, je ne sais plus résister à la vague de stress qui sévit plusieurs fois par jour dans le métro, je me laisse rouler comme un galet dans l’écume jusqu’à ce que les contrôleurs m’arrêtent, regardent mon ticket, sans être vraiment encore lassés de leur profession un peu triste.A la sortie du métro, les gros titres du kiosque à journaux me giflent. Grèves, retraites et Sarkozy, une France qui fronce les sourcils en se regardant le nombril, avec une souffrance croissante. Les devantures des magasins rayonnent de luxe et de fierté française, cuirs et textiles, macarons et thés de traditions ; les façades haussmanniennes laissent deviner des appartements gorgés de richesse, mais au pied des immeubles les clochards tendent toujours la main, et les wagons des RER sont plus pleins que jamais d’une classe moyenne reléguée à la périphérie et condamnée à travailler pour tout juste payer son loyer.

J’avais oublié. Cela faisait huit mois que je n’étais pas revenue. Berlin et ses rues calmes et pauvres m’apparaissent comme le paradis perdu ; dans la capitale allemande les inégalités ne sont pas si grandes. Je n’ai qu’une hâte : fuir à nouveau ma patrie que j’ai pourtant tant aimée.

Quelle direction prendre? La jeune génération parisienne est paumée.

Puisque ce blog s’intéresse à ma génération, j’en viens à ce qui fait l’objet de mon article. C’est dans le métro que j’ai relevé cette phrase terrible, entendue dans la bouche d’une jeune femme qui ne devait pas avoir plus de 25 ans. Elle voyageait avec une amie et parlait passionnément. Je n’y prêtais pas attention, jusqu’à ce qu’elle lance haut et fort :

« Je ne sais même pas comment on peut songer à se marier quand on n’a pas de situation. »

Je levais les yeux sur elle : une jeune fille normale, type diplômée de marketing, de droit ou de sciences sociales ou de n’importe quoi d’autre, une banale ex-étudiante, sans doute en stage quelque part dans une entreprise qui lui accorde 400 euros par mois pour vivre. Une fille comme moi il y a quelques années. Et son amie de rétorquer :

– Mais c’est parce que sa soeur vient de se marier, alors elle veut faire pareil…

– Oui, mais sa sœur est dentiste et elle a son cabinet, et son copain avait aussi une situation.

J’étais complètement ébranlée. L’idée de l’amour n’a pas semblé effleurer ces deux femmes de 25 ans. La perspective de s’unir officiellement n’est pour elles chargée d’aucun symbole romantique ou religieux. Le mariage serait donc, à leurs yeux, un contrat passé entre deux personnes capables de payer le loyer et les couches du futur bébé. Rien de plus.

Paris, la ville de l’amour? Roméo et Juliette n’auraient même pas pu s’y rencontrer. Écrasés dans des wagons de RER blindés, ils se seraient asphyxiés s’ils avaient tenté de s’embrasser. Cette cité trop dure ne permettrait-elle plus à la romance de s’épanouir dans le coeur des Parisiens? Je suis triste pour ma génération. Qui sauvera Paris, si les jeunes ne s’emparent pas de leur cité pour la rendre plus belle, plus vivante et plus libre ? En un mot, qui est encore assez amoureux de Paris pour oser la changer ?




La filmArche, une école de cinéma autogérée à Berlin

Une école sans prof : rêve ou cauchemar?

En Allemagne, à la FilmArche de Berlin, la première et unique école de cinéma autogérée d’Europe, les élèves sont les profs et les profs les élèves. Et (vous pouvez me croire, car j’y suis moi-même étudiante), cela ne marche pas si mal du tout…

Dans la classe de scénario, par exemple, Katharina, une élève de la promotion 2007, explique la structure narrative en trois actes en s’appuyant sur des exemples des théoriciens américains Robert McKee et Linda Seger, et démontre son propos en passant des extraits de films noirs des années 1940.

Martin, Rafael et Wolf en exercice de tournage

Pendant ce temps, les étudiants en montage doivent réaliser un exercice de tournage en extérieur avec la classe de caméra. Pour l’occasion, Marlene, Wolf, Rafael et Martin ont imaginé une scène de duel sur un pont de Berlin, dans laquelle deux hommes s’affrontent à la manière d’un western… pour une tasse de café.

Tout se décide collectivement : ça ne sert à rien de se mettre à quatre sur le storyboard, remarque Martin. Wolf propose alors de partir en repérage (pour trouver le lieu de tournage) avec lui, pendant que Marlene et Rafael dessinent ensemble l’ordre des scènes à tourner.

Marlene au storyboard

Ce qui est génial dans une école autogérée, me raconte Marlene, une Allemande de 20 ans, c’est que tu apprends exactement ce que tu veux, on ne t’impose rien. De toute façon, c’est comme ça que marchent les métiers du cinéma. Après l’école, tu dois te débrouiller tout seul et être indépendant.

Surtout lorsque tu fais des films à petit budget, comme presque tous les jeunes cinéastes, souligne Wolf, un Américain de 28 ans. Il faut apprendre à t’organiser. Je pense que l’autogestion fait vraiment partie de la mentalité allemande. Cette école sans profs ne serait pas possible aux États-Unis. C’est aussi quelque chose de très… à gauche, dit-il en souriant.

Pour Susanne Dziek, 42 ans, chef opérateur (camerawoman) et membre du bureau d’administration de l’école, la FilmArche n’est cependant pas un projet politique. Même si l’autogestion est un produit de la politique des années 1970-1980, période pendant laquelle les alternatives étaient nombreuses, la FilmArche est uniquement un projet pratique, affirme-t-elle.

Susanne Dziek

Chaque année, la FilmArche accueille une promotion de 50 à 60 élèves, qui ont environ entre 20 et 43 ans. Les horaires des cours sont relativement flexibles, pour permettre aux étudiants de travailler à côté. En effet, nombreux sont ceux qui travaillent déjà dans le cinéma ou la télévision, et viennent ici approfondir leurs connaissances ou explorer une autre façon de travailler. Les autres ont des souvent des jobs alimentaires.

La FilmArche fut fondée en 2003 par un groupe de gens de cinéma avides d’apprendre et de transmettre leurs connaissances d’une manière différente, allant à l’encontre d’une attitude « consommatrice » du savoir, style je paie donc je prends. Cette liberté, notre école de cinéma autogérée la paie au prix de la pauvreté.

Nous sommes les Cosette de l’école de cinéma, raconte Susanne Dziek. L’école n’est pas financée par l’Etat. C’est un choix. Une reconnaissance de l’école par l’Etat nous permettrait d’obtenir des subventions, mais cela nous enlèverait toute notre liberté de décision. Alors, on se finance avec le coût des études. Chaque élève doit en effet payer 50 petits euros par mois, qui doivent financer tout ce qui se fait ici.

Pauvre mais audacieuse, telle est l’école de cinéma autogérée de Berlin. Le manque de moyens ne l’empêche pas de voir loin, comme le prouve la coopération de la FilmArche avec LN International, une école de cinéma du Cameroun. Chaque année, cinq à six élèves camerounais viennent filmer un documentaire et des courts-métrages à Berlin et prendre quelques cours à la FilmArche. Un nombre équivalent d’étudiants de Berlin se rendent ensuite à leur tour au Cameroun.

No budget, no bullshit : la philosophie de la FilmArche

Je demande à Susanne si elle voit une tendance se profiler chez les jeunes cinéastes de ma génération. Elle sourit en coin. Très middle-classe, très quotidien, très « chagrin d’amour », répond-elle. J’aimerais que votre génération ait le courage de filmer des milieux dont ils ne sont pas issus. Ici, je souhaite que l’on fasse des films formidables, engagés et courageux!

P.S. : Les élèves de la FilmArche ont eux-même réalisés un documentaire sur l’école pour la chaîne de télévision franco-allemande ARTE. Un reportage à découvrir en cliquant ici.